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[Novembre 1569 - Flashback] - Quand le soleil se meurt et vous noie dans l'horreur [Terminé]

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Message par Coldris de Fromart Sam 25 Déc - 21:59



Coldris de Fromart, 24 ans & Virgil d'Aussevielle, 28 ans



Saint-Eloi,
2 Novembre 1569,

On ne pleurait pas sa maîtresse disparue. C’est ce que la société tout entière n’avait cessé de lui rabâcher. Cela faisait un peu plus de deux mois que… non, il n’arrivait toujours pas à le dire. De ces dernières semaines, il ne gardait que les souvenirs vaporeux d’un cauchemar. Sa vision embuée, ses vomissements, la douleur insoutenable dans sa poitrine, la solitude, le noir absolu et les liens qui l’avait retenu. En finir. Il voulait en finir. La seule chose qu’il n’avait pas eu le temps d’essayer était la fenêtre. Léonilde avait dû l’assommer une fois, le faire vomir d’urgence plusieurs fois et finalement Virgil s’était résolu à le crucifier sur son lit. Pire que tout… il n’avait même plus la force de le maudire ou même de lui en vouloir.

Il était vide.
Rien.
Le néant.

Deux mois. C’était le temps qu’avait su gratter son fidèle valet en le faisant porter bien pâle.  Pâle, il l’était comme la mort elle-même. Il ne se reconnaissait même plus lorsqu’il croisait son reflet qu’il fuyait. Le teint cireux, le visage émacié, les yeux creusés, l’absence de toute lueur dans ses yeux bleus qui avait toujours brulé d’une flamme vigoureuse. Il n’y avait que cette barbe et ses cheveux trop bien taillés pour le cadavre qu’il était.

Reprendre le cours de sa vie. Il n’avait pas eu le choix. Ordre d’en haut. Et pas de cette pute de Dieu sadique qui n’écrivait AMOUR que pour y graver deux lettres supplémentaires et tout faire basculer dans un supplice inhumain. A MOURIR. Voilà ce que c’était. Tout juste bon à mourir. Quelle autre bête que l’homme pouvait-elle survivre lorsqu’on lui broyait le cœur ?

Retourner donc s’acquitter de sa charge sans même qu’il ne sache pourquoi. Tout intérêt avait disparu avec elle. Plus rien n’avait de saveur et le pouvoir moins que les autres encore. Il ne le faisait que mécaniquement comme un de ces automates dont raffolait l’un des princes de Monbrina avec qui il s’était lié. La seule vertu qu’il y voyait –car il fallait bien en concéder une– était celle de lui occuper l’esprit si tant est que celui-ci ne soit pas parti.

Coldris se traîna dans un costume bien trop élégant pour abriter la loque qu’il était jusqu’au salon où se trouvaient Démétrius en train de jouer et Virgil en train de lire il ne savait quelle paperasse ennuyante.

— Bonjour Démétrius, déclara-t-il sans joie.

Puis il se laissa tomber dans le premier sofa à disposition s’économisant la salutation de son ami.

— Tu as mangé?
— Non.
— Mange, ordonna-t-il de son ton qui ne souffrait d’aucune contestation avant de demander que l’on fasse porter quelque chose de plus conséquent.

Coldris attrapa une bouchée qu’il avala sans prendre garde à ce qu’il dégustait. Il savait que c’était peine perdue de s’opposer à son ami et il n’avait de toute façon pas la volonté d’arguer des heures comme il aurait pu le faire avant.

— Je n’y arrive pas, Virgil… fit-il la gorge nouée. J’essaye, je t’assure que j’essaye, mais regarde-moi, bon sang ! Je suis vide ! Il ne reste plus rien. Rien ! Rien ! Rien !

Il sentait déjà les larmes remonter et lui bruler les paupières. A force, elles devaient contenir plus de sel que d’eau. Le regard implorant, il tentait de les réfréner désespérément. Il se disait parfois avec une profonde ironie, qu’il avait tant pleuré au cours de ces derniers mois que s’il avait effectivement été une divinité, ses larmes auraient pu créer mers et océans. Et il suffisait alors qu’il songe à l’éclat mousseux d’une puissante vague pour qu’il n’en voit émerger Aphrodite et qu’il ne plonge dans les abysses du désespoir.

— Tu n’as pas à boire plutôt ? demanda-t-il alors que l’on déposait des plateaux pleins de victuailles qui lui donnaient la nausée.
— Non. Et donne-moi ton laudanum. Virgil tendit la main pour récupérer la fiole qu’il avait très certainement sur lui. Je sais que tu en as pris, déclara-t-il en la réceptionnant. Combien de fois vais-je te dire que cela ne te rend pas service. Si j’avais su je t’aurais laissé enduré le martyre plutôt que de laisser le médecin t’en administrer.

Coldris souffla un rire amer.

— Il faut croire que tu aimes me torturer. Et tu te dis mon ami. Mon ami m’achèverait puisqu’il refuse que je le fasse moi-même.
— Tu iras mieux, je te le promets. Tu verras, fais-moi confiance.
— Je ne sais pas, Virgil… Je ne sais pas… Comment suis-je censé faire si je la vois partout ? Et… les harpies… elles me harcèlent sans arrêt, Virgil. Il leva ses yeux implorant vers lui, dissimulant comme il pouvait ses tremblements. Je t’en supplie, sans ça je vais devenir fou. Je ne veux pas. Ne les laisse pas. S’il te plait.

Le marquis se leva pour prendre son ami dans ses bras et basculer sa tête contre son épaule.

— Tu y arriveras. Enferme-les, ne les laisse pas te broyer. Tu survivras, comme Enée, d’accord ?
— Je ne suis pas sûr qu’il aurait survécu à la mort de Didon s’il avait su avant, Virgil, argumenta-t-il parce qu’il s’agissait tout de même de son œuvre favorite.

Sa nuque dans sa main, Virgil ancra son regard acéré dans le sien, perdu dans le vague.

— Regarde-moi, Coldris. Tu n’as pas Rome à fonder, mais tu as promis d’arriver en haut. Et tu n’y es pas. Tu ne peux pas abandonner maintenant. Elle ne voudrait pas cela et tu le sais très bien. Et tu as un fils à élever.
— Non… Il est mort… déclara-t-il d’une voix étranglée sans pouvoir retenir cette maudite larme qui s’échappait.

Ce que son ami ne pouvait lui avouer pour l’heure, c’était qu’il employait tout son temps libre à chercher une piste avec acharnement. Il ne voulait pas lui faire de faux espoirs, seulement, de ce que l’on savait, Sarkéris avait été confié aux marins à sa naissance. On avait même aperçu le nourrisson dans un port, mais Virgil n’avait rien de concret à lui soumettre. La grande difficulté était que les informations circulaient lentement  et que la saison à venir n’allait rien arranger…



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Message par Démétrius d'Aussevielle Dim 26 Déc - 11:43

Démétrius, « presque quatre ans dans pas beaucoup de jour mais quand même longtemps »
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En voyant son parrain entrer dans la pièce, Démétrius s'immobilisa le chevalier avec lequel il s'apprêtait à donner l'assaut. Il cilla plusieurs fois. Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu. Très très beaucoup longtemps qu'il n'avait même plus joué avec lui ! Père avait dit que c'était parce que Madame Sophie était partie au Ciel en amenant un bébé. Mais parrain ne pouvait pas aller la voir là-bas parce qu'on ne revenait jamais, alors. Alors il était triste et ne voulait plus jouer avec lui. 

Démétrius n'avait pas d'amie comme Madame Sophie, mais s'il ne pouvait plus du tout voir Mère parce qu'elle était morte, lui aussi aurait été triste. Et pour parrain aussi parce qu'il l'aimait beaucoup. 

— Bonjour parrain, répondit-il d'une voix timide. 

Il alla jusque dans le fauteuil. Alors, il ne venait toujours pas jouer avec lui et il était toujours triste alors que ça faisait déjà vraiment vraiment longtemps. 

Il déposa son jouet et enlaça ses genoux en regardant les adultes du coin de l'œil. Il ne comprenait pas tout, mais parrain n'était plus comme avant. Et puis, si Père disait que cela irait mieux, il aurait dû le croire. Dieu n'allait pas le laisser être triste pour toujours, pas vrai ? 

Démétrius finit par se lever et se diriger vers les deux adultes. Parrain avait même des larmes. 

— Vous voulez jouer avec moi pour plus être triste ? proposa-t-il en tirant gentiment sur la manche de son parrain. 

Lui, ça le rendait content quand il jouait. Et puis parrain aussi, avant. Peut-être que ça pouvait marcher. Il préférait quand il était heureux, lui !
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Message par Coldris de Fromart Dim 26 Déc - 14:27



Coldris de Fromart, 24 ans & Virgil d'Aussevielle, 28 ans


Coldris n’avait pas remarqué que le petit lui avait répondu. Il était parti s’affaler dans le premier sofa à disposition, l’esprit poisseux des ritournelles qui déchiquetaient son âme. Virgil avait de bonnes raisons de se préoccuper de ce qu’il avait mangé. C’était le genre de détails qu’il oubliait ces derniers temps. D’ailleurs il n’aurait su dire à quand remonter son dernier repas – si tant est que l’on puisse appeler cela un repas et qu’il ne l’ait pas vomi dans l’heure qui suivait –. Il avait littéralement la peau sur les os. Il n’osait même plus croiser son reflet dans le moindre miroir et passait le plus clair de son temps enfermé dans l’un de ses bureaux à travailler jusqu’à plus soif. Quelques jours plus tôt, entre le manque de nourriture et de sommeil, il avait bien failli tourner de l’œil dans la grande galerie du palais…

Il faisait pourtant tout ce qu’il pouvait pour essayer de reprendre le cours de sa vie, mais rien n’y faisait. Il n’était plus qu’une ombre qui se mouvait et respirait… et se délitait. Il n’avait pas plus de volonté que cela de résister à son ami, qui aurait de toute façon récupéré son cher laudanum de gré ou de force. Virgil ne savait plus quoi faire de plus pour l’aider. Tout ce qu’il pouvait faire c’était lui donner la certitude inébranlable que les choses s’amélioreraient, car il en était persuadé du fin fond de son âme et qu’il priait chaque jour pour l’aider à retrouver la paix, implorant leur Seigneur de lui accorder sa miséricorde pour tous ses péchés et de le libérer de son supplice. Les harpies… Il savait parfaitement à quoi cela faisait référence. Il se sentait si impuissant et pourtant il ne pouvait pas vaciller, Coldris avait bien trop besoin de lui en ce moment. Il le serra encore plus fort contre lui pour l’obliger à se calmer. Ils allaient retrouver Sarkeris. Mort ou vif, mais il le retrouverait. Il ferait tout pour lui ramener.

Soudain, une petite voix le tira littéralement de sa torpeur. Il détacha sa tête de l’épaule de son meilleur ami pour réaliser qu’un petit poulpe ausseviellois se trouvait accrocher à ses mollets. Depuis quand ? Tout cela le renvoya plusieurs années en arrière... C’était la toute première fois qu’il visitait Aussevielle et qu’il découvrait la mer. Cette étendue bleu infini qui embrassait l’azur du ciel. C’était la première fois que son regard pouvait porter jusqu’au bout de la terre sans rencontrer d’obstacle. Là-bas, il avait découvert les pins, les oliviers, la lavande et le sourire des Aussevielloises au teint légèrement basané par le soleil continu. Et puis, il y avait eu ce jour, où, bercé par la cacophonie des cigales, Virgil lui avait proposé de marcher dans la crique pour atteindre une grotte située juste derrière. Leurs souliers et leurs bas dans une main, ils s’étaient aventurés entre les galets polis par le roulis des vagues et les roches acérées de la côte. Si ce n’était pas des plus agréable pour les pieds, l’eau fraiche avait de quoi les soulager de l’accablante chaleur estivale. Mais c’était sans compter ce monstre qui avait décidé de surgir de sa caverne pour s’agripper autour de l’une de ses chevilles. Il se revoyait encore pris de panique, hurlant à Virgil de le débarrasser de cette chose que son ami transperça d’un coup sec de rapière entre les deux yeux. Même morte, la bestiole avait continué de garder en otage sa jambe ! Et son ami qui riait à s’en tenir les côtes parce que dès qu’il avait le malheur de toucher cette immonde chose gluante, il se mettait à hurler de dégoût en gesticulant de manière grotesque ! Enfin, il avait quand même fini par l’aider et il en avait gardé des traces de succion pendant plusieurs jours…

Il cligna des paupières plusieurs fois et croisa le regard du petit rouquin en attente d’une réponse. Jouer. Coldris se figea soudainement. Il… ne… pourrait… jamais… joué… avec lui. Il ne le verrait pas grandir, ni parler, ni marcher, ni quoi que ce soit. Les larmes contenues jusque là se mirent à déborder dans une cascade incontrôlable.

— Je… je… je ne peux pas, réussit-il à prononcer d’une voix chevrotante alors que ses tremblements venaient de reprendre de plus belle… Désolé…

Il aurait voulu, vraiment voulu… Oh s’il n’avait suffi que de jouer avec lui pour ne plus être triste, il aurait passé le reste de sa vie à jouer avec lui. Si seulement. Mais tout ce qu’il voyait c’est qu’on l’avait privé de ces moments-là avec son fils et que cette vieille pute de Dieu avait pris son amour. Il se mit à sangloter comme un enfant en se laissant tomber contre son ami.


— Je suis désolé… Je suis désolé… Je suis désolé… répétait-il dans un marmonnant sans pouvoir s’arrêter. Il était tellement désolé de tous les affliger avec ses problèmes. Mieux valait qu’il rentre se terrer à Cervigny au fond de son lit avec le vain espoir qu’il ne finisse par ne plus se réveiller.

Virgil avait tort. Cela ne pourrait jamais aller mieux. Comment cela pourrait-il ? Son âme était en lambeau. Rien ne pourrait jamais la réparer. Il apprendrait peut-être à vivre avec, mais il ne serait plus jamais lui-même. Il ne savait même pas s’il pourrait un jour rejouer innocemment avec Démétrius. Et il se sentait si misérable, indigne et inutile qu’il n’en fallait guère plus pour piétiner le peu d’estime qu’il lui restait de lui-même.

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Message par Démétrius d'Aussevielle Dim 26 Déc - 15:00

Démétrius attendait la réponse de son parrain. Il fallait qu'il joue. Il serait plus content, après, c'était toujours comme ça. Mais non, parce que sa proposition le rendit encore plus triste et qu'il se mit à pleurer pour de vrai. 

L'enfant grimpa sur le fauteuil pour essayer de glisser d'entourer son parrain - avant, il était plus gros que ça ! - de ses petits bras. C'était qu'avec son père à côté, ce n'était pas bien facile. 

— C'est pas grave, voulut-il le rassurer. S'il vous plaît, je voulais pas vous rendre encore plus triste... déplora-t-il, les larmes aux yeux. Pardon.

Il ne savait pas ce qu'il fallait faire. Parrain s'excusait toujours, et lui il l'avait juste fait pleurer. Pourtant il pensait vraiment que jouer était une bonne idée. Il chercha le regard de son père. Lui, il savait forcément ce qu'il fallait faire pour que son parrain arrête de pleurer. Il fallait qu'il redevienne comme avant.
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Message par Coldris de Fromart Dim 26 Déc - 15:56


 
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Coldris s’est de nouveau laissé noyer par toutes les larmes qui parvenaient encore à le noyer sans qu’il ne sache comment cela était possible. Il se laissa tomber contre Virgil incapable de soutenir sa propre carcasse plus longtemps, quand les petits bras de son filleul qui venait d’escalader le fauteuil l’entourèrent à son tour.

Plus les jours passaient, plus il avait l’impression de s’enfoncer profondément. Il ne pourrait jamais remonter. Il ne pourrait jamais. La peau de ses doigts était à vif et chaque fois qu’il tentait de prendre une prise sur la paroi lisse du gouffre dans lequel il se trouvait, il ne faisait que tomber dans un puits de ténèbres sans fin. Il avait de nouveau vomir. Il aurait voulu s’enfoncer les bras dans ses propres entrailles. Il releva brièvement sa tête aux yeux rougis et creusés pour écouter Démétrius qu’il venait de blesser. Il entrouvrit la bouche. Virgil n’aurait jamais lui confier cette charge. C’était stupide à l’époque. Ça l’était d’autant plus actuellement. La langue sèche, il déglutit péniblement en soutenant son regard. Il ne savait même pas quoi lui dire réellement.

— Je ne peux pas être plus triste que je ne le suis déjà articula-t-il miraculeusement d’une voix étranglée tandis que Virgil adressait un regard qui se voulait rassurant à son fils.

Il trouva la force de passer son bras libre autour des épaules du garçon et le serra contre lui en même temps que son père. Ils étaient sa seule famille désormais avec Solange. Il s’en voulait tellement de leur infliger cela. Il essuya distraitement ses orbites dans un reniflement avant de s’extirper de leur étreinte.

— Je suis désolé, Virgil, je n’aurais pas dû venir. Je ne sais même pas pourquoi je suis venu… Je ne voulais pas… Je suis désolé… Il vaut mieux que…
— Coldris, entama-t-il en l’arrêtant d’une main sur son épaule, il n’y a pas de mal, tu peux venir et rester ici aussi longtemps que tu le désires. Tu le sais n’est-ce pas ?

Il hocha tristement la tête.

— Je suis fatigué. Je veux rentrer. Je veux rentrer et oublier. J’aimerais tout oublier, Virgil. Je t’en supplie si tu trouves le Léthé, ne me laisse pas souffrir éternellement.
— Et oublier tous les bons moments également ?
— Tous. Que peut-on retirer de plus lorsque l’on est entièrement écorché et que le moindre rayon de soleil se transforme en incendie destructeur ? La seule chose que je vois, c’est qu’aucun de ces moments ne pourra plus jamais avoir lieu et cela ne fait que me rappeler que je vais souffrir le martyre jusqu’à mon dernier souffle. Alors oui, puisque je dois vivre, je voudrais tout oublier, jusqu’à ma propre misérable existence qui ne fait que vous gangrener.

Il tourna les talons et quitta le salon comme une âme en peine, sans entendre son ami tenter de le retenir. En chemin, il croisa Elena qu’il salua d’un signe absent de la tête.
Impuissant, Virgil se résigna dans un soupir à le laisser fuir. Il retourna dans son fauteuil et ordonna qu’on lui serve à boire avant de prendre sa tête entre ses mains. Seigneur… Combien de temps lui faudrait-il pour s’en remettre ? Il ne pouvait pas avoir raison et demeurer ainsi éternellement, n’est-ce pas ? Il ne pouvait pas…

— Viens, Démétrius, l’invita-t-il en désignant ses genoux.

Il passa une main dans sa tignasse rousse et le serra contre lui avant d’embrasser le sommet de sa tête.

— Tu n’y es pour rien, ne t’en fais pas, mon garçon.

Ce qu’il pouvait l’aimer son adorable petit homme plein d’une telle bonté qu’il tirait assurément de sa mère. Il songea à Coldris et Sarkeris et le serra encore plus fort contre lui.

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Message par Démétrius d'Aussevielle Dim 26 Déc - 16:29

Si Parrain était vraiment tellement triste qu'il ne pouvait pas l'être plus, alors il devait vraiment l'être très très très beaucoup. Et ça, ce n'était vraiment pas chouette. Mais son père faisait le regard de tout allait bien, alors c'était que tout pouvait s'arranger, pas vrai ? 

Il se blottit contre son parrain. C'était bien d'être là tous les trois, mais Parrain était quand même triste alors ça gâchait tout. Et puis, il ne resta pas tranquille si longtemps et Démétrius redescendit du fauteuil parce que ce n'était pas fait pour être debout dessus.

— Moi aussi j'aime bien que vous venez, se permit-il d'intervenir alors que son père expliquait qu'il était le bienvenu. 

Il savait que ce n'était pas lui qui décidait, mais bon, c'était juste pour pas que parrain reste tout seul. Oh, et puis ils parlaient de choses compliquée, mais ce que Démétrius saisit était qu'il s'en allait quand-même. Dommage. 

— À bientôt, Parrain, dit-il alors que ce dernier avait déjà tourné les talons et même oublié de lui dire au revoir. 

Le garçon se tourna alors vers son père qui lui demandait de venir sur ses genoux.

— Je voulais pas le faire partir, j'ai pas fait exprès, s'excusa-t-il en y grimpant.

Il aimait bien quand son père le prenait sur ses genoux et le serrait dans ses bras. Et s'il n'était pas fâché et disait que ce n'était pas de sa faute alors c'était qu'il n'avait rien fait de mal. 

— Père, qu'est-ce qu'il faut faire pour que parrain soit plus triste ? demanda-t-il. Moi je n'aime pas ça...
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Message par Coldris de Fromart Dim 26 Déc - 17:28



Virgil d'Aussevielle, 28 ans

Virgil serrait son petit garçon contre lui. Comment pouvait-il expliquer à son fils plein de cette candeur de l’enfance l’immensité des tourments qui agitaient son parrain ? Comment pouvait-il alors qu’il était encore incapable de ressentir de telles émotions et que son monde se réduisait peu ou prou à l’immédiat ? Il lui avait expliqué que Coldris avait perdu Sophie lorsqu’elle avait donné naissance à son enfant, mais ce concept même restait certainement très flou dans son esprit. Mort, c’était quand on ne respirait plus, ne bougeait plus et ne jouait plus, lui avait-il dit. Ensuite on partait au Ciel rejoindre ses ancêtres.

Il caressa ses cheveux. Le voir essayait de nouer le contact, alors que lui-même avait conscience de l’impossibilité de la chose le peinait profondément. C’était la première fois depuis la mort de son frère qu’il se sentait aussi démuni et impuissant face à la vie qui se jouait sous ses yeux.

Bien sûr que Démétrius n’y était pour rien. Il le pensait aussi sincèrement qu’il était possible. Son petit cœur était bien trop pur pour toute la noirceur d’un deuil aussi cruel. Il n’osait même pas imaginer ce que ce serait de perdre son fils. La seule fois où il avait été attrapé une mauvaise fièvre, il avait passé deux jours entiers à prier sans la moindre interruption. Il embrassa une nouvelle fois son fils et médita sur ses paroles, refusant de lui avouer qu’il n’en savait strictement rien.

— Il faut prier pour qu’il trouve la paix, Démétrius, assura-t-il néanmoins pour s’en convaincre lui-même.

— Prier et laisser le temps aux nuages qui obscurcissent son âme de disparaitre. Tu sais, c’est comme lorsqu’il pleut : le soleil finit toujours par revenir un jour ou l’autre. Il ne faut jamais en douter, car c’est là une vérité immuable,  d’accord ?

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Message par Démétrius d'Aussevielle Dim 26 Déc - 18:36

Père savait toujours ce qu'il fallait faire. C'était bien naturel de le lui demander et de le croire sur parole. Parce que… eh bien parce que c'était son père le meilleur du monde et qu'il l'aimait vraiment beaucoup. Il voulait devenir quelqu'un de bien comme lui quand il serait grand, mais en devenant chevalier même si lui non. 

Prier et attendre. Et re-prier. Démétrius acquiesça doctement à l'énonciation de cette panacée. Prier et attendre. Oui, comme ça Dieu saurait aider Parrain à ne plus être triste. Parce que Père disait que c'était comme la pluie. Et de ce qu'il savait de la pluie, eh bien cela finissait toujours par s'arrêter même si parfois il fallait attendre très longtemps avant de pouvoir aller jouer dehors. Et le soleil revenait et alors on pouvait encore s'amuser comme s'il n'était pas parti, et ça c'était chouette ! 

Il hocha encore la tête, très convaincu. 

— Alors je promets de prier pour que parrain retrouve le soleil tous les jours jusque quand il va mieux.

Il priait déjà pour son parrain, bien sûr, mais là ce n'était pas pareil parce qu'il allait prier exprès pour qu'il arrête d'être triste et il allait beaucoup le répéter. Cela allait forcément finir par s'arranger. Il ne fallait jamais douter parce que c'était la vraie vérité vraie que Père avait dit et alors ça allait marcher. C'était obligé. 

— Père… Vous pensez que jusqu'à mon anniversaire c'est assez de temps pour qu'il soit plus triste ?

Son anniversaire, on disait que c'était bientôt, mais c'était quand même loiiiiiin. Et même qu'il y avait beaucoup de jours encore. Les nuages ils ne restaient même pas si longtemps, d'habitude, si ?
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Message par Coldris de Fromart Dim 26 Déc - 21:18



Virgil d'Aussevielle, 28 ans

Virgil adressa un sourire attendri à son fils qui n’avait pas perçu toutes les hésitations et les inquiétudes qui l’agitaient réellement. C’était un si bon petit garçon… Il n’y avait pas un jour où il ne remerciait pas le Très-Haut de l’avoir doté d’une telle merveille. Certes, depuis Elena enchainait les fausses couches sans parvenir à mener la moindre grossesse à son terme, mais Virgil restait néanmoins confiant. Il avait au moins un fils à qui transmettre le marquisat, le reste viendrait en son temps.

— Si l’on prie tous les deux, il n’y a pas de raisons qu’il n’aille pas mieux, fit-il en lui ébouriffant les cheveux.

Quant à son anniversaire… Treize jours. Oh avec l’aide d’un miracle peut-être, mais pour parfaitement réaliste, il en doutait sincèrement et il ne voulait pas décevoir son fils qui plaçait tant d’espoir en ses paroles.

— Il faut savoir être patient Démétrius, je crains que ton parrain n’ait besoin d’un peu plus de temps que cela pour se sentir mieux.

À moins qu’il ne retrouve la piste de Sarkeris d’ici là, avec l’aide de Dieu, qui savait ?

— Et si je te racontais l’histoire de Léontios à Constantinople ? Qu’en dis-tu ? proposa-t-il pour changer de sujet et calmer son petit impatient qui comptait les jours jusqu’à son anniversaire.

Parce qu’à quatre ans « il serait grand » ! Sans plus attendre, Virgil entama son récit qu’il agrémenta de nombreuses descriptions de l’ambiance générale du siège…

Coldris de Fromart
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