[16 janvier 1598] Un peu d'air frais pour libérer l'esprit

La matinée avait été forte en émotion, l’épreuve de l’auscultation éprouvante. Lavinia souhaitait avant tout se vider la tête et penser à des choses plus apaisantes. Elle était rentrée dans sa demeure pour y faire un tour rapide, histoire de s’assurer que tout fonctionnait bien dans sa demeure. En réalité, cela n’était pas vraiment nécessaire, Ingrid gérait ses gens à la perfection, mais elle voulait trouver une occupation.

me en peine qui déambulait sans but dans les couloirs, c’est lorsqu’elle entra dans la cuisine qu’elle trouva enfin ce qu’elle cherchait inconsciemment ou non. Ingrid s'agitait autour d’un panier vide tout en donnant des ordres aux demoiselles autour d’elle toute penaude.

—  Que se passe-t-il ?

L’intervention de Lavinia surpris quelques instants Ingrid. Il était plutôt rare que la Dame s’aventure en cuisine à cette heure-ci.

— La préposée aux achats pour le repas de ce soir n’est pas aller s'acquitter de sa tâche en temps et en heure. Nous organisons notre emploi du temps pour pallier cette maladresse. Rien de grave, Madame.

Lavinia venait de trouver de quoi occuper une partie de son après-midi. Sous le regard étonné d’Ingrid, elle s’empara du panier vide et l’informa qu’elle s’occupait de cette tâche. Ingrid n’essaya même pas de la contredire, au contraire. C’est ainsi que la jeune femme se fit conduire en ville.

C’était la première fois que ses souliers parcouraient les pavés d’un air si serein. Elle prit le temps de découvrir chaque étale et d’observer la foule animée. Une fois les repérages effectués, elle commença ses emplettes dans un gaieté non feinte. L’essentiel étant désormais dans son panier, elle s’accorda  quelques minutes d’égarement. Elle s’éloigna de quelques mètre du marché pour parcourir les vitrines aux alentours, là où la foule était plus éparse et moins bruyante. Dans le reflet d’une vitre, elle crut reconnaître une silhouette familière. Sans prendre la peine de réfléchir, elle agrippa ses jupons et se lança à la poursuite de son amie.

—  Attendez, moi !

En entendant sonner les quatorze heures, Eléonore n’avait plus su se tenir. Fallait-il que les jours s’écoulent si lentement et qu’il lui en reste un entier avant de retrouver son merveilleux phénix ?

Elle était alors sortie, vers le marché. Elle avait encore des préparatifs à faire. Une demande qu’elle n’osait pas faire mais qui était pourtant essentielle à ce que son mensonge tienne sur la durée. Il n’aurait pas fallu qu’une question malheureuse la perde !

L’ennui, c’était bien qu’elle rechignait à mêler d’autres à ses histoires. Avant, il n’y avait qu’Ariste et Gabriel à qui elle se fiait, et c’était largement assez. Oh, mais à l’époque, elle défendait une sécurité bien plus importante que la sienne.

Eléonore déambulait dans les rues. Il fallait… Il fallait qu’elle aille voir Lavinia et qu’elle lui demande ce service. Mais elle ne pouvait pas décemment la réquisitionner… Pas spécialement par manque de confiance, mais surtout parce qu’elle ne voulait pas lui compliquer la vie davantage. D’où aurait-elle tenu le droit de lui demander cette assistance ?

Par une facétie du destin, ce fut justement la voix de Lavinia qui retentit dans ses oreilles tandis que la jeune femme était sur le point de décrêter qu’elle se débrouillerait seule.

Elle se retourna, surprise. Non, elle n’avait pas rêvé. Son amie était bel et bien là. Elle sourit. Elle s’en voulait encore pour la dernière fois, où elle l’avait davantage affligée que soutenue - incapable qu’elle était. Mais ce n’était qu’une bonne raison d’essayer de la contaminer avec son bonheur et de la distraire de ses mauvaises idées, d’autant que Lavinia semblait elle aussi mieux se porter.

— Lavinia ! Quelle surprise ! Et moi qui devait justement vous parler !

Oh, mais quelle impolie elle faisait !

— Comment vous portez-vous ? Comment cela...

Non, ce n’était pas l’endroit pour lui poser une telle question. Et puis, mais quelle idiote, et si cela s’était mal passé et qu’elle la replongeait dans ses tourments ?

— Vous faisiez vous-même votre marché ? s’enquit Eléonore en repérant le panier.

Une fois Éléonore interpellée, Lavinia s’empressa de la rejoindre en tâchant de ne pas trop s’imposer. Connaissant la nature peu friande de la foule de son amie, elle ne voulait pas lui imposer une situation qui la ferait sentir mal à l’aise. Fort heureusement, la jeune femme ne semblait pas lui en tenir rigueur et, au contraire, engagea la conversation avec enthousiasme.

— Je vais beaucoup mieux, merci. Et vous, vous avez l’air d’être en pleine forme et d'humeur téméraire. Que faites vous donc ici si ce n’est pas pour profiter des commerçants ?

Lavinia se reprit presque aussitôt, quelle mouche l’avait piqué pour se montrer aussi indiscrète ?

— Ooh ! Veuillez m’excuser, je vous retiens peut-être alors qu’une entreprise vous attend. Je ne voudrais pas m’imposer et déranger votre emploi du temps.

En attendant qu’Éléonore lui confirme qu’elle n’avait pas le temps pour lui accorder quelques pas dans les ruelles de la ville, Lavinia repositionna son panier. Il était plein à craquer, au final elle s’était laissé emporté et, à coup sûr, Ingrid lui ferait des remontrances pour avoir céder à certaines envies qui encombraient la cuisine. Mais au fond d’elle même, elle s’en fichait. Ce petit moment d'évasion lui avait été plaisant.
Contre toute attente, Éléonore ne prit pas congé, elle l’interrogea même sur ce spectacle étrange généralement attribué aux domestiques.

— J’avais besoin de me changer les idées et j’ai proposé mon aide pour faire les emplettes de produits frais. Ce n’est pas courant, je vous l’accorde, mais cela a le mérite de me faire apprécier les petites choses simples de la vie.

D’un petit signe de tête, elle proposa à son amie de faire quelques pas en sa compagnie.

— Je tenais à vous remercier. Après tous.. ces évènements, notre conversation dans les jardins de Fromart m’a grandement aidé à y voir plus clair. Je me suis confiée à plus de gens que je ne l'aurais passé et accepté l’aide que je refusais depuis si longtemps. J’ai décidé de m’occuper sérieusement de ce qui ne va pas chez moi, ce que j’aimerais appeler “mon passé” pour envisager un futur serein.

Lavinia marqua une pause dans son discours. Les mots avaient du mal à sortir, en réalité chaque syllabe peinait à se frayer un chemin dans sa gorge, mais chaque phrase prononcée à voix haute la faisait se sentir plus légère. Elle devait se débarrasser ainsi, petit à petit, de tout ce qui l'entraînait vers le fond; si elle voulait reprendre les rênes de sa vie.

— Tout cela pour dire que je vous en serais éternellement reconnaissante donc si je peux un jour faire quoi que ce soit pour vous n’hésitez pas. C’était déjà le cas avant en tant qu’amie, mais ça l’est encore plus. Enfin… je ne sais pas si ce que je dis est très clair.

Elle ne s’était peut-être pas exprimée de la manière la plus concise ou formelle qu’il soit, mais le résultat était là. Le sourire chaleureux qu’elle offrit à son amie était des plus sincères. Et le plus important, il était l’un des premiers à lui être venu naturellement sans avoir été forcée par l’éthique ou la bienséance.

Eléonore fut heureuse d’apprendre que son ami se portait mieux. Elle demeura un instant interdite. Que faisait-elle ici, au juste ? Il n’y avait franchement rien à répondre : elle travaillait seulement à rester une luciole. Allez expliquer cela à quelqu’un de relativement sain d’esprit. Mais précisément, faire croire à Lavinia qu’elle avait raison et qu’elle la dérangeait réellement n’eut pu que miner le moral de tout le monde

— Vous ne me dérangez pas, bien au contraire. C’est agréable de voir que vous allez mieux.

De voir qu’elle n’avait pas trop aggravé la situation. De voir… De voir qu’elle pouvait vraiment ne pas être néfaste, si difficile que ce fut à croire.

— Oh, mais vous n’avez pas à vous en défendre ! tenta de la rassurer Eléonore. Courante ou non, c’est bien une activité comme une autre.

Et elle aurait été fort hypocrite de la lui reprocher, elle qui ne faisait jamais ce qu’il fallait. Pourvu que Lavinia ne l’interprète pas comme un jugement. Ce n’était vraiment pas ce que la jeune femme avait recherché.

Elle acquiesça, et emboîta le pas à Lavinia qui désirait manifestement lui parler. La remercier. C’était étrange, mais Bérénice avait raison : elle ne devait pas contester. Ils savaient mieux qu’elle, tous autant qu’ils étaient. Elle ne devait pas contredire Lavinia et affirmer qu’elle n’avait causé que des catastrophes, même si elle le craignait toujours.

Mais c’était agréable que Lavinia semble se rendre compte que ce n’était pas son cas. Elle semblait aller mieux. Ou du moins était-elle dans un bon jour. Seulement… Eléonore redoutait que son amie ne se reproche encore “ce qui n’allait pas chez elle”. Oh, elle ne la prétendait exempte de défauts, bien sûr, mais c’eut été injuste de la citer comme responsable de tout son malheur. Véritablement injuste.

Oh, Eléonore fut bien tentée de lui dire qu’elle n’avait pas besoin de reconnaissance. Mais, au fond, cela faisait du bien de se dire qu’elle avait peut-être pu contribuer à la soutenir un petit peu. Du bien de se dire qu’on parvenait peut-être à la rendre moins inutile.

Elle hésita. Et si… Et si sa requête permettait aussi à Lavinia de se sentir utile ? A moins qu’elle ne se le laisse croire que par pur égoïsme ?

— Je… Je suis heureuse d’avoir pu vous apporter ce soutien, répondit Eléonore, un brin émue, en luttant contre les formules d’atténuation qu’elle aurait voulu ajouter. Et surtout que vous ayez l’air de retrouver le moral.

Elle rendit son sourire à son amie. Oui, sincèrement. Elle doutait d’y être pour quelque chose - de positif, en tout cas - mais elle devait lui faire confiance. Il fallait, au moins tenter de s’en convaincre un petit temps, même si c’était absurde. C’était le mieux qu’elle pouvait faire.

Eléonore baissa la voix sur sa phrase suivante :

— En réalité, j’aurais bien besoin d’un service, admit-elle. Mais peut-être devrions nous en discuter ailleurs.

Lavinia se plaisait à se balader dans les rues auprès de son amie. Elle n’aurait jamais pensé que prendre l’air ainsi en réalisant des tâches banales pouvait autant lui faire du bien. L’espace d’un instant, un pincement au cœur vint assombrir son humeur. Combien de temps s’était-elle laissée emporter dans ses sombres pensées ? Elle avait emporté dans son malheur tant de proches. Lavinia était bien déterminée à remettre son projet sur les rails et surtout prendre soin de ses amis.

Éléonore sembla heureuse de la revoir ainsi, apaisée et surtout de bonne humeur. Cette Lavinia, lui avait manqué à elle aussi. Quelque chose dans la voix de son amie l’interpella. Une hésitation, une certaine retenue. Elle devinait que la jeune femme hésiter à la questionner ou aborder un sujet quelconque. Cependant Éléonore lui sourit et cela lui réchauffa le cœur. Alors elle attendit, elle ne savait que trop bien qu’il n’était pas idéal de forcer quelqu’un à se confesser tant qu’il n’était pas prêt.

— En réalité, j’aurais bien besoin d’un service, admit-elle. Mais peut-être devrions nous en discuter ailleurs.

Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Son amie avait besoin de son aide, elle avait assez confiance en elle pour lui demander un service. Lavinia était heureuse de pouvoir enfin servir à autrui. Elle s’empressa de répondre pour ne pas laisser penser qu’elle hésitait.

— Je serais ravie de vous apporter mon aide.

Si l’affaire était importante, Éléonore avait bien raison de ne pas aborder le sujet en pleine rue. Il était légitime de vouloir se rendre dans un lieu, à l'abri des oreilles indiscrètes. Oui mais, où aller ?

— Évidement, trouvons un lieu plus approprié. Avez-vous un lieu précis en tête ? Je n’ai aucune obligation à honore, donc je vous suivrais où vous voulez.

Lavinia semblait disposée à l’aider. Même enthousiaste à cette idée ! Mais Eléonore se trouvait face à un petit problème : elle ne pouvait pas traiter de cette question en pleine rue, avec tant d’oreilles autour !

A vrai dire, elle n’avait aucune idée d’où aller. Il suffisait sans doute de s’éloigner encore des zones d’affluences. Elle avisa le panier de Lavinia :

— J’avoue que je ne m’étais pas posé la question mais… Si vous avez terminé vous achats, peut-être pourrions-nous nous en retourner vers votre coche.

Il était peu probable qu’elle soit venue de chez elle à pied, et connaissant son peu d’affinités pour les équidés, elle la voyait très mal monter seule jusqu’ici. S'il était assez loin, elles auraient le temps de discuter et le cas échéant... Vu l'heure, elle avait tout à fait le temps de l'accompagner où elle voudrait. Après tout, elle était également là pour prendre de ses nouvelles.

Lavinia oppina à la suggestion de son amie et l’invita à la suivre. Pour une fois Gérald ne s’était pas stationné très loin. En réalité, depuis sa petite “aventure” dans la neige, il ne s’éloignait plus autant. Elle devait s’y habituer, elle devait faire ses preuves pour que son entourage cesse de la voir comme une personne fragile qui n’arrive pas à passer outre ses démons intérieurs.

— Gérald n’est pas très loin.

Plus que quelques pas et les deux jeunes femmes purent apercevoir le coche qui patientait à l’écart de la foule. Gérald s’avança vers elles, salua Éléonore et s’empressa de prendre le panier de provisions des mains de Lavinia.

— Père veut que je me déplace toujours accompagné. J’avoue que cela me dérange beaucoup. Être constamment suivi de la sorte, j’ai l’impression d’étouffer. Fort heureusement, Gérald ne peut résister bien longtemps à mes caprices et accepte de me donner quelques petits instants comme celui-ci.

Elle ne savait pas pourquoi elle se sentait obligée de se confier de la sorte. Éléonore devait en avoir cure ou bien se sentir mal à l’aise. Toutefois, exprimer son ressenti à voix haute lui permettait de ne pas garder tout pour elle et de ruminer cela en boucle.
Lavinia fit signe à Éléonore de s’installer et elle y fut aidée par Gérald.  

— Voulez-vous que nous nous rendions à un endroit en particulier ou bien Gérald se contente de faire le tour de la ville ?

Lavinia soumit les instructions à leur chauffeur et se replaça confortablement dans son siège. La voiture se mit en branle et une fois la vitesse constante atteint, la jeune femme se permit de relancer son amie sur leur discussion.

— Dîtes-moi tout, Éléonore. Comment puis-je vous aider ?

La voiture de Lavinia n'était pas très loin, alors elles la rejoignirent. Répondant d'un acquiescement aux salutations du cocher, Éléonore compatissait à la surveillance exercée sur son amie. Le propre des femmes de leur milieu, voilà tout. Et toutes s'y confirmaient sans faire d'histoires. Parce qu'il y avait des raisons à cela. Elle n'aurait jamais pensé qu'Ariste avait eu tort de l'encourager à vivre autrement. Ariste n'avait jamais tort. C'était seulement elle qui n'était plus capable de l'assumer sans lui. 

— Vous avez de la chance qu'il vous les accorde, fit-elle remarquer. 

Mais Éléonore aussi aurait dû s'estimer chanceuse de pouvoir sortir ainsi. Même si cela ne relevait que d'une faille de surveillance et d'un abus de confiance. S'il n'avait pas été si essentiel de retrouver Coldris, elle aurait certainement voulu se faire repérer. Pour que les choses soient mises à plat. Pour rendre la justice sur tous les privilèges qu'elle avait passé sa vie à s'octroyer. Elle ne savait pas si elle préférait que son oncle le sache avant qu'elle ne meurt - lui qui, pour tous ses efforts, aurait mérité son honnêteté - ou s'il valait mieux qu'il pense à jamais avoir réussi à élever une fille sage, bien comme il fallait quoiqu'un peu trop fragile pour le monde. Aucune solution ne convenait. Ou plutôt, elle avait déjà perdu la seule bonne option : celle d'avoir été exemplaire pour ne rien devoir cacher. 

— Faites comme vous voudrez, je ne dois aller nulle part, répondit-elle, un peu distraite par ses pernicieuses pensées. 

Et dire que cette fois, elle commettrait une faute plus lourde que toutes les autres. Elle n'y répugnait même pas. Elle le désirait vraiment… Comment pouvait-on être suffisamment méprisable pour agir de la sorte ? 

— En réalité, ce que j'ai à vous demander est assez simple dans sa réalisation. Il vous suffira d'expédier de chez vous une lettre demain soir. Chez moi, adressée à ma gouvernante.

Ce papier-là, elle l'avait déjà rédigé une fois. Puis elle s'était ravisée et l'avait jeté au feu. 

— J'ai appris que vous seriez aussi à Fromart demain matin, je vous le remettrai à ce moment-là. Aussi, je vous demanderais, si vous veniez chez moi ou si on vous le demandait, de prétendre que j'ai effectivement passé cette nuit chez vous. Je m'occuperai du reste. Accepteriez-vous ?

Ce plan-là était atrocement bancal comparé à ses méthodes habituelles. À croire qu'elle avait envie de s'auto-saboter. Elle y voyait tant de failles… Trop d'éléments s'appuyant sur des fondations instables - comme partir du principe qu'Eltinne ne ferait pas preuve d'une méfiance démesurée. Si la vie d'Ariste avait été en jeu, elle n'aurait jamais toléré un stratagème aussi amateuriste. Mais à vrai dire, elle s'en fichait pas mal. Le risque en aurait valu la peine.

Sans demander plus d’explication, Lavinia demanda à Gérald de faire le tour de la ville au gré de ses envies. Si Éléonore ne souhaitait se rendre nulle part, c’est que seul la discrétion de l’intérieur du coche l’importait et non la destination à atteindre.  

Lavinia écouta attentivement le requête de son amie qui se révéla, au final, n’être qu’un envoi de courrier. Pourquoi se mettait-elle dans un état pareil pour une chose aussi anodine ? Le contenu de cette fameuse lettre, à ne pas en douter. Qu’importe, Lavinia n’avait pas à connaître les tenants et aboutissants de l’affaire, en bonne amie, elle s'exécutera même à l’aveugle.

— Il n’y a aucun souci. Est-ce un courrier que je dois rédiger ou bien avez-vous un pli à me remettre ? Dois-je donner une instruction particulière quant à l'heure de dépose ?

Il était évident qu'elle ne négligerait aucun détail et qu’elle n’irait point se reposer sans qu’on lui ai fait un rapport détaillé de cette remise de courrier. Il n’y avait aucun doute sur l’identité de la personne qu’elle missionnerait pour cette tâche.

— C’est Gérald lui-même qui s'acquittera de cette tâche. Vous pouvez être rassurée, cela sera fait en temps et en heure.

Éléonore lui rappela la matinée programmée le lendemain à Fromart et par la même occasion répondit à sa question sur l’autrice du message. La demande qui s’en suivit la surprit quelque peu, mais son amie devait avoir ses raisons.

— Vous avez passé la nuit chez moi, c’est noté, il n’y a aucun problème avec cela.

Lavinia se saisit des mains de son amie et la rassura d’un sourire chaleureux.

— Ma chère Éléonore, il est évident que j’accepte ! Vous n’avez pas besoin de me poser la question.  

Puisque Lavinia semblait disposée à l’aider, Eléonore lui dévoila son plan. Lavinia la questionna sur les détails.

— Plutôt en début de soirée, si possible, répondit-elle à propos de l’heure.

Lavinia lui assurait que ce serait fait, elle avait décidé de lui faire confiance. Il fallait que cela fonctionne, de toute façon, il n’y avait pas le choix. Elle enchaina sur les autres paramètres que son amie devait connaître, celle-ci semblait approuver, mais elle lui demanda quand même confirmation une fois ses instructions données.

Fort heureusement, elle accepta. Et avec un enthousiasme qui faisait plaisir à voir. Non, elle n’abusait pas de sa sympathie, elle l’aidait à se sentir utile et Dieu savait combien c’était chose importante. C’était curieux : auparavant, elle n’avait jamais impliqué directement quelqu’un dans ses plans. Bien trop risqué. Mais auparavant, elle pouvait compter sur Ariste et Gabriel. Aujourd’hui…

— Je vous remercie, Lavinia. Sincèrement. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous...

Enfin, si, elle savait : si elle n’avait pas trouvé d’autre solution, elle y serait allée tout de même. Et aurait assumé ensuite. De toute façon, il y avait une chance sur deux pour que cette nuit signe la fin de leur relation et dans ce cas, elle n’aurait probablement pas eu besoin de vivre plus longtemps. Ou bien… Ou bien aurait-elle annulé, en fait, elle n’était pas bien sûre.

Mais elle ne parlait que d’elle, et ce n’était pas le plus important. Elle avait des nouvelles à prendre, c’était important !

— Je suis peut-être indiscrète mais… Vous étiez soucieuse quant à la visite d’une certaine personne la dernière fois que nous nous sommes vues… Cela s’est-il bien passé ?