[9 Septembre 1597] Un réveil chez Irène [Terminé]

Grâce s’amusait beaucoup avec Alexandre. Elle rit quand il lui souleva le voile. Elle vint alors entre ses bras.

- Dis, si tu restes, tu seras comme mon grand frère ? Mère elle en a quatre et elle dit qu’ils l’ont toujours protégée. Tu me protégeras aussi ?

Lorsqu’il lui proposa la nouvelle pièce pour son costume, elle battit des mains.

- Oh oui, oui ! C’est très beau.

Irène finissait d’emboîter les pièces du lit avec Julio. Elle s’essuya le front, tout de même fière de ce qu’ils avaient fait. La pièce était extrêmement sobre. Il lui manque clairement tous ses tapis et ses tentures, mais au moins, ils ont un endroit où dormir. Beaucoup n’avaient pas cette chance. Ils avaient déjà un lit, un canapé, une commode, une bassine sur une coiffeuse et même un baquet dans le cas d’un bain.

Tout ce qu’il leur fallait pour leur nouvelle vie. Julio fit d’ailleurs bien remarquer plusieurs fois qu’ils seraient bien ici en se débattant avec l’étagère dans laquelle Irène rangea le peu de vêtements qu’ils avaient pu garder. Irène n’en doutait pas, même si elle avait tout de même encore un peu le mal du pays. Elle posa soigneusement le paquet contenant la robe de bal de Grâce dans un coin particulier.
Ils redescendirent alors à l’appel d’Alexandre. Irène fut enchantée du résultat. C’était tout à fait ce qu’elle avait en tête. Les vitrines brillaient légèrement, emplies de bijoux, de masques, de gants et d’autres accessoires de femmes ou d’hommes. Elle remarqua d’ailleurs qu’Alexandre avait bien pris soin de les séparer de chaque côté de la pièce. Et au centre, la table que leur avait servi à manger était maintenant recouverte d’une élégante nappe et des plus beaux objets qu’ils avaient à vendre. Un splendide masque travaillé à la vénitienne en particulier avait trouvé sa place sur une tête de mannequin. Quelques-uns de ses semblables étaient plus sobrement disposés sur la table. Dans le fond, près du comptoir, les rouleaux de tissu presque terminés attendaient également des acheteurs. Un bon coup de balais et ils n’auraient qu’à ouvrir.

- Vous avez très bien travaillé ! C’est formidable. On veut que tu as l’habitude de ranger Alexandre. Il n’y a rien qui dépasse.

Elle espéra lui faire comprendre qu’il lui était véritablement utile. Elle le pensait d’ailleurs sincèrement, elle n’aurait certainement pas fait mieux. Elle remarqua aussi qu’il semblait avoir trouvé son costume.
Alors qu’Alexandre la poussait en avant, Grâce courut vers Irène.

- Mère, regardez comme je suis jolie.

Elle fit tourner sa robe de voyage poussiéreuse. Irène sourit et l’embrassa.

- Tu es parfaite Grâce. Je suis sûre que tout le monde ne verra que toi au bal.

La petite fille sourit, ravie, puis courut chercher un grand tissu bleu qu’elle avait mis dans un coin pendant le rangement.

- Et regardez mère ! J’en ai trouvé un pour vous aussi.

Irène le prit, et l’évalua en le plaçant sur sa tête.

- Comment est-ce ?

Julio hocha la tête en même temps que Grâce.

- Une véritable Dame de la Garde ! On dirait l’une des meilleures statues de chez nous.

- Gardez vos flatteries pour votre maître Julio, je vous prie, ironisa-t-elle avec un sourire.

- Oh ! A ce propos, j’ai une lettre pour vous de sa part.

Irène fit tourner entre ses mains le papier que lui avait donné Julio. Elle la rangea dans le tablier qu’elle avait revêtu pour ranger. Lorsqu’elle releva la tête, le soleil était à sa place la plus haute.

- Oh, il est déjà tard. Quand devez-vous repartir Julio ?

Le jeune homme souleva son chapeau, s’apercevant lui-même de l’heure.

- Ah, je crois que ye vais vous quitter. Oh, prenez le pot de peinture dans la charrette, vous rafraîchirez la pancarte avec. Ye vous fais confiance pour trouver un nom superbe !

Il ébouriffa les cheveux de Grâce à ses mots avant de filer. Irène le suivit à la porte et le regarda partir après avoir pris la peinture. Julio leur sourit une dernière fois en montant et en prenant les rênes.

- Adios ! Prenez soin de votre pequeña familia. Et toi aussi amigo, fit-il en direction d’Alexandre.

Il tourna la carriole puis repartit, tout en agitant son chapeau jusqu’à ce qu’il disparaisse de la rue.

Alexandre sourit devant la fougue enfantine de Grace.

"Mais oui ! Je te protégerai toujours !"

En son for intérieur, le jeune homme se sentit mal de ce mensonge mais le dissimula. Que pourrait faire un garçon chétif en béquilles si de méchants hommes cherchaient des ennuis à cette pauvre fillette ? A part lancer ces maudites cannes et prier, rien !

Peu après, il observa avec fierté Irène se promener au sein de sa boutique et admirer la manière dont il avait agencé les articles. La disposition de choses à vendre, voilà un domaine qu'il maitrisait. Il se contint cependant et dit modestement :

"C'est l'avantage d'avoir fait un apprentissage en librairie."

Par la suite, Julio donna quelques recommandations à Irène qu'il ne voulut pas entendre. Cela ne le regardait. C'était sûrement des affaires privées. Julio partit quelques minutes plus tard et il adressa un sourire en saluant son départ et lui souhaitant bon voyage.

Peu après le départ de la charrette, Alexandre se remémora de paroles de la veille. Il se tourna vers Irène, subitement inquiet.

"Dites... Vous ne disiez pas hier que vous deviez voir un prêtre ?"

Si elle évoquait le père Thierry, il l'accompagnerait. Pas question de la laisser avec ses tendances libidineuses !

Grâce sourit plus largement à la promesse d'Alexandre. Elle n'était pas encore très à l'aise dans son rôle de grande soeur. Un modèle ne lui serait que profitable. C'était d'ailleurs ce que pensait également sa mère. Celle-ci hocha la tête à sa justification d'ailleurs. Il avait des talents. Il se sous-estimait. Elle voulait lui apprendre à s'apprécier.

Lorsque Julio partit, elle resta un moment sur le palier, jusqu'à ce qu'Alexandre l'interpelle.

- Si, c'est vrai, je m'en souviens. Je pensais justement à te demander si tu en connaissais un. Ludovic n'a pas encore été baptisé. Son parrain et son père étaient trop souvent en voyage, chacun de leur côté. Nous avons repoussé et repoussé, jusqu'à ce que...

Irène esquissa un geste de la main. Elle n'arrivait pas encore à le formuler, tout s'était enchaîné si vite. Elle secoua la tête pour continuer.

- Mais quoiqu'il en soit oui, je voudrais donc contacter un prêtre. Si nous mangeons rapidement, nous pourrons y aller. Puis nous nous dépêcherons afin d'ouvrir. D'ailleurs, avez vous des idées de noms ?

Alexandre écouta, assez surpris, les explications fournies par Irène. Son regard fixa en même temps le petit Ludovic. Il était plus que inhabituel pour un enfant de ne pas être baptisé le lendemain de sa naissance, voir le jour même. Les bébés étaient si fragiles. Ils couraient sans cesse le risque de mourir. Il préféra cependant ne pas faire de remarque : le prêtre en ferait déjà assez.

Quand elle lui demanda s'il en connaissait un justement. Devait-il l'orienter vers son père ? Au moins, celui-là, il savait comment le gérer alors qu'un autre...

"Il y a le père Thierry de l'église Saint-Eustache, pas loin d'ici, il st... Je peux vous guider vers lui, si vous le désirez."

Lorsque la femme lui demanda ensuite des idées pour le nom de sa boutique, Alexandre sécha.

"Euh... "

irène acquiesça à la suggestion d'Alexandre.

- Très bien. Alors nous irons le voir. Prenons d'abord un bon repas ; il nous faut des forces pour le reste de la journée.

Elle leur demanda de les suivre en haut. Julio et elle avait déjà installé de quoi déjeuner. Irène prit également Ludovic et intima à Grâce de l'aider à monter le berceau. Ils purent alors découvrir la petite chambre qui leur servirait désormais d'habitation. Elle s'assit et invita Grâce et Alexandre à faire de même. Du pain et un peu de fromage étaient là en guise de repas.

Soudain, la petite fille eut un sursaut.

- Oh mère, j'ai une idée ! Pourquoi pas la Rose Azúl pour le nom de la boutique ?

Irène sourit.

- Cela ne passerait pas inaperçu, c'est certain. Comme disait ton père, les gens aiment l'exotisme.

irène passa une main tendre sur la joue de sa fille. Comme elle ressemblait à Antoine... Elle avait quelques uns de ses traits les plus marquants, surtout le nez. Irène sourit en se retournant vers Alexandre.

- Qu'en penses-tu ?

Alexandre suivit la petite famille au moment de passer à table. En même temps, son regard se posa sur les lits qui seraient pour lui beaucoup plus confortables qu'une paillasse à même le sol. Il se coupa ensuite du pain et du fromage quand le cri de Grace le fit sursauter.

"Quelle voix ! Tu m'as fait peur !"

La fillette l'écoutait à peine, exposant à sa mère qui semblait intéressée par l'idée. Irène lui demanda alors son avis.

"Hum.. Cela a le mérite d'être un nom qui porte à réfléchir, qui attire... Et qui serait ainsi facile à retenir. On retient bien plus aisément les choses qui nous ont posé un problème."

Grâce rougit alors que sa mère lui tendait le fromage.

- Désolée.

Elle fut cependant ravie qu'il apprécie le nom. Irène sourit aussi.

- Oui en effet. Quelque chose qui intrigue, c'est là quelque chose de très bon pour les affaires. Et en plus, cela fera sûrement plaisir à notre principal fournisseur.

Elle caressa la joue de sa fille.

- Bien, allons, ne traînons pas. Quand nous sortirons, nous irons chez le prêtre puis nous peindrons ce joli nom sur la façade.

Irène s'essuya avec la serviette et remballa une fois de plus le reste de pain et de fromage

- Je m'y attends, ne t'en fais pas.

Elle se leva, prit Ludovic dans ses bras alors que Grâce mettait seule un petit manteau. Irène mit elle même un capuchon, par précausion et enveloppa bien Ludovic dans ses langes.

- Bien. Alors allons-y.

Irène descendit de la pancarte tout juste peinte en bleu au nom de La Rose Azúl. Elle contempla le résultat, satisfaite. En rentrant, elle retrouva le silence. Grâce était allée se reposer à sa demande. Si elle voulait tenir ce soir, elle devait faire au moins une sieste de deux heures. Elle avait gardé le berceau de Ludovic près d'elle. La boutique était vraiment calme.

Elle pensa à Alexandre et espéra que le père Thierry saurait l'arrêter ou en tout cas l'aider. Ce pauvre garçon était encore très impétueux, et ce malgré son handicap. Elle haussa les épaules en soupirant. Elle commençait à vraiment s'y attacher. Elle qui n'avait pourtant eu que des grands frères... Elle secoua la tête, achevant de peindre une petite pancarte qui annonçait "Reprise de robe à partir de 20 rilchs. Le prix lui paraissait raisonnable. Juan l'avait bien conseillée avant qu'elle ne monte à la capitale. D'ailleurs, en parlant de lui, elle repensa à sa lettre. Elle installa le panneau à la fenêtre de son échoppe avant de l'ouvrir. Elle en lut le contenu avec attention

Ma chère Irène,

J'espère que les enfants et toi vous portez bien et que vous êtes bien arrivés. J'imagine combien il doit t'être difficile de te trouver seule dans une ville que tu ne connais pas. Il paraît que votre capitale est débrochée, pleine de prostituées et d'invalides. Est-ce vrai ? Je sais que les rumeurs de cour vont parfois loin, surtout avec ce nouveau roi qui est très contesté chez nous. Le roi Philippe a cela dit autre chose à faire.
J'espère que ce que je t'envoie suffit pour commencer ; je pense désormais t'envoyer un renouvellement deux fois par semaines. N'hésite pas à me dire si cela est insuffisant, je ferais mon possible, c'est bien la moindre des choses. Je suis certain que ta boutique va bientôt devenir la plus célèbre de Braktenn.
Quellques sont les nouvelles des enfants ? Grâce doit ressembler encore davantage à son père. J'ai hâte de revoir Ludovic. Ce gaillard a dû bien grandir. A ce propos, je pense arriver le 11 septembre au soir pour son baptême. Dis-moi au plus vite si cette date convient. il me tarde de revoir mon filleul, ainsi que Grâce et toi.

Je vous assure de toute mon affection.
Don Juan de la Vega

Irène sourit. Ce serait parfait pour le baptême. Voyant qu'il n'y avait personne pour l'instant, elle prit la plume pour lui répondre, tout en surveillant la porte pour voir arriver des clients.

Irène acheva écrire sa lettre au moment où elle vit une femme s'arrêter devant les vitres. Elle sourit, ravie d'avoir déjà une cliente. Au moins, elle pourrait démarré son chiffre d'affaires dès aujourd'hui. Elle alla au devant de la cliente, lui ouvrant la porte. Elle s'assura d'un rapide coup d'oeil que tout était parfaitement en ordre, prit une grande inspiration, se para d'un sourire et ouvrit.

- Bien le bonjour madame. Je vous souhaite la bienvenue.

Devant l'empressement zélé de la commerçante, Blanche sourit.

"Bonjour, madame. Quelle belle boutique que voilà ! Et mystérieuse ! Que vendez-vous donc ? Je n'ai bien saisi à votre enseigne même si celle-ci m'a beaucoup attiré."

Son regard détailla en même temps l'intérieur de la boutique où était présenté différents articles hétéroclites. Elle aperçut alors le bébé dont le berceau était installé près du comptoir.

"Oh ! Quel beau bébé ! Est-ce le votre ?"

Irène hocha la tête avec un sourire. Cette jeune femme semblait charmante.

- En effet, j'aime rester énigmatique. Surtout parce que je vends un peu de tout. Sauf bien sûr des légumes comme vous pouvez le constater.

Elle reprit un peu de sérieux après ce trait d'esprit.

- Je vends des ornements ; des masques, des bijoux, des foulards, des colifichets... Et également du tissu. Je propose aussi des services de coutures, des rafraichissement de robes ou des réparations.

Elle sourit lorsque Blanche s'approcha du berceau.

- En effet, c'est mon fils, Ludovic.

La simplicité de cette femme modeste plaisait à Blanche. Au moins, elle savait rester à sa place. Son regard continua à se promener sur les articles. Elle s'intéressa beaucoup aux masques.

"Hum.. Ce pourrait être intéressant. Un peu de mystère, oui, le client apprécierait."

Elle admira en même temps le bébé dans le berceau, ayant alors une pensée pour les cinq qu'elle avait eu à faire passer. Chaque soir, elle priait pour leur âme et espérait que celle-ci ne se perdait pas dans les limbes, qu'elles s'incarnent enfin dans un corps digne de les accueillir. Elle s'approcha et joua avec le bébé, agitant sa main. Son cœur se serra au même moment. Elle n'en aurait jamais à elle. Son ventre resterait stérile. A jamais.

Le client ? Irène percuta rapidement, au vu de la tenue de la femme. Elle ravala des paroles qu'elle regretterait. Le père de sa paroisse lui avait appris à ne jamais juger trop vite. Elle avait toujours été répugnée par ses femmes, mais sans savoir s'il s'agissait d'elles ou des circonstances qui les avait forcé à prendre ce métier. On ne rabaissait cette tâche qu'à des femmes. C'était injuste. Elle savait que certaines n'avaient pas le choix, forcées par le destin, la faim, la misère ou tout cela à la fois.

Elle sourit autant qu'elle le put afin de masque ses pensées. De toute façon, elle n'avait pas de scrupule à vendre si cela l'intéressait. Elle ne devait pas fermer la porte à des clients, surtout pas à cause de préjugés. Les préjugés empoisonnaient la vie. Elle s'assura intérieurement de s'en tenir à sa première impression. Cette femme semblait charmante malgré tout et même bien éduquée.

Irène s'approcha pour la regarder jouer avec Ludovic. L'enfant s'amusait, surtout avec la petite bague qu'elle portait. Une chevalière. Irène plissa les yeux. Se pourrait-il... il lui semblait reconnaître les armoiries du médaillon d'Alexandre.

- C'est une bien belle bague que vous possédez.

Ravie par le bébé qui riait, Blanche s'amusait à le faire rire en lui chatouilla la peau de son cou. Il lui mordilla ensuite doucement les doigts. Elle se pencha pour l'embrasser et le petit commença à lui tirer les cheveux, espiègle. Cette fois, elle le repoussa doucement. Son regard surprit un instant celui de la commerçante posée sur sa chevalière. Son index la toucha, nerveuse.

"Je... il s'agit d'un objet qui se transmet dans ma famille."

De ce métier savait-elle reconnaitre que ce bijou appartenait traditionnellement à un homme ? L'interrogeait-elle à ce sujet ? a présent qu'elle savait pour le père Thierry - son presque frère - elle n'était plus si sûre de vouloir la montrer au monde entier.

Le geste de Blanche indiqua à Irène qu'elle n'était pas très encline à en parler. Irène détourna la conversation avec un sourire.

- Oh, ce doit donc être un objet précieux pour vous. Cette chevalière est ravissante, vraiment.

Etait-elle la dernière de sa famille ? Juan lui avait appris que seul les aînés portaient ce genre de chose. Lui même en portait une aux armes de sa famille. Elle préféra ne pas aborder davantage le sujet.

- Voulez-vous des conseils, des renseignements peut-être ? Ou préférez-vous regarder seule la marchandise ?

Alors que Blanche finit par se détourner du bébé, son regard s'attrista à l'évocation de la chevalière et de as famille. Sa famille. Son frère.

"C'est le seul lien qui me reste avec mon passé, c'est tout ce que cela représente."

Elle reporta en même temps son attention vers les marchandises.

"Je cherche des choses... élégantes."

Sa voix diminua, devenant un murmure :

"De sensuel aussi. Si vous voyez de quoi je veux parler."

Irène commença à réfléchir. Cette femmes avait environ l'âge du prêtre. peut-être était-ce sa soeur... Alors ce serait la tante d'Alex ? Pauvre garçon, comme s'il n'avait pas assez de problèmes... Cependant, elle secoua la tête, cherchant plutôt à combler sa cliente. Elle s'empourpra cependant légèrement à sa seconde demande. Elle toussota pour reprendre contenance.

- Hem, je ne serais pas très renseignée sur ses choses-là. En revanche, pour ce qui est de l'élégance, je pense pouvoir vous aider.

Irène se dirigea vers le portant mis en place par Alex. Elle prit le masque pour le donner à voir à Blanche.

- Ceci est un ravissant modèle. Il vient tout droit d'Espagne, exécuté par un maître venant d'Italie. Observez tous les détails, l'or brodé qui s'accorde parfaitement avec le bleu sombre. Si vous souhaitez vous rendre au bal ce soir, c'est celui qu'il vous faut.

Blanche suivit al commerçante qui montrait ses articles et s'arrêta au masque proposé. Elle le prit entre ses mains, l'essaya puis se regarda dans un miroir qu'elle trouva posé sur un étalage.

"Hum.. intéressant. Avec un bon maquillage, cela donnerait une touche originale. Oui, je vais le prendre !"

Elle remarqua ensuite la présence d'éventails exposés sur l'un des murs de la boutique.

"Oh ! Cela aussi est joli ! Je vais en prendre trois ! Hum.. je crois aussi renouveler mes rubans. Vous en auriez ?"

Irène hocha la tête. Elle fut ravie d'avoir une cliente aussi généreuse. Pour une première journée, c'était plutôt un bon départ. Elle sourit.

- Bien sûr. Bleu, orange, violet...

Elle en prit un, d'une belle couleur verte.

- Pourquoi pas ceci ? Cela mettra certainement vos robes en valeur et vos yeux également. Je peux même vous proposer un rafraichissement d'une tenue pour trente mille rilchs avec trois ou quatre rubans, selon votre convenance.

Blanche suivit avec amusement les propositions de la commerçante. Tous ces rubans lu plaisaient beaucoup. Ils iraient fort bien à ses robes.

"Parfait ! Je vais prendre deux de chaque couleurs."

Elle l'écouta ensuite évoquer la possibilité de repriser une de ses robes. Elle sourit gentiment. Ses vêtements ne connaitraient jamais un sort si misérables.

"Non, cela ne sera pas la peine. Mes robes usées, je les offre aux bonnes œuvres, pour les pauvres, et rachète ensuite d'autres modèles. On ne peut avoir de seconde main si on veut être élégante. "

Elle observa ses divers articles et jugea les achats suffisants pour aujourd'hui.

"Je crois que ce sera tout ! Eh bien, quelle fièvre ! Vous êtes douée : sans me rendre compte, j'ai eu envie d'avheter tout ceci ! Alors, combien vous dois-je ?"

Irène mis de côté les rubans avec les éventails et le masque. Elle calcula rapidement le prix. C'était déjà assez pour aujourd'hui. Si cette cliente revenait souvent, elle lui serait bien profitable. Lorsqu'elle parla des robes reprisées, elle sourit.

- C'est charitable de votre part. Cependant, vous seriez étonnée de ce qu'on peut faire avec un bout de dentelle, du fil, une aiguille et un ruban. J'ai même réussi à tromper une fois une de mes tantes : j'ai porté une robe la veille puis j'ai cousu toute la nuit et le lendemain elle m'a fait un sermon sur l'importance d'économiser son argent. Elle est restée pentoise lorsque je lui ai révélé la supercherie.

Irène se rapellait bien de ce jour. Sa mère et ses autres tantes avaient beaucoup rit, puis loué ses talents de couturière. Elle observa sa cliente. Elle avait bien fait de ne pas la juger trop vite. Elle semblait se révéler aussi bonne chrétienne qu'elle. Peut-être s'en ferait-elle une amie avec le temps, ou du moins un visage qui pourrait lui donner un sentiment de reconnaissance dans la foule. Lorsqu'elle lui demanda le prix, Irène annonça avec aplomb :

- Cela fera 80 rilchs pour le tout.

Blanche suivit les gestes de la commerçante qui inventoriait ses articles et lui rangea dans un sac. Elle évoqua à nouveau ce risible passe-temps de reprisage. Quelle bonne blague ! Cela était bon pour les gens simples, pas pour ceux de bonne qualité !

"Oui, oui, j'entends bien, madame, et je suis enchantée que vos doigts fassent de telles merveilles. Vos clients en sont certainement eux aussi enthousiastes mais cela ne me concerne pas."

Sur, elle sortit sa bourse et paya en donnant vingt rilchs supplémentaires.

"Gardez donc la monnaie ! Au plaisir de faire à nouveau affaire avec vous !"

Avant de partir, elle s'attarda une dernière fois sur le bébé et l'embrassa puis se décida à quitter la boutique.