[22 Décembre 1597] Dans le palais du Roi [Terminé]

Le jeune Nicolas n’avait pas eu grand-chose à prendre. Pour ainsi dire, il n’avait même rien pris du tout, il possédait si peu de choses. Désormais, ils progressaient sur le chemin qui menait de la ville à la campagne. Sylvère avait abandonné l’idée de la capuche. Il n’y avait personne, sur la route, et puis, la forêt était son domaine.

— Dis, monsieur Sylvère, y’a des méchants dans la forêt ?

Une seconde, Sylvère se tourna vers le jeune garçon. Monsieur ? Le reste de la question ne l’interpella pas plus que cela. Il décida de mettre les choses au clair tout de suite, avec un sourire.

— Appelle-moi Ys, d’accord ? ou n’importe comment, Sylvère si tu veux, mais pas de Monsieur. Tu vas habiter dans la forêt, alors tu fais partie de la famille, maintenant.

Comme Cassandre, comme Kalisha, comme Hyriel. Comme tous les autres. Quelle drôle d’idée de l’appeler Monsieur ! Il s’astreignit ensuite à répondre à la question posée. Des méchants…

— Disons que j’ai des accords avec ceux qui s’y trouvent alors tu n’as rien à craindre.

Ils passèrent la lisière et marchèrent quelques temps sur les couches de neige qui craquaient sous leurs pas. La question suivante le fit sourire.

— Il n’y a rien de plus beau qu’une forêt au printemps ! s’exclama-t-il. Les arbres ont des feuilles, les insectes et les oiseaux reviennent, les fleurs aussi, il fait beau...

Il ébouriffa les cheveux de Nicolas et ajouta :

— Mais l’hiver a son charme aussi, tu sais !

Sur ce, ils atteignirent la grotte. Sylvère s’inclina comme pour saluer un prince en lui désignant l’entrée.

— Bienvenue dans mon palais !

Sylvère sauta à l’intérieur, Nicolas se laissa glisser et éclata de rire joyeusement. Et demanda à recommencer aussitôt. Sylvère en saisit l’occasion de lui rappeler, tout en hochant la tête, et en pensant que Cassandre, de son côté, n’aurait jamais demandé l’autorisation de recommencer.

— Ys. Pas Monsieur Sylvère.

Il ajouta par ailleurs sans tarder, en désignant la pile de costumes et en passant de nouveau son manteau :

— Et ensuite, tu pourras changer de vêtements, si tu veux. On devrait pouvoir trouver quelque chose à ta taille là-dedans.

Monsieur Sylvère, monsieur Ys... Cela lui tira un sourire amusé tandis que Nicolas riait de sa plaisanterie. De son côté, Sylvère n’insista pas. Mais ce n’était que partie remise !

Ils arrivèrent à la grotte et en descendirent la pente. Et sitôt en bas, Nicolas remontait pour descendre de nouveau, une fois, deux fois, trois fois… Dix fois au total. Dans toutes les positions possibles et imaginables. En tout cas, il s’amusait sacrément et cela était agréable à regarder, cette joie sur son petit visage émacié d’enfant des rues.

Quand le garçonnet se décida à revenir, et le félicita sur sa grotte, Sylvère s’inclina comiquement.

— C’est ta maison aussi, maintenant !

Et quitte à avoir plein de vêtements différents, autant en faire profiter Nicolas, pour changer les vieux habits qu’il portait et qui avait fait, indiscutablement, leur temps. Il lui adressa un sourire complice.

— Les impôts, jeune ami, répondit-il.

Nicolas observa les vêtements, sans faire de distinctions entre les féminins et les masculins. D’ailleurs, il se décida pour enfiler l’un de ceux de la première catégorie, une charmante robe bleue de petite taille, et cela sembla le réjouir.

— Je vous présente mes hommages, Bergère Nicolette, s’exclama-t-il, enchanté !

Puis, Nicolette-Nicolas se précipita soudainement en avant pour lui faire un câlin. Sylvère ne resta pas longtemps surpris : après à peine une seconde, il s’accroupit à son niveau et le serra contre lui. Aussi longtemps que Nicolas décida de rester.

Adorable petit bonhomme qui restait un long moment à se serrer contre lui. En fait, tout cela ne faisait que lui confirmer ce que Sylvère avait toujours su : il voulait des enfants. Pour pouvoir s’occuper et jouer avec eux, comme il le faisait avec Nicolas - et d’autres enfants des rues s’il le fallait.

Le gargouillement de l’estomac de Nicolas lui tira un sourire. Il avait faim ? Cela tombait bien : lui aussi ! Il hocha la tête et laissa le garçonnet se changer. Il ôta la robe pour enfiler des habits plus utilitaires, chemise souple et pantalon en bon état.

Sylvère observa les anciennes loques de l’enfant. Ils ne seraient plus bons à grand-chose, ils avaient déjà eu une bonne vie mais en les nettoyant et en les découpant, ils pourraient toujours servir ici et là. Pour les moments, il les rangea juste dans un coin.

Il sourit à Nicolas qui se renseignait sur leur prochain repas, réponse que Sylvère lui fournit avec un enthousiasme sincère et exubérant, comme à son habitude. Quand il était heureux, il ne faisait pas semblant de l’être !

— Maintenant bien sûr ! Lapin au menu, ça te va ? demanda-t-il. Tu peux m’aider, si tu veux.

Et ce fut dans la bonne humeur qu’ils préparèrent ensemble ce lapin, à l’abri dans la grotte-palais.