[27 Novembre 1597] Les émois de la petite valkyrie [Terminé]

Une fois les portes de l'église déserte poussées,  Cassandre s'effondra. Les émotions de l'agression revenaient l'assaillir. Au moins, elle avait su se ressaisir pour courir au château de Frenn, trouver Eldred et lui demander de la rejoindre ici en urgence. Avait-elle su bien feindre ? Elle ne souhaitait pas l’inquiéter. Et puis, il n'était rien arrivée. Une simple petite entaille. Son corps trembla cependant au souvenir qui lz hantait et surtout au geste d4alexandre.

Alexandre...
Pourquoi venait-il toujours l'embêter ? Il ne pouvait pas la lâcher un peu ? Pourquoi avait-il choisi de s'opposer à son amant pour la protéger, elle, qui ne faisait que farces ou des reproches pour l'agacer ? Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas et ça l'agaçait. Ce n'était pas une logique. on protégeait une personne que l'on aimait, en qui on avait une dette... mais protéger un ennemi ? Non, ça n'avait rien de logique.

Lentement, Cassandre se releva et trempa la main dans le bénitier pour se signer. Elle s'avança dans la travée et apprécia le silence de l'église. Ses pas se dirigèrent naturellement vers la chapelle de Sainte-Zita. Elle tomba à genoux devant la niche qui abritait la petite statue.

"Zita... Aide-moi à comprendre. C'est toi qui est intervenue, en fait ? Tu voulais me protéger et tu n'avais qu'Alexandre pour le faire, c'est ça ? Sinon... Sinon c'est pas logique. pourquoi Alexandre m'aurait protégé ? Zita... Dis-le moi."

Peu à peu, Cassandre joignit et commença à se recueillir. Prier lui avait toujours fait du bien et l'apaisait de ses tourments.

Ce jour-là, Cassandre avait fait une apparition éclair à Frenn pour lui demander de venir aussi vite que possible à l’église. Il n’avait pas eu le temps de répliquer quoi que ce soit qu’elle avait disparu aussitôt, comme elle était arrivée. Que s’était-il passé de si grave ? Il lui avait semblait apercevoir une curieuse lueur, au fond de son regard. Mais sa présence fut si brève qu’il n’eut pas le temps d’investiguer.

Il avait un mauvais pressentiment.

Et son instinct qui lui avait si souvent sauvé la vie ne le trompait jamais. Ce sentiment sur son échine… Il en aurait mis ses mains à couper : il s’était passer quelque chose de grave.

Il termina aussi vite -et bien- que possible ses tâches et demanda au baron l’autorisation de se retirer afin de se rendre à l’église pour prier et tenter de devenir un bon chrétien. Tâche ardue que celle-ci lorsque l’on était un barbare, mais les efforts étaient toujours aussi bien vus que bienvenues. Lors des messes étaient de ceux qui semblait boire les paroles du prêtre. Loin de prier Dieu, il priait ses Dieux à lui, et surtout Odin pour sa sagesse légendaire. Que ne pouvait-il lui aussi faire don des ses yeux pour obtenir la connaissance du puits de Mimir !


La lourde porte de bois était entrouverte, il la poussa légèrement et se faufila à l’intérieur. Il n’y avait pas grand monde. Tout juste une vieille femme agenouillée en prière, un homme qui allumait un sage et bien sûr Charlotte, agenouillée, elle aussi devant une petite statue de femme, qu’Eldred identifia comme la Vierge, car c’était bien la seule qu’il connaissait. Sans un bruit, il s’approcha. Il espérait juste ne pas être venu pour une leçon de de catéchisme. Assister aux messes étaient déjà suffisamment pénible comme cela… Lorsqu’il fut à sa hauteur, il posa une main sur son épaule pour se signaler et s’agenouilla face à la statuette décidément bien moins belle que Freya.

- Que se passe-t-il donc, ma petite Valkyrie qui demande tant d’empressement ?

Ce ne fut que lorsqu’elle se tourna vers lui, qu’il aperçut l’entaille dans son cou. Discrète dans la pénombre, il ne pouvait cependant pas s’y tromper pour en avoir côtoyé de trop près : c’était bien là, la trace d’une arme appuyée sur la peau. Il fronça les sourcils et la questionna pour l’instant simplement du regard, tandis qu’un nouveau feu venait d’allumer ses prunelles. Peu importe les circonstances, il savait déjà que celui qui avait fait cela, le paierait tôt ou tard.

Cassandre se sentait un peu moins d'avoir prié. Elle percevait que Zita était venue une fois à elle pour l'entourer de son amour et de sa protection. Elle eut cependant un sursaut quand une main s'abattit lourdement sur son épaule. Ses réflexes revinrent aussitôt, l'esprit encore marqué par son agression récente. Dans un geste défensif, elle se retourna et flanqua un coup de poing dans l'avant-bras du poignet de celui ou celle qui avait osé la toucher. Ses yeux découvrirent seulement après la silhouette de son amie et elle recula, honteuse.

"Pardon..."

Quelle idiote !
Elle avait encore laissé ses émotions la contrôler. Elle aurait dû se retourner, être prête à frapper, oui, mais attendre de savoir si c'était un ennemi ou non. La fillette sentit alors le regard de Eldred dévisager l'entaille laissée à sa gorge et cela la rendit plus mal à l'aise. sa main se porta nerveusement à cette blessure, dans le vain espoir de la cacher.

"Ce n'est rien. Un bête accident. J jouais avec Grâce et on a renversé la table et un couteau a volé."

Elle préférait mentir et ne dévoiler en aucune manière l'origine de son agression. Eldred risquait de ne pas faire confiance à Alduis de Fromart autrement. A juste titre. Elle-même se sentait mal à l'aise de négocier avec un individu s prompt à la violence. Mais il était noble, avec de bons appuis, et leur révolte avait besoin de ce soutien. Alors ça valait bien de prendre des risques.

"Je crois avoir un moyen de contraindre un noble à nous aider, Eldred. As-tu entendu parler d'un Alduis de Fromart ? Il est venu tout à l'heure à la boutique et j'ai découvert..."

Son corps trembla, malgré elle, au souvenir de l’agression qui revenait inlassablement en songeant à l'étreinte surprise.

"Il a une relation amoureuse avec Alexandre."

Elle n'arrivait plus à dire vermine de troll pour le désigner. Si elle le disait, elle repenserait aussitôt au sauvetage miraculeux et aurait mal.

"Je ne sais pas comment c'est à Zarkos mais ici un homme ne peut aimer un autre. Ceux qui sont découverts sont brûlés. On les nomme sodomites et l’Église voit ça comme un crime terrible. Les nobles, c'est difficile à toucher, bien sûr, mais Alexandre... Alexandre est un esclave, un esclave qui appartient à un cardinal intransigeant. Si on menace de le dénoncer, cet Alduis de Fromart nous mangera dans la main, comme un chevreau qui vient de naitre ! Alors, qu'est-ce que tu en penses ?"

Malgré cette nouvelle qui paraissait excellente, Cassandre ne parvenait pas à se réjouir. les ombres de son agression la poursuivaient et refusaient de la lâcher.

Lorsqu’il posa sa main, Charlotte se retourna vivement pour lui mettre un coup dans l’avant-bras. Pris de surprise, il n’essaya même pas d’éviter le coup. Ce n’était de tout façon pas cela qui risquait de lui faire quoi que ce soit. Les corvées de bois avaient au moins l’avantage d’entretenir sa carrure de guerrier… Non ce qui l’embêtait c’était cette réaction soudaine et virulente. Elle ne s’était clairement pas attendue à ce que ce soit lui mais son instinct avait pris le dessus. Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose : elle s’était sentie menacé. Ou plus exactement, elle avait été suffisamment menacée pour que son corps réagisse avant son esprit. Eldred connaissait parfaitement cette sensation : c’était celle qui vous sauvez la vie sur un champ de bataille parce que vous aviez senti un fin courant d’air sur votre nuque. Celui provoqué par la lame qui s’abat. Dans ces moments-là, votre corps mue par sa propre volonté de survie, bougeait sans même que vous n’ayez à le commander.
Oui, il connaissait cela, et voir cette réaction, ne lui plaisait pas du tout. Il lui adressa un regard apaisé lorsqu’elle s’excusa. Il ne lui en voulait pas le moins du monde. Ce fut à ce moment qu’il remarqua l’entaille extrêmement fine dans son cou qu’elle justifia comme un bête accident. Oui c’était bien connu que les couteaux volaient par magie pour s’appuyer contre votre cou. Pile sur votre carotide, très exactement. Un hasard vraiment malheureux.
Eldred leva un sourcil, plus que circonspect mais ne demanda aucune précision. Il fallait parfois se montrer patient et le moment n’était pas encore venu d’aborder le sujet.

- Il faudra que je songe, à t’apprendre à te défendre… Si tu es d’accord bien sûr

Une véritable proposition qui servit aussi à lui signifier qu’il n’avait pas pipé mot de son explication. Elle enchaina sur le message si important dont elle avait souhaité lui faire part. Il l’écouta sans l’interrompre. Fronçant légèrement les sourcils, un peu plus à chaque mot et nom qui sortait jusqu’à ce que…

Við dauði Þórs !

Par la mort de Thor !

Alduis de Fromart et ce fils de troll... Elle les avait surpris à la boutique… Il n’en fallait pas plus pour assembler toutes les pièces du puzzle.

Ça et les frissons qui la parcouraient lorsqu’elle parlait.
Ça et Alexandre. Elle ne l’appelait jamais par son prénom. Pas une fois depuis qu’il la connaissait.

On l’avait blessé parce qu’elle les avait surpris en plein ébat. Il serra le poing tandis qu’elle lui parlait du bûcher, de recruter ce kamphundr, ce bouffeur de charognes, d’Alduis de Fromart et d’autres choses qui passèrent plus ou moins à côté. Ce n’était pas ce seau à merde d’Alexandre qui aurait pu faire cela. Il n’avait même pas besoin de demander. Il était con comme une corne d’auroch mais certainement pas agressif ou violent -excepté envers soi-même-. C’était l’autre, ce beiskaldison, ce sale fils de chienne, qui l’avait menacé !

C’est lui qui t’as fait ça, n’est-ce pas ? Tu sais les couteaux, ça ne tombe pas par hasard sur le cou. lui avoua-t-il d’un sourire qui se voulait bienveillant.

La blessure était infime, parfaitement bégnine, mais il avait osé lever la main sur elle, et rien que pour cela, il se vengerait. D’ailleurs cette information… Il avait déjà plusieurs idées d’utilisation possible pour le faire payer, mais tout cela lui paraissait accessoire : sa petite valkyrie si espiègle était éteinte.

- Il a menacé de te tuer parce que tu les avais surpris ?

Eldred secoua lentement la tête en regardant le sol. Il s’en voulait terriblement, elle avait sans doute pris ce risque dans le simple but d’obtenir de quoi aider leur révolte. Et si Alduis l’avait tué ? Il n’aurait jamais pu se le pardonner. Cela aurait été comme perdre une deuxième fois sa fille. Il soupira.

- Et Alexandre ? demanda-t-il finalement.

Quel rôle avait-il joué là-dedans ? A cet instant précis, il n’était plus question de révolte, seul l’agression dont elle avait été victime l’obnubilait.

Il avait osé lever la main sur sa petite Valkyrie.
Il avait osé.
Lever.
La main.
Sur sa petite Valkyrie.

Le sang coulerait. Un jour. Demain. Dans un mois. Dans un an… Qui savait ? Mais il coulerait.
Et il offrit ses bras à la fillette toujours sous le choc. Elle avait dû avoir si peur... Quelle courageuse petite fille que sa petite chipie.

Malgré cette réaction incontrôlée, cassandre était heureuse d'apercevoir enfin un visage ami qui elle savait qu'elle pouvait se confier et qui aurait de bonnes idées. Elle sourit à Eldred puis vit dans son regard que celui-ci n'avait pas cru en mensonge. il n'était pas crédible. Elle le savait. Au moins, il n'insistait pas. De toute façon, elle allait bien. C'était l’essentiel. Elle entendit sa proposition et opina, parfaitement satisfaite.

"Oh oui ! Je sais un peu me défendre, tu sais ! Je sais donner des coups de poings quand il faut ! Et puis, je sais courir ! La fuite, quand on peut pas gagner, c'est une excellente défense."

Cassandre passa finalement à son récit et observa le visage d'Eldred qui se modifia au fil des noms cités et des révélations. il devenait de plus en plus en colère. Qu'es-ce que ça serai quand il comprendrait pour l'agression ? Elle ne se leurrai pas. Il finirait par faire le lien. D'ailleurs, ça vint vite. Il pointa à nouveau sa blessure et démonta son mensonge. Elle se mordit les lèvres, un peu gênée.

"Je ne dirai pas qu'il a menacé de me tuer. C’était... de l'instinct. Comme quand je t'ai frappé tout à l'heure. J'étais derrière eux e devant leur baiser, j'ai eu un cri de surprise. C'est ma faute, Eldred. J'étais en mission de surveillance et j'ai foiré. J'ai complètement foiré. Je n'aurai pas dû crier. Je n'aurai vraiment pas dû. Je suis désolée."

Eldred prononça alors le nom redouté. Le visage de Cassandre se décomposa et elle recula de plusieurs pas.

"Alexandre... Alexandre m'a sauvé la vie."

Sans s'en rendre compte, elle se mit à crier, déboussolée par cet événement.

"Pourquoi il a fait ça ? J'est pas logique ! Pas logique du tout ! J'ai pas arrêté de lui faire des farces ! Je l'ai fait courir en ville chercher des choses qu'on avait déjà ! Ces derniers jours, je fais plus rien ! mais on se dispute, je suis de mauvaise humeur avec lui ! Je peux pas lui pardonner pour tu sais quoi... Et lui... lui, il me sauve la vie."

Cassandre se mit à parler plus bas cette fois, encore sous le choc de cette idée.

"Je représentais un danger, non ? il aurait dû le laisser me tuer ? Ça, c'était logique. Mais lui.. Il a attrapé sa main et l'a écarté de moi. Il l'a raisonné. puis il m'a crié de fuir. Pourquoi ? Pourquoi ? C'est pas logique. Pas logique du tout."

Perturbée par cette incohérence qui lui échappai, Cassandre vit Eldred tendre les bras et se recula aussitôt. Elle marmonna de mauvaise humeur :

"C'est bon. Je suis plus une gamine. Aide-moi plutôt à comprendre pourquoi Alexandre a agi comme ça ?"

Elle ne se rappelait que trop cette leçon apprise quelques jours plus tôt lors de cette terrible discussion avec Dame Irène. De ce cri malheureux suite à une petite phrase innocente. Les sentiments ne servaient à rien. Sauf à créer désordre et douleur. Elle voulait des faits. Rien que des faits.

La fuite c’était une bonne option pour la survie. Il fallait savoir fuir, parfois, pour mieux revenir. Mais d'autres fois, la fuite n’était pas possible. Et il fallait pouvoir se battre, pour ne pas y rester. La trace, sur son cou indiqué clairement qu’il s’agissait de la deuxième option. Il sourit à ses propos.

- C'est un bon début ! Je te montrerai d'autres choses, comme viser les yeux, tu verras.

Il écouta son récit avec attention. Tout cela lui laissait un profond goût de rage dans la bouche. Il avait osé s’en prendre à elle. Et en plus elle s'estimait coupable ?

- Tu n'as pas à t’excuser, pour cela, voyons ! Tu sais le principe d'un risque c’est que tout n'est pas écrit. Il n'y a pas de honte ou culpabilité. Dans la vie tu ne pourras toujours maîtriser que la moitié des choses qui arriveront c’est ainsi. Et d’après ce que tu me dis, cet Alduis de Fromart manque cruellement de contrôle sur lui-même pour agresser ainsi sans avertissement. Tu sais à quoi, il me fait penser ? Un gros chat blessé acculé dans un coin, qui feule et griffe la moindre main tendue.

Il ne put s'empêcher de se demander ce qu'avait Alexandre là dedans. Avait-il regarder sans rien faire ? Quel rôle avait-il joué ? Devait-il lui aussi l'ajouter sur sa liste de vengeance ?
Mais Cassandre l'informa que non, au contraire. Il avait pris son parti. Il haussa un sourcil d’étonnement.


Ses yeux s’écarquillèrent subitement.
Cassandre se mit à crier, déboussolée, face à tant d'incompréhension et il dût lui intimer d'un geste de la main de parler moins fort car les deux fidèles présents leur jetaient des regards noirs. Mais en vérité il était lui-même aussi perdu qu'elle face au geste de l'infirme… il ne comprenait pas non plus. Il l'avait dénoncé et maintenant qu’il se trouvait en situation de faiblesse, prit sur le fait d'une relation interdite, il la sauvait ?
Mais qu’avait-il derrière la tête ?!


Face à son désarroi, il ouvrit les bras pour l’accueillir mais elle rejeta en bloc son offre. Elle était perdu, perdu dans une tempête d'incompréhension.

- Même les grands guerriers ont parfois besoin de réconfort. Tu aurais dû me voir, il y a neuf ans… Il n'y a pas de honte à accepter un moment de faiblesse. Au contraire. C'est ce qui te rendra plus forte. Une blessure aussi petite soit-elle peut suffire à s’infecter et à mettre à terre un colosse. Quel soit sur ton corps ou sur ton âme cela ne fait pas différente. La vraie faiblesse c'est de fermer les yeux en espérant qu'elle disparaisse. Tu vois, je suis sûr que lui, il est plein de plaies purulentes… Quant à Alexandre. Et bien… c'est un jeune homme étonnant. Mais la vérité est sûrement bien simple : il est aussi con qu'une corne auroch mais aussi bon qu'un agneau.

Eldred se rappela sa visite chez le baron. Ce qu’il avait dit et fait. Il parlait beaucoup. Beaucoup trop pour son propre bien. Il était persuadée d’agir pour le bien. Un  concept somme toute relatif. Et puis surtout. Il ne réfléchissait pas avant de parler.

- Quand il t'a dénoncé, je suis sûr qu'au fond il se disait que c’était là une bonne action.  Il n'aurait pas voulu te blesser. Il n'a même pas dû mesurer la porter de ses paroles. Aujourd’hui, il a considéré que te défendre était ce qui était juste. Voilà tout

Il espérait que son explication (dont il n’était lui-même pas totalement sûr) la convaincrait et l’apaiserait. Elle semblait si désemparée devant cette absence de compréhension. Et lui-même était dépassée par son comportement.

-Et puis tu sais… parfois les gens agissent sans réfléchir. Sans logique apparente. C'est comme ça. C’était aussi ça la beauté de la vie. Il fait bien un peu de sel… Tiens je suis sûr que tu as déjà fait des choses dans ce genre toi aussi non ?

Cassandre sourit, satisfaite de recevoir des cours pour mieux apprendre à se défendre.

"J'ai hâte de commencer. Quand u pourras me montrer ?"

Tout le long au début de son récit, Eldred manifesta dans son regard de la colère. il en voulait à ce noble. Elle le sentait. Il lui assurait qu'elle n'avait pas avoir honte de cette agrression, que l'on ne pouvait pas tout maitriser. C'était vrai. Pourtant...

"Maitriser les choses, être sûr de soi, de ce qui va être fait, c'est la seule façon. Ou sinon... Sinon il arrive des choses dramatiques. Comme... Comme quand j'ai fait ces farces à Alexandre, quand je l'envoyais courir partout en ville chercher des choses qu'on avait à la maison. Si je n'avais pas fait pas ça, si je n'avais pas voulu jouer, Alexandre n'aurait rien joué et il n'aurait pas... C'est ma faute ce qui arrive à Sylvère et Hyriel."

Elle releva la tête quand Eldred compara Alduis à un chat blessé puis se souvint de son apparition.

"C'est vrai. Quand il est entré dans la boutique, il était... étrange. Il était vêtu en chemise par ce temps froid. Il a demandé à manger et à boire. On aurait dit qu'il n'avait rien mangé depuis des jours. Et il a demandé à Dame Irène si elle racontait des histoires à ses enfants. Il était totalement incohérent. Et puis... Je l'avais vu avant. Pas lui. c'était au marché. il y a deux mois. Il a menacé Sahar qui essayait de voler puis l'a entrainé dans une ruelle. Je suis parie après ça. Il avait l'air à ce moment-là sacrément méchant et dangereux."

Les souvenirs de ses rencontres avec Alduis remontaient un à un et Cassandre se remémorait de la peur que celui-ci lui inspirait à chaque fois. Quel personnage terrifiant. Digne d'un conte sombre.

Elle en vint à évoquer ensuite le cas Alexandre et se sentit affreusement stupide quand Eldred lui jeta un regard noir suite à ses cris. Quelle idiote ! Elle ne contrôlait toujours pas ces foutues émotions. Eldred se montra cependant étonnamment doux. Rassurant. Ses paroles avaient peu à peu raison sur son esprit endurci et les sanglots commencèrent à percer. Elle se jeta finalement dans ses bras et pleura à chaudes larmes.

"J'ai eu peur, Eldred. j'ai eu si peur. je croyais que j'allais mourir."

Ses petits bras frêles serraient la taille du guerrier zarkotien alors que les larmes mouillaient sa tunique. Toute la peur et la douleur nés depuis l'agression ressortaient enfin. Elle s'apaisa peu à peu mais resta cotre le torse d'Eldred à se laisser bercer par sa voix qui évoquait à présent des explications pour comprendre le cas Alexandre.

"Alexandre est bon comme agneau. Il ne pense pas à mal. mais il est esclave et un esclave ça pense avant tout au sien, pas aller voir les nobles. un esclave, ça soutien ses camarades esclaves. Quand Aud a été vendu à l'autre salopard, j'ai pris tous les risques pour lui porter le peu de nourriture que j'avais sur moi. J'aurai pu me faire attraper, j'aurai pu subir des coups de fouet, être condamnée au pilori pour une journée.. Et alors ? Le devoir d'un esclave c'est de soutenir un camarade. C'est comme ça et pas autrement. Il a pas d'excuse, Alexandre, d'avoir voulu être bon."

Tout en répliquant avec mauvaise humeur, Cassandre restait cependant soudée à Eldred, continuant à s'apaiser de cette étreinte. Elle commençait à se sentit un petit mieux. Son ami lui posa une question qui la rendit à la colère. Elle se détacha de lui puis se recula pour remonter la manche de sa robe.

"Ouais. Jusqu'à mes dix ans, je faisais tout sans réfléchir. puis, on m'a apposé cette marque. tu te souviens ? Simplement pour avoir voulu manger une pomme sur un étal car je crevais de faim."

Aigrie, elle cracha au sol au souvenir de ce jour terrible où le commis avait apposée la marque infamante sur son épaule pendant que deux de ses collègues la maintenaient au sol. Comme une bête.

Cassandre semblait enjouée de sa proposition et cela lui fit chaud au cœur : il serait ainsi plus rassuré de la savoir apte à se défendre. C’était encore plus important lorsque l'on était une femme dans un monde d'hommes. Elle était encore jeune sa petite valkyrie, mais il savait parfaitement ce dont les hommes pouvaient être capables. Sans parler de cette révolte qui la plaçait dans une situation périlleuse.

- Dès que nous nous reverrons. Je t'apprendrais à utiliser les armes que tu as permanence sur toi Il baissa les yeux successivement sur ses mains puis sur ses pieds Mais également à te servir d'une arme, entendu ?

Il serait ainsi plus rassuré de le savoir à même de se défendre. Il regrettait même de ne pas l'avoir fait plus tôt… Alors il tenta de la rassurer sur le fait qu'elle n’était en rien coupable. Il hocha lentement la tête à ses propos.

- C’est différent ma petite Valkyrie. Avec Alexandre, tu as manqué de discernement sur tes actions mais même ça… comment aurais-tu pu imaginer qu’il irait voir le baron ? C’était impossible. Tu prévois la pluie quand il fait beau toi ? il lui sourit et reprit Ce qu'il s'est passé c'est un aléa. Quand tu es monté, cela faisait partie des éventualités. Comme quand j'ai pris la tête de la révolte à Zakros…

Il baissa soudainement le regard. Encore aujourd’hui, il avait du mal à se pardonner cette échec cuisant. A croire qu’on était toujours moins indulgent avec soi-même… Il ne s'appesantit pas sur le sujet et lui expliqua plutôt ce qu’il pensait de son agresseur.   Il haussa un sourcil circonspect face à ses propos. Lorsqu'elle parla ensuite de Sahar, le visage de la jolie ténébreuse s'imprima dans son esprit et ses mâchoires se serrèrent à l’idée qu'il ait pu lui faire du mal..

- Les animaux blessés sont les plus dangereux car ils n'ont plus rien à perdre

D'abord réticente, il dû lui expliquer qu’il n'y avait aucune honte à se laisser aller et à se faire réconforter pour qu’elle accepte son étreinte. Il la serra fort dans ses bras en passant une main dans ses cheveux. Oh oui elle avait dû avoir si peur, sa petite valkyrie. Alors il la serra encore un peu plus fort car à lui aussi cette idée de la perdre lui était insupportable. Il ne répondit rien. Les gestes valaient parfois plus que les paroles. Il fallait que tout cela sorte. Peu à peu ses sanglots s'espacèrent alors qu'il lui offrait sa vision du comportement d'Alexandre.

- Comprendre n'excuse pas. se contenta-t-il.de répondre.

Car il fallait bien faire la part des choses. On pouvait expliquer un comportement sans y adhérer, ni même le pardonner. En voulant la détendre par le biais d'une anecdote amusante, il ne généra que la colère. Voilà c’était bien ce qu'il disait plus tôt : on neaitrise pas toujours tout… Avoir tant de haine envers son propre pays… il regarde se M en bâton…

– On ne pourra jamais l’enlever. Même si on change les choses. Tu sais ce que je me dis souvent ? Que c’est pas une marque, c'est une rune. C’est pas juste un alphabet. Les oracles s'en pour la divination. Chez moi ce M, c'est Ehwaz, les deux chevaux. C'est le symbole du voyage et du bon changement.  Mais aussi de la loyauté et du travail en équipe.

Il n’était pas sûr qu’elle voit où il venait en venir. Mais si c’était pour lui la marque qui l’avait arraché à son pays, il en avait fait son lien et son moteur. Ehwaz était la rune du changement et ils comptaient bien changer les choses par tous les leviers dont il disposerait. L’ironie si sort voulait qu’à deux traits près, cela faisait la rune de l'Homme… Parler de son pays le ramena sans le vouloir à cette demi-confidence qu’il lui avait fait un peu plus tôt. Cette fois se fut lui qui la prit dans ses bras.


Est-ce qu’elle lui aurait ressemblé ? Il ne pouvait s’empêcher de se poser la question alors qu'il posait son nez sur ses cheveux. Il avait tourné la page. Depuis longtemps. Mais il ne pouvait empêcher certains courants d'air de faire voler les pages en arrière à toute vitesse…

- Au fait. Ton idée n'est pas mauvaise petite princesse des bois. Mais on ne peut pas lui faire confiance.

- Il est instable et dangereux. Nous allons devoir réfléchir au mieux à ce que nous voulons faire de lui et ne pas l'impliquer plus que nécessaire

Cassandre appréciait beaucoup cette idée d'apprendre à se défendre avec un guerrier qui saurait lui montrer tant de choses. En revanche, utiliser une arme l’inquiétait un peu. Un esclave ne devait pas être vu avec ça. Mais ce ne serait sûrement pas trop difficile de le cacher dans un pan de sa robe.

Eldred essayai de la raisonner sur le fait qu'elle n'aurait pu prévoir les agissements dans ces farces. Il avait raison. Qui aurait pu imaginer qu'un esclave irait en dénoncer un autre aux autorités ? C’était absolument inique. Dans les pires cas, elle le voyait en parler à Dame Irène et elle aurait eu qu'une simple punition. Dame Irène étant gentille - trop gentille - et ça n'aurait pas été loin. Et puis, honnêtement, qu'est-ce qui serait pire qu'une privation de repas ou d'une nuit de sommeil ?Elle avait expérimenté tout ce qui était désagréable lors de ses années au lupanar. Son visage s'assombrit brusquement quand Eldred éfoqua de prédire la pluie et le beau temps. cette phrase la ramenait en arrière, au temps où elle vivait heureuse, avec sa famille, où elle croyait passer sa vie dans les vignes.

"Non, les intempéries, ça ne se prédit pas. Elles arrivent... comme ça. "

Puis elles détruisaient toute possibilité de récoltes. et elles vous rendaient pauvres. Elle redressa finalement la tête en entendant le dernier mot cité. Elle ne le connaissait pas celui-là.

"Un aléa... A, lé, a... il est beau ce mot. Sylvère l'aimerait."

Elle eut soudain conscience que Eldred ne comprenait pas et reporta son attention sur leur conversation. Elle approuvait ses paroles sur les animal blessés et dangereux puis se lissa vaincre par l'étreinte que son ami lui proposait? Ses bras solides étaient confortables et apaisants. Un pu comme ceux de son père quand elle s'endormait autrefois pendant la veillée à écouter ses histoires. Elle écouta ensuite rappeler que comprendre n'était pas excuser. C'était vrai. Même si Alexandre agissait en croyant bien faire il avait fauté. un esclave ne faisait rien contre un autre. C'était une règle tacite.

Puis vint cette phrase qui réanima sa colère et la poussa à dévoiler sa marque infâme. Eldred arrivait, lui, à voir en elle un symbole apaisant grâce aux lettres de son alphabet. Cette rune décrite semblait avoir une belle signification mais lle, son esprit n'arriverait pas à associer à autre chose que des épisodes douloureux.

"Moi, je peux pas lui donner un sens positif. Cette marque... Elle me rappelle que mon père, qui n'a jamais rien fait de mal, a été dépossédé de ses terres et mis en prison alors que nous avions perdu notre récolte de l'année à cause d'une tempête. Elle me rappelle qu'à huit ans j'ai été jeté dehors, que j'ai erré plusieurs jours dans la campagne avant d'arriver en ville. Elle me rappelle que j'ai été asservie car j'ai pris une pomme pour me nourrir. elle me rappelle cette outre graisseuse et ses commis qui m'ont plaqué au sol pour l'imprimer cette marque. je ne peux rien oublier de out ça. en me mettant cette marque, ils ont mis sur mon corps toute la colère que je peux avoir pour ce pays."

Eldred garda un temps de silence puis revint enfin à l'idée d’utiliser le noble pour leurs idées. C'était dangereux. Très dangereux. Mais il représentait un tel atout.

"Il est imprévisible mis il a une énorme faiblesse énorme avec Alexandre. Ils s'aiment. il ne pourra jamais supporter que son amant court un risque. Si on le menace de dénoncer Alexandre à la prévôté, il ne pourrait rzin dire ? A moins.. et si on enlevait Alexandre ? On pourrait le séquestrer dans la forêt ? Ou dans la cave de Monthoux. Hyriel et Sylvère seraient sûrement ravis de s'occuper de lui."

L'idée lui paraissait folle mais pas totalement impossible. Et puis, Alexandre, si crédule, ce ne serait pas une grande difficulté de l'emmener là où ils le voudraient. Cet imbécile viendrait certainement de lui-même. Une autre idée lui vint alors.

"Au fait, Alduis de Fromart... Il est... il est de la famille de Coldris de Fromart, le monistre des affaires étrangères ? Eldred.. Ne me dis pas que cet Alduis est son fils ? Eldred... Tu imagines tout ce qu'on pourrait faire en manipulant bien cet homme ?"

Eldred ne comprit pas ce qu'il avait pu dire qui ait déclenché ce   nuage  sombre sur le visage de Cassandre.  Discuter avec elle, était parfois un peu comme faire face aux giboulées : la grêle pouvait rapidement succéder aux éclaircies sans préavis. C'était là quelque chose de déstabilisant pour le guerrier qui ne comprenait pas toujours ses revirements d'émotions aussi rapide qu'une bourrasque.

Elle s'extasia ensuite sur le mot aléa. Les yeux d'Eldred restèrent interloqués. En quoi ce mot pouvait être beau? Un mot c'était un mot. Qui plus est ce n'était pas un mot particulièrement positif. Il se demandait bien ce que le Roi de la forêt aurait pu lui trouver.

Leur discussion se poursuivit entre calme et tempête, jusqu'à ce que la marque soit dévoilée. Il lui expliqua tant bien que mal comment lui-même faisait abstraction. Sans doute plus mal que bien d'ailleurs aux vues de ses paroles qui suivirent. Il y avait tant de haine et de colère dans ce petit corps. Sa plus grande inquiétude était qu'elle ne finisse totalement dévorée par ses ressentiments. Il ne put s'empêcher de faire le parallèle avec la belle Sahar. Il refusait de la laisser glisser sur cette pente dangereuse.

- Garder et alimenter cette colère finira par te consumer. C'est comme si tu essayais de saisir un charbon ardent pour le jeter sur quelqu'un, tu te brûlerais avant. Ce que je veux dire c'est que la colère n'amène rien de bon. Elle n'est que destruction. C'est comme ce que je t'ai dit sur Alexandre, tu te souviens ? Accepter et mettre ta colère de côté ne veut pas dire que tu pardonnes ou que tu acceptes ta situation. C'est une question de préservation et de survie. Accroche-toi au positif comme le mouflon sur sa falaise, c'est ça qui te fera avancer : tu es entourée de personnes qui t'aiment et tiennent à toi. C'est une chance.

Évidemment, il n'allait pas lui rappeler combien ce qui lui était arrivé était terriblement injuste. Lui, avait joué et perdu. Il savait ce qui l'attendait, elle... Elle n'était que le dommage collatéral des lois absurdes d'une société cruelle qui osait se prétendre supérieur aux autres. Il posa une main compréhensive sur son épaule, car malgré tout ce qu'il pouvait dire, il comprenait sa douleur.

- Je te proposerai bien d'échanger nos places si c'était possible mais je ne suis pas sûr qu'elle soit bien plus enviable finit-il par dire d'un sourire.

Après un long silence, il décida qu'il était temps d'évoquer le sujet qui l'avait amené ici. Alduis de Fromart était trop imprévisible et le guerrier n'aimait pas se reposer sur des éléments instables. Qui leur disait qu'il ne se retournerait pas contre eux?  Il ferma un instant ses paupières tandis qu'elle proposait diverses possibilités. Mais aucune ne lui convenait réellement. Que voulait-il faire de lui? L'inclure dans leur rébellion ? Alors il devait le convaincre du bien-fondé de celle-ci. Connaître ses adversaires. C'était là le plus important.
Il secoua lentement la tête.

- Ce n'est pas possible. Tu contredis ta propre loi tacite, quel exemple donneras-tu si tu enfreins tes propres règles ? Et puis rien de tout cela n'est possible pour une bonne raison: la menace et la crainte n'ont jamais fait de loyaux soldats. Si nous voulons qu'il nous aide nous devons le convaincre d'embrasser notre cause.il marque une pause Tu as dis que si cela s'apprenait, il risquait le bûcher c'est bien cela? Et qu'il ferait tout par amour? Alors il faut le convaincre qu'un ordre nouveau lui permettra d'aimer sans contraintes et sans crainte. Sa motivation sera notre meilleure arme

Oui... Cela paraissait être la meilleure option même s'il persistait à penser que c'était accueillir un orage prêt à exploser... Le fait était qu'il n'avait pas de meilleure option à l'heure actuelle et qu'il devait viser les étoiles pour espérer atteindre la lune. C'était comme une partie de chasse: lorsque l'on multipliait les pièges, on finissait forcément par attraper quelque chose non? Le tout était de ne pas marcher soi-même dessus...Quant à son père, que les Dieux les gardent de croiser ce rejeton de Loki qui ne semait que la discorde et la désolation. La désolation comme... Le feu et les pillages qui ravagés Zakros. Comme ces épidémies sciemment déclenchées en jetant des charognes pleine de miasmes....

Cassandre écoutait avec une certaine distance ce que Eldred essayait de lui apprendre sur la colère. la colère rongeait. La colère détruisait. Au fond, elle le savait. Mais renoncer à cette colère lui semblait au-dessus de ses forces. Ce serait comme oublier. Elle n'arrivait pas à croire que cesser d'être en colère ne signifiait pas pardonner les fautes. Elle était entourée par des personnes qui l'aimaient. Son esprit songea aussitôt à Dame Irène, Grâce, Hyriel, Sylvère, Kalisha, Achille, Eldred... Tous ne voulaient pas qu'il lui arrive de mal. Qu'elle mène une vie simple. heureuse. Sans ennuis. Mais ça, ce n'était pas possible.

D'un air grave, elle releva la tête.

"J'entends ce que tu me dis. Mais le positif.. Je n'arrive pas à le voir. Tout ce que je vois, c'est le désespoir et que de mauvaises choses reviendront fatalement. Il parait que je suis pessimiste. moi, je dis que je suis réaliste. Sylvère et Dame Irène sont gentils mais ils vivent dans un monde trop insouciant. Je ne comprends pas pourquoi. Il y a toujours quelque chose pour arriver. La maladie, un accident... la vie, c'est rien d'autre qu'une suite d'événements tragiques. Dame Irène dit que plus tard je pourrais me marier si je veux. Comme si je voulais. pour être au service d'un homme ? pour pondre des enfants qui connaitront à leur tour la souffrance et le désespoir ? Non, je ne veux pas mettre au monde une vie qui serait peut-être malheureuse."

Ces pensées se bousculaient de plus en plus depuis ses années de service au lupanar. tôt ou tard, elle savait que son corps allait se former, qu'elle allait être femme. Et ça l'effrayait. Ça la terrifiait même.

Cassandre sourit cependant quand Eldred posa la main sur son épaule.

"Je préférerai avoir ta place. peu importe ce que tu as vécu, Eldred, toi, tu es un home et ça, ça fait une grosse différence."

Par bonheur, ils abordèrent un sujet beaucoup moins dramatique qui la changea d'esprit. D'abord, Eldred analysa ses réflexions puis donna son avis. Cassandre fronça les sourcils, gênée qu'il puisse se méprendre sur compte.

"Qui t'a dit que je le dénoncerai vraiment ? mon idée, c'est de lui faire croire. Mais je ne dénoncerai personne. pas même Alexandre. Mais tu as raison. La crainte n'est sans doute pas une bonne option. Il chercherait à s'échapper de nous. Alors un moyen de rallier à nos idées.. l'amour ? Les sentiments sont si aléatoires, si dangereux... Quoique.. l'amour ça rend les gens idiot. Il suffit de voir Sylvère et sa princesse. Enfin, c'est peut-être pas un bon exemple. Sylvère était déjà idiot bien avant de la rencontrer. Ou aussi.. Je pourrais lui promettre en prime que s'il nous aide je n’embêterai Alexandre et je n'aurai même pas une mauvaise parole à son intention."

Elle poussa un soupir à l'idée de revoir l'agaçant esclave.

"Vivement que son maître vienne le chercher celui-là...."

Eldred secoua lentement la tête alors que Cassandre répliquait. Il avait l’impression d’entendre Sahar. A croire qu’il devrait les réunir toutes les deux pour s’économiser.

- Tu trouves qu’être un brigand avec sa tête mise à prix c’est mené une vie d’insouciance ? S’il était si insouciant, les vers se seraient déjà repus de ses restes depuis bien longtemps.

Il connaissait peu Sylvère mais si leur avis divergeaient sur certains points, ils savaient qu’ils partageaient malgré tout certaines valeurs communes. Ce qu’il avait vu de lui était suffisant pour lui faire comprendre que sous son apparence juvénile se cachait un certain sérieux. Quant à Dame Irène, il ne la connaissait pas personnellement.

- La vie c’est plus comme une succession de cycles. Le soleil succède a la pluie, le printemps succède l’hiver… Et tout comme le jour succède inlassablement à la nuit, les périodes heureuses le sont aussi après celles malheureuse ou douloureuse. Mais si tu gardes les yeux fermés, tu auras l'impression qu’il fait continuellement nuit. Tu comprends ?  Je suis sûr que malgré tout ce qu’il s'est passé aujourd’hui, tu peux me trouver au moins trois petites choses qui t'ont fait plaisir.

Il avait toujours considéré qu’il fallait se diriger vers la lumière et non restait assis dans les ténèbres. De la même manière, la pluie n’était là que pour faire apprécier le soleil et la roue tournait inlassablement. Ce qui hier avait échoué pouvait réussir le lendemain. S'il n'y avait plus d'espoir alors quoi servait-il de vivre ? Aurait-il dû se résigner et accepter son sort ? Peut-être mais il en était incapable. Il préfèrait mourir en essayant que s'asseoir et attendre que la mort ne le cueille.
La suite de la discussion était un peu plus délicate pour lui. Comment lui répondre sincèrement sans lui mentir dans ce pays où l'on était toujours l'esclave de quelqu'un d'autre ? Du plus petit mendiant ou grand roi monbrinien tous étaient esclaves de quelqu'un ou quelque chose.

- Elle n'a pas dit qu’elle t'y obligerait ma petite valkyrie. Elle a dit si tu veux. Et si tu ne veux pas, tu ne le feras pas. Et si on tente de te marier à un homme qui te déplaît, je serai là. il déposa un baiser sur son front avant de reprendre. Tout comme le roi. Il ne t’arrivera rien, c'est compris ? Et un jour, tu rencontreras peut-être l'homme qui fera vibrer ton âme et alors tu voudras passer le restant de tes jours avec lui. Tu as le temps de voir venir les choses, ne t'en fais pas. Même si tu ne veux pas d'enfants, tu auras le choix. Hyriel te le donnera.

Elle ne s'en rendait peut-être pas compte mais elle était parfaitement entourée. Elle avait cette chance inouïe de pouvoir disposer de plus de choix qu'une bien large majorité de personnes. Il valait parfois mieux être esclave dans une bonne famille que noble sans choix.

- Tu sais ce qu’on coutume de dire les guerriers chez moi ? Qu’à trop penser au coup suivant tu ne vois pas la lame qui te pourfend. C'est un proverbe de guerre mais il veut dire qu'il faut se concentrer sur le présent ou tu passeras à côté de ta vie. Et ce serait bien dommage quand on en a qu'une n'est-ce pas ?

La vie n’était pas facile. C’était une suite de montagnes escarpées, pleine d’éboulis, de failles et de cheminée mais elle était parsemée de fleurs, même dans les recoins les plus désolés où l'on ne s'y attendait pas. Et puis… la vue était magnifique pour qui savait les yeux, un temps et l’apprécier.

-  C'est pour cela que tu vas apprendre à te défendre. Comme je te le dis chez moi, il n'y a que peu de différences entre les femmes et les hommes. Quant à ma vie, si tu la veux vraiment tu devras accepter de te faire arracher le cœur deux fois dans le même hiver.

Il soupira. Tout le reste à côté, ce n’était rien.
Ses blessures : rien.
La conquête de Zakros : rien.
Les révoltes échouées : rien.
Sa servitude : rien.

Il avait tourné la page depuis bien longtemps et le soleil s’était remis à briller mais ces événements seraient toujours là, gravés en lui sans qu’ils ne puissent les effacer. Et encore une fois tout était de la faute de ce pays détestable.
Malgré tout, ils finirent par revenir au sujet de cette révélation qu’elle avait eu. Le tout était de trouver comment l'utiliser au mieux. On ne maîtriser un peu feu-follet et il aurait été prétentieux et inconscient de prétendre le contraire. Eldred esquissa un sourire lorsqu’elle parla de Sylvère amoureux. Oui l'amour rendait idiot mais c’était terriblement agréable de se sentir bête et entier. Quand on était amoureux, tout était décuplé, les joies comme les peines. Il était bien placé pour le savoir. L'amour pouvait mener à la mort en un rien de temps.

- Ne fais pas de promesses que tu ne pourras pas tenir. Que sais-tu de lui ? A part qu’il est le fils de ce draugr ? Leçon numéro un pour la petite guerrière en herbe : toujours connaître son ennemi. Si possible mieux que lui-même. Ses motivations, ses faiblesses, sa personnalité, son histoire. Tout est important. Plus tu en sais, plus te seras protégée. Il va déjà falloir le mettre en confiance et lui assurer que tu ne diras rien à personne. Tu ne mentiras même pas puisque tu techniquement tu ne le diras plus à personne. Ensuite, il faudra parler à ce Alduis. Alexandre est trop bon pour soutenir une révolte. Il ne te dénoncerait pas car tu détiens son secret mais il ne nous aidera pas. L’autre par contre… Peut-être. Et si notre instinct nous hurle que non. On ne fera rien. Il pourra sans doute faire imprimer le texte de notre ami sans trop de difficulté…

Cassandre eut un sourire timide de la réponse sur Sylvère.

"Non, je sais que Sylvère n'est pas si idiot. Mais malgré tout, il voit al vie de manière si... étrange. Si calme. C'est.. perturbant."

Eldred essayait d'expliquer sa vision de la vie comme une succession de cycles. Parfois, tout allait bien, puis les choses négatives revenaient vous harceler. Il lui demandait lui aussi de songer à trois choses qui auraient été positives aujourd'hui. Comme Sylvère. Mais là il n'y avait rien, vraiment rien, à dire. Elle garda la tête baissée.

'"Non, j'en ai pas. Depuis deux jours, depuis que ton maître a fait parvenir cette lettre, j'ai enfermé mes sentiments. les sentiments, ça ne sert qu'à se mettre en danger et à blesser les gens. Du coup, je ne joue plus avec Grâce. j'aide à la maison, en silence, sans trop parler. Je fais des exercices d'écriture. Je ne veux plus les blesser. Tu comprends ?"

Elle ne se souvenait que trop de cette malheureuse phrase prononcée sous le coup de l'émotion. Elle ne souhaitait pas prendre le risque de blesser une seconde fois Dame Irène et sa petite sœur. Alors, retenir ses sentiments, utiliser sa raison, c'était la seule manière.

"Et puis, c'est comme ça que ma grande sœur m'a élevé. Au moins, maintenant, je la comprends."

Leur conversation se poursuivit et Eldred rappelait que personne ne la forcerait à se marier. Qu'elle aurait elle-même le choix. Qu'elle pourrait tomber amoureuse et décider de vivre avec cette personne. Elle frissonna. Confier son destin à un autre l'effrayait. Elle secoua la tête, tremblante.

"Mais un mari, ça peut devenir violent avec le temps. Il y a des histoires où les femmes rencontrent un homme gentil mais après quelques années de mariage elles en deviennent lasses ou alors leur mari a perdu de son caractère gentil. Je ne veux pas risquer ça. je veux pas."

Son corps entier tremblait, atrocement nerveuse. Elle serrait ses jambes frêles, jetant des regards craintifs de tous côtés, comme si son éventuel futur mari pourrait apparaitre. il n'en était rien évidemment mais son esprit avait perdu as rationalité coutumière et cédait à la panique.

Eldred poursuivait son discours et elle l'écouta en silence, encore perdue dans ses pensées, craintive. Ce fut le rappel qu'il lui apprendrait à se défendre qui la réanima et lui rendit un sourire. Apprendre à se battre, manier des armes.. Voilà un terrain qui lui plaisait. Il passa ensuite sur son commentaire et Cassandre haussa les épaules. peu important ses pertes, elle aussi en avait connu. Sa mère pendant un accouchement, ses deux sœurs parties à la ville dans l'espoir de gagner l'argent qui épongerait les dettes de la famille, son père brusquement emprisonné, grand frère Simon qui la nourrissait elle et ses deux copains... Son existence n'étaient faites que de séparations brutales et tragiques. Quoique Eldred ait vécu, elle l'aurait certainement très bien supporté.

Finalement, ils cessèrent d'évoquer cela et Cassandre se concentra sur leur cible actuelle. Son attention était à son maximum. Elle réfléchit avec soin.

"Alduis de Fromart... C'est le fils unique du ministres des affaires étrangères. Manifestement un homme qui aime d'autres hommes. Soit un gros poids moral vu cette société qui interdit ça. J'imagine aussi que son père doit envisager son mariage pour qu'il perpétue la lignée. Le genre de choses, comme il aime Alexandre, qui doit le dégoûter. Je vois. Oui, il y a un moyen de l'orienter là-dessus à nous rejoindre. Je pourrais aussi dire que lors d notre rencontre, j'ai un choc. Ce qui est vrai. Je savais que des hommes faisaient ça. Au lupanar, il y avait des transactions secrètes pour organiser des rencontres, richement payés, mais comme c'était très secret, j'ai jamais pu rien voir... Et Dieu sait comme j'ai essayé ! Oui.. Oui, il y a un moyen de l'appâter avec tout ça. Et Alexandre, il n'a pas besoin de savoir. Il faut voir l'autre seul. De toue façon, Alexandre est beaucoup trop bavard. Même s'il essaie de se taire, sa langue finira par le trahir."

Cassandre était perturbée par cette façon si nonchalante de prendre la vie. Il avait conscience que cela devait en déstabiliser plus d'un. Lui-même n'en faisait pas parti car malgré toutes leurs différences, ils partageaient une vision commune, ou tout du moins dans les grandes lignes. Car les raisons de l'un et de l'autre semblaient bien différentes.

- Cela paraît étrange dans ce monde où le futur a plus de place que le présent. Mais chez moi, c’est très commun. Peut-être parce que nous avons fait la paix avec la mort quand ici tout le monde la redoute ne sachant pas si avoir mangé une pomme de trop ne les emmènera pas en enfer..

Eldred ne comprenait définitivement pas cette religion qui s’évertuait à compter les points des bonnes et des mauvaises actions. Comment ne pas être angoissé à longueur de vie ? Au moins dans Zakros natale, les choses étaient fort simples : il suffisait de mourir honorablement, arme la main. Pas de notions douteuses de péchés ou de bien et de mal…
Pour la rassurer, il lui demanda trois choses qui l'avaient rendue heureuse mais comme elle n'en trouva aucune, le guerrier croisa les bras d'un air faussement boudeur.

- Vraiment aucune ? J’aurais espéré que me voir était une chose heureuse ? Et puis tu n'as pas été heureuse d'apprendre que j'allais t'apprendre à te défendre ou encore d’avoir trouvé un moyen d'avoir un appuie noble ? Tu vois, ce ne sont pas forcément de grands événements. Ça peut être ponctuel mais tu ne dois jamais oublier que l'ombre n’existe que parce qu’il y a de la lumière.  Ça signifie qu'aussi sombre que soit ta journée tu trouveras forcément de quoi l'illuminer, d’accord ?

Ah, les émotions c’était une autre paire de manches. Surtout à cet âge où l'on était plus vraiment enfant mais pas vraiment adulte. C’était plus une tornade. Eldred se souvenait parfaitement de la colère qui le dévastait parfois, dans ces moments-là. Il acquiesça à ses propos.

- Les sentiments ma petite Valkyrie, c'est comme des animaux sauvages. Il faut les reconnaître et les apprivoiser. Les enfermer est une fausse bonne idée, car un jour ou l'autre, fou de rage, ils arracheront leurs entraves pour tout dévaster. Tout le monde à des émotions. C’est  normal, c’est ce qui fait de nous des humains. Plus tu laisseras s'exprimer, plus tu pourras prendre du recul. Songé à ce que tu aurais voulu faire plutôt ou comment tu aurais pu faire. Les erreurs tout le monde en fait. Mais elles doivent servir à s’améliorer, tu comprends ? Je suis sûr que Grâce est très triste et qu'elle ne comprend pas pourquoi tu ne joues pas avec elle. C'est dommage non ? En plus je suis sûr que tu aimes t'occuper d'elle ?

La conversation dériva sur sa peur du mariage. Sa remarque lui arracha un rire caverneux alors qu’il prit son menton entre ses doigts pour plonger son regard dans le sien.

- C’est plutôt ton mari qui devrait se méfier. Quand tu sauras te défendre, il ne pourra plus rien t’arriver. Et je sais que tu seras une petite guerrière féroce ! Et sinon… Tu n'auras qu’à demander à Hyriel de t'aider. Je suis sûr qu’il à l'habitude de résoudre les problèmes de couple
Il lui adressa un clin d'œil entendu avant de reprendre.

- Pourquoi te priver d'un bonheur pour l’éventualité d'une fin moins heureuse ? Si tu raisonnés ainsi tu ne feras jamais rien. Est-ce que tu refuses d'apprendre à te battre au prétexte que tu risques de te blesser ? Est-ce que tu refuses de participer à la révolte au prétexte qu'il y a plus de chances d’échec et de sanctions ? Non. Tout comme tu manges sans te dire que tu pourrais tomber sur un vers. C'est exactement la même chose… Si ta relation se gâte alors c'est triste mais c’est ainsi. Cela n’effacera pas les bons moments que tu auras vécus, d'accord ?

Il caressa lentement son dos pour la rassurer et embrassa sa tête. Cela l'attristait de la voir se mettre dans des états pareils pour une possible éventualité futur. Qui plus est, elle était désormais bien entourée et personne ne la laisserait en difficulté. Elle aurait toujours une oreille attentive ou une paire de bras. Car si le moindre homme osait lever la main sur elle, il le payerait.
Comme Alduis de Fromart.
Les dettes devaient toujours être réglés. Et s'il voulait éponger la sienne, il devrait sauver Cassandre. Sinon il gouterait de l'acier. Un jour ou l’autre.
Il acquiesça à chacune de ses déductions. Sa petite chipie était si intelligente et elle le démontrait encore ! Il était terriblement fière d'elle et son sourire ne cessait de s’agrandir !

- Tu as entièrement raison. Je suis sûr qu’ils comprendront ta surprise. Et ce n'est pas réellement un mensonge. Alexandre ne doit pas être au courant. Il faut absolument lui faire promettre de ne rien dire à son amant… Il vomit plus de secrets qu'un ivrogne en train de décuver…

Oh ça oui ! Il ne se souvenait que trop bien de sa visite chez le baron… Cet idiot avait déballer devant les deux esclaves les secrets de Dyonis de Frenn ! A croire qu’ils faisaient réellement partis du décor…

Étrangement, le fait d'évoquer les croyances liées à la mort apaisait Cassandre et faisaient taire les questions existentielles qui lui tournaient dans la tête. La religion à Zarkos avait l'air effectivement plus simple. elle résista à la tentation de développer ses idées mais se mit à chuchoter extrêmement bas.

"Je ne crois ni à l'Enfer ni au Paradis. Après la mort, je crois que nos âmes partent et flottent quelque part. Dès elles viennent vers nous. Souvent, je sens maman ou Zita."

Elle se tourna et toucha la petite statue de la sainte avec une émotion sincère.

"Zita est là et me protège. Elle était sans doute là, tout à l'heure. c'est peut-être elle qui a parlé à Alexandre et a su le persuader d’intervenir."

Elle eut soudain un fou rire en réalisant quand lieu ils dissertaient de leurs croyances dissidence.

"C'est drôle comme discussion ici, non ?"

Cassandre se sentit ensuite honteuse quand Eldred la corrigea pour parler des trois choses qu'elle aurait aimé dans cette journée et regretta aussitôt de ne pas avoir pensé à son ami. C'était pourtant évident. trop, peut-être. Alors qu'il développait sa pensée, la fillette eut un élan affectif irrépressible et vint se blottir contre le corps massif du guerrier zarkotien. Ses petits bras frêles essayaient de l'entourer tandis que sa tête se posa en toute confiance contre le haut de son ventre.

"Je t'aime, Eldred."

Les mots lui avaient échappé. Dans une spontanéité totale. Elle resta un petit moment à profiter de l'étreinte puis adressa un sourire à son ami. Elle se redressa et s'écarta un peu pour écouter la suite. la culpabilité revint l'assaillir à la fin de son discours. Grâce... Elle détestait l'avoir délaissé.

"Oui, j'adore ça jouer avec elle, la coiffer, parler avec elle... Elle est si gentille. Mais j'ai peur de lui faire du mal."

Elle l'écouta parler à nouveau des relations amoureuses et la raisonner sur le fait qu'avoir peur par anticipation la privait d'un bonheur possible. C'était juste. Mais elle avait du mal à faire taire ses pensées encore. Elles bourdonnaient dans sa tête. La fllette apprécia de sentir la caresse, certes un peu rude, dans sa nuque, et le baiser qui toucha ses cheveux. Elle se sentait en confiance avec Eldred et rassurée. Lentement, des idées se faisaient, idiotes, mais qu'elle eu envie de formuler.

"Dis Eldred, si jamais je me marie, peut-être, si Sylvère pouvait pas.. être là, tu... Tu voudrais me mener à l'autel ? "

Elle baissa brusquement la tête, subitement honteuse de sa question qui lui paraissait déplacée.

Le moment plus que gênant passa pour arriver à leurs hypothèses sur cet Alduis de Fromart. Cassandre écouta les opinions de son complice. elle eut un faible sourire sur les parles sur Alexandre.

"Je sais. Je me souviens ce que tu as dit de sa visite de l'autre jour. Alors, je vais observer à distance ses faits et gestes, étudier sa vie, ses disponibilités, rassembler le plus d'infos.. Puis, j'irai lui parler de cette idée de nous rejoindre pour que lui et Alexandre puissent connaitre un monde meilleur. Ne t’inquiètes, je serai sur mes gardes pour cette rencontre."

Elle lui adressa un sourire confiant et leva le pouce.

"Tout ira bien !"

Puis, des ombres revinrent à nouveau la hanter.

"Dis, Eldred, tu pourras rester encre un peu ? Je.. Je n'ai pas envie de rentrer."

Eldred acquiesça lorsqu’elle évoqua ses croyances sur la mort. Chacun avait les siennes et il respectait. Au moins, elle ne croyait ni au paradis, ni à l’enfer, ce qui l’arrangeait bien tout de même pour ses explications. Il réprima un sourire lorsqu’elle évoqua l’intervention divine de Zita (Tiens c’était pas la vierge en fait ?!). Pour lui, le divin n’avait rien à faire là dedans, ce n’était qu’un fait purement humain. Tant qu’elle ne s’appuyait pas trop sur sa Zita, il n’y voyait pas de mal. Mais parfois à trop voir le divin partout, on en finissait aveuglé. Cassandre partit en fou rire en expliquant le côté insolite de leur discussion. Il est vrai que lui-même avait remarqué cette ironie spirituelle et éclata à son tour de rire.

- Chuuut, si les prêtres nous entendent nous allons finir en feu de joie compléta-t-il un brin amusé

Avant de reprendre avec un peu plus de sérieux sur le sujet des trois choses qui l’avait rendu heureuse. Il ne l’eut en voulait en réalité absolument pas et il comprenait même que dans son état d’esprit du moment, elle n’y ait pas pensé mais cela faisait partie de ce maigre savoir qu’il souhaitait lui transmettre. En revanche, il ne s’était pas attendu à ce que le petit corps fluet de la jeune fille se jette contre le sien pour l’enlacer. Passer la seconde de surprise il emprisonna à son tour entre ses larges bras.

Je t'aime, Eldred.

Sous l’effet de ces mots qu’il n’avait pas entendu depuis près de dix ans, ses bras dessérèrent légèrement leur étreinte. La chape de plomb qui entourait son cœur de guerrier barbare venait d’entrer en fusion.


Les larmes lui montaient presque aux yeux sous l’effet de l’émotion, alors qu’il entendait encore l’écho de sa voix dans la fin fond de son crâne.

- Je t'aime aussi, ma petite Valkyrie si espiègle et pleine de vie et il referma aussitôt ses bras pour la serrer contre lui.

Il n’avait pas besoin de trouver trois choses merveilleuses dans cette journée. Ces quatre mots les valaient tous. Il n’aurait jamais pensé pouvoir s’attacher autant à quelqu’un depuis que ses deux amours l’avaient quitté. Et il aurait encore moins pensé pouvoir trouver cela, ici, à Monbrina, cet empire qu’il avait en horreur et qui avait été la cause de tous ses malheurs sans aucune exception. Pourtant les faits étaient là : il tenait à sa petite chipie comme à un membre de sa famille. Il n’aurait aucune hésitation à mourir pour elle si la situation l’exigeait. Il caressa lentement ses cheveux et alors qu’un sourire s’inscrivait durablement sur son visage, il ne put s’empêcher de baisser la tête pour lui murmurer quelques paroles pleines de malice :

- Tu sembles finalement apprécier mes bras pour y revenir de toi-même, ma grande guerrière en herbe !

Et clairement, ce n’était pas lui qui s’en plaignait, car il adorait cela, ces petits moments pleins d’affection bien loin de ses travaux d’esclave et des complots. Il en profita pour lui expliquer que les sentiments ne devaient pas être enfermés au contraire.

- Tu ne lui feras pas de mal si tu écoutes ce que te dis ton âme et que tu te mets à sa place. A sa place, tu préfèrerais être ignoré ou que l’on joue avec toi ? Tu vois, tu as la réponse. J’ai confiance en toi, je sais que tu feras ce qu’il faut. Tu n’es pas ta sœur, ni personne d’autres, tu es toi et tu dois apprendre à te connaitre. Peut-être que tu la blesseras par moment, mais alors tu t’excuseras et tu lui expliqueras. Tout le monde fait des erreurs, c’est ainsi que va la vie. Cela ne fait pas de toi une mauvaise personne. Tu as vu combien de fois, un bambin peut tomber en apprenant à marcher ? S’il avait peur, il serait toujours à ramper à l’âge adulte.

Il lui adressa un sourire d’encouragement. Il ne se faisait aucun souci pour elle. Ces questionnements, tout le monde passait par là. Et il savait qu’elle ferait les bons choix et qu’elle deviendrait quelqu’un de bien. Il poursuivit son discours en répondant à ses interrogations sur le mariage, alors qu’elle était toujours entre ses bras. Elle n’avait rien à craindre de son époux. Il se ferait une joie de faire une guirlande de ses boyaux s’il venait à violenter ou trahir la confiance de sa protégée. Il ne s’était pourtant pas attendu à cette demande incongrue qu’elle formula. Il se recula quelque peu pour mieux la voir, surprit par cette étonnante question à laquelle il n’avait même pas pensé.

- Je ne pourrais rien te refuser ma petite Valkyrie, ce jour-là moins que les autres, et ce serait un honneur – si tu veux bien d’un barbare- . Mais je suis sûr qu’il sera là. Il ne raterait ça pour rien au monde. On sera tous là, pour toi. Il ajouta amusé, pour détendre l’atomsphère Je trainerai ton futur époux s’il essaye de prendre la poudre d’escampette face à ses engagements, tu as ma parole !

La vérité c’était qu’il était extrêmement touché qu’elle lui demande d’être là si par malheur le Roi ne pouvait pas venir. Et bien évidemment, s’il n’était pas là cela signifierait qu’il n’était plus là. Mais il avait confiance, les mauvaises herbes ne s’arrachaient pas si facilement, il l’avait prouvé et le prouver encore en échappant aux griffes de la Prévôté.


Ils évoquèrent ensuite la suite du plan concernant le recrutement d’Alduis de Fromart. Il valida ses conclusions et lui adressa un large sourire tout aussi confiant.

- Je sais que tu seras formidable ! Ne prends pas de risques inutiles c’est tout ce que je te demande. Il devrait se montrer ouvert à la discussion et cela ne devrait pas présenter de danger particulier… Mais on ne sait jamais, il faut toujours rester sur ses gardes. Je m’en voudrais terriblement s’il t’arrivait quelque chose. Alors écoute ton instinct.

Cassandre n’avait pas envie de rentrer. Et lui non plus. Il avait encore un peu de temps, jusqu’à la messe qu’il était censé écouté avec application et dévotion alors face à ses tourments, il ne pouvait qu’accepter sa requête parfaitement légitime.

- Je vais te raccompagner chez Dame Irène, d’accord ? Comme ça tu n’auras pas à craindre de le croiser. Je pourrais rester jusqu’aux Vêpres mais guère plus longtemps.

Il avait de quoi être terrifié par une telle expérience. Il ne connaissait pas l’homme mais sa réputation le précédait aussi surement que celle du Roi de la forêt… Etait-elle tout aussi infondée ? Cela restait à voir et il n’a pas la moindre envie que sa petite chipie ne le découvre à ses frais.

Cassandre eut un petit sourire, à la fois gênée mais un peu espiègle aussi, quand Eldred redouta que des prêtres pourraient les entendre.

"C'est l'église de Saint-Eustache. Le curé d'ici est parti aux colonies depuis depuis deux mois pour expier ses bêtises. Entre nous, pas sûre que ça le fasse tant que ça réfléchir ! Je suis sûre qu'à son retour il continuera à aller boire et séduire aux tavernes ! A sa place, j'écrirai un guide des tavernes de la capitale ! Ça c'est plus dans ses compétences !"

Elle rit, très amusée par l'idée d'un guide comme celui-là écrit par un religieux. Comme le pouvoir ecclésiastique détesterait ça ! Et comme ça serait encore plus drôle !

Peu après, Cassandre se laissa porter par l'émotion et savoura cette étreinte offerte à Eldred qui la prolongea. Elle releva la tête à ses paroles un peu moqueuses puis renchérit, espiègle :

"C'est parce qu'ils sont confortables !"

Elle l'écouta lui donner des conseils sur ses relations avec sa petite sœur, sur comment gérer ces foutues émotions... C'était quand même compliqué tout ça. Elle eut finalement un éclat de rire lors de la conclusion et s'écarta.

"Un adulte qui ramperai ? Tu veux dire, comme Alexandre ?

Elle rit encore, très amusée d'imaginer le rat servile au sol. Ce n'était pas si loin de la vérité. Devant les nobles, s'il le fallait, elle était certaine qu'il se jetterait à leurs pieds et les embrasserait. Puis, Eldred donna as réponse sur sa proposition qui li était venue comme ça, au fil de la conversation. elle fronça les sourcils un instant, les mains sur les hanches.

"Mais ! T'es pas un barbare ! Je t'interdis de dire et penser ça ! Tu vas quand même pas croire le rat !"

Un sourire lui vint de sa plaisanterie.

"Tu sais, si un homme arrive à me convaincre de le marier, c'est qu'il aura réussi à nous supporter moi et mon foutu caractère. Alors je crois pas qu'il aura besoin de toi pour se rappeler. Et puis, un homme qui fuit le jour de son mariage, tu peux le laisser partir. Je veux pas d'un homme comme ça !"

Ils poursuivirent finalement leur conversation sur Alduis de Fromart et Eldred valida son plan. elle opina de la tête, assurant qu'elle serait prudente et attentive. Elle ne laisserait rien au hasard et ne s'exposerait pas au danger. La fillette eut ensuite ce moment de frayeur à l'idée de rentrer qui l'embarrassa et Eldred lui proposa de la raccompagner. Elle sourit.

"Merci. les vêpres... Tout à l'heure, un peu avant que tu rentres, j'ai entendu sonner les Nontes. On a encore deux heures avant les vêpres. D'azileurs.. le temps de rentrer, tu veux que te parle un peu de religion ? Comme ça, tu pourras paraitre auprès de ton maître comme quelqu'un qui apprend bien sa nouvelle religion !"

Soudain, à cette idée de donner un cours de catéchisme, le corps de la fillette se raidit. Son esprit se rappelait de celui désastreux en forêt que Kalisha lui avait demandé de fournir aux deux pires élèves qui soit. Et sa grande sœur avait osé e,suite l'abandonner en prétextant aller vérifier dans al cabane d'Hyriel que rien de suspect ne trainait ! Elle déglutit et fixa Eldred, nerveuse.

"Tu... Tu es gentil, hein ? Tu ne fais pas le gamin toi non plus !"

Elle affirmait que personne ne les entendrait tenir ces propos spirituellement douteux et fortement répréhensibles. Il sourit lorsqu'elle lui décrivit cet étrange curé.

- Il est parti à Zakros ? Il va regretter son Dieu quand il entendra parler du Valhalla. C’est tellement plus excitant. La meilleure des tavernes et ce jusqu’au Ragnarok !

Prise dans un élan d’affection Cassandre avait atterri dans ses bras, ce qui ne lui déplaisait pas le moins du monde mais qui ne l'empêcha pas de la taquiner. Il ébouriffa affectueusement ses cheveux à sa remarque.

- Bien sûr qu’ils sont confortables, qu’est-ce que tu crois ? Les essayer, c’est les adopter ! il réprima un petit rire.

Qui aurait pu croire que l'on pouvait se sentir si bien dans une église quand d'ordinaire cela tenait plus de la corvée et de la survie qu'autre chose ?
Il fit de son mieux pour lui expliquer comment gérer ses sentiments qui lui menait la vie dure et elle se moqua en retour de la fiente de troll. Il l'accompagna d'un sourire avant de rétorquer.

- Détrompe-toi je suis sûr qu’il essaye encore de marcher malgré l'impossibilité. Je ne l'aime pas, ce moulin à vomi de secret mais il doit quand même avoir notre respect pour sa résilience.se souvenant de sa remarque sur le mot aléa, il s’empressa d’ajouter il est comme ces bruyères sur lesquelles tu marches et qui malgré tout se relève après ton départ. Tu vois on peut détester quelqu'un et savoir reconnaître ses qualités.

Connaître son ennemi et avoir l'humilité de reconnaître ses qualités était sans doute l'une des choses les plus importantes que ses parents lui avaient transmis et qu'il s’efforçait d’appliquer jusque ici, en territoire ennemi. Il avait par exemple si reconnaître le sens de l'honneur et du devoir du baron de Frenn. Et même… Le remercier.
Lorsqu'arriva sa demande insolite (qu'il accepta sans sourciller), il ne put s’empêcher de rappeler comment on le qualifiait ici. Une remarque qu'elle ne manqua pas instantanément de corriger et qui le fit rire aussitôt.

- Oh mais si les monbriniens sont civilisés, je préfère encore être un barbare ! il ponctua sa phrase d'un clin d’œil.

Sa remarque le fit bien rire. Elle était criante de vérité. Mais il adorait justement son tempérament fougueux. Ah ça oui, c’est sûr qu'ici à Monbrina ça ne devait pas plaire à tout le monde d'avoir une femme qui s'exprimait. Mais chez lui, ils seraient battus pour avoir l'honneur de l'avoir pour épouse.

- Ca sera peut être un mariage à Zakros alors ! Ton foutu caractère ferait fureur là-bas, tu sais. Quand je dis que tu es une vraie petite valkyrie. Mais je te le ramènerai quand même, s’il fuit. Comme ça tu pourras lui dire ce que tu penses de sa lâcheté ! Je le déposerai ficelé comme un petit porc au pied de l’autel. Tu imagines un peu ?

L'image de cette scène le fit rire de plus belle. Même s’il espérait ne pas en arriver là. D’autant plus que c’était hautement improbable si on prenait en compte le nombre d’épreuves qu’il devrait franchir avant de pouvoir faire parti de la famille. Alors oui, ce n’était pas devant l'autel qu’il se défilerait. La suite fut un peu plus sérieuse alors qu’ils établirent un plan d'action afin de rallier Alduis de Fromart. Il était rassuré de savoir qu'elle serait prudente. Enfin en toute relativité car il savait qu'elle pouvait se montrer quelque peu tête brûlée… La seule chose qui l’inquiétait désormais était de la laisser affronter son agresseur, seule.

- Tu es sûr que ça ira ? Tu n'es pas obligé d'y aller. On trouvera une autre solution si besoin.

Sa question se posait à juste titre d'ailleurs au vue de la crainte qu'elle avait à retourner chez elle. C’est donc tout naturellement qu'il lui proposa de la raccompagner. D’autant plus qu’il n’était pour une fois pas pris par le temps. Elle accepta sa proposition et renchérit d'un cours de catéchisme. Le barbare grimaça à cette idée mais il devait bien admettre qu'elle n'avait pas tort. Le baron serait certainement ravi de voir qu'il faisait des efforts pour s’intégrer. D'autant plus qu’il avait eu l'occasion de le constater : la religion avait une place importante dans sa vie. Tout comme dans la sienne. Simplement… Ce n’était pas la même.

- Très bien j’accepte. J’imagine que c’est toujours utile. Tu sais qu’ils m’ont fait prendre le bain deux fois ? Une fois enfant et une fois à mon arrivée ici. J'ai eu beau dire que c’était déjà fait, ils ont insisté pour me laver. Pour me purifier… par contre mes blessures qui s'infectaient, ils s'en fichaient pas mal

Il se retint de cracher de justesse sur le sol de l’église à ce détestable souvenir. Il n'avait jamais compris comment prendre un bain pouvait le faire devenir chrétien. Il ne s’était pas senti différent et avait continué de vénérer ses dieux...

Cassandre pouffa suite à la plaisanterie de Eldred.

"Non, non ! Il est parti pour Ischwiz. J'ai entendu ire qu'il allait aider à construire une caserne là-bas.

Une caserne qui servirait à déporter des malheureux qui vivaient jusque-là heureux pour leur faire connaitre l'enfer. Stupide pays.

Elle avait apprécié ce petit moment dans les bras de son ami puis écouté ses explications sur les sentiments. A sa surprise, suite à sa plaisanterie, Eldred semblait défendre Alexandre. Elle écarquilla les yeux.

"Mais... il a dit toutes ces choses affreuses sur les zarkotiens. Comment... Ne me dis pas que tu lui pardonnes ses insultes ?"

Cette idée la dépassait. Cassandre se rappelait des nombreuses leçons de catéchisme et songea que Eldred pourrait devenir un peu trop chrétien s'il persistait sur cette voie. Elle l'entendit peu après se moquer des monbriniens qui ne seraient pas civilisés et rit. Il évoqua ensuite cette éventualité de son mariage et eut un haussement des épaules.

"Je m'en fiche. S'il serait lâche pour fuir le jour des noces, je vudrais plus le voir. Tu pourras le laisser partir. Ou faire ce que tu veux avec."

Leur conversation redevint finalement sérieuse pour étudier le cas d'Alduis de Fromart. Eldred validait son plan et elle souriait, satisfaite. Ils avent enfin un bon moyen d'action. Il s’inquiéta pour elle et elle sourit pour le rassurer.

"Non, ça ira. j'ai plus peur.

Ce n'était pas entièrement vrai. Mais elle saurait la tromper cette peur. Avec un bon plan.

Eldred accepta ensuite de la raccompagner en écoutant une leçon de catéchisme qui lui serait utile si son maître ou pire un inquisiteur l'interrogeait un jour. Il parla de bain et elle fronça les sourcils. Les liens se faisaient. Elle soupira.

"C'était censé être un baptême. Mais c'est bête de faire comme ça. Normalement, un futur chrétien doit avoir une préparation, apprendre quelques textes... et seulement quand il comprend quelques principes de cette nouvelle foi, on lui administre l'eau bénite pour le baptiser. C'est censé marquer les enfants de Dieu, pour leur offrir les portes du Paradis. C'est un rite qui remonte à loin, avant même le Christ. C'était en Palestine, il y avait un homme qui considérait que le monde allait bientôt se finir et il incitait les gens à venir se baigner dans les eaux du fleuve Jourdain et leur expliquait que ce baptême sauverait leur âme lors de la fin des temps. Il se nommait Jean le baptiste ou Jean-Baptiste. Tu peux dire les deux ! Et puis, un jour, Jésus est venu. Il a demandé à recevoir le baptême lui aussi. Sauf que Jean-Baptiste a reconnu son aura et il a compris que Jésus était le fils de Dieu e disait que c'était lui que Jésus devait baptiser. Jésus a argumenté et a réussi à persuader Jean-Baptise de le baptiser. Et voilà, c'est depuis ce temps que les chrétiens doivent se faire baptiser."

Cassandre fixa Eldred, un pu nerveuse. Ne l'avait-elle pas perdu avec cette histoire ? Elle songea à revenir avec une question plus réaliste.

"Dis, tu connais des prières ? Il faut au moins savoir par cœur le Notre Père et celle de la Vierge. ce sont les plus importantes. Tu feux qu'on les révise ensemble ?"

Eldred acquiesça de la tête. C'était bien dommage et puis au moins, il aurait pu avoir quelques nouvelles de chez lui. Malgré tout il ne comprenait pas bien le rapport entre une caserne -un bâtiment militaire- et un prêtre.

- Ils ont besoin de leur Dieu pour empiler des briques? demanda-t-il à moitié pour lui-même

Il avait beau chercher, même en prenant en compte qu'il s'agissait d'une sanction... Il ne voyait pas le rapport et encore moins l'utilité correctionnelle de la chose. Ce pays était décidément terriblement absurde.

C'était peu après leur étreinte qu'il tenta d'expliquer qu'Alexandre avait certains mérites malgré ses effroyables travers. Cassandre écarquilla les yeux en le voyant prendre sa défense. Il secoua lentement la tête en souriant.

- Absolument pas. Je ne lui pardonne pas. Et la sanction du baron n'y fera rien non plus. Mais cela ne m'empêche pas de reconnaître certaines de ses qualités. Tu vois c'est l'exemple même de ce que je te disais tout à l'heure : comprendre ne signifie pas excuser. De la même manière, savoir reconnaître les forces de son adversaire ne signifie pas le pardonner. Ce sont des choses bien distinctes.  Et il est toujours important de garder les yeux bien ouverts. La colère,le ressentiment, cela ferme tes yeux. Et qui aurait envie de cheminer à l'aveuglette ?

Il avait confiance de la complexité de ce concept, surtout à un âge où l'impulsivit régner en maître. C'était pourtant là une notion essentielle dans la vie d'un guerrier, notamment tel que lui la considérait.

Après avoir discuté de son mariage, ils se concentrèrent à nouveau sur Alduis de Fromart. Elle affirma être prête et même s'il pouvait sentir une certaine inquiétude chez elle, il lui faisait confiance pour reconnaître ses propres limites. Pour l'heure, il la raccompagnerait chez elle afin de la rassurer.
Elle lui proposa un petit cours sur comment feindre d'être un bon chrétien. Il écouta ses explications sur le baptême mais pour lui ce n'était toujours rien de plus qu'un bain. Il s'était baigné des milliers de fois dans une rivière et ce n'était pas ça qui l'avait changé.

-De tout façon, je ne veux pas aller au paradis. De quoi ils se mêlent pour décider où j'irais à ma mort?! Ça leur fait quoi? Ils peuvent pas se le garder leur altruisme. Moi j'irai au Valhalla, pas me promener à poil dans les nuages.

Il garda pour lui ses réflexions sur l'absurdité de l'homme qui baptisait les gens mais devait l'être aussi. C'était tellement sans queue ni tête...  Cassandre lui demanda s'il connaissait ses prières. Il récita donc les deux prières en latin en écorchant une bonne moitié des mots. Entre ceux où les syllabes sautaient par la difficulté qu'il avait prononcé comme sanctificetur qui devenait sanctifitur et les mots qu'il inversait, on ne pouvait pas dire qu'il était d'une précision extrême. Déblatérer ce genre de choses lui brûlaient les lèvres à chaque rocailleuse syllabe qui en sortait. Malgré tout, de loin, la sonorité était semblable.

- A quoi ça sert les prières que personne ne comprend? Si ça se trouve ça veut même pas dire ce que tu penses. Qu'est-ce que tu en sais?

A vrai dire ça serait même sacrément amusant que l'on se rende de compte que cela n'avait rien à voir...

- Moi je prie mes dieux en zakrotien. Je m'adresse directement à eux. J'ai pas besoin d'un prêtre pour ça

Cassandre rit du commentaire de Eldred sur Dieu qui serait utile pour empiler les pierres puis haussa les épaules. Elle ne comprenait pas non plus. En plus, ce curé aimait boire, faire a fête.. il allait s'ennuyer deux mois à être entouré de soldats.

Elle l'écouta disserter à nouveau sur lez cas Alexandre et opina doucement de la tête. Il ne pardonnerait pas lui non plus. Encore heureux ! Elle se sentit rougir quand il mentionna sa dernière phrase : qui voudrait avancer l'aveuglette ? Elle sentait la pique destinée à lui faire ouvrir les yeux, à accepter ses sentiments et à oublier un peu ses colères. Elle ne sut pas quoi répondre. C'était trop... compliqué. Elle laissa donc passer et fut heureuse que le sujet passe. Eldred ne répondit plus sur Alduis de Fromart. Là aussi tout avait été dit.Ils en venaient au cours de religion. Le commentaire sur le Paradis la fit éclater de rire.

"Je sais. c'est bête. mais tu dois faire semblant t'y croire. Si ton maître t'interroge, prétends que tu as ressenti la foi, un profond désir que tu n'arrives pas à décrire mais que tu sais maintenant que tu as vécu dans l'erreur et que tu vas essayer de racheter ton âme pour aller au paradis. il sera tout content et t'embêtera plus. C'est bête, hein ? Tu sais pourquoi on appelle un chrétien chrétien ? Parce que c'est un mot synonyme de crétin !"

Elle éclata à nouveau de rire, très fière de sa plaisanterie.

Eldred écouta son histoire sur Jean-Baptiste et elle sentit perplexe. C'était vrai que c'était un peu particulier cette fable. Il n'y avait pas beaucoup de cohérence. mais c'était comme un conte et un conte on l'écoutait parce qu'il divertissait et rien d'autre. Elle l'écouta ensuite réciter lez deux prières et grimaça à quelques reprises en entendant de mauvaises articulations. Sa grande sœur Agathe lui avait si souvent répété ses prières en lui faisant reprendre l'ensemble au mot près dès qu'elle faisait une petite erreur. Cassandre soupira et récita la première syllabe en s'obligeant à bien articuler distinctement afin que son ami remarque les particularités.

"Je sais. c'est chiant. Agathe me faisait répéter mes prières tous les matins et m'interdisait de sortir quand je me faisais plus de cinq fautes."

Les raisonnements d'Eldred l’amusaient. Elle secoua les épaules.

"Pour faire plaisir aux curés. C'est rien que pour ça. Agathe m'avait dit ce que ça voulait dire mais je me souviens plus. Moi, quand je prie, j'utilise mes mots à moi aussi et rien d'autres."

Il ignorait si le message était bien passé concernant ses sentiments mais il n’avait aucun doute sur le fait qu’il avait planté une petite graine dans son esprit. Germerait-elle ? Cela restait à voir et seul l'avenir pourrait le dire.
Il ne restait désormais plus qu’à s'atteler à la leçon de catéchisme. Eldred haussa un sourcil lorsqu'elle lui suggéra de prétendre qu’il avait été foudroyé par la foi. Ils gobaient vraiment ce genre d'inepties ? S’il n'y avait que cela pour être un bon chrétien, ma foi…
Ils y tenaient quand même dur comme fer à leur paradis qui avait tout l’air d'un enfer. Car à part les oiseaux qui rêveraient de passer sa vie dans les nuages ? Et encore… Où se trouverait la liberté de voler sans endroit pour se poser ? Non ce paradis n'avait décidément rien de bien enviable.

- C'est à se demander comment ils arrivent à faire rêver leurs fidèles avec un endroit si barbant…

Sa petite pique à l'encontre des chrétiens le fit rire de concert avec elle. Il avait toujours trouvé cette religion absurde. Et plus il creusait, plus il trouvait cela stupide. Rien que d'entendre parler de troupeau de moutons, le faisait rire bien jaune. Mais Cassandre avait raison. C’était ainsi et il devait faire comme si. Il récita donc les prières, avec plus ou moins de succès mais sa petite préceptrice du jour se montra tatillonne sur sa prononciation.

- Il y a quand même plus utile que d'apprendre une prière qu'on ne comprend pas pour faire plaisir un homme qui n'en a rien à faire de ton existence…

Il l'abandonna un instant pour se rendre à l'entrée et trempa ses doigts dans le bénitier avant de revenir. Il prit la.main droite de la fillette et commença à y tracer une suite de symboles runiques complexes sur son avant-bras. Il y avait quelque chose de cocasse à le faire avec de l'eau soit disant bénite. Mais après tout si elle était bénite, ses runes n'en serait plus efficace non ? A moins que leur Dieu qui savait tout ne sache pas lire les runes ? Cette réflexion lui arracha un rictus amusé.

- Les runes par exemple. C'est plus utile. Elles peuvent t'apporter protection et même insinuer la peur dans l'esprit de tes ennemis. I’m Lui montra chacun des symboles avant de reprendre Celles-ci font parties de celles que les guerriers se peignent sur le corps à la suie ou au sang avant les batailles. Je les avais fait graver sur la lame de mon épée. Tout comme celle du courage. Enfin je suppose qu'il faut quand même que je répète à nouveau cette suite de mots barbares ?

Il lui adressa un sourire et comme il n'avait pas le choix, il recommença, en s'appliquant davantage sur chacun de ses mots mais ils furent sans doute encore écorchés…

- Qu'en dites-vous jeune fille ? Puis-je espérer rentrer chez moi ou dois-je m'attendre à être séquestré dans ce lieu saint ? demanda-t-il d'un air taquin.

Cassandre s'amusait des commentaires sur Eldred qui essayait de comprendre comment on pouvait croire au paradis et accepter cette vision ennuyeuse de l'éternité. Les gens étaient bêtes pour être aussi crédules. Elle ne voyait pas d'autre explication. Son ami rit d'ailleurs de sa plaisanterie sur les chrétiens. Elle tourna ensuite la tête, redoutant qu'une oreille indiscrète ait pu les surprendre. Non, ça allait. le vieux là-bas devant la chapelle de Saint-marc restait à genoux, immobile, et la femme de tout à l'heure avait disparu. Ils étaient seuls. Ou presque.

Eldred marmonna sur l'inutilité d'apprendre bêtement des prières pour un être qui devait s'en moquer. elle haussa les épaules.

"Bah..je nec sais pas. moi, il n'y a que le Bénédicité que j'aime. Celle-là, je la dis sincèrement, sans obligation, parce qu'en remerciant Dieu pour le repas, c'est aussi une manière de remercier ceux qui nous permis de l'avoir. Les cultivateurs qui ont élever l'animal ou fait pousser le bébé ou les légumes. les marchands qui l'ont vendu. puis enfin ceux qui l'ont préparé."

Elle pouffa au souvenir de la tête de Hyriel ou Sylvère quand elle le disait.

"'Si tu voyais la tête de Sylvère ou Hyriel quand je le récite ! On dirait que je parle une langue étrangère !"

Eldred s'éloigna un instant et Cassandre l'observa, intriguée, se diriger vers le bénitier situé à l'entrée. Il allait se signer ? Après tout ce qu'il venait de dire sur la foi chrétienne ? c'était pas logique. elle le vit finalement revenir et utiliser l'eau pour dessiner des symboles étranges. La fillette écarquilla les yeux, attentive à la leçon.

"Ils sont beaux ces dessins. Alors ils donnent de al force et du courage, c'est ça ? Tu pourras me les apprendre ?"

Elle eut un sourire compatissant pour Eldred qui se désolait de devoir répéter les prières et l’obligeait à les redire au moins une fois. C'était important. Son maître verrait qu'il faisait des efforts. Elle écouta sa nouvelle version et le texte se révélait un peu mieux prononcé mais des articulations restaient encore à retravaillé"es. Agathe aurait pas été contente. Mais elle n’allait pas l'imiter. C'était trop pénible de répéter des heures des phrases sans aucun sens jusqu'à ce que le bourreau soit satisfait et accepte de vous laisser sortir jouer.

Eldred se montra finalement désireux de quitter l'église. Taquine, elle répliqua :

"J'accepte d'abréger ton supplice si tu m'apprends des runes. je connais une ruelle discrète entre ici et la Roza Azul. Mais si tu veux pas, on reste ici et tu es condamnée à réciter toutes les prières que je te dirai de réciter jusqu'aux vêpres !"

Là-dessus, la fillette tira la langue d'une expression mutine.

Il haussa encore un sourcil lorsqu'elle parlait de remercier Dieu pour le repas. C'était lui qui commandait toutes les vies comme un marionnettiste ou quoi? Il ne pouvait qu'imaginer -Et comprendre- Hyriel et Sylvère.

- Et bien moi quand je tue un animal je le remercie et je l'honore pour sa vie. Et pour le reste je remercie les divinités associées aux récoltes et à la cuisine. C'est pas comme si ton Dieu commandait tout. Et si c'était le cas à quoi bon vivre une vie déjà écrite ? Chez moi les dieux mêlent les cartes mais c'est nous qui les jouons. Seul notre volonté et notre force permet d'infléchir le destin. C'est comme une tapisserie dont le motif serait en perpétuelle évolution.

Tout cela lui donnait envie de partager un peu de sa culture et de ses croyances. Et quoi de mieux que les runes qui avaient bercé toute sa vie? Il n'était pas expert en talisman loin de là. Il connaissait les plus courants et bien sûr toutes les runes usuels à la pratique du zakrotien. Les tracer avec de l'eau de l'église était pour le moins cocasse. Et voir Cassandre fascinée était encore plus réjouissant. Il acquiesça à ses dires.

- La force, le courage et même la victoire. Ou tout du moins ils t'aideront. Car comme je te l'ai dit la volonté prédomine. On pourrait faire avaler des runes de secrets au rat qu'il parlerait toujours sans réfléchir. Tu vois ce que je veux dire ?

Le fait était qu'il devait tout de même répéter sa prière alors, il s'exécuta bon gré, mal gré en faisant autant d'effort que possible. Une tâche qui le dégoûtait mais néanmoins indispensable. C'était de tout évidence mieux mais pas parfait si l'on se référait aux nombreuses reprises de la fillette sur certains mots. Lorsqu'il lui demanda s'il pouvait quitter l'église ou si elle comptait lui faire à nouveau réciter ses prières, elle eut une réaction pleine d'espièglerie qui lui arracha un large rire.

- Mais ma petite valkyrie, tu n'as qu'à me demander pour que je t'enseigne cela! Ce sera avec joie, il ébouriffa sa tête et se mit en chemin allez viens! Je te suis

Ils quittèrent l'église pour s'enfoncer dans quelques ruelles et traverses jusqu'au lieu -désert- désigné par Cassandre. L'ennuie c'est qu'il n'avait rien pour écrire sur lui... Sur le sol boueux, il repéra une petite branche d'arbre qu'il cassa en petits morceaux.

- Les runes sont décrites dans le futhark. Il s'agit de notre alphabet. Il y a seize runes actuellement. Mais avant l'ancien zakrotien en comptait vingt-quatre. Chaque rune correspond à une lettre mais aussi à un concept mystique. Tu sais rún signifie secret.

Il forma une sorte de flèche en arrangeant trois brindilles: ᛏ

- Voici Tiwaz, la lettre T. Elle est associé au Dieu Tyr. C'est notre dieu de la guerre mais aussi de la justice et des serments. C'est celle de la bataille honnorable et droite. Le courage. Si tu en lies deux comme ceci, tu obtiens la victoire. C'est celle que je t'ai dessiné et que l'on grave sur nos lames.

Il prit ensuite d'autres brindilles et forma: ᚦ

Thurisaz. Une lettre qui n'existe pas dans la langue commune. Elle est associée à Thor. Le Dieu du Tonnerre. C'est le plus fort de tous les dieux. Il possède un marteau qui convoque la foudre. C'est donc une rune de force mais aussi de défense puissante.

Il traça une dernière rune: ᛡ

-Elle est associé à Hagalaz, le H. Cela signifie la grêle. Et tout le monde craint la grêle non?  C'est pourquoi l'on utilise elle aussi plusieurs fois pour former la combinaison qui permet de faire peur aux ennemis. Tu vois?

Il se redressa admirant les trois runes alignés. Il ne les avaient pas vu depuis sa capture. La nostalgie s'empara de lui. Ses landes, ses forêts, ses rivières, ses lacs, sa forge, son épée lui manquaient. Voir ses runes lui rappela qu'il n'appartenait pas à ce monde-ci. Il cligna des paupières et chassa sa mélancolie qui s'envola vers d'autres cieux.

Cassandre sourit à la remarque de Eldred.

"Moi, je crois qu'on devrait laisser les gens croire comme ils veulent croire. Je crois qu'on a tous notre propre vision des choses parce qu'on a tous notre expérience de vie, alors comment on pourrait croire tous en la même chose ?"

Elle n'avait encore jamais eu cette réflexion mais elle qui était devenue étonnamment limpide au fil de la conversation. Sylvère, Dame Irène, Eldred, Achille, elle... Ils avaient chacun vécu des choses similaires mais aucun n'avait pu les ressentir de la même manières. Quand on voyait un spectacle ou un incident, on ne retenait jamais les mêmes choses. Alors, si pour de petites choses n ne s'accordait pas, comment on pouvait le faire pour une chose aussi immense et mystérieuse que la foi ?

"Mais j’aime bien l'idée que les dieux ou les saints seraient des êtres qui mêlent les cartes de nos vies. Je crois que ça me rappelle les histoires de la mythologie grecque que ma sœur Sophia me lisait quand j'étais petite. Mais je m'en souviens pas bien. Il y avait une gentille déesse, Demeter, qui aidait les hommes à cultiver. Je l'aimais bien. Elle a une faucille à al ceinture ! Quand je saurais lire, je demanderai à Dame Irène si je peux avoir un livre sur ces histoires. J'aimerais bien les redécouvrir."

Eldred se montrait fier de lui partager la culture dans laquelle il avait grandi et elle était heureuse de l'apprendre. Elle sourit de sa remarque sur le rat, comprenant naturellement à qui il faisait allusion. Elle le fit ensuite répéter ces maudites prières mais s'en laissait autant que lui. Aussi fut-elle ravie de proposer un apprentissage bien plus intéressante. Elle sourit de sa remarque alors que sa grosse main ébouriffa gentiment ses cheveux.

"Mais c'est plus drôle que juste de te demander !"

Ils quittèrent gaiement l'église et Cassandre l'entraina rapidement dans les petites rues jusqu'à traîner dans ruelles très peu connues. Elle aimait bien ces endroits. C'était là où elle avait passé deux années libre et insouciante avec ses amis. Où pouvaient-ils être maintenant ? Encore en vie ? Elle rejeta ces pensées puis s'accroupit pour étudier les signes que formaient Eldred. elle fixa des yeux la première.

"Alors le courage symbolise aussi la justice et les serments ? C'est logique. Il faut du courage pour respecter al justice ou tenir un serment."

Elle suivit des yeux la seconde rune et les explications lui rappelèrent autre chose.

"Thor, il peut lancer la foudre ? Je crois que je me souviens d'un truc. dans les histoires que lisait Sophia, il y avait un dieu qui utilisait la foudre mais lui pour griller les humains qui l'agaçaient. Il fait ça aussi Thor ? Quand quelqu'un a tort, Thor, il le pulvérise ?"

Elle rit de sa plaisanterie puis eut conscience que c'était irrespectueux et baissa la tête.

"Pardon. C'était pas poli."

Penaude, elle se reconcentra sur la rune suivante et se fit la réflexion que celle-ci ressemblait à un flocon de neige. Elle se sentit glacée quand il évoqua la grêle et ajouta que tout le monde détestait la grêle. Son visage s'assombrit et se crispa. Elle marmonna, aigrie :

"Je la déteste cette rune !"

Ses yeux la fixèrent et revotèrent cette averse s'abattre sur le champ et détruire leurs superbes vignes qui se couvraient de feuilles.

"Ma famille a été ruiné à cause de la grêle. C'était en Mai. Il faisait beau depuis le printemps. et puis... Et puis, il est venu la grêle. Papa était sorti. J'ai voulu protéger les ceps mais je ne savais pas comment. Et mes sœurs m'ont obligé à rentrer. elles disaient que j'allais être malade. Alors, depuis la fenêtre j'ai vu cette grêle qui détruisait tout. En si peu de temps."

Sa voix dégageait une amertume terrible. Toute une existence détruite en moins d'une heure. Elle fixa la rune tracée dans la boue et l’effaça brusquement d'un geste rageur.