[27 décembre 1597] Goûter de l'amitié

Leyria détestait ces après-midis comme celui-ci. En effet, Thaecia de Phietom, sa mère avait encore une fois prit le plaisir d'organiser un goûter où plusieurs dames nobles étaient invitées à y prendre part. Au fond, elle s'en servait pour essayer tant bien que mal d'améliorer l'image que renvoyait sa fille à la Cour. Pour être honnête, la concernée se fichait bien de ce que pouvait penser les autres d'elle. De toute manière quoiqu'elle fasse, certaines personnes chercheront toujours à trouver le mal dans ses actions et à lui donner des noms d'oiseaux.

Mais bon... Contrairement à Leyria, la marquise gardait espoir et tenait à ce que sa fille soit présentable. Donc elle pouvait oublier tout ce qui était tenue légère ou même pantalons. Pour laisser place à une robe bien trop pesante et gênante à porter à son goût. Pour couronner le tout ? On lui avait imposer de porter un corset. Alors autant dire que la jeune femme ne cessait de serrer les dents depuis ce matin...

Les invités arrivèrent petit à petit et furent conduits par des valets afin de se rendre dans un grand salon où une table fut dressée et présentait des petits fours ainsi que des tasses de thé. La maîtresse des lieux salua un par un ses convives et à ses côtés, son héritière fit de même.

Après que tout le monde soit arrivé et installé, les conversations commencèrent un peu dans tous les sens. Mais Leyria n'y participa à aucune d'entre elles, préférant fixer sa tasse de thé que de s'engager dans une discussion inintéressante. D'ailleurs cela n'avait l'air de gêner les invités puisque personne n'osa lui adresser la parole.

Cela faisait déjà quelques jours qu’Hector et elle étaient montés à la capitale. Ces premiers jours avaient toutefois été riches de rencontre, avec Victor et la jeune Jacinthe, ainsi qu’avec Irène et ses enfants. Malgré tout, l’arrivée en ville des Beaumont n’était pas passée inaperçue et quelques jours après Noël, Marie se rendait déjà à un goûté entre femmes, organisé par la marquise de Phietom. Marie était curieuse de voir comment se tenaient ces salons à la capitale. Était-ce aussi hypocrite que chez eux ? Sans doute, oui. Mais bon, elle ne pouvait pas les ignorer non plus et passer pour une femme aigrie avant la fin de la première semaine.

Arrivée dans le magnifique domaine de Phietom, Marie se laissa guider, un sourire calme aux lèvres. Elle profitait de son silence pour observer les robes et les pierreries scintillantes de ces dames. Les femmes de la capitale avaient bon goût, et parfois très orné !
Quand vint son tour, elle salua avec respect la marquise et sa fille, puis suivit le mouvement des autres vers les le buffet, où elle se servit par principe d’un petit four et d’une tasse. Peu à peu, les groupes de discussion se formèrent entre amie, à grand renfort de rires et de minauderies. Rien de différent, en effet… Tout en se promenant au milieu des frou-frous, la jeune comtesse saisissait des bribes de discussions, plus vaines les unes que les autres. Alors qu’elle s’apprêtait à prendre son mal en patience, elle remarqua la fille de la marquise et quelque chose dans son regard lui indiqua qu’elle avait le même avis qu’elle sur les mondanités en cours.
Un sourire plus sincère aux lèvres, Marie s’approcha d’elle et, quand elle fut suffisamment proche, entama la conversation l’air de rien, derrière sa tasse de thé.

« Vous non plus, Mademoiselle, vous ne trouvez pas un grand intérêt dans les passionnantes conversations de ces dames ? »

C’était un peu risqué d’entamer une conversation ainsi avec la fille de l’hôtesse mais une intuition lui disait qu’elle ne serait pas déçue.

La marquise héritière aurait pu passer des heures à contempler sa tasse de thé et les petites vagues que faisait le liquide quand elle soufflait légèrement dessus. Il en fallait peu pour l'occuper. Mais cela était plus divertissant que ce qui sortait de la bouche de toutes ses pimbêches qui essayaient de sortir du lot avec leur robe et leur bijoux mais en réalité, restaient parfaitement les mêmes.

Une voix vint la sortir de ses idées et Leyria jeta son regard vers la concernée. Ce fut la comtesse de Beaumont qui était venu l'aborder. Etait-elle si désespérée que cela pour décider d'engager la conversation avec celle qu'on appelait "la sauvageonne" ? Non. Son sourire n'était pas crispée et faux comme ceux que certaines de ces nobles lui avaient adressé à leur arrivée. Nulle besoin de lire dans leur pensée pour comprendre qu'elles ne l'appréciaient guère et la redoutaient presque. En aucun cas, elles étaient venu à cette réception pour essayer de connaître la réelle Leyria et briser cette stupide caricature que les rumeurs avaient fait d'elle. C'en était désespérant... Bref, tout cela pour dire que la comtesse ne faisait pas partie de ces femmes. Leyria sourit, amusée à sa réplique.

- Laissez moi vous dire qu'il est plaisant pour moi d'apprendre que je ne suis la seule à avoir cette opinion.

Elle l'invita à s'installer sur la chaise à ses côtés.

- De quoi souhaitez vous que nous discutions, madame de Beaumont ? - elle prit un faux air intéressée - Nous pourrions parler du fils du baron de Royto qui est en ce moment à la recherche d'une fiancée et dit-on, est plutôt charmant. A moins que vous préfériez apprendre le niveau de mauvais goût que détient la vicomtesse de Cianiel. Parraît-il qu'elle se serait rendu à une réception organisé par le marquis de Kenron dans une robe complètement démodée.

Elle n'avait plus qu'à espérer que la comtesse n'en choisisse aucun des deux. Et peut-être en proposera-t-elle une beaucoup plus intéressante ?