[RP Flashback] Fin Février 1597 - Pour la survie d'une enfant [Terminé]

Hyriel sourit avec tendresse en voyant Cassandre venir et accepter sans un bruit. Elle gardait ses réflexes. Il la regarda boire sans rien montrer non plus. Un flegme impressionnant pour une enfant de son âge. Il sourit à son analyse.

« Thym et serpolet. Effectivement, aucun fruit, tu as vu juste. »

Il sourit à sa présentation et à son geste.

« Il est vrai que nous ne nous sommes pas présentés. Je me nomme Hyriel. Le grand costaud que tu vois là est Florentin, notre ombre silencieuse et bienveillante est Eugène et le benjamin de notre groupe est Guillaume. Nous sommes également ravis de te connaître. »

Les trois inclinèrent la tête, Guillaume et Florentin avec un sourire, Eugène avec un regard amical. Florentin servit alors le repas pendant que Guillaume posait le repas devant chacun. Ils vinrent ensuite s’asseoir avec les autres et Hyriel leva son verre.

« Bon appétit ! »

Cassandre baissa la tête et sentit à nouveau le fond du récipient tout en analysant le goût qui lui restait dans la bouche.

"Oui, ça sent bien le thym. On l'utilise beaucoup en cuisine pour aromatiser un plat. Ça sert aussi pour les soins ? Et le ser... polet... c'est quoi ? Je ne connais pas cette plante. Ce mot, ça fait penser à un serpent. Ça a un rapport ?"

Il confirma qu'il n'existait pas de fruit. Elle sourit, dévoilant un instant de fierté.

"Je suis fille de viticulteurs, dame ! Je sais reconnaitre les odeurs de fruits et les vins !"

Elle écouta ensuite les hommes se présenter et retint noms et visages puis s'inclina poliment, relevant un instant le bas de sa robe.

"Moi, c'est Cassandre. Cassandre Velasquez."

Elle aimait se souvenir de ce nom, dernier vestiges d'une ancienne vie heureuse, et l’affirmer de temps en temps à voix haute. Elle vint les rejoindre à table mais ne touche pas tout de suite à son assiette. Elle fixa Hyriel et s'étonna de ne pas le voir dire le bénécité et bénir le pain. Il ne semblait vraiment pas le faire. Il avait oublié ? Elle devait corriger ça. Même un esclave pouvait le faire. La religion c'était un grand devoir.

"Attendez !."

Cassandre prit une voix pressée puis joignit les mains pour réciter le bénédicité. Sa main s'empara ensuite d'un couteau et traça le signe de croix dessus pour bénir enfin leur repas de ce jour.

"Nous pouvons manger à présent. Bon appétit."

Elle reposa le pain et pencha la tête pour laper rapidement la soupe.

Hyriel sourit de l’enthousiasme de Cassandre. Cette petite ne manquait pas de curiosité !

« Effectivement, le thym est très bon pour les maux respiratoires, de même que le serpolet. Celui-ci est un sous-genre de thym d’ailleurs. Quant à son nom, je ne connais pas avec certitude son origine mais il est possible que cela soit lié, au moins parce que serpent et serpolet rampent par terre. »

Il sourit ensuite à son éclat de fierté, de même que ses compagnons.

« Eh bien, que voilà alors des connaissances bien retenues, c’est fort à ton honneur ! »

Tous les quatre inclinèrent la tête en entendant son nom et le conservèrent dans leur esprit. Une fois tout le monde installé, ils commencèrent à manger mais furent surpris par la voix de Cassandre. Ils s’arrêtèrent alors et la regardèrent prier avec circonspection, puis accomplir une sorte de geste rituel avec le couteau. Ils s’entreregardèrent, étonnés. Tous les quatre n’étaient effectivement pas de très grands croyants et n’y connaissaient pas grand-chose en pratiques religieuses. Ils sourirent poliment à Cassandre et inclinèrent la tête quand elle leur signifia qu’ils pouvaient manger.

« Bon appétit à toi aussi, Cassandre. »

Les quatre échangèrent un nouveau regard avant de commencer à leur tour à manger.

Cassandre gonflait la poitrine, fière d'avoir identifié la plante et évoqué une hypothèse intéressante. Ce n'était pas tous les jours qu'on reconnaissait ses mérites.

"Alors, le thym, ça sert aussi à soigner, pas juste à faire la cuisine. Je le retiendrai. Merci beaucoup."

Elle s'inclina poliment, soucieuse de respecter les convenances. Il saluait ses connaissances des odeurs. Elle n'avait là pas grand mérite. Elle était née comme ça, capable de percevoir les différentes odeurs et de les reconnaitre une fois identifiées. Elle ne répondit pas.

Puis vint le moment du repas. Alors que la fillette s'employait à réciter le bénédicité puis couper le pain, elle s'étonna de ne voir personne dire de prière. Elle commença à manger sa soupe mais ne put dissimuler longtemps sa curiosité.

"Vous ne priez pas ?"

Ils avaient peut-être une autre manière de pratiquer la religion. Cassandre se rendait rarement aux messes et prétextait avoir du travail en retard. Ou que son maître l'avait retenu quand un curé l'interrogeait. Les prêtres du quartier n'osaient jamais beaucoup s'aventurer au Lupanar. les lieux de débauche les effrayaient et ils restaient proches de leur église. Mais elle n'était pas incroyable pour autant. Seulement elle préférait se recueillir dans un lieu calme, vide de toute âme, où elle pouvait se concentrer pleinement sur sa foi. Les prêtres, ça ne servaient à rien, juste à dire des paroles étranges et à tout compliquer.

Après sa question, la fillette continua à manger sa soupe en silence.

Hyriel sourit de la fierté de Cassandre. Il y avait de quoi. Il sourit aussi à son salut avant de commencer à manger. Il fut surpris par sa question, de même que ses trois compères. Ils se consultèrent du regard et Hyriel comprit que les trois autres le laissaient décider de la réponse à donner. Il afficha alors l’air le plus naturel possible.

« Nous prions dans nos cœurs, simplement, et ta piété nous le réchauffe. »

Il reprit une cuillérée de soupe en essayant d’ignorer les sourires de ses trois compagnons, pincés pour ne pas rire. Il n’aimait pas trop mentir à cette fillette mais il y avait certains détails sur lesquels il ne faisait pas de concession, n’aimant pas particulièrement l’odeur des chairs humaines brûlées.

Durant les jours qui suivirent, Hyriel ne manqua pas de réprimander gentiment Cassandre qui tenait à toujours préparer le petit-déjeuner pour leur faire plaisir. Il s’en lassa cependant bien vite, voyant qu’elle semblait aimer cela, et ne se contentait plus que d’un regard joueur et d’une pichenette, surtout pour la forme, avant de s’asseoir. Il essayait également de lui apprendre à lire mais elle ne semblait pas très passionnée. En revanche, les plantes médicinales l’intéressaient grandement, tant dans la théorie que dans la pratique, et il se fit un plaisir de lui enseigner leurs vertus.
 

Cela faisait une bonne semaine que Cassandre était chez eux. Elle était bien remise…
Guillaume fut le premier des résidents permanents à s’éveiller, comme chaque matin. Il s’étira largement et sauta de son lit, prêt à débuter la journée. Quand il vit Cassandre, son visage s’éclaira et il la salua de la main, veillant à toutefois baisser la voix pour ne pas réveiller les autres.

« Bonjour toi ! Bien dormi ? »

Cassandre gardait la soupe au chaud, prête à servie quand les occupants de la cabane seraient tous levés. L'odeur qui s’échappait de la marmite était agréable et ouvrait l'appétit. La fillette occupa son temps à laver quelques ustensiles dont Hyriel se servait pour ses potions. il avait bien dit pendant une leçon que la propreté était un élément important et elle prenait soin de bien appliquer ça.

Lorsque Guillaume s'éveilla, Cassandre termina d'essuyer le mortier entre ses mains et le reposa sur la table de travail puis se tourna pour sourire au jeune homme. Elle s'avança pour lui dire bonjour puis vint lui faire un câlin.

"Tu as bien, toi ?"

Elle essaya de se rappeler un de ses rêves puis ajouta :

"Moi, j'ai fait fait un beau rêve cette nuit ! Je courais dans les champs, au milieu des vignes, puis il y avait des papillons partout ! Et il y avait l'odeur du vin ! Ça sentait si bon ! Comme à la maison !"

Une ombre passa sur son souvenir à se remémorer alors de sa ferme disparue, volée par ces gens méchants. Elle secoua la tête puis vit le soleil timide de l'hiver par la fenêtre. Il était levé depuis trois bonnes heures. Autrefois, on lui disait de ne pas dormir plus tard qu'une heure après le lever du soleil. Et les adultes, eux, se réveillaient une heure avant pour être prêts à partir aux champs travailler dès les premières lueurs. Elle tourna la tête vers Hyriel et les deux compères encore endormis. La fillette croisa les bras. Son estomac commençait à avoir faim.

"Ils vont pas se réveiller ou quoi, eux ?"

Cassandre s'avança vers la couche de Hyriel puis lui grimpa dessus pour se pencher vers son visage. Son petit corps frêle appuyé sur le ventre du pauvre homme alors que la fillette le chatouilla légèrement les joues pour le tirer du soleil.

"Il fait jour !"

Elle lui fit un bisou sur la joue pour dire bonjour puis se blottit contre Hyriel. C'était si agréable les câlins. Et elle n'en avait pas eu depuis si longtemps.

Guillaume acquiesça joyeusement.

« Oui, et toi ? »

Il rendit son étreinte à Cassandre en l’écoutant. Il sourit en se rappelant leur jeunesse, à tous les quatre, innocente comme ce rêve. Mais, comme le disait son frère, c’était un passé révolu, rien ne servait de pleurer dessus, aussi se contenta-t-il de sourire, surtout qu’il voyait que la petite semblait avoir des pensées similaires aux siennes.

« Que voilà un merveilleux rêve ! Espérons qu’il se réalisera ! »

Il suivit son regard et rit de sa réflexion et de sa moue. Il s’assit alors tranquillement, la laissant s’occuper des autres en riant sous cape.

Hyriel était à moitié éveillé par des sortes de bruits, des voix. Mais alors quand il sentit que l’on s’allongeait sur lui et qu’on le chatouillait, il se réveilla en sursaut. Il ne comprit tout d’abord pas le « pourquoi » de tous les « comment » puis se détendit en ramenant ses bras autour de Cassandre.

« Bonjour à toi aussi, petite Cassandre. »

Cassandre resta un moment dans les bras de Hyriel qui se réveillait, blottie contre lui, et aimait à profiter de ce moment rempli de tendresse. C'était si bon de recevoir des caresses. Elle se décida finalement à quitter le lit puis, beaucoup plus espiègle, s'amusa à tirer les deux derniers hommes de leur sommeil en leur chatouillant la plante des pieds.

Peu après, ils passèrent à table pour déguster al soupe que Cassandre avait préparé pour le petit-déjeuner.



Après la nuit plus ou moins agitée, Louise avait dormi quelques heures avant de se mettre en route pour gagner en forêt la cabane de Hyriel. Elle devait récupérer Cassandre aujourd'hui. L’inquiétude la tenaillait au ventre. Et si elle était morte ? Elle était si malade. Et s'il avait été trop tard ? S'il n'avait plus rien pour faire elle, elle prendrait le temps de lui creuser une belle petite tombe au milieu des bois. Pas question de voir as dépouille être jetée sans soin dans une fosse commune !

Louise frappa , anxieuse, à la porte de la cabane et Guillaume vint de lui ouvrir. Elle entra, nerveuse, et découvrit, soulagée Cassandre qui se tenait aux côtés de Hyriel qui expliquait apparemment une préparation avec des plantes. Son cœur bondit hors de as poitrine. Elle était vivante ! En pleine forme !

"Cassandre !"

La femme s'élança puis s'abaissa pour saisir la fillette entre ses bras et l'embrasser. Elle semblait avoir bien profité de son séjour et s'était un remplumé. Elle avait été nourri plus que correctement quand on comparait avec les faibles rations que les maitres lui donnaient avec parcimonie. Louise releva la tête vers Hyriel.

"Merci ! Mille fois merci ! Vous êtes un saint pour avoir su si bien prendre soin de cette enfant !"

Dans les bras de Louise, Cassandre ne disait mot et enfermait au fond d'elle ses sentiments. Malgré l'affection pour elle, la fillette n'éprouvait aucune joie de la voir. Au contraire. Sa présence voulait dire retourner au Lupanar. Recommencer à trimer du matin à très tard le soir. Manger peu et dormir peu. Subir toutes sortes de remarques.

Elle ne voulait pas rentrer.
Elle voulait rester avec Hyriel pour toujours.
Mais elle ne dirait pas.
Hyriel et ses amis seraient tristes s'ils la voyaient inquiète.

S'arrachant doucement de ces bras, Cassandre murmura poliment :

"Bonjour madame Louise. Je suis heureuse de vous voir. Devons-nous partir tout de suite.

Elle ne pleurerait pas.
Elle ne verserait pas une larme.
C'était une promesse.

Hyriel releva le visage de la préparation qu’il enseignait à Cassandre en entendant la voix de Louise. Il resta un instant surpris avant de sourire en la voyant étreindre Cassandre.
 
« Bonjour à vous, Louise. C’est une joie de vous revoir. »
 
Même si cela signifiait que Cassandre allait devoir partir… Il secoua la tête en souriant à la remarque de Louise.
 
« Un saint, comme vous y allez… Un médecin, uniquement. »
 
Il fronça les sourcils au murmure de Cassandre et sourit avec douceur après avoir consulté les autres.
 
« Vous pouvez bien rester pour déjeuner, si vous avez le temps. »

Cassandre demeura silencieuse et suivit l'évolution de la situation sans prononcer la moindre parole. Ce n'était plus sa place. Elle redevenait esclave. Elle perdait à nouveau sa liberté. Elle resta près de Louise, comme un petit chien sagement dressé, et attendait les instructions. C'était ce qu'on demandait d'un esclave. Un esclave n'avait pas de volonté. Un esclave était une bête de charge. La semaine d'insouciance tranquille avait volé en éclat, brutalement à la seule apparition de Louise.

Louise caressait gentiment la tête de Cassandre, heureuse de la savoir en vie et en bonne santé, et souriait à Hyriel de toute sa reconnaissance.

"Un simple médecin... Allons bon ! Vous êtes trop modeste ! Vous savez que les médecins ont tendance, eux, à tuier leurs patients ? Ils font subir des saignées qui affaiblissent un peu plus le malade."

Hyriel consulta ses amis puis proposa de rester déjeuner.

"Pourquoi pas ? Nous n'avons pas à nous presser. Il nous faut être revenues pour la fin d'après-midi."

Louise s'installa à table et attendit que l'on vienne la rejoindre. Immédiatement, précédant les instructions Cassandre se précipita pour servir la soupe. Elle était silencieuse et agissait comme un automate. Une à une, rapidement, chaque écuelle se remplit. Elle demeura ensuite devant la table, attendant que tous soient assis. Un esclave, si ça devait s'asseoir avec des personnes libres, çça prenait place après.

Les quatre compagnons observèrent avec peine l’attitude de Cassandre. Hyriel esquissa un demi-sourire à la réponse de Louise.

« Dans ce cas, peut-on réellement les appeler du noble nom de médecin ? »

Tous sourirent à Louise en s’installant. Guillaume s’apprêta à aller servir mais Cassandre le devança, sans rien dire, et il fut trop stupéfait pour faire autre chose. Il revint s’asseoir avec les autres qui la remerciaient du service et s’étonna de son attitude. Il lui sourit avec sa douceur habituelle et posa la main sur la place à côté de lui.

« Allons, viens donc, Cassandre, tu ne vas pas rester debout… »

Louise serrait les dents avec tristesse en voyant que cette petite reprenait le rôle qui lui était tristement assigné. Finalement, cela n'aurait-il pas été moins cruel de la laisser mourir ? Elle n'aurait plus à servir et à subir.  Elle s'obligea à ne pas la regarder et  tourna la tête vers Hyriel.

"Vous avez raison, Hyriel, il ne le mérite pas. Ce ne sont que des charlatans. Mais des charlatant avec du pouvoir. Sous prétexte d'études et autres sornettes, ils peuvent se prétendre à dominer les plus faibles."

Cassandre écoutait les paroles en silence, face à la table, puis tourna la tête vers Hyriel qui lui demandait de venir s'aseoir. Elle hocha la tête d'un geste mécanique puis répondit d'une voix détachée :

"Oui, monsieur."

Comme s'ils ne s'étaient jamais rien passé dans cette cabane.
Comme s'ils étaient des inconnus.
Mais elle devait recomposer des défenses avant de rentrer au Lupanar et de retourner au service. C'était impératif. Ou elle ne survivrait pas.

Elle s'assit sur la chaise vide et commença à manger lentement la soupe en silence. Louise contempla avec tristesse les regards choqués des quatre compagnons et comprit que des liens s'étaient crées pendant cette semaine. Des liens brisés par son retour.  Avait-elle fait si bien d'avoir amené ici Cassandre ? La sauver de cette maladie était-ce une si bonne chose ? Elle n'en était plus si sûre.

Afin de chasser ces pensées qui la troublaient, Louise, tout en mangeant, reprit :

"Dites-moi, Hyriel, que savez-vous faire comme soins ? Vous guérissez les maladies, c'est déjà très bien. Mais sauriez-vous préparer des potions et des crèmes pour raffermir le teint ou paraître plus belles ? Beaucoup de mes collègues s'offrent des produits mais auprès de fabricants peu sûrs. Sans parler de celles qui se livrent parfois à des avortements clandestins... toutes seules ! Hyriel... est-ce que... C'est quand même dangereux. Vous pourriez... Non, je ne eux pas vous impliquer là-dedans ! Veuillez m'excuser."

Honteuse, Louise baisas le regard vers so potage et continua de manger en espérant que le sujet passerait et serait oublié.

Hyriel acquiesça tristement.
 
« Oui, vous énoncez-là une bien triste vérité… »
 
Tous se figèrent en entendant Cassandre. Guillaume, particulièrement, s’inquiéta et Hyriel posa une main tendre sur l’épaule de la jeune fille.
 
« Cassandre, tu n’es pas obligée d’être aussi rigide… »
 
Il retourna la tête vers Louise puisqu’elle s’adressait à lui. Les autres baissèrent la tête en avalant leur soupe, regardant de temps en temps Cassandre, tristes de la voire ainsi. Hyriel écouta professionnellement la demande de Louise et vit que cela la gênait. Il y réfléchit en prenant une lampée de soupe avant de hocher la tête, le plus naturellement du monde.
 
« J’ai la recette de quelques potions abortives dans mes livres et je devrais pouvoir trouver des recettes de produits ou onguents cosmétiques, même si ce n’est pas ma spécialité. Le domaine des plantes est si vaste… »
 
Il prit une autre lampée de soupe, soucieux. S’il pouvait aider ces femmes, il le ferait, ce n’était pas un problème, mais il s’inquiétait pour Cassandre. Au moins, s’il soignait les employées du Lupanar, aurait-il l’occasion de la revoir…

Louise avala quelques cuillerées de soupe en songeant que celle-ci étaient délicieuse. Elle reporta son regard vers Cassandre et sut que c'était la fillette qui l'avait préparé. Elle reconnaissait sa cuisine particulière. Son regard s'attrista, similairement à celui des autres adultes présent, quand Hyriel tapota l'épaule de l'enfant pour essayer de la sortir de son mutisme.

Sans lâcher sa cuillère, Cassandre ne réagit pas à cette légère tape. Elle ne tourna pas la tête ou et prononça aucun mot. Elle était un meuble. Une marchandise. C'était ce qu'on attendait d'elle. Un meuble qui se promenai, qui allait faire les courses, qui lavait le sol et servait le soir les clients. Elle n'avait pas à parler plus que nécessaire. Elle n'avait rien à dire. Elle devait réapprendre ce rôle et rester ferme. Hyriel et ses amis en étaient certainement tristes. Tant pis. Ils étaient libres, eux, cachés par la forêt. Ils ne risquaient pas le fouet ou des coups de bâtons pour une malheureuse parole lâchée par imprudence. Alors, elle, elle devait durcir son cœur. C'était désormais tout ce qui importait.

Louise  la fixait avec tristesse puis tourna la tête vers Hyriel. Afin de ne pas blesser davantage Cassandre, elle prit de sa sacoche une feuille de parchemin et une plume. Elle traça rapidement.

"Il faudrait rencontrer mes collèges au Lupanar pour déterminer leurs besoins exacts. Il y aurait surement besoin de ces choses pour commencer. Mais vous pourriez venir le Jeudi après-midi ? J’organiserai les rencontres. Qu'en dites vous ?"

Elle tendit ensuite la feuille à Hyriel.

Je ne fais que semblant d'écrire les fameuses potions. En réalité, je voulais parler de Cassandre. Elle est... Elle a cette habitude au Lupanar à ne rien dire, à avoir ce visage impénétrable. Je suppose que c'est une protection. Souvent, avec mes clients, je réalise un détachement un peu similaire. C'est une protection de l'esprit. Je pense qu'il faut mieux la laisse tranquille. Elle ne nous dira plus rien

Alors que Hyriel lisait le mot, Louise reporta son attention vers Cassandre, qui restait stoïque, les yeux voilés de tristesse.

Hyriel s’attrista de ne pas voir Cassandre réagir. Pauvre enfant, elle qui était pourtant si joyeuse… Il écouta Louise d’une oreille et récupéra son papier qu’il parcourut rapidement. Oui, bien sûr, il comprenait. Pauvre petite. Il hocha alors la tête en repliant la feuille.

« Oui, je vois. Ce me semble être la meilleure solution. Je m’y rendrai donc. »

Cassandre suivait avec détachement la conversation entre les deux adultes mais y prêtait grande attention. Ses oreilles ne perdaient pas une miette de ces informations. c'était une pratique importante pour le meule mobile qu'elle était censée être et lui permettait de connaitre des détails qui pourraient un jour resservir. Elle avait fini sa soupe et se leva pour récupérer les bols et faire la vaisselle. C'était le rôle d'un esclave et il lui fallait se le réhabituer. Surtout qu'à partir de ce soir, elle aurait des dizaines de verres et autres ustensiles.

De son côté, Louise la contempla avec tristesse puis reporta son attention vers Hyriel.

"Je vous en remercie, comme je ne vous remerciera jamais assez d'avoir sauvé Cassandre. Il est temps, je crains, de partie. Le chemin en forêt est long pour revenir en ville. Cassandre, tu viens ?"

La fillette posa son torchon et rejoignit rapidement Louise.

"Oui, maîtresse."

Elle s'inclina poliment vers Hyriel et murmura, sans émotion apparente :

"Merci d'avoir pris soin de moi."

Louise retint un soupir puis sourit à l'intention de Hyriel.

"Portez-vous bien. A bientôt."

Sur ce, la femme posa la main sur l'épaule de l'enfant et quitta la cabane.

Hyriel laissa Cassandre débarrasser sans protester, suivant les conseils de Louise. Ses compagnons, eux, allaient protester mais il les en dissuada d’un regard, posant ensuite la main sur la feuille pour leur signifier qu’il leur expliquerait. Ils se laissèrent alors faire, tristes. Hyriel tâcha de sourire à Louise et hocha la tête.

« C’est naturel. Je vous souhaite un bon retour. »

Il sourit également à Cassandre à son remerciement.

« C’est normal, Cassandre, et je te remercie d’avoir égayé notre demeure pendant cette semaine. »

Et simplement d’être ce qu’elle était, une petite fille rieuse et pleine de vie, mais il préféra le taire pour ne pas lui faire de peine. Lui et ses comparses saluèrent alors Louise en souriant et soupirèrent en chœur quand la porte se referma sur elles. Hyriel donna alors à lire le mot aux trois autres avant de simplement se retirer dans leur arrière-salle, sans rien dire, pour se changer les idées.