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[Flashback - 1544 - 1560] - Ploie mais ne rompt pas [RP Sensible]

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Message par Coldris de Fromart Jeu 22 Juil - 22:11




Avertissement - prix de gros sur les saloperies:




Prologue: Naissance


Coldris de Fromart, 36 ans

   L'hiver avait déjà étendu ses glaciales griffes sur la campagne monbrinienne. Dans un château décrépi un brin moyenâgeux,  l'écho d'un hurlement de femme se répercutait dans les coursives désertes de la bâtisse. En ce milieu d'après-midi couvert, la luminosité déclinante forçait les chandelles à danser au gré des courants d'air dans le salon. La silhouette massive du baron avachi dans son fauteuil élimé grogna sourdement sous sa barbe hirsute faisant dresser une oreille au grand lévrier irlandais au poil tout aussi broussailleux et grisonnant que son maitre.

— Peste ! N'a-t-elle pas fini de geindre ? C'est pourtant pas le premier qu'elle pond !
— C'est qu'il parait Messire que cela se présente mal...
 
 Il fallut attendre l'obscurité naissante pour que les cris cessent et que le valet revienne auprès du baron avec une excellente nouvelle.

— Messire, votre huitième fils vient de voir le jour.

   Il expira un petit souffle rauque

— Bien.
— Désirez-vous le voir ?
— Le voir ? Et pourquoi faire ? Il a prévu de se faire enlever par le diable pendant la nuit ? Il haussa les épaules puis ajouta, qu'il survive donc déjà à l'hiver, le reste attendra.
— Et... pour les noms ?
— Coldris, comme les autres ! Quelle question ! Qu'elle choisisse les suivants comme bon lui semble. Et ma femme, comment se porte-t-elle ?
— Elle se remet, messire, mais elle a perdu beaucoup de sang. Le médecin est à son chevet. Avec du repos, tout devrait rentrer dans l'ordre.

   C'était du moins ce qu'espérait le domestique effrayé à la vue des draps rougis. À défaut, le nourrisson n'avait pas tardé à crier haut et fort ce qui présageait une bonne vitalité...

    Et c'est ainsi que naquit Coldris Roderic Godefroy de Fromart, en ce neuf décembre de l'an de grâce 1544. Baptisé en héritage de ce secret de famille que portait sa mère :  une ascendance prestigieuse et interdite en la personne de Rodrigo Borgia, plus connu sous le nom d'Alexandre VI.
Coldris de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Jeu 22 Juil - 22:39

Avertissement - maltraitance, violence physique et psychologique:

Chapitre 3: Souffrir plutôt qu'obéir


Coldris, 7 ans
Sybil, 10 ans


Février 1552,
   La neige saupoudrait encore le domaine en ce froid matin de février 1552. Coldris avait désormais sept ans. L'âge de raison. L'âge de l'apprentissage. Lecture, écriture, équitation, tir à l'arc, escrime. Surtout escrime. Un homme de noble lignée se devait de savoir manier l'épée, elle était l'apanage de leur sang, l'héritage de leurs ancêtres qui avaient versé leur sang en Terre sainte contre les infidèles. C'était au port de son arme que l'on reconnaissait un seigneur, mais la porter ne suffisait pas, encore fallait-il savoir la manier. Seulement il y avait là un problème de taille :  de tous les domaines c'était celui qui intéressait le moins Coldris. Il n'avait la carrure d'aucun de ses frères, pas plus qu'il n'avait la moindre once d'agressivité ou d'envie de vaincre. Tout ce qu'il désirait c'était qu'on le laisse en paix à étudier son latin et son grec. Mais c'était sans compter sur tous ceux qui le trainaient de force jusqu'à la cour où avait lieu les affrontements qu'il neige, vente ou pleuve. À peine arrivé, les coups commençaient à pleuvoir. Le pire de tous était Coldris Héméric, le troisième des fils, incontestablement le plus vicieux. Celui qui prenait toujours un malin plaisir à abattre son épée d'entrainement sur ses doigts. Il ne visait jamais d'autres endroits, la seule chose qui l'intéressait était de lui fracasser la main jusqu'à ce qu'il en lâche son arme, les larmes aux yeux. L'affrontement se terminait toujours par un coup entre les côtes de sorte que Coldris allait se recroqueviller dans un coin sous une pluie de moqueries qui abreuvait ses sanglots. Et lorsque ce n'était pas cela, Coldris Enguerrand et Coldris Aldric trouvaient un moyen de le prendre à partie à deux contre un, prétextant un quelconque exercice pour le rosser de coups. Quant au Maitre d'armes, tout ce qu'il discernait était qu'il n'avait jamais vu pareille brindille,  « plus pathétique qu'une quintaine.  » avait-il craché.

   Aujourd'hui Coldris avait décidé que ce serait sans lui. Il n'irait pas, voilà tout. Que risquait-il ? Des coups ? Il en grêlait quoi qu'il arrive, qu'importe qui les donnait. Sa peau n'avait jamais le temps de blanchir de nouveau qu'elle bleuissait déjà quand elle ne saignait pas. Il ne savait même pas comment ses os n'avaient pu se briser depuis tout ce temps. À l'heure dite, il s'était donc enfui avec son latin entre les dents et avait escaladé la muraille jusqu'à se hisser sur un corbeau hors de portée de qui que ce soit. Il y avait juste assez de place pour s'installer à califourchon sur la pierre saillante. Mais Coldris n'avait pas choisi cette place par hasard, c'était mal le connaitre, lui qui calculait déjà tout pour tenter de déterminer le choix le moins pire. Il l'avait spécifiquement sélectionnée pour sa vue imprenable sur la Cour où il aurait dû se trouver. Il n'aurait voulu pour rien au monde manquer le spectacle de la fourmilière qui allait soudainement se mettre en branle en constatant qu'il était absent. Oh, bien sûr il savait déjà que ce n'était qu'une jouissance temporaire, on le remarquerait, il s’enfuirait en grimpant sur le chemin de ronde, de là il esquiverait les gardes comme il pourrait jusqu'à ce que l'on finisse par l'attraper et le trainer manu militari  devant son père furieux. Il avait retourné le problème dans tous les sens et il fallait se rendre à l'évidence: cela ne finirait qu'ainsi, alors autant profiter de cette maigre satisfaction avant que le chaos ne se déchaine.

   Et ce qui devait arriver, arriva. Alors qu'il dévalait les marches de l'escalier circulaire, il tombe nez à nez avec un garde qui remontait et heurta violemment sa bedaine armurée au point de s'en étourdir. Incapable de défier les étoiles qui dansaient devant ses pupilles, une grosse paluche empoigna son avant-bras et le tira sans la moindre délicatesse. Ses pieds trébuchèrent et ses tibias heurtèrent la roche, mais l'homme n'en avait que faire.

— Lâchez-moi ! Lâchez-moi !

   Coldris tenta de se remettre debout, mais ce fut peine perdue face à la cadence de l'homme d'armes qui le trainait sur le sol enneigé. L'humidité ne tarda pas à transpercer sa maigre tunique de laine tout juste recouverte d'une cape. Les graviers le griffaient et il continuait d'hurler en se tortillant comme un petit vers dans l'espoir de pouvoir s'évader. Un peu plus loin, ses frères riaient à gorge déployée et c'était tout ce qu'il pouvait entendre, mais il n'était pas niais au point d'ignorer les commentaires qu'ils devaient s'échanger. Seulement, pour l'heure cela n'avait pas la moindre importance. Il se fichait d'ailleurs pas mal de leurs remarques qui ne pourraient jamais le tuer. Il quitta la neige pour le dallage à peine plus chaud du château. D'une façon tout à fait inattendu, le garde voulut soudainement réaffirmer sa prise sur l'asticot. Durant une toute petite fraction de seconde, l'étreinte se desserra et Coldris en profita pour s'enfuir, se propulsant à l'aide de ses mains. Il aurait pu se résigner. Il ne lui donnerait pas cette satisfaction et tant pis si la grosse masse qui se jeta sur lui pour le plaquer à terre ne lui laissa que quelques mètres de vaines libertés. Qu'ils aillent au diable ! Qu'ils aillent tous au diable! Il cracha au sol alors que l'homme l'immobilisait pour le trainer devant son père, et lorsqu'un bout de chair passa à porter il mordit violemment dedans. Un cri rauque s'échappa de la cage thoracique du garde de même qu'une volée d'injures à faire saigner les oreilles de la Vierge. Quel dommage qu'il ne puisse pas riposter, lui. Un sourire victorieux se dessina et il se laissa mener sans plus d'histoires

   Dans l'austère salon, on le jeta inerte aux pieds du baron, comme un vulgaire sac de grain. Il aurait pu en profiter pour fuir mais cela ne ferait que retarder l'échéance. C'était donc parfaitement inutile.

— Tu vas retourner t'entrainer! ordonna la voix de son père tandis que Coldris se massait les articulations douloureuses.
— Non, j'irais pas.

   Et par pure provocation, il lui tourna le dos et entrepris de rejoindre dignement la porte. Derrière lui le crissement de la chaise lui fit grincer des dents, mais il ne s'arrêta pas pour autant. Pas avant qu'une poigne ne se referme une nouvelle fois sur son bras. Il rejeta sa tête en arrière avec une grimace.

— Lâchez-moi! Laissez-moi partir! J'y retournerai pas! J'y retournerai pas! Vous avez qu'à me noyer comme vos chiots tarés si ça vous chante, mais j'y retournerai pas!

   A quoi bon puisqu'il allait finir couvert de coups ? Autant prendre ceux de son paternel et il pourrait retourner oublier sa vie misérable entre les caractères d'un livre.

— Si seulement tu étais un chiot, Coldris... mais tu n'est qu'un rat, un misérable et pathétique petit rat incapable de causer autre chose que des emmerdes !

Au fur et à mesure des mots, sa voix s'était faite de plus en plus forte puis une main s'écrasa violemment contre sa joue le faisant vaciller.

— Une petite merde effrontée !

   Nouvelle gifle. Cela n'avait pas d'importance. Il serra les mâchoires pour retenir ses larmes. Ce n'était rien. Rien du tout. Si Prométhée pouvait se faire dévorer les entrailles, il pouvait bien survivre à cela n'est-ce pas ? La situation se répéta, encore et encore sur le même schéma. Il n'entendait même plus les paroles du baron qui glissaient sur lui comme la pluie inapte à pénétrer ses chairs, mais ses jambes commençaient à se dérober.

— Assied-toi ! exhorta la voix qui lui paraissait lointaine.

   Il tituba en arrière et son pied heurta celui de la chaise le faisant basculer en arrière. S'asseoir, oui. Il en avait bien envie, mais... Son corps acheva de choisir pour lui et il commença à se laisser tomber dessus avec soulagement lorsqu'un grand coup dans l'assise la renversa et qu'il s'écrasa à terre sans pouvoir lutter sous le rire tonitruant de son père. Le garçon frotta sa tête dans l'espoir de se remettre ses idées brumeuses en place. La chaise. Sa pute de père l'avait envoyé valser. Il secoua la tête et se remit d'aplomb avant même qu'on le lui ordonne. La chaise fut remise en place d'un coup sec par son géniteur.

— Assied-toi.

   Cette fois, il ne se ferait pas avoir. Et il se laissa tomber à terre, bien à côté de la chaise avec un regard de défi.

— Je t'ai dit de t'asseoir sur la chaise !
— Non. Vous m'avez demandé de m'asseoir. Et je suis assis. Quoi ? Vous n'êtes pas content ?

Il afficha un petit sourire provocateur. Il avait gagné et il le savait.

— Sale gosse ! Tout ce que tu mérites c'est de finir dans la fosse à merde...

Il attrapa la chaise et Coldris ne l'esquiva que de justesse avant qu'elle ne s'écrase sur sa tête. Il s'en était fallut de peu. Le regard toujours rivé sur la tas de bois manufacturé, il n'eut pas le temps d'apercevoir la nouvelle gifle qui l'envoya mordre la poussière du parquet élimé.

— Vous pouvez me frapper autant que vous voulez ça changera rien. J'irais pas ! Je déteste ça ! Je vous déteste ! Je vous déteste !

   Coldris essuya du revers de sa main le coin de sa lèvre, le regard étincelant de rage à l'encontre de son père dont les yeux fuyaient à la recherche de quelque chose qu'il trouva bientôt :  la badine, d'ordinaire plutôt réservée aux limiers et destriers, mais qui ferait également parfaitement l'affaire pour corriger l'insolent et lui faire ravaler ses provocations. Tandis qu'il la récupérait sur le tablier de la cheminer, le grand lévrier irlandais, jusque-là endormi, se carapata discrètement vers la sortie. Le garçon en grinçait des mâchoires d'avance tout en observant son père qui avançait comme au ralenti, armé d'un large sourire de satisfaction et d'une petite baguette qui mordrait bientôt sa chair. Il avala péniblement sa salive tout en reculant de quelques pas. Qu'avait dit le Père Vincent la dernière fois ? Il y avait ce psaume, l'un des rares qui l'avaient jusqu'alors réellement marqué.

Que de mal ils m'ont fait dès ma jeunesse :
   Ils ne m'ont pas soumis !


   Le barbu enragé l'attrapa par le poignet et le jeta contre la table.

Sur mon dos, des laboureurs ont labouré
   et creusé leurs sillons ;


   Il se rattrapa comme il put avant de perdre l'équilibre. Dans son dos, on relevait sa chemise.

Qu'ils soient tous humiliés, rejetés, récita-t-il comme une prière avant que le premier coup ne s'abatte.

Qu'ils deviennent comme l'herbe des toits,
   aussitôt desséchée


   Il ne le briserait pas. Il ne le briserait jamais. L'air siffla funestement et le bois cingla sa peau fine. Les larmes lui brûlèrent instantanément les paupières. Il devait se concentrer sur autre chose... L'Enéide qu'il apprenait par coeur par exemple.

Arma amens capio ; nec sat rationis in armis

   Un nouveau coup s'abattit l'obligeant à se mordre les joues pour ne pas hurler. Pour les larmes, c'était trop tard, elles s'étaient enfuis.

sed glomerare manum bello
et concurrere in...


   L'onde brûlante ne s'était pas éteinte que la badine la ravivait déjà avec plus de force qu'un soufflet. Son père semblait dire quelque chose mais il n'entendait plus rien. Il ne songeait qu'à ces mots auxquels il se raccrochait avec désespoir.

... arcem
 cum sociis ardent...


   Le quatrième eut raison de sa voix et un cri aigu enfantin s'en échappa.

...animi ; furor iraque mentem
...prae...praecipi...


   Puis un autre qu'il évacua d'un hurlement.

... praecipitant pulch...pulchrumque...

   Un nouveau qui traça un sillon de lave incandescente. Tout devenait plus flou dans son esprit. Que disait la suite ?

...mori succurrit in armis. *

   Et il perdit le compte des suivants. Tout ce qu'il savait c'est que lorsque tout s'arrêta, ses jambes se dérobèrent et qu'il s'écroula dans une cascade de larmes qui ne parvenait pas à éteindre l'incendie qui dévorait son échine. Ce n'était plus une brulure, il était devenu cette brulure, elle irradiait dans chaque veine de son corps, immobilisant jusqu'à ses orteils qui l'empêchaient de fuir. Des sons extérieurs, tout lui parvenait comme cotonneux. Il cligna plusieurs fois des yeux, mais l'image lui parvenait toujours aussi flou, lorsque de grosses mains s'emparèrent chacune d'un de ses bras pour le trainer comme une vieille charogne sur le sol glacial du château. Il y eut des escaliers et on le jeta sur une couche. Son lit. L'oreiller étouffa ses sanglots et il ferma les yeux.

   Le parquet grinçait sous de petits pas de souris. Il grinçait. Il grinçait et une ombre se penchait au-dessus de lui. Coldris sursauta et s'éveilla d'un bond, le cœur battant, et la respiration haletante. Trop violemment pour son dos qui lui coupa le souffle et l'obligea à se laisser tomber dans son traversin. C'était Sybil. Il avait reconnu dans le coin de son regard, ses beaux cheveux couleur érable. Combien de temps avait-il dormi ? Il essaya de bouger légèrement pour apercevoir la fenêtre, mais impossible, le moindre mouvement réveillait le brasier qui pulsait toujours. Tout ce qu'il pouvait en déduire c'est que le jour déclinait.

— Laisse-moi t'aider.
— Tu ne devrais pas être là, tu vas te faire disputer.
— Personne ne m'a vu et tu ne vas pas me dénoncer n'est-ce pas ? fit-elle s'approchant les mains serrant son jupon dans lequel elle semblait transporter des choses.
— Ce n'est pas drôle. Je ne veux pas qu'il te blesse par ma faute.
— En attendant, c'est toi qui a encore fait le zouave.

   Elle posa un petit pot en terre ainsi qu'un linge propre et une petite cruche puis se leva pour récupérer la bassine qui servait à ses ablutions. Sans une once d'hésitation, elle jeta l'eau par la fenêtre.

— Je ne voulais pas m'entrainer, c'est tout. Dans tous les cas, j'aurais pris des coups alors...

   Dans le bol en étain, Sybil versa du vin.

— Tu n'aurais pas dû, si on apprend que...
— Ne t'en fais pas. Marta croit que c'est pour père. Ce qui est vrai, je suis vraiment venu lui apporter, sauf qu'ensuite je suis montée te voir. Et puis il roupille dans son fauteuil alors avant qu'il ne s'en aperçoive... Je suis désolée, Coldris, ça va piquer.

   Sa soeur était si maline. Si douce et si intelligente. Il grimaça et se mordit les joues lorsque linge imbibé d'alcool toucha ses plaies béantes. Les larmes lui montaient de nouveau au bord des paupières. Est-ce qu'on voyait ses os derrière ? Il se tendit subitement. Il ne pouvait pas la laisser voir ce spectacle épouvantable. Avec un effort colossal, il se hissa sur ses coudes, mais une main le plaqua subitement contre le matelas.

— Tiens-toi tranquille, espèce d'idiot. Il ne t'a pas raté. Tu as dû vraiment le mettre en colère cette fois-ci.

   Un sourire insolent se dessina sur ses lèvres alors qu'il se détendait pour qu'elle puisse laver ses plaies. Plutôt que de se concentrer sur la douleur qui irradiait, il préférait  penser à autre chose.

— Je suis monté sur le corbeau de la muraille pour les observer me chercher. Tu te souviens quand on a versé de l'eau dans la fourmilière la dernière fois ? Eh bien c'était pareil. Ils se sont tous mis à courir dans tous les sens ! Il y en a même deux qui se sont percutés ! Même les fourmis ne sont pas aussi stupides !

Et lui avait ri de les voir s'activer à sa recherche !

— Ensuite les gardes m'ont retrouvé, alors je me suis enfui, mais dans l'escalier de la tour du corbeau, il y en avait un qui montait et... il m'a capturé. Il m'a trainé dans la cour. J'ai même réussi à m'en fuir, mais il m'a rattrapé, alors je l'ai mordu.

Coldris ravala son rire qui le tiraillait atrocement. Dans son dos à vif, il sentit l'air expiré dans un soupir par soeur.

— Coldris, tu ...
— Je m'en fiche, Sybil. Si je n'avais pas ses yeux, je me dirais que ce n'est pas mon père. S'il me déteste tant que cela, il n'a qu'à se débarrasser de moi. Pourquoi on ne me laisse pas tranquille ? Pourquoi ? Regarde-moi ! Je n'ai rien de ce qu'il faut. Ils sont tous là à se taper dessus pour un quignon de pain rassis ou pour le plaisir avec leurs ridicules épées en bois et moi j'ai simplement envie qu'on me laisse en paix. Les idiots ce sont eux, à force de se taper sur la tête, elle s'est complètement vidée. Ils n'ont même pas compris que les chevaliers c'était terminé ! Et même si je le voulais, je serai toujours aussi faible. Alors franchement quitte à prendre des coups autant les choisir !

   Il sentait toujours le linge humide éponger son dos et larmes qu'il retenait tant bien que mal finir par inonder ses joues. C'était ça ou hurler, mais il ne pouvait pas trahir sa présence. Elle n'avait pas le droit d'être ici et encore moins de lui porter des soins.

— Moi je trouve que tu es fort et très intelligent.

   Il haussa les épaules de dépit et se fut comme si des fils invisibles écartelèrent ses chairs. Il étouffa un cri.

— Tu feras de grandes choses un jour j'en suis sûre.

   Coldris se souvint de ces paroles qui s'étaient gravées dans son esprit il y a quelques années déjà. Sa mère lui avait dit qu'il était fait pour gouverner, que c'était dans son sang. Il soupira.

— Je n'en ai pas envie. Je ne suis pas comme ça. Je veux juste qu'on me laisse faire ce qui me plait. Comme lire ou observer les grenouilles sans risquer d'être projeté dans la mare. Je ne leur ai rien fait . Je leur laisse même mon repas si ça leur plait, alors pourquoi viennent-ils toujours me chercher des poux ?

À côté, Sybil venait de déboucher la jarre, à l'odeur il reconnut qu'il s'agissait de miel. Elle avait vraiment volé du miel ?

— Tu n'aurais pas dû...
— Laisse-toi faire ! rétorqua-t-elle avec autorité .  C'est pour faire cicatriser tes plaies. Tu savais que les Égyptiens l'utilisaient déjà ?

Il secoua la tête et le regretta aussitôt tant la douleur lancinante se rappela subitement à lui. Il n'y connaissait pas grand-chose aux légendes égyptiennes, simplement que le dieu Osiris était éparpillé en petits morceaux et que c'était Isis qui le réparait comme une poupée. Coldris se demanda si elle avait utilisé du miel comme mortier pour recoller les différentes parties entre elles. Sa soeur, sa formidable soeur, était comme elle, toujours là pour le réparer les trop nombreuses fois où il se brisait dans tous les sens du terme.

— Sybil ? Merci... merci, mais tu devrais partir maintenant avant que l'on te trouve ici.

____________________________
*Affolé je saisis mes armes ; ce geste n'est guère raisonnable
mais je brûle du désir de rassembler une troupe pour combattre,
de courir à la citadelle avec mes compagnons ; la fureur et la colère
me fouettent l'esprit ; je trouve beau de  mourir les armes à la main.

Enéide, Chant II

Coldris de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Ven 20 Aoû - 10:20

Chapitre 4: Isis



Novembre 1597, soirée.

Assis à son bureau, le Ministres des Affaires Étrangères terminait de lire et d'annoter les rapports qu'il devait présenter le lendemain au Conseil des Ministres. Le soleil s’était couchée depuis plusieurs heures déjà et seul la lumière vacillante des candélabres empêcher les ténèbres d'engloutir la pièce.

Coldris ouvrit un tiroir de son secrétaire soigneusement verrouillé pour en sortir un médaillon. A l’intérieur se trouvait le portrait d'une toute jeune fille aux grands yeux bleus. Son pouce caressa la peinture craquelée avec douceur.
Isis. Il l’avait fait peindre d’après ses souvenirs, il y avait de cela des années, dans le plus grand des secrets. Isis resterait à jamais son unique amour. Il se laissait rarement gagner par les sentiments mais dans la solitude de son bureau ministériel, il se laissa aller à la nostalgie et les souvenirs affluèrent en une vague scélérate.



Mai 1553, Quelque part dans un château miteux du fin fond de la province monbrinienne.


Coldris, 8 ans

Coldris était accroupi dans l'herbe. Il observait les fourmis  s'agglutiner autour du cadavre d'une sauterelle. Il aurait pu passer des heures à les regarder. Il avait l'impression de regarder d'en haut un autre monde. Est-ce que Dieu avait aussi cette impression quand il contemplait leur monde ? Pensait-il qu'ils n’étaient que d'insignifiantes fourmis ou au contraire d’intéressantes fourmis ? Lui, en tout cas, trouvait cela palpitant ! Elles ne parlaient pas -du moins il n'avait jamais vu autre chose que leurs mandibules et leurs antennes bouger- et pourtant chacune semblait savoir exactement quoi faire pour poursuivre leur tâche.
Le jeune garçon empilait des petites brindilles sur leur chemin pour le faire obstacle et voir leur réaction.

- Tu fais quoi ? lança la voix qui venait de se pencher dans son dos.

- Chuuut tais-toi et regarde

C’était Sybil, sa sœur de trois ans son aîné. Des yeux si bleues que l'eau paraissait trouble en comparaison et de jolies cheveux auburn qui faisait pâlir les érables à l'automne. Des frères et des sœurs, Coldris en avait des tas. Quatorze pour être exacte. Il était l'un des petits derniers. Sybil -l'une des Sybil- n’était en réalité que sa demi-sœur mais c’était de loin sa préférée. Elle était l'une des seules à venir s'enquérir de lui et surtout à apprécier ses drôles de manies. Quand les autres garçons jouaient à faire la guerre, Coldris huitième du nom préférait lire des traités et observer l’ordre naturel. On apprenait tellement en observant. Des fourmis à sa fratrie, il disséquait chaque comportement.
La colonne de fourmis escalada l'obstacle sans broncher. Son ventre gargouilla. Il n’avait rien mangé depuis trois jours. Et à peine plus qu’un bol de gruau en une semaine. Il enviait parfois les paysans qui passaient avec leur poulet sous le bras quand lui devait se battre avec ses frères pour avoir de quoi manger. Il poussa une fourmi avec une petite herbe pour voir sa réaction. Son père estimait qu'il fallait être fort pour survivre. Que c'est ainsi que l'ordre était établi. Alors il laissait volontiers ses fils en venir au mains pour un quignon de pain. Mais Coldris n’était pas taillé pour l’affrontement. Coldris mangeait toujours la poussière et Coldris était le souffre douleur de ses aînés.

- Tiens je t’ai apporté une brioche !

Le garçon lâcha aussitôt sa brindille pour lui adresser un regard plein de gratitude et enfourner le petit pain dans sa bouche affamée.

- Ca va pas mieux ton œil …

Il haussa les épaules tout en mâchant. Un de plus ou un de moins… Tant qu’il pouvait voir… Il était coutumier du reste, des coups et des bleus. Coldris Père l'avait encore battu pas plus tard que la veille pour avoir été surpris à rêvasser pendant le cours du Maître d’armes. Il avait même écopé du double pour avoir tenté de fuir.

- Je le déteste. Un jour il paiera. Ils paieront tous ! Merci pour la brioche Comme personne ne les regardait, il enlaça sa sœur et se laissa aller au réconfort de ses bras tandis qu'elle caressait maternellement ses cheveux.

-Pourquoi il nous a tous appelé comme lui ? Je déteste mon nom. Je le déteste. Même ses chiens ont des noms différents…

Les hurlements de son père, les coups, l'œil au beurre noir de gros Coldris second fils… Tout ce qu’il avait tenté d'enfouir se mit à jaillir sous forme de larmes de rage.

- Il a qu’à me tuer tout de suite si j'suis que des ennuis pour lui. Ça lui fera une bouche à nourrir de moins et plus pour ses limiers

Il renifla bruyamment alors qu'il sentait l’étreinte apaisante de Sybil se resserrer autour de son frêle petit corps.

- On a qu’à se trouver d'autres noms pour quand on est entre nous ! Qu'est-ce que t'en dis ? Comme ça t'auras plus à supporter celui du gros bêta

Il songea à la chose en silence avant d'acquiescer. C’était risqué mais la simple idée de ne plus avoir à frémir en entendant son prénom le réjouissait.

- Tu voudrais t'appeler comment alors ?

Un nouveau silence s’étira avant qu'il ne déclare

- Alduis.

Alduis cela sonnait fort et honorable. Avec un nom pareil plus rien ne pourrait lui arriver. Il se détacha de son étreinte se leva fièrement.

- Et toi alors, comme je dois t'appeler ? Si je change alors toi aussi !
- Hmmm…. Isis !
- Comme la déesse ?
- Comme la déesse ! Dis Alduis… tu crois… tu crois que je serai aussi dévouée qu'elle ?
- Mais voyons tu l'es déjà ! Tu ramasses toujours mes petits morceaux quand je suis brisé !

Elle était la seule à être toujours à ses côtés. Un jour il se vengerait et il fuirait ce lieu de malheur avec elle. S’entretuer pour hériter d'une ruine pleine de dettes ? Du haut de ses huits ans, il n'en voyait déjà pas l’intérêt. Il préférait s’élever. Haut, très haut. Et il se fit une promesse.

- Un jour je t’emmènerai à Braktenn, Isis ! On ira à la Cour et on verra le Roi ! Tu porteras une jolie robe bleu azur comme tes yeux, et moi un costume sombre comme mes cheveux. Et je te ferai danser sous les chandeliers ! Tu verras !

Sybil éclata de rire face au rêve de ce petit garçon fils d'un petit baron de province sans le sou. Coldris se renfrogna. Il était sérieux. Ils iraient à la capitale et ils n'en repartiraient plus. Là-bas, elle serait en sécurité, avec lui.
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Message par Coldris de Fromart Ven 20 Aoû - 10:23

Chapitre 5: Fuir



Coldris, 10 ans


9 décembre 1554,
Quelque part dans un château miteux du fin fond de la province monbrinienne.



Coldris huitième du nom venait d'avoir tout juste dix ans. Dix ans passés ici, c’était dix ans de trop.

Personne ne lui avait souhaité son anniversaire et cette journée avait été particulièrement banale : un cours d'armes où il avait pris -une fois de plus- un coup dans les côtes suivi d'un dîner où il n'avait même pas essayé d'obtenir plus que son éternel bol de gruau.

Il avait passé la dernière année à réfléchir au meilleur moyen de fuguer avec Isis sans parvenir à trouver une solution digne de ce nom. Chaque idée qu’il avait se soldait invariablement par une faille qu’il ne parvenait jamais à combler. Il devait trouver le plan parfait. Celui qui leur permettrait de fuir et de tourner la page.

Ils perdraient tout, mais ils n’avaient rien.

Qu’importe s’ils devaient errer dans la campagne ou les rues de la capitale, ils trouveraient bien moyen de subsister et de se mettre en sécurité.  Malin et lettré comme il était, il savait qu’il pourrait obtenir une place de secrétaire quelque part.

Après le repas -où gros Coldris avait cassé le nez de bêta Coldris-, il était remonté sans une parole dans sa chambre afin de poursuivre sa lecture de La Guerre du Péloponnèse par Thucydide. Un ouvrage secrètement volé dans la bibliothèque de son père et qu’il n’avait certainement jamais lu. Lui en revanche, se délectait de chaque page, analysait et mémorisait chaque évènement. Si pour certains, ce n’était qu’un récit de guerre historique, lui y voyait des outils pour demain.

A la lueur vacillante d’une bougie, il lisait, annotait puis tournait la page avec un profond respect. Le long du bougeoir, le cierge pleurait de longues larmes blanches qui se figeaient. La porte grinça et une silhouette fantomatique s’engouffra dans la chambre, manquant de renverser la bougie.

- Alduis ! Alduis ! Je saigne! C’est affreux… Il…

Il réceptionna sa grande sœur, sans bien savoir quoi faire. Elle était blessée ? On lui avait fait du mal ? Elle sanglotait toujours, prise d’une panique qu’il n’arrivait pas identifier. Il l’observa mais ne vit aucune trace de plaie quelconque.

- Calme-toi, Isis je ne comprends rien. Qu’est-ce qu’il se passe à la fin ?
- J’ai mes lunes ! Il va me marier ! Père va me marier s’il l’apprend !

De sa voix d’ordinaire si enjouée, on pouvait sentir toute la terreur vibrant à chaque syllabe. Coldris frissonna. La marier ? Alors elle partirait avec un vieux croulant et il ne reverrait plus ? Plus jamais ? Il serait seul et elle aussi. Seule avec ce vieux baron qui avait harcelé leur père pour obtenir sa main. Sa bouche s’entrouvrit sans qu’il ne puisse prononcer le moindre son. Son cerveau fonctionnait à toute vitesse pour trouver une solution viable.

- Jamais j’les laisserai te faire du mal ! T’auras pas à te marier d’accord ! Je vais trouver… Je vais trouver !

Il marchait de long en large, murmurant quelques paroles que lui seul pouvait entendre.

- Alduis…

D’un coup, il fit volte-face et attrapa la besace sur sa chaise. Il y fourra son livre, de quoi écrire, la bougie qu’il venait de souffler et un petit couteau. Il drapa ses épaules de son lourd manteau de laine sous le regard étonnée d’Isis qui n’était plus éclairée que par la lueur blafarde de la lune.

- On va partir… Maintenant !
- Partir? Mais où?
- On demandera asile à l’Abbaye de Saint Christophe et ensuite… Ensuite on ira à Braktenn !
- C’est de la folie… murmura la douce voix de sa sœur.

Et ça l’était. Coldris lui-même n’était pas pleinement satisfait de cette solution imparfaite. Mais c’était la seule qu’il parvenait à avoir. Parfois, il fallait oser et prier Dieu d’avoir la chance nécessaire à leur entreprise. Le petit frère attrapa les épaules de sa sœur aînée qui n’était guère plus grande que lui.

- Je sais… Mais on a pas le choix ! Va t’habiller et rejoins-moi dans la Cour !

Ils se séparèrent. Coldris se rendit aux cuisines et força le garde-manger de la pointe de son couteau. Il emporta deux petits pains et un peu de viande séchée, avant de s’extirper discrètement de la dépendance.
Isis l’attendait emmitouflée dans son manteau doublé de mouton. L’air était vif et sec. Chaque inspiration lui brulait les narines. Il aurait voulu emprunter un cheval mais ce n’était pas discret… Ensemble, ils contournèrent la Cour principale et se faufilèrent dans l'interstice d'une petite brèche qui n’avait jamais été réparée.

Au dessus d’eux, le ciel de velours se parait de quelques fins nuages d'argent. Toute la nuit, ils marchèrent. La neige crissait à chacun de leur pas. Elle était par endroit si épaisse  qu’ils  s'y enfonçaient jusqu’au genou et finissaient par tomber tête à terre sans parvenir à s’extirper seuls. Ils étaient épuisés, transi de froid et d’humidité mais ils continuaient de marcher sans s’arrêter, s’aidant tour à tour. Coldris se disait parfois que tout ceci était vain et stupide, qu’il aurait sans doute mieux valu abandonner. Un simple regard en arrière où l’imposante et menaçante silhouette du château se dressait toujours suffisait à le motiver à avancer.

- J’en peux plus Alduis… J’en peux plus… On pourrait s’arrêter ? Juste un peu ?
- Non il faut avancer, relève-toi ! On est trop près !

Il tira de toute ses forces sur le bras d’Isis pour qu’elle se relève. La neige rendait leur progression difficile. Ses pieds étaient trempés. Il avait envie de les poser au coin d’un feu, de dormir dans son lit, sous l’édredon… Il secoua violemment la tête et reprit sa route. Le vent se leva alors qu’ils atteignaient l’orée du bois. Face à eux les inquiétantes silhouettes fantomatiques étendaient leurs longues griffes jusque dans le ciel d’encre. Sous la canopée, la neige était légèrement moins dense et ils purent avancer un peu plus facilement.

***

Quelques heures avant l’aube, exténués, l’un et l’autre s’étaient endormis au pied d’un arbre se serrant mutuellement pour contrer le froid.
Ses paupières étaient toujours closes. Il était si bien… Il voulait rester ici pour l’éternité. De quoi avaient-ils besoin d'autre ? Au loin, des chiens aboyaient frénétiquement. Le son se rapprochait. Se rapprochait ?!

- Lève-toi Isis! Lève-toi ! Il faut y aller ! Il a lâché les chiens !

Coldris la secoua de toute ses forces pour la réveiller, répétant encore et encore les mêmes mots jusqu’à ce qu’elle bondisse et qu’ils se mettent à courir aussi vite que possible, sans réellement prendre garde à la direction.

Plus les minutes passaient, plus les aboiements se rapprochaient. Il lui fallait une idée… Tout en courant, il ouvrit la besace et se débarrassa de la viande séchée, espérant ralentir les limiers qui s’étaient jetés à leur poursuite.

Ce fut hors d’haleine, qu’ils stoppèrent leur course face à un ruisseau dont l’eau n’avait pas encore gelé. Il croisa le regard terrifié d’Isis. Les chiens semblaient désormais si proches…

– Donne-moi ton châle et enlève tes chaussures ! ordonna-t-il en tendant sa main.

Elle le regarda interloquée mais s’exécuta sans poser de questions. L’heure n’était ni aux explications, ni aux interrogations. Le temps pressait. Le garçon fit de même et récupéra le lainage beige de sa sœur avant de se diriger vers la rivière. Il n’avait pas envie, mais alors vraiment pas envie de faire ça. Un coup d’œil en arrière et il lui sembla apercevoir une ombre se mouvoir dans les bois. Sans plus d’hésitation il se jeta dans le ruisseau qui lui arrivait au mollet. Une sensation de brûlure lui mordit la chair. Il laissa tomber le châle qui fut emporté instantanément par le courant, plus loin vers l’aval, alors même qu’ils remontèrent la rivière sur une dizaine de mètre. Il espérait ainsi semait le doute dans l'esprit de la meute. L’eau était glaciale, ses orteils saisis par le froid intense semblaient être devenus un unique bloc de glace. C’était pourtant le cadet de ses soucis. Il espérait simplement que sa petite ruse leur permettrait de gagner quelques précieuses minutes de répit.

- J’ai froid… J’ai si froid…
- Je sais… Moi aussi répondit-il en courant

Si leur course effrénée le réchauffait, il pouvait également sentir sa sueur glaciale longer son échine et ses pieds engourdis qui n’avaient jamais pu se réchauffer dans ses souliers m A chaque nouvelle inspiration, il avait l’impression d’avaler une tasse d’aiguilles. Il allait attraper la mort, c’était sûr… Mais ce serait toujours mieux que de retourner au château…

Les chiens et le garde n’avait pas mis longtemps à retrouver leur piste. La dernière fois qu’il se retourna, ce fut la meute tout entière qui apparut dans son champ de vision. Ils étaient si proches qu’il pouvait deviner l’écume aux bords de leurs noires lèvres. A moins que ce ne soit son imagination qui s’en mêlait ? Il ne s’appesantît guère sur ce détail et attrapa la main d’Isis, pour l’entrainer aussi loin que possible.
Coldris était terrifié.
Terrifié à l’idée de sentir les mâchoires se refermer sur son mollet.
Terrifié à l’idée qu’elle soit blessée.
Terrifié l’idée de retourner au château.
Et tout simplement terrifié l’idée d’échouer.

Malgré tous leurs efforts, ils n’étaient que deux enfants poursuivis par des canidés rompus à l’exercice dans une forêt enneigée. Coldris haletait. A chaque expiration, un nuage se formait devant sa bouche. Ils étaient si proches… Si proches… Il serait là d’un instant à l’autre. Il ne pensait même plus à lui. Il ne pensait qu’à elle. Elle ne pouvait pas être blessée. Il avait promis.

- J’les laisserai pas te faire du mal, je te le promets répéta-t-il une nouvelle fois pour la rassurer.

Il avisa un arbre qui présentait des branches à hauteur de mains et aida Isis à s’y hisser. C’était leur dernière chance… Une impasse. C’était ça ou finir avec les os broyés. Le calcul ne fut guère long. Ils grimpèrent aussi haut que possible pour tenter de se camoufler entre les branchages. Les chiens déboulèrent et se stoppèrent devant l’arbre. Ils aboyaient frénétiquement, sautaient, grattaient l’arbre de leurs griffes noiraudes et essayaient de monter. Il se serra contre sa sœur, tétanisé.

Le garde faisait le tour de l'arbre, inspectait la cime encore et encore sans parvenir à les trouver. Le cœur de Coldris battait à tout rompre. Il essayait de lui ordonner de se calmer, de lui dire qu'il allait l'entendre, mais rien n'y faisait. Alors il se serra encore plus contre le manteau froid et humide de sa sœur qui priait muettement… L'homme au cor de chasse allait rebrousser chemin lorsqu’il leva une dernière fois les yeux vers le ciel zébré de rose et s'immobilisa.

- Ils sont là haut ! Attachez-les chiens rugit une voix rauque.

Si c’était possible, il se serra encore plus fort contre elle avant d'embrasser sa joue et… de descendre sans un bruit.

- Nooon… murmura-t-elle en tendant la main pour le retenir.

Il se retourna pour lui sourire. Il avait si peur. Mais tout ce qui lui importait c’était qu’elle aille bien. Elle.

- C'est ma faute ! Tout est de ma faute ! cria-t-il avec le peu de courage dont il disposait.


***

Trois semaines qu'il moisissait dans cette cellule froide et humide. Trois semaines qu’il se nourrissait de pain rassi et passablement moisi. Isis était venue une nuit. Malgré l’obscurité, il n’avait pas manqué de remarquer la marque violacée sur son beau visage de porcelaine. Il avait serré les dents et ses doigts autour des glaciales grilles.  Ses doigts en étaient restés collés autour. Mais qu'importe...
Il ne l'avait plus revu depuis. Personne ne lui parlait. Il était seul avec ses pensées. Il grattait méthodiquement le mortier qui scellait les dalles. Combien de temps allait-il encore rester ici ? En sortirait-il un jour ? Si Dieu était vraiment miséricordieux comme on le disait pourquoi ne le tuait-il pas sur le champ pour lui épargner toutes ces souffrances ?
Ils payeraient, ils payeraient tous.
Coldris hurla mais seul l’écho lui répondit.
Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Ven 20 Aoû - 10:27

Chapitre 6: Destruction

Avertissement - Contenu sensible:


Coldris, 10 ans


26 avril 1555,
Quelque part dans un château miteux du fin fond de la province monbrinienne.



Dans sa cellule, Coldris avait perdu la notion du temps. Il avait essayé de gratter les pierres pour y inscrire les nuits qui passaient mais il n’avait aucun objet suffisamment dur à sa portée. Il avait tenté de gratter le mortier pour en extraire une poudre et en faire des petits tas pour chaque jour qui s’écoulait mais un jour de grand vent, tout avait été emporté. Il avait même tenté de se les graver dans la chair avec ses ongles, sans plus de succès. Il n’y avait bientôt plus eu que sa mémoire. Chaque matin, il se répétait la date comme un mantra. Lorsqu’arriva le deuxième mois, ses heures d’éveils et d’endormissements se décalèrent tant et si bien qu’il n’arrivait plus à séparer les journées les unes des autres. Pourtant, il continuait inlassablement à se répéter la date supposée du jour.

Personne ne lui adressait la parole. Personne ne le visitait. On déposait tout juste hâtivement sa pitance au travers de la grille. Il était seul. Seul face à lui-même, à ses peurs et à ses pensées qui le harcelaient. Cette petite voix au fond de son esprit ne semblait jamais vouloir se taire. Elle lui parlait d’Isis, elle lui montrait des images d’elle terrible. Elle lui parlait de son père, elle assemblait des briques d’idées. Elle lui parlait de politique, d’histoire, de guerre et de stratégie. Elle alimentait les flammes de la revanche. De temps à autres, Coldris criait. Juste pour avoir le soulagement d’entendre une voix et couvrir l’oppressant silence le temps d’un court instant.

Placé hors de portée de ses mains, il y avait ce minuscule soupirail au travers duquel quelques rayons de soleil venaient caresser son visage comme une maigre consolation. Il n’y avait pas de plus grande frustration que celle de ne pas pouvoir voir au dehors. Un nombre incalculable de fois, il avait couru puis bondit sur le mur dans l’espoir d’en atteindre le rebord. En vain. Il n’en avait récolté que des bosses à la tête. Pris parfois de fureur, il s’en prenait alors à tout ce qu’il trouvait : les murs, les barreaux et cet infâme paillasse à l’odeur de moisi.

Aux neiges de l’hiver, il avait vu succéder les giboulés puis les averses de printemps. L’après-midi, lorsque le soleil entrait à son maximum par la petite fenêtre, il pouvait le sentir bien plus vigoureux que lors de son incarcération.

Combien de temps resterait-il encore emprisonné ? Six mois ? Un an ? Plus ? En sortirait-il seulement un jour ? Et Isis ? Où était-elle ? Où était Isis ? Etait-elle toujours au château ?  Il voulait l’imaginer souriante à se promener sous les arbres en fleurs, sa chevelure châtoyante volant derrière elle. Il avait parfois l’impression d’entendre sa voix venue d’outre-tombe. Alduis, Alduis… Tiens bon, tiens bon répétait-elle.

Et puis un jour… Un jour, la grille s’ouvrit. Elle s’ouvrit juste. Pas un mot. Pas un commentaire. Juste un sinistre grincement. Coldris s’avança prudemment avant de bondir littéralement comme un fauve hors de sa cage. Il galopa aussi vite que possible. Il voulait mettre le plus de distance possible entre lui et cet endroit maudit. Il gravit les marches quatre à quatre et poussa la porte de bois.

Il était libre ! Libre ! Le soleil l’éblouissait, ses yeux en pleurait mais qu’est-ce que c’était bon ! Il se laissa tomber sur le dos, au milieu de la Cour à rire comme un fou. Il était libre ! Il n’y avait rien de plus agréable que de sentir la brise souffler sur son visage et le soleil l’envelopper d’une douce chaleur. Enfin… Si. Une chose valait toutes celles-ci : la simple de compagnie de sa sœur. A cette simple image, il s’élança aussitôt vers les austères murs décrépis de la propriété.


12 mai 1555,

Deux petites semaines que la vie avait repris son cours. Coldris était toujours étonné de voir avec quel simplicité les choses pouvaient revenir à la normal. C’était comme lorsqu’il agitait son verre de vin coupé à l’eau : il ne fallait que quelques secondes pour que l’étendue jaunâtre ne retrouve sa placidité initiale. Sa vie n’était guère différente : il avait retrouvé les cours d’armes, ses livres, les repas de cirques romains et les coups. Au moins, lorsqu’il était emprisonné, il n’y avait que lui-même pour se faire du mal. Pourtant, malgré tout cela, Coldris était d’une insolente bonne humeur. Son sourire s’étirait jusqu’aux oreilles, même lorsque les coups et les cris pleuvaient. Son regard de glacier brillait d’une effrontée arrogance. Il s’en fichait. Il se fichait de tout.
Et pour cause : Isis était toujours là ! Le vieux baron avait annulé les fiançailles lorsqu’il avait découvert la fugue de sa promise. Une épouse rétive ? Très peu pour lui avait-il dit. Et en plus elle n’était même pas cher payée. Il n’avait peut-être pas réussi à fuir le château, mais il n’avait pas totalement échoué non plus. Et cela le réjouissait autant que de savoir qu’elle resterait à ses côtés.

Il avait passé tout son temps libre en sa compagnie dans l’espoir de combler ce manque béant d’affection et de socialisation. Lorsqu’il ne pleuvait pas, ils s’allongeaient dans l’herbe tête contre tête et commentaient les nuages entre deux discussions des plus sérieuses. Souvent Coldris se retournait pour lui rappeler qu’il n’en resterait pas là, qu’il l’emmènerait à Braktenn voir le Roi et danser dans la Salle de bal.

En cet fin d’après-midi, ils étaient adossés à un pommier. Sa tête posée contre son épaule, il lui racontait ses rêves d’enfant, lorsqu’il repoussa ses cheveux auburn et embrassa innocemment sa joue. Il n’avait pas vu l’immense silhouette de son père qui s’avançait vers eux. Quand il aperçut l’ogre furibond, il était trop tard pour détaler.

- Coldris ! rugit la voix rocailleuse du paternel à la barbe hirsute.

Il frissonna. Il aurait voulu disparaitre. Au lieu de cela, glissa ses doigts entre ceux d’Isis pour se donner le courage de soutenir ce regard. Coldris Père attrape la chevelure flamboyante de sa sœur et la traina quelques mètres plus loin sans qu’elle ne puisse se débattre.

- Sale petite garce! Quand comprendras-tu ?!
Impuissant, Coldris huitième du nom se leva, poing serré. Il détestait son père. Il le détestait. Qu’avaient-ils fait de mal au juste ? Le blizzard soufflait dans ses yeux. Il voulait le frapper, il voulait la libérer mais ses pieds semblaient enracinés dans le sol.

- Tu n’es qu’un bon à rien Coldris ! Tu ne mérites même pas ce nom !
- Ca m’est égale ! Ce nom me répugne ! Je m’appelle Alduis. Alduis ! Je refuse de porter votre stupide nom comme mes stupides frères ! Je vous…
IL SUFFIT ! le coupa-t-il en resserrant sa prise autour de Sybil. Tu te crois malin et fort, petit rat ?! Tu n’es rien. Rien du tout!

Ce fut alors qu’il remarqua ses doigts se dirigeant vers son couteau. Un frisson remonta son échine. Il chercha le regard d’Isis. Son cœur s’arrêta tandis que son esprit continuait d’assembler les informations à toute vitesse. L’ogre réprima un rire qui ressemblait plus un grognement qu’autre chose.
Sous les rayons mourants de la fin de journée, la lame étincelait.

Alors quoi Coldris ? Tu as mangé ta langue ?

Dans ses bras, Isis se débattait pour tenter de fuir mais elle ne faisait pas le poids. Il resserra sa prise. Elle lui mordit la main jusqu’au sang. Un juron se perdit entre le grognement et le coup qui fut porté.
Il aurait du bouger, faire quelque chose. N’importe quoi ! Mais ses pieds restaient obstinément fixés. Il n’arrivait pas à passer du spectateur à l’acteur. Et ça son père l’avait bien deviné. Une seconde lame atterri à ses pieds.

Bah vas-y ! Libère-là !

Coldris la fixa, sans pouvoir se résoudre à la prendre.
Pourquoi ? Pourquoi ne pouvait-il pas ?

Il releva les yeux. Son père eut un ricanement sinistre.
Aldu… implora-t-elle

/!\ Contenu sensible :

Coldris était stupéfait. Ahuri. Attéré.
Son cœur venait d’être pulvérisé. Réduit à l'infime état de poussière.plus rien ne pourrait jamais le réparer.
/!\ Contenu sensible :

L’amour rend faible, Coldris.

Ses yeux restaient obstinément fixés sur le sol. La voix de son père semblait venir d’un autre monde. Ce n’était qu’une fille. Une fille ça ne valait rien et ça coûtait chère. A nourrir et à marier. Bon débarrasVoilà ce qu’il avait sans doute pensé.
Sa tête bourdonnait. Il ne pouvait pas quitter le corps sans vie qui se trouvait à ses pieds. Quand enfin ses pieds se décidèrent à lui répondre, il se jeta, sur elle, ses grands yeux bleux ne regardait plus nulle part.

- Isis non ! Nooon ! Tu peux pas ! Tu peux pas mourir ! Tu dois venir avec moi à Braktenn ! Tu te souviens ? On doit aller danser sous les chandeliers ! Tu peux pas… Tu peux pas…

Il se laissa tomber contre elle, il la serra fort contre lui. Quand il constata avec effroi ses mains rougies, ses sanglots laissèrent place à un hurlement puis une cascade de larmes. Dans le peu de conscience qu’il lui restait, il arracha un petit lambeau taché de la chemise de sa sœur, pour ne pas oublier. Il n’oublierait jamais. Il serra fort dans son poing et posa sa tête contre sa poitrine silencieuse. Il pleura encore et encore jusqu’à en perdre conscience.

***

Il se réveilla dans son lit. Ses vêtements maculés avaient disparu. Il avait une chemise blanche parfaitement immaculée. Un mauvais rêve ? Sa tête cognait toujours. Il voulait croire que ce n’était qu’un cauchemar. Il leva les yeux vers le plafond.
Un rêve ce n’était qu’un rêve. Isis était toujours là.
Il frissonnait étrangement. Il repoussa l’édredon et ce fut là qu’il le vit, au milieu des draps : le lambeau carmin. Il le ramassa, tétanisé par l’effroyable vérité. Les larmes montèrent et son esprit se remit à le harceler et attisa le feu de la vengeance. Ce n’était plus des larmes de tristesse mais de rage mais qui s’écoulaient lentement. Il se promit d’obtenir du pouvoir. Assez de pouvoir pour que plus personne n’ose s’interposer.

Manger ou être mangé

Son choix était fait. Ils payeraient tous. Ils viendraient implorer sa miséricorde. Même Dieu. Ce putain de Dieu n’était qu’une fumisterie. Une machination montée pour les contrôler. Car si Dieu existant vraiment, c’était son père qui serait mort, pas elle. On pouvait bien lui dire qu'il irait en Enfer... Il y était déjà. Mais on ne pouvait pas mourir en Enfer n'est-ce pas? Alors Dieu n’existait pas.

On ne pouvait compter que sur soi.
Coldris de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Jeu 9 Déc - 15:48

avertissement - langage cru, infanticde, handiphobie:

Chapitre 1: Le sang du taureau



Meredith de Fromart née Ombresert, 45 ans
&
Coldris, 4 ans




13 juin 1549,


Meredith déambulait fièrement dans les sordides couloirs de Fromart. Ce n’était pas les coups reçus de ce porc imbibé de vinasse qui aurait pu changer la donne. Il pouvait bien fourrer ses putains de servantes sous son nez ou la frapper au sang, elle le regarderait toujours droit dans les yeux. Elle se demandait souvent ce qui la retenait de l’étouffer avec son édredon un soir où il décuvait ivre mort dans sa couche, avant que la raison ne lui rappelle que Coldris ne pourrait jamais hériter et qu’en conséquence elle se retrouverait jetée dans un couvent, à prier nuit et jour que le Seigneur l’en délivre. Ce n’était pas qu’elle avait quoi que ce soit contre la vie monacale, seulement c’était bien trop ennuyeux pour un esprit comme le sien. Plutôt mourir que dépérir. Et puis ce goret ronflant n’avait pas que des désavantages : avec sa cervelle dissoute dans ses couilles et le reste dans l’alcool, elle pouvait se permettre de préparer le terrain pour son fils. Hériter du domaine qu’elle tentait de faire fructifier n’était qu’une infime partie de ses desseins : Coldris était amené à s’élever bien plus haut. Il n’était pas comme ses demi-frères. Son sang coulait dans ces veines et ce sang appelait les plus hautes sphères. C’était ainsi. Elle l’avait su l’an dernier lorsqu’à tout juste trois ans il s’était pris une gifle monumentale pour avoir corrigé l’un de ses ainés qui avait confondu un « b » et un « p ». Depuis, Meredith s’était arrangé secrètement auprès du vicaire pour que le petit apprenne à lire et écrire. Du haut de ses quatre ans, il commençait à lire quasiment fluidement aussi étonnant que cela puisse être. Il n’avait définitivement rien de ces ignares de chevaliers d’un autre temps qui s’imaginaient encore par Dieu savait quelle nostalgie que leur monde ne tournait qu’à coups d’épées.

Cela ne faisait que douze ans qu’elle avait appris qu’elle n’était pas la fille de son père. Il fallait dire que sa mère s’était évertuée à conserver le secret de l’intimité qu’elle avait pu partager avec le Pape autant que le présent avec lequel elle était revenue en Monbrina. Car oui, elle était bien l’une des filles d’Alexandre VI et c’était ce que mentionnait sa mère dans cette lettre sous scellé qu’elle avait reçue du notaire à sa mort. Il lui avait fallu deux ans pour ouvrir cette boite contenant divers éléments de son ascendance. C’était une curieuse chose de réaliser avoir vécu si longtemps dans le mensonge le plus absolu et de ne partager avec celui qu’elle appelait « Père » rien de plus qu’un patronyme qu’elle avait égaré au cours d’une alliance matrimoniale.

Elle n’avait pas jugé bon de révéler ce détail à ses enfants n’ayant rien remarqué de significatif à leur sujet. Toutefois, Coldris… Coldris était bien différent. Il avait hérité d’elle bien plus que de son pochtron de père. Il était intelligent. Un peu trop discret, ceci dit, préférant s’écraser faute d’avoir la force pour s’imposer. Un peu trop doux aussi à sortir les fourmis qui tombaient dans la mare. Il avait besoin de savoir pour se révéler. Il ne serait jamais comme eux, il serait bien plus. Il gouvernerait le pays à n’en pas douter. Peut-être suivrait-il les traces de son grand-père ? Après tout, il semblait particulièrement apprécier la présence calme du vicaire.

Il lui devenait néanmoins difficile de voir son fils depuis la fâcheuse naissance de Coldris Jérémias, deux ans auparavant. Pourquoi Diable avait-il fallu qu’il naisse ainsi ? Avec cette grosse tête difforme et ses petits yeux étirés comme un démon ? Une horreur. Une répugnante horreur de la nature que son mari s’est empressé d’éliminer purement et simplement avant que le Malin ne s’invite dans le domaine. On avait enterré la dépouille sous la chapelle afin d’être sûr qu’elle ne vienne nullement troubler les vivants. Encore si cela s’était arrêté là… Tant s’en faut, son abêti de baron s’était mis en tête que ce n’était là qu’un signe évident de son péché d’adultère. Sa sanglante folie ne s’était calmée que lorsqu’il eut achevé d’exécuter tous les hommes ayant eu le malheur de nouer une relative proximité avec elle. Et encore, l’on ne devait sans doute le cessez-le-sang qu’au vicaire qui avait brandi la miséricorde pour les malheureux pécheurs – parfaitement innocents au demeurant –. Depuis, sa défiance ne connaissait plus guère de limite et sa marge de manœuvre s’en trouvait d’autant plus limitée. Son mari avait entrepris d’éloigner le fruit de l’arbre vérolé autant que possible, mais c’était sans compter sa persévérance toute maternelle. Une mère avait bien d’autre façon d’intercéder auprès de ses enfants lorsqu’elle le décidait que par sa simple présence. Aussi loin fût-elle de Roderic, elle veillait toujours sur lui, qu’il n’en doute jamais.

Pourtant, elle sentait l’étau se resserrer autour d’elle. Comme une impression funeste. Il y aurait peut-être bien un coup de trop un jour et elle ne s’en réveillerait pas. Ou peut-être l’empoisonnerait-il lorsqu’il réaliserait à quel point elle avait étendu profondément ses racines à travers le domaine pour établir de s’en emparer ? Sous sa rigueur et sa dureté, la maitresse de maison avait su se faire une place dans le cœur de leurs gens par sa charité qu’elle ne manquait jamais d’user à leur égard. Bon nombre la soutenaient et n’hésitaient pas à lui octroyer de temps à autre des faveurs sous forme de petits arrangements. Il n’y avait qu’une seule personne à qui elle avait confié son secret – ainsi que tous les documents l’attestant – et il s’agissait du vicaire en qui elle avait une pleine et entière confiance. Si elle venait à disparaitre, il pourrait prendre soin de Roderic. Quant au secret, elle avait achevé de se décider à lui transmettre quand bien même il était encore fort jeune.

À cette heure-ci, son fils se trouvait en compagnie du Père Edouard qui sous couvert de catéchèse – il fallait bien qu’il rachète les péchés de sa mère et s’éloigne du vice – lui enseignait en réalité à apprivoiser les lettres. De son pas altier, Meredith poussa la porte de la seule salle du domaine qui ne tombait pas en décrépitude totale. Ce maudit baron sanglant craignait bien trop de se faire lécher le cul par les flammes de la Géhenne pour ne pas soigner la maison de Dieu en y reversant le moindre pécule dans l’espoir de racheter ses crimes. Derrière toutes ces dorures éclatantes et ces peintures de maitres, la baronne de Fromart ne voyait que le sang suinter le long des cannelures des colonnes supportant les ogives. Sans surprise, elle trouva son fils appliqué à recopier des psaumes.

— Pardonnez-moi, mon Père, je désirerais parler à mon fils et je dispose de peu de temps avec que l’on ne me découvre.
— Bien entendu, ma fille. Je serai dans ma cellule, si besoin. Permettez-moi de vous dire qu’il lit désormais presque sans accroc. Je n’ai jamais vu cela de toute ma vie..

C’était typiquement grâce à ce genre de petits accords lui permettant d’échapper au zèle de ses cerbères qu’elle avait amadoués qu’elle pouvait voler au destin une poignée de minutes en compagnie de son fils. Il levait d’ailleurs la tête après avoir achevé de tracer son mot et s’inclina profondément.

— Je vous souhaite le bon jour, Mère. Je m’appliquais à recopier le premier Psaume sur les conseils du Père Edouard.

Meredith s’agenouilla devant lui en lui prenant les mains, émue. Ce qu’il avait encore grandi ! Elle s’en rendait désormais compte qu’ils étaient si proches. Il avait ses beaux cheveux sombres, mais les yeux clairs de son père. Néanmoins, il ne brillait dans les siens aucun éclat malin, loin de là. On ne ressentait qu’une profonde douceur.

— Mère ? Y a-t-il un problème ? questionna-t-il soudainement inquiet.

Il n’avait pas l’habitude de la côtoyer et elle était à peine plus qu’une étrangère qu’il appelait Mère, car c’était ce que les us réclamaient. Les rares fois où elle venait comme aujourd’hui, elle repartait toujours avant qu’il n’ait pu lui dire la moindre chose et il restait avec sa question brulante sur le bout des lèvres. Le Père Edouard disait que les petits nobles n’avaient besoin de leur mère que pour les mettre au monde et qu’il en était ainsi pour tous...

— Vous semblez triste…

Les mots de Roderic l’arrachèrent à sa contemplation. Triste ? Oh… Elle afficha un sourire rassurant, tout encadrant son visage de ses mains pour baiser son front.

— Tout va bien, je t’assure.

Il n’avait pas besoin de savoir qu’elle commençait à redouter chaque nuit de ne plus voir le jour se lever. Il ne devait qu’étudier et se bâtir pour s’élever. Le reste était de son ressort et elle ferait tout pour résister aussi longtemps que possible afin de le protéger.

— Je n’ai pas beaucoup de temps...
— Vous n’avez jamais de temps pour moi, Mère, rétorqua le petit avec aigreur.

Elle encaissa sans broncher la flèche acérée. C’était légitime. Elle aurait tant voulu faire plus pour lui, si seulement il savait… Mais il était inutile de l’embarrasser avec toute la complexité de leur monde. Qu’il la déteste donc, elle se sacrifierait volontiers pour lui. Elle supporterait dignement tous les malheurs du monde pour qu’il survive et s’élève.

— Et un jour tu n’en auras plus pour moi, Roderic, tu verras.

Aussi cruel cela soit-il, c’était la seule façon de le préserver. Ainsi il souffrirait le moins possible de leur éloignement. Et pourtant, il n’y avait pas à un jour où elle ne rêvait pas de le serrer dans ses bras.

— Ecoute, j’ai quelque chose de très important à te dire et c’est un secret, elle mima de son index le silence.
— Ne vous inquiétez pas, Mère, il n’y aura que Notre Seigneur au courant. Je vous le jure.

Elle opina doucement et l’invita à prendre place sur un banc d’un geste de la main.

— Sais-tu pourquoi tu t’appelles Roderic ?
— Parce qu’il en a été décidé ainsi par mes parents. En même temps, si elle lui en parlait c’est que c’était certainement important. Est-ce vous qui m’avez nommé ainsi ?

Elle acquiesça.

— D’après ton grand-père.
— Mon grand-père ? Me faites-vous marcher, Mère ? Mes grands-pères se nomment Aldric et Jean, enfin !
Elle passa outre son insolence dans un sourire mi-fier, mi-amusé.

— Non, ton grand-père s’appelait bien Roderic. Avant qu’il ne devienne pape du moins.

Coldris écarquilla grand les yeux. C’était impossible. Les papes n’avaient pas d’enfants. Sa mère avait dû tomber dans les escaliers…

— Mère ? Enfin vous savez comme moi qu’ils ne peuvent pas se marier et…
— Bien sûr, coupa-t-elle. Seulement… Il en est qui ne s’embarrassait pas tant de leur vœu. Roderic… Mon père est Roderic Llançol de Borja et non Jean d’Ombresert comme on te l’a enseigné.

Alors sa mère était une bâtarde ? Il regarda soudainement les lignes dans les paumes de ses mains comme si la vérité avait pu y être gravée. Il n’était qu’un descendant de bâtard. Était-ce pour cela que tout le monde le rejetait ? Sa mère était le fruit d’un adultère et avec un Pape en plus !

— Je sais ce que tu penses. Tu te dis que tu ne vaux rien, car nous descendons d’un péché.

Il releva la tête pour croiser le regard déterminé de sa mère.

— Il n’en est rien. Le sang qui coule dans nos veines appelle à gouverner. Ne l’oublie jamais, Roderic. Tu es né pour gouverner. Ta place n’est pas à croupir parmi la fange de la baronnie.
— Et si je n’en ai pas envie ?

Il ne savait quoi trop penser du haut de ses quatre ans. C’était tout juste s’il s’imaginait être un jour adulte. Et le palais royal, cela lui semblait très loin et même inaccessible.

— Cela s’imposera à toi, tu verras. Je suis certaine que tu accompliras de grandes choses pour peu que tu t’en donnes les moyens.

Derrière eux, la porte s’ouvrit à la volée sur une servante qui était visiblement en grande hâte à en juger les mèches qui s’éparpillaient de sa coiffe et sa révérence pour le moins empressée.

— Madame, pardonnez-moi… Vous devez vous hâter l’on a commencé à vous chercher. Le baron demande qu’on vous fasse venir.

Elle se garda bien de préciser qu’il avait demandé après sa garce de femme qui devait fomenter quelques coups bas… C’était si injuste… Lisalie n’en croyait pas un mot. C’était une femme pieuse et si digne malgré tout ce qu’elle subissait… Alors elle voulait bien la couvrir pour qu’elle puisse voir son petit. Quelle tristesse d’être séparée de son enfant pour une mère tout de même ! Ces nobles avaient de drôles de coutume tout de même…

Meredith soupira puis se leva sans se presser pour autant. Inutile d’avoir l’air en plus coupable.

— N’oublie jamais ce que je viens de te dire. N’en parle qu’au Père Edouard. Il sait. Et continue d’étudier avec assiduité. C’est la clé. A bientôt, Roderic.
— Oui, Mère, c’est entendu, fit-il en s’inclinant.

Il la regarda s’éloigner avec admiration entre les rangées de bancs sans parvenir à bouger.

— Mère, interpella-t-il finalement avant qu’elle ne passe la porte, merci d’être venu.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

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