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[17 octobre 1597, fin de matinée] - Orage sur les tartines beurrées [RP Sensible][terminé]

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Message par Coldris de Fromart Sam 25 Juil - 12:29

Avertissement - Contenu sensible:

Cela faisait un peu plus de quinze jours que la cérémonie du Triomphe s’était déroulée. Sa qualité de Ministre des Affaires Etrangères aurait normalement dû lui imposer d’être présent à la tribune officielle aux côtés du Premier Conseiller mais c’était sans compter le dossier de la trahison de Djerdan qui requerrait à cet instant toute son attention.

Les défilés n’existaient que pour une seule et unique raison : faire oublier au peuple le prix de la guerre. Un moyen comme un autre de justifier auprès d’une veuve la perte de son si cher mari. Que le peuple jubile et la jeunesse s’engageait. C’était ce genre de cérémonies qui unissaient les individualités dans un but commun, qui portaient l’expansion mobrinienne. Si certains n’y voyaient qu’une festivité ou une mondanité de plus, pour Coldris de Fromart, c’était avant tout une manœuvre politique. Qu’importe qu’une guerre soit juste pour vu qu’elle soit nécessaire… Et victorieuse.

Et justement, quoi de plus important que de préparer la prochaine guerre, celle qui les mènerait droit en Djerdan ? La nécessité, il en faisait son affaire. La victoire quant à elle reposait sur les épaules de l'Etat Major. C’était donc attablé à son bureau, plume à la main à gratter du papier qu’il avait passé la journée du 30 septembre. Ce jour-là plusieurs missives quittèrent le Palais Royal.

Une heure à peine après le début de la cérémonie du Triomphe, un page se présenta à son bureau portant une missive. Coldris la récupéra congédiant d’un geste agacé l’opportun. Derrière son apparence banale, le vicomte en avait pourtant reconnu instantanément la provenance : il s’agissait d’un message codé de l’une de ses mouches.  Un rictus déforma son visage tandis qu’il la dépliait dans un mouvement saccadé. Ce type d’information ne pouvait lui parvenir que pour une unique raison : Alduis venait encore de faire des siennes. Il grogna en découvrant le contenu. Il venait de provoquer de manière fort insolente le Premier Conseiller en défendant un condamné. La lettre se froissa entre ses poings tandis qu’il observait la cour du Palais d’une glaciale rage contenue.

N'importe qui aurait quitté son bureau en trombe afin de sermonner l’impertinent de son comportement irrévérencieux. Mais Coldris de Fromart n’était pas n’importe qui et il avait une autre idée en tête, bien plus… Tonitruante. Et quoi de mieux qu’un orage par beau temps pour faire dans vos chausses ? Un fin sourire se dessina sur ses lèvres et il retourna à son bureau.

Coldris n’oubliait jamais.
Coldris ne pardonnait jamais.
Coldris faisait payer chaque à dette.
Assortie de ses intérêts.


oOo

C’était une belle journée de la mi-octobre. Ensoleillé, légèrement fraiche mais toujours douce. Le soleil était quasiment à son point le plus haut. Mais le Vicomte était parfaitement insensible à ce genre de détails de bonnes femmes tout juste bon à alimenter une conversation de taverne. Malgré tout, il souriait, car c’était une magnifique journée. Pour une toute autre raison. Un sourire plus carnassier qu’enjôleur. Discrètement, il poussa la porte de la cuisine et entra félinement, sans un bruit. Bien évidemment, qu’il était là au milieu des faisans pendus par les pieds et des bouquets de thym à dévorer innocemment et sans la moindre méfiance une tartine beurrée. Alduis était [si] prévisible. Cela en était presque pathétique et triste. Il resta quelques secondes à l’observer en silence en loup tapit dans les fourrés. Le pain croustillait à intervalles réguliers.

- Comme les biches qui viennent se désaltérer au bord de l’étang.

Sa voix glaciale ne laissait rien présager de bon et un lourd silence s’installa. Il congédia d’un vif geste le peu d’esclaves présents qui détalèrent sans demander leur reste tandis qu’il toisait sévèrement son fils.

- Toujours à prendre ton petit en-cas comme l’enfant que tu es, Brutus ? Je peux faire venir une nourrice si tu le souhaites.

Un faux sourire affable se dessina sur ses lèvres. Qu’on ne s’y trompe pas : le vent venait à peine de se lever alors que le ciel s’obscurcissait à vue d’œil. L’orage était annoncé.
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Message par Alduis de Fromart Sam 25 Juil - 13:37

Alduis avait eu un petit creux. Il n'avait pas vraiment mangé la veille et la faim avait fini par se rappeler à lui. Aussi avait-il rejoint les cuisines, un peu machinalement, sans vraiment regarder l'heure. Personne n'avait été surpris de le voir, quand il était entré. Personne n'avait été surpris non plus qu'il se débrouille seul pour tartiner les tranches de pain qu'il avait coupé. Il passait presque tous les jours et c'était pour ainsi dire toujours la même rengaine – à chaque fois.

Pour une fois, il était de bonne humeur. De très bonne humeur, même. Il avait emmené avec lui la feuille et le crayon de bois sur lequel il écrivait depuis l'aube. Des milliers de gribouillis incompréhensibles pour qui aurait regardé cela de l'extérieur. Pour ainsi dire, les notes étaient aussi fouillies que les pensées qui se croisaient sans cesse dans son esprit pour assembler telle ou telle pièce de tel ou tel puzzle. Là des mots, là des traits, là des calculs. Des suites de chiffres sans queue ni tête. Tout cela n'avait certainement de sens que pour lui.

Et simultanément à cela, il mangeait. Il avait commencé la troisième tartine quand... un mouvement furtif se fit entendre dans son dos. Aussitôt, la tension naquit dans son ventre. Elle crispa chaque muscle de son corps, embrasa ses entrailles, hérissa les poils de ses bras, où les manches de sa chemise – invariablement blanche – étaient relevées. Il n'était pas le seul à s'être figé. Les domestiques, eux aussi, avaient relevé les yeux de leurs tâches. Son coeur battait fort.

Sans se retourner, il avait déjà compris. Il l'imaginait, là, dans son dos, son regard glacial et perçant braqué entre ses omoplates. Le gong avait sonné. Maintenant, il fallait faire face. Le bourreau était arrivé.

Son père était arrivé.


Il le savait présent dans son dos, à seulement quelques mètres. Il le savait, oui. Pourtant, il sursauta malgré tout quand il parla. Tant et si bien que la mine du crayon de bois se cassa sur la feuille de papier, en y laissant une vilaine trace. Alduis ne bougea pas. Les dents désormais serrées, il regardait droit devant lui. Les esclaves, sûrement sur un geste de Coldris, filèrent. Alduis aurait pu les implorer de rester s'ils n'avaient pas déguerpi si vite. Qu'ils ne le laissent pas ainsi seul avec son père. Qu'ils ne l'abandonnent pas encore une fois.

Mais tout le monde l'abandonnait.
Toujours.


Les cuisines se vidèrent en quelques secondes. Il se retrouva alors seul avec son père.

- Toujours à prendre ton petit en-cas comme l'enfant que tu es, Brutus ?

Son sang se glaça dans ses veines.
Le reste des mots se noya dans il ne savait quelle mélasse qui venait d'envahir son corps.

Alduis ne s'était toujours pas retourné et continuait de garder les yeux braqués devant lui. Il vint serrer les doigts autour du manche de son couteau à sa ceinture. Pour se rassurer. Mais cela n'y fit rien, sinon lui faire mal aux doigts.

Brutus.
Rien n'est acquis pour la vie.

Brutus.
Je peux très bien te remplacer. Comme on remplace un chien.

Brutus.
Tu n'es rien sans ton prénom.
Tu n'es rien sans moi.


C'était tout ce que ce simple nom disait. Tout ce que son père lui rappelait. Tout ce qui l'avait toujours terrifié, au plus profond de son coeur. D'être remplacé. Comme ce chien qui s'appelait Brutus quand il était enfant.

Il fallait qu'il réponde.

Il.
Fallait.
Qu'il.
Réponde.

Il n'était plus un enfant sans défense. Il était adulte. Il était un militaire hors paire. Alors pourquoi se sentait-il comme un enfant fautif, que l'on aurait pris en train de faire une bêtise ? Pourquoi avait-il envie de disparaître, loin, très loin sous terre ? Il se força à respirer en se rendant compte qu'il avait arrêté de le faire. Il croqua une dernière fois dans sa tartine pour se donner du courage.

Il ne sut où il parvint à trouver la force de se retourner enfin pour lui faire face. Aussitôt, son sourire affable se répercuta en lui et le terrifia. Parce qu'il savait. Il savait que rien ne serait doux dans ce qui allait suivre. Il avala sa salive, serra plus fort le manche de sa dague pour s'empêcher de trembler. Il se releva – pour ne pas se trouver plus bas que son père – et fit un pas en arrière pour établir une distance entre eux. Mais rien ne pourrait le faire se sentir en sécurité tant qu'il saurait qu'ils respiraient le même air.

Il finit enfin par répondre d'une voix rauque, affreusement rauque :

- Alduis. Je m'appelle Alduis.

De nouveau, il arrêta de respirer.

La pression de la pièce montait.
L'orage allait éclater d'une seconde à l'autre.

Et le foudroyer.
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Message par Coldris de Fromart Sam 25 Juil - 15:02

A son arrivée, il avait choisi de rester silencieux, discret, d'épier un instant  chacun de ses gestes. Il n'avait aucun doute sur le fait qu'il savait qui était dans son dos. S'il y avait bien une chose qu'on ne pouvait pas lui retirer c'était son instinct de survie.
A sa demande, les esclaves et autres domestiques détalèrent comme les rats quittaient le navire. Alduis était plus crispé que jamais.

Terrifié. Il était terrifié.

Allons Alduis, il faut affronter ses peurs et assumer les conséquences de ses actes. C'est cela que d'être un homme. Alors mon fils, es-tu un insolent bambin ou un homme fier?

C'était toujours particulièrement satisfaisant de faire voler en éclats cette fausse assurance qu'il se donnait en public.


Il devait apprendre.
Apprendre à rester impassible.
Intouchable.
Impitoyable.
Car là était la clé du pouvoir.

Alduis fit un pas en arrière. Coldris un pas en avant. Qu'il ne s'imagine pas se mettre en sécurité si facilement. Il avait dépasser les bornes. Il allait en goûter les conséquences.

Sept jours à devoir s'excuser obséquieusement.
Sept jours à devoir supporter d'entendre son nom traîné dans boue.
Sept longs jours de retenue et de silence.

Oh bien sûr certains avait apprécié son intervention. Mais on ne bâtissait pas une réputation sur "certains". Qui plus était lorsque ces "certains" n'étaient rien d'autre que les chiens galeux de la Cour.

Il baissa les yeux sur sa main serrant toujours sa dague. Et avança d'un nouveau pas en ouvrant ses bras

- Allons Brutus, qu'espères donc tu faire avec ce cure-dent? Serait-ce le doudou de l'enfant que tu es resté?

Enfin, son fils rassembla le peu de courage dont il disposait pour lui faire face. Un sourire glacial s'étira avant de laisser place à une petite série de claquements de langues réprobateurs. Il approuva son audace mais là n'était pas le point d'orgue de cette visite à l'improviste.

- Je t'ai prénommé mon fils. Je peux te nommer de l'envie qu'il me prend. Un prénom se mérite. Et un nom s'honore.

Il marqua une pause, laissant un pesant silence s'installer. L'orage grondait.

- Tu n'es que démérite et déshonneur. sa voix claqua Mon fils, chérit donc le nom de ce chien. Lui était fidèle et obéissant contrairement à toi. Et sais-tu ce que l'on fait des chiens de ton genre?

Un rictus sur le visage, il observait la réaction de son engence alors qu'il parlait d'une voix calme et lente mais terriblement tranchante.

- Tu n'es rien. Tout juste mon fils. A peine mon héritier. Et croit moi, je trouverai bien un bâtard ravi d'endosser ton rôle si tu continues de me faire défaut et de salir notre nom.

Coldris transperçait de ses prunelles de glace son fils. Il n'avait pas digéré ce comportement hautement inacceptable et il était temps de remettre les pendules à l'heure. Il lui avait laissé bien trop de liberté. Puisqu'il n'en était pas digne, il l'entraverait.
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Message par Alduis de Fromart Sam 25 Juil - 16:58

Alduis avait fait un pas en arrière. Pour s'écarter. Pour rester loin de lui. Mais ce fut vain, bien entendu. A peine l'avait-il fait que son père en refaisait un en avant, pour combler cet espace qu'il avait essayé d'instaurer.

C'était une manière de lui montrer que ce n'était pas lui, ici, qui commandait.
De lui prouver qu'entre eux deux, Alduis ne serait jamais que l'enfant qui essayait de ressembler, sans jamais y réussir.
De lui annoncer que cette fois-ci, il n'échapperait pas à ses foudres.

Que c'était fini, toutes ces provocations. Qu'il avait suffisamment jouer mais que désormais, il allait devoir se tenir à carreaux.

Quand le chat n'est pas là, les souris dansent.

Mais le chat finit toujours par revenir...
… et par toutes les croquer.


L'orage serait puissant.
Et Alduis avait peur des orages.
Encore plus de ceux qui se déchaînaient quand le ciel était parfaitement bleu.

Il serrait de plus en plus fort la garde de sa dague. Le maigre moyen, pas vraiment efficace, qu'il avait à disposition pour se rassurer. Coldris baissa les yeux sur ses phalanges blanchies. Il y eut une lueur méprisante au fond de ses yeux et il fit un nouveau pas en avant, en ouvrant les bras. Alduis resta droit à sa place mais il dut se faire violence pour ne pas reculer précipitamment contre le mur. Parce que son instinct animal lui hurlait de le faire. De fuir loin, très loin de cet homme.

Mais il ne lui donnerait pas ce plaisir. Il releva même les yeux pour les planter dans les siens. Sauf que ses prunelles étaient agitées, quand celles de Coldris demeuraient froides et implaccables. Toujours là pour lui rappeler à quel point il était misérable. Il fut obligé de lâcher le manche de sa dague. Les mots de son père n'étaient ni plus ni moins que des ordres.

Des ordres, même déguisés en question, restaient des ordres.

Il aurait aimé pouvoir lui faire croire qu'il n'avait pas peur de lui.
Pourtant, il en était incapable.

Il n'était plus un enfant.
Il n'avait plus à avoir peur.

Mais Coldris le traitait comme tel malgré tout. Et si son père le pensait alors... alors c'était qu'il y avait un fond de vérité. Au fond de lui, il était toujours ce petit garçon terrifié qui pleurait tout seul dans son lit, le soir, en espérant que quelqu'un viendrait le border.

Ses nuits étaient peuplées de longues heures blanches depuis ce temps-là. Il avait peur de fermer les yeux. Peur de faire face à ses rêves et d'y voir ce sourire glacial que son père lui adressait à l'heure actuelle. Coldris claqua sa langue contre son palais plusieurs fois, comme on réprouve les actions d'un chiot qui vient de faire ses besoins sur la nouvelle moquette. Alduis ne trouva rien à répondre. Les mots résonnèrent simplement dans sa tête.

Impitoyables.

Je suis démérite.
Je suis déshonneur.
Je ne suis rien.

Je ne suis personne.


Que faisait-on des chiens qui n'étaient pas obéissants et fidèles ? Il avait eu le temps de l'apprendre, cette leçon, au cours de ces vingt-huit dernières années. Il ne put soutenir le regard de son père davantage et il baissa enfin la tête piteusement.

- On les tue. Et on montre leurs entrailles aux autres pour l'exemple.

Voilà ce que l'on faisait des chiens qui ne savaient pas tenir leur place.

Il ne valait rien.
Moins que rien.
Moins qu'un chien désobéissant.


Et comme un chien désobéissant, on pouvait le remplacer.

La voix de son père était terriblement calme. Tranchante, certes, mais calme. Il parlait lentement. Pour que les mots s'ancrent bien dans son esprit. Et il semblait que ces derniers étaient pourvus de milliers de petits crochets si on en croyait la manière avec laquelle ils s'enfonçaient en lui.

Pourtant, les orages calmes étaient les pires.

Alduis aurait tellement préféré qu'il y ait des cris et des coups. N'importe quoi. Mais pas cette voix lente, comme s'il était idiot, incapable de comprendre des choses simples. Pas ce sourire glacial qui promettait tellement de choses. Il secoua la tête, surtout pour lui-même.

Alduis ne voulait pas être l'ombre de son père.
Pourtant, il ne serait jamais que cela.

C'était stupide de sa part d'essayer d'être autre chose.
Stupide de penser une seule seconde qu'un jour, Coldris pourrait être fier de lui.

Pour ne pas être déçu, il ne fallait pas espérer.
Alduis le savait.
Et malgré tous ces avertissements, il continuait d'avoir l'espoir d'être enfin digne de lui. Tout en sachant que cela n'arriverait jamais. Il ne le serait jamais.

Mais à croire qu'aujourd'hui, il se sentait plein de courage... Il savait qu'il finirait par le regretter, pourtant, il releva les yeux de nouveau et répondit – toujours de cette voix si rauque où s'était glissée une pointe d'acide :

- Si je ne suis rien, alors pourquoi ne pas me remplacer déjà ? Par un chien qui vous obéira mieux ?

Mais la peur qu'il le fasse vraiment le hantait.

Que deviendrait-il, si son père le déshéritait réellement ?
Où vivrait-il ?

Qui serait-il ?
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Message par Coldris de Fromart Sam 25 Juil - 21:54

Il ne soutint pas bien longtemps son regard. Rapidement, après sa question portant sur la sanction des chiens désobéissant, il baissa le regard pitoyablement. Il avait beau connaître sa leçon par cœur, cela ne l’empêchait pas de réitérer l'exploit de son insolence inlassablement sans même prendre en compte les remarques de son père. Se rendait-il seulement compte qu’il détruisait ce que son père avait passé tant d’années à construire ? Il en venait parfois à croire que c’était là volontaire de sa part et une rage aussi folle que sourde s’emparait de lui.  Il entendait encore l’écho des persiflages sur son intervention déplacée. Tant d’années à soigner son image, à tracter avec l’un et l'autre pour obtenir cette position de prestige.

Et lui… Lui se croyait légitime à contredire la sanction du Premier Conseiller ! Il prenait la défense de l'un de ses maudits et inutiles boiteux qui n’était rien d'autres que des fardeaux de la société ou des faire-valoir de piété pour qui souhaitait s'acheter une conscience. Il avait osé intervenir alors même qu'il s’était vu la grâce d’échapper à la peine capitale. Le baron de Frenn était un homme bien trop intègre pour son propre bien. Un jour ou l’autre, lui aussi payerait ses bontés d’âme. Il gagnerait peut-être des points pour le Paradis mais au prix de celle de sa déchéance ? Quel intérêt ?
Coldris avait déjà réservé sa place en enfer et comptait bien tirer profit de chaque minute de sa propre existence pour accumuler un peu plus de pouvoir.

La morale c’était bon pour les faibles.
La piété c’était bon pour les perdants.
L’honneur c’était bon pour les idéalistes.

Coldris continuait son  discours dans un calme olympien. Il pesait chaque mot. Articuler chaque syllabe. Le message devait passer. Alduis l’avait terriblement déçu. Ce n’était pas une attitude digne d'un Fromart mais d'un petit marmot des rues. Lieu qu’il devrait rapidement apprivoiser s’il continuait ainsi. Pourtant malgré les apparences, le vicomte ne détestait pas son fils. Il… l’appréciait même par certains égards. Ne disait-on pas qui aime bien, châtie bien ?

Encore une fois, il trouva le courage de se relever et de le défier.
- Ton plus gros défaut Brutus est d’aboyer à tord et à travers quand tu devrais te taire.

Insolence puérile qu’il materait d'une façon ou d’une autre pour en extraire l’héritier qui sommeillait en lui.

- Vois-tu mon fils, j'ai envie de croire que tu peux être celui que j’espère. Penses-tu pouvoir l’être ?

Lorsque l'on maniait le bâton il fallait aussi présenter la carotte de temps à autres. Il en était persuadé, Alduis avait ce qu’il fallait pour prendre la relève. Là cacher sous sa chrysalide de petit garçon apeuré dont il ne parvenait pas à se séparer.

Malgré tout Coldris n’était pas du genre à mettre tous ses œufs dans le même panier. Et il avait effectivement un bâtard tout désigné pour le remplacer si les choses ne s’améliorer guère.  C’était bien l'avantage de coucher à gauche et à droite : on avait qu’à choisir parmi la ribambelle de marmots celui qui serait apte à la tâche. De tout façon les femmes n’étaient bonnes qu’à cela: satisfaire son désir et engendrer quelques héritiers au passage.

- Lorsque l'on est rien mon fils, on a tout le loisir de devenir quelqu’un n'est-ce pas ? Qui y’a-t-il de moins que le rien ?

Le père laissa planer un instant de silence avant de reprendre avec ferveur.

- Prouve-moi donc que tu mérites ton nom d'Alduis de Fromart et que j'ai tort. J'ai d'ailleurs une offre à te faire en guise de ma bonne volonté.

Offre, offre… C’était vite dit lorsqu’il s'agissait de Coldris. C'était le plus souvent un pacte avec le diable qui ne nécessitait aucun refus. Car on ne refusait pas une demande de Coldris, surtout si l'on tenait à sa vie ou son statut. Il fallait être inconscient ou parfaitement benêt pour oser se mettre en travers de son chemin
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Message par Alduis de Fromart Dim 26 Juil - 14:05

Même si Coldris parlait de sa voix la plus calme, Alduis ne s'y trompait pas. Il percevait la colère sous-jacente qui demeurait là, encore très vive et bouillonnante. Il avait été déçu. Terriblement déçu. C'était ce que sa manière de détacher ses syllabes – comme s'il était trop idiot pour comprendre autrement – traduisait.

Tu m'as déçu.
Tu ne mérites pas d'être mon fils.


Alduis ne bougea pas d'un millimètre, les yeux baissés.

Et tu ne le seras jamais.
Retiens bien cela.


Quoi qu'il fasse.
Son père avait-il déjà été fier de lui ?

Il en doutait.

Il n'avait pourtant jamais demandé le bout du monde. Il se serait contenté d'un regard. Il s'en contenterait encore aujourd'hui. Même moins que cela, s'il le fallait vraiment.

Les chiens que l'on frappait,
ne savaient que mordre.


Il aurait aimé que ce soit le cas. Savoir à quoi s'en tenir. Se défaire enfin de cet espoir ridicule qui n'avait pas sa place en lui. Mais qui, de nouveau, revenait frapper à la porte de sa conscience, tandis que Coldris reprenait :

- Vois-tu, mon fils, j'ai envie de croire que tu peux être celui que j'espère.

Alduis releva les yeux, sans rien répondre. L'espoir n'était pas permis. L'espoir était pour ceux qui y croyaient – et il n'y croyait plus depuis des années. Malgré cela, Coldris finissait toujours par réveiller ses plus grands rêves.

Il le pouvait.
Être ce fils dont son père serait fier.

- Penses-tu pouvoir l'être ? reprit son père.

Non.


Ce furent les premiers mots qui lui vinrent à l'esprit. Alduis sentit son coeur louper un battement. Le vide se fit dans son esprit, l'empêchant de trouver une réponse. Non, il ne voulait pas, mais pourtant, une lueur s'était allumée au fond de ses yeux. Une lueur qui lui disait que, malgré tout, il le voulait. Il avala sa salive.

Coldris finirait par être fier de lui.
S'il se montrait à la hauteur.

Et si ce n'était pas le cas, il ne pourrait s'en vouloir qu'à lui-même. Parce qu'alors, il ne se serait pas montré digne de ce nom qu'il avait reçu à la naissance.

Mais parfois... Parfois, il y avait cette envie au fond de lui. Cette envie de tout envoyer valser. Cette envie de donner un coup de pied dans la fourmillière, de provoquer les esprits pour faire réagir, qu'importe la manière.

Parfois, il lui prenait l'envie de dire “Non”.
De ne plus être un Fromart.
De ne plus être le fils de son père.

Qu'est-ce que cela ferait, s'il lui crachait dessus, maintenant ?
Qu'est-ce que cela ferait, s'il lui disait qu'il ne serait jamais ce fils qu'il essayait de faire de lui ?

Durant une folle seconde, il se vit le faire.
Il aurait pu le faire.

Il voyait le visage de son père se décomposer. Il pouvait faire basculer sa vie du tout au tout. Faire basculer les certitudes de Coldris. Lui montrer que lui aussi, il pouvait ruiner des choses facilement. Il lui suffisait d'un mot. Un seul.

Un “Non”. Un simple “Non”.

Mais ce n'était qu'un doux cauchemar que l'on pouvait caresser du bout des doigts, tout en sachant que jamais – ô jamais – on aurait le courage de faire une telle chose.

Alors, il hocha la tête.
Il hocha la tête avec cette lueur d'espoir au fond des yeux.
Le “Non” se transforma dès lors en “Oui”.

Coldris continua alors.

Il pouvait devenir quelqu'un.
Il voulait devenir quelqu'un.
Il serait quelqu'un.

Bientôt, peut-être.

- Qui y'a-t-il de moins que le rien ?

S'il y a moins que rien,
alors c'est que rien vaut déjà quelque chose.


Il n'était pas moins que rien.
Il était simplement rien. Et ce rien-là avait déjà une valeur. Une très faible valeur, peut-être, mais une valeur tout de même. Qui pouvait devenir plus importante en y travaillant.

Il y eut une seconde de silence qu'Alduis ne troubla pas. Il attendit que son père choississe de reprendre. Dans sa voix, alors, il y avait quelque chose qui ressemblait à de la ferveur.

Mais quelle ferveur était-ce donc ?


- J'ai d'ailleurs une offre à te faire en guise de ma bonne volonté.

Alduis sentit un muscle sur sa joue se contracter une brève seconde. Une offre. Des milliers de questions se bousculaient dans sa tête. Une partie de lui se serait jetée à genoux en acceptant, trop heureux de pouvoir se racheter. Mais il y avait toujours cette petite voix au fond de son être. Cette petite voix qui ne voulait pas de cette offre. Cette petite voix qui disait “Non”, encore et encore, quand il finissait invariablement par accepter.

En guise de ma bonne volonté.
Ma bonne volonté...


Alduis reprit alors une de ses tartines. Il savait ce qu'il en était, lui, de cette bonne volonté. Il l'avait découvert, des années plus tôt. Il eut alors un court ricanement, rempli de mépris, puis il croqua un grand coup dedans. Enfin, il répondit, en se tournant vers la porte plutôt que vers son père :

- La bonne volonté n'existe pas. Avez-vous donc vous-même oublié vos propres leçons ?
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Message par Coldris de Fromart Dim 26 Juil - 22:43

Coldris avait tout son temps. Alors, il le prenait. Calmement. Comme le tonnerre gronde sourdement dans la vallée. Quand d'autres auraient certainement infligé une correction exemplaire à leur fils, lui se contentait de mots. Car il le savait : les mots pouvaient blesser bien plus durement le cœur d'un homme lorsqu'ils étaient choisis avec précision. Mais les mots avaient aussi ce pouvoir, d’être à la fois les maux et leurs remèdes, et le vicomte  de Fromart était passé Maître dans l'art de jongler de l'un à l’autre pour parvenir à ses fins. Mais qu’on ne s'y trompe pas : user de la force de brut ne lui faisait pas pour autant défaut.

A chaque travail, son outil.

Ce n’était pas la première fois qu’il usait de cette stratégie. Combien de fois avait-il amené son fils au bord du précipice pour lui tendre une main salvatrice au dernier moment ? Il en avait perdu le compte. Seul comptait la volonté qu’il mettait à se relever.

Et un jour, tu seras un homme, mon fils.

Aujourd’hui ne fit pas exception. Il avait pu apercevoir dans son regard cette étincelle d’espoir. Il aurait voulu l’embrasser, la laisser consumer son âme pour qu'enfin il accepte la place qui était sienne. Car Coldris n’était pas dupe. Chaque acte de rébellion, chaque acte d'insolence, chaque acte de désobéissance n’était là que pour clamer «Regardez-moi ! Je ne suis pas le fils de mon père ! » . Mais le sang de Coldris coulerait à jamais dans ses veines. Qu’il le veuille ou non. Jusqu'à sa mort il demeurerait Alduis, fils de Coldris et Asoana, quoi qu’il fasse. Il pourrait bien rejeter son héritage qu'un jour ou l’autre, il reviendrait lui frapper en pleine face.

Lorsqu'il lui fit part de sa proposition d'offre, il ne manqua pas de déceler un sourire.a quoi pensait-il ? Au plaisir infini qu’il ressentirait en lisant s'y opposer ? Toujours aussi droit et immobile qu'une statue, le vicomte fixait son fils avec morgue, tandis qu’il reprenait une bouchée de l'une de ses vulgaires tartines de pain beurré. De pain beurré.
Un rictus indiqua que ses mâchoires venaient de se serrer, lorsque enfin, une réponse se fit entendre

La bonne volonté n'existe pas. Avez-vous donc vous-même oublié vos propres leçons ?


Enfin.

Un sourire. Un vrai sourire apparut sur le visage austère due ce père impitoyable. Oh ça non, il n’avait pas oublié ! Le petit Alduis de tout juste huit ans en pleurs,  implorant sa miséricorde et arguant qu’il avait tout de même fait preuve de bonne volonté. Lui s’était agenouillé face à lui, afin de lui offrir une nouvelle leçon de vie:


Vois-tu Alduis,  la bonne volonté n'existe pas. Il n'existe que la volonté. Car qui déciderait qu'elle est bonne ? La morale? C'est pour les faibles. La religion? L'honneur ? Non. Ce n'est que pour les perdants et les idéalistes. L'homme n'est mu que par la volonté d'accomplir ses propres intérêts. La bonne volonté n'est que mensonge et hypocrisie. Ne l'oublie jamais, Alduis. Maintenant, va.

Vingt ans s’étaient écoulés et il s'en souvenait comme si c’était hier. Avait-il changé depuis ? Quoi qu'en dise Coldris lorsqu’il s’adressait à lui, oui, il avait évolué. En cet instant, il avait même une vague étincelle de fierté pour lui. Dommage qu'elle ne fusse gâchée par l’insolence de son ton.


Encore et toujours.

Il resta bien évidemment silencieux et enchaîna puisqu’il avait tacitement accepté ce qui ne pouvait souffrir d’aucun refus.

Qui ne dit mot, consent.

- Il est désormais plus que temps de te marier Alduis…
En espérant que les responsabilités te mettent un peu de plomb dans le crâne

… et de poursuivre ainsi la lignée de Fromart.
Vingt-huit ans de liberté, voilà qui est plus que suffisant n’est-ce pas ?

Il poursuivit, implacable, sans même sourciller. Il avait eu quinze jours pour retourner ce problème dans son esprit et trouver la solution adéquate à celui-ci.

La goutte d’eau avait fait déborder le vase.

Il ne cessait d’adopter un comportement puéril et de n’en faire qu’à sa tête alors même qu’il clamait silencieusement vouloir être adulte. Il avait donc décidé de lui offrir cette « opportunité » de mener la vie d’adulte dont il rêvait et puis il fallait dire que les prétendantes ne manquaient pas.

- Si tu cesses de te comporter en petit enfant capricieux, je pourrais même te laisser choisir la femme qui partagera ta couche. J’ai deux prétendantes absolument charmantes à te proposer. Toutes deux sages et de bonnes familles, bien entendu.

Chacune d’entre elles avaient ses propres avantages dans le cadre d’une alliance. L’une avait pour elle, la noblesse de son titre, l’autre la prestigieuse renommée de son père. Coldris avait-il une préférence ? Oui à n’en point doutait, mais il était parfaitement prêt à laisser ce choix à son fils si cela lui permettait d’obtenir une relative subordination. Pourquoi se retrouvaient-ils à jouer l’un contre l’autre lorsqu’ils auraient dû jouer l’un avec l’autre ?

Si seulement…

Rien n’aurait alors pu les arrêter.
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Message par Alduis de Fromart Lun 27 Juil - 14:38

Était-ce un sourire qui se dessinait sur les lèvres de son père ? Durant un instant, Alduis en perdit ses moyens. Un sourire ? Un vrai sourire ? Pas l'une de ces expressions glaciales qu'il lui réservait en temps normal. Il y avait... une lueur au fond de ses yeux. Une lueur qui répondait à ce sourire, une lueur de... de fierté ?

Il venait de le faire sourire. Depuis combien de temps cela n'était-il pas arrivé ? Il ne parvenait même plus à se rappeler de la dernière fois où il avait vu cette expression sur le visage de Coldris. Alors pourquoi cela lui glaçait-il le sang ainsi ? Il aurait dû être rassuré... non ?

Il croqua une seconde fois dans sa tartine. Le goût du beurre apaisa un instant cette tempête de pensées contradictoires. La bonne volonté n'existait pas, non, mais qu'est-ce qui existait donc – sinon la Mort ?

La bonne volonté n'est que mensonge et hypocrisie.


C'étaient ces mots que lui avait dits son père, vingt ans plus tôt exactement. Ce n'était pas suffisant, d'essayer. Pas plus que faire des efforts. Ce qu'il fallait, c'était réussir. Le doute n'était pas permis. Il se rappelait de ce jour-là comme si c'était hier.

Ce jour-là, il avait échoué, malgré ses efforts.
Et ce qui restait n'était pas sa volonté de bien faire. Non. Il ne restait que la honte de la déconvenue.

Encore.
Toujours.


Il avala sa salive une seconde fois et engloutit le reste de sa tartine, comme s'il cherchait à engloutir le vide qu'il existait au fond de lui. Il attendait que son père lui soumette cette fameuse offre. Qui n'aurait d'offre que le nom. Ce ne serait, en fin de compte, rien de moins qu'un ordre déguisé. Une nouvelle fois.

Il avait une boule dans le ventre. Pourquoi craignait-il ainsi la suite ? Il avait un mauvais pressentiment. Un [i]très
mauvais sentiment. Il ne dit rien. Le silence était une manière de ne pas se prononcer. Et remplacer parfois bien mieux tous les mots du monde.

Et soudain.
Les mots tombèrent.
Tels une hache de bourreau sur la nuque du condamné. Ils ouvrirent un gouffre infini en Alduis.

Ils résonnèrent en lui, se répercutèrent encore et encore. Un écho de la voix de son père. Sauf que les vrais échos finissaient par s'estomper. Celui-ci, au contraire, ne faisait qu'augmenter.

Temps.
De.
Se.
Marier.

Poursuivre.
La.
Lignée.

Il y avait échappé vingt-huit ans de cela. Tout en sachant qu'un jour ou l'autre, le sort tomberait. C'était aujourd'hui. Il ne dit rien, une nouvelle fois.

Le silence.
Le silence permettait de ne pas se prononcer.
De ne pas exploser. Car lentement, il sentait la pression se mettre à bouillir en lui. Et que bientôt, comme de l'eau, elle serait portée à ébullition.

Et parmi ce bouillonnement qui envahissait le vide en lui, il ne put rien faire contre le visage qui s'imposa à lui. Durant une seconde, cela apaisa la tension qui augmentait dans son ventre.

Ces cheveux bruns.
Ces yeux noisettes.

Pourquoi pensait-il à cela maintenant ? Pourquoi y pensait-il tout court ?
Il aurait voulu oublier.
Ne plus rêver de lui la nuit.


Mais il le savait.
Jamais il ne pourrait oublier.

Quand bien même il essayait de croire le contraire depuis ces huit dernières années. Mathurin était toujours là, quelque part au fond de son esprit, à attendre le moment opportun pour venir lui brûler les rétines. Il secoua la tête, pour le chasser de son esprit. Penser aux morts était inutile.

Coldris reprenait :

- Je pourrais même te laisser choisir la femme qui partagera ta couche.

Dit ainsi, on aurait cru à une faveur de sa part. Comme si son père n'avait pas parfaitement conscience de la corvée que ce mariage représentait pour Alduis. Et qui disait mariage, disait...

Il aurait aimé retenir le frisson qui le traversa alors. Mais son père l'avait certainement remarqué. Il n'y avait plus qu'à ravaler son dégoût, et faire comme si de rien. Comme si tout allait bien.

- Leurs noms ? demanda-t-il, en reprenant une autre tartine, pour tâcher – vainement – de remplir ce vide qui continuait de grossir en lui.
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Message par Coldris de Fromart Lun 27 Juil - 17:00

Coldris dominait la conversation. Mais ce n’était pas parce qu’Alduis ne prononçait aucun mot qu’il ne disait rien. Oh non… Pour une personne lambda c’était sans doute le cas, mais pour lui, son silence valait tous les discours du monde. Ses yeux, ses muscles, ses gestes, tout parlait pour lui. Cet air hagard lorsqu’il lui annonça qu’il allait devoir se marier. Ses doigts s’étaient crispées imperceptiblement autour de sa tartine, preuve de la rage qu’il tentait de contenir. Soudainement, ses pupilles se dilatèrent et il sut. Le père arqua un sourcil tout en lâchant dédaigneusement :

- Allons, ne me dis pas que tu penses encore à lui… Après tout ce temps… Comment s’appelait-il déjà ? Aubin ? Saturnin ? Mathurin ? il aperçut ce léger clignement de paupière, Mathurin donc.

Mathurin.
Ce misérable Mathurin.

Lui non plus n’avait pas oublié les faits qui s’étaient déroulés huit ans plus tôt. Lorsqu’il avait appris que l’on avait découvert son fils en pleine liaison pécheresse, il en avait eu la nausée doublée d’une profonde rage. Non pas qu’il fasse quelque cas que ce soit de la religion mais savoir son fils en compagnie d’un autre homme, le répugnait. Qu’avait-il besoin d’aller chercher un homme quand il pouvait avoir toutes les femmes qu’il voulait pour satisfaire ses besoins charnels ?
Il avait tenté de discuter avec Alduis. Sans succès.
Il l’avait menacé. Sans succès.

Alors il était passé à la vitesse supérieure. L’atelier familiale de cuir fut saisi. Lorsqu’on cherchait bien, on trouvait toujours de quoi incriminer qui que ce soit. Personne n’était blanc comme neige. Il suffisait juste de tirer sur le bon fil et le reste venait d’office. En l’occurrence, une sombre histoire de contrebande pour tenter de faire passer leur marchandise sans payer de taxe. Certes Coldris les avaient légèrement poussés dans cette direction mais ils n’auraient pas dû accepter la proposition du premier venu dans une taverne, non ? La famille fut donc ruinée et jetée à la rue. Pourtant, Alduis rechignait toujours à lacher son misérable amant, l’amour de sa vie. Encore une discussion houleuse, entre le père et son fils qu’il avait glacialement conclu :

-Alors dit moi, mon fils. Puisque tu sembles tant tenir à ton cher petit Mathurin, d’après toi, à combien de vies estimes-tu la sienne ?

Le lendemain, le fils du tanneur déchu était retrouvé mort au pied d’une falaise. Une malencontreuse chute déclarera la maréchaussée. Mais Coldris connaissait la vérité, lui. Un adieu aurait suffi mais son fils avait procédé différemment. Soit.

Et dire que dans sa magnanimité il lui offrait la possibilité de recevoir son avis. Sans parler du fait que toutes deux étaient forts ravissantes et qu’il aurait payé cher pour être sa place. Mais tout ce que cela évoqué chez Alduis fut… Un frisson de dégoût qu’il réprima avec une nouvelle tartine. Mais qu’avait-il donc fait pour avoir un fils pareil ?

- Vraiment Alduis? Tu n’auras qu’à fermer les yeux pendant que tu la besognes.
Ou penser à ton Mathurin ...

Mais il se garda bien de prononcer ces dernières paroles. Il ne lui demandait pas de l’aimer après tout, simplement de l’engrosser et de servir une alliance juteuse. C’était peut-être un supplice pour lui, mais vraiment, pourquoi faire tout un plat de quelque chose qui pouvait durer tout juste quelques minutes ?!

Il sembla trouver le courage de prononcer quelques mots, deux pour être exacte, tout en maintenant son attention sur sa nouvelle tartine.

- Bélyl Cassin et Florentyna de Monthoux. Si tu as une autre proposition, je suis prêt à l’entendre malgré le comportement déplacé dont tu as fait preuve lors de la Cérémonie du Triomphe.

Elles étaient belles, fraiches comme des roses tout juste écloses.
Elles étaient de bonnes familles, douces et dociles.
Qui n’aurait pas eu envie de les épouser excepté son fils ?
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Message par Alduis de Fromart Mar 28 Juil - 10:01

Mathurin Auvray.


Ce nom résonnait en lui. Et invariablement, tous les souvenirs qui allaient avec revenaient à la surface. Ces mêmes souvenirs qu'il enterraient avec soin mais que le moindre coup de vent suffisait à révéler à l'air libre. Depuis la dernière fois, ils avaient à peine eu le temps de prendre la poussière.

Puisque tu sembles tant tenir à ton cher petit Mathurin...


Les mots de son père étaient encore inscrits au fer rouge dans son esprit. Des brûlures qui se ravivaient douloureusement – et cela beaucoup trop souvent à son goût.

À combien de vies estimes-tu la sienne ?


Alduis se souvenait des discussions houleuses avec son père, des menaces prononcées. C'était peut-être la seule fois où il avait réussi à lui tenir tête. C'était peut-être la seule où une personne l'avait pris pour autre chose que ce qu'il était : un monstre. Et voilà à quelle catastrophe cela avait mené.

Mais encore plus clairement, il se souvenait de ce fils de tanneur. De ses baisers, de ses mains, de ses yeux, de son sourire, de ses mots. Des nuits passées avec lui. Il se souvenait de ce désir qui enflait inexorablement en lui à chaque fois qu'il le voyait.

Enfin, il se souvenait de ce dernier jour, si précisément qu'il revoyait jusqu'aux rainures de ses iris noisette. De la nuit blanche qu'il avait passée la veille, face à ce dilemme inextricable.

Se débarasser de lui.
Laisser son père s'en charger.


Il avait eu peur. Il n'aurait jamais pu fermer les yeux en sachant ce que son père risquait de faire. Il avait ruiné la vie d'une famille. Et tout cela parce qu'il était tombé amoureux. Tout cela pour de misérables désirs qui n'avaient pas lieu d'être.

Il l'avait compris.
Qu'il ne devait plus jamais tomber amoureux.
Que l'amour n'était qu'une douce illusion qui finissait par nous être retiré, comme tout le reste.

Depuis, il essayait d'oublier.
Il y mettait toute sa bonne volonté, même si cette dernière n'existait pas, qu'importe. Il essayait vraiment. Il résistait, de toutes ses forces. Il regardait les femmes qui se trouvaient dans la même pièce que lui. Il se persuadait tellement qu'il finissait même par le croire.

Mais pour Coldris, essayer ne suffisait pas. Il le savait. Il fallait réussir. Qu'importe les efforts, seul le résultat comptait. Il devait annihiler toute trace de désir en lui. Tout souvenir de Mathurin.

C'était un accident.
Cela ne voulait rien dire.

Mais tout au fond de lui, il savait bien ce qu'il en était.
Ce n'était pas un accident. Et encore aujourd'hui, quelque chose en lui criait au manque insatiable.

Il aurait aimé pouvoir cacher ses pensées mais il en fut incapable et Coldris parvint à lire en lui. Encore une fois. Alduis était un livre ouvert pour son père, dont les pages se tournaient d'elle-même. Le moindre clignement de paupières parlait de lui-même.

- Allons, ne me dis pas que tu penses encore à lui... Après tout ce temps...

Après tout ce temps. Si, il pensait à encore à lui. À son plus grand désespoir. Et pourtant, ses nuits blanches témoignaient à quel point il voulait l'effacer de sa mémoire.

- Comment s'appelait-il déjà ? Aubin ? Saturnin ? Mathurin ?

Alduis n'avait pas eu l'intention de répondre. Mais entendre son nom, prononcé à voix haute fit battre son coeur plus vite et... et une nouvelle fois, son corps le trahit. Ce fut d'un ton tranchant que Coldris conclut :

- Mathurin, donc.

Alduis renifla ostentiblement. Il mordit une énième fois dans la tartine. Pour noyer ses pensées dans le pain craquant sous ses dents. Coldris continuait, toujours aussi dédaigneusement. Mais sinon ses mâchoires qui se crispèrent à l'idée de besogner, comme disait son père, il y eut une vague de soulagement qui l'envahit. Il était redevenu Alduis.

Il dut se faire violence pour demander leurs noms. Ce à quoi son père répondit sans tarder. Bélyl Cassin et Florentyna de Monthoux. Des noms réputés, chacun à leur manière, mais il ne connaissait ni l'une ni l'autre. Comment était-il censé choisir dans ce cas ? Son père les trouvait peut-être ravissantes, mais aux yeux d'Alduis, cela importait peu. Elles auraient très bien pu être les deux femmes les plus belles du monde, ce mariage de l'aurait guère plus enchanté.

Son père semblait attendre une réponse. Il acceptait d'autres propositions. Mais quelles autres propositions aurait-il pu faire ? Alduis eut un rictus amer avant de rétorquer d'une voix cristallisée par la colère qu'il réprimait en lui :

- Que voulez-vous que je vous dise ? Mariez-moi si ça vous chante.

Qu'importe l'épouse, ce serait du pareil au même de toute façon.
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Message par Coldris de Fromart Mer 29 Juil - 21:25

Son fils pouvait parfois être réellement désespérant. Même en outrepassant cet attachement qui n'avait pas lieu d'être à ce misérable artisan, il restait toujours cette attitude qu'il avait à l'idée de faire son devoir conjugal, chose qui était parfaitement insensée. Quelle différence pouvait-il y trouver par rapport à toutes celles qui lui étaient passées entre les mains, excepté que cette dernière serait parfaitement légitime ?

Il n’y en avait aucune.

Cela ne faisait strictement aucune différence pour Coldris, ce qui avait le don de l'agacer et de faire ciller son œil de rage, seul indice qui trahissait la profonde colère qu’il contrôlait désormais difficilement. Malgré son caractère impitoyable et même cruel à bien des égards, il lui arrivait bien souvent de céder volontairement un peu de terrain, pour mieux remporter la victoire. C’était d’ailleurs ce qu’il venait de faire en proposant à son fils d’amender sa liste de prétendantes avec les élues de son choix. En revanche s’il y avait bien une chose qu’il ne supportait pas c’était bien les simagrées en tout genre.

- Que voulez-vous que je vous dise ? Mariez-moi si ça vous chante.

Ils étaient au moins d’accord sur un point : Alduis n’avait pas son mot à dire. Il le fixa glacialement et silencieusement durant de longues secondes. Un silence rompit uniquement par les mâchoires de son fils et la croute du pain qui croustillait.

- Puisse que nous sommes enfin d’accord sur une chose, je te laisse à tes tartines

Il le reluqua une dernier fois de la tête aux pieds avant de déclarer :

- Oh et en passant : tu devrais prendre un peu plus soin de toi-même si tu ne veux pas finir comme ta pauvre mère.

Il serra les mâchoires et fit aussitôt volte-face en direction de la sortie. Puisque les choses étaient actées, il n’y avait désormais plus qu’à les mettre en place…
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