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[Flashback - 13-14 juin 1592] - Une fin précipitée [Terminé]

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Message par Coldris de Fromart Mar 17 Nov - 20:58





13 juin 1592

Quatre mois. Quatre longs mois que cette relation immorale et dégradante durait. Quatre mois de trop. Lorsqu’il l’avait appris de la part de ses mouches, il n’avait pas réagi outre mesure : les relations impies de son fils n’étaient pas nouvelles mais ne duraient jamais. Une lubie qui lui était sans doute venue à l’armée. Mais cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un officier à la veille d’une bataille. Non cette fois-ci, il avait jeté son dévolu sur le fils de ce misérable tanneur : Mathurin Auvray. Bientôt il finirait par faire les yeux doux à un esclave!

Pire que tout : leur relation ne semblait pas vouloir s’achever au grand damne de son père.

Chaque jour qui s’était écoulé depuis n’avait fait qu’accroitre son agacement. Au bout de deux mois, il avait fini par lui ordonner de mettre fin à cette relation. Sans succès. Malgré la volée qu’il s’était pris ce jour-là pour avoir osé lui tenir tête.

Au bout de trois mois, excédé, il avait décidé de se montrer plus incisif. Par un étrange concours de circonstance, on découvrit que la famille d’Auvray importait des matières premières de contrebandes afin d’éviter de s’acquitter des taxes en vigueur. La clé fut mise sous la porte et la famille ruinée. Jetée dans les rues malgré tous les plaidoyers possibles et inimaginables. Il fallait croire que Dieu n’appréciait ni les fraudeurs, ni les sodomites.

Mais cette intervention divine n'avait toujours pas suffit à mettre un point finale à cette relation contre nature. Alduis semblait s’être réellement enticher de cet artisan -désormais sans le sou-.

Coldris grinçait des dents. Il entendait bien lui donner un ultimatum… Mais pour l’heure, il devait recevoir ce garçon d’écurie qui avait la charge d'Ambrosia, sa jument andalouse grise pommelée qui n’était autre que la fille de d’Alkaios. On attendait qu'elle mette bas d'un jour à l'autre et il était impatient de voir, si le poulain serait aussi noir que l’était son grand-père. Une couleur somme toute fort rare chez les chevaux espagnols.

Léonilde lui indiqua que l'homme était arrivé. Il le fit entrer dans son bureau, lui indiquant un fauteuil.

- Alors Bertain, quelles sont les nouvelles ? Toujours rien je présume ? demanda-t-il de son habituel ton sec.

Coldris vouait une affection toute particulière à ses chevaux. Notamment à Ambrosia qui lui rappelait par bien des égards aussi bien Sillage qu'Alkaios. Tous deux avaient rendu leur dernière soupir depuis plusieurs années, tournant à nouveau une page douloureuse dans sa vie. Ambrosia était un fin fil d’Ariane vers ses souvenirs et cet âge d'or qu'il avait vécu vingt-cinq ans plus tôt.

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Message par Augustin Carpentier Mer 18 Nov - 11:09

Aujourd'hui, il s'appelait Bertain Vérande. Une grosse poignée de paille à la main, il frottait le crin d'une bête suante quand une expression presque ravie s'afficha sur son visage inexpressif et maussade. Elle s'allongeait. Enfin, leur calvaire à tous les deux allait se terminer. Tous les trois, peut-être. Il ignorait ce que ressentait la petite créature recroquevillée dans un espace trop étroit désormais, en proie à des contractions et des soubresauts nerveux. Sûrement pas que de la joie. Peut-être une forme d'impatience.

Les bêtes ne ressentaient rien, disaient certains, et c'était péché que de leur prêter douleur et sentiments, une tribulation réservée à l'humain pour ses propres fautes ; mais Bertain se réclamait plutôt du dogme de Saint François dans ce domaine. Et il était à peu près certain que l'homme marchait comme les bêtes ; il en avait vu assez de crevés de part et d'autre pour ne pas se faire d'illusions. Alors, les bêtes marchaient comme l'homme. C'était mathématique.

Tout comme, si l'on peut voir venir l'assassin, c'est que l'assassin vous voit aussi.

Il se trouvait dans une telle position, à l'égard des habitants du domaine. Tant qu'il se chargeait des chevaux, on le regardait à peine ; mais un jour, il en viendrait à faillir. Il perdrait cette posture à la fois gauche et efficace qui faisait de lui un rouage dans la machine, il parlerait trop haut, ou manifesterait sa volonté trop rudement. Il montrerait qu'il n'était pas une bête, et qu'il éprouvait des sentiments ou de la douleur. Et à transmettre le code qui constituait son âme, il courait le risque que ce soit déchiffré. Car quelqu'un, ici, était du même peuple et parlait le même langage. Bertain l'avait repéré le premier, mais cela le rendait aussi repérable.

Dès qu'il avait croisé le jeune seigneur dans les écuries, il avait su instantanément. Nul besoin que le damoiseau se livre à de grandes démonstrations ; quand on fuit un type d'homme comme la peste, on ne rate pas le moindre léger indice. Cela n'avait été qu'un doute d'abord, puis le doute s'était transformé en certitude, au bout de quelques rencontres. Bertain lui avait dit en lui tendant la bride, le regard détourné, et la posture si neutre qu'il aurait pu être une planche posée contre le mur :

"Gardez-vous du mal, messire."

C'était tout ce qu'il se permettrait. Et comme c'était un peu étrange, sa seule explication fut pour se défausser de toute intervention plus précise :

"Dame... Le mal est partout."

Depuis, il esquivait les regards et préparait son départ. Tant que la jument n'avait pas mis bas, cela aurait constitué une trahison, puisqu'on la lui avait confiée. Il se réfugiait en sa compagnie et disparaissait derrière ses tâches comme un criminel qui craint qu'on reconnaisse son museau. Même le reste des domestiques le croisait à peine ; néanmoins, on savait fort bien où il était : à son ouvrage, en bon travailleur. Il était chafouin et n'avait probablement pas toute sa conscience tranquille, ou toute sa raison intacte, mais on en voyait d'autres avec ce profil, et au final il ne dérangeait personne. Jamais de bagarres, jamais d'ivresse, jamais de larcin. Juste une drôle de bête parmi les autres.

Et maintenant, il se tenait devant le seigneur, son chapeau entre ses mains et la mine basse comme le dernier de ses paysans, tâchant au mieux de se rendre invisible dans cette belle pièce où son odeur d'écurie était tellement déplacée. Mais pour un temps ils parlaient le même langage ; la jument en labeur était au centre de leurs préoccupations.

"Elle marchait de long en large depuis hier soir, je viens encore d'essuyer sa sueur. Elle ne prendra pas froid, j'y veille. Mais enfin, elle vient de s'allonger. Ce sera pour ce soir à n'en pas douter, et je vous fais chercher dès que... Ou voudrez-vous simplement visiter demain ?"

Pour une fraction d'instant, son regard se releva et heurta celui de l'homme à son bureau. Un souvenir lui revint en tête, flou et haché, voilé par les illusions de l'enfance et la brume des cauchemars. Il avait eu un chat autrefois, une petite boule de misère et de parasites aux côtes saillantes et au mufle déformé, qui lui donnait l'air d'une petite chauve-souris. Pourquoi se rappelait-il de ça maintenant ? Ses yeux clignèrent et le souvenir disparut.
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Message par Coldris de Fromart Mer 18 Nov - 21:29



Coldris n'avait jamais eu à se plaindre de Bertain. Il était somme toute un employé idéal à ses yeux : d'une si grande discrétion qu’on en oubliait qu’il était là, il n'en demeurait pas moins que le travail était fait et bien fait. Les équidés semblaient apprécier sa compagnie -y compris les nerveux pur sang- et il n'avait jamais trouvé à redire aux stalles qui étaient dans un état impeccable.

C'est en tout humilité et déférence qu’il répondit à ses interrogations. Le Maître des lieux acquiesça silencieusement de la tête. Il appréciait que ses exigences soient devancées. Du bon sens certes, mais dont certains semblaient dépourvus ici bas.

- Très bien Bertain. Fais-moi chercher. Y compris au milieu de la nuit.

Et pour cause, lorsqu’il avait la chance de dormir, il dormait rarement plus de quelques heures. Il était donc parfaitement disposé à assister à cet événement qui n’arrivait somme toute pas tous les jours.

- Je m’assurerai que mon Intendant te verse un pécule supplémentaire pour la qualité de ton travail, Bertain. Une dernière chose, pourrais-tu faire seller l’étalon arabe alezan ? Je compte sortir ensuite.

Si Coldris dirigeait son domaine d’une main de maitre et de fer, il n’en demeurait pas moins qu’il savait se montrer reconnaissant et même généreux, par bien des égards. Les domestiques de qualité manquaient cruellement à ce pays, et ce n'était pas sur les esclaves qui rechignaient à la tâche sans carotte et surtout sans bâton qu'il fallait compter lorsque l'on devait leur confier des missions de confiance.

Sur ce, il libéra l'homme qui semblait aussi à l'aise dans ce bureau qu’un cheval non débourré.

Il attendait Alduis qu’il avait convoqué depuis trente minutes dans son bureau. Evidemment, il était en retard. Comme toujours. Sans doute à grignoter une tartine beurrée dans les cuisines. C’était bien pour cette raison que son père ne s’était guère déranger pour faire monter le palefrenier afin de prendre des nouvelles de sa jument…

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Message par Augustin Carpentier Jeu 19 Nov - 11:21

Sur une inclinaison de la tête, qui jeta devant sa face malingre un rideau de cheveux sauvages, Bertain se retira. L'argent proposé ne lui faisait en fait ni chaud ni froid ; ça lui servirait pour sa route, mais ça pouvait aussi le mettre en danger. Il faudrait bien le cacher.

Il n'alla pas loin, cependant. Il ne courait pas à son travail. S'il était dévoué, il n'était pas stupide, et évitait de s'épuiser à des tâches qui ne servaient à rien. En ce moment, la jument était étendue et tâchait de se calmer. En se démenant autour d'elle pour se faire bien voir, il ne ferait que la laisser plus inquiète encore. Quand il reviendrait à ses côtés, il ferait une sieste près d'elle, pour la rassurer par sa présence et par son calme. Le petit être n'apparaîtrait pas sur la Terre avant quelques heures sans doute.

Il se retira donc sans presser le pas, et alors qu'il allait quitter le couloir, croisa le jeune maître qui remontait l'escalier. Ils échangèrent un regard et il se contenta de fixer rapidement ses pieds, sans lui adresser autre chose qu'une salutation marmonnée entre ses dents. Sans aucune animosité particulière envers le jeune maudit, chaque rencontre était une possibilité de lui étendre sa malédiction, et qui sait si les bonnes manières et les précautions de Bertain suffiraient alors à la laver. Non, si un jour dans sa vie on s'apercevait de ses attractions, il était mort.

Et non seulement mort. A nouveau l'image floue du chat remonta dans sa poitrine, et il s'arrêta au bout du couloir, à l'entrée de l'escalier. Les lieux étaient déserts, et derrière lui, il entendait se refermer la porte ; monsieur recevait son fils. Quelque chose se bloqua dans sa gorge et il resta incapable de s'engager au long des degrés. Sans savoir pourquoi, il fit demi tour au bout de quelques secondes. De ce pas silencieux qui complétait son allure invisible, il revint en direction de la porte, à présent hermétiquement close.

Son coeur cognait dans sa poitrine, il n'avait aucune raison d'être ici, du moins, aucune explicable à voix haute. Intérieurement, il savait ce qui le poussait, un insondable besoin de savoir ce qui se passait dans cette pièce, à quel point le danger était haut pour lui, à quelle vitesse il devait prendre la poudre d'escampette. Brave jument qui allait mettre bas dans la nuit. C'est lui qu'elle allait délivrer. Dès demain peut-être... Oui, plus il écoutait à la porte, et plus il se disait que demain serait une bonne décision.

Une sueur froide remonta son échine, véritable serpent monté des profondeurs de la terre pour aller mordre sa raison, et il faillit s'enfuir en courant. Mais il parvint à se contrôler suffisamment pour s'éclipser, toujours de son pas de loup, sans montrer le moindre signe de l'agitation qui se débattait dans son for intérieur comme un démon qui a touché l'eau bénite. Sa place était aux écuries, c'était dit, et il n'en bougeait plus. Ah oui... Seller l'alezan. Etant donné la tâche principale qui était la sienne, on ne se formaliserait pas qu'il s'y soit pris avec quelques minutes de retard.

Tout allait bien. C'est ce qu'il se répétait, pour calmer les hurlements du démon effrayé. Tout allait bien. Personne ne se doutait de rien. Et dès demain, dès que le poulain serait debout sur ses jambes et aurait pris un peu de lait, dès qu'il aurait pris du repos de cette nuit qui resterait blanche, il disparaîtrait de ces lieux, pour ne plus jamais y remettre les pieds. Il n'aurait plus qu'à oublier.
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Message par Alduis de Fromart Jeu 19 Nov - 18:02

Spoiler:

Trente minutes qu’on était venu le prévenir que son père voulait lui parler.
Trente minutes qu’il le faisait attendre.

Il savait pourquoi son père voulait le voir. Du moins, il s’en doutait. Parce que toutes leurs conversations tournaient depuis des mois autour du même sujet. Mathurin. Mathurin Auvray, le deuxième fils du tanneur, avec ses yeux noisette, ses cheveux bruns, son sourire et sa voix grave. Mathurin Auvray qui occupait ses nuits et ses journées, pour son plus grand désarroi.

Bien sûr que c’était de lui que son père voulait lui parler. De quoi d’autre ? Coldris ne convoquait pas dans son bureau pour parler météo et chevaux. Jamais.

La vérité, c’était qu’Alduis repoussait le moment de l’entrevue parce qu’il avait peur.
Depuis des mois, depuis le 21 décembre 1591, depuis qu’il l’avait embrassé et qu’il ne parvenait plus à se le sortir de la tête.

Et à chaque fois qu’il croisait - accidentellement - son reflet dans le miroir, qu’il voyait le tracé que sa propre dague avait laissé sur la moitié gauche de son visage, il se rappelait avec une boule dans le ventre à quel point il était faible. À quel point il avait échoué. Parce que Mathurin était loin de le trouver laid, malgré la cicatrice. Six mois après, Alduis ne s’était toujours pas habitué à la sentir sous ses doigts quand il se passait machinalement la main sur le visage.

Il était incapable de résister à l’appel. Combien de fois s’était-il dit qu’il n’irait pas le retrouver, qu’il l’embrassait pour la dernière fois ? Il ne les comptait plus. À chaque fois, il cédait devant la morsure de son cœur. À chaque fois, il l’embrassait de nouveau comme la première fois. C’était bien plus fort qu’il ne le serait jamais.

Il s’en voulait. De ne pas avoir eu le cran de le repousser, de ne pas avoir été assez fort pour résister, de l’aimer autant.

Et il en voulait à Mathurin pour, à chaque fois qu’il le prenait dans ses bras, le serrer encore plus fort.

Il était plongé à tel point dans ses pensées qu’il ne vit qu’il n’était pas seul dans le couloir en arrivant au niveau de l’homme. Le palefrenier. Bertain Vérande, que son père avait dû convoquer au sujet de sa jument qui allait mettre bas. A peine avait-il croisé son regard que l’homme se prenait d’une attention passionnée pour ses pieds. Ce fut quelques mots marmonnés qui franchirent les lèvres pour le saluer. Alduis s’arrêta devant lui, le toisa de la tête aux pieds sans s’en cacher, comme s’il cherchait à lire en lui. Ce n’était pas dit d’un ton agressif, mais quelque chose le dérangeait. Alduis était loin d’être un idiot et il savait reconnaître quand quelqu’un ne se comportait pas normalement avec lui. Et c’était le cas de cet homme, il en aurait mis sa main à couper.

Il l’observa quelques secondes encore, silencieux, à essayer de percer cette étrange attitude. Il aurait pu avoir la lèpre qu’il n’aurait pas été plus distant avec lui. Certes, il était domestique. Mais Alduis savait que quelque chose n’allait pas, il le sentait dans ses tripes à chaque fois qu’il le croisait – ce qui était si peu souvent qu’il en venait à croire qu’il l’évitait. Mais il étudierait cette question un autre jour ! Il fit vote face en répondant d’une voix parfaitement claire, comme si de rien n’était :

- Bonne journée, Bertain !

Et il s’éloigna avec sa démarche cadencée de militaire habituelle.

Quelques secondes, il était devant la porte du bureau. Ce bureau. Il resta une seconde planté devant, prit une inspiration, réarrangea ses manches sur ses poignets et passa les mains dans ses cheveux. Quand il eut suffisamment de courage, il entra.

Il ne prononça pas un mot.

Il ne lui ferait pas le plaisir de le saluer.
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Message par Coldris de Fromart Ven 20 Nov - 14:59



Bertain se retira à ses affaires et quelques minutes, plus tard, après avoir tout juste eu le temps de lire une circulaire et d’y apposer son sceau, Alduis entra, sans un bruit.
Coldris releva la tête et posa sa plume dans la gouttière de porcelaine.

- Ah ! Alduis! Te voilà enfin énonça-t-il banalement comme si l’attente avait été interminable.

Il n’était pourtant pas le moins du monde étonné de son apparition. Tout bonnement car Alduis, n’arrivait jamais à l’heure. Il suffisait donc d’intégrer le délai dans son planning et tout allait pour le mieux.

Il ne s’offusqua pas plus de son silence. Coldris avait l’habitude de parler seul et d’entamer la conversation dans tous les cas. Il préférait être celui qui engageait que celui qui recevait. Son regard de glace se planta dans le sien et les secondes s’égrainèrent lentement au rythme du tic-tac du pendule de cheminée.

Son fils ne reprendrait pas la parole, il le savait pertinemment. Il souhaitait simplement lui laisser tout le loisir d’admirer les flammes polaires de rage qui brûlaient au fond de ses prunelles. Cette colère sourde qu’il contenait désormais depuis plusieurs mois. Cette colère qui crispait chaque muscle de son corps jusqu’à ses pupilles qui paraissaient se noyer dans les profondeurs de ces deux lacs glaciaires.

- Je pensais pourtant avoir été clair. finit-il par dire d’un ton tranchant

Ses machoires se serrèrent. Que lui fallait-il de plus pour qu’il comprenne. Qu’il l’expédie aux Amériques sur le premier navire en partance de Nérée ?

- Il serait temps de se montrer enfin raisonnable, tu ne crois pas ?

Dernière sommation. Il n’y en aurait aucune autre après celle-ci.

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Message par Alduis de Fromart Sam 21 Nov - 14:29

Alduis se retrouvait devant ce bureau et il faisait de son mieux pour faire taire cette peur sournoise en lui. Son père releva la tête et posa doucement sa plume.

- Ah ! Alduis !

Quelqu’un d’extérieur aurait certainement cru que son père était lassé de cette attente, mais pas lui. Parce qu’il savait pertinemment que Coldris avait prévu dans son emploi du temps ce délai. Pour bouleverser les plans de son père, il aurait suffi à Alduis d’arriver à l’heure, de changer ses habitudes. Mais ce n’était pas son genre.

Il n’ouvrit pas la bouche pour lui rendre son salut pour le moins direct. Il garda les yeux braqués dans ceux de son père. Il aurait certainement dû les baisser, plier immédiatement et arrêter de lui tenir tête. Cela n’apporterait rien de bon, il le savait, il le sentait au fond de ses tripes. Mais il ne pouvait se résoudre à céder, sans pouvoir se l’expliquer. Il brûlait un feu étrange en lui.

Le regard de glace de Coldris ne bougea pas lui non plus. Leur affrontement muet dura longtemps. Plusieurs secondes interminables de silence, dans lesquelles l’horlogerie de la pièce résonnait avec assourdissement, comme si l’atmosphère s’alourdissait autour d’eux.

Au fond des prunelles de son père, la colère flambait froidement. Il était furieux, Alduis pouvait le percevoir d’ici. Furieux qu’il ose lui tenir tête depuis des mois. Malgré la gifle, malgré les menaces, malgré la ruine. Et pourtant, en face de regard glacial, une partie de lui flanchait toujours.

- Je pensais pourtant avoir été clair.

Le ton tranchant perça le silence. Il était inutile de préciser quel était le sujet de la conversation. Alduis ne bougea pas d’un millimètre. Son père s’était montré on ne peut plus clair, en ruinant les Auvray.

Mais Alduis ne voulait pas, il ne pouvait pas le laisser tomber. Il avait essayé mais il suffisait qu’il croise ses yeux bruns pour qu’il oublie cette idée.

- Il serait temps de se montrer enfin raisonnable, tu ne crois pas ?

Alduis ne broncha pas. Il garda les yeux plantés au fond de ceux de son père. Se montrer raisonnable. Une partie de lui soufflait qu’être raisonnable, c’était de garder Mathurin auprès de lui.

Alduis ne décrocha pas un mot. Ce n’était pourtant pas un silence soumis ou respectueux. Chaque muscle de son corps était aussi dur que de l’acier, chaque nerf aussi tendu que la corde d’un arc. C’était un silence plein de morgue et de défi. Un silence qui refusait de céder.

Et soudain, ce fut quatre mots, prononcés entre ses dents serrées, dans un murmure obstiné et brut :

- Allez vous faire foutre.
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Message par Coldris de Fromart Lun 23 Nov - 11:55



Pas un son ne sortit des lèvres d’Alduis. Pas un cheveu ne se souleva. Pas un cil ne vibra. Il était parfaitement immobile. Figé dans une attitude marmoréenne.
Autour d’eux, l’atmosphère était lourde, pesante, étouffante. Leurs regards s’étaient accrochés et ne se quittaient plus.
Ce qui agaçait le plus Coldris en ce moment même, c’était de constater que son attitude n’avait rien de soumise ou repentie. Non, elle était bien au contraire pleine de défi.

Que devait-il faire pour qu’il comprenne ? Il ne pouvait pas aimer les hommes. A une autre époque, peut-être… Les latins et les grecques n’en faisaient pas tant cas après tout. Mais désormais, ces relations contre nature ne faisaient que jeter l’opprobre sur leur famille, trainant leur nom de la boue. Ce n’était guère qu’une question de temps avant que les rumeurs ne s’emparent de ce sujet ô combien croustillant des pratiques sexuelles du fils du Ministre des Affaires Etrangères. Baiser les soldats en campagne était une chose. Entretenir une relation en était une autre. Et il ne laisserait pas celle-ci s’éterniser plus encore.
Quand Coldris décidait quelque chose, il ne finissait toujours par l’obtenir. D’une façon ou d’une autre.

Ce fut sans préavis que le silence fut rompu par quatre mots acerbes qui sifflèrent entre ses lèvres closes. Quelle ironie que ceux-ci !

- Ne me prête pas tes désirs. trancha-t-il glacialement en s’appuyant du plat de sa main sur le bureau avant de se laisser tomber au fond de sa chaise.

Il entrelaça ses doigts, un petit rictus au bord de lèvres.

- Tiens-tu donc tant que cela à lui ? il laissa courir un silence avant de reprendre Alors dis-moi donc… A combien de vies estimes-tu celle de ton cher petit Mathurin ?

Combien de vies valaient-ils le coup de sacrifier pour poursuivre cette relation. La ruine n’avait pas suffi ? Qu’à cela ne tienne, il pouvait aller, beaucoup, beaucoup, beaucoup plus loin.

- Une ? Deux? Trois? Plus?

Son regard se ferma, ses traits se crispèrent tandis qu’il lâcha.

- Tu as une semaine pour mettre un terme à votre relation. Pas un jour de plus.

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Message par Augustin Carpentier Lun 23 Nov - 15:56

En arrivant dans les écuries, Bertain réalisa tout à coup que plusieurs personnes lui avaient adressé la parole, et qu'il ne leur avait pas répondu. Plus tard, quand on discuterait de son départ, on conviendrait qu'il avait l'air étrange la veille. Bah, ça ne le concernait plus. Il alla seller le cheval demandé, la tête ailleurs, l'attacha à l'entrée, et rejoignit le fond de l'écurie, où il avait laissé la brave bête confiée à ses soins. Il revint dans l'instant présent lorsqu'il réalisa que le spectacle devant ses yeux n'était pas normal, ce n'était pas celui qu'il attendait.

Pourquoi la jument s'était-elle relevée ? Pourquoi la précieuse monture avait-elle repris ses allées et venues dans sa stalle, pourquoi la paille était-elle marbrée de sang noir, pourquoi posait-elle sur l'homme responsable de son bien-être un regard embué de larmes ? Bertain se rapprocha et l'arrêta, mais elle piaffait, impatience de reprendre sa marche sans but, comme une lente et laborieuse fuite en avant. Il la comprenait. Le caractère de ces colosses craintifs n'était pas une énigme pour un homme qui vivait de dévorer les arpents.

Son oreille se posa sur le flanc humide, où couraient des frissons de fièvre. Il écouta. Le grand coeur aux battements lourds était toujours là, mais il ne trouvait pas l'autre coeur, celui qui aurait dû lui répondre par de petits battements précipités. Rien, que le vide de l'abîme, dans cette panse qui semblait pourtant gonflée de vie. Et il sentit la main glacée de la malédiction qui venait lui saisir la nuque.

Non. Non. Non.
Ce mot qui martelait le crâne du serviteur était ce qu'il y avait de plus proche chez lui d'une prière, et ce n'était qu'une expression primale de désespoir, plutôt qu'un véritable appel ; on ne supplie pas la botte qui nous écrase la face contre terre.
La mort était sur eux.

Il l'avait sentie planer là-haut, dans les étages, en percevant un dialogue qui lui avait fait dresser les cheveux sur la tête ; il avait entendu les échos de l'abîme dans les voix ténues qui lui parvenaient à travers l'épaisse porte de chêne. Il s'était senti basculer, et il avait cru fuir, mais on ne fuit pas ces brumes-là, elles s'infiltrent dans toutes les cachettes et étouffent les souffles les plus hardis.

Cherchant du regard autour de lui, le palefrenier avisa les outils du maréchal ferrant. Il n'aurait pas pensé que cette pince ou cette tenaille lui seraient utiles ce soir. Mais ce qui se trouvait dans les entrailles de la jument n'était plus une heureuse surprise à venir, et n'avait plus rien à y faire ; c'était un poids mortel qui la tuait à petit feu.

La mort était sur eux, et faute de pouvoir s'en défendre, faute d'y arracher désormais l'objet de sa mission, il allait tâcher d'en délivrer au moins cette créature douce et innocente, qui attendait son aide avec une patience angélique, une confiance comme aucun de ses congénères trop rusés, trop défaitistes, n'en vouerait jamais à personne. Et surtout pas à lui, l'éternel fils de personne sorti de nulle part.

La charge qu'elle portait devait maintenant quitter son corps, d'une manière ou d'une autre. Bertain attendit qu'elle s'allonge à nouveau, le col étendu à terre cette fois et la tête posée, comme si elle attendait de s'envoler elle aussi. Mais ses propres spasmes ne pouvaient rien pour elle, et son énergie s'était épuisée à cette longue lutte immobile. L'homme se mit à la tâche, et tandis que dans les étages se jouait le sort d'un autre, la progéniture sans vie s'exposa peu à peu à la lumière, pour finir déchirée et froide sur la paille souillée.

Et à la voir, il constatait avec douleur que rien ne pouvait plus être tenté. Tout s'était joué tandis qu'il montait les escaliers, sans doute. Combien de temps s'était-il écoulé, entre le moment où il avait annoncé au seigneur que tout se passait à merveille, et ce cauchemar qui s'étalait à présent devant ses yeux ? A défaut de pouvoir faire un miracle, le palefrenier avait agi vite. La tête lui tournait maintenant et il ne savait plus que faire de ses mains vides. Les outils tombés à ses pieds lui faisaient horreur.

Tu pourrais presque devenir boucher. Et ce grand rire barbare venu du fond des âges, ce rire qu'il avait imité par peur, ce matin-là, peur d'être le prochain sur la liste, en songeant déjà à la manière dont il s'éclipserait le lendemain. Sa première fugue était présente dans toutes les autres. Elle le serait plus encore dans celle-ci.

Une autre phrase de son père le hantait, celle qu'il répétait quand le sort s'acharnait : Advienne que pourra. Mais le stoïcisme ne lui était d'aucun secours ; l'âpre odeur du sang le prenait à la gorge comme une poigne vengeresse, et il restait agenouillé à terre devant son sinistre ouvrage, l'oeil vide et les mains désarticulées, pantin abandonné sur le coin de la scène. Et il lui semblait sentir, à travers ce voile rouge et oppressant, une autre odeur menaçante à l'horizon, celle du bûcher. Mécaniquement, sa main se tendit et caressa le poil trempé de la petite carcasse tordue. Noire, comme son chat, évidemment, il aurait dû s'en douter.

Il entreprit de former une poignée de paille pour nettoyer un peu les fluides, rendre la petite chose plus présentable. Ça ne servait à rien, mais la jument semblait être de son avis, car en se redressant sur ses pattes chancelantes, elle vint appliquer quelques coups de langue incertains. L'homme lui sourit faiblement, se redressa à demi sur un genou, attira sa grande tête placide, et posa le front sur sa joue. C'était fini, du moins ; pas de la manière qu'ils avaient espérée, mais elle devait en être soulagée.

"Il ont attiré la mort," dit-il d'une voix sourde. "Toi et moi, on n'y pouvait rien. On n'est que des pauvres gens et des animaux. On fait de notre mieux, on subit et on attend, et un jour, on meurt."
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Message par Alduis de Fromart Mer 25 Nov - 16:21

TRIGGER WARNING:

-- Le 14 juin 1592 --
_____________

Mathurin.
Mathurin, ses yeux bruns, ses cheveux, sa voix grave.
Mathurin et son corps désarticulé.
Mathurin mort.

Les mots que son père avait dit la veille résonnaient encore et encore dans son esprit. Il n'en avait pas fermé l'oeil de la nuit. Il en avait oublié de manger la veille. Et même alors que tout était fini, qu'il n'aurait plus dû y penser, voilà qu'ils étaient toujours là, et se mêlaient aux paroles de Mathurin.

Je t'aime quoi qu'il arrive.

C'était ce qu'il lui avait dit. Qu'il l'aimait quoi qu'en dise la religion. Quoi qu'en dise la société. Quoi qu'en dise son père. Est-ce que désormais, le crâne éclaté contre le sol plusieurs mètres plus bas, il l'aimait toujours ?

Alduis chassa aussitôt cette pensée au fond de sa mémoire. Non. Ça ne lui faisait rien.

Alors pourquoi ne parvenait-il pas à penser à autre chose ? À se sortir son corps désarticulé en contre-bas de la tête ?

Il était mort.
Ça ne lui faisait rien.

C'était comme un mantra qu'il se répétait, pour se le prouver.

Ça ne lui faisait rien.
Rien.
Absolument rien.


Pourtant, il entendait encore sa voix. Devinait encore ses yeux. Percevait encore le contact de ses mains et de ses lèvres. Ses doigts se crispaient autour des rênes. Mathurin n’était plus qu’un cadavre. Il serait bientôt quelques restes grignotés par les asticots. Ce n’était rien.

Alduis était militaire. Et un militaire était fort. Un militaire ne s’apitoyait pas sur son sort. Jamais. Il serrait les mains de plus en plus, si bien que ses jointures en étaient devenues blanches.

Avait-il eu mal ? Et s’il n’était pas mort sur le coup ?

Alduis mit pied à terre. Non. Ça avait été rapide. Il n'avait rien senti. Il dessella sa jument, en essayant d’ignorer les tremblements qui le prenaient. Il s’en fichait. Courage posait sur lui son grand regard humide. Alduis serra les mâchoires et donna un grand coup de poing dans le boxe en sifflant entre ses dents :

- Arrête de me regarder comme ça. Je me sens bien.

Vraiment ? semblait dire son cheval, avec ses grands yeux bruns. Et si tu cessais un peu de te mentir, Alduis ?

Alduis s’arrêta un bref instant. Il regarda les pointes de ses bottes poussiéreuses. Une nouvelle vague d’images l’inonda. Il ferma les yeux pour essayer de les chasser. Quelque chose d’étrange se pressait au coin de ses yeux. Ses poumons brûlaient. Il se mordit le poing de ses forces pour contenir les émotions qui allaient déborder. Quand il eut réussit à les renvoyer en arrière plan, il releva la tête et toisa Courage - comme on toise un adversaire :

- Je me sens bien, répéta-t-il d’une voix dure. Parfaitement bien.

Ce fut à cet instant qu’il vit son père. La colère monta d’un coup, décuplé par dix. Il serra les poings. Ce fut comme un champ électrique qui se mit à crépiter autour de lui. Même Courage piaffa à côté de lui. Il sortit du boxe. Chacun resta soigneusement à distance, à se faire oublier dans un coin.

Alduis ne leur accorda pas un regard.

Il fondit sur son père. Sans une hésitation, d’un pas décidé. Il se fichait d’être en public, il se fichait de la prudence et des rumeurs qui suivraient cet évènement. Il se fichait des conséquences. Il ne réfléchissait plus. Mathurin était mort. C’était tout ce qu’il arrivait à se dire. Et c’était la faute de son père.

Il devait payer.

En arrivant au son niveau, il s’arrêta à peine. Quand il arriva sur lui, son poing était déjà armé et il frappait déjà. Sans lui laisser le temps de parler, sans ouvrir la bouche lui-même.

Il frappa, plus fort qu’il n’avait jamais voulu frapper quelqu’un. De toute sa force. De toute sa rage. Il écumait littéralement de fureur.

- Fils de pute ! siffla-t-il entre ses dents en gardant ses poings fermés, prêts à redonner un autre coup.
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Message par Coldris de Fromart Mer 25 Nov - 16:27

1-15 il le voit arriver et esquive de justesse.
16-30 Il le voit venir et pare le coup. Les dégâts sont minimes (petit hématome
31-55 Il le voit juste à temps mais ne parvient pas à atténuer pleinement le coup. (saigne du nez)
55-80 Il l'aperçoit trop tard et encaisse la quasi totalité (ouverture de la lèvre)
81-100 Il ne le voit pas et encaisse de plein fouet (ouverture de l'arcade et œil au beurre noir)
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Message par Fatum Mer 25 Nov - 16:27

Le membre 'Coldris de Fromart' a effectué l'action suivante : Lancer de dés


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Message par Coldris de Fromart Jeu 26 Nov - 14:25




13 juin 1592,

Bertain était venu le trouver la mine affligée. Tout ne s’était pas déroulé comme prévu. C’était les mâchoires serrées qu’il avait accueillies la nouvelle. Non pas de colère envers le palefrenier qui n’avait guère pu faire mieux que son travail, mais de crainte de perdre sa jument. Il n’avait que deux chevaux issus d’Alkaios, un étalon gris fer et sa pouliche grise pommelée. La mise bas faisait partie des risques. Que ce soit chez le cheval ou chez l’humain, il l’avait appris à ses dépens.

Le poulain n’avait pas survécu. Mal positionné et sans doute affaibli par les contractions utérines, Ambrosia n’avait pas réussi le délivrer. Le jeune homme avait fait tout son possible – et son récit le toucha – afin de l’aider, en vain : le petit être était mort avant d’être né. Coldris était dans l’écurie, caressant le crâne froid et noir de la dépouille endormi pour l’éternité. Il était aussi noir que son grand-père. Le serait-il resté ? C’était toute la surprise des chevaux gris : tous naissaient aussi noirs que du charbon et se délavaient avec le temps. Son museau ne laissait pas présager un blanchissement important, mais seul l’avenir aurait pu l’assurer avec certitude. Ambrosia donnait de légers coups de museau sur son défunt petit, mais il refusait obstinément de se dresser sur ses frêles petites pattes. Il déposa une main bienveillante sur son chanfrein truité :

- Je suis désolée ma belle. Tu n’as pas à t’en vouloir, tu sais. Tu n’y es pour rien.

Ses doigts glissèrent jusqu’à ses naseaux doux comme du velours


Elle est morte en lui donnant la vie.
Je suis désolée.
Je n’ai rien pu faire.
Où est mon fils ? Où est-il ?
Pourquoi vous ne l’avez pas ramené ?!
Pourquoi. ?!
POURQUOI ?!

- Si tu savais comme je comprends ta peine...





14 juin 1592,

Il n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Les cauchemars l’avaient assailli dès lors que ses paupières avaient failli. Aurélia, Ambrosia, la tempête, Sarkeris, le petit poulain noiraud… Tout s’était mélangé dans un indescriptible tourbillon mêlant passé et présent. Il avait eu l’impression de se noyer dans cette mer déchainée, en même temps que les spectres l’assaillaient de toute part. Comme à chaque fois, c’était dans son bureau qu’il avait trouvé refuge.
Écrire, écrire, écrire et encore écrire.
Il n’avait levé la tête que de temps à autre pour admirer sa figure rassurante encadrée de boucles blondes.

Dès les premières lueurs de l’aube, il avait sellé l’étalon pour se défaire de ses ombres. Il avait galopé à vive allure jusque sur les coteaux de Braktenn. L’un de ses endroits favoris. D’ici, l’on pouvait voir les tuiles ocres s’embrasaient sous les rayons dorés du soleil matinal. Autrefois, il venait souvent avec elle, ici. Coldris n’avait fait demi-tour qu’une fois l’astre entièrement visible au-dessus de l’horizon.

Cela faisait un bon moment qu’il pansait Kleitos. Il n’avait pas souvent l’occasion de s’occuper ainsi de ses chevaux et c’était un moment agréable. Bien sûr, il n’avait pas manqué de visiter Ambrosia, toujours convalescente et en bonne forme. Aucune hémorragie à déplorer ce qui était bon signe pour son rétablissement physique. Il faudrait désormais qu’elle fasse son deuil. Il était persuadé que les animaux aussi -certains du moins- réalisaient ce qu’était la mort. Il n’y avait qu’à l’entendre hennir plaintivement pour s’en convaincre.

Quelques minutes plus tard, il entendit la voix de son fils discuter avec sa monture. Il demeura un instant silencieux puis sortit de la stalle. Alduis avait dû l’entendre car Coldris n’eut qu’une fraction de seconde pour réagir à la charge furieuse de son fils qui envoya son poing dans son nez. Il esquiva. Trop tard, pas assez. Toujours est-il que s’il évita le plus gros du coup, il sentit un liquide chaud s’écouler de ses narines. Il l’essuya du revers de sa main – en prenant garde de ne pas salir son pourpoint -, laissant une trace pourpre sur sa peau qu’il contempla.

- Fils de pute !

Il releva ses prunelles lentement vers lui. Ce matin-là, elles paraissaient plus sombres que jamais. L’insulte ne lui faisait pas le moindre effet. Il l’aurait lui-même admis : sa mère n’était guère mieux qu’une catin mariée.

Il déglutit péniblement. Pourquoi avait-il brulé ces papiers ?
Il regretta subitement que Sarkeris ne soit pas son héritier.
Alduis ne lui causait que des problèmes. Asoana devait bien rire dans les profondeurs de sa crypte…

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Message par Augustin Carpentier Jeu 26 Nov - 15:45

Le baluchon était déjà prêt lorsque Bertain était monté rencontrer le seigneur, pour l'avertir de l'issue malheureuse. Il ne restait qu'à attendre son inspection... patienter... rester silencieux, rester invisible. Et puis, dès que possible, dormir. Il n'était pas en état de voyager. Il fallait se forcer à dormir pour pouvoir traverser une distance suffisante, lorsqu'il se mettrait en mouvement. Mais le sommeil ne venait pas. La nuit sifflait dehors comme une succube.

Bertain ramassa son baluchon, et se glissa dehors en retenant son souffle, comme un voleur. Qu'emportait-il ? Rien. Qu'un secret qu'il n'aurait pas voulu connaître. Il en confronta un autre. Il resta figé dans l'ombre alors qu'une silhouette chutait devant lui, comme tombée du ciel. Il ne se montra pas ; réfugié sous l'abri de la pierre, devenu pierre lui-même, il regarda la forme au sol. Il n'y avait rien à faire de toute façon. Que retenir le hurlement de terreur dans sa gorge, et lorsqu'il se sentirait capable, reculer très lentement, rentrer dans l'écurie et s'y cacher en tremblant, comme un rat qui a vu un congénère tomber sous les griffes.

Finalement, il ne partirait pas cette nuit. Il n'en avait plus la force, ses jambes se dérobaient sous lui, son esprit vacillait sous l'emprise d'une peur abjecte. Il avait l'impression de voir et d'entendre des dangers prêts à se jeter sur lui, dans chaque coin de ténèbres et derrière chaque poutrelle. Cette nuit, les spectres étaient de sortie.

Le matin n'amena aucun soulagement. Du moins, il pouvait se réfugier dans les soins apportés à la jument. Elle était sa protection, l'explication pour ses yeux cernés et sa mine basse, le prétexte à son silence, la tâche qui justifiait qu'il ne regarde personne en face. Elle lui donnait à occuper ses mains. Tant qu'il n'aurait pas repris suffisamment de maîtrise sur lui-même pour se lancer dans une longue route, il se cacherait auprès d'elle. C'est ce qu'il faisait lorsque les maîtres vinrent poursuivre leur algarade juste devant le bâtiment.

Son dos s'était raidi lorsqu'il avait entendu le cri et le coup, comme s'il avait reçu un coup de fouet. Il n'avait pas besoin de ce rappel, il savait parfaitement qu'un massacre était en cours et qu'à la moindre imprudence, il pouvait être le prochain sur la liste. Mais ses nerfs s'embrasaient de signaux affolés ; il était face à l'abîme à nouveau, vacillant, les orteils au dessus du gouffre, tendu pour lutter contre l'aspiration de la chute. Surtout, il ne fallait pas qu'on le remarque. Il fallait qu'il tienne bon. Il fallait... impossible.

Là où le malaise d'autres serviteurs, palpable comme une brume moite tombée sur la cour, les empêchait de bouger, le sien avait raison de cette paralysie qu'il pratiquait depuis la veille avec une discipline de fer. Ses limites dépassées, il ne pouvait plus que supplier, crier, et se jeter à genoux.

"La mort est sur nous, elle a déjà frappé deux fois cette nuit," s'écria-t-il en accourant pour se placer entre les deux hommes. Ils le savaient, le palefrenier ne leur apprenait rien ; et il n'était aucunement en position de les exhorter ; dès qu'il fut sous le feu croisé de leurs regards, il se sentit moins à sa place que jamais. Sa voix dérapa, bégaya presque, alors qu'elle s'éteignait peu à peu dans un murmure honteux. "Il faut qu'elle s'en aille, maintenant. Il faut qu'elle quitte ces murs. Ne faisons rien pour la retenir. Gardons-nous du mal."

Son regard croisa brièvement celui d'Alduis, mais il resta incapable de le soutenir.

Que la crainte de la violence était donc une marque vile ; elle semblait placer sur lui le sceau de l'infamie et de la basse naissance, tandis que les deux aristocrates dressés sur leurs ergots, les yeux pleins de ténèbres et de flammes, ne demandaient qu'à la déchaîner sous une forme chaude ou froide, jusqu'à ce que toutes leurs offenses soient vengées et toute leur dignité réaffirmée. Enfin, c'est ce qu'il imaginait. Il ne comprenait pas réellement comment fonctionnaient de tels esprits. Tout ce qu'il savait, c'est que son angoisse devait leur paraître bien risible. Et son intervention, bien déplacée. Il perdit contenance, spectre falot soufflé par une bourrasque.

"Pardonnez-moi, messires. Je ne suis qu'un lâche. Et je n'ai pas à vous conseiller."
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Message par Alduis de Fromart Sam 28 Nov - 15:01


Il y avait un vide en lui. Le même que celui dans lequel était tombé Mathurin, avant de s’écraser au sol, comme s’il était une poupée de chiffon. Alduis regrettait d’avoir regardé en bas. Il regrettait de s’être attardé au bord du vide. Il aurait dû tourner les talons aussitôt, sans prendre le temps de contempler ce cadavre désarticulé sur les rochers. Il le savait. Mais il l’avait fait. Et désormais, il ne pouvait plus penser à autre chose.

Il avait tué beaucoup de personnes sur le champ de bataille. Des centaines. Sauf qu’à la guerre, c’était l’autre ou soi. À la guerre, tout le monde tuait pour la même chose : rester en vie. On savait pourquoi on se battait, pourquoi on enfonçait sa lame dans le corps adverse. Mais maintenant ?

Il avait poussé Mathurin dans le vide. Il l’avait tué. Ce n’était pas pour sauver sa vie, pourtant. Pour quoi d’autre, dans ce cas ? Il n’arrivait pas à comprendre. Il avait beau avoir vu le corps, il avait du mal à réaliser que c’était vraiment fini. Qu’il l’avait fait.

Et si, au lieu de le pousser, il l’avait pris dans ses bras et l’avait serré de toutes ses forces contre lui pour être sûr de ne pas le perdre ?
Et s’il avait goûté de nouveau au plaisir de ses lèvres, malgré les avertissements dans sa tête ? au plaisir de sa peau sous ses doigts ?
Ou même … s’il s’était laissé tomber à sa place ?

S’il avait fait autre chose, comment seraient les choses à l’heure actuelle ? Il ne serait certainement pas en train de regarder le sang couler du nez de son père et ce dernier l’essuyer en faisant attention à ses vêtements. Coldris avait évité le plus gros du coup, mais le peu qu’il avait pris avait suffi à inonder le bas de son visage d’un flot carmin.

Et si Alduis avait hésité une seconde de plus - une seconde de trop - et qu’il n’avait pas réussi à passer à l’acte ? qu’il l’avait à la place entraîné loin du bord pour l’embrasser et s’oublier ?
Et si Mathurin avait compris pourquoi il lui semblait si bizarre ? ou bien s’il avait aventuré plus en avant ses mains sous sa chemise ?

Que se serait-il passé ?

Il est mort. Et je m’en fiche.

Alors pourquoi la simple vue de son père suffisait à inonder son esprit de ce sang répandu sur les rochers, comme des embruns d’écume ? Pourquoi ressentait-il subitement son estomac se retourner, une vive douleur au creux du ventre ? Il avait envie de le frapper, encore et encore, et certainement aurait-il attaqué de nouveau quand soudain, une silhouette s’interposa.

Une silhouette qu’il reconnut aussitôt. Bertain, marqué par l’anxiété par chaque pore de sa peau. Se garder du mal… C’était trop tard, beaucoup trop tard. La mort était déjà là, elle ne partirait plus. Et Alduis avait beau se persuader du contraire, il devait se rendre à l’évidence. Il aimait les hommes. Il aurait beau tout faire, son regard s’attarderait toujours plus sur les soldats que sur les amies de Bérénice.

S’il avait réussi à écarter Mathurin dès le début ? S’il n’avait pas cédé aux appels de son corps ?
Et même… s’il n’était pas tombé amoureux ?
Rien ne serait arrivé.

Gardons-nous du mal.

Alduis eut un rictus parfaitement indéchiffrable. Un mélange de toutes les émotions et d’aucune tout à la fois. Le regard se baissa en croisant le sien, à peine une seconde plus tard.

Pourquoi ?
Pourquoi ne le regardait-il jamais dans les yeux ?

Il aurait pu avoir la lèpre qu’il ne l’aurait pas davantage évité. Mais il n’avait pas la lèpre ! Alors pourquoi ?! Le feu refusait de s’éteindre en lui. Il ne détournait pas son regard, qui pesait sur le palefrenier comme une hache au-dessus de sa tête.

Un bref instant, Alduis en oublia son père, les écuries et même Mathurin et son corps comme échoué sur les pics rocheux.

- Regarde-moi, siffla-t-il. Dans les yeux.
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Message par Augustin Carpentier Sam 28 Nov - 17:09

Le maître ne disait rien.

Tout d'abord, Bertain avait supposé qu'il allait réclamer à la garde de se saisir du fils rebelle, et de l'enfermer quelque part le temps qu'il se calme. En des termes plus ou moins brutaux, avec plus ou moins de conséquences violentes. Mais c'était une logique qu'il aurait comprise. De la part d'un père guerrier, il aurait même pu imaginer que le châtiment serait immédiat, et exercé par le blessé lui-même, une fois son agresseur maîtrisé par quelques costauds à son service.

Non, rien. Ce n'était même pas de la stupeur. C'était un silence glacé, un silence de mort. Et c'était quelque part encore plus inquiétant. Qu'est-ce qui circulait entre ces deux hommes liés par le sang, dans tous les sens du terme ? Une allégeance, une haine, un désespoir ? Quelque chose d'empoisonné qui s'étendait autour d'eux, comme une flaque de brume hantée autour de deux statues dans un cimetière. Et il avait l'impression d'y tremper, dans cette masse immatérielle qui prenait à la gorge et qui étouffait.

Il avait bien fait de ne rester auprès d'une épouse, de ne jamais fonder une famille. Il avait échappé au pire. La loterie en était trop dangereuse, et il n'avait jamais été adepte des jeux de hasard où l'on risque tout son destin, en plus de celui des autres. En ce moment, il n'avait qu'une envie, être seul dans les champs, au bord d'une rivière ; s'affaler sur la rive pour reposer ses jambes de la fuite, se perdre dans la contemplation des ridules à la surface de l'eau et des petites créatures dans les herbes hautes. Oublier que les êtres à deux pattes existaient.

Il était prisonnier entre eux, entre ces deux statues aux regards de marbre. Il commençait à avoir les doigts qui tremblent, et il n'aurait pas su écrire son prénom dans la boue. Surtout, s'il y avait bien une chose dont il se sentait incapable, c'était de soutenir le regard furieux du jeune enragé. Ce qui lui restait de manières s'évapora alors qu'il relevait le visage, comme malgré lui, le menton empoigné par une grande main invisible qui lui intimait l'obéissance.

"Ne me tuez pas," articulèrent ses lèvres pâlies par la terreur, sans qu'aucun son n'en sorte.

Il regardait directement Alduis à présent, mais son regard allait bien plus loin. Lui aussi pouvait l'apercevoir, ce spectacle noir comme la nuit, au cadre trop immense, trop vertigineux, qui se rejouait dans la tête du jeune homme. Lui aussi y avait assisté. Lui aussi en était captif. C'était ce choc sur les rochers qui tendait son échine comme s'il se préparait lui aussi à l'impact.

Pour s'en délivrer, pour se forcer à l'oubli qui l'avait toujours guéri de ses mésaventures passées, du moins qui avait su en effacer les cicatrices de surface et lui rendre un semblant d'insouciance, il fallait qu'il sorte de ce faisceau impitoyable, braqué sur lui comme une lame. Mais il ne pourrait pas, tant que l'ordre reçu n'aurait pas été annulé par d'autres commandements.
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Message par Alduis de Fromart Dim 29 Nov - 16:59

Pourquoi Bertain ne le regardait-il jamais ? Pourquoi l’évitait-il systématiquement ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?

Que lui avait-il fait ? Alduis avait beau chercher dans sa mémoire, quelque chose, n’importe quoi, même un simple détail, qui aurait pu justifier son comportement, il ne trouvait rien. Il ne s’était pas comporté différemment avec lui qu’avec les autres. Dans ce cas, qu’est-ce qui changeait ?

Alduis ne comprenait pas. Et il voulait comprendre. Parce qu’il savait, il sentait, que ce n’était pas simplement une question de hiérarchie sociale. Pas simplement une question de respect dû à un noble. Il était trop distant, trop discret. À chaque fois qu’ils se trouvaient dans la même pièce, il lui aurait semblé que ce dernier avait l’envie de partir à l’autre bout du monde. Comme à l’instant. Les yeux bleus de Alduis pesaient sur lui.

Que lui avait-il fait ? Cette question revenait en boucle dans son esprit, sans qu’il puisse y trouver de réponse. Il n’en voyait aucune. Il y avait forcément autre chose. Et cela le dépassait.

Il ne méritait pas son attention ?

Il voulait bien croire que son père était charismatique. Sa place de Ministre des Affaires étrangères y était pour quelque chose, elle aussi. Qu’aurait-il pu être à côté de Coldris, lui, son fils, un petit officier dans l’armée ?

Il n’était qu’un chiot qui regardait sa pisse la queue entre les jambes. Il était condamné à le rester toute sa vie. Ainsi qu’à rester l’ombre de son père.

Parfois, il lui prenait l’envie de se planter devant Bertain, pour qu’il soit obligé de le regarder, qu’il soit obligé de faire attention à lui. Il était là aussi. Il n’était pas seulement le fils de Coldris de Fromart. Il n’était ni aveugle, ni idiot et il avait beau être une brute de militaire, il ressentait les choses autour de lui.

Je suis là. J’existe. Je vaux quelque chose. Regarde-moi. Regarde-moi dans les yeux.

C’était ce que disait son attitude, pleine de détresse, malgré tous ses efforts. Alduis se préparait déjà à un refus. Mais Bertain releva la tête. Alduis serra les doigts, sans bouger, en essayant de déchiffrer ce qui pouvait bien se passer sous cette petite tête. Mathurin était parti quelques brèves secondes. Il ne restait qu’un immense pourquoi ? qui brillait dans ses yeux.

Mais même ici, les yeux dans les yeux, quelque chose était étrange. Même ici, il ne le regardait pas vraiment. Comme s’il voyait au-delà de lui-même. Bertain transpirait l’anxiété. Son visage était pâle, ses membres tremblants. Les seuls mots qui sortirent de ses lèvres inquiètes furent au nombre de quatre et laissèrent Alduis déstabilisé. Il fit un pas en arrière.

Il ne voulait pas le tuer. Il ne l’aurait pas tué. Mais le vide en lui s'agrandit subitement quand il se rappela la chute de Mathurin. Il l’avait fait. Il était mort.

Soudain, il eut envie de fuir. Fuir Bertain, fuir son père, fuir le fantôme de Mathurin. Se fuir lui-même. Il sortit des écuries en trombe, sans répondre, ses bottes claquant en cadence, malgré le torrent d’émotions qui déferlait en lui.

Il ne respirait plus.
Il se sentait subitement en danger et se retenait de regarder derrière lui.
Il serrait fort ses couteaux.

Je t’aime quoi qu’il arrive, Alduis.

Il ouvrit la porte de ses appartements. Entra. La referma dans son dos. Appuya son front contre le bois et tenta de reprendre sa respiration.

Tu es mort.
Et ça ne me fait rien.
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Message par Coldris de Fromart Lun 30 Nov - 11:43




Alduis le frappa. Il lisait dans son regard toute la rage. Il voyait dans ses muscles crispés qu’il allait recommencer. Coldris ne bougeait pas. Il se contentait d’un regard froid, glacial même, accompagné d’un petit pincement de lèvres méprisant. Immobile mais prêt, il attendait le dernier moment pour enfin se déplacer.
Contre tout attente, Bertain se jeta à genoux entre eux, implorant une quelconque miséricorde. Le maitre des lieux eut un mouvement de surprise face au regard tout à la fois épouvanté et halluciné du palefrenier. Mais que se passait-il dans sa tête ?! Ce n’était tout de même qu’un cheval ! Quand bien même il y tenait, cela ne restait qu’une bête.

Quant à faire fuir la mort… Il expulsa un bref soupir plein d’un profond sarcasme. La mort était son ombre. On ne se défaisait pas de son ombre. Elle était là, tapie, à attendre de pouvoir étendre ses ténébreuses griffes sur tout ce qui lui était cher. L’un après l’autre, ils disparaitraient tous. Car c’était ainsi lorsque l’on s’appelait Coldris de Fromart. On vivait avec la grande faucheuse. On sentait le tranchant effilé de sa faux contre sa nuque en permanence. On apercevait son index macabre pointé vers ceux que l’on aimait. Elle était là et elles les emporteraient tous. L’un après l’autre. Elle était là et elle murmurait dans une bise givrée que l’amour rendait faible. Il ne resterait que lui. Il vivrait longtemps. Il en était persuadé. Assez longtemps pour demeurer seul à jamais.

Il assista silencieusement à la scène entre son fils et le garçon d’écurie. Il ne comptait pas intervenir. Si ce n’était pour épargner à ce pauvre bougre la colère de son engeance. Que se passait-il entre ces deux-là ? Il ne comprenait pas. Son esprit se mit à tourner, à analyser, anticiper, supposer, préjuger. C’était bruyant, assourdissant, assommant. Ça parlait trop. Trop vite. Trop fort. Il ne maitrisait rien. Il ne comprenait pas. L’irritation le gagnait.

Bertain implora pour sa vie. Alduis fit un pas en arrière, quasi chancelant. Dans l’ouragan qui se déchainait sous son esprit, il comprit une chose en le voyant prendre ses jambes à son coup : Mathurin était mort. Quel idiot ! Il détourna la tête brièvement. Autour de son crâne, l’étau se resserrait. Il se tourna vers Bertain.

- Et bien quoi ?! Vous n’avez rien de mieux à faire ?! lacha-t-il sèchement avant de claquer des talons et de quitter les lieux.

***

Un homme d’armes, la trentaine largement engagée pénétra le bureau de son pas franc accompagné d'un regard acéré.

– Valmar, trouvait Mathurin Auvray ou plutôt ce qu’il en reste et faites le nécessaire pour éponger cette affaire. Merci.

Le capitaine des gardes salua militairement et quitta les lieux. Quelques heures plus tard, il reviendra informer le vicomte de la chute accidentelle du jeune homme. Son cadavre avait été retrouvé par un berger en contrebas d’une falaise. Les loups, chiens errants et autres charognards, avaient déjà commencé à faire leurs œuvres au moment de la découverte. Les autorités locales en avaient conclu qu’il avait trébuché du haut de l’escarpement et l’affaire avait été classée sans suite. Un malencontreux accident comme on en rencontrait tant.

Il fallait croire qu’à défaut d’être docile, il n’était pas totalement dépourvu de jugeote lorsqu’il s’agissait d’éliminer quelqu’un…

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Message par Augustin Carpentier Mar 1 Déc - 10:47

Le regard perçant du maître, qui ne laissait jamais rien échapper, passa sur la tête du serviteur prostré comme une main de glace ; Bertain était prêt à accepter son sort. Cette fois, rien ne pouvait le sauver, qu'un miracle.

Il va comprendre. Il va deviner que j'ai tout vu.

Le glas du désespoir sonnait dans le crâne de Bertain, mais rien ne se produisit. Les deux hommes étaient repartis chacun de son côté. Un soupir de soulagement ramena un peu d'air dans ses poumons, et alors seulement il réalisa que pendant quelques secondes, il s'était arrêté de respirer. Mais ce n'était qu'un maigre répit. Préoccupé par ses affaires avec son fils, le seigneur n'avait pas l'esprit libre. Dès qu'il se demanderait à nouveau quelle mouche avait piqué son palefrenier...

Il va deviner et il me fera tuer aussi.

Pas de temps à perdre. Cette fois, il fallait partir, et rien ne devait l'arrêter ; disparaître comme un fou qui a cru voir un fantôme, s'effacer comme un souvenir dont on n'est plus sûr de l'existence. Faire ce qu'il faisait de mieux : ne plus être là, ne jamais avoir été là.

Il courut reprendre son baluchon, et s'échappa des murs aussitôt, en décrivant un vaste cercle pour ne plus s'approcher du corps inanimé au pied des remparts. Mais le sang était partout. Où qu'il pose son regard, le sang couvrait tout le paysage. Il marcha tant qu'il put, sans se retourner, en parlant tout seul, tâchant de calmer la voix qui lui répétait de fuir. Impossible de la faire taire. Car le danger n'était pas derrière lui ; il le portait à même sa peau, comme une pelisse maudite cousue à même sa chair, partie intégrante de son être.

Quand il rencontra à nouveau des êtres humains, c'était un groupe de paysans qui campaient au coin d'un champ, pour s'abriter des intempéries. Ils lui firent signe d'approcher et de manger un morceau, et à le regarder, se demandèrent s'il n'était pas un mort échappé de sa fosse. Son visage était gris de peur, ses cheveux n'étaient plus qu'un buisson d'épines, ses pieds étaient en sang, et sa gorge brûlée par la soif. Il ne savait pas quel jour on était. A chaque bruit soudain qui éclatait derrière lui, il semblait près de tourner de l'oeil.

Pressé de questions, il répondit par bribes confuses. Qu'il avait échappé à des meurtriers. Que son compagnon de voyage, un serviteur appelé Bertain, avait été tué sous ses yeux et mangé par les loups. Rien de tout cela n'était un mensonge. On le laissa en paix, et à nouveau, il disparut aux premières lueurs de l'aube. La compagnie humaine lui faisait horreur. Les paysans crurent avoir rêvé.

Il ne se sentait pas capable de retourner chercher du service, pas dans un domaine, pas tout de suite. Il erra longtemps, en évitant jusqu'aux villes et aux villages ; et c'est ainsi qu'il entra pour la première fois dans la forêt d'Aiguemorte.
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