[24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
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[24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Chaque journée commençait toujours par le même rituel :après son petit déjeuner, elle enfilait sa tenue d’équitation : une robe verte sapin boutonnée du col aux hanches qui avait la particularité de comporter de nombreux replis et d’être fendu afin de faciliter la monte. Dessous, elle portait une culotte de soie assortie. Une tenue somme toute aussi élégante que pratique. Cheveux attachés en chignon, elle rehaussait le tout d’un petit chapeau assorti avec une plume de faisan.
Aujourd’hui elle avait décidé d’emmener la jument andalouse grise pommelée qui répondait au doux nom d’Ambrosia. Un cheval aussi vif que docile, bien loin du caractère tempétueux de son père.
De retour des écuries, elle contourna la salle des gardes pour emprunter le passage abrité sous les arcades, là il y avait moins de neige et le sol était moins traitre que dans la cour où quelques plaques de verglas tentaient de vous faire perdre l’équilibre. Machinalement, elle tourna la tête vers la fenêtre et y aperçut Alduis qui s’entrainait contre l’un des mannequins qu’il avait dû sortir de la réserve. Elle l’épia de longues minutes, piquant son torse, tournoyant autour, tranchant ses mollets, égorgeant son cou de bois. Il était aussi doué si ce n’était plus que dans son souvenir. C’était comme une danse, une danse solitaire et mortelle. Et si… Lui en voudrait-il si elle venait le déranger pendant son entrainement ? Cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas croisé le fer. Et au moins aussi longtemps qu’il n’avait pas parlé. Vraiment parlé. On ne pouvait pas considérer les quelques politesses et banalités échangées jusqu’à présent comme une vraie discussion. La seule chose que savait Bérénice c’était qu’elle ne savait rien sur ces derniers mois. En fait, elle devait en savoir presque autant sur la vie de son demi-frère fraichement rencontré que sur son secret grand frère.
Elle quitta son poste d’observation pour l’entrée principale et se rendit dans la salle d’armes. Elle poussa timidement la porte. C’était comme revenir des années en arrière. Avant qu’elle ne quitte Fromart…
- Je peux entrer ? demanda-t-elle timidement.
Elle referma la porte derrière elle et fit quelques pas vers le râtelier aux rapières.
- Est-ce que tu veux bien de moi? Cela fait si longtemps que nous n’avons pas pratiqué ensemble…
Loin des apparences, loin des provocations habituelles, le silence était lourd à briser. Elle avait dû mal à le rompre. Elle ne savait pas par où commencer tant il y avait de choses à dire. Et… Peut-être qu’en fait, il ne voulait pas parler ? Peut-être qu’elle le dérangeait et qu’il voulait être seul, mais qu’il acceptait pour ne pas la blesser ? Malgré les années qui s’écoulaient, elle avait toujours cet étrange sentiment de ne pas savoir vraiment sur quel pied danser avec lui et pourtant elle l’aimait toujours autant son grand frère chéri.
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Il avait bloqué sa main dans son dos, pour être assuré de ne pas s’en servir. Quand bien même il aurait voulu le faire, il n’aurait pas pu, il avait trop mal pour ça. Et la douleur était un bon garde-fou. Le meilleur qui soit, même.
Il tournait autour du mannequin comme un véritable ennemi. Son esprit était calme, ses pensées le laissaient en paix. Il se concentrait simplement sur ce combattant immobile, qu’il attaquait, tailladait, observait à la recherche d’une faille. Il anticipait les mouvements d’un adversaire imaginaire.
La porte s’ouvrit doucement. Aussitôt, Alduis s’arrêta et vit apparaître dans l’embrasure de la porte, une chevelure blonde, relevée en chignon. Un sourire illumina son visage en la reconnaissant.
— Je peux entrer ? demanda Bérénice, d’une voix presque timide.
Alduis baissa son épée un bref instant et hocha la tête simplement, sans un mot, pour lui indiquer qu’elle pouvait entrer. Il observa sa sœur se diriger vers les armes, pour en choisir une. Tout en continuant de s’assurer qu’elle ne le dérangeait. Mais Bérénice ne le dérangeait jamais.
— Je veux bien de toi, confirma-t-il simplement, sans perdre son sourire lumineux, qui s’affichait sur son visage tellement rarement - pour ne pas dire jamais.
Et puis, un véritable adversaire était toujours mieux qu’un mannequin. Il avait beau réussir à reproduire de vrais combats dans son esprit, cela ne serait jamais la même chose que d’avoir une vraie lame à éviter.
— Depuis le 5 décembre 1595, répondit-il de but en blanc, comme s’il disait le temps qu’il faisait dehors, alors qu’elle murmurait que cela faisait bien longtemps qu’ils ne s’étaient pas affrontés.
Et il lui adressa un nouveau sourire et comme elle venait se placer en face de lui, il s’inclina presque comiquement, ce qu’il ne faisait jamais. Avant de se mettre en garde, de sa main gauche, et de déclarer :
— À toi l’honneur, Nicie.
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Elle ne s’était pas attendue un seul instant à se faire accueillir d’un pareil sourire. Oh bien sûr qu’Alduis souriait. Sourire moqueur, sourire provocateur, sourire faussement enjôleur… Mais il avait rarement un sourire si lumineux et sincère. Elle le lui retourna donc et entra calmement en fermant la porte, malgré son absence de réponse formulée oralement. Il accepta même de s’entraîner avec elle ! Il lui suffisait de voir son visage rayonnant pour que tous ses doutes volent en éclats.
Comme d’habitude, Alduis compléta en lui donnant la date exacte. Elle se souvenait du mois et de l’année mais pas du jour. Elle se souvenait aussi des circonstances. Il était rentré de Mornoy. Lorsqu’elle l’avait su, elle s’était empressée de venir le retrouver. Depuis son mariage, elle avait essayé autant que possible d’être à Fromart à chacun de ses retours pour l’accueillir. C’était une espèce de promesse tacite qu’elle s’était faite le jour où elle avait appris pour ses fiançailles. Imaginer Alduis revenir de campagne sans pouvoir lui sauter dans les bras avait quelque chose de bien trop douloureux à supporter.
Le dernière fois qu’ils s’étaient entrainés c’était donc deux ans plus tôt. Cette fois, où, au lieu de retrouver des bras accueillants et un visage heureux, elle s’était heurtée violemment à un mur, puis à un spectre. Où était passé son grand frère chéri ? C’était la deuxième fois qu’il lui semblait le perdre et il avait l’air d’être parti bien plus loin que toutes les autres fois. Le regard morne et absent, les lèvres figées, le mutisme… C’était un revenant. Son frère était mort à Mornoy. Ce n’était que son enveloppe corporelle qui était revenu. C’était ce qu’elle s’était dit en l’apercevant la première fois. Les rares fois où il parlait ce n’était que pour lâcher d’acides paroles blessantes qui faisait bondir son père. Combien de fois avait-elle regarder le contenu de son assiette en espérant n’avoir rien entendu ? Elle avait interrogé Démétrius mais il ne savait pas. Il n’était pas parti avec le reste des troupes cette fois-ci, il avait passé plusieurs mois à mettre en ordre les affaires de son père qui l’avait quitté. Et ça, Bérénice avait bien vu que cette perte en affligeait presque plus son père que son mari. Ça et Alduis, si… Étrange. Mais désormais elle comprenait pourquoi. Coldris l’avait informé de sa récente découverte…
Elle rendit à Alduis son salut sous la forme d’une fausse révérence et se mit en garde. Il lui offrit l’initiative. Elle se déplaça lentement sur le côté, lame à autre des yeux avant de tenter un coup estoc accompagné d'une fente avant.
- Je suis au courant pour le Typhus. Pourquoi tu n’as rien dit ?!
Elle recula d’un agile petit bond et esquiva la riposte avant de viser les flancs.
- On t’aurais aidé, Al’. Tu n’étais pas obligé de porter ça seul
Elle para la lame qui tentait une approche et l’acier crissa de ce chant caractéristique.
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Elle arriva. Mais pas là où il s’y attendait, tant et si bien qu’il en oublia même de saisir l’occasion.
— Je suis au courant pour le Typhus. Pourquoi tu n’as rien dit ?!
Alduis se reprit, pourtant un coup mais elle évita facilement. C’était trop tard.
Le typhus.
Elle porta un coup en direction du flan.
Le typhus.
La lame fila.
Le typhus.
Traversa l’air.
Le typhus.
Alduis la regarda arriver. Et soudain, réalisa. Il bondit en arrière pour éviter le coup de sa sœur, à moitié seulement. Il devait se concentrer. Ne pas laisser les souvenirs l’envahir. Il devait apprendre à faire face à la réalité. Même si elle était douloureuse et qu’elle le terrifiait. Il se remit en garde et porta un coup, après avoir fait une feinte sur la gauche.
— On t’aurait aidé, Al. Tu n’étais pas obligé de porter ça seul.
Alduis secoua la tête. Bérénice para la lame qui filait vers elle. Le crissement de l’acier détendit ses muscles. Il prit une profonde respiration et la repoussa. Son sourire avait pâli, malgré lui.
— C’est Papa qui te l’a dit, hein ? demanda-t-il simplement en tentant une nouvelle percée dans la défense de sa sœur.
Percée qu’il enchaîna d’une seconde. Il n’avait pas prévu de répondre à la question. Mais la question de Bérénice continuait de flotter dans l’air autour de lui. Pourquoi n’avait-il rien dit ? Pourquoi… ?
— J’avais peur, lâcha-t-il.
Peur. Terriblement peur. Mais il savait que cela ne suffirait pas. Déjà, il pouvait lire la question suivante dans les yeux de Bérénice. Peur de quoi ? Il eut subitement l’impression que quelque chose venait gratter dans son ventre, comme un chien qui déterre un très vieil os. Il eut la sensation que la force quittait ses doigts et il serra la garde de son arme de toutes ses forces.
— J’avais peur, reprit-il, à demi-voix, comme s’il n’osait pas vraiment le dire, j’avais peur que tu ne me vois plus de la même manière. J’avais peur que Papa ne soit jamais fier de moi. J’avais peur que l’on me regarde en pensant que… que j’étais faible. Je ne veux pas qu’on ait pitié de moi. Jamais. Je veux mourir au combat, pas crever comme un chien.
Et il bondit en avant pour ponctuer ses mots.
— Je ne suis pas un chien, ajouta-t-il.
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Le duel fut rapidement engagé, de même que la discussion qui l’accompagnait. Bérénice était bien placée pour le savoir : c’était l’un des rares moments où Alduis parlait réellement et se confiait à elle. L’une des seules activités qu’il pouvait réellement partager ensemble et non en étant l’un aux côtés de l’autre.
— C’est Papa qui te l’a dit, hein ?
Elle acquiesça en silence, concentrée sur la lame qui tentait de percer sa défense, elle repoussa une première fois la pointe de l’épée d’un coup sec puis redoubla d’un moulinet du poignet, abaissant la garde d’Alduis avant de se remettre en position. Pointe vers l’avant, ils étaient en mesure, séparés de tout juste un petit pas. Les yeux rivés sur le fil étincelant de l’acier, elle écoutait pourtant attentivement chacune des paroles de son frère. Il avait eu peur. Elle leva brièvement les yeux vers lui. « De quoi ? » demanda-t-elle muettement, car elle ne voyait pas ce qu’il y avait de si effrayant à admettre que l’on avait été malade. La maladie frappait au hasard et sans distinction. La suite la laissa pantoise. Cela n’avait pas de sens. C’était encore et toujours la même chose et cela réveillait surtout ses propres douleurs et ses propres fardeaux.
Alduis bondit la tirant de sa rêverie, elle dégagea de justesse la pointe qui visait son épaule.
- Je t’aime Al’, mais parfois tu es vraiment un idiot. dit-elle en effectuant quelques pas de côté à la recherche d’une faille tout en poursuivant
- Si j’avais attrapé le typhus, c’est que tu te serais dit ? Que j’étais faible ? D’ailleurs, il a eu quelle réaction papa quand il a su ? Il t’a dit que tu étais un chien peut-être ?
Elle effectua une passe avant et frappa de revers sans attendre.
- Vous êtes tous pareils ! Toi, Papa, Démétrius… Avec votre fierté mal placée… Vous pensez qu’il suffit de taire et d'enterrer les choses pour qu’elles cessent d’exister.
Bérénice se remit en garde. Cette fois-ci, c’était son regard aussi bleu que celui de son père qu’elle ne quittait pas des yeux. Elle en avait assez de se heurter à des murs. Chacun d’eux se croyait fort à se murer dans son silence et à ignorer la réalité au lieu de l’affronter. Ils n’avaient rien compris. Et il n’y avait qu’à contempler leur état respectif pour constater à quel point ils avaient tort. On était plus fort lorsque l’on partageait ses faiblesses, pas lorsqu’on essayait vainement de les dissimuler aux yeux de tous…
- Même les chiens crèvent en se bagarrant rétorqua-t-elle amèrement Ce n’est pas la façon dont on meurt qui définit qui l’on est, mais celle dont on vit.
Profitant d’une opportunité, elle effectua une volte, changea de garde et fouetta sa lame. Lui, Démétrius… Ils voulaient mourir héroïquement transpercés par l’adversaire. Quel honneur pouvait-il y avoir à finir face contre boue, piétiné par les hommes et les chevaux ? Pourquoi ne pensaient-ils jamais à ceux qui restaient à les attendre patiemment, espérant fébrilement quelques mots griffonnés hâtivement dans une lettre qui serait peut-être la dernière ? Pourquoi ne pensaient-ils jamais à tous les sursauts qu’occasionnait une visite impromptue ? Ou aux cauchemars, qui chaque nuit, inventaient des fins plus terribles les unes que les autres, si bien que l’on ne savait plus où était la réalité et où commençait la fiction.
- Je n’ai pas envie que tu meures sur le champ de bataille. Tu ne sais pas ce que c’est de recevoir la visite d’un homme d’armes au visage grave chez toi de bon matin… acheva-t-elle d’une voix tremblante.
C’était ça qu’il espérait ? Qu’un jour on vienne les avertir qu’il ne rentrerait pas, qu’ils n’auraient pas d’adieu et pas même de corps sur lequel pleurer ? Elle se souvenait encore de ce matin de mars où un homme en uniforme s’était présenté à Aussevielle. Là sur le seuil de la porte, son cœur s’était arrêté. Tout s’était mis à bourdonner et au lieu d’être soulagé à l’idée de le savoir en vie, il n’y avait eu que l’écho de cette voix qui répétait « laisser pour mort » et « gravement blessé ». Et une autre voix plus pernicieuse encore et glaciale qui lui répétait inlassablement qu’il ne rentrerait peut-être jamais. Tout s’était mis à tanguer et une vague nausée s’était emparée d’elle. Elle ne s’était rattrapée que de justesse au tablier de la console en marbre, froid comme la mort.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
— Je t’aime Al, mais parfois, tu es vraiment un idiot.
Alduis ne dit rien. Elle n’avait pas tort, il le savait bien. Mais il avait sans cesse peur de la décevoir. Il tenait à elle plus qu’à quiconque d’autre. Il ne voulait pas lire la déception dans ses yeux. Ce serait trop douloureux. Mais si elle le trouvait idiot… n’était-ce pas déjà le cas ?
Cette idée le déstabilisa une seconde, mais il secoua la tête, catégoriquement, pour se reprendre. Il ne se serait jamais dit que Bérénice était faible, bien sûr que non, mais ce n’était pas pareil. Ce ne le serait jamais. Elle ne savait pas ce que c’était, de sentir toute sa force l’abandonnait, de ne plus savoir serrer les poings tant on était faible. Elle ne savait pas ce que c’était, d’être trahi, à la fois par son corps et par sa mémoire. S’il ne pouvait faire confiance à personne, pourquoi devait-il s’acharner ?
Quant à la réaction qu’avait eu son père… Bérénice frappa un coup. Alduis ne bougea pas d’un pouce pour l’éviter. Elle lui laissa une estafilade.
— Il n’a pas dit que j’étais un chien, mais il n’a pas dit non plus que je n’en étais pas un, répondit-il. J’ai essayé. Je jure que j’ai essayé d’être l’´héritier qu’il voulait.
Mais il ne pourrait jamais.
— Tu ne sais pas ce que c’est, d’avoir l’impression d’avoir un trou noir dans la tête, reprit-il.
Un trou noir qui risquait d’avaler tout le reste s’il ne faisait pas attention. Et puis quand bien même Bérénice ne le trouverait pas faible… Ce n’était pas elle le problème. Ce n’étaient même pas son père, ou bien les autres. C’étaient les voix. Elles grattaient chaque jour un peu plus contre les parois de son esprit. Un jour, rapidement, elles allaient ressortir.
— Tu ne sais pas ce que c’est, de se sentir fou.
Il pensa enfin à se reprendre. Il porta un coup direct, en répondant :
— Sauf qu’on se rappelle de la personne comme elle était à sa mort. Je ne veux pas être un vieillard tremblant. Je ne veux pas finir comme Maman. Jamais.
Elle ne se rappelait pas aussi précisément que lui ce cadavre méconnaissable dans ce lit blanc. Elle ne se rappelait pas de la peau parcheminée, des lèvres noires, du corps maigre et anguleux. Elle ne se souvenait pas de ces cheveux filasses qui ne ressemblaient plus à ceux qu’il aimait coiffer. Elle n’avait qu’une image floue de ce fantôme qui avait été leur mère. Mais lui, il se souvenait de chaque veine qu’il avait vue sur sa peau trop claire. Et quand il pensait à elle, c’était celle-ci qui lui revenait à l’esprit. Un lit blanc, un cadavre blanc. Il ne voulait pas finir comme elle.
De nouveau, Bérénice fit un geste pour porter un coup. Qui réussit une nouvelle fois. Alduis n’était plus vraiment là. Il était vingt ans en arrière. Il eut un long frisson nerveux.
Il ne s’était jamais représenté les choses comme Bérénice venait de les formuler. Recevoir la visite d’un homme au visage grave, porteur de mauvaises nouvelles… Il ne voulait pas la rendre triste. Jamais. Il voulait que sa merveilleuse sœur soit heureuse. Et pourtant...
— Je veux mourir, lâcha-t-il subitement, en regardant l’arme qu’il avait dans les mains.
Il releva la tête, les yeux emplis d’une détresse criante, et reprit :
— Je ne veux plus continuer comme ça. Je n’ai plus envie.
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Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Pourquoi ne disait-il rien ? Est-ce qu’elle l’avait blessé ? Elle n’avait pourtant pas dit cela méchamment, mais elle aurait dû se souvenir qu’Alduis pouvait prendre pour lui certaines paroles et les laisser se décupler à l’infini. Elle eut retint une petite grimace. A quoi pensait-il ? Il affirmait qu’il ne l’aurait jamais trouvé faible alors pourquoi s’imposait-il cela ? Elle asséna un coup qu’il n’essaya même pas de parer ou d’éviter et qui entailla sa manche.
- Parce qu’il doit aussi te dire que tu n’es pas un chat ou un ours ? répondit-elle avec un brin d’ironie en se déplaçant.
- Je l’aime beaucoup, mais ça ne l’empêche pas d’être aussi un idiot parfois. Tu ne pourras jamais être l’héritier qu’il veut. L’héritier qu’il veut, c’est lui. Et tu ne seras jamais lui. Alors… Soit juste toi-même.
Avoir un trou noir, non elle ne savait pas ce que c’était. Mais avait-on besoin de tout expérimenter pour compatir ? Sans doute pas. Ou plus exactement heureusement pas. Elle pouvait sentir la peur dans sa voix. Personne ne l’aurait entendu, mais elle le connaissait suffisamment pour cela. Il y avait aussi une forme de doute mêlée à cette crainte.
- Tu n’es pas fou. Ta réalité est juste différente. Et puis tu sais ce que dit Erasme ? elle marqua une pause Accordez aussi aux fous une qualité qui n'est pas à dédaigner: seuls, ils sont francs et véridiques. Alors ce n’est pas plus mal d’être fou non ?
Alduis se décida enfin à sortir de sa torpeur et tenta un assaut qu’elle esquiva d’un léger pivot du buste pour laisser passer la lame fouettant l’air. Un petit pas de côté et elle reprit une posture de garde. Son frère était de nouveau en train d’évoquer le cadavre de sa mère. Bérénice soupira. Elle ne s’en souvenait pas et c’était très bien ainsi. Le problème c’est que lui se souvenait de tout, y compris du nombre de rayures sur le parquet à ce moment donné.
Parce que tu les trouves plus beaux, les morts sur le champ de bataille, avec leur gorge ouverte, leur tête défigurée par les sabots et leurs tripes à l’air plusieurs mètres plus loin ? Je suis désolée Alduis, mais je ne vois pas en quoi c’est mieux que de finir au fond de son lit. Et franchement avant de devenir un vieillard tremblant, tu as encore du temps devant toi.
Sur ce, elle pivota et fendit l’air d’un coup sec, mais une nouvelle fois, il n’y eut aucune réaction et sa lame trancha le tissu et un peu de peau au passage. Mais que faisait-il ?! Il était là immobile, les yeux dans le vide et elle comprit qu’il n’était plus vraiment là. Elle baissa aussitôt sa rapière, pointe vers le sol.
— Je veux mourir
C’était comme un gros rocher qui venait de lui tomber dessus et qui l’écrasait de tout son poids. Cage thoracique compressée, elle en avait le souffle coupé. Elle devait avoir mal entendu, mais comme pour répondre à ses doutes, il confirma aussitôt. Ses doigts s’ouvrirent et la rapière s’échappa, rebondissant sur le sol dans un tintement métallique. Son cœur aussi s’était arrêté. C’était comme le jour de la visite de l’homme d’armes… Elle croisa son regard désespéré et se jeta à son cou.
– Tu ne peux pas… Tu ne peux pas... commença-t-elle à sangloter Tu ne peux pas m’abandonner les larmes s’écoulaient lentement le long de ses joues Ce n’est pas parce que j’ai trouvé un autre frère que tu as le droit de me laisser ! Et puis tu n’es pas tout seul, Alduis. On va t’aider, on va trouver une solution. Tu iras mieux, tu verras… S’il te plait ne me laisse pas…
Elle se souvenait du vide qu’elle ressentait lorsqu’il partait combattre et qu’elle attendait seule, à Fromart son retour. Ce vide qui plongeait sa vie dans un hiver de plusieurs mois durant lequel tout se mettait en sommeil. Elle se souvenait de la solitude constante à Fromart qui avait été la sienne durant toutes ses années, où elle n’avait trouvé du réconfort qu’auprès de son frère lorsqu’elle parvenait à interagir réellement avec lui. Elle se souvenait de la nuit où elle l’avait surpris en train de se défigurer. Des confessions qu’ils échangeaient, de ces petits et grands secrets qu’ils partageaient. Quand est-ce que tout ceci avait changé ? Pourquoi n’était-elle pas au courant que tout allait si mal ? Est-ce qu’elle avait perdu sa confiance ? Elle se sentait blessée de cette annonce, blessée de son ignorance, blessée de sa détresse. Cela faisait des années que plus elle tendait la main, plus elle le sentait lui échapper. Il y avait toujours cet amour inconditionnel entre eux, mais cela n’empêchait pas un immense gouffre de se former. Un immense gouffre dont les rebords s’effritaient jour après jour et qui ne faisait que s’agrandir.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
— Il a dit que j’étais un chien désobéissant qui aboyait quand il devait se taire. Mais je ne suis pas un chien.
Il n’en était pas un.
Mais il n’était pas non plus le fils, l’héritier, que son père aurait voulu. Ce n’était pas faute d’avoir fait des efforts, pour y parvenir. Il ne pourrait jamais. Il plongea son regard dans celui de sa soeur et murmura :
— Je n’ai pas envie d’hériter, Bérénice… Pourquoi tu ne peux pas prendre ma place ?
Parce que ce n’était pas compliqué à voir, que ces choses-là l’intéressaient bien plus que ce ne serait jamais son cas. La seule chose qui attirait réellement son attention, c’étaient les armes. Et puis, il n’était même pas sûr de savoir qui il était exactement. Il avait beau avoir déjà posé une fois la question à Eldred, la réponse lui échappait toujours autant. Il ne serait jamais l’héritier idéal de Coldris et pourtant, ce n’était qu’ainsi que le voyaient les gens : le fils du ministre des Affaires Étrangères.
Il n’était pas fou. Il était juste différent. Aux yeux de Bérénice, il y avait visiblement une nuance entre les deux. Il n’avait jamais demandé, à être différent. Il aspirait juste à être un homme normal. Qui aimait les femmes. Qui n’entendait pas de voix dans sa tête.
— Peut-être.
Les morts sur les champs n’étaient pas plus beaux. Ils étaient même encore plus atrophiés et défigurés que les malades. Mais quoiqu’elle en dise, il trouvait tout de même cela plus attirant. Pourtant, il ne lui en fit pas la remarque. Elle avait beau comprendre beaucoup de choses, il doutait qu’elle puisse mesurer cela. Puisque lui-même aurait eu bien du mal à se l’expliquer.
La pointe de l’arme de Bérénice glissa vers le sol. Il croisa son regard et manqua de perdre l’équilibre quand elle vint le serrer dans ses bras, en larmes.
— Tu ne peux pas … tu ne peux pas ...
Mais pourquoi ?! Pourquoi ne pouvait-il pas ? Il en avait marre. Il était las. Il ne vivait plus, il ne survivait même plus. Tout ce qu’il faisait, c’était mourir à petits feux en espérant que la flamme s’éteindrait enfin un jour. Combien de temps cela devrait-il durer ?
C’était sa vie, non ? Alors pourquoi tout le monde cherchait-il à l’empêcher d’y mettre un terme, s’il pouvait en disposer librement ? Il n’avait même pas le droit d’aimer ceux qu’il avait envie d’aimer, ici. Ce ne serait pas différent dans la Mort, mais au moins, la question ne se poserait plus. Plus aucune question ne se poserait.
Il n’était peut-être pas tout seul, mais c’était ainsi qu’il se sentait. Bérénice, Eldred, Alexandre … ils aimaient tous la vie. Ils croyaient tous en quelque chose, à leur manière. Mais lui, il n’y avait plus rien pour redonner un peu de lumière là où il y en avait plus.
— Comment ? demanda-t-il d’une voix brisée, toujours aussi pleine de détresse. Comment j’irai mieux ?
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Bérénice leva les yeux au ciel à la citation de son père. Il avait de ces idées aussi parfois ! Elle se demandait cependant à quand remontait cette phrase en question, car elle savait qu’Alduis avait souvent tendance à ressasser le passé avec une vigueur insoupçonnable, alors même que son père avait agi impulsivement
- Je suis sûr qu’il a dit ça sous l’effet de la colère et qu’il ne le pensait pas vraiment… tenta-t-elle tout de même
Mais son frère rétorqua qu’il ne voulait pas hériter et ça, lui fit serrer les mâchoires.
- Parce qu’il me manque des attributs virils, voilà tout. lâcha-t-elle amèrement Les femmes sont juste là pour porter des enfants et prendre du bon temps. Surtout pas pour penser ou hériter de quoi que ce soit.
Elle ne comprenait toujours pas pourquoi son père s’était évertué à travailler sa culture et son esprit si c’était pour ne rien en faire. De tout façon, sa décision était prise : elle allait se lancer dans les affaires. Si la terre lui refusait le pouvoir qu’elle cherchait alors elle irait sur les mers.
La suite de l’affrontement vira dans les ténèbres. Elle ne s’était pas attendue à soulever de tels problèmes et encore moins à découvrir que son frère voulait se mettre fin à ses jours. Est-ce que son père était au courant ? Cette annonce avait transformé le ravin qui les séparait en brèche béante. Pourrait-elle se renfermer un jour ? Plus le temps passait et plus en elle en doutait, car elle constatait avec effarement qu’il ne faisait que s’agrandir au lieu de rétrécir. Dix huit ans que cette fissure s’étirait jusqu’à former ce gouffre. Et maintenant, il osait lui dire qu’il comptait vraiment mourir. Vraiment l’abandonner. Pourquoi ? Parce que la guerre n’avait pas voulu de lui ? Sur qui pouvait-on compter quand même votre propre frère décidait de vous laisser sur le carreau ? Elle était de nouveau cette fillette en robe bleu ciel qui jouait seule avec sa poupée pour tromper sa solitude. Papa était trop occupé. Alduis n’était pas intéressé. Letilia était toujours volontaire. Elle voyait bien qu’entre Papa et Alduis ce n’était plus comme avant, alors elle souriait et riait pour les égayer et ne pas les inquiéter un peu plus encore.
Elle essayait constamment de prendre soin d’eux mais qui prenait soin d’elle ? Ils avaient été là pour interférer dans sa vie et décider à sa place mais pas pour s’enquérir de ses vraies aspirations.
Comment j’irai mieux ?
Bérénice relâcha son étreinte, et essuya ses larmes. Elle n’était plus une petite fille désormais. Elle ramassa son arme sans un bruit et se remit en garde.
- Commence par communiquer au lieu de tout garder pour toi jusqu’à attendre l’explosion.
Parce que oui, malgré tout, elle ne pouvait pas s’empêcher de lui en vouloir d’avoir gardé ce secret. Pas après tout ce qu’ils avaient partagé. Elle se remit en mouvement pour se reconcentrer, effectuant quelques pas de côté.
- Ose accepter tes faiblesses car personne n’est parfait.
Sans prévenir, elle pivota rapidement d’un coup. La lame siffla dans les airs.
Peut-être parlait-elle un peu pour elle aussi, après tout. Pour être fort, il fallait avoir conscience de ses failles et de ses peurs. De quoi avait-elle peur ? De la solitude ? Elle se repositionna aussitôt prête à recevoir la riposte.
- Et ensuite prend soin de toi. Regarde comme tu es maigre ! Sa voix taquine se fit soudainement plus sérieuse C’est comme ça que tu espères mourir ? De faim ? Tu dois t’accorder plus d’attention. Tout commence ici.
On voyait ses os à travers ses phalanges, ses joues se creusaient, ses pommettes étaient saillantes… il ne ressemblait plus à son grand frère. C’était… Un revenant. Quelque part, il était déjà mort parce qu’il refusait de vivre et c’était sans doute cela plus que tout le reste qui l’agaçait. Comment pouvait-il baisser les bras et se laissait enfermer dans ce cercle vicieux sans rien faire ? Ce n’était pas lui. Ce n’était pas à Alduis. Son Alduis était fort, courageux, provocateur, protecteur…
Elle effectua une fente avant, pénétra offensivement sa garde pour lui asséner un coup
- Rend-moi mon Grand frère ! lança-t-elle désespérée
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice finit par reculer et par remettre son arme pour se remettre en garde. Alduis hésita quelques secondes avant d’en faire de même. Il était là pour s’entraîner, avant tout. Et avoir un adversaire rentrait la partie plus plaisante - même si affronter son esprit était déjà un duel constant.
— Commence par communiquer au lieu de tout garder pour toi jusqu’à attendre l’explosion.
Dire les choses. Cesser de les garder pour lui. Eldred lui avait de laisser passer, sans la contenir en lui, la colère et toutes ces autres émotions qu’il était incapable de contrôler. Mais ce n’était pas facile.
Il voyait bien qu’elle lui en voulait. De ne pas lui avoir parlé. De ne pas lui avoir dit que les choses n’allaient plus. Mais l’avaient-elles un jour ? Il ne savait plus. Il avait toujours eu cette sensation sourde qu’il ne serait jamais à la hauteur. Il se souvenait encore dans cette tension sous-jacente, lors des rares rencontres entre Maman et son père. Il ne se souvenait peut-être pas aussi clairement du reste, mais il se rappelait très bien de cette sensation diffuse dans l’atmosphère.
Il ne savait plus relier les images qui allaient avec la voix douce de Maman.
Ce fut la lame de Bérénice qui le ramena dans le présent. Il n’eut pas le temps de l’éviter, alors il s’ébroua. Il devait se reprendre. Se concentrer. Il riposta d’une attaque directe, pendant qu’elle parlait.
Accepter ses faiblesses.
Bérénice était déjà de nouveau en place, prête à recevoir l’attaque qui allait suivre. Elle continuait de parler. Un bref instant, Alduis baissa les yeux sur lui-même. Ce n’était pas la première à lui dire qu’il était maigre. Eldred l’avait fait, pas plus tard que la veille. Alexandre insistait sans cesse pour le faire manger. Pourtant, dans sa bouche à elle, les mots ne signifiaient plus la même chose. Si elle le disait, elle, alors c’était vrai.
Il était maigre. Peut-être. Après tout. Mais rien n’avait de goût. Et les rares fois où la fin se faisaient sentir, il était incapable de choisir parmi ce qui se présentait à lui. Rien ne lui faisait envie. Comment avoir envie de manger dans de telles conditions ?
— J’essaye de manger, tu sais. Mais rien ne me fait envie. Les choses ont toutes le même goût...
Elle porta un nouveau coup, que cette fois, il para parfaitement.
— Rends-moi mon Grand frère !
Ce fut comme une illumination dans son esprit, subitement. Il marqua une brève pause pour réfléchir puis soudainement, revint dans le présent pour regarder Bérénice. Pour la première fois de sa vie, il comprenait enfin ce qu’elle avait voulu dire, ce jour-là, dans la remise.
— C’est ça que tu voulais dire, quand tu m’as dit que je te manquais ?
Il n’avait jamais compris. Comment pouvait-il lui manquer, puisqu’il était là et qu’il la voyait tous les jours ? Cela faisait onze ans qu’il se posait la question et essayait de comprendre. Enfin, il y avait eu ce déclic tant attendu dans son esprit. La lumière pour éclairer cette phrase énigmatique qui lui avait retourné l’esprit plusieurs nuits.
Il soupira.
— Je suis désolé de ne pas avoir compris… plus tôt.
Sur le moment, les choses lui avaient semblé si floues et si dénuées de sens. Pourtant, il n’y avait rien de tordu dans ses propos. Il secoua la tête. Il porta un nouveau coup, et tout à coup, se mit à parler. Il débita, sans pause ni transition, comme une liste quelconque, toutes ces choses qu’il ruminait depuis des jours.
— Je vais devoir me marier. Avoir des enfants. Hériter alors que tu pourrais le faire et que tu t’y plairais sûrement davantage. Bérénice, est-ce que tu m’imagines vraiment être père ?
Alors que dès qu’Adéis le voyait, il se cachait derrière les jupons de sa mère. Et si ses propres enfants avaient peur de lui ? Mais c’était loin d’être les seules choses qui lui pesaient sur la conscience.
— J’aime un homme mais il faut sans cesse faire attention, sous peine de le voir finir sur un bûcher.
Et il avait cru, sincèrement, ne plus jamais le revoir. Se dire qu’il était là, toutes les nuits, dans son lit, avait quelque chose de magique. D’autant plus après les deux mois qui devaient se limiter à quelques heures par semaine, dans la cellule d’une église.
— Il y a aussi cette petite chienne de Leyria. Qui n’a rien trouvé de mieux que de m’écraser les couilles parce que je lui aies dit que le champ de bataille ne ferait qu’une bouchée d’elle.
Et encore beaucoup d’autres choses. Mais il devait d’abord reprendre sa respiration avant de continuer.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
« Commencez par le commencement, » dit gravement le Roi, « et continuez jusqu’à ce que vous arriviez à la fin ; là, vous vous arrêterez. »
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Elle voyait bien qu’il était perdu. Il était au milieu d’un labyrinthe et se heurtait à chaque fois à un nouveau mur infranchissable, mais même les situations les plus inextricables connaissaient toujours une issue. Il fallait garder son calme, faire le vide, laisser la vase retomber au fond de l’eau et attendre qu’elle devienne limpide. Ne pas paniquer. Accepter les mains tendues.
À nouveau sa lame griffa sa chair. Si c’était ce qu’il fallait pour lui faire reprendre pied, elle recommencerait. Elle se déplaça lentement tandis qu’il remettait en place ses idées. Un coup arriva, elle effectua une volte digne d’un pas de danse et regarda la lame fouetter l’air devant elle avec un petit sourire puis se replaça aussitôt en poursuivant la conversation.
- Insipides ? compléta-t-elle C’est toi qui leur donnes ce goût en pensant sans arrêt à la mort. Tu te donnes juste une excuse pour ne pas manger.
Elle glissa fluidement accompagner par le drapé de sa robe qui masquait ses pas et frappa d’estoc. Les lames crissèrent lorsqu’elle tenta de reprendre le dessus en maintenant le contact. Elle voulait retrouver son grand frère. Elle se dégagea d’un agile bond arrière afin d’établir de nouveau cette distance de sécurité.
— Je suis désolé de ne pas avoir compris… plus tôt.
Ses yeux s’embuèrent subitement, mais elle chassa ses larmes naissantes d’une nouvelle attaque frontale. Elle frissonna. Pourtant elle n’avait pas froid. Ses yeux turquoise rencontrèrent les siens aux allures d’aigue-marine, presque translucide. Avait-il compris ? Vraiment compris cette fois ?
- Mieux vaut tard que jamais
Cette fois-ci c’était à elle de manquer de concentration, perdue dans ses souvenirs d’enfance, elle aperçut au dernier moment la lame qui siffla dans les airs juste à côté de son bras. Elle écouta une à une toutes les choses qui lui trottaient dans l’esprit. Il allait se marier. Avec Florentyna de Monthoux. Son père lui avait dit. Elle serait là ce soir, au repas. On la disait douce et cultivée, tout l’inverse de son père. Elle acquiesça sans répondre, de peur de l’interrompre. Il poursuivit. Des enfants. Elle hocha la tête. Oui, malgré tout, le voyait être père. Dès lors qu’il aurait vaincu son appréhension. Adéis avait peur, car il lisait la crainte en lui se reflétait, car il était distant. Elle y reviendrait plus tard. Il y avait aussi son homosexualité. Mais ça, ce n’était pas nouveau et malheureusement elle ne pouvait rien y faire. Il pouvait remercier leur père d’avoir accueilli Alexandre ici. Cela limitait déjà les ennuis. Ce que la société en pensait ne changerait pas du jour au lendemain. Elle opina de nouveau sans dire un mot. À sa dernière déclaration, elle fronça les sourcils et se nota de demander plus de détails sur ce point. Rapidement, elle effectua une fente, feinta à droite et attaqua à gauche.
- Quoi d’autre Alduis. Ne me dis pas qu’il n’y a que ça ?
Ses yeux pétillants faisaient écho à son petit sourire lumineux. Elle allait extirper de son corps tous ces asticots qui grouillaient dans ses plaies. Un à un. Elle le prendrait par la main s’il le fallait et l’entrainerait à la sortie du labyrinthe. Il verrait bien que dehors il faisait jour.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Manger et dormir, c’étaient des pertes de temps. Auxquelles pourtant, on ne pouvait pas couper. Parce que le faible corps en avait besoin.
Était-ce lui, qui donnait ce goût si pernicieux à la nourriture ? Était-ce simplement une excuse pour s’affamer ? Peut-être. Maintenant que Bérénice soulevait la possibilité, elle ne lui semblait pas si absurde que cela. En prendre conscience, cependant, n’ouvrait pas davantage son appétit.
Bérénice se dégagea d’un bond. Alduis remarqua une lueur étrange dans ses yeux, une brillance inhabituelle, mais qui disparut bien vite. Elle tenta une attaque frontale, qu’Alduis para parfaitement. Ses réflexes lui étaient revenus et sa main droite, placée dans son dos pour la préserver, ne l’handicapait pas tant que cela.
Mieux vaut tard que jamais. Il eut un vague mouvement de tête, ni vraiment un oui, ni vraiment un non. Lui-même ne savait pas ce qu’il avait voulu dire. Mais ce n’était plus le sujet.
Florentyna de Monthoux. Alexandre. Leyria de Phietom. Tandis qu’ils continuaient de s’affronter, Bérénice hochait la tête régulièrement pour montrer qu’elle écoutait et cela suffisait à Alduis. Il finit néanmoins par s’interrompre. Pause dont elle profita pour feinter à droite et frapper à gauche. Mais il avait deviné son mouvement avant qu’il ne termine et quand la lame atteignit son objectif, il n’était plus là et lui rendait déjà son coup.
Bien sûr, la liste était loin de s’arrêter ici. Et elle aurait pu durer jusqu’à la nuit, même en débutant à l’aube. Il attendit quelques secondes, avant de la reprendre.
— Je voudrais que Papa arrête de m’appeler Brutus. Je voudrais qu’il soit fier de moi, même un peu. Je m’en contenterais. Tu penses… tu penses que j’espère trop ? Parfois, j’aimerai réussir à le détester.
Ne pas espérer pour ne pas être déçu. Pourquoi était-ce si difficile de se tenir à cette vérité, qu’il ne cessait pourtant de vérifier à longueur de temps ? Il porta un nouveau coup, en faisant un pas chassé en avant.
— J’ai peur que les voix ne reviennent dans ma tête. Et en même temps… Elles me manquent. Je me sens vide quand elles sont là. Et quand elles ne le sont pas, je les entends gratter, et appeler, et… j’ai envie d’aller leur ouvrir. Mais je sais. Je sais qu’il ne faut pas.
Il hocha la tête d’un air décidé pour se reprendre et attendre la prochaine tentative de percée de Bérénice. Pour reprendre alors :
— J’en ai assez de ne pas comprendre ce que disent les gens. Pourquoi ils ne peuvent pas dire les choses simplement et qu’ils se sentent toujours obligés de faire des sous-entendus ? Est-ce que ça veut dire que je suis idiot ?
Il percevait toujours qu’il lui manquait des éléments pour bien comprendre, mais ne parvenait jamais à mettre la main dessus. Et les rares fois où on les lui expliquait, il demeurait sceptique.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Elle ne s’était pas attendue à ce qu’Alduis ne réponde quoi que ce soit à son affirmation. Il parlait peu. C’était ainsi et elle était habituée. Il entama pourtant une longue énumération. Elle notait mentalement chacun de ces éléments pour y revenir plus tard.
Elle feinta à droite et piqua finalement sur la gauche, mais son frère avait deviné sa supercherie et ce fut sa lame qu’elle rencontra dans un crissement. Un sourire satisfait se dessinait sur lèvres : enfin, il était de retour ! Les choses sérieuses allaient donc pouvoir commencer ! Il chassa aussitôt sa lame et contre-attaqua, d’un petit bond arrière, elle la repoussa de justesse dans un bref éclat de rire.
Elle l’invita à poursuivre ses confessions, tout en effectuant quelques pas de côté. De temps à autre, elle testait ses défenses, ici ou là.
- Il ne t’appelle pas Brutus, tout le temps, Alduis. répondit-elle en ajustant sa garde c’est plutôt rare au final. Je ne dis pas que c’est bien ou acceptable… elle se déplaça pour tenter d’obtenir ses flancs simplement que tu ne peux pas te concentrer uniquement sur le négatif, c’est comme si tu regardais une lettre et que tu ne voyais que le noir de l’encre, alors qu’il y a du blanc partout ailleurs…
Pourquoi ne voyait-il pas le bon côté des choses ? Certes tout n’était pas rose ou facile, mais… Sa réflexion fut interrompue par ce pas chassé qu’elle détecta tardivement. Elle effectua un pas de côté pour l’éviter, mais son allonge était trop grande et griffa son bras. Elle serait plus concentrée les fois suivantes. Tant pis pour elle.
Les voix… Bérénice ne se rendait pas bien compte de ce que cela pouvait représenter. Elle acquiesça et après une courte réflexion rendit son verdict.
- Alors tu dois apprendre à les dompter. Si tu sais les enfermer à ta guise tu pourras les laisser sortir quand elles te manquent ?
Sans attendre, elle piqua deux petits coups vifs en pénétrant droit dans sa garde. Une attaque audacieuse qui valait le coup d’être tentée. Elle ne savait pas bien quoi répondre à sa dernière affirmation. Elle avait toujours eu une certaine facilité à manier les mots, c’était quelque chose de naturel.
- Tu n’es pas bête, Alduis. Les gens ne font pas exprès. C’est aussi naturel pour eux que toi de feinter un coup. Les mots sont multiples et c’est comme un jeu. Il faut écouter les paroles et lire les gestes et le visage qui les accompagne.
Elle sautilla pour changer de garde et fouetta sur la droite du revers, ce qui était assez inattendu et déstabilisant.
- C’est comme quand tu combats : tu ne regardes pas uniquement l’arme, mais tout le corps qui l’accompagne. Tu comprends ?
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Il ne trouva rien à répondre. Certes, il aurait été idiot de se concentrer seulement sur l’encre, mais une lettre sans écriture n’était rien d’autre qu’une page vierge - et elle ne portait alors plus le nom de lettre. N’était-ce pas que cette partie-là était importante, elle aussi, sinon plus que le reste ? Malgré ses pensées troublées, il porta un coup qui atteignit sa cible.
Les voix. Il avait peur de leur retour, et l’enviait tout autant. À vrai dire, il ne savait pas ce qu’il voulait. Il garda le silence quelques instants, le temps de se concentrer sur les mouvements de sa sœur. Il esquiva juste à temps les deux coups qu’elle tenta. Apprendre à les dompter.
— Mais je n’arrive pas à le faire. Je ne l’ai fait qu’une seule fois… et… je ne saurais même pas le refaire. Pas tout seul. Quand elles sont là, elles prennent trop de place, je n’arrive plus à réfléchir.
Mais les voix n’étaient pas le seul problème. Il y avait ces difficultés de compréhension auxquelles il devait faire face. Il n’était pas bête ? Il en doutait quand même un peu. Parce que tout le monde comprenait avec facilité alors que ces choses-là lui passaient tout à fait au-dessus de la tête.
Il comprenait de quoi elle parlait, d’autant qu’en évoquant le combat, les choses lui semblaient tout de suite plus claires. C’était là quelque chose qui lui parlait. Évidemment : on ne regardait pas seulement l’arme. Pourtant, les choses restaient différentes en un point bien précis :
— Sauf que les gens qui ne savent pas se battre ne sont pas forcés de le faire. Alors que moi, je suis obligé de parler.
Et il ne comprenait rien. Ou du moins, pas grand chose. Le langage était ce genre de science diffuse qui lui échappait totalement. Il soupira, un peu résigné. Il para le coup suivant de sa soeur parfaitement et n’attendit qu’une ou deux secondes pour en tenter un au niveau de ses jambes - qui aurait eu pour objectif de la faucher en combat réel.
Il réfléchit quelques temps, puis soudainement, en passant brutalement dans le dos de sa soeur pour la prendre par surprise, visant cette fois-ci l’épaule, demanda avec un visage illuminé :
— Tu ne voudrais pas m’expliquer ? Toi, tu comprends tout et tu sais parler ! Tu pourrais m’apprendre non ?
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
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Alduis esquiva ses deux coups. Un brin pensif, il finit par lui avouer douter de lui. Elle acquiesça.
- Tu ne peux pas dire ça, tant que tu n’as pas essayé. Si tu as réussi une fois, tu pourras recommencer. Peut-être pas la prochaine fois, mais une autre fois. C’est en prenant des coups qu’on s’améliore Alduis. Fais-toi, confiance, d’accord ? Elles se nourrissent de tes craintes et de tes doutes.
Et il en avait beaucoup, beaucoup, beaucoup trop. Si leur discussion semblait dériver au gré des courants que généraient ses pensées, Bérénice n’avait pas oublié la liste qu’il venait tout juste d’énumérer. Elle était posée là dans un coin de son esprit, à attendre que le moment soit venu de l’aborder. Elle tenta une comparaison guerrière qui sembla faire son œuvre, bien qu’il la démonta tout de même. Au sens figuré d’abord, puis au sens propre en lui fauchant les jambes. Elle étouffa un petit « aïe » à la griffure sur ses mollets. Elle l’avait dit elle-même : c’est ainsi que l’on apprenait. La prochaine fois, elle serait plus prudente et plus juste sur son esquive. Mieux valait en faire trop que pas assez.
- C’est faux. Parfois ça te tombe dessus, au coin d’une rue, parce que tu t’es fait suivre. Et là, si tu ne sais pas te battre, tu meurs. Ou tu te fais violer, si tu es une femme...
Elle songea à sa rencontre sur le port quelques jours plus tôt avec un sourire aux lèvres. Assurément une drôle de façon de faire connaissance. Elle se revit planter sa dague dans une épaule et taillader une joue. Tout à l'heure, elle saurait si elle avait vu juste et si le pirate séducteur du port était bien Sarkeris. Alduis volta dans son dos pour viser son épaule, mais Bérénice se retourna juste à temps pour chasser son arme de sa piquante trajectoire.
… Ou bien tu anticipes et c’est toi qui les surprends conclut-elle en répondant à son sourire lumineux.
Lui expliquer ? Elle fit un petit bond arrière aussitôt suivi d’une rapide fente en direction de la base de son cou.
- Eh bien pourquoi pas?
Elle pivota gracieusement, accompagnée par son fin jupon vert avant d’attaquer l’aine. Une épingle se détacha de son chignon, libérant une longue mèche blonde ondulante à laquelle elle ne prêta aucune attention.
- Qui est Leyria ? demanda-t-elle finalement sans cacher son intérêt.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Quand sa lame effleura le mollet de sa sœur, elle laissa échapper une petite exclamation. Cela lui rappelait cette époque où plus jeunes, quand elle venait s’entraîner avec lui, il retardait le plus possible la fin des duels pour que les quelques instants passés en sa compagnie s’éternisent. Parce qu’ils étaient les plus beaux.
Bien sûr, on pouvait toujours se faire attaquer au coin d’une rue. Cela arrivait sûrement au moins une fois par jour, pour quelques pièces de monnaie, ou pour une histoire de vengeance.
— Peut-être. N’empêche qu’il a plus de personne qui ne savent pas se battre que de personnes qui ne savent pas parler.
Et elle ne pouvait pas réfuter cet argument-là. Il passa dans son dos et Bérénice se retourna pour éviter à temps son arme. Il lui rendit son sourire mais ne posa pas de question. Même s’il percevait qu’il y avait encore une chose qu’il ne comprenait pas.
Bérénice savait parler. Bérénice pouvait lui apprendre alors. Il était sûr que si elle le lui expliquait, il comprendrait bien mieux. Il sentit l’air passer à quelques centimètres de sa peau quand il esquiva de justesse la pique qui filait en direction de son cou.
— Eh bien, pourquoi pas ?
— Quand ? s’enquit-il, comme un enfant heureux.
Bérénice porta un nouveau coup, en direction de son aine. Elle n’était même pas encore arrivée qu’Alduis profitait de l’ouverture dans sa garde pour attaquer son aisselle. Une épingle tomba sur le sol et détacha une mèche de ses cheveux blonds. Quelques secondes plus tard, Alduis l’avait ramassée et la faisait tourner entre ses doigts comme un objet précieux. Il releva subitement la tête à sa question.
Qui était Leyria ? Il poussa un grognement et répondit :
— Une petite garce qui a voulu m’émasculer parce que je lui aies dit qu’elle n’était pas faite pour la guerre.
Et pour contenir sa frustration, il fit siffler sa lame dans l’air d’un mouvement vif.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
On pouvait toujours trouver des excuses, lorsque l’on en cherchait. Il avait raison certes, mais au fond qu’est-ce que cela pouvait bien changer au problème ? Absolument rien. Ce genre de question et de remarque était parfaitement inutile, tellement même que c’en était étonnant dans la bouche d’un esprit aussi pratique et direct qu’Alduis, alors elle évita tout argumentaire. Elle préféra se concentrer sur les attaques à esquiver et à porter. Aucune ne fit mouche. En revanche, Alduis semblait tout guilleret à l’idée de développer une nouvelle compétence.
- Dès que tu le souhaiteras
Sa touche était à peine arrivée à destination que déjà il le parait en contre-attaquant. Sa lame fila vers son aisselle dégagée. Bérénice effectua un petit pas de côté, chassa sa rapière d’un coup sec et carillonnant avant de frapper d’estoc sa jugulaire d’un geste vif, sans lui laisser le moindre répit. Elle se réjouissait de sa rapidité et ne pouvait contenir cette petite pointe de fierté face à cette botte évitée. Certes, elle égara une épingle au passage, mais ce n’était rien en regard de cet enchainement digne d’une danse improvisée. Elle lui offrait de bonne grâce -surtout qu’il allait lui rendre, elle le savait-.
Sa question sur Leyria souleva un profond grognement sourd. De ceux qu’émettaient les chiens en cas de menace. Elle haussa les sourcils, stupéfaite tout en maintenant une garde haute. Elle lisait sa frustration dans son regard et le connaissait suffisamment pour savoir qu’il allait attaquer d’un instant à l’autre. Maintenant ! Elle leva sa rapière, l’acier crissa tandis qu’elle repoussait sa lame avant de bondir agilement de côté pour fouetter l’air à son opposé.
- Elle est bien sotte ! Les femmes ne sont pas faites pour la guerre. Personne n’est fait pour la guerre. On ne revient jamais indemne et il n’y a rien de glorieux là-dedans. Je ne la connais pas mais ça ne peut-être qu’une petite fille à papa bien gâté pour se conduire ainsi. elle effectua un petit pas chassé sauté avant de reprendre je pourrais l’inviter et lui donner une petite leçon qu’en dis-tu ?
Ses commissures s’étirèrent dans ce sourire typiquement Fromart, ce sourire qui annonçait que rien de bon n’en ressortirait. Celui ou celle qui s’en prendrait à son frère impunément n’était pas né. Si elle voulait jouer à la guerre de la fourberie, elle allait être servie !
- Papa m’a dit que ta fiancée était invitée. Tu l’as déjà rencontrée ?
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
La conversation prit un tour moins plaisant. Leyria. Cette chienne de Leyria. Bérénice esquiva son attaque, Alduis esquiva la sienne à son tour quand elle risposta. Il tourna lentement autour d’elle, tandis que sa soeur s’exclamait :
— Elle est bien sotte !
Oh que oui. Il grogna de nouveau. Quand il repensait à leur discussion… Elle l’avait invité. Qu’avait-elle cru ? Pourtant, il haussa des épaules :
— Pourquoi pas ? répondit-il. Elles pourraient porter les armes comme les hommes. Il y a bien des guerrières, à Zakros !
Ce n’était pas cela qui l’avait réellement énervé. Une femme à l’armée, il ne trouvait pas cela absurde. Mais qu’elle ne s’imagine pas savoir ce que c’était, avant d’avoir mis un pied sur un champ de bataille. On pouvait s’entraîner des jours chaque jour, jamais rien ne préparait à ce qui se déroulait là-bas réellement. Il attaque vers l’avant-bras de sa soeur.
Elle avait raison, on ne revenait pas indemne de la guerre. Peut-être que personne n’était fait pour y participer ? … pourtant, il n’était pas prêt à s’en séparer et le front lui manquait. Non pas pour les cadavres démembrés qui s’y voyaient, mais pour l’adrénaline qui coulait dans ses veines et qu’il ne retrouvait nulle part ailleurs.
— Le front m’évite de penser, Bérénice, remarqua-t-il. Ici, il n’y a rien à faire et les duels comme celui-ci… ce ne sera jamais pareil.
Sa proposition lui tira un sourire, bien qu’un peu interloqué. Mais il savait dores et déjà que voir Leyria, face à Bérénice - sa Bérénice - aurait quelque chose de plaisant. Et d’amusant. Alors il hocha la tête, avec plus d’enthousiasme qu’il n’avait cru y mettre.
Vint un troisième sujet sur le tapis… Son mariage. Ou bien, plutôt, sa fiancée. Il haussa des épaules, avec un soupir cette fois-ci.
— Non, jamais.
Et la perspective même du repas lui coupait déjà l’appétit. Qu’allait-il bien pouvoir lui dire ? Il jeta un regard plein de détresse à sa soeur.
— Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire ? Eldred m’a dit que je devais lui demander ce qu’elle aimait, si elle avait passé une bonne journée, et ensuite, lui parler d’escrime.
Il secoua la tête, soudainement perdu.
— Ça a l’air tellement simple, quand il en parle...
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Porter des armes comme à Zakros. Elle haussa les épaules à son tour. Comme si elle avait besoin de ça pour porter des armes !
- Tu crois vraiment que je sors sans armes ? répliqua-t-elle d’un sourire entendu.
La seule chose qu’elle ne parvenait pas encore à dissimuler c’était une rapière, mais Lavinia pourrait sans doute l’aider à imaginer une robe qui lui permette ce genre de fantaisie ? À défaut, elle pourrait certainement lui dessiner une tenue dans laquelle, elle pourrait dissimuler bien plus de lames qu’actuellement. Alduis visa son avant-bras, elle chassa la lame dans un cliquetis au dernier moment avant de se remettre en garde. Des poignards, on en avait jamais assez !
- Quand même… fit-elle remarquer pour revenir au sujet nous n’avons pas la même culture. Et je doute que des femmes intègrent l’armée d’ici demain. On a trop besoin de leur ventre. conclut-elle amèrement.
Elle voyait mal le pays accepter de perdre ses femmes sur le champ de bataille. Ou alors c’était qu’il n’y avait vraiment plus personne pour le faire, car qui s’occuperait des enfants alors ?
- Trouve-toi une occupation. Un but. Tu ne peux pas vivre pour la guerre. elle sautilla et trancha son buste en diagonal Un jour tout s’arrêtera. Tu en as conscience n’est-ce pas ? Il ne reste plus que Djerdan sur la liste. Et après ?
La fin arriverait plus tôt qu’il ne le pensait. Mieux valait envisager la suite lorsqu’on le pouvait que de se retrouver face au fait accompli sans savoir quoi faire. Il était certain que cette perspective ne devait pas le réjouir alors pour l’égayer un peu elle proposa de se venger de cette petite peste de Leyria. Elle hésitait encore entre plusieurs options : lui rendre la monnaie de sa pièce dans un duel honorable ou… Lui faire vomir ses tripes avec une scène digne d’un champ de bataille ? Elle hésitait encore. Devait-elle vraiment choisir ? Surtout face à l’enthousiasme palpable de son frère !
Elle repasse sur un sujet plus sérieux (il fallait toujours ménager le rythme d’une discussion, c’était important, comme dans un duel).
- Eh bien c’est un bon conseil ! Si tu veux je veux bien t’aider à t’entrainer ! Mais d’abord… elle se baissa et pivota dans une volte pour faucher ses jambes … Tu vas devoir me dire qui est cet Eldred et comment tu l’as rencontré ! Parce que c’est bien la première fois que je t’entends parler d’un meilleur ami…
Bérénice affichait un sourire sincère. Elle était ravie de voir qu’il parvenait enfin à tisser des amitiés après toutes ces années. Il était formidable, elle n’en avait jamais douté. Qui n’aurait pas voulu l’avoir comme ami, lui qui tenait toutes ces promesses ?
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
— Eh bien, c’est ridicule. Tu as dit tout à l’heure que Papa était parfois idiot. Alors pourquoi tu attaches tant d’importance à ce qu’il dit toi aussi ? Je suis sûr que tu pourrais hériter, si tu le voulais. Il suffirait de le persuader et… et je pourrais t’aider si tu veux.
Et elles avaient tort de se résigner, toutes autant qu’elles étaient. Et même s’il n’appréciait pas beaucoup Leyria, il devait au moins lui reconnaître ceci : elle ne laissait pas tomber. Mais... peut-être que lui aussi, avait tort de se résigner, au fond ? Il releva la tête et demanda alors :
— Tu crois qu’un jour… je pourrais aimer librement ?
Ou serait-il toujours obligé de se cacher, avec la sensation d’avoir une épée de Damoclès au-dessus de la nuque, prête à tomber d’une seconde à l’autre, si la moindre chose venait à sortir de son lit ?
La suite le laissa une seconde interdit. Sa vie sans la guerre. Il marqua un temps d’arrêt et baissa même sa lame quelque temps, le temps de se représenter ce que cela serait. Ce qui lui valut d’avoir à peine le temps d’éviter l’attaque suivante de sa sœur, qui visait son buste. Se trouver une occupation… Il n’avait imaginé une seconde qu’un jour, la politique expansionniste de l’Empire devrait s’arrêter, faute de territoires à conquérir.
— Je ne sais pas… Je ne sais pas ce que j’aime. Je n’ai jamais pensé que… que j’arriverai jusque là.
Le jour où la paix viendrait. Que deviendrait-il ce jour-là ? C’était une perspective vertigineuse et effrayante. Mais Bérénice eut la présence d’esprit de le tirer de cet avenir qui menaçait de l’entraîner dans les abysses de son esprit en évoquant Leyria… et la petite vengeance qu’elle lui réservait. Ce qui marcha à merveille.
Quant à sa fiancée… Il la verrait ce soir. Il devrait parler. Tenir une conversation. Eldred lui avait certes donné des conseils, mais cela lui semblait toujours aussi flou. Et la proposition de Bérénice pour l’entraîner n’était pas de trop. Il hocha la tête. Cela le rendrait peut-être plus à l’aise pour le repas de ce soir. Bérénice voulut faucher ses jambes mais Alduis avait prévu son mouvement et quand la lame arriva sur lui, il sauta pour passer par-dessus. Avant de se fendre en direction des côtes de sa soeur.
Lui parler d’Eldred ? Il y avait beaucoup de choses à dire à ce sujet, et certaines qui allaient lui semblaient totalement absurdes. Lui-même ne réalisait pas totalement avoir effectivement un meilleur ami. Mais c’était bel et bien cela.
— On s’est rencontré la première fois le 20 juillet 1588. À Zakros. Ils ont attaqué par surprise, on était fatigués… Beaucoup ne se sont jamais relevés.
Et pourtant, dans son esprit, lorsqu’il disait cela, il ne restait que le visage de Soffrey et ses cheveux roux. Alduis tenta une nouvelle percée, au niveau de sa main armée, cette fois-ci, pour essayer de lui faire lâcher son arme. Il enchaîna :
— On s’est croisés à l’église il y a une vingtaine de jours, on avait quelques comptes à régler entre nous.
Car après tout, cela s’était révélé leur premier échange depuis le carnage de Efjaborg. Un coup de poing direct. Et cette idée l’amusa. Il fouetta l’air de sa lame d’un tour de poignet, comme s’il s'agissait d’un chapeau et s’inclina du même geste, pour reprendre, comme quand ils étaient enfants et qu'ils jouaient :
— Votre humble chevalier est prêt à recevoir vos enseignements, Votre Majesté !
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Alduis avait beau hausser les épaules comme si c’était une évidence, cela ne l’était pas. Cela n’avait même rien de logique. Les femmes ne pouvaient pas aller combattre, parce qu’elle devait enfanter et s’occuper de leurs enfants. Les hommes donnaient la mort, les femmes donnaient la vie. C’était comme ça depuis la nuit des temps et elle ne voyait vraiment pas comment cela aurait pu être autrement pour ce qui était de l’armée. En revanche pour le reste c’était une autre histoire.
— Parce que… Parce que… ses joues se teintèrent de rose. Pourquoi cette question ? Mais quelle question, vraiment ! je l’admire, c’est tout. avoua-t-elle en fuyant son regard quasi honteuse.
Pourtant c’était son père, rien que son père. Qu’y avait-il de mal à le trouver si formidable ? Elle avait beau ne pas être tout le temps d’accord avec lui, il n’en demeurait pas moins… son modèle. Hériter, elle le pourrait sans doute. Elle avait tout fait pour être ce que Coldris attendait d’Alduis. Pour le soulager, parce qu’elle voyait bien qu’il ne supportait pas le poids de ces lourdes responsabilités. Elle avait travaillé d’arrache-pied pour endosser ce rôle. Elle avait lu tous les livres qu’elle avait pu trouver. Tous. De la politique en passant par l’histoire et la théologie jusqu’aux plus sulfureux. Elle s’était efforcée de devenir forte. D'autant plus car elle était une femme. Mais elle avait vite réalisé que ça ne marchait pas tout à fait de cette façon et qu’il valait mieux paraitre faible et être forte (et là, elle n’avait fait que mettre en pratique l’un des principes de Machiavel). Avoir la force d'un homme et la douceur d'une femme. Si son père n’avait jamais manqué de lui témoigner de l’affection, il ne lui avait jamais accordé de réelle attention. Elle demeurait une femme. Rien qu'une femme. Une femme destinée à se marier et… C’était tout. Il n’avait jamais réellement cherché plus loin. Avait-il seulement conscience des efforts qu’elle avait faits ou de la personne qu’elle était devenue ? Elle aussi, au fond, n’attendait que de le rendre fier et d’être à la hauteur du fils qu’il cherchait désespérément. Pourquoi n’était-elle pas née homme ? Un phallus et une paire de testicules. Voilà à quoi cela tenait. La seule chose qui lui manquait pour endosser le rôle d’héritier.
— Tu ferais ça? Il… Il ne sera pas facile à convaincre. Il te veut toi. Ou Sarkeris. Je n’ai pas les attributs requis pour prétendre au trône maugréa-t-elle
En revanche à sa question, elle n’avait aucune réponse réelle à lui fournir.
— Je ne sais pas Alduis. Je l’espère
Et c’était tout ce qu’elle pouvait répondre de sincère. Parce qu’elle ignorait de quoi l’avenir serait fait et que les choses pouvaient changer rapidement dans un sens ou dans l’autre. Qu’aurait-elle pu dire de plus ? La seule certitude qu’elle avait c’était que l’empire atteindrait bientôt son paroxysme. Il ne restait plus que le royaume de Djerdan sur la liste, mais ce n’était qu’une question de temps pour qu’il ne se fasse à son tour avaler. Alors que ferait-il lui, lorsqu’il n’y aurait plus de guerre ? Sa réponse lui fit froid dans le dos. Alors toutes ces années… Il avait vraiment espéré ne pas revenir ? Chaque jour où elle avait prié pour son retour, lui s’était dit que ce serait sans doute le dernier ? Que pouvait-elle lui répondre ? Elle changea habilement de sujet en même temps que de pied. Sa petite vengeance pour Leyria. Alduis allait adorer et elle comptait sur son aide pour rendre cela mémorable ! Comme lorsqu’elle l’entrainait dans ses facéties alors qu’ils étaient plus jeunes. Il y avait eu cette fois où elle lui avait demandé de faire le guet pendant qu’elle escaladait la chaise pour attraper un verre de vin de grand qui trainait sur la table et tous les livres empruntés. Coldris avait bien essayé de ranger l’échelle, mais ce n’était pas vraiment ce qui empêchait la détermination d’un Fromart, il aurait dû s’en douter. Avec le recul, elle se disait que c’était peut-être juste un test ou une leçon de plus. Et puis il y avait la fois aussi où ils avaient noué ses draps pour vérifier que l’on pouvait effectivement en faire une corde pour s’échapper par la fenêtre, et tant d’autres encore.
Alduis fendit sur elle, mais elle para parfaitement ce coup d’un moulinet du poignet. Alors où avait-il rencontré Eldred et qui était-il ? De toute évidence, elle n’avait pas suffisamment précisé sa question. C’était tout ce qu’il trouvait à lui dire ? Mais elle n’avait rien appris d’intéressant ! Et on se demandait encore pourquoi ses lettres ressemblaient plus à des mémos qu’à une correspondance. Bérénice fit la moue et chassa au dernier moment la lame qui tentait d’atteindre sa main.
— C’est tout ? Tu pourrais faire un effort, tout de même. Ce n’est pas avec ça que je pourrais le reconnaitre ou tenir une discussion convenable.
Mais soit, après tout il avait répondu. C’était de sa faute, elle aurait sans doute dû être plus précise dans sa demande. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas vu Alduis qu’elle en oubliait l’élémentaire précision habituelle. Il signa la fin du duel et elle en finit de même, saluant son chevalier d’une révérence.
— Bien ! dit-elle en se dirigeant vers le râtelier pour y ranger la rapière. On pourrait imaginer que je suis Florentyna qu’en dis-tu ? Après tout, les mots sont des armes alors pour les utiliser il faut s’entrainer. Je t’écoute.
Elle récupéra son manteau afin d’être prête à sortir. D’instinct, elle savait qu’il serait plus aisé pour lui de marcher tout en discutant que de rester immobile au milieu de la salle d’armes.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice admirait leur père. À tel point qu’elle écoutait les inepties qu’il lui avait enseignées. Se marier. Faire des enfants. Il secoua la tête. Elle ne savait pas quoi répondre. Elle, sa sœur, sa magnifique sœur qui savait toujours ce qu’elle devait dire, cherchait ses mots. Et elle fuyait son regard, comme si elle avait honte des paroles qui sortaient de sa bouche.
Tout à un coup, il avait la sensation que les rôles s’inversaient. Qu’elle redevenait sa petite soeur, finalement aussi perdue que lui. Alduis savait ce que cela faisait, de chercher l’approbation de quelqu’un et d’admirer cette personne. Il avait toujours espéré un geste de la part de son père sans en recevoir. Mais Bérénice en avait-elle eu davantage que lui ? Il n’en était plus si sûr que cela. Et il se rendait compte subitement du visage fatigué qu’elle arborait derrière sa bonne humeur. Comme si elle était terriblement seule.
— Tu ferais ça ?
Alduis ne répondit pas immédiatement. Puis soudain, il fendit la courte distance entre eux et la prit dans ses bras pour la serrer fort contre lui. En espérant que cela remplacerait tous les mots qu’il ne parvenait pas à lui dire mais qu’il ne pensait pas moins. Que cela la ferait se sentir un peu moins seule durant quelques instants.
— Oui, répondit-il. Parce que c’est toi.
Et il la serra fort contre lui de nouveau. Avant de reculer et de se racler la gorge, mal à l’aise. Changer de sujet lui allait très bien, tout comme reprendre le duel brièvement interrompu. Cela lui permit de se remettre les idées en place. Mais il durait déjà depuis un moment, et il fut bientôt tant d’y mettre fin. Alduis aurait pu le faire durer pendant des heures encore, sans jamais se lasser. Parce qu’il aimait et chérissait chaque seconde qu’il passait en sa compagnie.
Les personnes avec qui il se sentait bien se comptaient sur les doigts de la main, et Bérénice en faisait indéniablement partie. Au même titre qu’Eldred, son meilleur ami désormais. Aussi directement qu’il savait le faire, il lui expliqua en quelques mots la situation. Ce qui ne sembla pas assez pour Bérénice. Alduis se sentit bête.
— Désolé, Nicie.
Il ne savait pas quoi dire d’autre. Sûrement aurait-il pu raconter de nombreuses autres choses mais rien ne lui semblait intéressant. Mais Bérénice n’insista pas. À la place, ils signèrent la fin du duel et elle alla ranger sa rapière. Sa remarque suivante le laissa hébété et il écarquilla les yeux. Parler avec sa sœur comme si elle était sa fiancée ? Il la regarda prendre son manteau pour sortir. Alduis la suivit sans protester. La perspective de marcher n’était pas désagréable. Et puis… si cela pouvait lui permettre de passer davantage de temps avec elle.
Il serra les manches de ses couteaux. Je t’écoute. Il chercha du soutien auprès de Bérénice. Qu’avait dit Eldred, déjà ?
Première étape : s’intéresser à elle et lui demandait ce qu’elle aimait faire.
Oui, mais… ce n’était pas vraiment elle. C’était sa sœur. Il se racla la gorge une nouvelle fois, regarda partout sauf là où Bérénice marchait et finit par articuler un simple :
— Euh… Bonjour.
Il rentra la tête dans les épaules. Ce n’était pas vraiment elle et il avait déjà envie de se taper la tête contre les murs.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Bérénice se sentait terriblement bête subitement. Alduis n’avait pas tort, mais elle ne pouvait pas s’empêcher de l’admirer. Il était son modèle. S’il était là où il était aujourd’hui c’était uniquement grâce à lui, et pour cause : elle ne l’avait jamais entendu évoquer leurs grands-parents. Il ne parlait jamais de sa famille. La seule personne qu’elle connaissait était Tante Solange. Mais ce n’était pas vraiment sa tante, du moins pas par le sang, elle en était certaine.
Elle ne s’était pas attendue à l’étreinte spontanée qui suivit. Elle en resta sans voix et sans bras. Il la serrait si fort contre lui… Après quelques secondes de stupeur, elle passa à son tour ses bras dans son dos. C’était au moins aussi agréable que ses paroles qui lui réchauffèrent le cœur. Elle ferma les yeux momentanément. Cela faisait si longtemps. Elle avait l’impression que son armure se fissurait sous la pression de ses bras qui la serrait toujours trop fort.
Merci, merci Alduis...
Sa carapace craquait et elle sentait toute sa confiance en elle s’effritait en même temps que les larmes commençaient à affluer sous paupières. Aussi subitement qu’elle avait débuté, leur étreinte prit fin et Alduis se recula en contemplant brièvement le sol. Bérénice ne savait pas non plus quoi dire, toujours vacillante de l’émotion qui avait commencé à poindre.
Elle changea de sujet.
Et le duel reprit son cours.
C’est vrai que ses informations sur Eldred étaient pour le moins succinctes, mais il n’avait certainement pas besoin de s’excuser pour cela. Elle secoua là tête. Aucune importance, elle poserait d’autres questions sur le sujet plus tard.
Finalement, l’entrainement aux armes se mua en entrainement à la conversation. C’est ainsi que la petite sœur se retrouva à endosser le rôle de Florentyna de Monthoux et Alduis celui de Alduis-le-fiancé. Elle lorgna ses mains agrippées à ses couteaux comme s’il s’apprêtait à en découvrir la lame. Il était déjà si tendu ! Et ce n’était qu’elle.
- Bonjour Alduis, répondit-elle en lui tendant sa main je suis ravie de faire votre connaissance. Peut-être pourrions-nous marcher un peu ?
Elle pencha légèrement la tête et enroula sa main autour de son bras.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bon. Il n’avait plus qu’à se souvenir des conseils d’Eldred, dans ce cas. Il n’avait aucune difficulté pour le faire mais… mais… c’était quand même très étrange. Comment était-il censé imaginer que c’était Florentyna, puisque c’était Bérénice ? Cela le dépassait. Mais elle semblait sûre d’elle. Alors il prit son courage à deux mains et la salua. Ses doigts restaient serrés autour de la lame sans qu’il ne puisse les desserrer.
Il la suivit, jusqu’à l’extérieur. En se répétant encore et encore les conseils d’Eldred comme un mantra. Au moins avait-il une marche à suivre. Bérénice lui tendit la main et Alduis la regarda faire, sans oser la prendre :
— C’est quand même un peu étrange, non ? demanda-t-il, avant de se résoudre à la prendre, presque timidement.
Bérénice répondit alors. Un instant, il la dévisagea comme on regarde une folle. Il arqua un sourcil en l’observant, la main toujours dans la sienne. Elle pencha la tête sur le côté.
— On est déjà en train de marcher, remarqua-t-il. Pourquoi est-ce que tu poses la question ?
Elle enroula sa main autour de son bras. Mais déjà, il se concentrait sur la suite. Il devait oublier que c’était sa sœur et faire comme s’il s’agissait de Florentyna de Monthoux. Il regarda droit devant lui, guindé pour se concentrer ailleurs. Il avait salué. Très bien. Et ensuite ? Eldred lui avait dit… Ah oui !
— Il faut que je m’intéresse à elle, réfléchit-il à voix haute. Alors… hum… il y a des choses que vous aimez faire ?
Il secoua la tête et s’arrêta, soucieux. Non, ça ne rendait pas bien. On aurait dit un enfant qui s’exprimer. Il se mordit la lèvre et refit une tentative :
— Qu’est-ce que vous aimez faire ? Ou alors… Vous avez des passions dans la vie ? Tu trouves ça mieux, Nicie ?
Et il guetta l’approbation de sa sœur.
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Re: [24 décembre 1597, matin] - Les lames délient les langues [Terminé]
Bérénice de Fromart-Aussevielle, 26 ans
Le duel avait pris fin et c’était désormais à un entrainement de mots que Bérénice espérait conduire avec son frère. Ce n’était pas plus étrange que de se battre contre adversaire imaginaire ou une quintaine, mais elle se garda bien de lui en faire la remarque pour ne pas le dissiper. Il prit enfin sa main et…
— Le baise-main, Alduis… souffla-t-elle en appuyant sa main du regard parce qu’il la tenait toujours sans savoir quoi en faire.
Elle poursuivit la conversation en tâchant de se souvenir des informations dont elle disposait sur Florentyna. C’est-à-dire pas grand-chose excepté celles soutirées à son père : elle aimait beaucoup les lettres, le théâtre et les activités de mécénat. Il lui arrivait également de monter à cheval. Rien à faire, Alduis s’entêtait à trouver cela étrange et à commenter chacune de ses phrases comme si elle était devenue folle. Dommage pour lui, il était avec sa sœur et il allait devoir subir son obstination. Elle fit donc comme si elle n’avait rien entendu et récupéra sa main pour l’enrouler autour de son bras. À ses côtés, elle suivait son cheminement de pensée ouvertement. Il était raide. Terriblement raide. Bon sang, on n’était pas à un défilé, mais à une promenade bucolique ! Après quelques secondes, il en arriva à une conclusion et posa sa première question qu’il reformula. Puis encore. Puis encore. Elle agita discrètement la tête pour valider. Il devait surtout se détendre, être naturel et tout irait pour le mieux. Qu’importe la formulation, c’était pour l’heure du détail du moment qu’il ne commettait pas de gros impairs.
— J’apprécie la lecture, les arts, aller au théâtre ou à des expositions.
Elle avait volontairement éludé le volet « équitation », car elle savait que tout ce qu’elle venait de citer ne l’intéressait pas outre mesure. Autant le mettre en difficulté dès maintenant. Il n’en trouverait la vraie rencontre que plus aisée.
— Et vous qu’appréciez-vous faire lorsque vos devoirs ne vous entrainent pas sur les champs de bataille ? s’enquit-elle
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