[20 décembre 1597] Il aura ta main ¤ ft. Coldris [Terminé]

La lumière dansait aux quatre coins du grand salon : des bataillons de chandeliers d'or ciselé éclairaient la table marbrée et les coussinets de satin. Un plateau de la plus fine marqueterie vernie était gorgé de mets aux multiples saveurs et des meilleurs vins de l'Empire en leurs aiguières lustrées. L'après-midi durant, les esclaves étaient allés, venus, disposant la vaisselle, déployant la nappe brodée, tapotant les divans, remplissant les carafes de sirops et alcools dont les fragrances épicées se répandaient dans l'air. Dans des vases : roses blanches, aussi pures que le corps et l'âme de Florentyna comme il fallait en donner démonstration. Puis étaient arrivés un flûtiste et un harpiste, aussitôt envoyés vers un coin discret depuis lequel ils joueraient un délicat fond sonore. Enfin, des gâteaux sucrés de toutes sortes furent disposés, prêts à chatouiller narines et palais. L'éclat des œufs de canne et des confiseries dorées au four semblait décupler les scintillements déjà nombreux que les bougies projetaient çà et là. Des braseros avaient été installés dans le grand jardin puisque celui-ci s'apercevait par les fenêtres. Ne rien laisser au hasard. Tapis et tentures déployaient leurs couleurs.

On recevait en grandes pompes ! Ce n'était pas moins que le Ministres des Affaires étrangères qui venait honorer les Monthoux d'une demande de fiançailles ! Prosper se demandait bien par quel miracle le choix des Fromart s'était porté sur sa famille, en vue de trouver la perle qui serait fiancée au jeune Alduis. Sans doute aurait-il sous peu l'occasion de l'entendre. Une occasion providentielle. Il se débarrasserait de l'encombrante fille qui l'avait tant déçu. Oh certes, pas sans en avoir le cœur serré tant le comte avait toujours été fier de Florentyna. Mais depuis que ce sorcier avait semé son trouble... Ah ! Le maudit ! Vivement le spectacle de son bûcher sur la Grand' Place !
Manifestement, le vicomte ne savait rien - Dieu merci ! - de l'infamie qui s'était déroulée en ce domaine et de venue d'un cardinal en personne pour l'arrestation. Personne ne savait rien non plus de la réclusion de sa femme et de sa fille, toutes deux possédées. Parfait. La réputation familiale semblait ne pas souffrir plus que cela de cette affaire, pour qu'un Ministre vienne demander la main de Florentyna. Prosper souriait en allant et venant devant la cheminée dans l'attente de son hôte. La bonne nouvelle arrivait même à lui faire oublier que cette hystérique de Kalisha avait déjà tenté une première évasion. Vivement l'exorcisme ! Quant à Florentyna... en apprenant la nouvelle de ses fiançailles, il la connaissait : elle se tairait. Pour le bien de sa chère belle-mère et pour continuer malgré tout de tenir son rang.

On annonça Coldris de Fromart. Prosper avança à belles enjambées pour aller l'accueillir, lui offrit une de ses charmantes révérences avant de l'inviter à prendre place à l'un des luxueux fauteuils. Des esclaves auront débarrassé le convive de l'épais manteau qui le couvrait en cette saison.

-- Cher vicomte ! Quel plaisir que de vous recevoir ! Vous ne saurez imaginer la joie et l'honneur que nous ont procuré à tous ici l'annonce de votre venue. Autant que son motif.

Oh certes il y aurait la dot et diverses autres formalités, qui relevaient toutefois du cadet des soucis de Prosper.

La perspective de passer un temps en compagnie de ce porcelet soyeux de Monthoux ne l’enchantait pas vraiment, mais était nécessaire afin d’envisager une possible alliance entre leurs deux familles. Florentyna -contrairement à son père- était une jeune fille que l’on disait charmante en tout point, cultivée et ouverte d’esprit, ce qui n’était pas pour déplaire au vicomte. Alduis avait beau ne pas avoir d’avis sur la question, il espérait tout de même, pour le bien de tous, établir un mariage qui se solderait au moins par une profonde amitié. Il n’y avait rien de pire que d’épouser -et de vivre- avec quelqu’un que l’on détestait, et ça, il était bien placé pour le savoir.

Il aurait cent fois préféré arriver à cheval que de faire le trajet dans ce secouant carrosse, mais il ne pouvait pas se permettre d’arriver à son rendez-vous couvert d’une prégnante odeur de cheval. Il se contenta donc de tressauter tout le long du trajet en priant pour qu’il s’effectue le plus rapidement possible.

Oh bien sûr, il n’était pas sans savoir que l’on avait déniché chez lui un présumé sorcier qui avait soi-disant envouté la moitié de Braktenn lors de son trajet vers les geôles de la Prévôté, mais compte tenu de son impiété notoire c’était bien le cadet de ses soucis. D’ailleurs Adéis, avait semble-t-il beaucoup apprécié ce fameux Hyriel dont le nom revenait décidément fort souvent à ses oreilles ces derniers jours.  À son arrivée à Monthoux, il descendit calmement les marchettes, sa cape de fourrure noire ajustée sur son pourpoint de jais brocardé d’argent. On le fit conduire dans le Grand Salon où il aurait juré, à en juger par l’amoncellement de délices et de luxe, que l’on s’apprêtait à recevoir Sa Majesté en personne, mais le Comte lui confirma bien vite que ce n’était « que » lui. Pour sa part, il le saluera d’une brève inclinaison du buste.

Coldris se prépara mentalement à la suite des évènements. Tandis que déjà la voix sirupeuse du porc en perruque lui collait à la peau comme du miel.

- Mon cher Comte! C’est un honneur d’être reçu au sein de votre splendide demeure et de vous savoir si enthousiaste à cette idée. retourna-t-il avec jovialité.

Il s’installa dans l’un des fauteuils tapissés et s’étonna de ne pas voir la Princesse à ses côtés. Certes, elle n’était que la belle-mère de la jeune Florentyna, mais elle n’en demeurait pas moins son épouse. Il garda cependant cette remarque pour lui-même, soucieux de conserver son hôte dans de bonnes dispositions.

-- Oh en effet, en effet ! Hmmm, il me semble difficile de songer meilleur parti pour sa fille que celui d'une famille de votre qualité, sourit aussitôt Prosper tandis qu'un esclave passait comme une ombre faire le service des gâteaux et du vin.

Cela fait, sur un petit geste de la main de son maître, la servante disparut. Le comte laissera bien sûr son hôte inaugurer les mets et engagea la conversation comme il le pouvait - c'était plus difficile dans Florentyna et Kalisha. Leur souvenir faillit peindre une nuance de contrariété aux traits balourds du seigneur et qu'heureusement il sut chasser aussi sec. D'ailleurs... que se disait-il de leur famille actuellement dans le beau Monde ? Le seigneur n'était pas dupe quant au fait que la nouvelle de l'arrestation du sorcier aurait tourné. Dieu merci, cela ne semblait en rien avoir poussé les Fromart à réviser leur proposition nuptiale. Savait-on toutefois ce qui arrivait actuellement aux deux femmes ? L'homme mettait tout en place pour que ce ne soit pas le cas. Des envoûtées au domaine de Monthoux feraient fort mauvaise presse. Oh, il y avait bien les trois jardiniers qu'il avait renvoyés par précaution... mais ces gueux-là n'avaient aucune sorte de contact dans l'aristocratie susceptible de faire circuler ce qu'ils avaient vu. Qu'ils se débrouillent d'ailleurs avec leur sort désormais ! Ils pouvaient bien retrouver un travail, ou errer dans les rues, mendier, voire finir comme parasites à l'Hôpital Général, cela lui était égal.

-- Il me tarde de rencontrer votre fils Alduis. On dit grand bien de ses prouesses militaires et je suis sûr qu'il trouvera auprès de Florentyna toute la tendresse et l'attachement dont peut rêver un homme quand il n'est pas occupé aux labeurs guerriers. Elle aussi se réjouira de l'annonce, j'en suis certain.

Oh certes Prosper était-il au fait également de plus d'une rumeur quant au caractère... abrupt et provocateur du jeune Fromart. Il serait cependant de fort mauvais ton d'en faire mention ici. Quant à Florentyna... une fois délivrée ces prochains jours de l'emprise de ce maudit empoisonneur, elle redeviendrait aussi douce, digne de ses devoirs et de bonne conversation qu'elle l'avait toujours été. Fallait-il attendre que le bûcher se soit chargé de lui pour présenter aux Fromart une demoiselle enfin rendue à ses sens, ou pouvait-il se permettre d'organiser une rencontre dès ces prochains jours ?

-- On vous dit intéressé par le théâtre. Voilà un sujet dont votre future belle-fille fait aussi grand cas. Que se joue-t-il en ce moment en ville ?

Tout dépend de ce que l’on appelait un « meilleur parti ». S’il cherchait celui qui parviendrait à la rendre amoureuse alors Alduis n’était clairement pas le bon choix. En revanche, s’il cherchait à se rapprocher du pouvoir et du Roi, il ne trouverait pas meilleure option. Coldris savait pertinemment vers laquelle de ces deux visions du mariage, il se dirigeait. Il eut d’un hochement de tête souriant en réponse.

L’on déposa un plateau garni que Coldris regarda tout juste. Il n’était pas là pour s’empiffrer, mais pour parler affaires. Il se demandait bien comment il parvenait encore à chasser quoi que ce soit tant il devait alourdir sa monture de ses gras jarrets. Au fond, c’était sans doute lui rendre service que de différer cet inévitable moment où ses doigts finiraient luisants de gras et de miel.

- Je ne doute pas à un seul instant que les portraits que l’on m’a faits d’elle ne soient qu’un pâle reflet de la réalité. Elle m'a été décrite comme douce, cultivée et d’une nature curieuse. Je suis certaine qu’elle saura trouver le cœur de mon fils.

Il n’était pas idiot au point de parler d’amour. Il avait bien compris depuis toutes ces années qu’il ne s’intéresserait jamais aux femmes comme lui, mais Coldris espérait qu’il trouverait chez sa future femme soutien et  amitié. Chose, dont lui-même avait été privé. On ne bâtissait pas de saines relations sur des duperies comme il avait pu en faire les frais. Qui sait? Peut-être pourrait-elle même devenir cet appui qui lui manquait tout comme la figure féminine qui avait déserté sa vie.
Il balaya la pièce du regard comme s’il manquait quelque chose d’important dans ce salon avant de déclarer:

- N’est-elle pas ici, d’ailleurs ? J’aurais eu grand plaisir à faire sa rencontre. fit-il déçu.

C’était tout de même étonnant qu’il n’ait pas jugé bon de la faire assister à leur rencontre. Peut-être descendrait-elle plus tard ? Que craignait-il donc ? À moins que cela n'ait un rapport avec l’arrestation qui avait fait grand vent ? D’ailleurs, sa femme -bien que ce ne soit pas la mère de Florentyna- était également aux abonnées absentes. Étrange. Coldris n’eut pas le temps de s’appesantir sur la question que le Comte évoqua habilement sa passion pour le théâtre.


- En effet, j’apprécie grandement la littérature, mais ma préférence va au théâtre. Nous avons eu récemment le plaisir d’assister à une magnifique représentation de Didon se sacrifiant. J’attends avec impatience le mois de janvier qui s’annonce prometteur avec cette nouvelle tragédie de William Shakespeare. Bien entendu, votre fille pourra user de ma loge aussi souvent que bon lui semblera.

À croire que c’était lui que l’on essayait de marier avec Florentyna ! Il ferait cependant tout ce qu’il pourrait pour rendre son séjour à Fromart agréable. La seule inconnue était Alduis. Il ne savait pas réellement dire quelle relation, il pourrait nouer avec elle, lui, qui avant de tant de mal à nouer des amitiés. Malheureusement, ce n’était sans doute pas au théâtre qu’il trouverait une activité à partager conjointement et il doutait également qu’elle ne s’intéresse à l’escrime. Ce n’était pas à proprement parler une activité typiquement féminine.

- Apprécie-t-elle l’équitation ? C’est un passe-temps auquel mon fils s’adonne régulièrement lorsqu’il ne s’entraine pas.

Ou ne se morfond pas. Ou n’écoute pas le millier de voix qui le noie. Ou qu’il ne tente pas de mettre fin à ses jours. Mais tout cela, il le garde pour lui.

Le Ministre n'avait pas l'air d'avoir très faim et boudait les gourmandises. Tant pis. Prosper s'en désintéressa et sourit en toute sincérité des compliments adressés au sujet de sa fille. Il pouvait reconnaître honnêtement être fier de Florentyna... du moins jusqu'à ces derniers jours. Son père lui devait beaucoup. Plus d'une fois, elle avait su nourrir la conversation avec d'importantes personnalité. Plus d'une fois elle avait pardonné ses absences, ses maladresses, donné de nombreux conseils avisés quant à diverses orientations à faire prendre à la maisonnée. Une jeune femme honorable, brillante, vertueuse. Elle ne s'était même pas démolie au décès de feu sa mère. Un instant, Prosper prit conscience de ne pas la connaître suffisamment peut-être.
Il s'attendait bien à la question qui suivit et après un raclement de gorge, le comte de Monthoux affirma, fort de son air le plus sincèrement contrit :

-- Mon épouse et elle sont fortement indisposées. Je suis terriblement désolé de ne pas pouvoir vous les présenter mais j'espère bien que ce n'est que partie remise pour très prochainement.

En un sens il ne mentait pas. Indisposées, c'était bien ainsi que l'homme estimait Kalisha et Florentyna à l'heure actuelle. Victimes de quelque sordide envoûtement, dont les bons secours de la religion et des rituels de purification ne sauraient tarder à les délivrer. Après quelques secondes désolées, il ramena un sourire à ses traits quand il fut question des occupations favorites du Ministre. Ce dernier d'ailleurs dégageait une distinction austère qui lui fit augurer le meilleur pour sa fille si tous les membres de la famille Fromart étaient fort d'un tel maintien : droiture, sûreté, élégance de verbe mais sans pour autant manquer de fermeté. Et pourvu cependant que ce militaire de futur mari ne soit pas trop fruste, s'inquiéta tout de même un instant le seigneur. Il hocha la tête au sujet de la loge et :

-- C'est très généreux de votre part, je lui transmettrai cette proposition. Elle en sera enchantée. Il me semble bien d'ailleurs que Shakespeare est un auteur qu'elle aime à citer régulièrement, même si sa préférence va aux tragédies grecques. (Un temps) Oh oui, il arrive à Florentyna de pratiquer un peu d'équitation. Et de profiter de longues promenades équestres dans nos bois. Voilà quelque chose qu'elle devrait apprécier de partager avec Alduis.

Il savait que la question de la dot arriverait tôt ou tard... Et peut-être même le fâcheux sujet des arrestations qui avaient eu lieu à Monthoux il y avait à peine deux jours de cela. Prosper s'y préparait.

Quel dommage que les deux femmes n’assistent pas à ce rendez-vous ! Une présence féminine manquait diablement à l’animation de ce charmant petit salon. Enfin ! Bien que la raison invoquée soit d’une étonnante banalité, il n’insista pas plus que cela sur le motif.

- Je comprends parfaitement. Je souhaiterais l’inviter à prendre part à mon diner du réveillon de Noël, j’espère que vous n’y verrez pas d’inconvénients ? Ce serait pour eux l’occasion de pouvoir faire connaissance dans une atmosphère moins protocolaire qu’un salon.

Le sujet dériva sur les loisirs. Plus précisément la littérature et le théâtre dont il était particulièrement friand. Bérénice également. Elle ne manquerait pas d’y trouver une oreille attentive et bienveillante en sa personne.

- Je ne peux que la comprendre. J’ai toujours eu un faible pour la littérature antique. Elle trouvera sans doute tous les ouvrages qu’elle souhaite au sein de notre bibliothèque.

Et sans doute, un peu plus que ce qu’elle imaginait tant celle-ci était diversifiée. Il n'osait imaginer le nombre de fois où ses joues allaient rosir en découvrant certaines lectures.

- Ma fille et mon beau-fils vont prochainement venir s’installer à Fromart, elle aura donc une présence féminine à qui se confier si elle le désire. Je la sais proche de votre épouse et il est bien connu que les femmes aiment à babiller entre elles autour d’une tasse de thé.

Coldris acquiesça aux promenades équestres. Il était sûr que ce serait le point d’entrée pour obtenir une discussion un tant soit peu constructive. Quitte à envoyer sa fille pour obtenir un minimum de participation d’Alduis.


- J’ai appris cette terrible affaire qui a agité votre domaine récemment. Un sorcier, ici… C’est tout bonnement incroyable ! feignit-il Heureusement que le suspect a été appréhendé par le Cardinal Cassin, ces individus sont décidément bien fourbes…

Mais sans doute pas autant que lui qui espérait obtenir quelques informations utiles sur son compte, en vue de sa visite à la Prévoté. D’ailleurs, il en profita pour jeter son dévolu sur un petit gâteau au miel et aux amandes : il ne s’agissait pas de faire mourir de faim son hôte avant d’avoir obtenu ce qu’il voulait, or tout le monde savait qu’un estomac plein était plus enclin à se livrer. Exception faite de certains cas particuliers.

Prosper se demanda tout de même, à la proposition du vicomte, pourquoi seule Florentyna et non pas son père - l'autorité légitime sur elle et qui présentement décidait de son avenir - serait conviée à ce repas de réveillon. D'autant qu'il aurait apprécié garder un œil vigilent sur sa fille et une oreille inquisitrice à ses paroles, instable comme elle l'était ces temps-ci. Faire la fine bouche ne serait néanmoins pas de bon ton. Le seigneur hocha la tête et, toujours aussi souriant, acquiesça :

-- Bien entendu. D'autant plus que faire connaissance avec son futur époux et sa belle-famille au moment des fêtes de Noël sera sans doute véritablement enchanteur. J'accepte avec joie et il en sera de même pour elle. Je prie pour qu'elle soit parfaitement rétablie et présentable d'ici là.

Rétablie d'une façon que, espérait-il, Coldris ne soupçonnait pas : dans ses humeurs, dans le désordre de ses sentiments et de sa bonne morale troublée par ce démon. La Sœur Cécilia et d'autres envoyés de l'Église allaient s'en charger les jours prochains et le comte mettait en eux tous ses espoirs.
Puis Prosper approuva et la littérature antique, et la vaste bibliothèque qui ferait un immense plaisir à Florentyna, et les caquets féminins autour d'un thé ou de nouvelles toilettes. Enfin, il ne se priva pas de se servir en pâtisserie quand son hôte - apparemment peu gourmant - daigna honorer le plat à disposition en piochant dans le lot un petit gâteau au miel. Quant à la possibilité pour Florentyna d'échanger avec une autre femme de la famille, il compta aussi là-dessus pour la remettre dans le droit chemin si nécessaire.

-- Elles auront sûrement beaucoup à converser. Outre la littérature, Florentyna a depuis des années un certain nombre d'activités de mécénat auprès de jeunes peintres et auteurs de la capitale. Si vous en donnez la permission, pourrait-elle continuer de recevoir certains de ses protégés chez vous ?

Il s'inquiétait pour le coup sincèrement de faire plaisir à Florentyna une fois qu'elle aurait passé les épreuves des exorcismes et serait délivrée de l'emprise maléfique. Sujet que d'ailleurs Coldris de Fromart amena et qui fit prendre un air bien plus grave mais guère surpris au comte.

-- Ah, cher vicomte... Oui, quelle terrible affaire ! Me faire berner, dans un domaine qui a toujours été d'une irréprochable moralité. D'ailleurs je vous suis infiniment reconnaissant pour cette intelligence dont vous faites preuve, en n'associant ni notre famille, ni Florentyna, à cet ensorceleur qui s'est joué de nous. (Un temps) Cette... créature... a un regard du diable capable de maudire. Ou de troubler les sens et de mettre les gens sous son influence pour espérer qu'on le plaigne ou s'y attache. Quant à ses abjectes activités, je ne les ai découvertes avec stupeur que quand le cardinal Cassin et la garde sont venus arrêter l'individu et ont énoncé les faits. (Il agitait copieusement les mains en des gestes de dégoût tout en discourant) Des avortements, des commerces de potions, de philtres, des affaires en ville notamment avec la racaille du Lupanar. Sans compter les usages de fausses identités, l'exercice illégal de la médecine et les insolences de sa langue fourchue que j'espèrerai bien lui voir tranchée une fois qu'il aura renseigné les tourmenteurs de la prévôté. Oh ! Si j'avais soupçonné le quart de tout cela quand il s'est présenté à l'embauche comme humble jardinier !

Coldris trouva la remarque du Comte bien étrange, et notamment ce « présentable » qui lui fit arquer un sourcil. Il avait toujours eu l’art de dénicher les anguilles et son instinct lui disait justement que l’une d’elle se trouvait à proximité.

- Serait-elle si souffrante pour ne pas être rétablie d’ici là ? s’étonna-t-il avant que la conversation ne s’échappe vers la littérature qu’il affectionnait tout particulièrement.

Il acquiesça à la demande du comte.

- Bien entendu, ce sera avec grand plaisir que nous les recevrons  à Fromart. Ma maison sera sa maison et j’entends bien lui offrir toutes les commodités nécessaires à son épanouissement.

Coldris s’intéressa finalement aux derniers évènements survenus à Monthoux quelques jours plus tôt. Il fallait dire qu’il avait eu le récit d’Adéis et Bérénice sur le fameux sorcier et il irait le rencontrer le lendemain. Toutes les informations étaient donc bonnes à prendre sur cet homme dont le nom parvenait bien souvent à ses oreilles. Il écouta avec une profonde attention le récit de Prosper de Monthoux, hochant la tête d’un air grave, tantôt horizontalement, tantôt verticalement suivant ce que ses propos exigeaient.

- Allons c’est bien normal, mon cher comte ! Vous n’êtes que la malheureuse victime dans cette affaire et je n’ai aucun doute sur le fait que vous n’auriez jamais coopéré avec cet individu de votre plein gré.

Lui en revanche n’aurait pas eu autant d’états d’âme si le jeu en avait valu la chandelle. Il fallait savoir reconnaitre et utiliser les talents de chacun là où ils étaient les plus utiles. Qui plus est, Coldris ne croyait pas plus au Diable qu’à Dieu. Il n’y avait là-dessous que de parfaits humains.

- Vraiment ? s’exclama-t-il à la mention des envoutements Ne me dites pas que… il marqua une pause secouant gravement la tête. Les pièces s’arrangeaient dans son esprit et il commençait à comprendre l’absence des deux femmes aurait-il eu l’audace de s’en prendre aux vôtres ?

Il écouta la liste de ses méfaits -impressionnante pour un simple homme-. À la mention du lupanar, il songea à la pauvre Isabelle qui avait dû en avoir des sueurs froides. Quant au reste, cela stimulait plus sa curiosité qu’autre chose, mais il se garda bien d’en laisser voir la moindre miette.

- Voilà un casier fort rempli pour un seul individu. N’avait-il aucun complice ? Infirme comme il était, il ne pouvait guère courir les rues comme un lapin pour y répandre ses philtres et sorts sur les chastes âmes de nos enfants.

Coldris était méditatif. Si l’homme avait des appuis, il voulait en obtenir des noms. Les informations, toujours les informations. Cela servirait ou non, mais tout était toujours bon à prendre.

- Ah mon cher comte, si je peux faire quoi que ce soit pour vous au nom de cette future alliance que nous ne manquerons pas de conclure -j’en suis certain-, n’hésitez pas à m’en faire part.

L'état de Kalisha et Florentyna préoccupait vraiment Coldris de Fromart. Qui insistait. Aïe. Aurait-il senti serpent sous roche ? Entre une gorgée de vin et un gâteau, le comte se contenta de poussé un soupir navré pour réponse. La promesse du futur beau-père vint heureusement changer son humeur et le réjouir pour sa fille : elle pourrait continuer de recevoir ses artistes protégés dans la demeure de son époux. Une excellente nouvelle. Parfait ! Florentyna trouverait là vite de quoi reprendre le cours ordinaire de sa vie après les sinistres événements de ces jours-ci. Pas plus tard que quatre jours auparavant, sa femme et elle avaient même reçu l'écrivain Boréalion. Fort de ce souvenir et de l'enthousiasme de la demoiselle, son père se dit que la semaine en cours ne sera vite qu'une sombre parenthèse. Une page tournée, une mauvaise péripétie close dans un roman feuilleton comme ceux qu'appréciait la jeune fille.

-- Oh, je vous remercie, répondit-il à la sollicitude du Ministre : oui, il le comprenait et ne le jugeait pas le moins du monde de mèche avec le sorcier. La mention des envoûtements fit réagir le vicomte avec autant de répulsion que Prosper lui-même quant il avait entendu ce chef d'accusation. Mais vint la question que le seigneur de Monthoux redoutait. Reconnaître l'envoûtement de ces dames serait exposer le domaine à bien fâcheuses rumeurs à quelques pas d'une organisation de fiançailles ! Les nier mettrait Prosper dans l'impasse si la chose ensuite s'apprenait. L'homme sut garder contenance, n'avoir nul pli traître à sa face et affirmer avec naturel un entre deux qui devrait convenir : Pour tout vous dire, nous ne savons pas encore bien l'étendue des dégâts qu'il aura laissés dans ce château. Tout ne nous est peut-être pas encore apparu, même si je prie pour qu'il n'y ait pas plus que cela à purifier céans. Le Cardinal Cassin et sa novice ont promis de venir constater d'éventuelles traces de passage de cette créature dans le domaine et, s'il y a lieu, de faire ce qu'il faut.

Il serra la mâchoire avant d'évoquer la liste bien fournie des chefs d'accusation, que le vicomte trouva lui aussi impressionnante pour un seul homme. Et un béquilleux. Prosper toutefois répondra à sa question en formulant ce que lui-même avait eu le déplaisir de constater :

-- Tout infirme qu'il est, il semble pourtant qu'il accomplissait seul la plupart de ses prouesses. Et j'ai eu le loisir d'en constater de visu l'une des raisons : sa langue habile. Très habile à déstabiliser, à mettre les gens de son côté, à convaincre, à attendrir à son égard. Il eut presque, à cet instant, un petit air fier - comme pour dire j'y ai résisté. Néanmoins, par sécurité et dans le doute, j'ai fait remercier les trois hommes venus se faire embaucher en même temps que lui comme jardiniers. Tous les quatre étaient amis. J'ignore dans quelles mesures les trois autres sont eux aussi des victimes de ses manipulations, ou au contraire eux aussi des complices... voire qu'il n'étaient pas du tout au fait de l'hérétique duplicité de celui qu'ils prenaient pour leur camarade. Mais dans le doute, je les ai éloignés.

Il ne jugea pas nécessaire d'évoquer l'esclave Phaïdée, maintenant entre les mains de l'ambassadeur d'Espagne. Encore moins sa propre femme qui avait fait entrer le sorcier. Ce serait trop compromettant. Du bout de ses doigts il s'éventa avant de se blottir au plus confortable entre les bords dodus de son siège. Sincèrement touché, il prit note de la dernière promesse que lui fit son beau-père.

-- Je vous en remercie de tout cœur. J'espère bien que vous n'aurez cependant plus à entendre parler de cette histoire, tant votre ministère doit déjà occuper vos journées ! Je m'en voudrais de vous rajouter ce problème - et que Florentyna, ou sa famille, ne soient pas pour vous autre chose que source de satisfaction et de liens sincères.

Le comte était ravi d’apprendre que sa fille pourrait continuer ses activités de mécénat. Fort bien, s’il n’y avait que cela pour lui faire plaisir, il s’y plierait avec joie. En attendant c’était surtout les derniers évènements qui l’intéressaient, et si le noble porcin ne l’évoquait qu’à demi-mot, il n’en disait pas moins à demi-mots que les deux femmes étaient présumées envoutées par le jardinier infirme, qui à défaut d’avoir des jambes avaient une langue. Il aurait bien l’occasion de constater cela demain, avant qu’il ne soit trop estropié pour parler. Coldris ravala de justesse le sourire moqueur qui tenta d’ourler ses lèvres à la mine fière de Prosper qui sembla subitement se grandir tandis que le gras roulait sous ses cuissots, comprimé contre la soierie de son fauteuil.

– Vous êtes un homme fort, cela se voit au premier regard. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de nos femmes au faible cœur.

Et par fort, il en entendait « encombrant », alors même qu’il constatait avec quelle difficulté il parvenait à se remettre en place entre ses deux accoudoirs exigus.

Il y avait donc trois hommes qui l’accompagnaient. Il nota cette information dans un coin de son esprit, toujours bonne à garder. Il acquiesça finalement.

– Je ne peux que louer votre clairvoyance en ces temps si troubles. C’est une sage décision que de les avoir éloignés de votre demeure sans préavis. Avec ces individus, on ne sait jamais si c’est du lard ou du cochon avant d’y avoir gouté.

Quand bien même les cochons se nourrissaient de tout et n’importe quoi, il n’était sans doute pas nécessaire de leur donner les leurs pour pitance... Coldris en profita en suivant pour lui offrir tout son concours si cela s’avérait nécessaire. Bien sûr, son ministère occupait ses journées de même qu’une partie de ses nuits parfois, mais il ne fallait jamais négliger une potentielle alliance. Qui plus était lorsque le comte en question était celui qui avait épousé la princesse djerdanne, en plus bien entendu de devenir le futur beau-père de son fils.

–  Allons c’est la moindre des choses, et j’espère qu’il en sera de même pour Florentyna lorsqu’elle viendra à Fromart.

C’était parfaitement sincère. Alduis n’était sans doute pas le mari dont elle avait rêvé, mais il n’aurait pas souhaité pour autant qu’elle en soit malheureuse. Heureusement, Bérénice serait sans doute encore là pour lui tenir compagnie et l’aider à s’acclimater à sa nouvelle demeure. Sur ce, il se redressa à son tour pour évoquer la suite.

–  Je regrette d’ailleurs de devoir en venir à ses considérations purement vénales, mais le fait est qu’elles sont administrativement indispensables... entama-t-il pour signifier respectueusement à son hôte qu’ils allaient devoir aborder le sujet de la dot de la future épouse.

Un homme fort ? Voilà quelque chose qu'on lui avait rarement dit - si bien que le comte fut d'abord presque surpris de la remarque, avant de préférer la prendre comme le constat de sa sagesse dans cette sale histoire de sorcellerie. Un soupir lui vint ensuite. Le Ministre rencontrait-il lui aussi quelque déception ou lassitude auprès de la faillibilité du deuxième sexe ? De ce que disait sa réputation, il n'était pas en reste dans le domaine des plaisirs charnels. Autant profiter en effet de ce dans quoi les femmes avaient le meilleur à offrir et où leur faiblesse n'avait que peu d'effet - le tout bien encadré par l'autorité nécessaire à ce que nul débordement ne survienne.

-- Il faut bien compter avec elles. Et en tirer le contentement qui nous revient dans les limites de notre autorité. répondit-il pour demeurer vague, tandis qu'il se demandait si le ministre avait fait le lien entre le sorcier et la "maladie" de sa femme et de sa fille, pour qu'il parle ainsi des désagréments que pouvaient apporter les femmes.

Il approuva doctement l'avis du vicomte, pour qui il semblait également sage d'avoir éloigné le potentiel danger incarné par ces trois autres jardiniers.

-- Fort heureusement, pour ces trois-là j'ai l'impression que, si coupables ils sont, ils n'auront pas eu le temps de commettre eux aussi de méfaits avant que d'être chassés. Plutôt prendre les devants. Et le procès nous en dira bientôt davantage. (Un temps) Mais je vous en prie ! Il est bien normal que nous en venions à ce type de considérations dans le contrat qu'est le mariage entre nos deux familles. 500 000 rilchs de dot sont prévus pour Florentyna, dont 100 000 rilchs de douaire. Pour quelle date envisageriez-vous des fiançailles ?

Oh grand Dieu ! Pourvu que la situation de jeune Alduis ne vienne jamais à laisser Florentyna veuve... Prosper espérait bien que cette seconde somme ne resterait toujours que théorique. Sa fille avait assez essuyé de malheur avec le décès de feu sa mère et le très peu de complicité qu'elle avait jamais eue avec ses frères. Sans compter le mal dont elles souffrait ces jours-ci.

Tiens donc, la gourmandise du comte s'étendait-elle à d’autres plaisirs ? Il ne l’aurait pas cru, mais nota tout de même la chose dans un coin de son esprit. Qui sait, peut-être l’inviterait-il à l’une de ses soirées privées au titre de leur alliance nouvellement formée en ce cas. Il inclina la tête d’un discret sourire pour toute réponse. Quant au procès… Était-il vraiment nécessaire puisque le prévenu était déjà jugé coupable d’office ? Ce procès n’était rien d’autre qu’un concert de lazzi à l’issue aussi inévitable qu’une tragédie grecque. Qui trompait-on avec ce pseudojugement déjà rendu ? Ce qui était cependant formidable avec les procès de sorcellerie c’est que l’on s’en tenait scrupuleusement à la procédure pour un verdict couru d’avance. Et mieux encore, tout le monde suivait cela avec une passion digne des jeux romains. Un bûcher en place publique et le petit peuple en oubliait ponctuellement qu’il n’avait pas de lard pour agrémenter son bouillon. Il garda cependant ses considérations hautement impopulaires pour lui-même et l’on évoqua alors les arrangements financiers du mariage en négociation.

Coldris acquiesça. A vrai dire, la dot lui importait finalement peu. L’argent ne manquait pas et le plus important était de marier enfin Alduis, car tout cela n’avait que trop duré. Cela aussi, il le garda pour lui-même. Quant au douaire c’était parfaitement logique eu égard à la profession risquée de son fils. D’ailleurs, il ne lui restait plus qu’une dernière campagne à mener et ce serait enfin terminé. Que ferait-il alors ? La question restait en suspend.

- Cela me semble parfaitement convenable en effet. Eh bien, compte tenu de l’agitation actuelle, que diriez-vous de fin janvier ? Si cela vous convient, je me rendrai de ce pas à l’évêché afin d’établir au plus tôt la cérémonie.

Coldris ignorait encore quand la campagne débuterait. Si Alduis devait partir précipitamment alors le mariage serait célébré sans attendre.

Le sourire mystérieux du vicomte ne laissa pas trop au seigneur de Monthoux l'occasion d'y lire ses pensées précises. Serait-il d'accord au sujet des femmes ? Plaisantes en certaines circonstances... mais dont il fallait s'accommoder tout de même pour rendre bien aux yeux de la morale de tout un chacun. Celle-là même que plébiscitaient le roi et l'Eglise. Après tout, sous les dehors dévots et policés, que faisait Gérald Der Ragascorn dans les secrets de ses alcôves ?
Ils tombèrent aussi immédiatement d'accord quant à la dot et au douaire. Oh certes, envisager un éventuel décès prématuré du jeune Alduis n'avait rien de réjouissant et fit brièvement planer un voile sinistre sur la conversation, mais il fallait tout de même évoquer le sujet. Florentyna allait épouser un militaire. Elle aussi devrait se préparer à ce drame potentiel.

-- Oh, oui, la fin janvier me semble une bonne période. D'ici là, toutes ces sordides affaires ainsi que le bûcher du sorcier auront eu le temps de s'éteindre. Nous serons également fixés en ce qui concerne Djerdan et le statut de mon épouse. Je ferai le nécessaire pour éviter tout scandale. Braktenn sera plus disposée à célébrer cette union. Prenons les bancs pour le 24 janvier ?

Et l'entrevue acheva de se couler sans encombre. Plate de conversation - pour ne pas dire flasque à l'image d'un des deux hôtes et des petits flancs dont il se régalait. La fadeur de sa conversation peinait entre ses longs tunnels portant sur la chasse, les arts culinaires, et quelques moments d'intérêt accordés tout de même aux activités préférées des membres de la famille Fromart - lesquelles pourraient être partagées entre les deux maisons. Prosper tenta bien d'en savoir davantage quant à l'affaire Djerdan, mais ses maladroites questions seraient sans doute aisément écartées ou détournées par son hôte. Ce fut donc sur un arrangement cordial - sans plus, ni moins à ajouter - que les pères se sépareraient... pour bientôt ne se revoir que de loin au milieu de l'assistance au Tribunal de Braktenn. Prosper était au moins heureux d'avoir scellé pour sa chère Florentyna un mariage de prestige, qui lui ouvrirait l'accès aux plus hautes sphères de la Cour. Et dans une famille où apparemment elle trouverait à partager son goût pour les arts et les lettres.

Les affaires furent rapidement entendues par les deux parties concernant la dot et le douaire, de même que la date des fiançailles. Coldris acquiesça derechef, notant au passage d’un sourire le mot d’esprit du comte (volontaire ou non, il n’aurait su le dire) au sujet du procès de sorcellerie. Quant à son épouse, espérait-il une rupture de contrat pour s’en libérer ? Il garda la chose dans un coin de son esprit. Pour ce qui était des affaires impériales, il espérait grandement que leur mariage tienne le coup. Il s’était certes farouchement opposé à cette union lorsqu’elle avait été évoquée, mais il y voyait désormais un beau moyen de s’en servir politiquement lorsque Djerdan aura rejoint le giron du Saint Empire. Oui. Ce mariage devait se maintenir à tout prix.

— Le 24 janvier, ainsi soit-il. Ce sera fait.

Bien que Coldris en ait terminé de la raison de sa venue, il ne pouvait s’affranchir des ronds de jambe obligatoires en bonne société. Une pratique dans laquelle il était passé maitre depuis toutes ces années, quand bien même la discussion ne l’intéressait pas plus que cela. Heureusement qu’il pouvait compter sur la chasse pour combler la monotonie de ces affables platitudes tandis que le comte se délectait du plateau de pâtisseries qui ne se désemplissait que pour mieux se remplir dans la seconde suivante jusqu’à ce qu’enfin il puisse cordialement prendre congé de son hôte sans passer pour un effroyable malotru. Prosper semblait enchanté de cette alliance et cela ne pouvait que le réjouir lui-même. Il était désormais impatient de faire sa rencontre pour le réveillon.