[le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
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[le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Alduis n’avait pas fermé l'œil de la nuit. La douleur brûlante de sa main et les voix dans sa tête - qui avaient fini par revenir, malgré la présence d’Alexandre - l’avaient maintenu éveillé toute la nuit. Elles avaient craché, hurlé, vociféré. Elles avaient planté leurs griffes dans son cœur, profondément, trop profondément. Elles l’avaient noyé, submergé, englouti.
Tourné vers le mur, les yeux grands ouverts, il s’était perdu dans la contemplation des pierres, en même temps que dans les dédales tortueux de ses pensées. Il avait été comme une petite barque, qui prenait l’eau, jetée sans attache au milieu d’une tempête. Il s’était enfoncé tellement loin dans les souvenirs que les choses avaient fini par se mélanger inextricablement.
Tout semblait réel.
Il aurait été bien incapable de dire combien de temps s’était écoulé depuis qu’il était arrivé au beau milieu de la nuit. Quelques minutes, ou bien plusieurs heures ? Il ne savait pas, il ne savait plus. Il avait avancé dans le labyrinthe, sans retenir son chemin, et maintenant, il était trop loin pour revenir tout seul.
Un bruit, rauque et puissant, déchira soudainement le silence. Alduis fit un bond dans le lit, revenant d’un coup dans l’action. Par réflexe, il se prépara à éliminer l’intrus mais… il se rendit compte qu’il n’y avait personne. Son environnement reprit forme. Un lit, dans une petite cellule. La cellule de l’église Saint-Eustache. Que faisait-il là ?
Il remit les pièces du puzzle bout à bout. D’abord l’anniversaire de son père, et puis l’église, et puis Alexandre. Ce nom fut comme un éclair de lucidité dans son esprit embrumé. Alexandre ! Où était-il ?
- Alex ? hasarda-t-il en s’asseyant et en se tournant pour regarder le reste de la petite cellule.
Pas de Alex.
Rien que le prêtre ivrogne qui ronflait dans un lit. C’était lui le grand bruit. Rassuré, Alduis se redressa, s’appuyant sur ses mains comme il l’aurait fait en temps normal. Ce qui lui tira un grand sifflement sourd, traduction de la vive douleur qui remonta jusque dans son épaule. La seconde d’après, le verre cassé lui revenait en mémoire.
Il posa les yeux sur ses mains. La droite était bandée, et les pulsations douloureuses, qui avait fini par passer en dernier plan, venaient de revenir à la charge. La gauche, elle, était traversée des coupures de ces derniers jours, et des impacts des coups de la veille.
Comme l’air frais venait chatouiller sa peau nue, il chercha sa chemise du regard. La trouva un peu plus loin. Dans une flaque de vomi. Il releva les yeux vers le prêtre qui dormait et… soupira. Pour se lever définitivement. Il se dirigea vers l’armoire qui renfermait les vêtements donnés pour les bonnes œuvres. Il avait déjà vu Alexandre piocher dedans, il ne lui en voudrait pas. Il y avait de tout, mais Alduis attrapa la première chemise blanche qu’il trouva.
Qu’il enfila. Tant bien que mal avec sa main valide. Le simple frottement du tissu sur les bandages suffisait à brûler et à le faire serrer les dents. Ses yeux se posèrent sur une feuille de papier, posée étrangement en évidence, comme si elle attendait d’être lue. En deux pas, il combla la distance et la prit. Sans la déplier. L’écriture était soignée, aérée, et il la reconnut aussitôt.
Alexandre.
Cela le ramena au premier problème. Où était-il passé ?
Comme s’il ne pouvait réfléchir et faire autre chose en même temps, il se retrouva planté au milieu de la pièce, la feuille toujours dans la main gauche. Il avait pourtant été sûr de l’avoir senti, cette nuit. Ses mains, sa voix, son odeur… Il était tellement réel. Il ne pouvait pas avoir rêvé… si ? Pourtant, il ne l’avait pas entendu partir.
Une peur sourde lui tordit soudainement l’estomac. Et les voix vinrent verser leur venin dans son esprit.
Il secoua la tête. Il avait peut-être été prié ? Après tout, c’était ce que faisait les chrétiens non ? Un peu raffermi, il quitta la petite cellule, les doigts toujours serrés autour de la feuille. Il se retrouva dans la nef, qui lui sembla encore plus grande que d’habitude.
Mais il ne vit toujours personne. Sauf une jeune femme, en train de errer entre les bancs. En hésitant à peine, Alduis fondit droit sur elle, pour s’arrêter subitement.
- Bonjour, je…
Il se rendit compte alors qu’il ne savait pas ce qu’il allait dire et en perdit ses mots. Il serra encore plus fort le mot dans sa main. Il se retrouvait là, planté devant elle, à balbutier :
- Vous n’avez pas vu, euh… un garçon… petit ? … avec des béquilles ?
Tourné vers le mur, les yeux grands ouverts, il s’était perdu dans la contemplation des pierres, en même temps que dans les dédales tortueux de ses pensées. Il avait été comme une petite barque, qui prenait l’eau, jetée sans attache au milieu d’une tempête. Il s’était enfoncé tellement loin dans les souvenirs que les choses avaient fini par se mélanger inextricablement.
Le présent,
le passé,
son imagination,
ce qui existait,
ce qui avait existé,
ce qui n’existait pas.
le passé,
son imagination,
ce qui existait,
ce qui avait existé,
ce qui n’existait pas.
Tout semblait réel.
Il aurait été bien incapable de dire combien de temps s’était écoulé depuis qu’il était arrivé au beau milieu de la nuit. Quelques minutes, ou bien plusieurs heures ? Il ne savait pas, il ne savait plus. Il avait avancé dans le labyrinthe, sans retenir son chemin, et maintenant, il était trop loin pour revenir tout seul.
Un bruit, rauque et puissant, déchira soudainement le silence. Alduis fit un bond dans le lit, revenant d’un coup dans l’action. Par réflexe, il se prépara à éliminer l’intrus mais… il se rendit compte qu’il n’y avait personne. Son environnement reprit forme. Un lit, dans une petite cellule. La cellule de l’église Saint-Eustache. Que faisait-il là ?
Il remit les pièces du puzzle bout à bout. D’abord l’anniversaire de son père, et puis l’église, et puis Alexandre. Ce nom fut comme un éclair de lucidité dans son esprit embrumé. Alexandre ! Où était-il ?
- Alex ? hasarda-t-il en s’asseyant et en se tournant pour regarder le reste de la petite cellule.
Pas de Alex.
Rien que le prêtre ivrogne qui ronflait dans un lit. C’était lui le grand bruit. Rassuré, Alduis se redressa, s’appuyant sur ses mains comme il l’aurait fait en temps normal. Ce qui lui tira un grand sifflement sourd, traduction de la vive douleur qui remonta jusque dans son épaule. La seconde d’après, le verre cassé lui revenait en mémoire.
Il posa les yeux sur ses mains. La droite était bandée, et les pulsations douloureuses, qui avait fini par passer en dernier plan, venaient de revenir à la charge. La gauche, elle, était traversée des coupures de ces derniers jours, et des impacts des coups de la veille.
Comme l’air frais venait chatouiller sa peau nue, il chercha sa chemise du regard. La trouva un peu plus loin. Dans une flaque de vomi. Il releva les yeux vers le prêtre qui dormait et… soupira. Pour se lever définitivement. Il se dirigea vers l’armoire qui renfermait les vêtements donnés pour les bonnes œuvres. Il avait déjà vu Alexandre piocher dedans, il ne lui en voudrait pas. Il y avait de tout, mais Alduis attrapa la première chemise blanche qu’il trouva.
Qu’il enfila. Tant bien que mal avec sa main valide. Le simple frottement du tissu sur les bandages suffisait à brûler et à le faire serrer les dents. Ses yeux se posèrent sur une feuille de papier, posée étrangement en évidence, comme si elle attendait d’être lue. En deux pas, il combla la distance et la prit. Sans la déplier. L’écriture était soignée, aérée, et il la reconnut aussitôt.
Alexandre.
Cela le ramena au premier problème. Où était-il passé ?
Comme s’il ne pouvait réfléchir et faire autre chose en même temps, il se retrouva planté au milieu de la pièce, la feuille toujours dans la main gauche. Il avait pourtant été sûr de l’avoir senti, cette nuit. Ses mains, sa voix, son odeur… Il était tellement réel. Il ne pouvait pas avoir rêvé… si ? Pourtant, il ne l’avait pas entendu partir.
Une peur sourde lui tordit soudainement l’estomac. Et les voix vinrent verser leur venin dans son esprit.
Il n’était pas là.
Si tu nous avais écouté, tu l’aurais su.
Pourquoi aurait-il été là au milieu de la nuit ?
Tu vois. Tu es faible.
Si tu nous avais écouté, tu l’aurais su.
Pourquoi aurait-il été là au milieu de la nuit ?
Tu vois. Tu es faible.
Il secoua la tête. Il avait peut-être été prié ? Après tout, c’était ce que faisait les chrétiens non ? Un peu raffermi, il quitta la petite cellule, les doigts toujours serrés autour de la feuille. Il se retrouva dans la nef, qui lui sembla encore plus grande que d’habitude.
Mais il ne vit toujours personne. Sauf une jeune femme, en train de errer entre les bancs. En hésitant à peine, Alduis fondit droit sur elle, pour s’arrêter subitement.
- Bonjour, je…
Il se rendit compte alors qu’il ne savait pas ce qu’il allait dire et en perdit ses mots. Il serra encore plus fort le mot dans sa main. Il se retrouvait là, planté devant elle, à balbutier :
- Vous n’avez pas vu, euh… un garçon… petit ? … avec des béquilles ?
Il n’était pas là.
Qu’est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?
Il n’y avait personne.
Qu’est-ce que tu ne comprends pas là-dedans ?
Il n’y avait personne.
Alduis de Fromart- Aristocratie
- Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020
Re : [le 10 décembre 1597] - L'amant disparu
Éléonore descendit du coche, lassée.
— Qu'on me rejoigne ici dans une heure, lança-t-elle derrière son épaule.
Les sabots claquèrent dans son dos. Une heure. Une durée lancée à tout hasard. Une nouvelle heure d'errance. Une de plus. Qu'avait-elle accompli depuis son arrivée à la capitale sinon la franche explosion de son record d'oisiveté.
Errer dans cet hôtel particulier qui lui semblait si peu familier, errer dehors, à en éreinter ses chevaux, errer à pied dans les rues comme une femme de son rang n'aurait jamais dû le faire. Ce n’était pas toujours sûr. Elle tâta le poignard dissimulé dans les plis de ses jupes, sous son lourd manteau. C'est vrai, elle avait également appris à le dégainer prestement, ces derniers jours. Elle s'y était exercée à dessein lorsqu’elle était certaine que personne ne la dérangerait. Quel intérêt y avait-il à porter une arme si elle ne savait pas s'en saisir vivement en cas de nécessité ?
Avait-elle cru un seul instant qu’elle pourrait mener ses affaires seule dans la capitale ? Idiote. Elle se rendit compte que cette histoire de mariage n’était rien qu’un prétexte inventé pour échapper au carcan de Tianidre sans vexer son oncle. Depuis le décès de son véritable héritier, le château dans lequel Éléonore avait passé son enfance avait pris des allures de prisons. Il avait perdu son charme lorsqu’Oncle Eineld avait perdu toute joie de vivre. La jeune noble elle-même s’était laissée dominer par la morosité.
Errer, le regard dans le vague, les oreilles dans le chant de la ville. Avait-elle réellement désiré sortir avant de perdre Ariste ? Elle avait toujours craint le monde. Quelle ironie que la preuve de sa cruauté fût le déclic qui poussa Éléonore à vouloir le découvrir.
La jeune femme leva les yeux vers l’Eglise qui se dressait devant elle. Même la religion n’avait jamais nécessité qu’elle quitte l’enceinte du château : elle n’avait qu’à traverser la cour pour se retrouver dans la chapelle.
Le bâtiment avait accroché le regard de la noble, inexplicablement. Il l’attirait. Peut-être, soufflait une petite voix au fond d’elle, que Dieu pourrait la ramener sur la voie. Qu’en les murs de sa maison, il lui glisserait quelques conseils avisés. Peut-être… Mais généralement, songea-t-elle, Dieu lui laissait l’opportunité de chercher elle-même la réponse.
Elle entra, hésitante. Elle avait dû se faire violence pour visiter de nouvelles places. Elle s’était sentie intruse dans chaque lieu inconnu où elle avait mis les pieds. Cela passerait, il suffisait de ne pas renoncer.
Éléonore s’avança prudemment dans la nef déserte, contrariée par l’idée que son malaise fut trop visible si jamais quelqu’un arrivait…
Elle n’eut pas l’occasion de poursuivre sa réflexion, qu’un homme apparut. Oui, apparut, ce fut précisément cela. Une seconde plus tôt, il n’y avait pas un chat. Un corps animé, surgit du néant. Le cœur de la jeune noble manqua un battement quand l’inconnu dépenaillé se mit l’interrogea.
Une approche si brutale déstabilisa Éléonore, mais elle constata bien vite que son interlocuteur était plus perdu qu’elle. Déboussolé. Alarmé. Il lui inspira d’emblée une profonde compassion.
De la compassion, non de la pitié. Sa détresse était flagrante, mais rien n’aurait pu justifier que la jeune femme lui retire l’estime qu’elle s’efforçait d’accorder à son prochain. Et certes pas une étrange cicatrice ou des mains en piteux état.
Ni pitié, ni jugement. Sans doute un peu de curiosité. Remise du choc provoqué par cette entrée fracassante, elle se posa sur la question qui semblait tant tracasser l’inconnu. Elle hésita, puis :
― Je regrette, admit-elle. Je n’ai croisé personne qui corresponde à votre description.
Elle hésita encore à lui proposer son aide. Quel baume appliquerait-elle sur sa détresse si elle le blessait dans son orgueil. Cependant, la perspective de se rendre utile l’emporta sur la réserve.
― Mais si je puis faire quoi que ce fut pour vous, ce serait avec plaisir.
Eléonore se retint de justesse de poser sa main sur l’épaule de l’individu. Décidément, elle n’avait rien retenu des manières qu’on avait pris une vie à lui enseigner. Seuls les préceptes s’étaient imprimés en son cœur. Elle inclina la tête, espérant de tout son cœur qu’on ne balayerait pas sa proposition.
— Qu'on me rejoigne ici dans une heure, lança-t-elle derrière son épaule.
Les sabots claquèrent dans son dos. Une heure. Une durée lancée à tout hasard. Une nouvelle heure d'errance. Une de plus. Qu'avait-elle accompli depuis son arrivée à la capitale sinon la franche explosion de son record d'oisiveté.
Errer dans cet hôtel particulier qui lui semblait si peu familier, errer dehors, à en éreinter ses chevaux, errer à pied dans les rues comme une femme de son rang n'aurait jamais dû le faire. Ce n’était pas toujours sûr. Elle tâta le poignard dissimulé dans les plis de ses jupes, sous son lourd manteau. C'est vrai, elle avait également appris à le dégainer prestement, ces derniers jours. Elle s'y était exercée à dessein lorsqu’elle était certaine que personne ne la dérangerait. Quel intérêt y avait-il à porter une arme si elle ne savait pas s'en saisir vivement en cas de nécessité ?
Avait-elle cru un seul instant qu’elle pourrait mener ses affaires seule dans la capitale ? Idiote. Elle se rendit compte que cette histoire de mariage n’était rien qu’un prétexte inventé pour échapper au carcan de Tianidre sans vexer son oncle. Depuis le décès de son véritable héritier, le château dans lequel Éléonore avait passé son enfance avait pris des allures de prisons. Il avait perdu son charme lorsqu’Oncle Eineld avait perdu toute joie de vivre. La jeune noble elle-même s’était laissée dominer par la morosité.
Errer, le regard dans le vague, les oreilles dans le chant de la ville. Avait-elle réellement désiré sortir avant de perdre Ariste ? Elle avait toujours craint le monde. Quelle ironie que la preuve de sa cruauté fût le déclic qui poussa Éléonore à vouloir le découvrir.
La jeune femme leva les yeux vers l’Eglise qui se dressait devant elle. Même la religion n’avait jamais nécessité qu’elle quitte l’enceinte du château : elle n’avait qu’à traverser la cour pour se retrouver dans la chapelle.
Le bâtiment avait accroché le regard de la noble, inexplicablement. Il l’attirait. Peut-être, soufflait une petite voix au fond d’elle, que Dieu pourrait la ramener sur la voie. Qu’en les murs de sa maison, il lui glisserait quelques conseils avisés. Peut-être… Mais généralement, songea-t-elle, Dieu lui laissait l’opportunité de chercher elle-même la réponse.
Elle entra, hésitante. Elle avait dû se faire violence pour visiter de nouvelles places. Elle s’était sentie intruse dans chaque lieu inconnu où elle avait mis les pieds. Cela passerait, il suffisait de ne pas renoncer.
Éléonore s’avança prudemment dans la nef déserte, contrariée par l’idée que son malaise fut trop visible si jamais quelqu’un arrivait…
Elle n’eut pas l’occasion de poursuivre sa réflexion, qu’un homme apparut. Oui, apparut, ce fut précisément cela. Une seconde plus tôt, il n’y avait pas un chat. Un corps animé, surgit du néant. Le cœur de la jeune noble manqua un battement quand l’inconnu dépenaillé se mit l’interrogea.
Une approche si brutale déstabilisa Éléonore, mais elle constata bien vite que son interlocuteur était plus perdu qu’elle. Déboussolé. Alarmé. Il lui inspira d’emblée une profonde compassion.
De la compassion, non de la pitié. Sa détresse était flagrante, mais rien n’aurait pu justifier que la jeune femme lui retire l’estime qu’elle s’efforçait d’accorder à son prochain. Et certes pas une étrange cicatrice ou des mains en piteux état.
Ni pitié, ni jugement. Sans doute un peu de curiosité. Remise du choc provoqué par cette entrée fracassante, elle se posa sur la question qui semblait tant tracasser l’inconnu. Elle hésita, puis :
― Je regrette, admit-elle. Je n’ai croisé personne qui corresponde à votre description.
Elle hésita encore à lui proposer son aide. Quel baume appliquerait-elle sur sa détresse si elle le blessait dans son orgueil. Cependant, la perspective de se rendre utile l’emporta sur la réserve.
― Mais si je puis faire quoi que ce fut pour vous, ce serait avec plaisir.
Eléonore se retint de justesse de poser sa main sur l’épaule de l’individu. Décidément, elle n’avait rien retenu des manières qu’on avait pris une vie à lui enseigner. Seuls les préceptes s’étaient imprimés en son cœur. Elle inclina la tête, espérant de tout son cœur qu’on ne balayerait pas sa proposition.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Alduis ne savait pas ce qui lui avait pris d’aborder cette jeune femme. Maintenant qu’il se trouvait devant elle, il se sentait profondément idiot. Il s’était pris d’une attention démesurée pour les pierres du sol, pour fuir son regard. Il ne voulait pas voir quelles émotions brillaient au fond de ses yeux. Il regrettait. Amèrement.
Et malgré tout, il ne pouvait pas faire taire la lueur d’espoir qui venait de se profiler au fond de lui. Il n’avait peut-être pas rêvé. Peut-être que Alexandre avait été vraiment là, que cette femme l’avait vu, qu’il était juste en train de prier, et qu’elle allait lui indiquer où il était.
Les voix, dans sa tête, lui rappelaient pourtant de se méfier.
Son cœur avait imperceptiblement accéléré, en même temps la peur sourde se taisait en lui. Il s’en rappelait. Il ne pouvait pas l’avoir imaginé, c’était trop réel pour cela. Et cette femme allait le confirmer, elle allait faire taire les voix dans sa tête, leur rabattre le clapet. Enfin. Elles ne l’écoutaient pas, mais elles seraient forcées de se taire alors.
Alduis ne calcula pas le moins du monde l’hésitation de la jeune femme. Il la sentit ouvrir la bouche.
- Je regrette, je n’ai croisé personne qui corresponde à votre description.
Il n’eut même pas le temps de comprendre le sens des mots. Bien loin de se taire, les voix se mirent littéralement à hurler, le submergeant sous leurs cris et leurs coups de griffes.
Malgré tout, il ne put s’empêcher d’insister, d’une toute petite voix, presque suppliante, dans une dernière tentative de les faire taire :
- Pas du tout ?
Alduis secoua la tête. La jeune femme ne parlait plus. Ou alors, il ne l’avait pas entendu. La deuxième solution était peut-être probable… ou bien… il ne savait plus. Les voix continuaient encore et encore de tournoyer dans sa tête, lui servant reproche sur reproche, avertissement sur avertissement, remontrance sur remontrance.
Et à chaque nouveau blâme, le peu d’espoir qui était revenu dans son cœur s’envolait. Le doute revenait s’implanter doucement, insinueux. Alexandre n’avait pas été là. Sa présence n’avait été qu’une création de son esprit. Qu’importe qu’il ait semblé si réel, tout avait été faux. Jusqu’aux caresses. Jusqu’aux baisers. Jusqu’aux je t’aime, mon amour prononcé doucement. Tout, absolument tout.
Il le voyait bien désormais.
Mais une fois de plus, il avait espéré.
Une fois de plus, il avait été faible. Mais après tout, les faibles naissaient faibles, et ils le restaient. C’était dans la logique des choses.
- Mais si je puis faire quoi que ce fut pour vous, ce serait avec plaisir.
Alduis releva les yeux d’un coup. Il planta son regard céruléen au fond du sien et… aussitôt, comme une immense mer, ses pupilles se troublèrent. Un infime voile, témoignage d’un passé revenant toquer à la porte, recouvra ses prunelles. Il se figea. Cessa de respirer. Là. Par dessus les cheveux noirs de la jeune femme, par dessus ses traits et ses yeux venait se superposer un autre visage. Un visage masculin, plus ferme, moins délicat, mais un visage ressemblant.
Ce fut des lèvres. Une bouche. Des mains. Une peau. Quelques mots, rares, rapides, haletants. Un regard brillant. Et un feu bouillonnant dans son ventre. Que aucune femme ne savait allumer.
Alduis avala sa salive. Tâcha de rester ancré dans le présent. Mais c’était sans compter sur le flot d’images qui le malmenait, le ballotait, contre son gré.
Il y avait un sourire. Une lueur dans les yeux. Un regard échangé. Une plaisanterie glissée en passant. Pas d’amour, juste un respect mutuel. Et la même soif au fond de leurs coeurs.
Devant lui, la fille inclina la tête. Alduis le vit du coin de l'œil et ce fut comme une déflagration en lui. Il se rappela subitement qu’on lui avait parlé. Depuis quand attendait-elle une réponse ? et qu’avait-elle dit ?
Alduis eut beau chercher dans sa mémoire, il lui était impossible de s’en souvenir. Non pas parce que c’était le vide, mais parce que tout était trop plein. Il y avait trop de mots, trop d'images… Comment savoir lesquels étaient justes ? Il ne pouvait pas. Et aurait été bien incapable de faire le tri seul.
Il secoua la tête. Sans parvenir à chasser les fantômes de ces mains qui avaient fait naître des frissons sur sa peau.
- Parlez encore, balbutia-t-il soudainement, presque implorant, en lui jetant un regard empli de détresse.
Qu’importe ce qu’elle disait. Qu’importe que ce soit une inconnue. Elle devait juste parler. Pour les faire taire.
Mais à même avait-il dit cela que le ressac de ses souvenirs l’avait de nouveau entraîné ailleurs. Dans un monde flottant, un peu partout autour d’eux, mais nulle part tout à la fois.
Et malgré tout, il ne pouvait pas faire taire la lueur d’espoir qui venait de se profiler au fond de lui. Il n’avait peut-être pas rêvé. Peut-être que Alexandre avait été vraiment là, que cette femme l’avait vu, qu’il était juste en train de prier, et qu’elle allait lui indiquer où il était.
Les voix, dans sa tête, lui rappelaient pourtant de se méfier.
Il n’était pas là.
Il l’était.
Nous sommes les seules qui sommes réelles.
Je ne peux pas l’avoir inventé.
Que crois-tu faire, avec ton misérable espoir ?
Elle l’a vu. Elle va le dire.
Tu es vraiment pitoyable.
Je sais que je n’ai pas rêvé.
Tu ne sais rien.
Il l’était.
Nous sommes les seules qui sommes réelles.
Je ne peux pas l’avoir inventé.
Que crois-tu faire, avec ton misérable espoir ?
Elle l’a vu. Elle va le dire.
Tu es vraiment pitoyable.
Je sais que je n’ai pas rêvé.
Tu ne sais rien.
Son cœur avait imperceptiblement accéléré, en même temps la peur sourde se taisait en lui. Il s’en rappelait. Il ne pouvait pas l’avoir imaginé, c’était trop réel pour cela. Et cette femme allait le confirmer, elle allait faire taire les voix dans sa tête, leur rabattre le clapet. Enfin. Elles ne l’écoutaient pas, mais elles seraient forcées de se taire alors.
Alduis ne calcula pas le moins du monde l’hésitation de la jeune femme. Il la sentit ouvrir la bouche.
- Je regrette, je n’ai croisé personne qui corresponde à votre description.
Il n’eut même pas le temps de comprendre le sens des mots. Bien loin de se taire, les voix se mirent littéralement à hurler, le submergeant sous leurs cris et leurs coups de griffes.
Tu vois.
Ce n’était pas un rêve...
Idiot.
Ce n’était pas...
Imbécile.
Ce n’était…
Stupide.
...
Ridicule.
Ce n’était pas un rêve...
Idiot.
Ce n’était pas...
Imbécile.
Ce n’était…
Stupide.
...
Ridicule.
Malgré tout, il ne put s’empêcher d’insister, d’une toute petite voix, presque suppliante, dans une dernière tentative de les faire taire :
- Pas du tout ?
Pourquoi insiste-tu ?
Tu le sais bien pourtant.
Cesse d’espérer. Et tu ne seras plus jamais déçu.
C’est une promesse.
Tu le sais bien pourtant.
Cesse d’espérer. Et tu ne seras plus jamais déçu.
C’est une promesse.
Alduis secoua la tête. La jeune femme ne parlait plus. Ou alors, il ne l’avait pas entendu. La deuxième solution était peut-être probable… ou bien… il ne savait plus. Les voix continuaient encore et encore de tournoyer dans sa tête, lui servant reproche sur reproche, avertissement sur avertissement, remontrance sur remontrance.
Et à chaque nouveau blâme, le peu d’espoir qui était revenu dans son cœur s’envolait. Le doute revenait s’implanter doucement, insinueux. Alexandre n’avait pas été là. Sa présence n’avait été qu’une création de son esprit. Qu’importe qu’il ait semblé si réel, tout avait été faux. Jusqu’aux caresses. Jusqu’aux baisers. Jusqu’aux je t’aime, mon amour prononcé doucement. Tout, absolument tout.
Il le voyait bien désormais.
Mais une fois de plus, il avait espéré.
Une fois de plus, il avait été faible. Mais après tout, les faibles naissaient faibles, et ils le restaient. C’était dans la logique des choses.
- Mais si je puis faire quoi que ce fut pour vous, ce serait avec plaisir.
Alduis releva les yeux d’un coup. Il planta son regard céruléen au fond du sien et… aussitôt, comme une immense mer, ses pupilles se troublèrent. Un infime voile, témoignage d’un passé revenant toquer à la porte, recouvra ses prunelles. Il se figea. Cessa de respirer. Là. Par dessus les cheveux noirs de la jeune femme, par dessus ses traits et ses yeux venait se superposer un autre visage. Un visage masculin, plus ferme, moins délicat, mais un visage ressemblant.
Ce fut des lèvres. Une bouche. Des mains. Une peau. Quelques mots, rares, rapides, haletants. Un regard brillant. Et un feu bouillonnant dans son ventre. Que aucune femme ne savait allumer.
Alduis avala sa salive. Tâcha de rester ancré dans le présent. Mais c’était sans compter sur le flot d’images qui le malmenait, le ballotait, contre son gré.
Il y avait un sourire. Une lueur dans les yeux. Un regard échangé. Une plaisanterie glissée en passant. Pas d’amour, juste un respect mutuel. Et la même soif au fond de leurs coeurs.
Devant lui, la fille inclina la tête. Alduis le vit du coin de l'œil et ce fut comme une déflagration en lui. Il se rappela subitement qu’on lui avait parlé. Depuis quand attendait-elle une réponse ? et qu’avait-elle dit ?
Alduis eut beau chercher dans sa mémoire, il lui était impossible de s’en souvenir. Non pas parce que c’était le vide, mais parce que tout était trop plein. Il y avait trop de mots, trop d'images… Comment savoir lesquels étaient justes ? Il ne pouvait pas. Et aurait été bien incapable de faire le tri seul.
Il secoua la tête. Sans parvenir à chasser les fantômes de ces mains qui avaient fait naître des frissons sur sa peau.
- Parlez encore, balbutia-t-il soudainement, presque implorant, en lui jetant un regard empli de détresse.
Qu’importe ce qu’elle disait. Qu’importe que ce soit une inconnue. Elle devait juste parler. Pour les faire taire.
Mais à même avait-il dit cela que le ressac de ses souvenirs l’avait de nouveau entraîné ailleurs. Dans un monde flottant, un peu partout autour d’eux, mais nulle part tout à la fois.
Alduis de Fromart- Aristocratie
- Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
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Re : [le 10 décembre 1597] - L'amant disparu
Éléonore déglutit. Elle croisa les bras derrière son dos pour s’interdire de toucher l’homme qui la dévisageait, l’air complètement déboussolé. C’était un homme, pas un enfant, ni un chiot.
En outre, on ne se charcutait pas ainsi en crochetant des napperons. Sans doute une fille raisonnable aurait-elle faussé compagnie à un tel phénomène. Elle ne put s’y résoudre. Elle ne pouvait abandonner un être qui désespérait tant d’obtenir du soutien, que ce fut conscient ou non.
Le regard dont il la couvait la troubla. Il ne la fixait pas elle, mais le vide qui les séparait, comme s’il déchiffait un message codé dans la poussière qui flottait entre eux. Puis, le message sembla inscrit sur le sol. Avait-elle commis une erreur ? L’avait-elle blessé ? Avait-elle été assez maladroite pour aggraver sa palpable détresse ? Idiote !
— Parlez encore, laissa-t-il échapper dans un filet de voix.
— Parler ? s’étonna Éléonore. Que voulez-vous que je dise ?
Des tas de banalités lui vinrent à l’esprit. Des mots apparemment inoffensifs, mais qui auraient pu dégrader la situation si, par malheur, ils évoquaient quelque chose de désagréable.
Parlez encore. Parlez encore. Parlez encore.
Parlez. Parlez. Parlez.
Ce n’était pas compliqué. Si c’était de cela que l’homme avait besoin, elle devait trouver quelque chose à dire. Elle pouvait au moins lui accorder quelques mots.
— Je m’appelle Éléonore, hasarda-t-elle. Éléonore de Tianidre.
C’était la première chose qui lui était venue. Son nom ne pouvait pas perturber davantage l’inconnu, n’est-ce pas ? Cela n’avait pas de sens. Pourtant, elle sentit en lui une différence lorsqu’elle le prononça. Non, elle se faisait des idées. Pourquoi cet homme qu’elle ne connaissait pas, cet homme qui ne la connaissait pas, aurait-il réagi à son nom ?
— Et vous ? Qui êtes-vous ? enchaîna-t-elle, soucieuse d’enterrer le malaise qui grossissait en elle.
En outre, on ne se charcutait pas ainsi en crochetant des napperons. Sans doute une fille raisonnable aurait-elle faussé compagnie à un tel phénomène. Elle ne put s’y résoudre. Elle ne pouvait abandonner un être qui désespérait tant d’obtenir du soutien, que ce fut conscient ou non.
Le regard dont il la couvait la troubla. Il ne la fixait pas elle, mais le vide qui les séparait, comme s’il déchiffait un message codé dans la poussière qui flottait entre eux. Puis, le message sembla inscrit sur le sol. Avait-elle commis une erreur ? L’avait-elle blessé ? Avait-elle été assez maladroite pour aggraver sa palpable détresse ? Idiote !
— Parlez encore, laissa-t-il échapper dans un filet de voix.
— Parler ? s’étonna Éléonore. Que voulez-vous que je dise ?
Des tas de banalités lui vinrent à l’esprit. Des mots apparemment inoffensifs, mais qui auraient pu dégrader la situation si, par malheur, ils évoquaient quelque chose de désagréable.
Parlez encore. Parlez encore. Parlez encore.
Parlez. Parlez. Parlez.
Ce n’était pas compliqué. Si c’était de cela que l’homme avait besoin, elle devait trouver quelque chose à dire. Elle pouvait au moins lui accorder quelques mots.
— Je m’appelle Éléonore, hasarda-t-elle. Éléonore de Tianidre.
C’était la première chose qui lui était venue. Son nom ne pouvait pas perturber davantage l’inconnu, n’est-ce pas ? Cela n’avait pas de sens. Pourtant, elle sentit en lui une différence lorsqu’elle le prononça. Non, elle se faisait des idées. Pourquoi cet homme qu’elle ne connaissait pas, cet homme qui ne la connaissait pas, aurait-il réagi à son nom ?
— Et vous ? Qui êtes-vous ? enchaîna-t-elle, soucieuse d’enterrer le malaise qui grossissait en elle.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Qu’elle parle, qu’elle dise quelque chose, n’importe quoi.
Qu’elle parle, et que les voix se taisent. Que la déception qui le rongeait par l’intérieur diminue. Que la haine cesse de grandir comme une gangrène. Que sa voix remplisse le vide de l’église, ce vide qui menaçait de l’entraîner vers un lieu dont il ne pourrait revenir.
Alduis ne comprenait pas le sens de ses mots, et il s'en fichait. Cela n’avait pas d’importance. La voix de la jeune femme formait un filet dans son esprit, ouvrait une mince raie de lumière au milieu de l’obscurité. Ce n’était pas grand chose, mais c’était cela qui lui maintenait la tête hors de l’eau. Qui repoussait suffisamment les longs doigts blancs des fantômes de son imagination.
- Je m’appelle Éléonore.
Éléonore.
Le nom résonna dans son esprit, fit le vide autour de lui. Les voix reculèrent, comme si elles avaient été brûlées. Alduis serra la feuille qu’il tenait toujours. Le papier se froissait sous ses doigts.
- Éléonore de Tianidre.
Elle lui aurait brutalement plongé la tête dans l’eau qu’il n’en aurait pas été autrement. Il ouvrit la bouche, à la recherche d’air, sans en trouver, sa dernière inspiration dissipée quelque part dans les profondeurs de son être. Ce fut un éclair, qui foudroya ses pensées, qui alluma un brasier au fond de lui, qui brûla ses rétines.
Qui était plus beau qu’un dieu. Et qui réveillait en lui des plaisirs interdits.
Une douleur sourde lui retourna l’estomac. Fit remonter un goût de bile acide dans sa gorge.
Avec ses cheveux bruns et épais, ses muscles bien dessinés, ses lèvres pleines, sa peau chaude, ses doigts aventureux qui couraient sur son ventre.
Il releva les yeux vers la jeune femme. Ses yeux se troublèrent encore davantage, du même fait que son esprit continuait à dériver. Toujours plus loin dans les méandres tortueux de ses pensées. Qui était-elle ? Pourquoi lui ressemblait-elle autant ? Pourquoi portait-elle le même nom ?
Son souffle brûlant, ses doigts refermés autour de ses bras, les battements de son coeur, la ligne de sa mâchoire, son odeur enivrante.
- Et vous ? Qui êtes-vous ?
Alduis n’entendit pas. Ou ses mots se noyèrent au milieu du reste. Il ne fit pas un geste, ne répondit pas. Demeura figé, les yeux toujours fixés dans les siens mais la traversant, comme s’il voyait au-delà, vers un passé inaccessible et perdu… et encore si vivant.
Quatre nuits. Quatre nuits à se consumer, à se laisser déborder par le désir, à céder à la tentation. Quatre petits jours à le voir se rhabiller, dans les derniers vestiges de l’enivrement qui s’étiraient jusqu’à l’aube. Et les mois qui suivaient, à faire comme si de rien, jusqu’à ce que tout recommence, comme un cycle infini.
Qu’elle parle, et que les voix se taisent. Que la déception qui le rongeait par l’intérieur diminue. Que la haine cesse de grandir comme une gangrène. Que sa voix remplisse le vide de l’église, ce vide qui menaçait de l’entraîner vers un lieu dont il ne pourrait revenir.
Alduis ne comprenait pas le sens de ses mots, et il s'en fichait. Cela n’avait pas d’importance. La voix de la jeune femme formait un filet dans son esprit, ouvrait une mince raie de lumière au milieu de l’obscurité. Ce n’était pas grand chose, mais c’était cela qui lui maintenait la tête hors de l’eau. Qui repoussait suffisamment les longs doigts blancs des fantômes de son imagination.
- Je m’appelle Éléonore.
Éléonore.
Le nom résonna dans son esprit, fit le vide autour de lui. Les voix reculèrent, comme si elles avaient été brûlées. Alduis serra la feuille qu’il tenait toujours. Le papier se froissait sous ses doigts.
- Éléonore de Tianidre.
Elle lui aurait brutalement plongé la tête dans l’eau qu’il n’en aurait pas été autrement. Il ouvrit la bouche, à la recherche d’air, sans en trouver, sa dernière inspiration dissipée quelque part dans les profondeurs de son être. Ce fut un éclair, qui foudroya ses pensées, qui alluma un brasier au fond de lui, qui brûla ses rétines.
Ariste.
Ariste de Tianidre.
Ariste de Tianidre.
Qui était plus beau qu’un dieu. Et qui réveillait en lui des plaisirs interdits.
Une douleur sourde lui retourna l’estomac. Fit remonter un goût de bile acide dans sa gorge.
Avec ses cheveux bruns et épais, ses muscles bien dessinés, ses lèvres pleines, sa peau chaude, ses doigts aventureux qui couraient sur son ventre.
Il releva les yeux vers la jeune femme. Ses yeux se troublèrent encore davantage, du même fait que son esprit continuait à dériver. Toujours plus loin dans les méandres tortueux de ses pensées. Qui était-elle ? Pourquoi lui ressemblait-elle autant ? Pourquoi portait-elle le même nom ?
Pourquoi ?
Pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd’hui ?
Pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd’hui ?
Son souffle brûlant, ses doigts refermés autour de ses bras, les battements de son coeur, la ligne de sa mâchoire, son odeur enivrante.
- Et vous ? Qui êtes-vous ?
Alduis n’entendit pas. Ou ses mots se noyèrent au milieu du reste. Il ne fit pas un geste, ne répondit pas. Demeura figé, les yeux toujours fixés dans les siens mais la traversant, comme s’il voyait au-delà, vers un passé inaccessible et perdu… et encore si vivant.
Quatre nuits. Quatre nuits à se consumer, à se laisser déborder par le désir, à céder à la tentation. Quatre petits jours à le voir se rhabiller, dans les derniers vestiges de l’enivrement qui s’étiraient jusqu’à l’aube. Et les mois qui suivaient, à faire comme si de rien, jusqu’à ce que tout recommence, comme un cycle infini.
Troublé par la mort.
Alduis de Fromart- Aristocratie
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Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Éléonore connaissait bien les mythes de la Grèce antique. Elle songea à son cousin Ariste, que ces fables-là passionaient. Ces mythes contaient les échecs fracassants auxquels aboutissaient tous ceux qui luttaient contre l'inévitable. La cruauté que le sort réservait à ceux qui se croyaient capables de le déjouer. Quelle présomptions !
La noble avait alors témoigné de la même arrogance. Elle aurait dû savoir qu'elle n'était pas en mesure de calmer son intrigant interlocuteur. Elle avait tellement chercher à ne pas le perturber davantage qu'elle l'avait rendu livide. Quelle gaffe avait-elle encore commise ?
Elle détailla l'homme. Ses cicatrices auraient pu être celles d'un ancien soldat, peut-être ? Qui aurait servi sous les ordres de son cousin ? L'un de ces malheureux hantés par la guerre, qu'elle avait replongé dans un passé sanglant ? Non, elle n'y était pas. Ce délire n'était pas celui d'un soldat. Le trouble ne devait pas être lié à son nom. C'était autre chose. Mais quoi donc ?
L'inconnu essaya de lui répondre à plusieurs reprises… sans qu'aucun mot n'accepte de vibrer. La détresse accentuée de l'homme attrista Éléonore. Elle se demanda si c'était bien un homme perdu qu'elle cherchait à sauver. N'était-ce déjà plus qu'un corps animé par une âme en lambeaux. Où donc se cachaient Dieu et sa miséricorde ? Pourquoi ne lui venait-on pas en aide ? Il avait cruellement besoin d'aide. Bien davantage qu'elle...
Oui, c'était cela. Un message. Il y avait forcément une raison pour qu'ils se soient croisé ce jour d'hui, en un tel lieux. Mais peut-être ce message n'était-il pas celui qui lui sembla si évident de prime abord.
Elle hésita à revenir sur ses déclarations. Prétendre avoir vu ledit garçon pourrait apaiser l'homme dans un premier temps, mais que se passerait-il lorsqu'il comprendrait que ce n'était là qu'un mensonge.
Ce garçon…
— Et ce garçon que vous cherchez ? Qui est-il ? Est-il en danger ? Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ? Connaissez-vous un endroit où il aurait pu aller ? Quelqu’un qui pourrait l’avoir vu ? Vous semblez…
Catastrophé ? Dément ? Non, il ne fallait pas en ajouter. Éléonore opta pour un terme plus neutre, plus doux. C’était le moins qu’elle puisse faire pour rattraper l’immense maladresse de cette ribambelle de questions franchement indiscrètes.
— Inquiet. Avez-vous une raison d’être inquiet ? Allons, calmez-vous, s’il vous plaît. Réfléchissons calmement. Parlez-moi. Je peux peut-être vous aider.
Oui, peut-être Éléonore était-elle présomptueuse, cette fois. Tant pis pour elle. Si elle jouait avec le feu et se brûlait, elle en assumerait les conséquences. Mais au moins, elle garderait pour elle sa bonne conscience.
La noble avait alors témoigné de la même arrogance. Elle aurait dû savoir qu'elle n'était pas en mesure de calmer son intrigant interlocuteur. Elle avait tellement chercher à ne pas le perturber davantage qu'elle l'avait rendu livide. Quelle gaffe avait-elle encore commise ?
Elle détailla l'homme. Ses cicatrices auraient pu être celles d'un ancien soldat, peut-être ? Qui aurait servi sous les ordres de son cousin ? L'un de ces malheureux hantés par la guerre, qu'elle avait replongé dans un passé sanglant ? Non, elle n'y était pas. Ce délire n'était pas celui d'un soldat. Le trouble ne devait pas être lié à son nom. C'était autre chose. Mais quoi donc ?
L'inconnu essaya de lui répondre à plusieurs reprises… sans qu'aucun mot n'accepte de vibrer. La détresse accentuée de l'homme attrista Éléonore. Elle se demanda si c'était bien un homme perdu qu'elle cherchait à sauver. N'était-ce déjà plus qu'un corps animé par une âme en lambeaux. Où donc se cachaient Dieu et sa miséricorde ? Pourquoi ne lui venait-on pas en aide ? Il avait cruellement besoin d'aide. Bien davantage qu'elle...
Oui, c'était cela. Un message. Il y avait forcément une raison pour qu'ils se soient croisé ce jour d'hui, en un tel lieux. Mais peut-être ce message n'était-il pas celui qui lui sembla si évident de prime abord.
Elle hésita à revenir sur ses déclarations. Prétendre avoir vu ledit garçon pourrait apaiser l'homme dans un premier temps, mais que se passerait-il lorsqu'il comprendrait que ce n'était là qu'un mensonge.
Ce garçon…
— Et ce garçon que vous cherchez ? Qui est-il ? Est-il en danger ? Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ? Connaissez-vous un endroit où il aurait pu aller ? Quelqu’un qui pourrait l’avoir vu ? Vous semblez…
Catastrophé ? Dément ? Non, il ne fallait pas en ajouter. Éléonore opta pour un terme plus neutre, plus doux. C’était le moins qu’elle puisse faire pour rattraper l’immense maladresse de cette ribambelle de questions franchement indiscrètes.
— Inquiet. Avez-vous une raison d’être inquiet ? Allons, calmez-vous, s’il vous plaît. Réfléchissons calmement. Parlez-moi. Je peux peut-être vous aider.
Oui, peut-être Éléonore était-elle présomptueuse, cette fois. Tant pis pour elle. Si elle jouait avec le feu et se brûlait, elle en assumerait les conséquences. Mais au moins, elle garderait pour elle sa bonne conscience.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Ariste. Ariste. Ariste.
Le nom résonnait dans son esprit, comme un immense écho qui ne devait jamais s'arrêter. Les images inondaient son esprit, faisaient naître des frissons imperceptibles jusque sur son cuir chevelu. Malgré lui et contre lui.
Et cet écho en entraînait d'autres, qui eux-mêmes le faisaient à leur tour. Le torrent, à chacun qu'un d'entre eux rajoutait sa voix au chapitre, grossissait. Il y avait de plus en plus de lèvres, de plus en plus de mains, de peaux, de regards enfiévrés… De plus en plus de noms.
Soffrey. Camille. Aurèle. Ambroise. Désiré. Honoré. Clarenthe. Léopold. Aloïs. Théophraste. Joris. Nicodème. Sosthène.
Ils étaient tous là.
Avec leurs uniformes qui dessinaient si parfaitement leurs silhouettes, leurs muscles, leurs sourires séduisants et leurs bouches pleines de promesses. Avec leurs voix graves et leurs démarches cadencées. Avec cette assurance, ce charisme, qui transparaissait dans leurs gestes.
Alduis ne respirait plus. L’église n’était plus là. La jeune femme non plus. Il était revenu des années plus tôt, il avait vingt ans, et il ne pouvait faire taire la flamme qui s’allumait en lui, ni éteindre les papillons qui pétillaient dans son ventre.
Et il y avait leur sens de l’honneur. Le vrai. Celui qui faisait d’un homme ce qu’il était, avec ses convictions et ses valeurs. Celui qui dictait leur conduite plus que leurs supérieurs.
Ariste. Ariste. Ariste.
Terrassé par un ennemi invisible. Un ennemi mortel.
Le corps diminué dans les draps nauséabonds. Le visage blême et creusé, rongé, qui ne serait plus jamais le même. La présence de la Mort, partout autour de lui. Omniprésente dans l’atmosphère. Son souffle qui n’était guère plus qu’un filet tremblant. Le coussin posé sur son visage.
Une mort digne. Telle qu’il la méritait.
Le visage du jeune homme se superposa avec celui d’une femme. Avec des draps blancs brodés, des cheveux blonds filasses, les yeux enfoncés dans leurs orbites, les os de son visage ressortant sous la peau trop fine.
Soudain, la voix de la jeune femme déchira le voile de brume qui entourait son esprit et le coupait du monde. Éléonore réapparut face à lui. C’était comme lui faire prendre une goulée d’air, pour mieux le noyer ensuite. La seconde d’après, les questions pleuvaient. Elles s’enchaînaient rapidement, une avalanche d’interrogations qui ne semblait jamais devoir prendre fin.
Alexandre.
Cela ramena les voix au premier plan et fit brutalement accélérer sa respiration qui avait pourtant été presque inexistante les dernières secondes.
- Et ce garçon que vous cherchez ? Qui est-il ?
Non, non, non…
Que répondre ? Que dire ? Il n’eut même pas le temps d’organiser un semblant de réponse que l’avalanche continuait, insensible à sa panique interne.
- Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
Cela sonna le glas du retour des voix. Aussitôt, comme si on venait de leur ouvrir la cage, elles se mirent à siffler. Il n’entendit pas la suite, replongea dans le cycle infernal qu’était le mouvement perpétuel et agité de ses pensées.
- Je ne sais pas, répondit-il à voix haute dans un filet de souffle, à lui-même.
Il ne la regardait plus. Il ne la voyait plus. Il avait oublié jusqu’à sa présence. Il n’existait plus rien, sinon les voix qui lui répondaient :
- Je ne sais pas, répéta-t-il.
- Non, je ne sais pas. Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas…
Il ferma les yeux, appuya ses paumes contre ses paupières, oubliant un bref instant la douleur qui déchirait sa main droite au moindre mouvement et la lettre d’Alexandre, qui glissa au sol. Il reprit :
- Taisez-vous, il était là, je sais qu’il était là. Je sais que je n’ai pas rêvé.
Le nom résonnait dans son esprit, comme un immense écho qui ne devait jamais s'arrêter. Les images inondaient son esprit, faisaient naître des frissons imperceptibles jusque sur son cuir chevelu. Malgré lui et contre lui.
Et cet écho en entraînait d'autres, qui eux-mêmes le faisaient à leur tour. Le torrent, à chacun qu'un d'entre eux rajoutait sa voix au chapitre, grossissait. Il y avait de plus en plus de lèvres, de plus en plus de mains, de peaux, de regards enfiévrés… De plus en plus de noms.
Soffrey. Camille. Aurèle. Ambroise. Désiré. Honoré. Clarenthe. Léopold. Aloïs. Théophraste. Joris. Nicodème. Sosthène.
Ils étaient tous là.
Avec leurs uniformes qui dessinaient si parfaitement leurs silhouettes, leurs muscles, leurs sourires séduisants et leurs bouches pleines de promesses. Avec leurs voix graves et leurs démarches cadencées. Avec cette assurance, ce charisme, qui transparaissait dans leurs gestes.
Alduis ne respirait plus. L’église n’était plus là. La jeune femme non plus. Il était revenu des années plus tôt, il avait vingt ans, et il ne pouvait faire taire la flamme qui s’allumait en lui, ni éteindre les papillons qui pétillaient dans son ventre.
Et il y avait leur sens de l’honneur. Le vrai. Celui qui faisait d’un homme ce qu’il était, avec ses convictions et ses valeurs. Celui qui dictait leur conduite plus que leurs supérieurs.
Ariste. Ariste. Ariste.
Terrassé par un ennemi invisible. Un ennemi mortel.
Le corps diminué dans les draps nauséabonds. Le visage blême et creusé, rongé, qui ne serait plus jamais le même. La présence de la Mort, partout autour de lui. Omniprésente dans l’atmosphère. Son souffle qui n’était guère plus qu’un filet tremblant. Le coussin posé sur son visage.
Une mort digne. Telle qu’il la méritait.
Le visage du jeune homme se superposa avec celui d’une femme. Avec des draps blancs brodés, des cheveux blonds filasses, les yeux enfoncés dans leurs orbites, les os de son visage ressortant sous la peau trop fine.
Soudain, la voix de la jeune femme déchira le voile de brume qui entourait son esprit et le coupait du monde. Éléonore réapparut face à lui. C’était comme lui faire prendre une goulée d’air, pour mieux le noyer ensuite. La seconde d’après, les questions pleuvaient. Elles s’enchaînaient rapidement, une avalanche d’interrogations qui ne semblait jamais devoir prendre fin.
Alexandre.
Cela ramena les voix au premier plan et fit brutalement accélérer sa respiration qui avait pourtant été presque inexistante les dernières secondes.
- Et ce garçon que vous cherchez ? Qui est-il ?
Non, non, non…
Que répondre ? Que dire ? Il n’eut même pas le temps d’organiser un semblant de réponse que l’avalanche continuait, insensible à sa panique interne.
- Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
Cela sonna le glas du retour des voix. Aussitôt, comme si on venait de leur ouvrir la cage, elles se mirent à siffler. Il n’entendit pas la suite, replongea dans le cycle infernal qu’était le mouvement perpétuel et agité de ses pensées.
Alors, Alduis ?
Quand l’as-tu vu pour la dernière fois, hein ?
Quand l’as-tu vu pour la dernière fois, hein ?
- Je ne sais pas, répondit-il à voix haute dans un filet de souffle, à lui-même.
Il ne la regardait plus. Il ne la voyait plus. Il avait oublié jusqu’à sa présence. Il n’existait plus rien, sinon les voix qui lui répondaient :
Alduis, Alduis, Alduis.
- Je ne sais pas, répéta-t-il.
Rends-toi à l’évidence.
Il n’était pas là.
Tu le sais.
Il n’était pas là.
Tu le sais.
- Non, je ne sais pas. Je ne sais pas, je ne sais pas, je ne sais pas…
Il ferma les yeux, appuya ses paumes contre ses paupières, oubliant un bref instant la douleur qui déchirait sa main droite au moindre mouvement et la lettre d’Alexandre, qui glissa au sol. Il reprit :
- Taisez-vous, il était là, je sais qu’il était là. Je sais que je n’ai pas rêvé.
Alduis de Fromart- Aristocratie
- Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
— Non, je ne sais pas. Je ne sais pas. Je ne sais pas.
Éléonore se maudit. Elle n'avait fait que perturber davantage l'inconnu, qui se cachait désormais les yeux. Et ses mots suivants ne firent qu'accentuer l'inquiétude que la jeune femme nourrissait à son sujet.
— Taisez-vous. Il était là, je sais qu'il était là.Je sais que je n'ai pas rêvé.
Éléonore se pencha pour ramasser le billet froissé que l'homme avait abandonné. Par réflexe, elle le lissa, détournant pudiquemen son regard du message. Ce message qui lui faisait pourtant de l'œil. Sans doute la solution s'y trouvait-elle.
— Il était ici, acquiesça Éléonore. Il était ici, je vous crois. Je vous crois. Ce message est-il de lui ?
Elle toisa l'homme qui se refusait toujours à réagir, complètement perdu.
— Ce message, que dit-il ? Permettez-vous que je le lise ?
Aucune réponse. Aucune réponse audible, du moins.. La noble hésita. Peut-être cette billet contenait-il des informations compromettantes – peut-être quelque chose d'exploitable ? Elle secoua la tête. Bien sûr que non, c'était ridicule. Et quand bien même aurait-elle appris quelque chose de croustillant sur cet homme, que cela aurait-il pu lui apporter ? Il fait dire qu'elle ne payait pas de mine. Et de toute manière, il était hors de question qu'elle exploite quoi que ce soit. Elle devait juste l'aider.
— S'il vous plaît.
Toujours rien. Oubliant toute réserve, elle approcha la main de l'épaule de l'inconnu. Elle eut à peine le temps de l'effleurer.
Éléonore se maudit. Elle n'avait fait que perturber davantage l'inconnu, qui se cachait désormais les yeux. Et ses mots suivants ne firent qu'accentuer l'inquiétude que la jeune femme nourrissait à son sujet.
— Taisez-vous. Il était là, je sais qu'il était là.Je sais que je n'ai pas rêvé.
Éléonore se pencha pour ramasser le billet froissé que l'homme avait abandonné. Par réflexe, elle le lissa, détournant pudiquemen son regard du message. Ce message qui lui faisait pourtant de l'œil. Sans doute la solution s'y trouvait-elle.
— Il était ici, acquiesça Éléonore. Il était ici, je vous crois. Je vous crois. Ce message est-il de lui ?
Elle toisa l'homme qui se refusait toujours à réagir, complètement perdu.
— Ce message, que dit-il ? Permettez-vous que je le lise ?
Aucune réponse. Aucune réponse audible, du moins.. La noble hésita. Peut-être cette billet contenait-il des informations compromettantes – peut-être quelque chose d'exploitable ? Elle secoua la tête. Bien sûr que non, c'était ridicule. Et quand bien même aurait-elle appris quelque chose de croustillant sur cet homme, que cela aurait-il pu lui apporter ? Il fait dire qu'elle ne payait pas de mine. Et de toute manière, il était hors de question qu'elle exploite quoi que ce soit. Elle devait juste l'aider.
— S'il vous plaît.
Toujours rien. Oubliant toute réserve, elle approcha la main de l'épaule de l'inconnu. Elle eut à peine le temps de l'effleurer.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Cassandre était venue le voir ce matin, particulièrement agacé de faire la course pour le rat à trois pattes qui avait déboulé chez Irène aux aurores. S’il avait été surpris du message dans un premier temps, il avait ensuite été inquiet. Alexandre n’était pas vraiment du genre à avoir envie de se reposer sur lui et clairement s’il considérait Alduis comme son ami, lui en était… à l’opposé. Il doutait de pouvoir un jour l’apprécier. Le supporter était déjà un pas qu’il avait bien du mal à faire.
Il s’était débrouillé pour finir son travail à Frenn aussi vite que possible et se rendre à l’église. Toute la matinée les questions n’avaient cessées de se bousculer et il craignait désormais le pire. Dans quel état allait-il retrouver son ami si son amant était venu le quérir ? Lui, la dernière personne sur qui il aurait souhaité se reposer.
La porte de l’église était entrouverte, il se faufila à l’intérieur, il y avait une femme et Alduis mains sur les yeux. Rien que posture saugrenue suffisait à le renseigner sur sa condition. Il pressa le pas et se glissa dans l’allée. Il marchait aussi vite que possible pour combler l’espace qui les séparait. Ils les entendaient de là où il était et cette conversation… Il savait parfaitement ce que cela signifiait. Il ne manquait que trois mètres lorsqu’il aperçut la femme tendre la main vers le soldat. Sans réfléchir, il se mit à courir. Il ne se posa même pas la question de savoir qui était cette femme et la bouscula alors que sa main effleurait Alduis.
Juste à temps.
Comme prévu, le coup parti comme une flèche enfin libérée de la tension de l’arc. Il s’y attendait. Il était paradoxalement si prévisible dans ces moments-là. Il effectua un pas de côté et son poing ne fit que l’effleurer dans un mouvement d’air.
- Alduis ? Alduis, c’est moi, Eldred. Tu m’entends ?
Il se rapprocha de lui. Sa main… Qu’était-il arriver à sa main ? Ses bras l’encerclèrent et il le serra fort. Aussi fort qu’il le pouvait pour le contenir. Aussi fort qu’il le pouvait pour qu’il puisse sentir sa présence. Un geste plein de force et en même temps emplit de douceur.
- Tu sens mes bras autour de toi? Viens, Alduis, il faut que tu reviennes. Ta place n’est pas là-bas, elle est ici avec moi. D’accord ?
Il le serrait toujours. Comme on emmaillotait un nourrisson pour le calmer. Il aurait pu le frapper pour le faire revenir. Mais il voulait d’abord essayer différemment. La femme debout à ses côtés avait disparu de son environnement, comme si elle n’avait jamais existée.
Il s’était débrouillé pour finir son travail à Frenn aussi vite que possible et se rendre à l’église. Toute la matinée les questions n’avaient cessées de se bousculer et il craignait désormais le pire. Dans quel état allait-il retrouver son ami si son amant était venu le quérir ? Lui, la dernière personne sur qui il aurait souhaité se reposer.
La porte de l’église était entrouverte, il se faufila à l’intérieur, il y avait une femme et Alduis mains sur les yeux. Rien que posture saugrenue suffisait à le renseigner sur sa condition. Il pressa le pas et se glissa dans l’allée. Il marchait aussi vite que possible pour combler l’espace qui les séparait. Ils les entendaient de là où il était et cette conversation… Il savait parfaitement ce que cela signifiait. Il ne manquait que trois mètres lorsqu’il aperçut la femme tendre la main vers le soldat. Sans réfléchir, il se mit à courir. Il ne se posa même pas la question de savoir qui était cette femme et la bouscula alors que sa main effleurait Alduis.
Juste à temps.
Comme prévu, le coup parti comme une flèche enfin libérée de la tension de l’arc. Il s’y attendait. Il était paradoxalement si prévisible dans ces moments-là. Il effectua un pas de côté et son poing ne fit que l’effleurer dans un mouvement d’air.
- Alduis ? Alduis, c’est moi, Eldred. Tu m’entends ?
Il se rapprocha de lui. Sa main… Qu’était-il arriver à sa main ? Ses bras l’encerclèrent et il le serra fort. Aussi fort qu’il le pouvait pour le contenir. Aussi fort qu’il le pouvait pour qu’il puisse sentir sa présence. Un geste plein de force et en même temps emplit de douceur.
- Tu sens mes bras autour de toi? Viens, Alduis, il faut que tu reviennes. Ta place n’est pas là-bas, elle est ici avec moi. D’accord ?
Il le serrait toujours. Comme on emmaillotait un nourrisson pour le calmer. Il aurait pu le frapper pour le faire revenir. Mais il voulait d’abord essayer différemment. La femme debout à ses côtés avait disparu de son environnement, comme si elle n’avait jamais existée.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Percutée de plein fouet, Éléonore fut projetée entre les bancs. Sa chute lui arracha un couinement de surprise.Le réflexe de de s'amortir à l'aide des main lança une vive douleur dans son poignet.
Son regard vira vers l'homme qui l'avait expulsée. Grand, musclé, couturé. Elle n'eut pas le temps de lui reprocher sa cruelle indélicatesse qu'il esquivait déjà un coup du premier inconnu. Un coup parti pour elle.
Elle se redressa prudemment. Son épaule la lançait, mais elle se garda bien de se plaindre, comparaison faite avec la puissance du coup décoché.
Le nouveau venu enserra le dément. C'est àce moment-là qu'elle apprit leur noms. Eldred. Alduis.
Alduis…
Éléonore lissa tant bien que mal le billet que sa chute vec froissé à nouveau, s'efforçant de se remémorer les circonstances dans lesquelles elle avait entendu ce nom pour la première fois.
Alduis… L'homme à la cicatrice. Bien sûr !
Elle ne l'avait jamais entendu prononcé que par sa propre, lorsqu'elle lisait avec langueur les lettres d'Ariste. Les lettres d'Ariste étaient le monde, à l'époque.
Alduis. Alduis qui avait réagi à son nom. Alduis qui correspondait parfaitement à la description que l'héritier de Tianidre en avait faite. Ce ne pouvait être que celui-là.
Quel était son nom, déjà ? Elle était incapable de se le rappeler, mais les lettres d'Ariste – qu'elle avait soigneusement emportées dans ses bagages – le mentionnaient.
Ariste. Ce qu'il pouvait lui manquer. Ariste… Ariste et ses désirs bizarres. Ariste qui, dans ses lettres, avait bien trop souvent désigné cet Alduis par son prénom. Cet Alduis qui cherchait un garçon à cet instant. Un déclic farfelu lui vrilla l'esprit.
Finalement, tu tiens quelque chose de compromettant, ne put-ee se retenir de penser. Le fils d'un ministre est dément, et probablement sodomite. Tu sais que ça pourrait te servir, un jour.
Elle secoua la tête. Elle ne souhaitait pas être celle-là. Elle se détesterait si elle venait à exploiter les faiblesses des autres. Si elle en venait à exploiter la détresse d'un homme qui ne lui avait, de surcroît, jamais nuit.
Il aurait pu te blesser, se rappella-t-elle. Mais cela ne comptait point. Celui qui s'en était pris à elle n'était manifestement pas maître de ses actes.
Elle toisa, sceptique, le dénommé Eldred qui sommait son ami de revenir. Oui, de revenir. Elle était définitivement confronté à un fou.
Elle se sentit soudain intruse. Mal à l'aise. Il était si aisé de percer les secrets d'un homme et de s'en servir pour le détruire. Il était si ardu d'en user pour son bien. Éléonore, la malhabile, aurait dû se retirer en voyant que la situation était sous contrôle. Elle aurait dû entendre qu'elle s'était fourvoyée, et que ce n'était pas à elle d'arranger la situation. Elle aurait dû poser le papier froissé sur un banc et disparaître.
Elle n'en fit rien. L'attrait du billet était trop fort. Irrésistible. Elle baissa les yeux sur le papier, le lit rapidement. La satisfaction d'avoir tapé juste rivalisait avec la culpabilité. Incapable de se mêler de ses affaires. Incapable de la moindre pudeur. Qui était-elle donc pour se permettre d'intercepter la correspondance d'un autre ? Pour mettre à nu ses vices secrets.
Elle s'empressa de ramener son regard vers les deux hommes, feignant l'innocence. On pouvait tuer pour un tel secret.
Son regard vira vers l'homme qui l'avait expulsée. Grand, musclé, couturé. Elle n'eut pas le temps de lui reprocher sa cruelle indélicatesse qu'il esquivait déjà un coup du premier inconnu. Un coup parti pour elle.
Elle se redressa prudemment. Son épaule la lançait, mais elle se garda bien de se plaindre, comparaison faite avec la puissance du coup décoché.
Le nouveau venu enserra le dément. C'est àce moment-là qu'elle apprit leur noms. Eldred. Alduis.
Alduis…
Éléonore lissa tant bien que mal le billet que sa chute vec froissé à nouveau, s'efforçant de se remémorer les circonstances dans lesquelles elle avait entendu ce nom pour la première fois.
Alduis… L'homme à la cicatrice. Bien sûr !
Elle ne l'avait jamais entendu prononcé que par sa propre, lorsqu'elle lisait avec langueur les lettres d'Ariste. Les lettres d'Ariste étaient le monde, à l'époque.
Alduis. Alduis qui avait réagi à son nom. Alduis qui correspondait parfaitement à la description que l'héritier de Tianidre en avait faite. Ce ne pouvait être que celui-là.
Quel était son nom, déjà ? Elle était incapable de se le rappeler, mais les lettres d'Ariste – qu'elle avait soigneusement emportées dans ses bagages – le mentionnaient.
Ariste. Ce qu'il pouvait lui manquer. Ariste… Ariste et ses désirs bizarres. Ariste qui, dans ses lettres, avait bien trop souvent désigné cet Alduis par son prénom. Cet Alduis qui cherchait un garçon à cet instant. Un déclic farfelu lui vrilla l'esprit.
Finalement, tu tiens quelque chose de compromettant, ne put-ee se retenir de penser. Le fils d'un ministre est dément, et probablement sodomite. Tu sais que ça pourrait te servir, un jour.
Elle secoua la tête. Elle ne souhaitait pas être celle-là. Elle se détesterait si elle venait à exploiter les faiblesses des autres. Si elle en venait à exploiter la détresse d'un homme qui ne lui avait, de surcroît, jamais nuit.
Il aurait pu te blesser, se rappella-t-elle. Mais cela ne comptait point. Celui qui s'en était pris à elle n'était manifestement pas maître de ses actes.
Elle toisa, sceptique, le dénommé Eldred qui sommait son ami de revenir. Oui, de revenir. Elle était définitivement confronté à un fou.
Elle se sentit soudain intruse. Mal à l'aise. Il était si aisé de percer les secrets d'un homme et de s'en servir pour le détruire. Il était si ardu d'en user pour son bien. Éléonore, la malhabile, aurait dû se retirer en voyant que la situation était sous contrôle. Elle aurait dû entendre qu'elle s'était fourvoyée, et que ce n'était pas à elle d'arranger la situation. Elle aurait dû poser le papier froissé sur un banc et disparaître.
Elle n'en fit rien. L'attrait du billet était trop fort. Irrésistible. Elle baissa les yeux sur le papier, le lit rapidement. La satisfaction d'avoir tapé juste rivalisait avec la culpabilité. Incapable de se mêler de ses affaires. Incapable de la moindre pudeur. Qui était-elle donc pour se permettre d'intercepter la correspondance d'un autre ? Pour mettre à nu ses vices secrets.
Elle s'empressa de ramener son regard vers les deux hommes, feignant l'innocence. On pouvait tuer pour un tel secret.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Alduis ne pouvait pas avoir rêvé. Il refusait de croire qu’il avait pu l’imaginer. Il était si réel… Ses mains, ses doigts, ses lèvres, sa voix. Je suis là, mon amour. Mon Alduis. Il n’avait pas inventé, il ne pouvait pas l’avoir fait. Pourquoi les voix refusaient-elles de le croire, puisque c’était vrai ? Il en était sûr.
… enfin…
… presque…
Et pourtant, une partie de lui résistait encore et encore. Il ne pouvait se résoudre à y croire. Qu’importe tous ces mots de sagesse qui s’inscrivaient dans sa mémoire, qu'importe qu'il soit seul contre une armée… ses caresses étaient inscrites là, dans sa peau. Il percevait presque encore leur passage rassurant.
Il n’avait pas dormi de la nuit. Il ne l’avait pas entendu partir non plus. Et c’était cette pensée qui le terrorisait. L’avoir imaginé. Que ce n'ait été qu'une fabrication de son esprit. S’il ne pouvait plus compter ni sur sa mémoire, ni sur son corps… à qui pouvait-il faire confiance ?
Il était seul. Depuis toujours. Ceux qui venaient finissaient invariablement par disparaître, emportés par on ne savait quelle force. Et il n'avait toujours pas accepté la réalité. Ses bras retombèrent le long de son corps, comme vidés de leur force.
… et puis …
Un mouvement. De bras. Un froissement de vêtement qui réveilla son instinct. Les alarmes s'allumèrent dans tout son corps, hurlant au danger imminent.
Une main venait vers lui. Inexorablement. Une main intruse, inquisitrice. Trop proche. Mais qui continuait de se rapprochait.
Alduis se contracta, sa respiration se bloqua. En une seconde, il se transforma en boule de nerfs. Chaque parcelle de son être menaçait cette main. Mais les doigts n’en faisaient qu’à leur tête, et ils continuaient de venir. Il les sentit à peine effleurer sa chemise, un infime frottement. Ce fut comme un choc électrique qui détonna dans tout son corps. Une véritable décharge. Le coup qui partit était davantage lié à un réflexe primitif qu'à une réelle attaque.
Son poing ne trouva que de l'air. Ou presque.
- Alduis ? fit soudain une voix familière, grave et posée.
Alduis se figea. La voix. Il connaissait la voix. Des milliers de visages arrivèrent, aucun ne s'imposa plus que un autre. Il aurait voulu agiter les bras. Je suis là. Je suis là, venez me chercher, s'il vous plaît. Ne m'abandonnez pas. Mais son corps refusa de lui obéir.
- Alduis, c'est moi, Eldred.
Eldred.
Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Un bond d’espoir. Lui, il pouvait faire taire les voix. Il l’avait fait une fois, il pouvait recommencer.
- Tu m'entends ?
Oui. Oui, je t'entends. Je suis là. J'ai peur.
Peur qu'il ne soit pas là réellement.
Peur que ce ne soit qu'un mirage.
Peur de se rendre compte que personne n'était là devant lui.
Il ne pouvait faire confiance à personne. La flamme d'espoir s'éteignit comme une bougie soufflée.
Il ne se laisserait pas avoir une seconde fois. Il ne croirait pas son esprit, ni ses inventions. Aucune de ces images tant qu’il ne serait pas sûr de leur véracité. Il lui suffisait juste de se concentrer pour revenir. Mais sur quoi ? sur quoi pouvait-il s’appuyer ?
Comme pour répondre à sa question, quelque chose l'entoura et le serra fort. Alduis n'osa plus respirer. Quand il ne put plus contenir sa respiration, il relâcha l'air de ses poumons, se préparant déjà au vide qui allait revenir. Mais rien. La chose continua de le serrer fort. Alduis se laissa aller contre, sans pouvoir lutter.
Mais une angoisse sourde demeurait dans sa poitrine, étreignant dans un étau glacé ses entrailles. Il demanda dans un filet de voix :
- Comment je peux être sûr que tu es vraiment là ? Que tu ne vas pas disparaître dès que j'ouvrirai les yeux ? Peut-être que je suis en train de parler au vide...
Et pourtant, il espérait de tout son cœur que non.
… enfin…
… presque…
Rends-toi à l’évidence, Alduis.
Cesses de te comporter comme un enfant.
Cesses de te comporter comme un enfant.
Et pourtant, une partie de lui résistait encore et encore. Il ne pouvait se résoudre à y croire. Qu’importe tous ces mots de sagesse qui s’inscrivaient dans sa mémoire, qu'importe qu'il soit seul contre une armée… ses caresses étaient inscrites là, dans sa peau. Il percevait presque encore leur passage rassurant.
Très bien.
Alors comment expliques-tu qu’il ne soit pas là ce matin ?
Alors comment expliques-tu qu’il ne soit pas là ce matin ?
Il n’avait pas dormi de la nuit. Il ne l’avait pas entendu partir non plus. Et c’était cette pensée qui le terrorisait. L’avoir imaginé. Que ce n'ait été qu'une fabrication de son esprit. S’il ne pouvait plus compter ni sur sa mémoire, ni sur son corps… à qui pouvait-il faire confiance ?
Depuis tout ce temps, tu n'as toujours pas compris, Alduis…
Tu ne peux compter sur personne.
À peine sur toi-même.
Tu ne peux compter sur personne.
À peine sur toi-même.
Il était seul. Depuis toujours. Ceux qui venaient finissaient invariablement par disparaître, emportés par on ne savait quelle force. Et il n'avait toujours pas accepté la réalité. Ses bras retombèrent le long de son corps, comme vidés de leur force.
… et puis …
Un mouvement. De bras. Un froissement de vêtement qui réveilla son instinct. Les alarmes s'allumèrent dans tout son corps, hurlant au danger imminent.
Une main venait vers lui. Inexorablement. Une main intruse, inquisitrice. Trop proche. Mais qui continuait de se rapprochait.
Alduis se contracta, sa respiration se bloqua. En une seconde, il se transforma en boule de nerfs. Chaque parcelle de son être menaçait cette main. Mais les doigts n’en faisaient qu’à leur tête, et ils continuaient de venir. Il les sentit à peine effleurer sa chemise, un infime frottement. Ce fut comme un choc électrique qui détonna dans tout son corps. Une véritable décharge. Le coup qui partit était davantage lié à un réflexe primitif qu'à une réelle attaque.
Son poing ne trouva que de l'air. Ou presque.
- Alduis ? fit soudain une voix familière, grave et posée.
Alduis se figea. La voix. Il connaissait la voix. Des milliers de visages arrivèrent, aucun ne s'imposa plus que un autre. Il aurait voulu agiter les bras. Je suis là. Je suis là, venez me chercher, s'il vous plaît. Ne m'abandonnez pas. Mais son corps refusa de lui obéir.
- Alduis, c'est moi, Eldred.
Eldred.
Son coeur fit un bond dans sa poitrine. Un bond d’espoir. Lui, il pouvait faire taire les voix. Il l’avait fait une fois, il pouvait recommencer.
- Tu m'entends ?
Oui. Oui, je t'entends. Je suis là. J'ai peur.
Peur qu'il ne soit pas là réellement.
Peur que ce ne soit qu'un mirage.
Peur de se rendre compte que personne n'était là devant lui.
Il ne pouvait faire confiance à personne. La flamme d'espoir s'éteignit comme une bougie soufflée.
Il ne se laisserait pas avoir une seconde fois. Il ne croirait pas son esprit, ni ses inventions. Aucune de ces images tant qu’il ne serait pas sûr de leur véracité. Il lui suffisait juste de se concentrer pour revenir. Mais sur quoi ? sur quoi pouvait-il s’appuyer ?
Comme pour répondre à sa question, quelque chose l'entoura et le serra fort. Alduis n'osa plus respirer. Quand il ne put plus contenir sa respiration, il relâcha l'air de ses poumons, se préparant déjà au vide qui allait revenir. Mais rien. La chose continua de le serrer fort. Alduis se laissa aller contre, sans pouvoir lutter.
Mais une angoisse sourde demeurait dans sa poitrine, étreignant dans un étau glacé ses entrailles. Il demanda dans un filet de voix :
- Comment je peux être sûr que tu es vraiment là ? Que tu ne vas pas disparaître dès que j'ouvrirai les yeux ? Peut-être que je suis en train de parler au vide...
Et pourtant, il espérait de tout son cœur que non.
Alduis de Fromart- Aristocratie
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Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Eldred continuait de serrer Alduis aussi fort qu’il le pouvait. Il sentit sa respiration se bloquer avant que l’air ne ressorte subitement.
Il le serrait contre lui avec autant de calme et de force que son esprit pouvait en mettre. C’était comme retenir un aigle qui tentait de s’envoler dans les airs. Il tirait encore et encore sur ses serres pour le ramener au sol.
Tu peux le faire, Alduis. Je sais que tu peux le faire répétait-il mentalement avec l’espoir qu’il puisse l’entendre de là où il était.
Enfin sa voix lui répondit. Vacillante, pleine d’angoisses et de terreur. Si lointaine. Où était-il ? Où était-il parti ?
- Tu sens mes bras autour de toi ? Les draugr ne peuvent pas te faire ce genre de chose Alduis. Tu es dans l’église, enfermé entre mes bras. Alexandre m’a demandé de venir.
Il marqua une pause de plusieurs secondes. Il savait qu’il devait lui laisser le temps. L’information devait voyager jusqu’à l’endroit où il s’était égaré avant d’être digérée.
- Alduis, je suis ton ami, et j’irais te chercher où que tu te trouves d’accord ?
Il relâcha un peu son étreinte et attrapa de sa main droite, la gauche d’Alduis.
- Prend-ma main et reviens. Tu sais que j’ai toujours été honnête avec toi. Tu peux me faire confiance. Je serai là quand tu ouvriras les yeux, d’accord ?
Il avait vaguement conscience d’avoir bousculer la jeune femme qui s’était écroulée entre les bancs. Il aurait dû s’inquiéter de sa présence et protéger Alduis en conséquence mais il ne pouvait pas se dédoubler. Il n’avait pas le choix. Sa priorité restait de ramener son ami par le monde des Hommes…
Pourtant, elle en savait trop. Beaucoup trop.
Il le serrait contre lui avec autant de calme et de force que son esprit pouvait en mettre. C’était comme retenir un aigle qui tentait de s’envoler dans les airs. Il tirait encore et encore sur ses serres pour le ramener au sol.
Tu peux le faire, Alduis. Je sais que tu peux le faire répétait-il mentalement avec l’espoir qu’il puisse l’entendre de là où il était.
Enfin sa voix lui répondit. Vacillante, pleine d’angoisses et de terreur. Si lointaine. Où était-il ? Où était-il parti ?
- Tu sens mes bras autour de toi ? Les draugr ne peuvent pas te faire ce genre de chose Alduis. Tu es dans l’église, enfermé entre mes bras. Alexandre m’a demandé de venir.
Il marqua une pause de plusieurs secondes. Il savait qu’il devait lui laisser le temps. L’information devait voyager jusqu’à l’endroit où il s’était égaré avant d’être digérée.
- Alduis, je suis ton ami, et j’irais te chercher où que tu te trouves d’accord ?
Il relâcha un peu son étreinte et attrapa de sa main droite, la gauche d’Alduis.
- Prend-ma main et reviens. Tu sais que j’ai toujours été honnête avec toi. Tu peux me faire confiance. Je serai là quand tu ouvriras les yeux, d’accord ?
Il avait vaguement conscience d’avoir bousculer la jeune femme qui s’était écroulée entre les bancs. Il aurait dû s’inquiéter de sa présence et protéger Alduis en conséquence mais il ne pouvait pas se dédoubler. Il n’avait pas le choix. Sa priorité restait de ramener son ami par le monde des Hommes…
Pourtant, elle en savait trop. Beaucoup trop.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Interceptant le regard méfiant du dénommé Eldred, Éléonore fut prise de vertiges. Oui, on pouvait tuer pour protéger un tel secret. On pouvait tuer pour dissimuler la démence d'un homme. Le fait d'être une femme ne l'a protégerait pas.
Il fallait qu'elle se ressaisisse ! Tout de suite. Elle, elle savait qu'elle ne dévoilerait rien. Elle savait qu'elle ne chercherait jamais à dire à un homme. Mais eux, comment pourrait-elle les en convaincre.
Elle plia scrupuleusement le billet dans entre ses doigts. Elle détailla la stature d'Eldred. La vitesse, la brutalité avec laquelle il l'avait éjectée. Elle tâta son poignard. Son poignard ne serait qu'un prétexte de plus d'être neutralisée si elle venait à le sortir. Courir ? Pour aller où ? Elle n'aurait npas le temps d'atteindre la porte avant d'être rattrapée. Cette attitude aussi ne serait qu'une bonne raison de se méfier de ses intentions.
La jeune femme prit une grande inspiration. Ce regard fugace mais menaçant qu'elle avait senti sur elle prit encore de l'ampleur. Elle ne pouvait ni le prendre de vitesse ni le battre. Il suffisait de voir la facilité avec laquelle il avait maîtrisé son ami. Non, sa seule chance était d'être sincère.
Après tout, le signe qu'elle avait demandé ne pouvait se solder par sa mort. Ce devait la mener sur la voie. Il fallait qu'elle garde la foi. Toujours.
Elle s'avança, hésitante, vers les deux hommes.
— Merci, lança-t-elle à Eldred tandis que l'autre semblait quelque peu apaisé. Je veux dire : merci pour lui. Je… Je ne savais vraiment pas comment l'aider. Je… Il cherchait quelqu'un. Il avait l'air paniqué, il est venu vers moi… et je ne sais pas pourquoi, quand je me suis présentée son délire s'est accentué.
Éléonore avait tout prononcé très vite. Son trouble était trop voyant. Elle craignit que sa panique ne se discerne trop facilement. Elle craignait que cela ne lui nuise.
— Je… Il a laissé tomber ceci. Je crois que ça a un rapport avec la personne qu'il cherche. Je… Écoutez… Ce qui s'est passé ici ne sortira pas d'ici, je peux vous l'assurer. Mais…
Non… Non… Elle n'était pas prête à affronter le monde. Elle ne l'avait jamais été. Elle n'aurait jamais dû dire cela. Elle n'allait jamais s'en sortir. On tuait pour de tels secrets
Il fallait qu'elle se ressaisisse ! Tout de suite. Elle, elle savait qu'elle ne dévoilerait rien. Elle savait qu'elle ne chercherait jamais à dire à un homme. Mais eux, comment pourrait-elle les en convaincre.
Elle plia scrupuleusement le billet dans entre ses doigts. Elle détailla la stature d'Eldred. La vitesse, la brutalité avec laquelle il l'avait éjectée. Elle tâta son poignard. Son poignard ne serait qu'un prétexte de plus d'être neutralisée si elle venait à le sortir. Courir ? Pour aller où ? Elle n'aurait npas le temps d'atteindre la porte avant d'être rattrapée. Cette attitude aussi ne serait qu'une bonne raison de se méfier de ses intentions.
La jeune femme prit une grande inspiration. Ce regard fugace mais menaçant qu'elle avait senti sur elle prit encore de l'ampleur. Elle ne pouvait ni le prendre de vitesse ni le battre. Il suffisait de voir la facilité avec laquelle il avait maîtrisé son ami. Non, sa seule chance était d'être sincère.
Après tout, le signe qu'elle avait demandé ne pouvait se solder par sa mort. Ce devait la mener sur la voie. Il fallait qu'elle garde la foi. Toujours.
Elle s'avança, hésitante, vers les deux hommes.
— Merci, lança-t-elle à Eldred tandis que l'autre semblait quelque peu apaisé. Je veux dire : merci pour lui. Je… Je ne savais vraiment pas comment l'aider. Je… Il cherchait quelqu'un. Il avait l'air paniqué, il est venu vers moi… et je ne sais pas pourquoi, quand je me suis présentée son délire s'est accentué.
Éléonore avait tout prononcé très vite. Son trouble était trop voyant. Elle craignit que sa panique ne se discerne trop facilement. Elle craignait que cela ne lui nuise.
— Je… Il a laissé tomber ceci. Je crois que ça a un rapport avec la personne qu'il cherche. Je… Écoutez… Ce qui s'est passé ici ne sortira pas d'ici, je peux vous l'assurer. Mais…
Non… Non… Elle n'était pas prête à affronter le monde. Elle ne l'avait jamais été. Elle n'aurait jamais dû dire cela. Elle n'allait jamais s'en sortir. On tuait pour de tels secrets
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Ouvrir les yeux lui semblait au-dessus de ses forces. Les voix le lui soufflaient, qu'il était seul, qu'il n'y avait personne. Reprendre pied dans la réalité, ce serait comme être abandonné une énième fois. Il craignait de découvrir qu'elles avaient raison. De ne plus pouvoir lutter contre elles.
Mais malgré tous ses doutes, la force qui l'entourait demeurait présente. Elle ne le quittait pas. Quant à la voix, elle continuait de se frayer un chemin à travers son capharnaüm mental.
Alduis le sentait. Il l'entendait. C'était réel, tout son corps le lui disait. L'étreinte était stable, comme une ancre qui résistait aux assauts de l'océan. Quoi qu'il arrive. Il avait la sensation de pouvoir s'y rattacher, mais il n'osait pas.
- Tu es dans l'église, enfermé entre mes bras. Alexandre m'a demandé de venir.
Église. Bras. Alexandre.
Les mots mirent quelques secondes à se frayer un chemin pour qu'il les comprenne enfin. Il était dans l'église, il était venu se réfugier sous les voûtes la veille. Il s'en souvenait. Cela le raffermit un peu.
- Je suis dans l'église, répéta-t-il en articulant, ce qui permettait à son esprit de trier toutes les images qui n'étaient pas à leur place. Je suis dans l'église.
Et il allait y revenir. Parce que la réalité était là-bas, sous les ogives et chapiteaux. À mesure qu'il prenait conscience de cela, l'ancre devenait de plus en plus stable, il percevait les bras autour de lui avec plus de précision. Pourtant, il continuait d’avoir peur. Il était bien placé pour savoir que certains rêves semblaient plus véritables que la réalité elle-même.
- Alduis, je suis ton ami, et j’irai te chercher où que tu te trouves d’accord ?
Une main se glissa dans la sienne. Par le même réflexe qui pousse les nouveaux-nés à fermer les pognes en sentant un index sur leur paume, Alduis serra aussitôt ces doigts-là, jusqu’à les écraser.
Reviens.
Tu peux me faire confiance.
Alduis serra les doigts encore plus fort.
- Je serai là quand tu ouvriras les yeux, d’accord ?
- Promis ? lâcha Alduis. Tu ne vas pas m’abandonner ?
Maman avait promis. Et elle n’avait pas tenu sa promesse. Alors comment aurait-il pu y croire sans le moindre doute ? Pourtant...
Il hésita encore quelques secondes. Ou quelques minutes. Il aurait été bien incapable de le dire. Dans ces instants, la notion du temps prenait une autre saveur. Les secondes s’étiraient, les minutes passaient à toute allure… Comme si soudainement, les choses n’allaient plus à la même vitesse pour lui que pour les autres.
Il rouvrit les yeux d’un coup. Ses prunelles se plantèrent aussitôt dans le regard brun de Eldred. Et le calme qu’il y trouva, sans la moindre vague qui ne troublait la surface, termina de le ramener définitivement.
Soudain, une voix attira son attention. En l’apercevant, il se souvint de la jeune femme.
Éléonore de Tianidre.
Ariste de Tianidre.
Elle parlait vite, comme si elle était nerveuse. Les phrases se bousculaient sur ses lèvres, elle balbutiait. Parce qu’elle savait pertinemment qu’elle avait assisté à quelque chose auquel elle n’aurait jamais dû être présente. Alduis se crispa dans la seconde suivante, comme un chien qui retrousse les babines en grondant. Le regard qu’il plongea dans le sien n’avait absolument plus rien de délirant, ni de perdu. Et il n’avait rien d’amical non plus.
Mais malgré tous ses doutes, la force qui l'entourait demeurait présente. Elle ne le quittait pas. Quant à la voix, elle continuait de se frayer un chemin à travers son capharnaüm mental.
Alduis le sentait. Il l'entendait. C'était réel, tout son corps le lui disait. L'étreinte était stable, comme une ancre qui résistait aux assauts de l'océan. Quoi qu'il arrive. Il avait la sensation de pouvoir s'y rattacher, mais il n'osait pas.
- Tu es dans l'église, enfermé entre mes bras. Alexandre m'a demandé de venir.
Église. Bras. Alexandre.
Les mots mirent quelques secondes à se frayer un chemin pour qu'il les comprenne enfin. Il était dans l'église, il était venu se réfugier sous les voûtes la veille. Il s'en souvenait. Cela le raffermit un peu.
- Je suis dans l'église, répéta-t-il en articulant, ce qui permettait à son esprit de trier toutes les images qui n'étaient pas à leur place. Je suis dans l'église.
Et il allait y revenir. Parce que la réalité était là-bas, sous les ogives et chapiteaux. À mesure qu'il prenait conscience de cela, l'ancre devenait de plus en plus stable, il percevait les bras autour de lui avec plus de précision. Pourtant, il continuait d’avoir peur. Il était bien placé pour savoir que certains rêves semblaient plus véritables que la réalité elle-même.
- Alduis, je suis ton ami, et j’irai te chercher où que tu te trouves d’accord ?
Une main se glissa dans la sienne. Par le même réflexe qui pousse les nouveaux-nés à fermer les pognes en sentant un index sur leur paume, Alduis serra aussitôt ces doigts-là, jusqu’à les écraser.
Reviens.
Tu peux me faire confiance.
Alduis serra les doigts encore plus fort.
- Je serai là quand tu ouvriras les yeux, d’accord ?
- Promis ? lâcha Alduis. Tu ne vas pas m’abandonner ?
Maman avait promis. Et elle n’avait pas tenu sa promesse. Alors comment aurait-il pu y croire sans le moindre doute ? Pourtant...
Il hésita encore quelques secondes. Ou quelques minutes. Il aurait été bien incapable de le dire. Dans ces instants, la notion du temps prenait une autre saveur. Les secondes s’étiraient, les minutes passaient à toute allure… Comme si soudainement, les choses n’allaient plus à la même vitesse pour lui que pour les autres.
Il rouvrit les yeux d’un coup. Ses prunelles se plantèrent aussitôt dans le regard brun de Eldred. Et le calme qu’il y trouva, sans la moindre vague qui ne troublait la surface, termina de le ramener définitivement.
Soudain, une voix attira son attention. En l’apercevant, il se souvint de la jeune femme.
Éléonore de Tianidre.
Ariste de Tianidre.
Elle parlait vite, comme si elle était nerveuse. Les phrases se bousculaient sur ses lèvres, elle balbutiait. Parce qu’elle savait pertinemment qu’elle avait assisté à quelque chose auquel elle n’aurait jamais dû être présente. Alduis se crispa dans la seconde suivante, comme un chien qui retrousse les babines en grondant. Le regard qu’il plongea dans le sien n’avait absolument plus rien de délirant, ni de perdu. Et il n’avait rien d’amical non plus.
Alduis de Fromart- Aristocratie
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Bonus Dé : 5
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Date d'inscription : 05/05/2020
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Alduis l’avait entendu. Il se rapprochait. Petit à petit. Pas après pas. Mais il n’était pas encore assez proche pour revenir totalement. Il serra sa main dans la sienne. Il voulait ramener le petit garçon égaré. Sa main était comprimée entre les doigts de son ami qui la serrait de plus en plus fort pour se convaincre de la réalité.
- Je te le promets. Je serai toujours là quand tu reviendras
Il patienta quelques longues secondes. Il sentait les pupilles s’agiter sous ses paupières. Il avait en confiance en lui. Il pouvait le faire. Il pouvait y arriver. Soudainement, ses yeux aux allures de glacier se découvrir. Eldred relâcha un soupir et serra son ami dans ses bras de soulagement.
- Bienvenue parmi les vivants, mon lapin lui glissa-t-il dans le creux de l’oreille
Une belle frayeur. Il lui avait fait une belle frayeur. Il avait toujours peur qu’un jour il parte si loin qu’il ne puisse plus revenir. C’était une possibilité. Il l’avait déjà vu chez des oracles à Zakros. Il lui asséna une amicale tape entre les épaules lorsqu’une voix qui s’était rapprochée prit la parole. Celle de la femme. Il relâcha Alduis et pivota d’un coup vers elle. Elle parlait vite trop vite. Remerciement, paniqué -comme elle-, délire, lettre.
Il sentait Alduis se tendre à ses côtés. Il bouillonnait. Il avait les poils hérissés sur l’échine, prêt à mordre. Eldred fit un pas de côté, se plaçant devant lui. Il posa silencieusement sa main gauche sur la sienne et tandis la droite pour récupérer la lettre.
- Reculez s'il vous plait. Vous n’auriez pas dû la ramasser. Cela ne vous appartient pas. L’avez-vous lu ? Et ne vous avisez pas de mentir. Je le saurais.
Il délaissa la main d’Alduis et s’approcha d’un pas de la femme.
- Vous êtes venu prier à l’église. Vous n’avez vu personne. Et vous n’avez rien entendu, suis-je bien clair ?
Etait-il en train de menacer de mort une noble femme ? En effet. Et cela importait bien peu à l’homme prudent qu’il était. On donnait sa vie pour ses amis. Personne ne devait savoir. Personne.
- Je te le promets. Je serai toujours là quand tu reviendras
Il patienta quelques longues secondes. Il sentait les pupilles s’agiter sous ses paupières. Il avait en confiance en lui. Il pouvait le faire. Il pouvait y arriver. Soudainement, ses yeux aux allures de glacier se découvrir. Eldred relâcha un soupir et serra son ami dans ses bras de soulagement.
- Bienvenue parmi les vivants, mon lapin lui glissa-t-il dans le creux de l’oreille
Une belle frayeur. Il lui avait fait une belle frayeur. Il avait toujours peur qu’un jour il parte si loin qu’il ne puisse plus revenir. C’était une possibilité. Il l’avait déjà vu chez des oracles à Zakros. Il lui asséna une amicale tape entre les épaules lorsqu’une voix qui s’était rapprochée prit la parole. Celle de la femme. Il relâcha Alduis et pivota d’un coup vers elle. Elle parlait vite trop vite. Remerciement, paniqué -comme elle-, délire, lettre.
Il sentait Alduis se tendre à ses côtés. Il bouillonnait. Il avait les poils hérissés sur l’échine, prêt à mordre. Eldred fit un pas de côté, se plaçant devant lui. Il posa silencieusement sa main gauche sur la sienne et tandis la droite pour récupérer la lettre.
- Reculez s'il vous plait. Vous n’auriez pas dû la ramasser. Cela ne vous appartient pas. L’avez-vous lu ? Et ne vous avisez pas de mentir. Je le saurais.
Il délaissa la main d’Alduis et s’approcha d’un pas de la femme.
- Vous êtes venu prier à l’église. Vous n’avez vu personne. Et vous n’avez rien entendu, suis-je bien clair ?
Etait-il en train de menacer de mort une noble femme ? En effet. Et cela importait bien peu à l’homme prudent qu’il était. On donnait sa vie pour ses amis. Personne ne devait savoir. Personne.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
— Reculez s'il vous plait. Vous n’auriez pas dû la ramasser. Cela ne vous appartient pas. L’avez-vous lu ? Et ne vous avisez pas de mentir. Je le saurais.
Éléonore obéit, incapable de fournir une réponse. Elle devait d'abord se calmer. Elle devait maîtriser le tremblement importun qui secouait ses épaules. Ariste aurait-il tremblé ? Ariste aurait-il paniqué ? Plus qu'un cousin, il avait été pour elle comme un frère. Le seul grand frère qu'elle n'eut jamais eu. Son modèle, son héros. Même lorsqu'il avait défié leur oncle pour partir combattre, elle était restée admirative de sa personne.
Les échos d'un passé lointain lui revinrent. Un baume passé sur sa peur. Frôler la mort, prétendait Ariste dans l'une de ses dernières lettres, c'était renaître. Nul frisson n'était plus revigorant. Ariste aimait le danger. Il ne courait pas les situations inextricable, mais les affrontait la tête haute. Elle devait lui rendre honneur. Un homme si fort abattu de manière ingrate, par une sournoise maladie. Son modèle, son frère, avait trépassé dans la souffrance, l'impuissance.
Imaginer Ariste se tordre de douleur et de résignation la rendit malade. Il aurait dû mourir la tête haute. Non : il aurait dû vivre. Sa force vivait en elle, et elle, elle qui avait le choix, ne baisserait pas la tête. Non ! Elle ne pouvait pas mourir comme ça, il n'en avait pas envie. Mais peut-être elle...
Sa position se raffermit. Elle se persuada tant bien que mal qu'elle n'avait aucune raison de s'inquiéter : elle s'en sortirait, et si elle ne s'en sortait pas... Tant mieux ?
Le noble s'agitait. Elle ne put s'empêcher d'être soulagée. Elle était en mauvaise posture, mais il était revenu à lui. L'autre avança d'un pas, menaçant.
— Vous êtes venue prier à l’église. Vous n’avez vu personne. Et vous n’avez rien entendu, suis-je bien clair ? enchaîna-t-il avant qu'elle n'ait pu formuler sa réponse.
Éléonore inspira profondément. Il lui fallait être parfaitement calme pour le convaincre. Seuls ceux qui avaient de mauvais desseins à dissimuler avaient des raisons de paniquer. Elle n'avait rien à cacher.
— Si je n'ai rien vu, si je n'ai rien entendu, alors, je n'ai rien pu lire. Voilà ce que l'on en saura. Vous avez raison, je ne tirerais aucun bénéfice d'un mensonge. Si vous ne me faites pas confiance, cela ne changera rien d'ajouter le contenu de cette lettre à ce que je sais. Si vous ne me faites pas confiance, que je l'ai lue ou non, vous me tuerez quand même, n'est-ce pas ?
La jeune femme hésita. Était-elle prête à prendre un tel risque ? Elle regarda l'homme. Elle n'avait pour étayer son jugement que les apparences, mais il s'agissait peut-être de sa meilleure chance. Et si elle échouait, au moins, elle aurait la satisfaction d'avoir joué jusqu'au bout. D'avoir ressenti ce frisson, point culminant d'un espoir fataliste.
— En réalité, ma parole ne vaut rien pour vous. N'importe qui jurerait de se taire sous une menace si évidente. Cela ne les empêcherait pas de parler ensuite. Loin de là.
Inspire. Expire. C'est un signe. Un signe.
— Parce que la plupart des gens se tairaient par peur. Je vous l'ai dit : ce qui s'est passé ici ne sortira jamais d'ici. Ce n'est pas une question de menace, mais de respect. Je ne comprendrai jamais qu'on puisse vouloir nuire à une personne que ne nous a jamais nuit.
Les mains d'Éléonore se crispèrent. Il faudrait qu'elle soit plus vive que lui. Il ne fallait pas qu'il ait le temps d'interrompre son geste, sinon c'en était fini d'elle.
— Vous n'avez aucune preuve de ma bonne foi, en pensez bien que ça me désole. Ce peut sembler lâche, mais je ne veux pas mourir. Non. Pas aujourd'hui. Pas encore. Ce n'est pas ce que je ferai ensuite qui influencera votre décision, en réalité. C'est un jugement tout à fait subjectif que vous aurez aujourd'hui, immédiatement. Soit…
Un. Deux. Trois.
Plus vivement que jamais, Éléonore sortir son poignard, elle le jeta au ras du sol, le fit glisser hors de portée. Elle venait de se délester de son seul moyen de défense. De toute manière, elle n'aurait su s'en servir efficacement si le danger s'était présenté. Elle lançait bien, mais pour le reste... De toute façon, elle n'aurait accepté de blesser personne. C'était purement symbolique.
Les yeux rivés vers l'arme pour ne pas voir la réaction des deux hommes, pour ne pas se deconcentrer, elle énonça :
— Si vous choisissez de me tuer, vous choisissez d'ôter gratuitement la vie à une personne désarmée, uniquement parce qu'elle n'a pas eu le bon sens d'abandonner un inconnu en détresse. Je vous l'ai dit : je ne veux en aucun cas vous nuire. Si vous me tuez, ce sera un acte gratuit.
Ce n'était peut-être pas nécessaire. Elle avait peut-être pris des risques pour rien. Mais au moins, elle mourrait sans pleurnicher. Elle partirait la tête haute, et son assassin n'oublierait jamais son dernier regard. Il n'était pas assez corrompu pour l'effacer.
Elle releva la tête, le coeur battant. Ici, tout se jouait.
Éléonore obéit, incapable de fournir une réponse. Elle devait d'abord se calmer. Elle devait maîtriser le tremblement importun qui secouait ses épaules. Ariste aurait-il tremblé ? Ariste aurait-il paniqué ? Plus qu'un cousin, il avait été pour elle comme un frère. Le seul grand frère qu'elle n'eut jamais eu. Son modèle, son héros. Même lorsqu'il avait défié leur oncle pour partir combattre, elle était restée admirative de sa personne.
Les échos d'un passé lointain lui revinrent. Un baume passé sur sa peur. Frôler la mort, prétendait Ariste dans l'une de ses dernières lettres, c'était renaître. Nul frisson n'était plus revigorant. Ariste aimait le danger. Il ne courait pas les situations inextricable, mais les affrontait la tête haute. Elle devait lui rendre honneur. Un homme si fort abattu de manière ingrate, par une sournoise maladie. Son modèle, son frère, avait trépassé dans la souffrance, l'impuissance.
Imaginer Ariste se tordre de douleur et de résignation la rendit malade. Il aurait dû mourir la tête haute. Non : il aurait dû vivre. Sa force vivait en elle, et elle, elle qui avait le choix, ne baisserait pas la tête. Non ! Elle ne pouvait pas mourir comme ça, il n'en avait pas envie. Mais peut-être elle...
Sa position se raffermit. Elle se persuada tant bien que mal qu'elle n'avait aucune raison de s'inquiéter : elle s'en sortirait, et si elle ne s'en sortait pas... Tant mieux ?
Le noble s'agitait. Elle ne put s'empêcher d'être soulagée. Elle était en mauvaise posture, mais il était revenu à lui. L'autre avança d'un pas, menaçant.
— Vous êtes venue prier à l’église. Vous n’avez vu personne. Et vous n’avez rien entendu, suis-je bien clair ? enchaîna-t-il avant qu'elle n'ait pu formuler sa réponse.
Éléonore inspira profondément. Il lui fallait être parfaitement calme pour le convaincre. Seuls ceux qui avaient de mauvais desseins à dissimuler avaient des raisons de paniquer. Elle n'avait rien à cacher.
— Si je n'ai rien vu, si je n'ai rien entendu, alors, je n'ai rien pu lire. Voilà ce que l'on en saura. Vous avez raison, je ne tirerais aucun bénéfice d'un mensonge. Si vous ne me faites pas confiance, cela ne changera rien d'ajouter le contenu de cette lettre à ce que je sais. Si vous ne me faites pas confiance, que je l'ai lue ou non, vous me tuerez quand même, n'est-ce pas ?
La jeune femme hésita. Était-elle prête à prendre un tel risque ? Elle regarda l'homme. Elle n'avait pour étayer son jugement que les apparences, mais il s'agissait peut-être de sa meilleure chance. Et si elle échouait, au moins, elle aurait la satisfaction d'avoir joué jusqu'au bout. D'avoir ressenti ce frisson, point culminant d'un espoir fataliste.
— En réalité, ma parole ne vaut rien pour vous. N'importe qui jurerait de se taire sous une menace si évidente. Cela ne les empêcherait pas de parler ensuite. Loin de là.
Inspire. Expire. C'est un signe. Un signe.
— Parce que la plupart des gens se tairaient par peur. Je vous l'ai dit : ce qui s'est passé ici ne sortira jamais d'ici. Ce n'est pas une question de menace, mais de respect. Je ne comprendrai jamais qu'on puisse vouloir nuire à une personne que ne nous a jamais nuit.
Les mains d'Éléonore se crispèrent. Il faudrait qu'elle soit plus vive que lui. Il ne fallait pas qu'il ait le temps d'interrompre son geste, sinon c'en était fini d'elle.
— Vous n'avez aucune preuve de ma bonne foi, en pensez bien que ça me désole. Ce peut sembler lâche, mais je ne veux pas mourir. Non. Pas aujourd'hui. Pas encore. Ce n'est pas ce que je ferai ensuite qui influencera votre décision, en réalité. C'est un jugement tout à fait subjectif que vous aurez aujourd'hui, immédiatement. Soit…
Un. Deux. Trois.
Plus vivement que jamais, Éléonore sortir son poignard, elle le jeta au ras du sol, le fit glisser hors de portée. Elle venait de se délester de son seul moyen de défense. De toute manière, elle n'aurait su s'en servir efficacement si le danger s'était présenté. Elle lançait bien, mais pour le reste... De toute façon, elle n'aurait accepté de blesser personne. C'était purement symbolique.
Les yeux rivés vers l'arme pour ne pas voir la réaction des deux hommes, pour ne pas se deconcentrer, elle énonça :
— Si vous choisissez de me tuer, vous choisissez d'ôter gratuitement la vie à une personne désarmée, uniquement parce qu'elle n'a pas eu le bon sens d'abandonner un inconnu en détresse. Je vous l'ai dit : je ne veux en aucun cas vous nuire. Si vous me tuez, ce sera un acte gratuit.
Ce n'était peut-être pas nécessaire. Elle avait peut-être pris des risques pour rien. Mais au moins, elle mourrait sans pleurnicher. Elle partirait la tête haute, et son assassin n'oublierait jamais son dernier regard. Il n'était pas assez corrompu pour l'effacer.
Elle releva la tête, le coeur battant. Ici, tout se jouait.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Eldred lui avait promis. Et Alduis avait choisi de le croire. De lui faire confiance. Il avait rouvert les yeux, et il avait croisé son regard empli de stabilité et de force. L'instant d'après, il se retrouvait de nouveau serré entre ses bras.
- Bienvenue parmi les vivants, mon lapin.
Le soulagement était audible dans sa voix. Et ils savaient pertinemment tous les deux que ce n'était pas exagéré. À force de partir, il viendrait le moment où il s'enfoncerait tellement dans ses souvenirs qu'il ne retrouverait plus son chemin. Et plus le temps passait, plus il allait loin. Plus il avait du mal à retrouver le présent.
Alduis lui rendit son étreinte. Plus courte qu'il ne l'aurait voulu puisque la bbrûlure qui se réveilla dans sa paume droite lui tira un sifflement de douleur. Il recula avec un sourire sincère et Eldred ponctua le tout d'une tape amicale dans le dos.
Mais l'expression rieuse de Alduis s'évanouit aussi vite qu'elle n'était apparue quand elle s'approcha. La jeune femme. Que savait-elle ? que voulait-elle ? Il sentit tous ses muscles devenir aussi dur que de l'acier. Eldred vint se placer entre elle et lui, pour faire barrière de son corps. La main de son ami vint se poser par-dessus la sienne, en guise d'apaisement. Alduis prit une inspiration, fit un effort pour se détendre.
La jeune femme eut la présence de reculer quand le zakrotien le lui demanda. La lettre. Avant même qu'elle ne réponde, il savait qu'elle l'avait lue. Qu'elle connaissait la vérité. Sans un mot, il fit un pas en avant, la reprit des doigts de Eldred. Une seconde, il se retrouva devant le mot, à se demander comment il allait l'ouvrir avec son unique main valide. Il avait commencé à s'aider de ses dents quand Eldred lui prit d'autorité des mains — ou des dents, en l'occurence — pour la déplier à sa place. Et la lui rendre ensuite.
- Merci, bougonna-t-il, malgré le fait qu'il lui en était sincèrement reconnaissant.
L'écriture de Alexandre était pleine de pleins et de déliés. Il lui aurait suffi d'un coup d'oeil pour la reconnaître. Il lut. Il se coupa un moment du monde, pour comprendre, pour ancrer le poème dans sa mémoire.
Mais ce mot. Ce mot signifiait une chose qui réchauffa son coeur. Il n'avait rien inventé. Le jeune homme l'avait vraiment appelé mon Alduis. Il n'était pas fou.
Rassérené par cette idée, il releva les yeux vers elle. Alors c'était ça qu'elle avait lu. Une déclaration d'amour à peine voilée d'un homme à un homme. Il ne la lâcha pas des yeux, la sonda au plus profond de son être. Sans le moindre mot. Eldred s'en chargea pour lui.
Son ton était lourd de menace. Il n'était qu'un esclave face à une noble. Il aurait pu passer en justice pour moins que cela, rien que pour l'avoir bousculé. Mais Eldred ne s'en souciait pas. Ce geste qu'il faisait, c'était pour lui et cela toucha Alduis plus qu'il ne voulut bien le reconnaître.
Il la laissa parler. Éléonore se lança dans un monologue, sans même attendre que l'un ou l'autre ne réponde. Elle enchaînait les arguments, justifiait sa position, ses actes. Alduis laissait filer. Soudain, il y eut cette remarque. À propos de sa parole.
Alduis secoua la tête, un sourire plein d'ironie acide sur les lèvres.
- Ne présumez pas si vite. Vous vous trompez. La parole d'un parfait inconnu vaut autant que celle d'un ami. Et même davantage.
Alduis y croyait fermement. Quant à ceux qui trahissaient leurs promesses, il n'avait pas le moindre honneur, ne méritait pas la moindre once de respect. Ceux qui s'asseyait sur les plus grands principes, pourquoi les aurait-il traité comme un homme droit et courageux ?
Il la trouvait même bien osée que de parler de respect. Elle venait de lire un mot qui ne lui était pas adressé, et elle appelait cela du respect. Un court ricanement jaillit de sa gorge.
Soudain, il perçut un changement dans son attitude. Infime. Elle se préparait à faire quelque chose. Alduis se crispa en retour, prêt à bondir, prêt à attaquer si elle tentait quelque chose de stupide et d'immodéré. Sans prévenir, dans un geste vif, la jeune femme attrapa un poignard et... le jetta. Alduis se figea aussitôt, baissa sa garde. Le métal rebondit contre les dalles, Alduis contempla l'arme.
Il l'avait déjà vue. À une ceinture, autour d'une taille connue. Cette garde, cette lame travaillée et équilibrée. C'était la dague de Ariste, il l'avait déjà joué avec, la sortir et la remettre à sa ceinture, comme s'il s'agissait d'un objet comme un autre.
La voix de la noble s'élevait à nouveau. Alduis revint vers elle. De son côté, elle contemplait toujours l'arme au sol.
Tuer une personne désarmée. Ce n'était pas une chose qui rentrait dans ses codes d'honneur et désormais qu'elle se trouvait vulnérable face à eux, il n'était plus question de la moindre attaque. Pour le lui prouver, il glissa la main à sa ceinture. Tira son poignard lentement. Toujours les prunelles plantées au fond des siennes, pour l'empêcher de se dérober. Il posa le couteau au sol, l'écarta de la pointe de sa botte. Puis, il hocha la tête dans sa direction.
Maintenant, ils étaient à égalité. Maintenant, ils pouvait parler.
Il ne put pourtant pas retenir la remarque acerbe qui lui vint alors :
- Mon âme est déjà perdue. Depuis longtemps. Votre pitié et vos plaintes n'y changeront rien.
Il fit quelques pas. S'accroupit auprès de la lame de Ariste et la prit. Il la soupesa dans sa paume. La garde fraîche lui tira un demi-sourire. D'un coup, il retourna la lame vers lui et lui tendit le pommeau. Il demanda sans ambage :
- La parole d'un inconnu vaut autant que celle d'un ami. À condition que cet inconnu ait prêté serment.
Il fit une brève pause. Et reprit :
- Vous prétendez que vous ne direz rien. Eh bien, promettez-le. Reprenez cette arme, et jurez sur votre sang, Éléonore de Tianidre. Sur la mémoire de Ariste, puisque cette arme est la sienne. Et quand vous l'aurez fait, vous pourrez parler de respect.
Un si long discours, inutile, quand quelques mots suffisaient. Quand une lame appuyée contre une paume et quelques gouttes de sang parlaient d'elle-même. Qu'elle leur épargne son monologue dénué de sens, tous ces mots ne portaient pas de sens pour lui. Seuls les actes en avaient.
Et c'était désormais ce qu'il attendait. Que les mots laissent place à la sincérité des gestes.
- Bienvenue parmi les vivants, mon lapin.
Le soulagement était audible dans sa voix. Et ils savaient pertinemment tous les deux que ce n'était pas exagéré. À force de partir, il viendrait le moment où il s'enfoncerait tellement dans ses souvenirs qu'il ne retrouverait plus son chemin. Et plus le temps passait, plus il allait loin. Plus il avait du mal à retrouver le présent.
Alduis lui rendit son étreinte. Plus courte qu'il ne l'aurait voulu puisque la bbrûlure qui se réveilla dans sa paume droite lui tira un sifflement de douleur. Il recula avec un sourire sincère et Eldred ponctua le tout d'une tape amicale dans le dos.
Mais l'expression rieuse de Alduis s'évanouit aussi vite qu'elle n'était apparue quand elle s'approcha. La jeune femme. Que savait-elle ? que voulait-elle ? Il sentit tous ses muscles devenir aussi dur que de l'acier. Eldred vint se placer entre elle et lui, pour faire barrière de son corps. La main de son ami vint se poser par-dessus la sienne, en guise d'apaisement. Alduis prit une inspiration, fit un effort pour se détendre.
La jeune femme eut la présence de reculer quand le zakrotien le lui demanda. La lettre. Avant même qu'elle ne réponde, il savait qu'elle l'avait lue. Qu'elle connaissait la vérité. Sans un mot, il fit un pas en avant, la reprit des doigts de Eldred. Une seconde, il se retrouva devant le mot, à se demander comment il allait l'ouvrir avec son unique main valide. Il avait commencé à s'aider de ses dents quand Eldred lui prit d'autorité des mains — ou des dents, en l'occurence — pour la déplier à sa place. Et la lui rendre ensuite.
- Merci, bougonna-t-il, malgré le fait qu'il lui en était sincèrement reconnaissant.
L'écriture de Alexandre était pleine de pleins et de déliés. Il lui aurait suffi d'un coup d'oeil pour la reconnaître. Il lut. Il se coupa un moment du monde, pour comprendre, pour ancrer le poème dans sa mémoire.
Mais ce mot. Ce mot signifiait une chose qui réchauffa son coeur. Il n'avait rien inventé. Le jeune homme l'avait vraiment appelé mon Alduis. Il n'était pas fou.
Rassérené par cette idée, il releva les yeux vers elle. Alors c'était ça qu'elle avait lu. Une déclaration d'amour à peine voilée d'un homme à un homme. Il ne la lâcha pas des yeux, la sonda au plus profond de son être. Sans le moindre mot. Eldred s'en chargea pour lui.
Son ton était lourd de menace. Il n'était qu'un esclave face à une noble. Il aurait pu passer en justice pour moins que cela, rien que pour l'avoir bousculé. Mais Eldred ne s'en souciait pas. Ce geste qu'il faisait, c'était pour lui et cela toucha Alduis plus qu'il ne voulut bien le reconnaître.
Il la laissa parler. Éléonore se lança dans un monologue, sans même attendre que l'un ou l'autre ne réponde. Elle enchaînait les arguments, justifiait sa position, ses actes. Alduis laissait filer. Soudain, il y eut cette remarque. À propos de sa parole.
Alduis secoua la tête, un sourire plein d'ironie acide sur les lèvres.
- Ne présumez pas si vite. Vous vous trompez. La parole d'un parfait inconnu vaut autant que celle d'un ami. Et même davantage.
Alduis y croyait fermement. Quant à ceux qui trahissaient leurs promesses, il n'avait pas le moindre honneur, ne méritait pas la moindre once de respect. Ceux qui s'asseyait sur les plus grands principes, pourquoi les aurait-il traité comme un homme droit et courageux ?
Il la trouvait même bien osée que de parler de respect. Elle venait de lire un mot qui ne lui était pas adressé, et elle appelait cela du respect. Un court ricanement jaillit de sa gorge.
Soudain, il perçut un changement dans son attitude. Infime. Elle se préparait à faire quelque chose. Alduis se crispa en retour, prêt à bondir, prêt à attaquer si elle tentait quelque chose de stupide et d'immodéré. Sans prévenir, dans un geste vif, la jeune femme attrapa un poignard et... le jetta. Alduis se figea aussitôt, baissa sa garde. Le métal rebondit contre les dalles, Alduis contempla l'arme.
Il l'avait déjà vue. À une ceinture, autour d'une taille connue. Cette garde, cette lame travaillée et équilibrée. C'était la dague de Ariste, il l'avait déjà joué avec, la sortir et la remettre à sa ceinture, comme s'il s'agissait d'un objet comme un autre.
La voix de la noble s'élevait à nouveau. Alduis revint vers elle. De son côté, elle contemplait toujours l'arme au sol.
Tuer une personne désarmée. Ce n'était pas une chose qui rentrait dans ses codes d'honneur et désormais qu'elle se trouvait vulnérable face à eux, il n'était plus question de la moindre attaque. Pour le lui prouver, il glissa la main à sa ceinture. Tira son poignard lentement. Toujours les prunelles plantées au fond des siennes, pour l'empêcher de se dérober. Il posa le couteau au sol, l'écarta de la pointe de sa botte. Puis, il hocha la tête dans sa direction.
Maintenant, ils étaient à égalité. Maintenant, ils pouvait parler.
Il ne put pourtant pas retenir la remarque acerbe qui lui vint alors :
- Mon âme est déjà perdue. Depuis longtemps. Votre pitié et vos plaintes n'y changeront rien.
Il fit quelques pas. S'accroupit auprès de la lame de Ariste et la prit. Il la soupesa dans sa paume. La garde fraîche lui tira un demi-sourire. D'un coup, il retourna la lame vers lui et lui tendit le pommeau. Il demanda sans ambage :
- La parole d'un inconnu vaut autant que celle d'un ami. À condition que cet inconnu ait prêté serment.
Il fit une brève pause. Et reprit :
- Vous prétendez que vous ne direz rien. Eh bien, promettez-le. Reprenez cette arme, et jurez sur votre sang, Éléonore de Tianidre. Sur la mémoire de Ariste, puisque cette arme est la sienne. Et quand vous l'aurez fait, vous pourrez parler de respect.
Un si long discours, inutile, quand quelques mots suffisaient. Quand une lame appuyée contre une paume et quelques gouttes de sang parlaient d'elle-même. Qu'elle leur épargne son monologue dénué de sens, tous ces mots ne portaient pas de sens pour lui. Seuls les actes en avaient.
Et c'était désormais ce qu'il attendait. Que les mots laissent place à la sincérité des gestes.
Alduis de Fromart- Aristocratie
- Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
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Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Maintenant qu’Alduis était revenu, ils avaient un autre problème. Et ce n’était pas de savoir comment il s’était blessé. Non c’était un problème plus « vivant ». Cette femme noble qu’il avait bousculé avait tout vu et tout entendu. Et ça… Ce n’était pas bon. Pas bon du tout.
Elle avait toujours ce feuillet appartenant à son ami qu’il récupéra juste avant de se le faire voler des mains.
Le zakrotien le regarde tentait de déplier tant bien que mal le papier à l’aide de ses dents. Eldred roula des yeux et lui arracha des dents.
- Sinon tu peux demander tu sais ? commenta-t-il en l’ouvrant.
Et il en fut -presque- reconnaissant. Pas rancunier pour un sou, il ébouriffa joyeusement sa tignasse. Après tout il lui devait bien ça !
Ceci étant dit, Eldred comprenait parfaitement sa réticence -et surtout sa fierté- à ne pas demander d’aide. Mais les amis étaient là pour ça. Tout comme ils étaient là pour mourir à votre place si nécessaire. Menacer une noble c’était franchement suicidaire de part.
Surtout que celle-ci se lança dans un long monologue qui le perdit. Pourquoi les gens se sentait-il toujours obligé de disserter des heures durant lorsqu’une seule phrase dite avec ses tripes suffisaient ? Pour le coup, il laissa Alduis entrer en tractation avec elle. Surtout qu’il avait l’air de reconnaitre cette dague. Cette fameuse dague qui avait faillir faire sortir la sienne de sa cachette…
Il s’intéressa bien plus aux courtes -et percutantes- réponses d’Alduis. Il avait parfaitement raison sur son âme. Elle était perdue. Mais certainement pas au sens où cette chrétienne l’entendait. Non. Son âme était perdue comme on perd le chemin de sa maison. Elle errait entre deux mondes, flottant dans les airs, chariée par les marées de ses souvenirs. Elle voguait ici et là, dérivant sans la moindre attache.
Qu’est-ce qu’ils avaient tous ces foutus chrétiens à essayer de sauver les âmes des autres de leur soi-disant damnation ?! Qu’ils balayent leurs propres portes avant de s’occuper de celle des autres…
Savait-elle seulement ce qu’était un serment et ce qu’ils pouvaient représenter ? Et qui était Ariste ? Eldred croisa ses bras et jaugea la femme. Si elle disait vrai, elle aurait dû commencer par cela : faire couler son sang.
Elle avait toujours ce feuillet appartenant à son ami qu’il récupéra juste avant de se le faire voler des mains.
Le zakrotien le regarde tentait de déplier tant bien que mal le papier à l’aide de ses dents. Eldred roula des yeux et lui arracha des dents.
- Sinon tu peux demander tu sais ? commenta-t-il en l’ouvrant.
Et il en fut -presque- reconnaissant. Pas rancunier pour un sou, il ébouriffa joyeusement sa tignasse. Après tout il lui devait bien ça !
Ceci étant dit, Eldred comprenait parfaitement sa réticence -et surtout sa fierté- à ne pas demander d’aide. Mais les amis étaient là pour ça. Tout comme ils étaient là pour mourir à votre place si nécessaire. Menacer une noble c’était franchement suicidaire de part.
Surtout que celle-ci se lança dans un long monologue qui le perdit. Pourquoi les gens se sentait-il toujours obligé de disserter des heures durant lorsqu’une seule phrase dite avec ses tripes suffisaient ? Pour le coup, il laissa Alduis entrer en tractation avec elle. Surtout qu’il avait l’air de reconnaitre cette dague. Cette fameuse dague qui avait faillir faire sortir la sienne de sa cachette…
Il s’intéressa bien plus aux courtes -et percutantes- réponses d’Alduis. Il avait parfaitement raison sur son âme. Elle était perdue. Mais certainement pas au sens où cette chrétienne l’entendait. Non. Son âme était perdue comme on perd le chemin de sa maison. Elle errait entre deux mondes, flottant dans les airs, chariée par les marées de ses souvenirs. Elle voguait ici et là, dérivant sans la moindre attache.
Qu’est-ce qu’ils avaient tous ces foutus chrétiens à essayer de sauver les âmes des autres de leur soi-disant damnation ?! Qu’ils balayent leurs propres portes avant de s’occuper de celle des autres…
Savait-elle seulement ce qu’était un serment et ce qu’ils pouvaient représenter ? Et qui était Ariste ? Eldred croisa ses bras et jaugea la femme. Si elle disait vrai, elle aurait dû commencer par cela : faire couler son sang.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Éléonore crut d'abord qu'elle avait échoué. Elle le cru jusqu'à ce que le noble se départisse de sa propre arme avec un acquiescement entendu. Là, elle entrevit sa chance.
— Votre âme n'est pas perdue, contredit-elle, elle est blessée. Elle n'appelle pas la pitié.
Elle aurait dû se taire, elle le savait. Les mots lui avaient échappés, elle les avait pensés trop fort. Mais elle s’en fichait qu’ils soient trop orgueilleux pour accepter sa compassion. Elle n’avait pas d’emprise dessus. Elle était dictée par un sens plus profond que l’instinct de survie. Elle était là. Ils pourraient la lui reprocher, ces hommes, cela ne changerait rien.
On lui demanda un serment. Elle retint une grimace en voyant le poignard d’Ariste lui revenir. Tout le monde ne pouvait pas apprécier de s’entailler à tout va. Comment justifierait-elle cela sans trahir les évènements ?
Oh, et puis, quelle importance ?! Ariste aurait-il considéré la situation avec autant de réserve ? Ariste aurait-il eu la moindre hésitation ? Mieux valait la main que la gorge, non ?
Comme Alduis le lui ordonnait, elle se saisit du poignard. Entendre son nom de la bouche d’un inconnu la perturba, mais qu’il pousse le vice à ajouter celui d’Ariste.
Ariste…
Au moins, désormais, elle savait qu’elle avait deviné juste. Il s’agissait bel et bien de la même personne. S’il s’agissait de l’homme qu’Ariste -- Ariste auquel elle vouait une confiance aveugle -- lui avait dépeint, laisser couler son sang en vaudrait la peine.
Consciente d’être épiée, elle s'exécuta. Un serment, du sang, une légère grimace de douleur. Pour quelle petite précieuse ce froncement de nez devait-elle la faire passer ?! Faible.
Elle résista à la tentation de masser son poignet endolori. A celle de faire rouler ses épaules. Elle ne put, en revanche, empêcher ses yeux de sourire. Elle n’était certes pas du bon côté, mais elle assistait à une charmante démonstration d’amitié. Une complicité qu’elle enviait. Une complicité qu’elle n’avait jamais connu qu’une fois, avec un frère qu’elle n’avait pas eu.
Ariste…
Pourquoi avoir parlé d’Ariste ? Tenait-il à ce point à l’éprouver ?
Elle tendit l’arme au noble qui lui faisait face avec un regard entendu. Elle savait qu’elle n’était pas en position d’exiger quoi que ce fut, même sa parole leur appartenait déjà. Elle n’était pas en position d’exiger, mais elle préférait mourir tout de suite plutôt que de passer sa vie à regarder derrière son épaule, et de se faire assassiner lâchement le jour où les deux hommes changeraient d’avis.
— A votre tour. Jurez que mon serment me protègera et que vous me laisserez ma vie afin que je puisse l’honorer. Vous aussi, ajouta-t-elle à l’adresse d’Eldred.
Si, comme ils l’affirmaient, sa parole avait de la valeur, ils n’avaient aucune raison de refuser.
— Votre âme n'est pas perdue, contredit-elle, elle est blessée. Elle n'appelle pas la pitié.
Elle aurait dû se taire, elle le savait. Les mots lui avaient échappés, elle les avait pensés trop fort. Mais elle s’en fichait qu’ils soient trop orgueilleux pour accepter sa compassion. Elle n’avait pas d’emprise dessus. Elle était dictée par un sens plus profond que l’instinct de survie. Elle était là. Ils pourraient la lui reprocher, ces hommes, cela ne changerait rien.
On lui demanda un serment. Elle retint une grimace en voyant le poignard d’Ariste lui revenir. Tout le monde ne pouvait pas apprécier de s’entailler à tout va. Comment justifierait-elle cela sans trahir les évènements ?
Oh, et puis, quelle importance ?! Ariste aurait-il considéré la situation avec autant de réserve ? Ariste aurait-il eu la moindre hésitation ? Mieux valait la main que la gorge, non ?
Comme Alduis le lui ordonnait, elle se saisit du poignard. Entendre son nom de la bouche d’un inconnu la perturba, mais qu’il pousse le vice à ajouter celui d’Ariste.
Ariste…
Au moins, désormais, elle savait qu’elle avait deviné juste. Il s’agissait bel et bien de la même personne. S’il s’agissait de l’homme qu’Ariste -- Ariste auquel elle vouait une confiance aveugle -- lui avait dépeint, laisser couler son sang en vaudrait la peine.
Consciente d’être épiée, elle s'exécuta. Un serment, du sang, une légère grimace de douleur. Pour quelle petite précieuse ce froncement de nez devait-elle la faire passer ?! Faible.
Elle résista à la tentation de masser son poignet endolori. A celle de faire rouler ses épaules. Elle ne put, en revanche, empêcher ses yeux de sourire. Elle n’était certes pas du bon côté, mais elle assistait à une charmante démonstration d’amitié. Une complicité qu’elle enviait. Une complicité qu’elle n’avait jamais connu qu’une fois, avec un frère qu’elle n’avait pas eu.
Ariste…
Pourquoi avoir parlé d’Ariste ? Tenait-il à ce point à l’éprouver ?
Elle tendit l’arme au noble qui lui faisait face avec un regard entendu. Elle savait qu’elle n’était pas en position d’exiger quoi que ce fut, même sa parole leur appartenait déjà. Elle n’était pas en position d’exiger, mais elle préférait mourir tout de suite plutôt que de passer sa vie à regarder derrière son épaule, et de se faire assassiner lâchement le jour où les deux hommes changeraient d’avis.
— A votre tour. Jurez que mon serment me protègera et que vous me laisserez ma vie afin que je puisse l’honorer. Vous aussi, ajouta-t-elle à l’adresse d’Eldred.
Si, comme ils l’affirmaient, sa parole avait de la valeur, ils n’avaient aucune raison de refuser.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Même si Alduis n'était pas particulièrement démonstratif sur le sujet et qu'il ne l'aurait pas reconnu, encore moins devant quelqu'un d'autre que son ami lui-même, il restait reconnaissant envers Eldred. Même si ce dernier en était parfaitement conscient, si on tenait compte de la manière dont il lui ébouriffa les cheveux. Il lui retourna un regard équivoque, puis se concentra sur la lettre.
Éléonore avait lu, elle aussi. Et elle avait compris, bien évidemment, la vérité. À cette idée, ses doigts se crispèrent sur le papier mais ce fut seule trace de son trouble. Elle en savait trop, beaucoup trop. Dans sa tête, une petite voix lui soufflait de ne pas se poser de questions. De la tuer sans cérémonie. Mais il refusa d’écouter ses paroles. D’un autre côté, ils ne pouvaient pas la laisser sortir dans la nature comme cela, avec des renseignements si précieux en poche qu’elle pourrait divulguer à n’importe qui…
Prêter serment.
La seule solution qui lui venait pour régler le problème.
Désormais, il attendait qu’elle prenne cette lame qu’il lui tendait et qu’elle s’exécute. Tout comme Eldred, bras croisés, qui la jaugeait en attendant sa réaction.
Alduis ne broncha pas à la petite grimace qui se peignit sur ses traits à l’idée de se couper la paume. Mais que pensait-elle ? C’était cela, un serment. Pourtant, elle sembla se décider et prit la garde du couteau.
La lame pénétra la peau de la jeune femme juste assez pour la faire saigner. De nouveau, une petite grimace déforma ses traits lorsque les premières gouttes de sang glissèrent le long de ses doigts. Alduis eut un sourire sombre. La douleur, le sang. N’était-ce pourtant pas le signe que l’on était bel et bien vivant ?
Et soudain, elle fit faire un demi-tour à l’arme pour la lui tendre de nouveau. Alduis plongea ses yeux au fond des siens. Il devinait déjà ce qu’elle allait demander, mais il attendit qu’elle prononce les mots, patiemment.
- Jurez que mon serment me protégera et que vous me laisserez la vie sauve afin que je puisse l’honorer.
Alduis n’hésita pas une seconde. Il ouvrit la main gauche.
Sur sa paume, trois coupures parallèles, récentes à en juger par leur couleur encore rougeâtres, s’y ouvraient. Et cela sans compter toutes les minces lignes blanches, souvenirs des anciens tracés pris par ses couteaux. Ses mains ressemblaient à un champ de bataille perpétuel. En rajouter encore n’était certainement pas une bonne idée, mais un serment restait un serment. Et il devait se faire dans le sang, comme il venait de l’exiger lui-même de la jeune femme. Les paumes devaient être toutes entaillées, avec une seule et même arme.
Alors, il attrapa la dague de Ariste qu’elle avait toujours dans la main. Par la lame, sans broncher. Il ne pouvait pas la prendre avec la main droite pour le faire dans les règles de l’art, alors il serra jusqu’à sentir le fil du couteau inscrire un mince filet de sang sur ses phalanges et sur ses paumes.
Il donna le couteau à Eldred et attrapa la main d’Éléonore pour que leurs sangs respectifs se mélangent. Enfin, il recula et eut un hochement de tête décidé, accompagné d’un ton solennel - abandonnant le vouvoiement, une promesse ne laissait pas la place aux questions futiles dans ce genre-là :
- Je jure que tant que tu respecteras ta promesse, je ne chercherai pas à te tuer.
Après tout, jurer de ne pas la tuer tant qu’elle garderait le silence, c’était aussi promettre de le faire si jamais elle ouvrait la bouche.
Il n’y avait plus le choix. Ni pour elle, ni pour eux. Qu’importe ce qui se passait par la suite, que ce serment n’ait pas les allures officielles et qu’il soit fait au milieu d’une église, entre inconnus… Ils étaient désormais liés par la force des choses. Par leur sang, et par la mémoire de Ariste.
Alduis s’appuya à une colonne dans son dos, croisa les bras et posa son pied sur la pierre blanche avec toute la nonchalance du monde.
Ariste.
Ariste dont il avait aimé le corps.
Il resta ainsi quelques secondes, sans lui accorder un regard. Et puis, soudain, il poussa sur son pied pour se décoller de la colonne, un sourire provocateur, et terriblement insolent, plaqué sur les lèvres. Ce genre de sourire cynique qu’il avait quand il s’apprêtait à chambouler quelques certitudes pourtant bien ancrées :
- Il avait un grain de beauté juste au-dessus du nombril, tu le savais ?
Et aussitôt, il fit volte-face, s’éloignant déjà vers les chapelles rayonnantes de l’église, de son pas cadencé naturellement.
Éléonore avait lu, elle aussi. Et elle avait compris, bien évidemment, la vérité. À cette idée, ses doigts se crispèrent sur le papier mais ce fut seule trace de son trouble. Elle en savait trop, beaucoup trop. Dans sa tête, une petite voix lui soufflait de ne pas se poser de questions. De la tuer sans cérémonie. Mais il refusa d’écouter ses paroles. D’un autre côté, ils ne pouvaient pas la laisser sortir dans la nature comme cela, avec des renseignements si précieux en poche qu’elle pourrait divulguer à n’importe qui…
Prêter serment.
La seule solution qui lui venait pour régler le problème.
Désormais, il attendait qu’elle prenne cette lame qu’il lui tendait et qu’elle s’exécute. Tout comme Eldred, bras croisés, qui la jaugeait en attendant sa réaction.
Alduis ne broncha pas à la petite grimace qui se peignit sur ses traits à l’idée de se couper la paume. Mais que pensait-elle ? C’était cela, un serment. Pourtant, elle sembla se décider et prit la garde du couteau.
La lame pénétra la peau de la jeune femme juste assez pour la faire saigner. De nouveau, une petite grimace déforma ses traits lorsque les premières gouttes de sang glissèrent le long de ses doigts. Alduis eut un sourire sombre. La douleur, le sang. N’était-ce pourtant pas le signe que l’on était bel et bien vivant ?
Et soudain, elle fit faire un demi-tour à l’arme pour la lui tendre de nouveau. Alduis plongea ses yeux au fond des siens. Il devinait déjà ce qu’elle allait demander, mais il attendit qu’elle prononce les mots, patiemment.
- Jurez que mon serment me protégera et que vous me laisserez la vie sauve afin que je puisse l’honorer.
Alduis n’hésita pas une seconde. Il ouvrit la main gauche.
Sur sa paume, trois coupures parallèles, récentes à en juger par leur couleur encore rougeâtres, s’y ouvraient. Et cela sans compter toutes les minces lignes blanches, souvenirs des anciens tracés pris par ses couteaux. Ses mains ressemblaient à un champ de bataille perpétuel. En rajouter encore n’était certainement pas une bonne idée, mais un serment restait un serment. Et il devait se faire dans le sang, comme il venait de l’exiger lui-même de la jeune femme. Les paumes devaient être toutes entaillées, avec une seule et même arme.
Alors, il attrapa la dague de Ariste qu’elle avait toujours dans la main. Par la lame, sans broncher. Il ne pouvait pas la prendre avec la main droite pour le faire dans les règles de l’art, alors il serra jusqu’à sentir le fil du couteau inscrire un mince filet de sang sur ses phalanges et sur ses paumes.
Il donna le couteau à Eldred et attrapa la main d’Éléonore pour que leurs sangs respectifs se mélangent. Enfin, il recula et eut un hochement de tête décidé, accompagné d’un ton solennel - abandonnant le vouvoiement, une promesse ne laissait pas la place aux questions futiles dans ce genre-là :
- Je jure que tant que tu respecteras ta promesse, je ne chercherai pas à te tuer.
Après tout, jurer de ne pas la tuer tant qu’elle garderait le silence, c’était aussi promettre de le faire si jamais elle ouvrait la bouche.
Serment fait,
serment tenu.
serment tenu.
Il n’y avait plus le choix. Ni pour elle, ni pour eux. Qu’importe ce qui se passait par la suite, que ce serment n’ait pas les allures officielles et qu’il soit fait au milieu d’une église, entre inconnus… Ils étaient désormais liés par la force des choses. Par leur sang, et par la mémoire de Ariste.
Alduis s’appuya à une colonne dans son dos, croisa les bras et posa son pied sur la pierre blanche avec toute la nonchalance du monde.
Ariste.
Ariste dont il avait aimé le corps.
Il resta ainsi quelques secondes, sans lui accorder un regard. Et puis, soudain, il poussa sur son pied pour se décoller de la colonne, un sourire provocateur, et terriblement insolent, plaqué sur les lèvres. Ce genre de sourire cynique qu’il avait quand il s’apprêtait à chambouler quelques certitudes pourtant bien ancrées :
- Il avait un grain de beauté juste au-dessus du nombril, tu le savais ?
Et aussitôt, il fit volte-face, s’éloignant déjà vers les chapelles rayonnantes de l’église, de son pas cadencé naturellement.
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Date d'inscription : 05/05/2020
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Il fallait prêter serment. Pourquoi cette grimace ? Mieux valait une entaille dans la main que dans la gorge ou le ventre non ? Ils étaient tous deux, impassible à l’observer, jusqu’à ce qu’elle s’exécute enfin.
Le poignard revint à Alduis et on le somma d’en faire de même. Il inclina la tête silencieusement. Cela ne lui posait aucun souci. Car il savait qu’il n’aurait aucun mal à tenir cette promesse si simple.
La lame pénétra la paume striée d’Alduis avant de finir sa course dans celle d’Eldred. D’un coup sec, il entailla sa chair sans sourciller et tendit sa main à la jeune femme.
- Je jure autant de vous épargner si vous respectez votre serment que de vous tuer si vous veniez à le rompre.
La fin n’était pas réellement indispensable pour qui savait ce qu’impliquer ce genre de cérémonial, mais il avait préféré le dire à haute voix, pour qu’elle ait pleinement conscience qu’il ne s’agissait pas là d’une simple coupure anodine.
Alduis s’appuya le long d’une colonne avec cette attitude qu’il lui connaissait désormais. Et ce sourire… Ce sourire qui n’annonçait rien de bon. Qu’allait-il dire cette fois-ci ? Car ce sourire c’était celui des mots qui bousculaient les conventions.
Il ne fut pas déçu du résultat et leva les yeux vers les ogives. Cette pauvre femme ne savait décidément pas dans quoi elle venait de s’embarquer…
Le draugr avait fuit l’allée centrale pour les chapelles. Il lui emboita le pas, jugeant l’affaire clause de ce côté. Il allait désormais pouvoir se concentrer sur l’essentiel. Il retrouva son ami face un autel secondaire, baignait par les halos multicolores des vitraux. De blanc comme la mort, il ressemblait désormais à un facétieux arc-en-ciel. Eldred ne put réprimer un sourire et s’approcha lentement.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé Alduis ? Ta main ? Tout ça.
C’était quoi tout ça? Pour qu’Alexandre en vienne à venir le chercher par l’intermédiaire de Cassandre s’était assurément suffisamment grave…
Le poignard revint à Alduis et on le somma d’en faire de même. Il inclina la tête silencieusement. Cela ne lui posait aucun souci. Car il savait qu’il n’aurait aucun mal à tenir cette promesse si simple.
La lame pénétra la paume striée d’Alduis avant de finir sa course dans celle d’Eldred. D’un coup sec, il entailla sa chair sans sourciller et tendit sa main à la jeune femme.
- Je jure autant de vous épargner si vous respectez votre serment que de vous tuer si vous veniez à le rompre.
La fin n’était pas réellement indispensable pour qui savait ce qu’impliquer ce genre de cérémonial, mais il avait préféré le dire à haute voix, pour qu’elle ait pleinement conscience qu’il ne s’agissait pas là d’une simple coupure anodine.
Alduis s’appuya le long d’une colonne avec cette attitude qu’il lui connaissait désormais. Et ce sourire… Ce sourire qui n’annonçait rien de bon. Qu’allait-il dire cette fois-ci ? Car ce sourire c’était celui des mots qui bousculaient les conventions.
Il ne fut pas déçu du résultat et leva les yeux vers les ogives. Cette pauvre femme ne savait décidément pas dans quoi elle venait de s’embarquer…
Le draugr avait fuit l’allée centrale pour les chapelles. Il lui emboita le pas, jugeant l’affaire clause de ce côté. Il allait désormais pouvoir se concentrer sur l’essentiel. Il retrouva son ami face un autel secondaire, baignait par les halos multicolores des vitraux. De blanc comme la mort, il ressemblait désormais à un facétieux arc-en-ciel. Eldred ne put réprimer un sourire et s’approcha lentement.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé Alduis ? Ta main ? Tout ça.
C’était quoi tout ça? Pour qu’Alexandre en vienne à venir le chercher par l’intermédiaire de Cassandre s’était assurément suffisamment grave…
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Comme elle l'avait demandé, les deux hommes jurèrent à leur tour. La jeune femme tenta de ne pas paraître offusquée par les précisions d'Eldred. Elle n'avait tout de même pas l'air assez bête pour ne pas le savoir, si ?
Elle n'eut pas le temps de s'en tracasser que le noble cherchait déjà à la déstabiliser :
— Il avait un grain de beauté juste au-dessus du nombril, tu le savais ?
Elle aurait dû s'offusquer qu'il salisse ainsi la mémoire de son cousin, mémoire sur laquelle il venait de jurer. Elle aurait dû être outrée qu'il insinue de telles choses dans une église. Elle aurait dû être scandalisée.
Il n'en fut rien. En fait, elle fut amusée. Il pensait l'ébranler dans ses convictions ? Lui faire douter d'Ariste ? Douter de quoi ? C'était elle qui l'avait surpris en compagnie de son premier amant. Elle avait eu largement le temps de se faire à l'idée depuis. Pire encore : elle avait fini par penser que ce n'était pas si grave que cela. Ariste avait perverti sa foi, et elle ne lui en voulait même pas.
Elle ne prit pas le temps de se demander s'il disait vrai ou s'il avait inventé ce détail juste pour la choquer. Il ne parviendrait pas à la décontenancer. Elle ne se démonta pas. Alors que l'intrigant faisait volte-face, savourant d'avance un effet qui s'avérait tomber à l'eau, elle lança :
— Et une horrible cicatrice sur la fesse gauche, vous avez dû la remarquer aussi.
Elle avait adopté un ton badin, ne laissant pas transparaître la moindre indignation ni la moindre surprise. Une telle impudeur dans la bouche d'une jeune femme, sa gouvernante en aurait piqué une crise. Elle n'avait toutefois pas pu se résoudre au tutoiement.
Cette cicatrice… Elle se souviendrait toute sa vie de cette nuit où son cousin avec fait le mur et avait espéré passer discrètement par sa chambre. Elle se souviendrait toute sa vie de la frayeur qui l'avait poussée à lancer son poignard vers l'intru, et de l'habileté sournoise qui l'avait plantée en plein dans son postérieur.
Ariste avait glapit comme un chiot auquel on écrase la patte. Il s'était félicité de lui avoir si mal appris à viser. Il l'avait toujours blâmée pour les marques que sa couture approximative avaient laissées. Quel toupet ! Elle lui avait avait sauvé la mise ! Que ne fallait-il pas faire pour couvrir une sortie… Que n'avait-il pas fallu faire pour cacher qu'Ariste était sorti rejoindre un homme...
Elle laissa les deux hommes s'éloigner, un sourire satisfait sur les lèvres et le cœur brûlant de nostalgie. Ariste avait raison : elle ne s'était jamais sentie aussi vivante.
Pourtant, lorsqu'elle prit le chemin de la sortie, elle ressentit une étrange frustration. Son orgueil l'avait empêchée de retenir le noble. Il l'avait empêchée de suivre son instinct. Quoi qu'il se soit passé entre eux, cet homme avait suffisamment connu Ariste pour reconnaître son arme. Il l'avait suffisamment connu pour être mentionné dans des courriers. Il avait été témoin de ses dernières années.
Éléonore se promit que cette conversation n'était pas terminée. Qu'elle retrouverait cet Alduis. Dès ce soir, elle se replongerait dans ses correspondances pour retrouver son nom, ce serait un bon début.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Alduis l’avait plantée là.
Sans un regard.
Ils avaient tous prêté serment, et désormais, il n’avait plus rien à faire en sa compagnie. Il n’avait pu s’empêcher de lui lancer une petite pique, rien que pour voir sa tête. Ce fut un peu décevant. Du moins dans les premiers instants, car bientôt, elle ouvrit la bouche pour rétorquer. Ses mots lui firent suspendre son pas, son sourire de carnassier s'agrandit encore. Il ne se retourna pas, les petits pas de la demoiselle s’éloignaient déjà.
Pourtant, il aurait eu des choses à répondre ! Si elle voulait jouer, il se serait fait un plaisir d’agrémenter la partie de quelques répliques de son cru. Il était passé maître dans cet art-là. Et l’unique fait que la jeune femme en soit rester au vouvoiement de vigueur prouvait de nombreuses choses. Elle ne s’écartait pas si facilement de l’étiquette. Il se serait beaucoup amusé, à tester ses limites, pour voir jusqu’où elle réussirait à tolérer ses écarts.
À la place, il reprit son chemin. Ce serait pour une prochaine fois. Il n’était pas pressé.
Il finit par s’arrêter face à un autel mineur, là où on ne le voyait pas depuis l’entrée et la nef. Face aux vitraux aux couleurs chatoyantes et dansantes, qui venait se répercuter sur ses vêtements blancs. Il était aussi lumineux qu’il se dégageait de sa personne quelque chose de terriblement sombre. Comme si toute la lumière convergeait vers lui et était aspirée vers les profondeurs de son ventre, engloutie, avalée.
Une présence s’arrêta dans son dos, puis s’approcha doucement. Une présence aussi stable qu’une ancre, bien plus stable que la réalité ne pourrait jamais l’être pour lui. Alduis ne tourna pas la tête vers Eldred, le sentir suffisait.
Sa voix s’éleva dans le silence de l’église. Alduis l’écouta se répercuter sur les voûtes. Toujours sans faire un mouvement. Il garda les yeux braqués sur les vitraux colorés, comme si rien d’autre n’existait. C’était beau. Les reflets semblaient animer les formes qui y étaient représentées. Il lui aurait semblé que d’une seconde à l’autre, les personnages bibliques se seraient détachés du verre pour prendre vie.
Tout ça.
Sa paume charcutée. Éléonore et Ariste. Son absence. Ses souvenirs qui l’avaient submergé. C’était tout cela que résumait Eldred par cette simple expression.
Alduis baissa enfin le regard sur sa main, un bref instant, avant d’hausser les épaules, comme s’il s’agissait d’un détail mineur - un détail mineur pourtant terriblement douloureux.
- Un verre qui manquait de solidité, répondit-il simplement, d’une voix sans timbre.
Mais il savait que ce n’était pas cette réponse qu’attendait Eldred. Alors il soupira. Et lâcha, toujours sans se tourner vers lui :
- L’anniversaire de mon père.
Sans un regard.
Ils avaient tous prêté serment, et désormais, il n’avait plus rien à faire en sa compagnie. Il n’avait pu s’empêcher de lui lancer une petite pique, rien que pour voir sa tête. Ce fut un peu décevant. Du moins dans les premiers instants, car bientôt, elle ouvrit la bouche pour rétorquer. Ses mots lui firent suspendre son pas, son sourire de carnassier s'agrandit encore. Il ne se retourna pas, les petits pas de la demoiselle s’éloignaient déjà.
Pourtant, il aurait eu des choses à répondre ! Si elle voulait jouer, il se serait fait un plaisir d’agrémenter la partie de quelques répliques de son cru. Il était passé maître dans cet art-là. Et l’unique fait que la jeune femme en soit rester au vouvoiement de vigueur prouvait de nombreuses choses. Elle ne s’écartait pas si facilement de l’étiquette. Il se serait beaucoup amusé, à tester ses limites, pour voir jusqu’où elle réussirait à tolérer ses écarts.
À la place, il reprit son chemin. Ce serait pour une prochaine fois. Il n’était pas pressé.
Il finit par s’arrêter face à un autel mineur, là où on ne le voyait pas depuis l’entrée et la nef. Face aux vitraux aux couleurs chatoyantes et dansantes, qui venait se répercuter sur ses vêtements blancs. Il était aussi lumineux qu’il se dégageait de sa personne quelque chose de terriblement sombre. Comme si toute la lumière convergeait vers lui et était aspirée vers les profondeurs de son ventre, engloutie, avalée.
Une présence s’arrêta dans son dos, puis s’approcha doucement. Une présence aussi stable qu’une ancre, bien plus stable que la réalité ne pourrait jamais l’être pour lui. Alduis ne tourna pas la tête vers Eldred, le sentir suffisait.
Sa voix s’éleva dans le silence de l’église. Alduis l’écouta se répercuter sur les voûtes. Toujours sans faire un mouvement. Il garda les yeux braqués sur les vitraux colorés, comme si rien d’autre n’existait. C’était beau. Les reflets semblaient animer les formes qui y étaient représentées. Il lui aurait semblé que d’une seconde à l’autre, les personnages bibliques se seraient détachés du verre pour prendre vie.
Tout ça.
Sa paume charcutée. Éléonore et Ariste. Son absence. Ses souvenirs qui l’avaient submergé. C’était tout cela que résumait Eldred par cette simple expression.
Alduis baissa enfin le regard sur sa main, un bref instant, avant d’hausser les épaules, comme s’il s’agissait d’un détail mineur - un détail mineur pourtant terriblement douloureux.
- Un verre qui manquait de solidité, répondit-il simplement, d’une voix sans timbre.
Mais il savait que ce n’était pas cette réponse qu’attendait Eldred. Alors il soupira. Et lâcha, toujours sans se tourner vers lui :
- L’anniversaire de mon père.
Alduis de Fromart- Aristocratie
- Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
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Date d'inscription : 05/05/2020
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Un verre qui manquait de solidité
C’était tout ce qu’il avait trouvé à répondre en haussant les épaules comme s’il était parfaitement normal de briser un verre à ce point. Alors certes, il ne doutait pas que les verres de cristal de Fromart soit aussi fin que ceux de Frenn mais Alduis avait l'habitude de boire dedans. Il l’avait assurément volontairement brisé. Et il n'y avait qu’une seule raison qui avait pu le pousser à un tel geste : la colère. La colère qu’il avait contenue si longtemps qu’elle avait fini par s’échapper de sa main encore plus folle.
- Je t'offrirai un gobelet de taverne. En bois solide et robuste s'il n’y a que ça pour te faire plaisir mon lapin taquina-t-il
La suite ne tarda pas à venir.
L’anniversaire de mon père
Nul besoin d’être devin pour se douter que cela s’était mal passé. Eldred prit une profonde inspiration et posa sa main sur son épaule gauche. Son regard se perdit dans les couleurs chatoyantes des vitraux. C’était la seule chose qu’il appréciait dans les églises.
- Les verres se brisent quand ils sont poussés à bout. il marqua une pause Ça ne sert à rien de garder tout ça pour toi. Alors expliquez-moi comment tu en es venu à maltraiter cet innocent verre.
Garder ses pensées pour soient-mêmes c'était juste les alimenter en remettant de l'huile sur le feu pour que le brasier reparte de plus belle. Et ça c'était quand on était normalement constitué. Quand on s'appelait Alduis de Fromart et qu'on pouvait se souvenir de chaque jour de sa vie, c'était tout juste si on ne finissait pas en tas de cendres.
Re: [le 10 décembre 1597] ~ L'amant disparu [Terminé]
Eldred était juste là, à côté de lui, à regarder les vitraux lumineux. Alduis le sentait et il n’avait pas besoin de tourner la tête pour le voir. Sa présence, sa plus simple présence, suffisait à apaiser les choses en lui. Au moins en partie. Parce qu’il respirait le calme autant qu’Alduis respirait la nervosité. Il ressemblait à un immense arbre, qui avait vu tellement de choses, aux racines si profondément ancrées dans la terre, que plus rien n’aurait pu le déraciner.
Il n’y avait pas de jugement dans son attitude immobile. Pas de peur. Rien qu’une grande constance, un équilibre solide, qui venait le raffermir. Alduis ne pouvait plus douter de la réalité. Eldred l’incarnait tout entier, et il ne lui serait pas venu à l’esprit de remettre son existence en question. Parce qu’alors, ça aurait été un peu comme penser que le soleil n’était qu’un rêve. Il y avait des choses auxquelles on était obligé de croire. Eldred en faisait partie et il était même en tête de liste.
Quant à sa réponse pour le moins expéditive, ils savaient tous les deux très bien ce qu’il en était en vérité. Si le verre avait cassé, ce n’était pas à cause d’un défaut de fabrication mais parce qu’Alduis avait serré trop fort. Et si les éclats avaient entaillé sa paume ainsi, c’était bel et bien parce qu’au lieu de détendre sa main, il avait planté ses ongles dans sa peau. Mais Eldred n’en toucha mot. Juste quelques mots, légers, taquins.
- Je t’offrirai un gobelet de taverne.
Alduis eut une expression qu’il aurait été bien compliqué de qualifier. Ni vraiment un sourire, ni vraiment une grimace, mais un étrange mélange entre les deux. Qui le décida néanmoins à en dire plus. Son père avait eu un an de plus, et comme lors de chaque anniversaire, ils avaient passé leur soirée ensemble.
À la pensée des évènements de la veille, il bloqua sa respiration sans s’en rendre compte. Ce fut la main de Eldred qui vint se poser sur son épaule qui lui rappela de respirer, que ses poumons ne feraient pas le mouvement seuls. Il souffla l’air par la bouche lentement, pour que l’expiration dure longtemps et que la colère reparte en même temps. Cela marcha à moitié - mais une moitié, c’était déjà mieux que rien.
De nouveau, la voix grave et rocailleuse du zakrotien s’éleva. Comment en était-il venu à maltraiter ce verre ? Il n’avait pas fallu grand-chose. Une aventure au lupanar, quelques mots et une rencontre dont il se serait bien passé. Il hésita encore quelques secondes, puis enfin murmura d’une voix tout juste audible, toujours les yeux rivés sur les vitraux :
- Il a compris pour Alexandre.
Il savait avec qui Alduis passait tant de temps ces derniers temps. Ses doigts se crispèrent, au souvenir de Sarkeris.
Dis-lui donc que c’est un esclave ! un infirme boiteux !
Et ensuite, Alduis te parlera de l’amour de sa vie.
Et puis… Alors oui, je t’aime Alduis.
- Mais… mais tu avais raison, conclut-il finalement, en tournant brutalement la tête vers Eldred, une lueur troublée dans les yeux, en le réalisant enfin. Il m’a dit qu’il… m’aimait ?
Il ne savait pas.
Il ne comprenait pas.
Et il avait peur.
Il n’y avait pas de jugement dans son attitude immobile. Pas de peur. Rien qu’une grande constance, un équilibre solide, qui venait le raffermir. Alduis ne pouvait plus douter de la réalité. Eldred l’incarnait tout entier, et il ne lui serait pas venu à l’esprit de remettre son existence en question. Parce qu’alors, ça aurait été un peu comme penser que le soleil n’était qu’un rêve. Il y avait des choses auxquelles on était obligé de croire. Eldred en faisait partie et il était même en tête de liste.
Quant à sa réponse pour le moins expéditive, ils savaient tous les deux très bien ce qu’il en était en vérité. Si le verre avait cassé, ce n’était pas à cause d’un défaut de fabrication mais parce qu’Alduis avait serré trop fort. Et si les éclats avaient entaillé sa paume ainsi, c’était bel et bien parce qu’au lieu de détendre sa main, il avait planté ses ongles dans sa peau. Mais Eldred n’en toucha mot. Juste quelques mots, légers, taquins.
- Je t’offrirai un gobelet de taverne.
Alduis eut une expression qu’il aurait été bien compliqué de qualifier. Ni vraiment un sourire, ni vraiment une grimace, mais un étrange mélange entre les deux. Qui le décida néanmoins à en dire plus. Son père avait eu un an de plus, et comme lors de chaque anniversaire, ils avaient passé leur soirée ensemble.
À la pensée des évènements de la veille, il bloqua sa respiration sans s’en rendre compte. Ce fut la main de Eldred qui vint se poser sur son épaule qui lui rappela de respirer, que ses poumons ne feraient pas le mouvement seuls. Il souffla l’air par la bouche lentement, pour que l’expiration dure longtemps et que la colère reparte en même temps. Cela marcha à moitié - mais une moitié, c’était déjà mieux que rien.
De nouveau, la voix grave et rocailleuse du zakrotien s’éleva. Comment en était-il venu à maltraiter ce verre ? Il n’avait pas fallu grand-chose. Une aventure au lupanar, quelques mots et une rencontre dont il se serait bien passé. Il hésita encore quelques secondes, puis enfin murmura d’une voix tout juste audible, toujours les yeux rivés sur les vitraux :
- Il a compris pour Alexandre.
Il savait avec qui Alduis passait tant de temps ces derniers temps. Ses doigts se crispèrent, au souvenir de Sarkeris.
Dis-lui donc que c’est un esclave ! un infirme boiteux !
Et ensuite, Alduis te parlera de l’amour de sa vie.
Et puis… Alors oui, je t’aime Alduis.
- Mais… mais tu avais raison, conclut-il finalement, en tournant brutalement la tête vers Eldred, une lueur troublée dans les yeux, en le réalisant enfin. Il m’a dit qu’il… m’aimait ?
Il ne savait pas.
Il ne comprenait pas.
Et il avait peur.
Alduis de Fromart- Aristocratie
- Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
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