[RP alternatif] De l'autre côté du miroir

Voir son maître dans cet état lui était tout simplement insupportable. Aud savait parfaitement ce que ça faisait que d’être sur une estrade, à être fixé par tous ces gens pendant qu’on parle de soi comme si on n’était qu’un meuble. Quand c’était elle, ça ne la dérangeait pas : elle était habituée à cet état, et ça ne concernait qu’elle. Elle n’avait pas à voir à travers les yeux de quelqu’un d’autre ce spectacle.

Une main vint très doucement prendre la sienne, et l’ancienne esclave eut un léger sursaut de stupeur. C’était un jeune homme… qu’elle n’avait jamais vu avant. Mais il était avec Eldred. Lequel vint à son tour la prendre dans ses bras. Elle mit un temps avant de vraiment réagir à cette étreinte, le regard toujours dirigé vers Dyonis, chargé d’émotions.

Pourtant, ces mots, ces gestes, finirent par calmer sa panique. Au moins elle n’était pas seule dans ce cauchemar, et le plan pour libérer son maître était déjà mis en marche. Et puis… c’était Eldred. Elle savait qu’elle pouvait croire ses mots.

Elle inspira. Expira. Comme si elle venait tout juste de prendre sa première bouffée d’air depuis qu’elle avait ouvert les yeux ici. Eldred avait gagné les négociations, et un soupir de soulagement s’échappa alors de ses lèvres. Son maître allait rentrer… il allait pouvoir quitter cette estrade ! Il allait pouvoir retrouver la dignité qui le caractérisait tant.

Mais alors que son regard restait là-haut, elle tourna légèrement la tête et vit plus loin un visage connu. Misérable, comme un animal pris au piège.

« Est-ce… messire de Rottenberg… ? »

Non, pas réellement, elle le savait. Mais elle ne le connaissait pas sous d’autres noms. Si le jeune homme auprès d’elle avait raison, qu’esclaves et maîtres aient échangé leur place, alors… sans doute était-ce logique de le voir ici. Son ancien propriétaire. Quelle pauvre créature… Elle connaissait tout ce qu’il avait fait, ou presque, mais en le voyant ainsi, elle ne put s’empêcher d’éprouver de la pitié pour lui.

« Si… personne ne l’achète… que se passera-t-il pour lui ? »

Alexandre abandonne la bataille. Curieusement, Dyonis ne sait pas dire si cela le soulage ou non. Le garçon l'aurait très certainement fort bien traité, mais il vient de découvrir des choses beaucoup trop inquiétantes dans sa psychologie... Il serait plus sain qu'il rentre avec son père seulement. Ils auraient beaucoup de choses à réparer ensemble.
Le garçon heureusement n'a pas l'air de prendre trop ombrage de sa défaite et il s'occupe maintenant d'expliquer à Aud les motifs de ce renversement de situation. L'adolescente a l'air de se calmer, grâce aux mots d'Alexandre, mais surtout ensuite avec les gestes réconfortants d'Eldred. Dyonis voit l’étreinte puis le petit baiser que lui donne le Zakrotien et dans lesquels Aud se laisse réconforter. Depuis l'estrade, il sourit à cela, vraiment touché par cette relation fraternelle qui s'est installée entre les deux natifs de la même terre.

L'humeur attendrie de Dyonis ne dure pas : Thierry est revenu à lui... et il a bu l'alcool à la base simplement destiné à le faire reprendre conscience juste en le respirant ! Quel ivrogne ! Il ne manquait plus que ça ! Les insultes du prêtre laissent l'ancien baron de marbre : il met cela sur le compte de l'état d'ébriété. Il adresse au père d'Anjou un regard très dur et répond froidement :

"Nous prendrons le temps pour une conversation sérieuse une fois que vous aurez décuvé, voulez-vous."

Déjà, des gardes se sont avancés, très menaçants à l'encontre de Thierry et prêts à frapper s'il fait encore du remous. Dyonis quant à lui ne poursuit pas plus avant sa prise de parole et reste tranquille, prudent, encourageant d'un haussement de menton le prêtre à en faire de même...

Et là-dessus... il entend la décision d'Eldred et comprend que le prêtre et lui-même n'auront en fait peut-être pas l'occasion de discuter calmement comme il venait de le dire : son ancien esclave, qui a remporté la vente, décide de laisser gratuitement Thierry à son fils. Ce qui reste la meilleure solution aux yeux de Dyonis. Encore faut-il qu'Alexandre accepte. Une chose est sûre en revanche : Eldred fait preuve d'infiniment plus de noblesse qu'une grande partie de ceux qui ont été les aristocrates jusqu'ici. Le regard que pose Dyonis en cet instant sur le Zakrotien est plein d'estime.

Les marchands de leur côté ont préparé les documents. Ils remettent à Eldred l'acte de propriété concernant Dyonis et prendront de sa part l'argent qu'il a annoncé. Mais pour Thierry, ils s'avouent un peu perdus. Ils guettent la réaction d'Alexandre et sa décision avant de finaliser les formulaires.
C'est alors qu'Aud s'inquiète du sort de ce rat d'Ulysse. Comme elle est généreuse ! Quelle sainte âme, se dit le baron déchu avec un coup d’œil vers l'adolescente, plein d'une attention très émue à son égard mais aussi d'inquiétude : il ne faudrait pas que son bon cœur la perde. Si elle achetait Ulysse... Et si cette ordure en profitait pour tenter quelque chose contre elle... Ce serait abominable et Dyonis se promettrait d'étriper l'usurpateur. Il aimerait adresser un avertissement à Aud. Un geste, un regard, quelque chose... Mais il n'a pas à parler.

Un garde s'occupe de répondre à la demoiselle :

"Les invendus, Madame, sont envoyés aux mines ou aux galères."

Alexandre tenait encore la main de Aud, inquiet de la voir si pâle et si nerveuse. on ne laissait pas une demoiselle en détresse. Question de principes et d'honneur ! A sa surprise, Eldred s'avança aussi pour la réconforter. Il évita de le regarder, peu enclin à reconnaitre publiquement sa défaite. Le silence convenait mieux pour de pareille choses. Elle s'inquiètait même pour le répugnant Ulysse.

"Les mines et les galères sont parfaites pour cet homme. Au moins, il expiera ses crimes."

A cet instant, son distingué père se fit remarquer et donna à regretter au fils de ne pas être parti. Il avait bu et été ivre. l'idiot !

Cynique, Alexandre commenta :

"Est-ce vraiment de ceci qu'il faut honorer et être fier ? Quelle merveille ! Quoique... Il est à peu près décent. Donnez-lui une seconde bouteille et il ira rouler sous une table ou nous entonnera une version inédite de l'un des évangiles. "

Au même moment, la vente se poursuivit et les deux esclaves était naturellement adjugé à Eldred. Alexandre eut cependant un sursaut en entendant ce dernier exiger que le prêtre soit mis à son nom. La colère le prit, semblable à celle de Jésus chassant les marchands du temple. Il marcha rapidement vers le trafiquant, attrapa l'acte que celui-ci commençait à rédiger et le déchira en deux.

"Assez ! Je refuse de subir cette humiliation ! Si je ne paie pas pour un bien, quel que soit, je me refuse à le posséder. Surtout quand le cadeau se révèle aussi intéressant qu'un eau de ciguë. Veuillez m'excuser mais le sort de Socrate ne me tente pas encore !"

Il défia du regard Eldred, insulté par cet affront qu'il a osé lui faire.

Le vin continuait de troubler l'esprit de Thierry et les paroles froides de Dyonis renforcèrent sa colère.

"Mais je n'ai pas envie de discuter. J'ai plutôt envie de régler mes comptes. Et puis... Et puis, vous.. tu es esclave. Alors je peux... Je peux..."

Entre lucidité et folie, le prêtre avait eu cette idée. Il serra le poing et l'envoya contre la joue du baron. Cela faisait foutrement du bien ! Des semaines que cela lui démangeait ! Enfin justice était rendue ! A cet instant, cependant, les gardes venaient l'immobiliser. il reçut plusieurs coups et s'obligea, contraint, au calme. Il cracha toutefois plusieurs fois au visage de ces hommes sans la moindre dignité.

Dans le brouillard, il entendit l'annonce de l'enchère puis la décision de le céder à Alexandre. Alexandre qui s'en montra furieux et refusait de le prendre. Le petit con ! Thierry gueula à nouveau :

"Petit con ! Je t'ai sauvé du bûcher et de la potence, tu te souviens ? Et moi, moi, tu me laisseras comme ça ? Sans m'aider ? Petit con ! Petit con ! Petit con !"

Tout en pestant d'igndination, Thoerry cracha plusieurs fois au sol.

Ulysse était à genoux sur l'estrade, terrorisé à l'idée du sort prochain qui l'attendait. Son visage était livide. L'un des gardes l'acheva en entendant la sentence : le mines ou les galères pour les esclaves invendus. Il allait mourir Il allait vraiment mourir ! Son regard paniqué détailla la foule, cherchant la moindre faille quelque part. Un indice de fuite. Par pitié !

Le salut sembla apparaitre dans le regard d'une enfant. une toute jeune noble, esclave encore hier. Elle était si tendre. Si naïve. elle s'inquiétait à son sujet. Ulysse retint le rire qui le gagnait intérieurement puis mima un air perdu lui aussi, tendant la main dans sa direction.

Mademoiselle... mademoiselle... pas les mines.. Non... sauvez-moi.... sauvez-moi...

Les mines et les galères… un frisson glacial parcourut le dos de l’ancienne esclave. C’était un destin cruel, peut-être à l’image de ce monstre d’Ulysse. Et elle connaissait nombre des macabres secret de l’usurpateur, certains d’entre eux étaient encore marqués sur elle, sur son ancien corps. Il avait créé l’Enfer sur Terre, et ne semblait jamais l’avoir regretté. Comme s’il n’éprouvait aucun remord. Cependant, était-ce une raison suffisante pour lui souhaiter pareille souffrance ? Par satisfaction et vengeance ?

« S’il était à notre place, il n’hésiterait pas un instant… » répondit-elle à la remarque d’Alexandre. Elle ignorait évidemment ce que lui avait vécu avec cet homme, mais elle n’avait pas besoin de poser la question pour avoir cette réponse.

Mais tout de même… était-ce la peine d’en faire autant ? De se mettre à son niveau ? Elle ? Aud voyait ce misérable homme, à genoux et sa main levée vers elle, la suppliant. Et ce spectacle, au lieu de la réjouir, lui brisa le cœur.

« Sait-il qui nous sommes ? A-t-il des souvenirs de… sa vie d’avant ? » Elle ne posait pas directement la question à Ulysse, mais elle ne pouvait cesser de le fixer.

En dépit de sa mine contrite et implorante, Ulysse prêtait attention au moindre détail de la scène et notait à quel point cette demoiselle était d'une sensibilité extrême. Il la reconnaissait. Il l'avait acheté. mais elle était partie ensuite chez ce stupide baron... Il dissimula le sourire qui lui venait grâce à elle, il sortirait de là. Il triompherait une fois de plus.

Cette dernière phrase étai particulièrement savoureuse :

« Sait-il qui nous sommes ? A-t-il des souvenirs de… sa vie d’avant ? »

Ulysse en aurait bien ri à gorge déployée. Mais il devait conserver son personnage. Il tourna la têe vers cette demoiselle naïve avec un regard d'enfant perdu, comme s'il avait pris des paroles au vol.

Je... J'ai fait quelque chose de mal ? J'étais.... Je suis.... duc... duc de Rottenberg. Je me suis réveillé là. je ne comprends pas. Mademoiselle... mademoiselle, j'ai peur... les mines... Ils veulent m'envoyer aux mines...

Il s'obligea à se rouler au sol en versant de fausses larmes de peur.

Eldred avait croisé ce regard presque emplit d'admiration ? De l'ancien baron de Frenn. Il avait silencieusement et discrètement hoché la tête. Il aurait vidé les caisses du domaine pour racheter celui qui était son ancien Maitre. C'était clairement l'homme de la situation. Celui qui pourrait l'aider à... Abolir l'esclavage. Il avait la connaissance, la droiture, l'expérience... Et maintenant Eldred avait la légitimité. Il était temps de tourner la page.

Ce fut à ce moment qu'Alexandre se rebèla comme un de ces gosses rétifs. Il lui aurait bien mit son poing dans la figure mais cela n'aurait pas été très noble de sa part.
D'ailleurs son père ne s'embarassa pas tant de préceptes et envoya le sien sur Dyonis sous le regard outré du Zakrotien.

- Et bien je garde cet esclave. Ce fils indigne ne semble pas à la hauteur du pardon chrétien ! aller hop. Voilà comment on pouvait jouer le jeu de leur religion. Ce n'était certainement pas à Zakros qu'il aurait pu sortir pareil réplique.

Il s'approcha de Thierry l'attrapa par les épaules et lui envoya un violent coup de poing sous les côtes qui le fit dégoupiller quelques mètres plus loin sur le sol de l'estrade.
Le décuvage à la zakrotienne.

Pendant ce temps, le cafard tentait d'amadouer la douce colombe... Il donna alors son nom et celui-ci fit frémir Eldred.
Il regarda Aud. Son ancien maître.
Qu'allait-elle faire de lui. Il n'y aurait qu'aux galères ou aux mines qu'il obtiendrait la rédemption pour ses innombrables méfaits.

- Petite sœur lui dit-il doucement fait ton choix en ton âme et conscience mais n'oublie pas ce qu'il a fait et qu'il pourra refaire. Il n'hésitera pas à te tuer pour prendre ta place dès qu'il le pourra. Il est ainsi.

Il lui jeta un regard méprisant alors que celui-ci se rouler au sol sans la moindre dignité, jouant la comédie jusqu'au bout. Se souvenait-il seulement de l'homme qu'il était depuis le temps qu'il usurpait la vie un autre?

Alexandre a l'air de camper sur ses positions et ne pas vouloir récupérer son père. Pour le coup, Dyonis est attristé pour cette famille qui s'est déchiré et qui mériterait surtout de tirer les choses au clair. Il peut comprendre par contre son choix de refuser de se faire offrir un esclave par quelqu'un d'autre. Lui-même n'aurait pas accepté. Cependant, le cas est bien complexe : tout de même, pour son père...
Il n'a pas le temps toutefois de beaucoup creuser la question : Thierry est tout aussi buté que son fils, refuse la conversation et, pire encore, s'avance vers Dyonis pour lui décocher un gros coup de poing. L'ancien baron n'a pas vu venir l'attaque et, avec d'une part ses moignons et d'autre part ses chevilles enchaînées, il lui est impossible de garder l'équilibre. Dyonis accuse le coup dans un grognement contenu mais s'effondre à terre dans un lourd grincement de fers. Il lui faudra un petit moment et des manœuvres pénibles pour d'abord se mettre à genoux, et ensuite jouer autant que possible du mou qui lui est laissé et de ses bras raccourcis pour se redresser... La honte le dévore, il serre cruellement les dents et s'efforce à conserver un regard froid en bouclier.

Au moins, Dyonis aura la satisfaction de voir Eldred s'avancer pour étaler le père d'Anjou et lui faire au passage vomir ce qu'il a ingurgité. La mauvaise nouvelle cependant tombe : Thierry et lui-même vont travailler dans le même domaine, se côtoyer... Cela ne va pas être une partie de plaisir. Il inspire lentement, cherche à calmer ses nerfs.
Pour cela, il reporte un regard attentionné sur Aud. Elle s'inquiète (à juste titre !) de ce que va pouvoir faire Ulysse. D'ailleurs celui-ci ment sans vergogne !

"Comment oses-tu, pendard. Il y a quelques instants seulement, dans la prison, tu te vantais de tes crimes en série. Ne nous prends pas pour des imbéciles." Puis il s'en revient à Aud, les yeux plein d'inquiétude, presque suppliants pour ne pas la voir prendre des risques inconsidérés.

Comme les formalités sont terminées, on s'empare brusquement de Dyonis et de Thierry pour les mener à celui qui est désormais leur maître. Le déchu glisse un coup d’œil à leurs pieds enchaînés, espérant en être bientôt défaits. Son visage est maintenant orné d'un beau bleu en plus du sang à sa lèvre à cause du coup décoché un peu plus tôt par un soldat. Un court instant, il reste là, perdu, à se demander vers quoi va maintenant tourner le destin...

Alexandre eut une vision d'horreur en découvrant son formidable père frapper Dyonis sous l'effet de l'ivresse. Cynique, il persifla :

"Quel homme merveilleux, vraiment, que celui-là dont je tiens le jour. Vous m'excuserez mais il ne me donne aucune envie de le recueillir. Néanmoins, il a été religieux. Du moins, dans une partie théorique. Vous pourriez accomplir une action charitable en l'offrant à un monastère."

Un sourire cruel défigura le visage d'Alexandre en observant son père. Il se souvenait très bien de sa faiblesse : cette réclusion que lui considérait horrible dans un monastère pour parfaire une éducation religieuse. Il lui tardait d'apercevoir sa réaction. Ce ne serait que justice. Sa mère avait passé, elle, vingt ans enfermée, aux mains d'un tyran qui la battait pour n'importe quel prétexte.

Ses yeux fixaient la silhouette du prêtre qui venait de recevoir le châtiment de son maitre. Il brûlait de lire la peur dans son regard. Alexandre évita au contraire celui de Dyonis qui allait le juger de sa conduite. il le savait : elle n'était pas digne. Ni d'un noble ni chrétien. Peu importait. Il avait des comptes à régler. des comptes personnels.

Afin de s'éloigner du sujet délicat, il rebondit vers l'affaire Ulysse. le misérable se vautrai sur l’estrade et suppliait Aud de le croire, que sa mémoire serait vide de tous ses crimes. Alexandre cracha de dégoût au sol lorsque Dyonis annonça que l'homme s'était vanté de ses forfaits. Ses poings se serrèrent. Il tourna la tête vers Eldred.

"Cet homme mérite châtiment. Ses crimes sont bien trop vils et sa nature ne changera jamais. On devrait le brûler en place publique. Ou le mettre en croix. Les mines, les galères... C'était encore trop bon. Ce serpent trouverait moyen de se faufiler. Seule la mort nous débarrassera de ce rat."

Les souvenirs de jeunesse affluaient. Il se remémorait du véritable Ulysse, si doux, détruit par la folie de ce mécréant. Il ne pardonnera pas.

Il savait… Il était le duc. C’était bien lui, il venait de l’avouer. Pendant un instant, Aud avait espéré rencontrer l’un de ces miroirs de ce monde inversé : un homme avec le même visage que le duc, mais qui n’avait rien à voir avec celui qu’elle connaissait. Strictement rien. Un esclave, puisque leurs rôles étaient inversés, innocent et paniqué. Mais non, c’était bien le même qui l’avait acheté, qui avait brutalisé la petite esclave du marché, qui avait tabassé Jérémie, qui avait dressé tant d’horreurs sur son domaine.

Le regard figé sur cette pauvre créature, elle n’arrivait tout simplement pas à regarder ailleurs. Il lui rappelait… beaucoup de choses. Et elle avait ses propres valeurs… Que faire ?

Elle entendait bien les mots d’Eldred, qui lui conseillait la prudence. Et son maître s’emporta d’ailleurs contre Ulysse… et Aud sentait très bien que c’était justifié.

« Je sais combien son sort est mérité, mais… est-ce vraiment à nous de rendre un tel verdict ? » demanda-t-elle à l’homme qu’elle voyait comme son frère, sans dévier son retard de son ancien propriétaire. « Expiera-t-il réellement s’il était envoyé aux mines ? Je n’ai rien oublié de ce que j’ai vu, mais… j’ai le sentiment de participer à une vengeance, et cela ne me plaît pas. »

L’ancienne esclave finit par tourner sa tête vers le Zakrotien, réellement perdue dans ce qu’elle devait faire ou non. Et puis on emmena si brusquement Dyonis vers eux – Thierry également, mais elle ne connaissait pas cet homme, et elle n’avait jamais été à l’aise avec les gens qui buvaient trop – qu’elle se rapprocha rapidement de son maître, venant lui tenir le bras pour l’aider à rester debout.

« Je souhaite que messire de Rottenberg face réellement face à la justice… cependant je n’en vois aucune ici. Alors que devrais-je faire ? »

Spoiler:

Ulysse se figea aussitôt en entendant Dyonis rappeler ses crimes et son attitude de tout à l'heure. Il était désespéré. Cette fois, tout était perdu. Il était perdu. On allait le transférer aux autorités et il serait certainement pendu. Comme un vulgaire criminel. il se recroquevilla et trembla de tous ses membres.

Pitié... Pitié !

Spoiler:

Quel triste spectacle… Quel pathétique personnage… Même en sachant tous ses crimes – et en ayant conscience que nombres d’entre eux demeuraient encore dans le secret – Aud ne pouvait pas s’empêcher de ressentir énormément de pitié en le voyant.

Si elle le laissait, ce n’était pas la justice. La justice aurait nécessité un procès, un juge, et une sanction pour ses crimes. Là, il n’était qu’un esclave, et s’il était réduit à aller aux mines, il n’y serait qu’en tant qu’esclave. Et non en tant que criminel. Ses crimes resteraient dans l’oubli, au point que même lui ne pourrait plus se les reprocher.

Et quand bien même… qui était-elle pour décider de cela ? La jeune fille avait le sentiment de porter le sort de son ancien maître sur les épaules, et ce n’était pas un rôle qu’elle se devait d’endosser. Ni juge ni juré, toute condamnation qu’elle lui ferait subir, ce serait à ses yeux uniquement de la vengeance. Et la vengeance n’était pas ce à quoi elle aspirait. Son cœur n’avait pas de haine, ou de rancœur.

Elle se rapprocha alors de l’estrade, et cela lui coûta bien plus qu’elle n’aurait pu le songer. Le voir proche, planter son regard dans le sien. Y chercher… ce qu’elle n’y trouvera jamais.

« Je ne donnerai pas plus de 500 rilchs pour cet esclave. C’est mon unique offre. » Elle ignorait jusqu’où elle pourrait monter, et de toute façon, bien qu’elle n’ait pas le cœur à le laisser à son sort terrible, elle n’allait pas se saigner pour un homme pareil. Parce que lui, ce criminel, cet usurpateur, ne méritait pas de valoir autant que tous ses camarades. Ceux-là même qui avaient souffert et qui étaient morts par sa main. « C’est une seconde chance que vous ne méritez pas, et je ne suis pas assez bonne pour monter le prix. »

Eldred contemplait la vile raclure qu'était Ulysse. Pour la première fois de sa vie et sans doute la dernière, il devait admettre qu'il était d'accord avec le béquilleux. Cet homme ne méritait ni d'être esclave, ni une mort douce. Pas après tous les crimes qu'il avait commis. Pas après les atrocités proférés à l'encontre des siens. Comment pouvait-il faire preuve d'aussi peu... D'humanité ? Car c'était bien là toute la question: que restait-il d'intact sous cette apparence humaine? Il planta ses yeux dans ceux du misérables usurpateur : sans doute rien.

- Je t'en prie Aud...

Mais elle ne l'écouta pas et annonça 500rilchs. Au moins, elle ne se ruinait pas pour lui comme il l'avait fait lui même pour sauver le baron.

Il laissa le négociant faire son office. Il semblait bien soulagé d'arriver à se débarrasser. Les invendus ne faisaient pas le commerce.

- Sois prudente lilleøster, lui demanda-t-il comme une requête plus que comme un avertissement en plaçant sa main sur son avant-bras.

- Mais si c'est là ce que tu souhaites, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour t'accompagner. Et du pouvoir il semblait désormais en avoir à revendre.

- Détachez cet homme et rendez-lui ses mains, je vous prie ordonna-t-il en désignant Dyonis.

- Quant à l'ivrogne... Laissez lui les fers. Je me chargerai de son cas plus tard.

Il ne daigna pas ajouter un regard à l'encontre d'Ulysse mais se tourna vers Aud alors que les hommes s'activaient derrière lui:

- Où vas-tu aller ? Sache que tu es la bienvenue à Frenn si tu le souhaites. C'est un peu ta demeure également...

Thierry a en effet un comportement immonde, mais le cœur de père de Dyonis se serre pour lui quand il entend son propre fils parler comme ça de lui. Le renvoyer dans un monastère où le prêtre a déjà eu de si mauvais souvenirs, ce ne serait qu’aggraver les dégâts alors que ce père et ce fils mériteraient surtout une vraie discussion. Le baron déchu ne reconnaît vraiment pas Alexandre dans ce costume et avec cette attitude. Il détourne les yeux pour ne plus le regarder du tout et entend seulement les châtiments qu'il aimerait réserver à Ulysse. Là dessus il n'a pas tort : vu le palmarès des crimes de cet individu, une mort certaine n'est pas volée. Dyonis n'est pas forcément pour les débauches de supplices sanglants en place publique, mais pendu haut et court serait en revanche la moindre des choses.
Et pourtant... Pourtant Aud consent encore non pas à le pardonner, mais tout de même à le reprendre ! Non ! C'est faire entrer le fauve dans la demeure ! Bien sûr qu'il va recommencer ses crimes ! Le manchot pousse un soupir et se retient de tout commentaire : Aud a l'air sûre de ce qu'elle fait (d'ailleurs au moins elle ne promet que 500 rilchs pour l'affreux individu) et Eldred lui promet aussi son soutien. Dyonis, quant à lui, se jure que ce rat d'usurpateur ne touchera pas à un cheveu des gens du domaine ! La colère et la détermination se lisent déjà sur ses traits, alors qu'il achève de reprendre ses appuis dans un léger bruit de chaînes.
Le corps du noble déchu lui fait mal. Il sent ses épaules, ses articulations douloureuses, et son visage brûler encore après le crochet envoyé par Thierry. Allons... Bientôt les choses se calmeront, le prêtre décuvera, et Eldred veillera sûrement à éviter davantage de grabuge.

Il entend que l'ancien esclave donne l'ordre qu'on lui retire ses chaînes. Et surtout qu'on lui restitue ses prothèses. Un sourire effleure les lèvres du baron déchu et il rend un regard de remerciement au Zakrotien. Des gardes approchent, retirent les entraves des chevilles de Dyonis. Dans la foulée, un commis part à la remise, fouille dans tout un bardas avant de revenir avec le harnachement du manchot. On tire Dyonis sur le côté, on lui ôte sa tunique le temps de lui sangler à nouveau son matériel : le crochet comme la main métallique sont mis au bout de ses moignons, et tous deux sont équipés de lanières de cuir remontant le long de ses bras, puis qu'il faut attacher en bretelles autour de ses épaules afin que les prothèses ne partent pas de ses bouts de bras au premier mouvement. Le déchu a un pincement de lèvres et se mord la joue, très contrarié d'être là, torse nu en public. Il déglutit. Au moins, on le rhabille vite et il est clairement heureux de s'être vu ré-équipé de ses prothèses. Il se sent un peu plus entier et comme à nouveau en possession d'un peu de son pouvoir.
Un soldat le pousse vers Eldred et Aud. Il se tient prêt à suivre le Zakrotien. Dans sa suite, il entend qu'on amène aussi Thierry, qui n'a pas eu la faveur qu'on le libère de ses entraves. Ce n'est peut-être pas plus mal, tant qu'il est encore dans cet état furieux et sous l'emprise de la boisson. Dyonis n'a par contre pas un regard ni pour Ulysse, ni pour Alexandre.
Il inspire de satisfaction, d'entendre Eldred proposer à Aud de vivre aussi à Frenn. Dyonis se sent heureux de "l'accueillir" au domaine, même s'il n'en est plus du tout le propriétaire, mais cela lui fait plaisir comme si c'était encore un peu le cas. Aud mérite de s'y trouver, bien traitée et bien entourée.

Alexandre était remonté sur son cheval, déterminé à rétablir une juste distance avec tous ces gens. Il fallait de toute façon s'en aller. A quoi bon perdre du temps ici ? Il avait perdu. S'attarder serait considérer comme un aveu de faiblesse. Hors de question ! Il obligea son palefroi à faire demi-tour lorsque la voix de la jeune Aud résonna à ses oreilles. Elle énonçait d'une voix franche et sérieuse une enchère pour le vil esclave usurpateur.

La surprise se disputait en l'âme d'Alexandre. il se retourna et dévisagea cette singulière adolescente. Eldred, son frère, tentait de la raisonner sur cette folie. Ulysse suppliait et sanglotai. Quel être pitoyable ! Il contempla si calme, si sereine, observant le monstre sur l'estrade. Pourquoi consentait-elle à recueillir cette chose ? Il ne méritait que la corde ! Ou les mines ! L'autorité qui découlait de la résolution de la jeune fille troublait Alexandre et le déstabilisait. Il tourna un instant la tête vers son père qui gisait encore au sol. Il aurait mérité, lui, une seconde chance. Ses erreurs, elles étaient dues à une grande lâcheté, pas à un manque de valeurs ou d'éducation. Il avait, certes, quelques manières avec les femmes qui étaient discutables mais à nouveau rien qui ne soit véritablement dangereuses. Et si... ? Et s'il essayait de proposer à Eldred de le racheter finalement ? Ses yeux se retournèrent vers Aud qui observait toujours Ulysse misérable. Sa conscience le tiraillait de plus en plus. Pourtant, le devoir, là aussi, se rappelait. Il avait pris une position. S'il revenait en arrière, ce serait terrible pour sa réputation.

Il avait choisi. Il devait tenir aussi cette résolution.

Alexandre arbora un air sinistre, cachant derrière son trouble, et s'adressa à Eldred :


"Bon courage avec l'ivrogne !"

Sur ces paroles claquantes, il abattit les rênes et s'éloigna.

Thierry gisait au sol, le crâne à la fois sonné par les effets des coups et de l'alcool. Il percevait les éclats de voix de manière lointaine. Celle de la demoiselle, - Aud - résonna cependant clairement à ses oreilles. Elle voulait acheter l'infâme homme qui s'était vanté devant lui et Dyonis de ses sinistres méfaits. Il trouva la force de se redresser et cria à Aud :

"Mademoiselle... Mademoiselle, votre générosité vous honore. Mais ne faites pas ça. Cet homme... Si on peut appeler ça encore un homme est un monstre. Il vous manipulera, vous dupera et vous tuera. Il n'y a rien d'humain en lui. Ne vous laissez pas apitoyer !"

Thierry fixa ensuite la silhouette de son fils remonté à cheval, le cœur serré, qui fuyait. il l'abandonnait. La colère s'était évanoui. Il comprenait à présent ses raison. Lui aussi avait agi de même avec Rosina. En pire. Il lui avait craché des paroles haineuses et agressives sans le moindre fondement. C'était un juste retour des choses. Il reporta son attention vers Dyonis que l'on débarrassait, lui, de ses chaines, la rancœur toujours forte. Pourquoi lui avait-il reçu un pardon ?

Soudain, Alexandre se retourna. Regarda en sa direction. Thierry s'obligea à un regard misérable, cherchant à attirer pitié. Toute notion de dignité s'était évanouie. S'il pouvait survivre, il était prêt à tout. Le fils observa un long instant le père. Ce dernier tremblait et priait. Que Dieu soit miséricordieux !

Finalement, Alexandre se détourna et lâcha à Eldred des paroles méprisantes à son égard. Thierry cracha avec dégoût :

"Dieu n'est vraiment qu'une sale vieille pute."

À sa place, elle avait conscience que personne n’aurait fait de même. On l’aurait laissé là, cet usurpateur malsain et dérangé, et peut-être était-ce ce qu’elle aurait dû faire. Même cet homme, le père d’Alexandre, semblait avoir rassemblé ce qui lui restait de sobriété pour la mettre en garde. Mais ce n’était pas ses valeurs, et pour une fois qu’elle avait du pouvoir entre les mains, elle ne voudrait pas laisser de bas instincts dicter sa conduite. Alors elle ne plierait pas aux regards, inquiets et désapprobateurs, qui pesaient sur elle. Le marchand partit faire les papiers, sans doute rassuré de ne pas avoir à se débarrassé de cet esclave lui-même.

« J’aimerais que l’acte de propriété fasse aussi mention du vrai nom de cet homme. Martin. S’il vous plaît. » déclara-t-elle au marchand. Elle ne savait toujours pas lire, même dans ce corps de dame, et elle regrettait de ne pas pouvoir vérifier elle-même si c’était bien écrit… mais elle ne voudrait pas qu’Ulysse oublie sa vraie identité. Le vrai Ulysse devait reposer en paix, sans qu’on usurpe son identité.

Cette épreuve lui coûtait énormément. Pas tant physiquement, mais cet ancien maître avait été la source de tant de cauchemars, tant de peurs et de souffrances qu’elle craignait de craquer. Heureusement que la main et les mots d’Eldred lui rappelaient qu’elle n’était guère seule, maintenant. Elle savait qu’il n’approuvait certainement pas tout cela, mais il la soutenait malgré tout… Posant sa main sur la sienne, relevant vers lui un sourire touché. Elle ignorait s’il avait compris ses motivations, ou bien s’il la soutiendrait quoi qu’elle décide… mais dans un cas comme dans l’autre, elle lui en était énormément reconnaissante.

Puis il lui proposa de venir à Frenn… et ça la surprit. Aud n’avait aucune idée d’où elle serait allée, elle n’avait même pas encore réfléchi à la question. Et elle n’aurait pas osé non plus s’imposer et n’aurait jamais osé demander. Elle qui était dans l’esclavage depuis si longtemps, elle n’avait aucun vrai chez-elle, et elle trouvait cela normal. Mais l’entendre de la bouche de l’homme qu’elle voyait comme un frère… son cœur fit un bond dans sa poitrine.

Elle chercha également le regard de son maître – bien qu’il ne l’était plus, actuellement – espérant son approbation. Dans ce monde, l’approbation d’un esclave ne signifiait pourtant rien, mais pour elle, Dyonis n’était pas un esclave, il restait son maître, et plus que ça : un homme qu’elle estimait et respectait beaucoup. Alors quand elle vit cette expression sur son visage, satisfait de se ranger à la proposition d’Eldred, elle ne pouvait plus contenir sa joie sur son visage.

« Je ne saurais pas comment vous remercier… » Dans l’immédiat elle s’était tournée vers Eldred, mais ses yeux restèrent un long moment sur Dyonis, l’incluant dans ce ‘‘vous’’ qu’elle ne pouvait pas évoquer en public. Et pourtant, toute sa reconnaissance y était.

Il faudra également qu’elle réfléchisse à ce qu’elle ferait d’Ulysse… non, de Martin. Cet homme représentait un danger, pour lui comme pour les autres, mais elle prendra cela en main. C’était sa deuxième chance, et sa dernière également.

Ulysse, recroquevillé sur l'estrade, tremblait. Sa vie allait-elle s'achever de manière si lamentable ? Dieu l'aurait abandonné ? Réellement ? Il en restait incrédule. Son regard continua de porter vers l'adolescente blonde. Non. Dieu était encore avec lui. Par la présence de cette jeune sotte, Il le protégeait. Il lui fournissait le vaisseau pour s'échapper d'un sort sinistre. Mais il fallait jouer habilement.

Conservant son regard pitoyable, Ulysse fixa Aud qui maintenait son offre. il lui sourit. un sourire doux qui ne lui ressemblait pas mais que lui savait parfaitement feindre.

Maitresse... Maitresse, vous êtes si bonne. Merci ! Merci !

Il l'entendit ensuite réclamer que son nom soit écrit sur l'acte de propriété. Son nom véritable. Ulysse chancela, comme si de ses paroles, Aud avait eu le pouvoir de le frapper. Martin ! Martin... Ce nom le blessait. Il le renvoyait au méprisable gamin trouillard. Il n'était pas Martin. Il n'était plus Martin ! Martin...

Malgré lui, dans son émotion, son visage était redevenu dur. Ses poings se serraient et frottaient le sol de l'estrade. Le nom maudit réveillait les colères. Il aurait aimé pouvoir se jeter sur cette fille et la tuer. Elle n'avait pas à le crier. C'était... C'était un blasphème.

Les pensées lucides revenaient difficilement. Il réussit à relever difficilement la tête et fixa Aud. Son regard restait dur, cette fois incapable de masquer ses émotions.

Je ne suis pas... Je ne nomme pas Martin. Je suis... Marc !

Il haleta en prononçant ce dernier mot. La haine et la colère le brûlaient.

Ce regard… elle reconnaissait ce regard. Ce n’était pas l’homme brisé qu’elle avait eu sous les yeux il y a un instant, c’était… autre chose. Autre chose qu’elle avait connu, au domaine de Rottenberg. Par réflexe, par effroi, elle eut un mouvement de recul. C’était comme si la violence de ses yeux pouvait réellement l’atteindre.

Pendant un bref instant, il lui sembla même que son cœur s’était arrêté.

Juste pour un nom.

Un nom que cet homme essayait d’oublier. Encore et encore, quitte à changer de nom comme changer de mue. Ce n’était pas à Ulysse de Rottenberg qu’elle voulait donner une seconde chance. Lui, il n’avait aucun crime à se faire pardonner, il pouvait reposer en paix, dans le paradis de son choix. Non, c’était Martin qui était concerné. Uniquement Martin.

« Arrêtez un instant. » demanda-t-elle fermement au marchand, alors qu’il n’avait pas encore fini de compléter l’acte de propriété.

Son cœur qui s’était tut battait maintenant à tout rompre, frappant même contre les tympans de l’ancienne esclave. D’une certaine façon qu’elle ne pouvait pas décrire, c’était douloureux. Mais elle revint affronter le regard de son ancien propriétaire.

« Vous êtes Martin. Vous vous êtes caché derrière messire Ulysse depuis trop longtemps, vous n’avez pas le droit d’oublier votre identité. »