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[23-26 janvier 1598 -Nuit] - Errances nocturnes [Terminé]

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Message par Coldris de Fromart Lun 2 Aoû - 21:20



Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.


La cloche fêlée, Charles Baudelaire







23 janvier 1598, soirée,

Il était enfin de retour à Fromart après le procès de la grenouille lubrique. Se montrer vindicatif dans son réquisitoire n’avait pas été bien difficile, surtout lorsqu’il avait accumulé un tel mélange de colère et de frustration en lui. Peu importe la peine capitale dont elle avait écopé c’était toujours trop peu pour lui qui rêvait de la voir démembrée et éparpillée aux quatre points cardinaux de Braktenn. Le monstre en lui avait recommencé à le grignoter de l’intérieur autant qu’à étendre ses longues griffes ténébreuses dans son veinage. Ce soir-là Coldris ne dina pas, il s’enferma dans son bureau pour travailler jusqu’à ce que, trop épuisé pour penser rationnellement il aille s'affaler dans l’un des fauteuils face à la cheminée. Il se servit un verre de whisky qu’il saupoudra de cette habituelle poudre blanche qu’il observa disparaitre dans le tourbillon généré par sa cuillère. Il demeura pensif durant un instant qu’il n’aurait su qualifier de bref ou long. Tout ce dont il avait conscience c’est que ses lèvres avaient trempé plus d’une fois dans la liqueur tourbeuse et que son verre était désormais presque vide. Il le remua d’un petit mouvement circulaire puis leva son bras en indiquant le portrait de la belle Aurélia éternellement magnifique.

— Je l’aime toujours, déclara-t-il à son valet sans quitter le regard océan de la demoiselle figée qui commençait à se mouvoir.

Il n’était qu’un animal blessé tentant de panser ses plaies à coup d’alcool et d’opium. Il ne savait pas même pas ce qu’il attendait de cela. Sans doute de s’endormir enfin en tuant son esprit galopant et son cœur saignant.

— Malgré tout ce qu’elle m’a fait, je l’aime toujours… C’est plus fort que moi.

Léonilde restait impassible quoique fort troublé par le discours qu’il tenait. Il n’était pas sûr de savoir à laquelle des deux il faisait référence.

— Ce qui est fait est fait, Monsieur, c’est ce que vous dites toujours, répondit-il sans trop se mouiller quant au sujet en question.

Coldris vida le fond de son verre puis se leva et s'approcha du portrait, aussi près que la cheminée flamboyante le permettait.

— Dis-moi quelque chose. Parle-moi. Pourquoi gardes-tu silence ?

Sa voix tremblait sans doute autant que le visage de son Aphrodite dont les traits se mettaient à onduler comme la surface d’un lac. Comme l’onde d’un ricochet la déformation se propageait au reste du tableau. Elle bougeait. Pourquoi ne pouvait-elle pas parler ? Les murs de son bureau s’enroulèrent puis s’écroulèrent sur eux-mêmes avant de disparaitre définitivement dans le néant. Un néant ténébreux et sanglant. Dans le néant, il n’y avait plus d’air. Qu’inspirait-il alors qui puisse l’oppresser autant ? Il happait quelque chose qui s'insinuait dans ses poumons.  C’était brûlant et froid tout à la fois. Il avait l’impression d’étouffer un peu plus à chaque nouvelle inspiration. Ses côtes n’étaient rien de plus que les grandes griffes de ce monstre qui ne rêvait que de le perforer.

Il vacillait. Il titubait. Il finirait par ployer les genoux. Quelque chose le rattrapa et l’allongea. Il savait qu’il était allongé car les serpents tournoyaient sous ses yeux le narguant de leurs sifflements intermittents.

Tu es un idiot, Coldris
C’est tout ?
Un idiot…

Un idiot…

Un idiot…

Un idiot…

Un misérable petit rat.



Il frissonna et se recroquevilla. Il avait si froid. Comment de simples mots pouvaient-ils répandre le gel dans tout son corps ? Le givre courait et blanchissait la noirceur d’encre de ses veines. Il avait si froid.

—Je ne veux plus… je ne veux plus… marmonna-t-il.

Il avait peur. Peur de fermer les yeux et de les rouvrir sur le néant.

Coldris de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Lun 2 Aoû - 21:24





24 janvier 1598, soirée,

Au petit matin, il s’éveilla dans son lit, sans savoir comment il avait atterri là, une furieuse migraine pulsant sous sa boîte crânienne. À peine avait-il réussi à trouver le courage de se redresser qu’un violent haut-le-cœur le secoua sans préavis. Il eut juste le temps d’attraper la bassine déposée à ses côtés en anticipation par Léonilde qu’il se mit à vomir ses tripes et toute sa soirée. Le corps ruisselant de sueur et transi de froid, il acheva sa course dans un bain chaud, heureux d’enlever cette chemise poisseuse qui lui collait à la peau. Aujourd’hui était le jour des fiançailles d’Alduis. Il avait beaucoup à faire et encore plus à paraître alors que la morosité le ronger toujours. Au moins ne venait-elle pas. C’était déjà ça. Il n’aurait pas à affronter son regard, à hésiter entre la prendre par le bras et l’embrasser furieusement ou espérer idiotement qu’elle fasse comme si elle n’avait pas vu le maître des lieux.  Et en même temps, il aurait tant voulu la découvrir dans l’une de ses belles robes qu’il prenait autant de plaisir à dévorer du regard qu’à retirer. C’était stupide, il en avait pleinement conscience surtout après leur conversation des plus hargneuses de la vieille qu’il était en train de se repasser dans son esprit. Son cœur saignait toujours, déchiré entre son amitié qu’il défendait et son amour qu’il voulait protéger.
Ses sentiments et autres émotions furent enfermés dans un coffre à double tour pour tout le reste de la journée et personne n’aurait pu imaginer un seul instant qu’il se traînait comme un animal blessé à la plaie toujours saignante. Et malgré tout cela, il n’aurait pu nier qu’elle avait habité chacune de ses pensées à intervalles réguliers. Lorsque le dernier invité eut pris congé, il monta se servir un verre dans le salon de ses appartements. Léonilde se trouvait là, discret et à l’écoute comme toujours.  Coldris quant à lui faisait tournoyer le contenu de son verre d’un infime geste du poignet, hypnotisé par l’onde qui se diffusait. Il rouvrit la malle. Et toute la violence de l’altercation lui sauta à la figure. Comment en étaient-ils arrivés là ? Cela en valait-il la peine ?

— C’est fini, Léonilde, j’ai tout ruiné.

Le regard plongé dans le fond de son verre, il se décida à siroter une gorgée.

— Elle ne me le pardonnera jamais cette fois-ci. C’est allé trop loin.

Il se souvenait encore fort bien des paroles qui avaient été échangées autant que ses coups. Elle n’avait plus aucune raison de rester avec lui désormais. Si par miracle elle n’avait pas réalisé jusqu’à quel point il était un odieux sac de vices, c’était désormais chose faite. Il soupira profondément.

— Mais le pire Léonilde, c’est que je l’aime encore plus pour avoir eu l’audace de s’opposer à moi.
—Pourquoi ne pas lui écrire, messire ? Je ferai porter la lettre, demain matin.
Coldris secoua la tête.
—Je ne sais pas. Je doute qu’elle souhaite avoir de mes nouvelles. Elle m’a rendu le livre que je lui avais offert au manoir. Je pense que le message est clair.
— Si vous le permettez, je pense qu’il ne s’agit là que d’un affreux malentendu. Elle a sans doute cru que vous lui aviez prêté.
Il arqua un sourcil à l’hypothèse. Il se souvenait bien de son attitude ce jour-là, et il avait raison, mais…
— Qui prête un livre avec un poème adressé à la personne sur la dernière page ? Cela n’a pas de sens, Léonilde, elle savait parfaitement ce qu’elle faisait… Tu sais, tout cela me rappelle mon premier voyage en Italie, juste après notre mariage…

Il lui avait proposé de venir, de fuir là-bas, de se marier et de recommencer une vie. Il s'en savait capable, et sa présence lui aurait des ailes. Seulement voilà… Elle avait refusé. Elle avait épousé ce déchet de voirie endimanché et lui cette garce assassine…

— Le passé n’est pas obligé de se répéter, coupa Léonilde en le tirant du tourbillon dans lequel il commençait peu à peu à se noyer.

C’était vrai. Pourtant où qu’il marche, ses pas le ramenait inlassablement sur ce même chemin si sombre. Son cœur s'essorait, se tordait et se pressait dans sa cage osseuse. Il songeait à cet homme qu’elle allait devoir épouser et qu’il n’aimait pas. Il songeait à ce désespoir qu’il avait aperçu au manoir et se mettait à frissonner.

— Peut-être… peut-être qu’elle est déjà morte… Léonilde… Il accrocha ses prunelles de ses yeux paniqués, je… je lui ai dit que je ne voulais plus revoir… Son pied se mit à battre la mesure, qu’ai-je fait, Léonilde ? Qu’ai-je fait ?
—C’était sous l’effet de la colère…

Le verre lui échappa des mains, volant en éclats lorsqu’elles décidèrent d’encadrer son crâne dans un tremblement permanent qui ne faisait que s’accentuer.

— Je vais la tuer… je vais la tuer et ce sera de ma faute… de ma faute…

Son regard hagard ne parvenait plus à se fixer sur un point précis. Tout devenait flou. Les couleurs s’assombrissaient à vu d’œil. L’air manquait. Il étouffait. Il ne parvenait plus à juguler les spasmes qui le secouaient. Il avait envie de laudanum. Non, il avait besoin de laudanum. Le bout de ses doigts le brûlait à l’idée de s’emparer de cette petite fiole. Il sentait son goût d’alcool et de safran sur ses papilles. Il pensait à cette effroyable soirée la veille où il avait cru mourir, emprisonné dans un monde de cauchemar. Non. Sa main se mouvait pourtant mécaniquement vers sa poche intérieure. Il sentit le velours cédait place à la doublure en soie qui caressait sa peau. Le liège du bouchon, le verre tiède, les petits maillons de la chaînette. Non, non, non… Ses doigts de refermèrent ferment autour avant d’effectuer le chemin inverse. Non… non… Elle était là, dans le creux de sa main, brillant presque d’une lueur providentielle. La solution à son problème. Ses entrailles frétillaient déjà à l’idée d’accueillir cet élixir de paix et de rêves. Il tremblait comme une feuille au mois d’octobre, secouée par la brise glaciale d’automne. Il avait envie de la déboucher. Ses iris gelés s’accrochaient à la fiole étincelante. Il en redoutait les effets, la morsure pénétrante dans son esprit, la libération de ses fantômes. Elle devait les dompter pas les attiser. Il sentit la sueur perler le long de son échine. Son pouce s’apprêta à la déboucher. Non. C’était si facile de céder… si facile d’écouter ses murmures suaves…

— Non ! hurla-t-il avant de l’envoyer s’écraser contre un mur.

Léonilde avait récupéré une couverture sur l’un des fauteuils voisins et s’approcha doucement pour la déposer sur ses épaules, lorsque le vicomte se laissa tomber entre ses bras.

— Les choses vont s’arranger, ne vous en faites pas, monsieur

Sa main glissa timidement dans son dos, puis il frotta paisiblement ce corps secoué de sanglots secs.

— Je veux voir Virgil… Emmène-moi chez Virgil… marmonna-t-il
— Il… Il est parti, vous vous souvenez ?
— Parti ? Parti. Je suis seul... Je suis tout seul…
—Vous pourriez lui écrire peut-être ? Je vais vous apporter de quoi rédiger une lettre.

Toujours secoué de spasmes, il effectua ce qu’il pensait être un acquiescement dans la réalité qui se délitait…

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Message par Coldris de Fromart Lun 2 Aoû - 21:58





25 janvier 1598, nuit,


Coldris ne dormait pas. Coldris marchait ; marchait ; marchait. Dans un sens puis dans l’autre, il piétinait furieusement le sol de son bureau sans parvenir à se poser et encore moins fermer l’œil. C’était la troisième nuit consécutive qu’il passait ainsi, incapable de trouver le sommeil si ce n’était pour finir noyer dans un cauchemar à tremper sa chemise de sueur. Il n’osait plus fermer l’œil. La simple idée de se retrouver devant son lit suffisait à le placer dans un état d’anxiété avancé. Il n’osait pas non plus retoucher au laudanum ou à l’opium. Il craignait trop que son instabilité ne s’en trouve une nouvelle fois exacerbée et ne le pousse dans le précipice. Ce n’était pas faite d’avoir été encourager à céder par ce maudit Léonilde qui jugeait inquiétant son état. Et… sans doute l’était-il car les tremblements de ses membres l’empêchaient de s’adonner à son passe-temps fétiches des longues nuit d'insomnie : écrire.

Il ne savait dire s’il avait chaud ou froid. Sa chemise lui collait de nouveau à la peau trempée de sueur qu’elle était.  Il avait la sensation que son agitation risquait de le faire exploser une minute à l’autre. Il voulait se noyer dans l’oublie de l’opium. Il voulait s’apaiser entre ses mains douces et expertes. Il voulait lâcher prise complètement, s’évaporer, se dissiper, ne faire qu’un avec elle. Il voulait l’embrasser, la toucher, la sentir, la goûter et l’écouter. Écouter son cœur faisant écho au sien dans ses tympans. Non. Non. Non. Le sien battait trop vite en ce moment. Comme les sabots pendant une franche cavalcade sur une rue pavée. Non. Non. Non. Il s’immobilisa, frissonnant. Il n’avait pas de nouvelles. Rien. Son esprit malin le torturait d’image de mort. Non. Non. Non. Elle ne pouvait pas… Elle ne pouvait pas n’est-ce pas ? On essorait son cœur. On le pressait, on le tordait. Ses boyaux suivaient le mouvement et la nausée le tenaillait. Marée montante qui refusait de le laisser en paix. Il ne pensait qu’à elle. Elle l’obsédait, elle l’habitait, elle le hantait. Il regrettait. Pas ses mots, il ne regrettait rien. Il regrettait de l’avoir laissé filer, d’avoir soufflé et gonflé les voiles de son navire. Il aurait dû la retenir. Rattraper son bras. Embrasser ses lèvres. L’embrasser furieusement même. Lui dire que cela n’avait aucune importance.

Il était idiot ; idiot ; idiot ; idiot… et l’écho se répétait inlassablement contre les parois de son esprit. Idiot. Les voix grondaient. Moqueuses ou malveillantes. Idiot. Il y avait un tel brouhaha qu’il ne parvenait plus à discerner l’essentiel. Idiot. C’était comme le vrombissement permanence d’un essaim. Idiot. Il avait envie de prendre sa tête et de l’exploser contre le premier mur simplement pour jouir du silence après le grand fracas de ses os brisés comme une un vase de porcelaine. Idiot. Il cherchait à discerner celle de Virgil. Idiot. Pourquoi ne parlait-il pas plus fort ? Idiot. Il en avait assez ; assez ; assez.

… écrit u…

Il inspira soudainement.

— Je ne peux pas ! Tu vois bien que je ne peux pas !
Retourne t’asseoir. Prend une feuille. Inspire calmement.
— Je ne peux pas Virgil, ma main tremble trop. Regarde toi-même. Comment veux-tu que j’écrive quoi que ce soit dans ces conditions ?
Quelques mots, Coldris. Juste quelques mots. Tu peux le faire, tu as déjà fait bien pire au fond.

Il marquait un point. Écrire avec le bras qui le lançait comme s’il était transpercé par une lance par exemple…

— Et ? Elle ne lira pas. Que veux-tu qu’elle fasse d'un vieux salopard, comme moi… Regarde-moi ! Regarde-moi ! Si elle n’avait pas compris qui j’étais c’est désormais chose faite et prouvée.
Tu veux qu’on parie ?
— Je ne parie pas avec les morts. Tu n’avais qu’à rester en vie.
Tu as peur de perdre.
— C’est faux.
Prouve-le.
—Tu verras que tu as tort. fit-il en s’installant et en se saisissant d’une feuille.
Si j’ai raison tu en profiteras pour la demander en mariage puisque tu es trop idiot et trop fier pour y songer par toi-même.
— Tais-toi donc, tu m’agaces.

Sa première tentative se solda par une grosse goutte d’encre qui s’écrasa au deuxième mot à cause d’un tremblement de sa main. Il prit une nouvelle feuille et recommença en tentant de maintenir son poignet droit à l’aide de sa main gauche.




Ma petite luciole


Non, cela n’allait pas. Et son écriture d’ordinaire si régulière était affreuse. Il froissa la feuille et recommença. Pour mieux la froisser de nouveau. Nouvelle feuille, nouveaux mots, nouvelle boule de papier. Elles s’amoncelèrent  bien rapidement autour de son bureau et sur le sol. Il n’y arrivait pas. Quand ce n’était pas son écriture, c’était ses mots. Quand ce n’était pas ses mots, c’était une tache d’encre qui tombait malencontreusement. Quand ce n’était pas une tache d’encre, c’était son insatisfaction qui l’emportait. Une fois, deux fois, trois fois, dix fois, quinze fois, vingt fois. Il commençait à s’agacer et manqua de briser la pointe de sa plume. Si ce n’était la présence apaisante de Virgil, il aurait sans doute envoyé tout valser depuis bien longtemps. Il était là tout près. En levant les yeux vers le salon près de la cheminée, il avait l’impression de l’apercevoir assis, jambes croisées à siroter son éternel verre d’hypocras. Parfois, c’était sur son épaule qu’il avait la sensation du poids bienveillant de sa main.

Fais simple, Coldris. Inutile de te lancer dans de la grande littérature.

Faire simple. Oui, il avait raison. Il était incapable de lui écrire une longue lettre dans cet état qui était le sien. Il inspira pour tenter de se calmer et fit glisser une nouvelle feuille.





J’aimerai vous


Non… Cela n’allait pas. Je voudrais ? J’ai besoin ? Je vous aime ? Même faire simple se révélait être un défi avec un esprit aussi chaotique et vrombissant, incapable de se fixer sur quoi que ce soit. Dès qu’il pensait à elle, c’était une vague qui déferlait et l’emportait au large. D’ile en ile, il s’éloignait de sa destination irrémédiablement. Il allait finir par se noyer sous ses pensées. Il était déjà en train de boire la tasse.

Concentre-toi, sur ce que tu dois faire, c’est important. Le reste ne l’est pas.

Il le savait bien ! C’était simplement plus fort que lui. Dans un ultime effort, il reprit une nouvelle feuille et décida de se focaliser sur l’encre noire qui se déposait sur le papier. Hors de question de s’avouer vaincu par quelques mots…




Je dois vous parler.
Je vous aime.


Il aurait sans doute dû lui demander de lui pardonner, ou de bien vouloir accepter ses excuses, seulement, il en était incapable. Il se contenta donc de si peu. Trop peu. Puis glissa le billet dans Roméo et Juliette avec un ultime effort.

— Qui te dit qu’elle ne jettera pas le livre ? demanda-t-il en basculant à la renverse dans son fauteuil.
Rien. Mais si tu ne fais rien, tu ne le sauras jamais, non?

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Message par Coldris de Fromart Mar 3 Aoû - 11:24





26 janvier 1598, nuit,

Au petit matin, son courrier avait été remis à la petite souris attrapée entre les étals du marché. Il ne s’était pas attardé et avait repris la route du palais afin de se plonger dans le travail. Seule activité qui parvenait à fixer suffisamment son esprit pour lui faire penser à autre chose. Il s’y noya corps et âmes jusqu’à la tombée de la nuit.
Lorsqu’il rentra, ses paupières lourdes s’éveillèrent subitement à la mention d’un courrier en particulier. Ignorant les autres, il s’empressa de décacheter celui-ci pour en lire le contenu, quel qu’il soit. Les trois premiers mots eurent raison de ses jambes et il s’affala dans le premier fauteuil qu’il croisa. C’était tout ce qui comptait et il aurait pu s’en contentait. Malgré tout ce qu’il avait dit et tout ce qu’il était, elle l’aimait toujours. Il ferma un bref instant les paupières pour savourer la brise de sérénité qui le traversa bien trop vite. Ils allaient se revoir, mais, car il y avait un « mais », la dernière partie de son billet sous-entendait des difficultés évidentes. Un frémissement le parcourut jusque dans la pulpe de ses doigts qui se refermèrent d’un coup autour du fin papier. L’avait-on enfermé ? Au moins était-elle toujours à Braktenn, mais pour combien de temps encore ? De ses mains, la tension remonta jusque dans ses mâchoires qui se pressèrent l’une contre l’autre. Quand ? Quand viendrait-elle ? Ce soir ? Demain ? Dans une semaine ? Dans un mois ? Il frissonna cette fois-ci à l’idée que l’on ait pu intercepter son message.

Ils vont l’emmener, ils vont l’emmener…

D’un bond il se dressa sur ses pieds et recommença à tourner comme un lion en cage.

* * *

Ses cheveux rouge érable se liquéfiaient et coulaient en une sanglante cascade le long de sa robe blanche, goutant dans une flaque qui se faisait mare de rubis. Il se penchait sans savoir pourquoi. Son reflet se mouvait, ondulait, se déformait. Il ne se reconnaissait pas et pourtant c’était forcément lui. Qui d’autre, sinon ? À force de s’approcher pour mieux discerner les traits de cet homme inconnu, il bascula et tomba dans la flaque pourpre. Il se débattait pour rejoindre la rive, mais il était attiré dans les profondeurs. Il tentait de se maintenir à la surface par tous les moyens mais le sang s’engouffrait par tous ses orifices. Il suffoquait. Il disparaissait. Lorsqu’il happa l’air, il était au milieu d’un océan déchainé. Le ciel était d’encre pourtant il était persuadé que c’était le jour. De temps à autre, un éclair zébrait le ciel éclairant brièvement les montagnes d’eau glissantes au milieu desquelles il se trouvait. Savoir comment il était arrivé là ne lui effleura pas même l’esprit. Plus d’une fois, il se retrouva la tête lessivée sous les flots. Lorsqu’il releva la tête, il remarqua un navire balloté comme une coquille de noix par la houle déchainée. Il était loin. Inaccessible. Il ne discernait ni son pavillon ni son nom, pourtant il savait d’instinct qui s’y trouvait. C’était comme une évidence, comme un murmure soufflé par un Neptune moqueur. Pris de panique, il se mettait à nager vainement entre les lames qui s’abattaient. Il hurlait mais ses cris mouraient aussitôt emportés par le vent cinglant. Il se débattait, s’épuisait, assistait impuissant au spectacle des flots secouant le bateau. L’effroi le rongeait. Il voulait rejoindre l’embarcation, mais le courant l’en éloignait. Il rugissait de désespoir et le sel couvrait ses lèvres à l’en bruler sans qu’il ne sache dire si la faute était à l’écume ou à ses larmes qui ruisselaient en même temps que la pluie s’abattait. Puis le navire disparut comme il était apparu. C’était comme inéluctable. Il savait déjà au fond de lui que ce serait le cas et pourtant l’arrachement de son cœur n’en fut pas moins violent, il hurla et se redressa d’un coup dans son lit ruisselant.

Son cœur tambourinait à en faire exploser sa cage thoracique. Il ne se souvenait pas s’être endormi dans son lit. Il s’était simplement assis sur le fauteuil. Sans doute assoupi. Il haletait toujours en tentant de retrouver ses esprits. Il étouffait. Les ténèbres l’oppressaient comme une poix qui obstruait ses voies respiratoires. Il sortit du lit en manquant de trébucher. Tira les rideaux pour apercevoir les silhouettes fantomatiques des branches décharnées dansaient comme des squelettes au gré du vent qui les agitait.
Il ne pouvait pas rester là, à ne rien faire. Ses souvenirs le grignotaient et remontaient comme la marée. Elle aussi, ils finiraient par l’emporter. C’était ainsi chaque fois qu’il s’attachait. On finissait par le lui arracher. Son cœur allait encore finir broyer. Une ultime fois. Il se mit à trembler au souvenir de cette dernière nuit qu’il avait passé avec elle, juste avant qu’elle ne parte.

L’écho de ses paroles.
Il n’avait rien vu.
Ses mains qui avaient entouré son ventre arrondi.
Il n’avait rien compris.
Trop aveugle.
Trop confiant.

Les images de son passé ressurgirent une à une. Les étourneaux se mirent à piailler. Les verrous cliquetèrent. Une bourrasque déferla dans son esprit. Il ne pouvait pas la perdre. Il devait aller la récupérer coûte que coûte. Ils ne l’auraient pas. Dès qu’ils sauraient, ils l’emporteraient. Sa chemise humide collait. Il devait sortir ; sortir. Sans réfléchir il quitta ses appartements en courant, pris de panique. Léonilde sur ses talons lui ordonnait de l’attendre. Il ne comprenait pas. Il ne pouvait pas attendre. Ce serait trop tard. Il devait sortir maintenant. Il avait besoin d’air. Il lui fallut quelques instants avant de parvenir à déverrouiller la porte dont la serrure résistait à ses assauts. On lui posa quelque chose sur les épaules lorsqu’enfin un cliquetis lui permit de sortir.

Il s’enfuit en courant vers le parc, sans tenir compte du sol glacial et caillouteux sous sa voute plantaire. Il inspirait l’air givré à pleins poumons à s’en bruler la gorge. Il ne savait pas où il allait, il devait simplement y aller. Peut-être était-elle déjà partie.

C’est tout ce que tu peux faire ?

Elle viendrait, mais quand ? Quand ? Quand ! Il trébucha contre une racine et s’étala de tout son long dans une couche d’humus croustillante de gel.

Regarde-toi misérable petit rat…

Sa joue se tenait contre le sol humide et glacial. Comme les pavés de la cellule. Il faisait froid. Sombre. Il était seul. Fuir.

Ca aboie, ça aboie, mais ça n’est rien d’autre qu’un chiot taré qui se prend pour un limier.

Ses ongles s’enfoncèrent dans la terre et griffèrent le sol humide de rage alors qu’il se relevait.

Toujours aussi pathétique et inutile.

Coldris recommença à courir sur quelques dizaines de mètres avant de trébucher une nouvelle fois et de frapper furieusement le sol. Ils ne l’auraient pas. Ils ne l’auraient pas. Le rire gras et lugubre de son père retentissait.

Tu te crois fort, mais tu n’es rien.
Rien.
Rien.
Rien du tout.

Il se recroquevilla sur lui-même, comme dans ce cachot, il y avait des dizaines d’années alors que la voix redoutée et détestée poursuivait inlassablement comme une pluie de grêle.


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Message par Alduis de Fromart Sam 11 Sep - 11:39

Alduis n’avait pas sommeil. Il avait bien essayé de dormir pendant une heure ou deux, mais il avait fini par abandonner. Il y avait des soirs où attendre un sommeil hypothétique ne servait à rien. Alexandre, lui, avait bien de la chance. Il parvenait toujours à s’endormir facilement. Et il ne se réveillait jamais… sauf au petit matin, quand les premiers rayons du soleil s’infiltraient doucement entre les rideaux. La fatigue de la journée, dûe à son handicap, aidait. Mais tout de même.

Alduis aurait pu rester le regarder pendant des heures, à contempler son visage détendu et paisible. Seulement, il avait eu peur de le déranger, alors il avait fini par se lever, s’habiller, et sortir à l’extérieur.

En pleine nuit, le château était silencieux, immobile… endormi. Il n’y avait guère que lui — et son père, très certainement, quelque part — pour s’aventurer dans les escaliers sombres. A pareille heure, il n’y avait guère de choses à faire, alors il décida de sortir. Peut-être que l’air frais aurait un effet positif sur son sommeil ? peut-être l’inviterait-il à prendre possession de son corps, pour le porter dans le monde des rêves ? Alduis n’y croyait pas trop mais qu’importe.

De toute manière, il n’était pas sorti la nuit depuis un moment, et les promenades nocturnes lui manquaient un peu. Car c’était l’avantage de la nuit : il ne croisait personne. Les convenances sociales étaient, l’espace de quelques heures, dans les profondeurs bleu marine du soir, oubliées.

Il franchit le seuil du château et se rendit compte à cet instant qu’il avait oublié de prendre de quoi se couvrir. Tant pis. Il n’avait pas envie de remonter. En plus, il ne faisait pas si froid que ça.

En premier lieu, sans réfléchir, il prit la direction des écuries. Mais il n’eut pas le temps de les atteindre que des bruits de course résonnèrent dans les jardins. Des bruits de course… Quelque chose de précipité qui... Alduis s’interrompit et tourna sur lui-même. Il ne vit qu’une silhouette obscure, mais familière, disparaître.

Une petite voix lui disait que ce n’était pas une bonne idée de la suivre, mais il n’y résista pas. Le fragile apaisement nocturne s’était déjà brisé, et il ne le fit qu’encore davantage quand la course se transforma en chute bruyante. Il retrouva la silhouette en peu de temps, recroquevillée sur le sol, comme une âme en peine. Une silhouette bel et bien connue. Son père.

Son père… en boule… par terre… dans la boue… Presque instinctivement, Alduis comprit ce qu’il se passait. Il n’avait jamais vu Coldris dans un tel état, mais il s’était déjà suffisamment perdu dans les méandres infinis de son esprit pour faire le rapprochement. Les voix. Les cauchemars. La réalité déformée. Transformée. Il connaissait tout ça, lui aussi. Il connaissait bien.

Ce qu’il ne savait pas, pourtant, c’était ce qu’il fallait faire. S’approcher ? Alduis avait surtout très envie de partir en courant, pour échapper à cette vision brisée et torturée. Son père roulé en boule… C’était vrai, ces derniers temps, il avait lentement pris conscience que Coldris n’était pas l’homme de fer indestructible qu’il se représentait depuis toujours. Il le savait. Mais c’était autre chose de le voir.

Ici et maintenant, il ressemblait tellement plus à… une petite souris. Oui, voilà, une petite souris que des voix imaginaires s’amusaient à tourmenter. Et cette vision-là effrayait le petit garçon qui se trouvait encore en Alduis. Ce petit garçon qui n’était pas prêt pour se dire que son père pouvait être blessé. Qu’il pouvait même mourir. Et que cela arriverait un jour.

Ce fut comme une illumination. Un jour, son père mourrait, pour de vrai. Il n’était pas immortel. Il ne serait pas toujours là. Et si Alduis ne l’aidait pas maintenant, peut-être que ce serait trop tard pour le faire demain.

Il se rendait compte qu’il avait vraiment envie de rattraper les choses, entre eux. De rattraper les bientôt vingt-neuf années qui s’étaient perdues dans les infinis désaccords et incompréhensions. Il avait envie d’avoir un père, et d’être un fils. Même s’il ne savait pas trop comment faire. Si seulement on pouvait apprendre à aimer comme on apprenait à manier une arme ! Tout serait plus simple.

Il prit son courage à deux mains et s’avança. Juste d’un pas.

— Papa ?

Il savait déjà que son père ne répondrait certainement pas… Mais il fallait bien commencer par quelque part.
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Message par Coldris de Fromart Mer 15 Sep - 13:30



Où était-il ? Là-bas dans ce cachot sordide et humide, étroit et froid ? Chaque nouvelle parole de son père le fouettait plus sûrement que les innombrables lacérations qu’il avait pu recevoir.

Il n’était rien.
Rien.
Rien.  

Impuissant malgré tout le pouvoir dont il avait conscience de disposer.
Etait-il réellement différent de ce petit garçon recroquevillé dans sa cellule dont le rat venait tenter de grignoter la chair de ses plaies encore ouvertes ?

Il ne savait plus. Tout était si sombre et les mots pleuvaient drus sur son esprit qui ne savait où se réfugier pour s’en abriter. Une pluie d’aiguilles et de lames qui le perforait... Comment était-il arrivé là ? Il avait le sentiment d’un danger imminent, de quelque chose qu’il devait faire sans parvenir à retrouver le fil de cette pensée perdue au milieu du déluge.

Papa ?

D’où venait cette voix qui attira subite son attention hors de la tempête ? Son écho se répercuta entre les parois de la cellule. Ce n’était pas la sienne. C’était impossible. Il n’avait et n’aurait jamais appelé son père de la sorte, de cela, il en était certain.

Regarde-toi ! Regarde-toi !
J’aurais dû te donner aux loups dès ta naissance…

Coldris grogna sourdement. Il voulait se jeter sur la silhouette corpulente qui se riait de lui, mais son corps engourdi refusa de lui obéir.

Papa ? répéta l’écho un peu plus faiblement.

Les alentours se désagrégèrent, s’effondrant sur eux-mêmes comme un décor que l’on remplaçait. Le bois. C’était un bois, mais plus que cela, il était intimement persuadé qu’il s’agissait de celui de Fromart.

Pa-pa.

Il tourna la tête vers le bambin blond qu’il tenait dans ses bras, une étrange impression dans le creux de son estomac. De la peur ? Un mélange d’attraction et de répulsion qui le figea incapable qu’il était de trancher pour l’un ou pour l’autre. Il y avait autre chose aussi de tapis entre ses entrailles, quelque chose qu’il ne parvenait ni à définir ni à toucher.

Tu ne t’es jamais dit qu’on se ressemblait beaucoup toi et moi ?

— C'est faux ! Faux ! Faux! Faux ! hurla-t-il

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Message par Alduis de Fromart Lun 20 Sep - 21:17

Alduis ne savait pas quoi faire. Il était là, devant son père roulé en boule sur le sol, et demeurait immobile. Interdit. Comment nier, désormais ? Comment nier que son père avait autant de fêlures qu’un vieux vase qu’on avait recollé maintes et maintes fois ? Il ne pouvait que regarder les débris éparpillés sur le sol, tout en se demandant comment parvenir à les souder une fois de plus. Intimement, il savait que cela ne tiendrait que jusqu’au prochain choc, où tout serait à recommencer.

Encore.

Personne ne lui avait jamais appris à faire une telle chose. C’était même la première fois qu’il assistait à cela. Il savait ce que c’était, oui, pour en vivre des similaires, mais… Non, ce n’était pas la même chose que d’en être témoin ! Il dut faire un effort pour prendre une inspiration et garder son calme. Il avait au moins l’avantage de savoir ce qui parvenait à apaiser son esprit.

La stabilité.
Le calme.
Et la confiance.

Quelque chose à quoi se raccrocher et s’ancrer. Quelque chose pour le tirer des limbes immatérielles.

En prenant son courage à deux mains, Alduis fit un pas en avant et interpella son père. Cela ne provoqua tout d’abord aucune réaction. Puis… brutalement, de grands cris désespérés. Des hurlements, même. Faux ? Qu’est-ce qui pouvait bien être faux ? Pour une fois, Alduis regretta de ne pas en connaître davantage sur la vie de son père. Peut-être, alors, aurait-il pu deviner ce qui pouvait se tramer sous son crâne ? ce qui pouvait le tourmenter ?

Il passa ses mains dans ses cheveux. Que faisait Eldred pour le ramener, dans ce genre de situation ? Que faisait Alexandre ? Ils parlaient. Ils le touchaient. Ils devenaient ces points d’amarrage que son corps ne pouvait plus constituer. Le toucher… Coldris n’allait-il pas le repousser ? Et même tenter de le frapper ?

Alduis se raisonna. Il était plus fort que son père et même s’il ne doutait pas que sous les prises du délire, on pouvait faire preuve d’une force décuplée, il était un soldat. Ce ne serait pas le seul coup qu’il prendrait dans sa vie, loin de là. Alors il s’approcha de nouveau, un peu plus près, en répétant une nouvelle fois, un peu hasardeux :

— Papa ?

Il se morigéna aussitôt. Il fallait qu’il soit sûr de lui ! Sinon, comment son père aurait-il pu se raccrocher à lui, si le pont même du bateau tanguait et prenait l’eau ? Impossible. A cet instant, Alduis fut réellement admiratif d’Eldred, de ce travail titanesque qu’il devait fournir pour parvenir à lui remettre les pieds sur terre.

— Papa, reprit-il d’une voix plus assurée en s’accroupissant. C’est Alduis ? Est-ce que vous m’entendez ?

Quelque part dans son esprit, certainement. Il fallait juste que ses mots parviennent à susciter une réaction. Il devait continuer de parler.

— Nous sommes… dans les jardins de Fromart, poursivit-il, comme il savait que dans ces moments, il ne savait plus quel jour on était, ni dans quel lien, il ne savait plus faire la différence entre présent et passé. On est le 26 janvier 1598. Il fait nuit. Et froid dehors. Vous sentez le vent ? et la neige ?

Puis, timidement, il osa tendre la main vers son épaule, s’apprêtant déjà à éviter un éventuel coup qui partirait à l’improviste pour se défendre.
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Message par Coldris de Fromart Mar 21 Sep - 11:30



C’était faux. Il ne lui ressemblait pas. Il ne lui ressemblerait jamais. Il ne tuait pas ses enfants, lui. Il n’était pas enfermé dans un monde qui appartenait au passé, lui. Il n’avait pas ruiné sa famille, lui… Comment pouvait-il dire une chose pareille. C’était absurde, absurde comme toutes ces paroles idiotes qu’il passait son temps à vomir de sa maudite gueule pestiférée.

Ce ne sont rien que des détails, Coldris…
Regarde donc par toi-même : tu croyais me fuir et m’échapper et pourtant tu es exactement tel que je voulais.
Un petit rat impitoyable prêt à saigner ses congénères.
Comme quoi j’avais raison.
Il te manquait juste un peu de motivation.
Ramené sur la berge par le courant. Quelle ironie !
D’ailleurs c’était bien ce que tu voulais inculquer à Alduis, non ?

Il grogna et se perdit dans le dédale de ses pensées qui l’entrainaient un peu plus loin à chaque fois.

L’écho reprit sans qu’il ne parvienne à en localiser la source. Il n’y avait que ce piaillement assourdissant et indéchiffrable qui tentait de l’écarteler, tirant chacun sur un pan de sa personne.

Papa, c’est Alduis ? Est-ce que vous m’entendez ?

Alduis ? Oui, c’était bel et bien sa voix qui se détacha du brouhaha sifflant des stryges de son esprit. Seulement, tout était désormais noir autour de lui, plongé dans les ténèbres. Coldris détestait l’obscurité profonde. Elle le glaçait jusqu’au sang et elles le savaient, c’était pour cela qu’il se retrouvait ainsi plongé dans une sorte de cécité, incapable de pouvoir bouger.

Nous sommes… dans les jardins de Fromart

À Fromart ? Il observait tout autour de lui, mais ne voyait rien de tel. Et en même temps… Il était sûr qu’Alduis disait la vérité puisqu’il n’aurait jamais pu lui mentir, c’était tout bonnement impossible. C’était bien la seule personne dont il n’aurait jamais remis en doute les paroles. Ses paupières s’agitèrent signe qu’il était plongé dans une intense réflexion.

On est le 26 janvier 1598. Il fait nuit.

Le 26 janvier. La nuit. Elle avait répondu. Ce n’était pas si simple, mais elle viendrait. Un frisson le traversa, gelant ses entrailles. Quoi qu’elle affirme, il avait si peur de ne plus la revoir. Peu à peu, le voile de velours sombre se déchira autour de lui. Alduis continuait de parler et c’était la seule chose désormais à laquelle il prêtait attention.

Et froid dehors. Vous sentez le vent ? et la neige ?

Oui, il faisait froid. Autant dedans que dehors et il n’aurait su affirmer que c’était à cause de l’hiver tant il avait la sensation que tout était glacé jusque dans ses veines. Le vent. Il se concentra sur la peau de ses joues où de petites aiguilles le fouettaient. Il remua lentement la tête. Puis ses doigts. Un par un. Engourdis par le froid, la neige humide qui fondait dessus, la fine couche d’humus qui se trouvait dessous et qu’il avait remuée. Il y avait aussi ce poids sur son épaule… Comme au sortir d’un sommeil profond, il ouvrit lentement les paupières. Une fois ; deux fois ; trois fois. Les ténèbres avaient cédé place à un dégradé de bleu profond. Les taches de couleur qui dansaient devant ses pupilles s’assemblèrent entre elles pour constituer des formes distinctes. Était-ce Alduis, dans son habituel habit blanc, agenouillé à ses côtés ? Était-ce sa main sur son épaule ? Et si ce n’était encore qu’une vue de son esprit ? Il se redressa lentement, plaquant ses mains le long de son visage jusqu’à sentir la longue cicatrice qui balafrait son visage et qu’il retraça de son pouce. C’était bien lui. Il était là. C’était forcément lui, car dans ses rêves, il ne ressentait jamais rien réellement.
Sans réfléchir, il se jeta sur lui et l’étreignit en tremblant de tout son corps.

— Ils vont l’emmener… ils vont l’emmener… Je suis sûr qu’ils savent… Cela ne peut pas… marmonna-t-il.

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Message par Alduis de Fromart Mar 21 Sep - 18:13

Un frisson traversa le corps de son père. Alduis interpréta cela comme le signe qu’il l’entendait. Cela l’encouragea à poursuivre ses efforts pour parler. Il savait que désormais que sa voix perçait le silence, il était certainement le seul point d’ancrage de Coldris.

Se taire maintenant aurait été comme tendre la main à un naufragé avant de se détourner, juste avant que les doigts du pauvre homme se referme sur son poignet. Il ne voulait pas abandonner son père. Et pourtant, occuper le silence était un exercice compliqué pour lui. Il avait déjà du mal à entretenir une conversation alors le faire seul…

Alors, chaque geste que faisait Coldris, même aussi infime qu’un pianotement de doigt, était un encouragement. Une manière de lui montrer qu’il était sur la bonne voie. Que ce qu’il faisait était utile et parvenait, bien que lentement, à lui remettre les pieds sur terre. A reprendre contact avec la réalité physique de son corps.

Puis Coldris ouvrit les paupières. Alduis retint sa respiration, la main toujours sur son épaule. Enhardi, le voyant les yeux ouverts, il reprit :

— Vous voyez, je suis là.

Aucun coup ne venait. La réaction fut tout autre, bien loin de ce qu’Alduis avait imaginé possible. Son père se redressa tant bien que mal et posa ses mains sur ses joues, à la recherche de quelque chose… Il comprit quand il sentit ses doigts longer la cicatrice sur sa joue, la retraçant exactement comme le couteau l’avait fait, huit ans auparavant.

Cela sembla prouver à son père il-ne-savait-quoi — peut-être simplement le fait qu’il était vraiment là ? Toujours était-il que sans prévenir, Coldris se jeta subitement à son cou. Alduis manqua de tomber en arrière sous le coup de la surprise mais se rattrapa sur sa main au dernier moment, réussissant à ne pas basculer. Il hésita une seconde, sans savoir quelle conduite adopter. Puis, passant outre tous ces sentiments qui le dépassaient, il referma ses bras autour de ses épaules. Il tremblait.

Emmener qui ? Qui savait quoi ? Qu’est-ce qui pouvait bien l’inquiéter ainsi ? Il n’en savait rien mais n’osait pas le bousculer. Il hocha la tête, en le serrant un peu plus fort, puis demanda :

— Est-ce que vous pouvez marcher ?

Marcher le replongerait définitivement dans la réalité de son corps. Il n’aurait pas d’autre choix, puisqu’il devrait se concentrer sur ses mouvements. Percevant son léger signe d’assentiment, il hocha la tête et l’aida à se relever.

— D’accord. Alors, venez. Allons aux écuries.

Après tout, les chevaux l’avaient toujours aidé à se recentrer. Et il savait que son père appréciait l’équitation au moins autant que lui. Sentir la présence des équidés l’aiderait peut-être ? Et comme il avait conscience de devoir continuer de parler, il poursuivit :

— Je n’ai toujours pas pris ma revanche sur la course que vous avez gagnée.
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Message par Coldris de Fromart Mar 21 Sep - 21:44



Coldris émergea péniblement, pour découvrir son fils agenouillé à ses côtés. C’était si irréel qu’il dut passer ses mains le long de son visage afin de s’assurer que ce n’était pas un nouveau mirage.
Il était là.
Il hocha lentement la tête, le regard toujours hagard. Ce qu’il ne comprenait pas, c’était comment il avait pu arriver là, alors qu’il était visiblement dans l’un des bosquets. Cela n’avait aucun sens. Comme tous ces voyages nocturnes qui se succédaient les uns après les autres ces derniers jours. Et paradoxalement, quand bien même tout cela semblait chimérique, il se sentait profondément soulagé que son fils soit là pour réceptionner l’étreinte spontanée à laquelle il s’abandonna, alors même que son esprit repartait de plus belle, incapable de se fixer et de s’apaiser durablement, comme un pot que l’on secourait inlassablement et dont le contenu venait les lécher les parois dans un chaos contenu et concentré. Profitant de ce terreau fertile, la peur gagnait du terrain sans qu’il ne parvienne à juguler sa progression.

Il referma les yeux. Tout autour de son dos, il percevait les bras puissants d’Alduis et se concentra sur cette sensation pour ne pas repartir de plus belle « quelque part ». Ses doigts noueux s’agrippèrent autant qu’ils le purent. Marcher ? Oui sans doute le pouvait-il s’il était venu jusqu’ici, n’est-ce pas ? Il se sentit tout engourdi, mais à force de concentration ses orteils acceptèrent de lui répondre et il hocha timidement la tête avant de s’appuyer sur son fils pour se redresser. Comme sur un bateau en pleine tempête. La question était de savoir s’il était le bateau ou la tempête qui le secouait.

— Alors, venez. Allons aux écuries.

Les écuries ?

— Les écuries? répéta sa voix rauque en écho à son esprit.

Tu aimes les chevaux ? Tu voudrais m’accompagner aux écuries ?

Il secoua la tête pour chasser les résonnances du passé. Il se voyait pourtant avec Alduis entre ses bras tentant d’articuler maladroitement « Papa » et lui ne savant guère quoi faire d’autres que de l’emmener voir les chevaux espérant qu’ils l’aideraient à construire ce pont entre eux. Les chevaux. Il acquiesça sans parvenir à articuler une quelconque réponse tant ses pensées se délitaient toujours et le fuyaient dès qu’il tentait de les capturer.

— Je n’ai toujours pas pris ma revanche sur la course que vous avez gagnée.

La course ? De quelle course parlait-il ? Il suivait l’ombre quasi lunaire de son fils entre les squelettes noirauds des arbres qui bordaient le chemin. A quoi pouvait-il bien faire référence ? Chacun de ses pas crissait dans la fine couche de neige. Il avait gagné une course ? Il avait froid aux pieds. Il sentit la pointe d’une branche et releva aussitôt le pied. Quelle course ? Quelle course ? Il fouillait, fouillait, fouillait son esprit.

Tu aimes les chevaux ? Tu voudrais m’accompagner aux écuries ?

Il s’immobilisa. Ce fameux matin. Quand était-ce déjà ? Cela lui paraissait avoir eu lieu une éternité plutôt.

On est le 26 janvier 1598. Il fait nuit.
tu réserveras ta matinée du 22. Je t’attends aux écuries à l’aube..

Ils avaient fait la course. Deux fois. Coldris l’avait remportée…

Tu la nourris trop, elle s’empâte mon grand. Tu es sûr que tu ne veux pas un de mes andalous ?

C’était bien de cela qu’il s’agissait n’est-ce pas ?

— Je ne sais pas… Je ne pense pas que… articula-t-il péniblement.

Mais en vérité, il ne pouvait simplement pas décliner quand bien même il ignorait comment il pourrait tenir sur un cheval. Les images troubles de sa blessure à l’épaule apparurent. Couché sur l’encolure d’Alkaios, plus inconscient que conscient. Cela ne pouvait pas vraiment être pire n’est-ce pas ? Avait-on jamais vu Coldris refuser un défi ?

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Message par Alduis de Fromart Jeu 23 Sep - 7:32

Les écuries. Alduis n'était pas doué pour alimenter la conversation et il avait peur d'arriver à court d'idées. Il préférait alors préparer les arrières. Que son père puisse se raccrocher à un autre point d'ancrage si le premier se mettait à défaillir.

Quoi de mieux pour cela que les chevaux ? Ils ne faiblissaient jamais. Ils ne trahissaient pas davantage. Des montagnes placides de muscles aux grands yeux humides. On disait que les émotions des cavaliers déteignaient sur les animaux. Mais n'était-ce pas vrai pour l'inverse aussi ? Courage avait cet aplomb tranquille qui parvenait à l'ancrer. C'était là-dessus que comptait Alduis.

Mais encore fallait-il occuper le trajet en conversation... Trouver des idées. Pour ne pas risquer de perdre son père de nouveau. Écuries... Chevaux… Pendant que Coldris marchait à son côté et qu'Alduis prêtait attention à ce qu'il ne tombe pas, il cherchait désespérément quelque chose à aborder. Les chevaux, les chevaux, les... La course ! Tout à coup cela lui apparut comme une évidence.

Pourtant, le chemin sembla long à s'établir dans l'esprit de son père, si bien qu'Alduis finit par se dire qu'il aurait peut-être dû continuer de chercher autre chose. De plus évident.

Peut-être essayer de comprendre ce qui le tourmentait à ce point ? Mais cela risquait de le plonger dans la tourmente — qui demeurait très proche — une fois de plus. Non, décida-t-il, il fallait attendre qu'il s'en soit tiré définitivement. Il fallait parler d'autre chose, pour détourner son attention. Et la course y parvint, bien qu'avec un temps de retard.

— Je ne sais pas... Je ne pense pas que...

Surpris, Alduis ralentit le pas un instant. Ne pas pouvoir. La course. Il n'avait pourtant pas eu l'intention de le faire monter sur un cheval. Il voulait simplement entretenir la conversation. Déstabilisé, il ne trouva tout d'abord rien à répondre. Aurait-il dû rétablir la vérité ? Faire remarquer que ce n'était pas raisonnable ? Toujours fut-il qu'il n'en fit rien. Que risquait-il d'arriver à son père ? Alduis se rappelait surtout l'euphorie saisissante de la dernière fois. Peut-être serait-ce de nouveau le cas ?

— Venez, ajouta-t-il, tandis que les écuries apparaissaient à eux.

Et il guida son père jusqu'aux box. Avant de monter, au moins s'assurer que son père ne risquait pas de repartir ailleurs...
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Message par Coldris de Fromart Jeu 23 Sep - 14:09



Ses idées étaient toujours affreusement confuses et brumeuses, malgré tout, il était suffisamment lucide – du moins le pensait-il – pour réaliser que faire une course de chevaux ne semblait pas être une idée des plus intelligentes. Seulement, il se voyait mal décliner. Ce n’était pas vraiment dans ses habitudes. Pire encore, cela avait quelque chose d’inconcevable.

Peut-être était-il toujours en train de rêver après tout ?

D’ailleurs sa remarque sembla interloquer son fils. Lui non plus ne l’avait jamais vu s’avouer vaincu, c’était bien la preuve, s’il en était, qu’il ne pouvait que si plier.

Leurs pas les menèrent aux écuries dont il reconnut l’odeur autant que les hennissements des chevaux méfiants, tirés de leur sommeil par deux oiseaux de nuit. Coldris se laissa conduire entre les stalles. Cette écurie avait toujours été l’une de ses fiertés, ici, au domaine. À l’image de sa propre vie, elle avait vécu ses jours heureux autant que ses malheurs et ses frustrations. Il s’arrêta devant la porte d’Euthalia, l’une de ses juments andalouses. La seule qui ne soit pas grise comme les autres, mais d’un baie si sombre qu’un œil non averti l’aurait prise pour un cheval noir. Elle était celle qui ressemblait le plus à son grand-père Alkaios, sans toutefois égaler sa robe si parfaitement sombre. Il passa sa main sur ses naseaux de velours tandis qu’un souffle tiède vibra contre sa paume. Il chercha vainement de quoi alimenter la conversation, mais les mots le fuyaient toujours. Il se résigna donc à garder le silence, se contentant de faire glisser sa main le long du chanfrein uniforme de sa jument.

C’était la nuit et sa promenade aux aurores venait sans doute d’être quelque peu avancée. Pourrait-il tenir dessus sans tomber ?


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Message par Alduis de Fromart Sam 25 Sep - 17:40

Les hennissements des chevaux résonnèrent dans le bâtiment dès qu’ils entrèrent. L’agitation se calma rapidement, toutefois. Les animaux les reconnurent rapidement. Sans s’y attirer, Alduis guida son père entre les stalles, qui se laissa faire mais s’arrêta devant Euthalia, l’une de ses juments. Une bête magnifique, si foncée que sa robe aurait pu passer pour noire, d’autant plus en pleine nuit comme maintenant…

Tandis que Coldris la caressait entre les naseaux, Alduis la sella, avant d’en faire de même avec Courage. Cette brève pause lui permit de se reprendre quelques instants, pour réorganiser ses pensées. Trouver de quoi entretenir la conversation. Il avait rarement connu un exercice aussi compliqué. Il aurait tellement aimé que quelqu’un soit là pour l’aider, pour lui souffler des idées de discussion. Mais le temps lui manqua pour trouver quelque chose qui lui sembla convenir à la situation.

Pourtant, en revenant vers son père, il se sentait de nouveau prêt à affronter la situation. S’il avait pu réussir à survivre aux champs de bataille les plus meurtriers et les plus sanglants, il pourrait survivre à cela. Il lui suffisait de croire qu’il en était capable. Après tout, Coldris évoluait de nouveau dans leur monde, bien que faiblement amarré. C’était précisément pour cela qu’il devait l’y maintenir.

— Vous voulez que je vous aide à monter ?

Après avoir obtenu la réponse de son père, Alduis attrapa les brides d’Euthalia, celles de Courage, et sortit dehors avec les deux juments. Là, il se mit en selle à son tour et recommença à chercher un sujet de conversation. A l’heure actuelle, tout reposait sur ses épaules, car il était évident que les mots fuyaient son père. En mettant Courage au pas, et en restant proche de Coldris pour pouvoir intervenir au cas où quelque chose se passerait, un déclic s’alluma subitement dans son esprit.

Au fond, qu’importe ce qu’il disait. Il aurait parié que son père ne s’en souviendrait presque pas. Mais surtout, il aurait parié qu’il n’allait pas beaucoup répondre. Il n’allait pas juger, ni attendre quoi que ce soit. Au final, ce ne serait pas très différent de parler à Courage. Et cela, il savait faire.

— Vous savez, Papa ?

Une fois de plus, l’appeler Papa lui était venu naturellement. Sûrement serait-il incapable de réitérer la prouesse dès le lendemain, mais en l’instant, il pressentait que cela établissait un lien plus fort entre eux. Et il fallait des amarrages solides pour ancrer un bateau dans le port, pas de fines cordelettes qui pourraient rompre à tout instant.

— Souvent, je me demande ce que ça fait d’être un cheval. Ils n’ont pas besoin de parler ou de répondre. Et ils ne se posent pas toutes ces questions, n’est-ce pas ? Ce doit être reposant, de ne pas se poser de questions, vous ne pensez pas ?

Parce qu’Alduis savait pertinemment que l’esprit de son père était aussi actif que le sien. C’était comme si leurs idées ne cessaient jamais de tourner, qu’elles refusaient de se mettre en veille pour les laisser dormir. Et encore ! Coldris, lui, parvenait à les organiser pour former des phrases, en temps normal. Il comprenait toutes les subtilités du langage. Et… Quelque chose lui effleura l’esprit sans préavis.

— Vous pourrez m’aider à comprendre les sous-entendus ?

Il ne savait même pas si son père était en état de comprendre. Ni même s’il était en état de lui répondre.
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Message par Coldris de Fromart Dim 26 Sep - 21:58



Il réalisait à peine qu’Alduis fût déjà en train de seller et sangler sa jument alors que sa main glisser de sa joue lisse d’un brun quasi noir sous ses longs crins ondulés de jais. Aurait-il un jour le plaisir de voir naitre un poulain qui grandirait noir avant qu’il n’expire son ultime souffle ? Il aimait caresser cette peau chaude et douce comme de la soie. Euthalia gratta la paille du bout de son sabot. Elle devait sans doute se demander ce qu’il lui prenait de venir si tôt (ou si tard).

— Je suis désolé de te déranger, murmura-t-il lorsqu’Alduis l’interrompit avec sa question.

L’aider à monter ? C’est-à-dire que… Oui sans doute, cela aurait été peut-être plus prudent étant donné qu’il peinait déjà à tenir sur ses jambes… Il secoua pourtant la tête.

— Ca ira, merci.

Il monterait seul. Comme il l’avait toujours fait. Il ne pouvait pas se résigner à se faire aider pour mettre pied à l’étrier. Il y arriverait. Il pouvait le faire. Seul. Sans aide. Alduis guida les deux juments dont les sabots ferrés résonnaient dans le silence nocturne. Coldris passa les brides par-dessus l’encolure. Par habitude, il vérifia le sanglage : il n’avait pas envie de risquer de tomber bêtement pour une boucle mal serrée. Il agrandit autant que possible l’étrivière et se hissa d’une seule impulsion sur la belle andalouse. Réglage effectué, il se mit au pas aux côtés de son fils. La démarche chaloupée et cadencée commençait déjà à le bercer. Il avait toujours adoré écouter la mélodie claquante des sabots dans l’allée.

— Vous savez, Papa ?

Il sursauta presque, à demi endormi lorsque l’interpellation se fraya un chemin dans son esprit. Était-ce bien lui et à lui qu’il s’adressait ? Il fut presque tenté de chercher quelqu’un d’autre dans les environs, mais il savait au fond de lui que c’était peine perdue et parfaitement illogique. Il n’avait qu’un seul père. Qui… valait ce qu’il valait. Il cligna plusieurs fois des paupières pour tenter de se réveiller et de saisir ce qu’il pouvait dire. Étrangement ce qu’il disait lui sembla parfaitement limpide : sans doute car il était arrivé bien souvent à cette conclusion également.

— Oui, c’est parce qu’ils vivent uniquement dans le présent.

Quoique peu volubile d’ordinaire, il aurait aimé pouvoir lui détailler le fond de sa pensée. Lui expliquer que les chevaux ne se souciaient jamais de ce qui avait pu se dérouler la veille ou plus tôt encore, tout comme ils ignoraient ce qu’ils feraient dans plusieurs heures, jours ou mois. Ils ne répondaient qu’à la règle élémentaire de la sécurité. Ils ne pensaient pas. Ils se contentaient d’être. Parallèlement, il aurait pu objecter que les équidés subissaient les mêmes rapports de domination lorsqu’ils étaient en harde. L’unique problème se trouvait dans son incapacité à articuler ses mots qui mourraient asséchés sur sa langue pâteuse, sans pouvoir s’extraire du bout de ses lèvres collaient entre elles.

— Vous pourrez m’aider à comprendre les sous-entendus ?

Là encore, il n’eut aucun mal à attraper les paroles pour les décrypter. Les sous-entendus.  Lui apprendre. Toutes les fois où le sens abstrait n’avait jamais atteint l’esprit de son fils lui sautèrent au visage. Il avait conscience du handicape que cela pouvait générer dans une vie sociale qui se jouait en permanence des mots. Il n’avait jamais appris cela. C’était venu naturellement. Comment ? Pouvait-il lui enseigner cela ?

— Je…

Ses paupières étaient si lourdes. Sa tête pesait et se pencher, attirée par son menton qui semblait en contenir tout le poids lorsqu’il la releva brusquement. Que ? Répondre. Il n’avait pas répondu non ? Ou peut-être que si ? Comment savoir ?

— Essayer… Je peux… essayer.

Quelle était donc cette réponse qui n’en était pas une ? Essayer ? Depuis quand se contentait-il d’essayer ? Il secoua sa tête.

Je… j’ignore si c’est possible...
...Vraiment… mais oui. Entendu.

Il n’avait qu’à moitié conscience des mots qu’il formulait. Chaque nouvelle foulée l’enveloppait dans un coton un peu plus épais. Il n’arrivait plus à déterminer ceux prononcés à haute voix de ceux que son esprit déclamait. Son corps s’engourdissait. Ses yeux clignaient. Il se balançait au grès de l’ondulation du corps musculeux qui le portait. Bientôt, ses paupières ne se relevèrent plus. C’était plus confortable ainsi, voilà tout. Il se laissa bercer et s’endormit sans vraiment s’en rendre compte, toujours solidement assis sur son cheval.

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Message par Alduis de Fromart Sam 2 Oct - 10:42

Son père monta seul. Il fallait dire que le contraire aurait davantage surpris son père, lui qui avait toujours conservé une certaine dignité néanmoins. D’ailleurs, à sa place, Alduis n’en aurait pas fait différemment. Il détestait dépendre des autres. Finalement, il ressemblait peut-être plus à son père qu’il ne l’avait cru jusqu’ici.

Ce fut cette constatation qui encouragea Alduis à parler plus librement. Il n’avait jamais fait part de ses réflexions sur les chevaux. Pourtant, souvent, il s’était dit qu’il aurait préféré en être un. Eux ne se tourmentaient pas en questions inutiles. Et il fut lui-même surpris d’entendre son père confirmer.

L’instant présent… Alduis aurait-il su davantage ce que cela signifiait si sa mémoire titanesque n’avait pas eu de cesse de l’ensevelir sous le passé ? Ce devait être plus facile avec des souvenirs moins nombreux. Néanmoins, il commençait à s’y faire et à accepter cette étrange capacité. Il commençait à comprendre qu’il ne pourrait jamais rien y faire. Et puis au fond, avait-il réellement envie de changer ?

Par certains aspects, oui. Car il percevait que bien des choses échappaient à son raisonnement. S’il n’y avait eu que ces maudits sous-entendus encore ! Combien de choses ne comprenaient-ils pas ? Il ne savait même pas vraiment pourquoi il posait cette question… Peut-être était-ce une chose qui ne s’apprenait pas, après tout. En tout cas, c’était ce qu’il interprétait dans le silence de son père et dans ses hésitations. Personne n’avait jamais dû lui demander une telle chose.

Alduis ne s’attendait plus vraiment à une réponse quand elle arriva. Et encore moins à une réponse affirmative. Il releva brutalement la tête pour regarder en direction de son père, comme pour être bien sûr d’avoir correctement entendu. Il voulait bien essayer ? C’était qu’il s’agissait d’un cas désespéré, de cela, Alduis en avait conscience.

Il ne sut tout d’abord pas vraiment quoi répondre, puis après un long moment, il se décida à hocher la tête en guise de remerciements.

— Merci...

Mais Coldris dormait déjà. Avait-il mis tant de temps à répondre ou bien son père s’était-il endormi rapidement ? Alduis n’en savait trop rien mais il se décida à ne pas s’y attarder. Les chevaux vivaient dans le présent. Peut-être devrait-il commencer à penser comme eux…
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