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[le 16 décembre 1597] - Aveu d'amour posthume [Terminé]

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Message par Éléonore de Fromart Ven 11 Déc - 9:23

Eléonore atteignit Fromart en milieu de matinée. Elle descendit du coche, anxieuse. Alduis allait-il vraiment accepter de la revoir ? Elle se souvenait trop bien du souci que les femmes posaient à Ariste et Gabriel, avec leur insistance. Trop bien de sa contribution à les en débarrasser. Il ne la recevrait certainement pas s’il lui attribuait ce genre de projets…

Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle voulait le revoir. Ses découvertes étaient trop conséquentes pour qu’elle les garde pour elle seule. Et la seule personne avec laquelle elle aurait pu envisager de les partager était bien sûr la personne concernée.

Puis… Elle l’aimait bien, déjà. Elle avait bien vu qu’elle l’importunait, mais elle ne pouvait s’empêcher de retourner vers lui. Elle s’en voulait trop d’être partie comme une voleuse.

A la porte, elle remit un message scellé à l’attention d’Alduis -- de lui et de lui seul -- en précisant qu’il était urgent qu’il le lise. Non, elle ne voulait surtout pas entrer. Pas après la dernière fois. Elle précisa qu’elle attendrait la réponse, et retourna s’asseoir dans son véhicule.




J'ai retenu : jamais d'humeur pour une discussion autour d'un thé. Une promenade, c'est mieux ? J'attendrai dehors que tu sortes ou que l'on me signifie ton refus.
Éléonore.


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Message par Alduis de Fromart Ven 11 Déc - 18:14

Alduis déplia le mot qu’on venait de lui apporter, en lui précisant avec insistance qu’il n’était destiné qu’à lui-même. Si cette condition l’avait surpris au départ, il avait vite compris la raison de cette précision particulière en constatant qui était l’auteur de ce petit billet. Éléonore. Qu’il avait vu il y avait deux jours à peine. Qu’avait-elle à lui dire, cette fois ?

Il parcourut les lignes des yeux, pour prendre connaissance du message, s’arrêtant d’abord sur l’écriture soigneuse de la jeune femme.

J’ai retenu : jamais d’humeur pour une discussion autour d’un thé. Une promenade, c’est mieux ? J’attendrai dehors que tu sortes ou que l’on me signifie ton refus.

Il ne sut dire, exactement, d’où vint ce sourire qui étira - un bref instant - ses lèvres en lisant ces quelques phrases. Mais il ne put rien faire pour le réprimer. C’était une drôle d’impression, quelque chose entre l’amusement et… et il ne savait pas.

Une promenade. Voilà qui était plus engageant que de rester posé sur un fauteuil dans un salon. Son sourire s’élargit et devint plus mutin, du genre de ceux qui ont une idée derrière la tête.

Il replia le mot et déclara à l’attention du domestique qui attendait toujours, au cas où il doive repartir prévenir la jeune femme du refus de son invitation :

- J’y vais !

- Mais ne sortez pas ainsi ! Mettez une veste ! protesta l’autre, mais Alduis n’eut pour toute réponse qu’un grand mouvement d’épaule, et il disparut au coin du couloir, à grandes enjambées souples.

Quand il arriva dehors, la voiture d’Éléonore attendait bel et bien, la jeune femme assise à l’intérieur pour ne rester dans le froid. C’était vrai que l’air était frisquet, mais il n’y avait rien de bien méchant. C’était plutôt revigorant ! En le voyant arriver, elle descendit du coche. Alduis s’arrêta à son niveau et remarqua alors, en guise de bonjour, avec son inimitable sourire :

- Tu as de la chance, aujourd’hui ! Je n’avais pas envie de dormir !

Et il se sentait même de bonne humeur !
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Message par Éléonore de Fromart Sam 12 Déc - 12:41

Éléonore fixait l'entrée, agitant frénétiquement son pied droit dans l'attente d'une réponse.

Alduis allait forcément refuser. Elle était désagréable et sotte. Et ne faisait jamais qu'embêter les autres avec ses histoires. Elle aurait dû le laisser, après l'église. Ne plus chercher à le retrouver. Cet incident aurait dû être clos !

Et... Et pourtant, elle le vit sortir... A peine couvert. Elle eut froid pour lui. Un courant glacial qui l'a transperça à travers son épais manteau.

Voulait-il lui dire en face qu'il ne voulait tout simplement pas la revoir ? Qu'elle l'avait déjà assez importuné ? Elle n'était pas Ariste. Ariste aimait aller vers les gens. Éléonore, elle, ne le faisait que lorsque c'était nécessaire, que son empathie prenait le dessus – elle était tout bonnement incapable de résister à un appel de détresse, même caché –, ou qu'Ariste était là pour la soutenir.

Et là... Là, pourquoi venait-elle ? Il n'avait pas besoin d'elle. C'était égoïste. Elle venait égoïstement. Alors qu'elle avait décidé de ne plus lui imposer sa présence.

Elle se précipita hors de l'habitacle. Elle devait lui parler. Elle devait savoir, aussi, s'il acceptait vraiment de la revoir.

— Tu as de la chance, aujourd’hui ! Je n’avais pas envie de dormir !

Elle supposa qu'il fallait prendre cela pour un "oui", et en ressentit une joie immense.

— De dormir, oui... fit-elle en levant les yeux au ciel avec de revenir vers les siens.

Il n'avait pas l'air incommodé par sa présence. Elle ne put s'empêcher de sourire. Une part d'elle avait envie de le serrer dans ses bras une nouvelle fois, pour s'assurer que tout cela était bien réel. Et parce que cela l'avait soulagée, la dernière fois.

— Je suis désolée, ne put-elle s'empêcher de s'excuser. Pour la dernière fois, précisa-t-elle. Pour la crise de larmes et tout le reste.

Elle s'approcha un peu, regarda autour d'elle.

— Je... Tu acceptes, donc ? Pour la promenade ?

Elle s'était arrêtée sur le tutoiement. Tutoiement qu'elle n'employait jamais qu'avec ses proches. Eltinne, Gabriel, Ariste. C'était tout. Louis aussi, en ces temps fort reculés...

— Eh bien... Je te suis ! répondit-elle quand il eut confirmé.
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Message par Alduis de Fromart Sam 12 Déc - 16:43

Alduis avait à peine posé un pied dehors et fait quelques pas que déjà, la jeune femme jaillissait de sa voiture. Elle avait l’air… impatiente. De quoi ? de le revoir ? Ce serait bien la première fois que cela arriverait. Et encore plus avec une femme !

À vrai dire, c’était bien la première qu’il côtoyait et face à laquelle il n’avait pas envie de fuir en courant dans l’autre sens. Parce qu’il sentait bien qu’elle n’était pas là pour les mêmes raisons que les autres. Que c’était un lien différent qui se construisait lentement et cela était rassurant, dans un certain sens.

Alors, ce fut détendu qu’il lança cette plaisanterie sur son hypothétique sommeil de la dernière fois. Elle leva les yeux au ciel et Alduis lui ébouriffa les cheveux de sa main gauche - celle qui n’était pas blessée - dans un geste tout à fait spontané.

- Boude pas ! ajouta-t-il avec un grand sourire. Je suis sûr que quelqu’un l’a déjà fait !

Puis, il haussa des épaules pour accueillir ses excuses, avec un sourire un peu plus gêné sur les lèvres. Qu’aurait-il pu répondre ? Il n’avait rien à dire. Alors il hocha la tête pour dire qu’il les acceptait - quand bien même il n’était pas sûr de voir de raisons de s’excuser. Alors pour ne pas faire de bêtises, il préféra garder le silence. Elle semblait bien l’aimer, et il n’avait aucune envie de décevoir cela.

Il lui jeta un bref regard surpris quand elle posa sa question suivante. Eh bien ? C’était pour cela qu’elle lui avait demandé de venir, non ? Une promenade. Il aurait eu beau jeu de refuser maintenant ! Et il n’en avait, de toute manière, aucunement l’intention.

Comme Éléonore semblait lui laisser le choix du chemin emprunté, il prit la direction des jardins. Ils étaient bien assez grands pour leur permettre de parler tout en marchant. Et puis, Alduis n’y avait pas mis les pieds depuis longtemps. Il marcha quelques temps en silence, en écoutant simplement le bruit de ses bottes qui claquaient sur le sol, au rythme naturellement cadencé de ses pas.

Il cherchait quelque chose à dire.

Mais comme il ne trouvait rien de vraiment convenable, il finit par se résoudre à demander tout simplement - parce que parfois, c’était peut-être encore ce qu’il y avait de mieux :

- Tu venais pour quelque chose en particulier ?

Parce que même si elle n’était assurément pas comme toutes les autres femmes, il avait bien du mal à mesurer qu’elle ne vienne que pour faire une balade en sa compagnie. On ne se déplaçait pas sans raison. C’était idiot. Alors elle devait bien vouloir quelque chose ?
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Message par Éléonore de Fromart Sam 12 Déc - 22:46

Éléonore n'était pas dupe de cette affaire de sommeil, et ils le savaient tous les deux. La voyant rouler les yeux, Alduis lui ébouriffa les cheveux, ce qui eut pour effet de lui faire froncer les sourcils.

— Boude pas ! Je suis sûr que quelqu’un l’a déjà fait !

Mais je ne boude pas ! protesta Éléonore. C'est de la triche, Ariste t'en aura parlé ! Et puis d'abord...

Elle tendit le bras et le décoiffa en retour.

— Voilà ! fit-elle avec un sourire idiot.

Mais son visage se crispa un instant. Elle avait repassé plusieurs fois leur dernière rencontre dans son esprit. Elle avait été alors tellement aveuglée par ses propres tourments qu'elle n'avait même pas prêté attention au sien. Au sien qu'il ne pouvait plus espérer cacher alors qu'ils s'étaient rencontrés en pleine crise. Tourments qui ne l'avaient pas empêché de chercher à la consoler elle. Et elle ? Qu'avait-elle fait ? Elle était partie comme une voleuse pour... Pourquoi, déjà ? Quelque chose l'avait mise mal à l'aise un instant, mais elle ne se souvenait même plus quoi.

Alduis reçut silencieusement ses excuses. Quant à la question suivante… À son attitude, elle compris qu'elle avait eu tort de penser qu'il la remballerait maintenant. De toute façon, elle ne pensait toujours que des bêtises.

Ils prirent alors la direction des jardins, en silence. Parfois, le silence était un moment de communion. Parce que les mots n'avaient plus besoin d'être prononcés.

Comme avec Ariste...

Et d'autres fois, comme celle-là, c'était seulement parce qu'on ne les trouvait pas. Éléonore craignait trop de se se lancer dans un flot de bêtises, de reprises, d'hésitations. Alors, ce fut Alduis qui meubla le vide en premier.

Éléonore acquiesça :

— J'aurais voulu te revoir de toute façon, je crois. Mais je n'aurais pas trouvé le courage de revenir t'importuner si vite si...

Éléonore s'interrompit. C'était reparti. Incorrigible ! Incontrôlable ! Pourquoi se sentait-elle obligée de lui rappeler qu'elle venait parasiter sa matinée pour ses histoires égoïstes ?

— Tu sais… Avec Ariste, nous nous écrivions beaucoup.

Elle se détestait de répéter une chose qu'elle lui avait déjà dite. Elle était nulle, tellement nulle.

— On se parlait de tout et de de rien. De milliers de choses futiles. Parce que le simple fait de s'installer et de prendre une plume, de savoir que nos mots parviendraient à l'autre nous permettait de nous sentir… plus entiers. Nous étions plus proches que peuvent l'être la plupart des gens. Nous étions… un seul, mais divisé en deux. Complémentaires. Même quand il était absent, je le sentais en moi. Et se parler de toutes ces choses que n'importe qui aurait trouvées mortellement inintéressantes, c'était juste retrouver notre lien. Ce lien au delà des mots.

Éléonore n'avait jamais expliqué cela à personne. Personne hormis Gabriel, la seule personne qui pouvait jusqu'alors imaginer la profondeur de leur amour mutuel. Un amour fraternel plus fort que ce que la plupart des gens étaient capables de concevoir. Il fallait le vivre pour comprendre.

Pourquoi s'épanchait-elle encore ? Tout le monde je pouvait pas être comme elle et avoir besoin de réagir en percevant la détresse d'autrui. Pourtant… Pourtant, Alduis semblait l'écouter. Et comme elle avait besoin d'en parler – en parler à quelqu'un d'autre que Gabriel, parce qu'elle sentait un malaise entre eux, sans pouvoir l'expliquer – et qu'elle en avait besoin pour expliquer sa venue, elle poursuivit :

— Mais en écrivant, nous savions lire au delà des mots. On déchiffrait la régularité de la calligraphie comme on déchiffre le langage corporel, tu comprends ? Ce n'était pas de l'interprétation. On savait, c'était tout. On savait quand l'autre était triste, quand l'autre était inquiet, quand l'autre avait un doute. Parce que les mots n'étaient qu'un moyen d'enjamber la distance qui nous séparait.

Éléonore s'arrêta soudain, et prit les mains de son hôte – enfin... sa main gauche et son poignet droit, par précaution instinctive – dans les siennes, tout comme elle arrima son regard au sien.

— J'ai l'air folle, à te raconter ce genre de choses mais… Mais je t'assure que c'est vrai. Il était la meilleure partie de moi-même. Je ne me bats que parce qu'il me l'a ordonné. Que parce qu'il voulait que je me reconstruise et que je profite de la vie pour moi. Pour nous deux en même temps.

La jeune femme détourna un instant le regard. Quelle idiote ! Elle s'égarait encore.

— Même ce qu'il ne me disait pas, je le savais. Officiellement, si on peut utiliser le mot, j'ai appris qu'il aimait les hommes le jour où je l'ai surpris... Mais au fond de moi, je le savais bien avant ça. Je l'ai su quand lui-même l'a su. C'est la seule chose qu'il m'a volontairement dissimulée...

Éléonore hésita. La seule ? N'avait-elle pas également eu l'air étrange, au cours de sa dernière année, lorsqu'il écrivait à propos d'oncle Eineld ?

Elle secoua la tête pour elle-même. C'était Ariste qui avait l'instinct fiable. Elle... Elle elle n'était rien sans lui. Rien. Rien. Rien !

Elle s'appuya légèrement sur ses bras, qui tenaient à ceux d'Alduis, et lui permirent de rester stable sur ses jambes. Elle chassa le doute ridicule qui lui parasitait l'esprit.

Oui, la seule. C'est… C'est la seule. La seule, repéta-t-elle pour s'en convaincre. Parce qu'il en avait honte. Parce qu'il pensait que je ne pourrais pas comprendre. Tu n'imagines pas combien il peut être vexant que la personne qui partage son âme puisse oser croire que l'on ne peut pas la comprendre. Qu'on pourrait lui reprocher quelque chose d'aussi… insignifiant alors qu'on l'aime plus que sa propre vie.

Elle soupira.

— J'étais très jeune, c'est vrai. Mais même très jeune, j'aurais pu comprendre n'importe quoi si cela touchait à Ariste. D'ailleurs, je le comprends tellement que j'ai été incapable de lui tenir rigueur de son mensonge. Et d'ailleurs, la personne qui l'a soutenu à cette époque, qui lui a permis d'accepter même sans moi, je lui en demeure infiniment reconnaissante.

Éléonore lâcha Alduis, mais ancra son regard dans le sien avant de poursuivre :

Ce que je voulais dire, c'est que j'ai toujours su. S'il m'expliquait que le ciel était bleu en pensant "j'ai mal dormi", je lisais sa description du ciel, et je comprenais qu'il avait mal dormi. C'est un exemple stupide, mais il faut bien que j'illustre mon propos. Et... Il y a une chose que j'ai comprise en relisant ses lettres. Je les ai toutes gardées. Et je ne l'avais pas comprise plus tôt parce que c'était à lui-même qu'il ne l'avouait pas… Je ne voudrais pas mettre du désordre dans ta vie, mais je ne peux pas garder ça pour moi. J'ai compris qu'il était tombé amoureux...

Éléonore déglutit.

— De toi. Il t'aimait.





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Message par Alduis de Fromart Dim 13 Déc - 18:20

C’était drôle de voir ses petits sourcils noirs de froncer. Alduis eut un sourire amusé et cela ne lui donna que plus envie de la décoiffer. Elle ne fut pas longue à protester contre ses paroles et, à son étonnement, lui rendit la pareille. Tendant le bras pour combler la vingtaine de centimètres qu’il avait en plus d’elle, elle glissa sa main dans ses cheveux pour les ébouriffer. Avec une expression moqueuse, Alduis proposa :

- Tu veux que je me baisse pour être à ta hauteur ?

Provocation lancée avec un grand sourire ravi. Mais ce fut de courte durée. Elle lui avait demandé une promenade. Sans un mot, il prit la direction des jardins. À entendre le crissement du givre sous ses semelles, il faisait froid. Mais il en avait à peine conscience. Il se contentait de marcher, et de chercher ce qu’il aurait dû dire. Bérénice saurait, elle, elle savait toujours quoi dire. Mais pas lui. Lui craignait toujours de dire quelque chose qu’il ne fallait pas, et de vexer ses interlocuteurs.

Mais il finit pas prendre son courage à deux mains et, bien qu’il ne la regardait pas, sentit le mouvement d’approbation de la jeune femme à côté de lui. Un hochement de tête. Et puis, elle commença :

- J’aurais voulu te revoir de toute façon, je crois.

Alduis ne fit aucun commentaire et ne laissa pas voir combien cette phrase le laissa un instant surpris. Elle avait pourtant eu l’air terriblement gênée la dernière fois. Mais il ne pouvait nier qu’elle était déjà de retour, malgré son départ précipité, qu’il n’avait su s’expliquer et qu’il avait fini par mettre sur le compte de sa propre maladresse à s’adresser à autrui.

- Ariste t’écrivait dès qu’il avait un moment de libre, approuva-t-il, tandis qu’elle évoquait leur correspondance, ce qui n'était absolument pas exagéré. Je crois que s'il y avait eu une attaque surprise, il aurait quand même trouvé un moment pour finir sa lettre.

Et même… il en était sûr. Qu'importe la manière, Ariste aurait trouvé. Il n'aurait pas laissé une phrase inachevée sur le papier. Parce qu'il avait eu l'occasion de voir qu'Éléonore passait avant tout le reste.

Il posa sa paume gauche sur le couteau qu'il lui restait, celui qu'il n'avait pas offert à Eldred, tout en continuant de l'écouter. Sur cela, ça ne changeait pas beaucoup de d'habitude : les gens parlaient, et lui écoutait. Il ne savait faire rien d'autre.

Quand elle parlait de sa relation avec Ariste, il y avait quelque chose qui se dégageait. Quelque chose qu'il aurait aimé connaître. Il se perdit dans la contemplation du sol givré, en retenant un soupir. Il ne voulait pas lui donner l'impression de s'ennuyer, car c'était loin d'être le cas. Et malgré tout, il y avait ce pincement, dans son ventre… Cela même si elle avait la voix de quelqu'un qui en parlait pour la première fois. Il ne savait pas s'il en était mal à l'aise, ou surpris, ou même… touché. Un peu des trois.

Il aurait aimé savoir tracer de belles lettres, lui aussi, comme Ariste, comme Éléonore, et comme Bérénice. Mais il ne savait faire que des tâches et des trous dans la feuille… De nouveau, il retint un soupir.

Il ne savait plus quoi faire de son bras droit, qui demeurait immobile contre lui. Il n'eut pas besoin de réfléchir très longtemps pourtant, puisque les mains de la jeune femme se glissèrent dans les siennes. L'une contre sa paume, l'autre sur son poignet. Il releva la tête sur leurs doigts enlacés, surpris de ce geste. Il ne prononça pas un mot et il se figea même quelques instants. Plus une respiration. Plus une pensée. Lui avait-elle vraiment pris les mains ? Que devait-il faire ? Qu'attendait-elle de lui ? Et s'il ne faisait rien, qu'elle était déçue ? Elle disait qu'Ariste et elle étaient proches, qu'ils se comprenaient au-delà des mots. Mais lui il ne savait pas faire.

- — J'ai l'air folle, à te raconter ce genre de choses.

Alduis releva la tête pour plonger ses yeux bleus dans les siens. Très sérieusement et d'une voix presque douce, il répondit :

- S'il y en a un qui est fou, ici, c'est moi.

C'était lui qui entendait des voix débattre dans sa tête, comme s'il n'était pas là. C'était lui qui se laissait marcher sur les pieds dans sa propre tête. Elle était peut-être maladroite — et en cela, il se sentait proche d'elle sans vraiment la connaître — mais elle n'était pas folle.

Elle détourna le regard, visiblement gênée, mais Alduis pressa ses doigts entre les siens, tout en cherchant à le retrouver. Il avait besoin de ce contact visuel, encore plus que celui qui s'était établi entre leurs mains. Ils étaient exactement de la même couleur que ceux d'Ariste, et il y avait cette chaleur rassurante au fond des prunelles.

Il ne comprit pas vraiment cette partie de son discours. Sa voix s'était transformée en mélodie dénuée de sens et se superposait avec d'autres. Ce fut les mains qui se retirèrent des siennes, mais le regard qui revint se planter dans ses yeux en contrepartie, qui le firent revenir au présent. Il hocha la tête, seul signe qui montrait qu'il comprenait ce qu'elle voulait dire. À vrai dire, il comprenait même mieux que ce qu'il aurait pu penser être capable.

- Il y a une chose que j'ai comprise en relisant ses lettres.

Il sut que le sujet de sa visite était là. Alduis ne prononça pas un mot, en se préparant simplement à tout. Il retint sa respiration sans s'en apercevoir, dans un réflexe purement instinctif, comme s'il pressentait la gravité de ce qui allait suivre. Et il faisait bien.

- J'ai compris qu'il était tombé amoureux… De toi. Il t'aimait.

Alduis accusa le coup. Ce fut plus fort que lui. Ce fut une explosion d'images.

Ariste, ses yeux enfièvrés, ses derniers mots, la respiration si faible qu'elle semblait devoir s'arrêter à tour instant. Le coussin.
Mathurin. Les rochers. La falaise. Et son corps, en bas, désacticulé, ensanglanté, comme un ange tombé du ciel.

Alduis fit un pas en arrière et secoua la tête pour chasser les réminiscences du passé. Soudain, le froid qu'il n'avait jusqu'à présent pas senti, se glissa en lui et le fit frissonner.

Il le savait bien, pourtant. Il se souvenait clairement de ces deux mots, « je t'aime », qu'Ariste lui avait dit ce jour-là, faible et déjà un pied dans le monde des morts. Mais plus personne n'en avait parlé depuis. Il avait essayé de se persuader que ce n'était que le délire fiévreux d'un mourant, sans jamais vraiment y croire.

- Comment … ?

Sa voix se brisa. Comment le savait-elle ? Il avait beau se remémorer tout ce qu'elle avait dit avant, il avait besoin de comprendre, concrètement, ce qui lui faisait dire cela.

- J'ai peur... avoua-t-il.
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Message par Éléonore de Fromart Dim 13 Déc - 23:39

Éléonore n'avait pu s'empêcher de tirer une grimace de parfaite immaturité face à sa remarque sur sa taille. La même grimace qu'elle aurait adressée à Gabriel, remarqua-t-elle, surprise.

Elle le suivit dans les jardins gelés. Il fallait admettre que le décor avait un certain charme, mais elle était trop absorbée par ses tourments pour se concentrer dessus. Comment aborder un tel sujet ? Elle se lança tout de même. Ils s'écrivaient beaucoup. Elle l'avait déjà dit, mais elle ne voyait pas comment arriver au sujet sans le répéter.

Elle fut touchée par la réponse qu'il lui offrit. Alors, vraiment ? Le doute pernicieux qui lui répétait qu'Ariste la voyait comme une corvée n'avait donc plus qu'à se taire ? De toute façon, elle l'avait toujours su, non ? Non ? Comment osait-elle douter de son tout ?! Elle était pitoyable.

Elle ravala le sourire comblé qui lui avait étiré les lèvres, et poursuivit ses explications. Sans même un mot de remerciement ! Pitoyable ! Inutile ! Égoïste !

— Non ! C'est faux ! protesta fermement la jeune femme, quand Alduis rejeta sur lui la folie.

Oui, elle avait vu dans quel état il s'était mis à l'église. Mais quelle importance ? Il devait y avoir une explication. Dans son souvenir, elle n'avait pas tant vu de folie qu'une cruelle détresse. Et en dépit de cette détresse manifeste, elle venait l'importuner ! Comme s'il n'avait pas assez à gérer.

Ne sachant qu'ajouter pour défendre son opinion, elle poursuivit son récit, et finit par lâcher son interlocuteur.

Puis, elle parvint au point critique. Elle hésita. Avait-elle le droit de troubler Alduis avec cela alors qu'il avait tourné la page ? Elle se rappelait ce mot qu'elle avait lu sans en avoir le droit. Cette personne qu'il cherchait, si inquiet...

Mais maintenant qu'elle avait commencé, elle devait terminer. Lui dire. Tout lui dire.

Ou peut-être n'aurait-elle pas dû... Un torrent de détresse déferla sur eux. Elle le sentait. Dans son attitude, mais aussi en elle-même. Il l'atteignait.

Comment ? Elle pouvait lui répondre. Elle pouvait tout lui détailler toutes les preuves qu'elle avait réunies la veille. Mais peut-être n'avait-il pas vraiment envie de savoir. Et... Et de toute façon, il n'était plus en état de l'écouter. Idiote ! Elle était entrain de le perdre. Il allait partir dans un délire, comme celui dans lequel elle l'avait rencontré et se serait de sa faute. Et elle ne pourrait rien faire pour le ramener… Elle se retrouverait seule, impuissante mais incapable de l'abandonner...

— J'ai peur...

Elle déglutit. N'était-elle donc bonne qu'à tout gâcher ? Elle ressentait toute la profondeur de son aveu, et cela la troubla plus encore.

Et puis... Et si c'était d'elle, qu'il avait peur ? Elle était étrange. Elle affirmait des choses impossibles. Peut-être était-elle juste folle ? Peut-être avait-elle inventé le lien qui l'unissait à Ariste.

Inspire. Expire.

Non. Parce qu'il était réciproque. Alors, Ariste aussi, aurait été fou. Ariste était parfait.

Inspire. Expire.

— Alduis, s'il te plaît.

Sa voix était ferme. Elle avait étouffé la panique désorganisée qui n'aurait fait que le tourmenter plus encore.

— Reste avec moi.

Elle se souvenait de la manière dont Eldred lui avait parlé. Comme s'il partait. Eh bien, où qu'il parte, il suffisait de le garder bien ici avant que ça ne dégénère et qu'elle ne puisse vraiment plus rien faire.

Elle hésita à le toucher. Il était devenu violent, la dernière fois… Mais il ne délirait pas encore vraiment… et puis tant pis ! Elle penserait à elle ensuite ! Elle récupéra sa main gauche, qu'elle serra dans les siennes. Fort. Peut-être trop, car elle avait besoin d'être sûre de le tenir. Car elle aussi, avait peur, au fond.

— Je vais t'expliquer. Tu restes avec moi, et je t'explique.
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Message par Alduis de Fromart Lun 14 Déc - 21:08

Éléonore se disait folle. Mais bien sûr qu'elle ne l'était pas ! S'il avait suffi d'être maladroit pour l'être, combien de personnes monbriniennes le seraient-elles à cette heure ? Beaucoup trop pour que ce ne soit une explication envisageable.

Lui, en revanche...
Eldred lui avait dit qu'il était un génie, sans folie dans l'esprit.
Alexandre lui avait assuré qu'il l'aimerait quoi qu'il arrive, qu'importe qu'il entende des voix dans sa tête.
Et désormais, la jeune femme s'insurgeait contre ses mots — qui sonnaient pourtant comme aveu de la vérité.

Ils disaient tous la même chose... mais Alduis en doutait malgré tout. Il avait envie d'y croire, mais il n'osait pas. Parce que c'était lui qui, continuellement, entendaient des voix, remontées des profondeurs de lui-même, qui venaient lui servir leurs reproches sur plateau d’argent. Et s'ils ne le disaient que pour rassurer son esprit malade, pour le consoler, ou pire : pour ne pas le blesser ?

Alduis ne savait pas quoi en penser. Eldred était toujours honnête, et il n'aurait jamais prononcé des mots s’il ne les pensait pas. Alors il devait y avoir là une part de vérité cachée. Mais même son ami pouvait se tromper, cela aussi été vrai.

Quant à Alexandre et Éléonore... il était perdu. Et les voix, réveillées et agitées, ne l'aidaient pas à se concentrer. Était-il fou ? Peut-être. Sans doute. Évidemment. Un sain d'esprit ne devait pas composer avec des sifflements permanents. De cela il était sûr. Et s’il n'était pas sain d'esprit, alors il était forcément fou. Il n'y avait pas de juste milieu. C'était l'un ou l'autre. Point. Et il préférait encore cette réalité douloureuse plutôt que n’importe quelle incertitude.

Combien de fois avait-il cru être dans le présent, sans que ce soit le cas ? Il ne pouvait pas faire confiance à son environnement. Ses propres yeux l'avaient trop souvent trahi.

Ils ne comprenaient pas.
Personne ne comprenait.
Même les voix étaient contre lui.

Alors comment Éléonore pouvait-elle dire qu'il n'était pas fou ? Et comment pouvait-elle être si sûre qu’Ariste l’aimait bel et bien et que ces mots, « je t'aime, » n’étaient pas les dernières paroles délirantes d’un malade ? Quelles preuves avait-elle ?

L'angoisse, doucereuse, revenait se glisser au creux de son ventre et une avalanche d'images de cadavres menaçait de le replonger à tout moment dans le non-lieu. Alduis savait qu'il ne devait pas y aller, il savait où le mènerait ce chemin qui se déployait - devant lui et pour lui.

Il ne devait pas y aller. Mais il ne pouvait pas résister. Une force l'obligeait à s'y enfoncer et il ne servait à rien de lutter. Les tréfonds de son âme l'appelaient et au même titre que deux aimants sont attirés l'un vers l'autre, Alduis était impuissant contre cette attraction.

Il ne devait pas y aller... mais il le faisait quand même, avec un mélange de crainte et de fascination.

- Alduis, s’il te plaît.

Alduis ne bougea pas d’un pouce. Il n’entendit pas - pas vraiment du moins. Quant à comprendre… il ne fallait pas y compter. C’était encore et encore la même vision qui venait hanter son esprit. Un corps ensanglanté et désarticulé, jeté sur les roches. Il n’oublierait jamais. Comment le pourrait-il ? C’était lui qui l’avait fait. C’était lui qui l’avait tué. C’était lui qui…

- Reste avec moi.

Les mots le coupèrent dans ses réflexions. Aussitôt, ses pensées s’envolèrent, comme de multiples papillons insaisissables - de ceux qui venaient cruellement voleter autour de vous et qui, quand vous tendiez la main pour en toucher, s’éloignaient en quelques battements d’ailes habiles. Il ne sut dès lors plus à quoi il pensait. Pourtant, il chercha à les attraper mais… impossible. Quelque chose venait le parasiter et l’empêchait de se concentrer. Il avait la sensation d’avoir oublié quelque chose d’important et… Une voix. Puis une main.

- Je vais t'expliquer. Tu restes avec moi, et je t'explique.

Ce fut un éclair de lucidité. Éléonore. Voilà, c’était cela. C’était elle qu’il avait oublié. Où était-elle ? Au bout de cette main. Dans un réflexe primitif, il tendit la main droite, pour la chercher, pour la sentir, sans se soucier de ses plaies encore à vif sous les bandages. Du bout de ses doigts bandés, il toucha une peau. Un visage.

Il n’y avait rien de malaisant ou de malpensant dans ses gestes. Il redessinait simplement avec ses doigts ce que ses yeux ne voyaient plus. Il établissait un contact supplémentaire avec ce présent inaccessible. Les lèvres, le nez, les sourcils, la base des cheveux. Alduis retraçait les traits du visage un par un.

Ce fut tout d’abord laborieux : la pensée, plus vraie que nature, du corps déchiqueté se superposait encore à celle des traits - de plus en plus familiers - de la jeune femme. Mais sa vision finit par se stabiliser et le paysage givré refit son apparition. Pour s’y imposer de nouveau.

Mais Alduis avait la sensation d’être sur un fil, dans un équilibre précaire qui risquait à tout moment de s’écrouler à nouveau. Il resserra la prise de sa main gauche sur celle d’Éléonore, comme si elle était une ancre, avant de murmurer, comme pressé et inquiet :

- Marchons.

Rester en mouvement. C'était encore le meilleur moyen pour ne pas se perdre. Cela forçait une partie de son cerveau à s'occuper de ses gestes, et c'était dès lors une partie qui se laissait plus difficilement submergée par ses souvenirs.

- Parle-moi encore, s'il te plaît. Dis quelque chose. N’importe quoi. Et ne me laisse pas m’arrêter.

Ne me laisse pas partir.
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Message par Éléonore de Fromart Mar 15 Déc - 11:26

Alduis ne répondait rien, et Éléonore commençait à s'inquiéter. Il ne fallait pas qu'il parte.

Je t'en supplie, Alduis, reste avec moi !

Il fallait se calmer. Si elle paniquait, elle lui communiquerait son angoisse et ce ne ferait qu'aggraver la situation. Que ferait-elle s'il retombait en délire ? Serait-elle obligée de réclamer de l'aide ? Mais celle de qui ? Qui savait ? Qui n'aurait-elle pas mis en danger ? Et elle ? Si quiconque apprenait qu'elle savait, pourrait-elle s'en tirer sans dommage ?

Égoïste ! Comment osait-elle se poser ce genre de questions ?!

Alduis sembla reprendre à peu près conscience de sa présence, et avança sa main vers son visage. Elle ne s'en offusqua pas. Pas même lorsqu'il se mit à suivre ses traits. Elle se demanda seulement si cela suffirait à le garder dans la réalité.

— Je suis là, Alduis, confirma-t-elle en faisant varier la pression sur sa main gauche.

Elle ne disait que des âneries, mais cela n'avait que peu d'importance. Elle réfléchirait plus tard. Pour l'instant, elle lui répétait qu'elle était là, avec lui. Qu'il devait rester. Qu'elle allait lui expliquer. Et, par acquis de conscience, qu'il ne devait pas avoir peur.

Ou bien disait-elle davantage cette dernière phrase pour elle ? Parce qu'elle ressentait de la détresse et la craignait. Était-ce par pur égoïsme qu'elle voulait qu'il revienne à lui ? Pour que son mal être cesse de la contaminer ? Elle se détestait.  

C'était long. Elle crut plusieurs fois qu'elle l'avait irrémédiablement perdu. Elle crut aussi plusieurs fois qu'il perdait l'équilibre. Une part d'elle avait failli lui proposer de s'asseoir, mais une intuition lui hurlait qu'il n'en sombrerait que plus vite.

Elle ne sut d'écrire le soulagement qui s'empara d'elle lorsque la lueur de vie revint dans ses yeux vides. Lorsqu'enfin, il se parvint à lui parler. Ce n'était qu'un mot, certes, mais qui l'a précipita dans ses bras un instant. Elle le serra très fort, peut-être un peu brusquement, trop heureuse qu'il ne se soit pas égaré. Puis, elle lui attrapa le bras pour le forcer à respecter son voeux.

— Oui, marchons, confirma-t-elle. On marche et tu restes avec moi, d'accord ?

— Parle-moi encore, s'il te plaît. Dis quelque chose. N’importe quoi. Et ne me laisse pas m’arrêter.

— D'accord, Alduis. On marche.

Quant à dire quelque chose… Avant de lui parler plus de sa découverte, il fallait s'assurer qu'il soit bien ancré dans la réalité. Enfin... Autant qu'il le pouvait. Et elle devait éviter les sujets délicats, pour ne pas faire autant de dégâts que la dernière fois… Il fallait qu'elle en sache plus.sur ses crises. Pas pour satisfaire une quelconque curiosité malsaine, seulement pour savoir mieux les éviter.

— Je suis là, d'accord ? dit-elle pour se donner le temps de réfléchir.

Elle sentait de l'égarement dans son pas. Elle l'accrocha fermement et s'efforça de rendre un rythme soutenu à leur démarche. Un peu contraignant pour elle, mais juste bon pour lui. Il n'y avait plus que lui.

— J'ai reçu une lettre ce matin. D'un ami, Gabriel. Devine ce qu'il m'a dit.

Il lui avait demandé de dire n'importe quoi… Bah voilà où elle en était. À dire vraiment n'importe quoi. Il fallait qu'elle le fasse interagir, pour être sûre de le garder.

— Il m'a dit que mon oncle lui avait proposé ma main. Et qu'il nous avait obtenu un sursis de trois mois. Trois mois à la capitale. Je suis certaine qu'Ariste t'a parlé de Gabriel. Alors... Tu vois où est le problème ?

Dire n'importe quoi. Les premiers tracas qui lui venaient à l'esprit. La lettre de ce matin. Gabriel qui la suppliait presque de réagir vite. Devait-elle le prendre mal ? Était-elle égoïste de penser à ça maintenant ? N'était-cenpas justement le genre de sujet à éviter ? Elle détestait ne pas savoir. Comment l'aider, si elle ne savait pas ?
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Message par Alduis de Fromart Ven 18 Déc - 16:54

Marcher. Il devait marcher. Rester en mouvement. Et ne surtout pas s’arrêter. Ce serait comme tomber sur un champ de bataille : la mort assurée. Il ne voulait pas partir. Il ne devait pas. Et Éléonore était la seule qui pouvait s’en assurer. Tout reposait sur ses épaules. À la manière dont il venait de se confier à elle, de la supplier de ne pas le laisser, de lui donner sa confiance, il en avait parfaitement conscience.

Il s'était rarement abandonné ainsi à quelqu'un. Encore moins à une femme. Mais Éléonore n'avait aucune autre attention que celle de discuter, là était peut-être la différence. D'un autre côté, il n'avait pas le choix. S'ancrer dans le présent maintenant, sans personne sur qui s'appuyer, représentait tâche impossible. Elle était précisément, à cet instant, la seule capable d'y parvenir.

Elle se précipita dans ses bras pour le serrer contre elle et cela le laissa interdit. Comme il ne savait pas comment réagir, il resta immobile. Elle finit par reculer pour lui attraper le bras.

— D'accord, Alduis. On marche.

Mais il ne suffisait pas de marcher. Il fallait qu'elle lui parle. Qu'importe de quoi, qu'importe que cela ait un réel sens ou non, mais elle devait lui raconter quelque chose, pour qu'il l'écoute elle plutôt que les voix — jalouses d'être délaissées. Tant que le silence régnait, ces dernières étaient bien trop contentes de le remplir de leurs viles murmures. Elles étaient telles le chant des sirènes, ou le ballet des lames : envoûtantes. Mortelles.

— Je suis là, d'accord ?

Et en écho, les voix répétaient : Nous sommes là. Nous serons toujours là.

Parfois, sans s'en apercevoir, elles le hapaient, manquaient quelques instants de le submerger et alors ses pas menaçaient de s'arrêter. Et si Éléonore n'avait pas été là pour le tirer par le bras et le forcer à avancer, il serait resté immobile aux milieux des jardins blancs. Ils marchaient vite, et ses pas naturellement cadencés se calaient d'eux mêmes sur le rythme qu'elle imposait.

Il était là, à côté d'elle mais pas entièrement. Une partie de lui avait envie de se perdre, parce que cette partie-là aimait cette idée. Se perdre. Ne plus retrouver son chemin. C'était tellement tentant. Aurait-il su résister à l'appel et à la tentation sans la voix de la jeune femme qui le forçait à se concentrer sur le présent ? Il savait bien que non.

— J'ai reçu une lettre ce matin. D'un ami, Gabriel.

Gabriel. Ce n'était pas la première fois qu'il entendait ce prénom. Ariste lui en avait beaucoup parlé, comme étant celui qui avait été son premier amour, son meilleur ami, et celui qui avait fait accepter sa nature. Alduis avait entendu beaucoup de choses sur lui. Combien de fois avait-il ressenti ce pincement envieux dans le ventre, en l'écoutant en parler ?

Alduis n'aurait confié sa vie qu'à un seul homme, et il était mort. Quant aux autres, il savait désormais à quoi s'en tenir. Si personne ne pouvait achever un homme malade qui ne demandait qu'à mourir, alors il préférait se débrouiller seul.

Il savait donc quels liens entretenaient Gabriel et Ariste… Mais deviner ce qu'il pouvait bien dire à Éléonore restait plus compliqué. Il ne parvenait pas à réfléchir suffisamment pour cela. Tout ce dont il se souvenait, c'étaient les bonnes relations qu'ils entretenaient, et les circonstances de la rencontre. À cette occasion, il s'était même demandé ce qu'aurait dit Bérénice, si elle l'avait surpris aussi. Mais cela n'était jamais arrivé.

Comme il n'en savait rien, il l'a laissa poursuivre.

— Il m'a dit que mon oncle lui avait proposé ma main.

C'était donc ça. Alduis eut un moment de silence. Il ne répondit rien. Cela lui rappelait cruellement son mariage qui se rapprochait jour après jour. Avec Florentyna de Monthoux. Il n'en avait aucune envie, et il avait beau essayé de temporiser, qu'il ne pourrait pas y échapper et que ce n'était qu'une question de devoir, il voyait toujours cela de la même façon : une corvée. Une corvée horriblement exigeante et désagréable. Alors il mesurait très bien le problème, justement. De bien des manières.

— Alors, il faut que tu trouves un mari pendant ces trois mois, c'est ça ?

Sa voix s'était faite plus claire et assurée. Il se tourna même vers elle pour la regarder quelques secondes, avant de revenir vers le paysage blanc.
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Message par Éléonore de Fromart Ven 18 Déc - 20:15

Elle devait parler. Parler, dire n’importe quoi. S’assurer qu’il reste attaché à la réalité. Elle avait peur. Elle le tirait pour marcher à bon rythme. Surtout, ne pas le laisser s’arrêter.

Puis, comme elle ne savait pas quoi dire, elle lui parla de la lettre de Gabriel. Ce matin, elle n’avait pas su si elle devait en rire ou s’en inquiéter. Se marier avec Gabriel… Aucun d’eux n’aurait la volonté de contester la volonté du comte de Tianidre. Jamais. Il faudrait la détourner.

C’était ce qu’avait fait Gabriel : il avait convaincu son protecteur qu’Eléonore ne leur pardonnerait jamais si des fiançailles précipitées venaient remplacer la liberté qu’on lui avait accordée. Qu’il fallait lui accorder un délai. Qu’elle ait le temps de voir par elle-même que séjourner à la capitale ne lui convenait pas, et qu’il n’y avait rien pour lui plaire dans ce nid d'hypocrites. Et la laisser séparer Tianidre du deuil insurmontable qu’elle y associait.

Eléonore ne pensait pas en venir à détester Braktenn. Être enfermée chez dans sa chambre ici était peut-être même moins difficile que de l’être à Tianidre. Dire qu’elle avait quitté son château dans l’espoir de se détacher d’Ariste… et qu’on avait mis Alduis de Fromart sur son chemin. Se détacher d’Ariste. Elle riait à part elle de cette idée parfaitement absurde. Elle n’était rien sans lui. Elle n’était rien depuis qu’elle l’avait perdu.

Rien qu’une carcasse errante, mue par la volonté d’un grand frère disparu. Exister… Tu existes, Eléonore. Exister pour elle seule, c’était impossible. Exister pour Ariste… Ariste n’aurait jamais abandonné une personne qui avait besoin de son aide. D’autant plus qu’il avait réussi à s’éprendre de cette personne en particulier. Ariste serait resté, quitte à se mettre en danger. Et de toute façon, la jeune femme n’était pas non plus capable de laisser un homme à sa détresse.

Alduis trouva. Il parlait toujours. Elle hocha la tête en croisant son regard. Elle ne savait pas si c’était le soulagement de l’avoir gardé, la peur de le perdre dans son délire ou l’ironie de la situation qu’elle laissait transparaitre dans ses traits.

— Si on veut y échapper, il faudra bien. L’idée de se marier ne l’a jamais vraiment attirée -- tu sais sans doute ce que c’est -- mais se marier avec moi ! Mon Dieu, quelle horreur !

Elle hésita un moment. Quelle gourde ! S’il savait effectivement si bien de quoi elle parlait, cette pensée ne devait pas lui être agréable.

— Je veux dire… J’ai couvert leurs sorties. A l’un comme à l’autre, d'ailleurs. La seule à être dans la confidence. Épouser Gabriel, même s’il avait été attiré par les femmes, aurait été une aberration. Je le considère plus comme… une espèce de frère.

Eléonore hésita. Un frère… Non, ce n’était pas si fort, mais c’était bien une amitié comme celle-là. Qui n’aurait jamais eu de sens à évoluer, quoi qu’il en soit.

— Pas comme Ariste. Mille fois moins qu’Ariste, se sentit-elle obligée de préciser. Ariste c’était… ce n’était même pas une part de moi-même, c’était moi presque toute entière. Tout ce qu’il y avait de bien en moi, en tout cas, c’était lui. Il me rendait courageuse, espiègle, joviale, altruiste... Il me faisait exister...

Et sans lui, elle n’était plus rien. Sans lui, elle était inutile et incapable de vivre. Elle avait attendu cinq longues années qu’il revienne définitivement à la maison, pour que sa vie reprenne. Pour être à nouveau réellement heureuse. Elle avait eu l’impression qu’il était absent, et pourtant, ils avaient partagé ces cinq années. Il vivait en elle et elle en lui. Même à cette distance, elle était restée presque courageuse, presque espiègle, presque joviale, presque altruiste… Presque quelqu’un. Et maintenant, même si elle voulait croire qu’une part de lui avait survécu en elle -- sinon, que faisait-elle en vie ? --, elle n’était plus rien. Plus personne.

Toutefois, elle sentit que la conversation allait dévier à la morosité. Cela n’aiderait pas Alduis. Alduis était là. Plus important que ses états d’âmes, car il avait besoin d’elle. Car elle était la seule responsable de cette crise -- il allait très bien en sortant, et égoïste comme elle était, elle était venue lui déballer ses découvertes déstabilisantes.

— Mais c’est Gabriel qui a initié l’idée de notre meilleure plaisanterie, lança-t-elle pour changer de sujet.

Elle devait s’assurer qu’il était toujours là :

— Tu veux que je te la raconte ?
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Message par Alduis de Fromart Dim 20 Déc - 17:39

Éléonore hocha la tête quand il croisa son regard. Elle disposait donc bel et bien d’un délai de trois mois pour trouver un mari. Ou elle devrait épouser Gabriel. Ce ne semblait pas être une perspective réjouissante et Alduis n'avait aucun mal à l'imaginer. Bien au contraire.

Il se représentait mal ce qui pouvait être plaisant dans un mariage, de toute manière. Ce n'était jamais qu'une alliance avantageuse entre deux familles qui voulaient tirer le plus gros bénéfice de cette union, qu'importe que ce soit au détriment de leurs propres enfants. Certains s'en accomodaient, d'autres ne le faisaient jamais.

Il savait pourtant que se marier à vingt-huit ans était déjà exceptionnel. Il avait bien retardé l'échéance et la plupart des hommes se trouvaient épouses plusieurs années avant. Il fallait bien que le sort tombe un jour — et c'était maintenant. Mais cela lui semblerait toujours trop tôt.

C'était son devoir. En tant qu'héritier de la famille, il se devait d'avoir des enfants. Mais quel genre de père ferait-il au juste ?

Au fond, Ariste avait de la chance. Il n’aurait jamais à se marier et il n’avait plus besoin de se battre pour vivre. Alduis l’enviait. Mais il se garda bien de le faire remarquer à Éléonore. Il avait bien compris qu'on ne le disait pas aux vivants, quand on enviait le néant insipide de la Mort. Ils ne comprenaient pas, et parlaient comme si Alduis ne réalisait pas la signification ou les conséquences de ses actes. Alors que c’étaient eux qui se fourvoyaient. Lui savait pertinemment ce qu’il souhaitait, quoi qu’ils en disent. Il voulait mourir.

Dire qu’Alduis s’était engagé dans l’armée sans penser que cela retarderait son mariage, puis l’annulerait définitivement s’il venait à laisser la vie sur le front aurait été mentir.

Éléonore continuait de parler et lui offrait une ancre pour ne pas dériver. Il s’y raccrochait du mieux qu’il pouvait en l’écoutant.

— Il me rendait courageuse, espiègle, joviale, altruiste...

— Tu l’es toujours, répondit-il spontanément, sans réfléchir. Il te permettait peut-être d’exprimer ce que tu es, de faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en toi, mais il ne te transformait pas.

Courageuse, elle l’était, précisément parce qu’elle était toujours vivante, quand bien même la mort d’Ariste l’avait affectée. Il fallait avoir du courage pour vivre. Il sentait la nervosité qui se dégageait d’elle mais elle faisait ce qu’elle pouvait pour la refouler au fond d’elle.

Son espièglerie et sa jovialité étaient toujours là, elles aussi, puisqu’elle lui avait ébouriffé les cheveux quelques minutes plus tôt.

Quant à son altruisme… Elle l’aurait laissé se perdre au milieu des voix si elle ne l’avait pas été.

Mais Alduis dérivait trop vite et trop longtemps, car la jeune femme était déjà passée sur autre chose sans qu’il ne voit le temps passer. Comme si les secondes ne passaient pas à la même vitesse pour lui que pour les autres.

— Tu veux que je te la raconte ?

Raconter quoi ? Qu’avait-il encore manqué ? Mais comme il refusait de reconnaître qu’il avait loupé des informations, il hocha la tête, sans savoir à quoi s’attendre.

— J’écoute, dit-il comme elle semblait attendre une réponse.
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Message par Éléonore de Fromart Lun 21 Déc - 13:02

— Tu l’es toujours. Il te permettait peut-être d’exprimer ce que tu es, de faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en toi, mais il ne te transformait pas.

Tu le penses vraiment ? voulait-elle demander.

Mais il était évident qu'Alduis ne savais pas ce qu'il disait. Ou peut-être… peut-être qu'il ne se trompait pas tout à fait. Mais tout cela, il fallait se rendre à l'évidence, ne pouvait ressortir sans Ariste. Elle n'était plus rien, sans lui. Même pas capable de répondre à ça. Alors, elle demanda s'il désirait qu'elle raconte leur meilleur coup. Au moins, cette histoire-là n'était pas affligeante. Il accepta.

— C'était… C'était avant qu'Ariste ne retourne au front, après la mort de Tante Anne. Tu sais, revoir Ariste, c'était… fort. Me rendre compte que rien n'avait changé malgré la distance. Certes, c'était tendu entre mon oncle et lui mais... Enfin, soit, aucune importance.

Les opinions d'oncle Eineld étaient taboues. Elle faisait confiance à Alduis, mais cela, elle ne devait pas lui dire. Leur secret. Quant à ce que le comte de soit opposé à ce que son fils combatte... si Ariste n'en avait pas parlé, ce n'était pas à elle de le faire. D'autant que cela n'apportait rien à son anecdote.

— Il allait repartir une semaine plus tard et... Et on voulait marquer le coup. Notre dernière et meilleure plaisanterie. Enfin... Je crois qu'on ne s'était pas rendu compte que c'était vraiment la dernière. Mais ce n'est pas la question.

Non. Clairement pas. Parce que vivre sans Ariste était tellement inconcevable que l'idée qu'il puisse périr semblait absurde. Il allait revenir. Plus tard. Bientôt. Et leur vie reprendrait comme avant. Encore mieux qu'avant, car ils auraient mûri.

— C'est là que Gabriel a eu l'idée de simuler une grossesse. Enfin... Que moi, je simule une grossesse. Nous avions d'abord déposé une lettre cachetée dans le bureau d'oncle Eineld, pour nous couvrir. Il ne s'agissait pas de me laisser finir en couvent. Et... C'est là que cette affaire a vraiment commencé. L'air de faire des cachotteries et d'interrompre nos conversations à chaque fois que nous croisions ma gouvernante ou oncle Eineld – ce n'était pas nouveau, mais nous mettions l'emphase –, l'air de s'inquiéter, aussi. Et puis... Quelques signes plus évocateurs, aussi.

Éléonore rit à part elle en se remémorant la magnifique comédie qu'elle avait jouée. Était-ce mal ? À bien y penser, ce n'était pas une histoire qui se racontait. Elle avait eu une conduite honteuse… mais Ariste et Gabriel étaient de son côté, à l'époque. Qu'aurait-elle pu faire de mal avec le soutien d'Ariste ?

— Enfin, soit. Tout ce qu'il fallait pour qu'oncle Eineld et Eltinne aient des soupçons. Et puisqu'il n'avait toujours pas ouvert la lettre…

Éléonore gloussa. Ces expressions outrées sur leurs visages, cela n'avait pas de prix !

— Le plus délicat, ça été de l'annoncer. Nous étions à table. À quatre. Et mon oncle a toujours eu horreur que des domestiques restent dans la pièce. Nous savions tous les trois qu'il se doutait de quelque chose, et qu'il allait nous – enfin : me – demander des comptes. Nous n'étions même pas servis que je sentais déjà son regard pesant sur moi. Ils se marraient bien, les deux autres, car c'était moi qui risquait le plus gros dans l'histoire. Mais là, ils étaient réduits à la même impassibilité que moi.

Ce qu'il avait été difficile de ne pas échanger moult œillades complices. De ne pas rire au larmes avant d'avoir asséné le coup de grâce.

Dans les jardins de Fromart, cela marchait toujours à bon rythme. Parfois en tirant un peu plus fort sur le bras d'Alduis. Et Éléonore s'évertuait à empêcher son regard de se vider.

— Je me souviendrai toujours de ce moment-là. Oncle Eineld s'est éclaircit la voix, puis à articulé mon prénom d'un ton... Ça m'a presque rendue coupable. A la fois furieux mais prêt à tout arranger. Comme si une fois avoué, ma bêtise n'aurait, à ses yeux, plus la moindre importance. Et... J'ai failli renoncer, tout lui expliquer. Tu sais, je déteste mentir. Je ne sais pas mentir sur ce que je ressens ou... Ou ce qui compte pour moi. Je ne sais pas. Mais là, c'était un jeu. Tu comprends la différence ? C'était… Pour rire. D'ailleurs, on a toujours dit, avec Ariste et Gabriel, que nous ne remplirions jamais de défi si ce devait nuire à quelqu'un d'autre que nous. Ni qui pourrait réellement blesser quelqu'un. C'était tout à fait inconcevable. C'était…

Naïf ? Peut-être, mais c'était la règle numéro 1. Et là, a se perdre elle-même comme une égocentrique finie dans sa narration, elle ne faisait pas ce qui était important. Elle n'aidait pas Alduis.

— Enfin, soit. Finalement, je n'ai rien lâché sinon un "je crois que je suis enceinte". Nous avions prévu toute une tournure, mais je n'y tenais plus. Et là... Là, oncle Eineld a répété mon prénom. M'a demandé "qui" avec ce ton qui laissait entendre que cette personne allait horriblement mal finir. Là aussi, nous avions prévu de le laisser mariner un peu mais... "Personne", ai-je répondu. "Personne, je ne comprends pas je...". Le pire, c'est que je ne simulait même pas le bégaiement. Et là... Là, Ariste a éclaté de rire. Ariste avait un tel rire... Tu l'as déjà entendu rire ? Mais Gabriel et moi n'y avons pas résisté. Nous n'avons plus su nous arrêter jusqu'à ce qu'Ariste doive repartir. Oh, mais si tu avais vu la tête de mon oncle. Évidemment, il a très vite compris qu'on lui avait encore joué un tour. Je me suis pris une gifle assez mémorable, d'ailleurs. Visiblement, cela ne l'a pas amusé. Mais nous ! Nous !

Éléonore avait du mal à réprimer son hilarité. Ce dernier et merveilleux moment de complicité avec celui qu'elle aimait plus que tout... Pour toute les gifles du monde, elle n'y aurait pas renoncé.

— D'accord, concéda-t-elle. Ce n'est pas drôle quand on le raconte. Mais je t'assure que c'était magnifique.

Oui, s'il avait été là, il aurait compris combien c'était hilarant. Ça valait même le pincement de culpabilité qui la prenait en songeant à son oncle.

— Ça va, Alduis ? s'enquit-elle. Et dans sa voix se tapissait une autre question : "tu es toujours là ?"
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Message par Alduis de Fromart Mar 22 Déc - 18:46

Éléonore parlait. Elle continuait de le tirer, sans le laisser s'arrêter, ne serait-ce que pendant une seconde. Elle marchait vite, pour pouvoir compenser la différence entre ses foulées et celles d’Alduis, nettement plus grandes. Nombre d’attentions qui, si elles ne représentaient peut-être pas grand-chose pour elles, étaient précisément les seules choses qui le maintenant avec elle.

Les efforts qu’elle fournissait le touchaient sincèrement. Elle aurait pu faire demi-tour et l’abandonnait à sa folie. Mais non, elle était toujours là, à le tenir par la main. Il aurait voulu l’en remercier, mais il ne fut pas assez rapide : elle avait déjà commencé le récit de son anecdote.

Il y eut une phrase d’introduction. Elle planta le décor. Le retour d’Ariste du front. Les retrouvailles. Les dernières retrouvailles. Comme elle le rappelait involontairement. C’était lui, Alduis, qui avait vu ses derniers instants. C’était lui qui avait provoqué ses derniers instants.

S’en voulait-il ? Peut-être, oui. Certainement. Parce qu’il ne pouvait se défaire de cette impression diffuse qui lui disait que, peut-être, une amélioration miraculeuse aurait été possible. Les miracles n’existaient pas, certes, mais peut-être aurait-il guéri ? Comment le savoir, puisqu’il ne lui en avait pas laissé la chance ? Quand il regardait Éléonore, la manière dont elle ne cessait de parler de lui, il ne pouvait pas s’empêcher de se dire qu’il avait tué deux personnes ce jour-là.

Il aurait voulu s’excuser. Mais à bien y penser, il y aurait eu beaucoup de choses qu’il aurait aimé faire. Mais comment disait-on cela, au juste ? Y avait-il seulement une manière ? Rien n’était moins sûr. Et de toute manière, le moment était déjà passé. Le moment passait toujours avant qu’il n’ait le temps de réagir.

Simuler une grossesse. Voilà leur dernière farce. La précision qu’elle fit, en ajoutant qu’elle avait été la pièce maîtresse de la plaisanterie le fit sourire. Après tout, il se doutait bien que ni Ariste, ni Gabriel n’aurait pu simuler d’être tombé enceinte. Pas plus qu’il ne pourrait jamais le faire lui-même.

Et ce n’était pas la première fois qu’il l’entendait, d’ailleurs. Ariste lui avait raconté aussi et il aurait encore su redire précisément quels avaient été ses propos à ce sujet. Mais il laissa conter, sans la couper, et il l’écouta avec la même attention que s’il apprenait cette histoire pour la première fois.

Elle riait. C’était étrange de l’entendre rire. Parce que c’était la première fois qu’elle le faisait de cette manière depuis qu’il l’avait rencontrée. Et aussi parce qu’elle avait la même façon de rire qu’Ariste. Elle avait le timbre plus féminin, bien sûr, mais… quelque chose résonnait, quelque chose qui était semblable.

— J’ai failli renoncer, tout lui expliquer. Tu sais, je déteste mentir.

— Moi aussi, répondit-il spontanément.

Et d’ailleurs il ne mentait pas. Mais ce n’était pas cela qui changerait les choses : il devrait toujours se cacher pour pouvoir aimer… et se cacher, c’était une forme de mensonge. Bientôt, il mentirait tous les jours. Dans quelques mois, quand il serait marié. Il soupira, et lâcha de nouveau sans réfléchir d’un ton lourd de résignation :

— Je n’ai pas envie de me marier.

Mais il n’avait pas le choix. C’était son devoir. Il devait respecter ses devoirs. Ses fiançailles n’étaient pourtant pas le sujet et la seconde d’après, il secouait la tête, mal à l’aise, d’un air de dire : pardon, continue ce que tu avais à dire. Ce qui ne fut pas long à venir.

— Là aussi, nous avions prévu de le laisser mariner un peu mais... "Personne", ai-je répondu.

Alduis eut un sourire, et comme elle évoquait le fou rire qu’avait eu Ariste à cet instant, il confirma :

— Tu sais… tu lui ressembles plus que tu ne le crois.

Elle était même amusante à rire en y repensant. Sûrement dut-il prendre un air plus pensif, car elle demanda aussitôt :

— Ca va, Alduis ?

Alduis s’ébroua et il hocha la tête.

— Oui, désolé. Je suis là, c’est bon.

Il fit une pause, laissa le temps de quelques pas puis demanda, finalement, parce que cette question continuait de tourner dans sa tête et qu’il avait besoin d’entendre la réponse :

— Alors ? comment tu sais qu’il m’aimait vraiment ? Je promets que je ne vais pas partir, mais s’il te plaît, dis-le moi.

Il en avait besoin, sans pouvoir se l’expliquer précisément.
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Message par Éléonore de Fromart Mar 22 Déc - 23:36

Alduis intervenait. Et elle, comme une idiote, elle poursuivait son récit ! Elle aurait dû rebondir sur ce qu'il disait. Pour cette affaire de mensonge, elle avait hoché la tête, l'air de dire "ça se ressent". Pour cette question de mariage, elle n'avait tellement pas su quoi en dire qu'elle s'était empressée de poursuivre son anecdote. De toute façon, elle lui demanderait bientôt ce qu'il en était. Juste après, si elle y pensait... Et si elle oubliait aujourd'hui, elle lui demanderait un autre jour. Elle n'avait plus envie de le quitter. Elle l'aimait bien. Et puis... Elle sentait que, d'une certaine manière, ils avaient besoin l'un de l'autre.

Entendre qu'elle ressemblait à Ariste la laissa quelques secondes interdite. Elle ne savait pas. Elle avait été tout lui. Parce qu'elle avait puisé en lui toute les qualités qu'elle avait possédées. Mais... Elle ne serait jamais qu'une pâle copie. Sauf pour Ariste. Son Ariste savait faire d'elle quelqu'un de formidable. Il savait voir en elle quelqu'un de formidable. C'était touchant. Une comparaison tellement flatteuse, mais qui semblait pourtant si sincère...

— Merci, répondit-t-elle simplement, sans pouvoir réprimer un large sourire.

Était-il vraiment revenu ?

— Oui, désolé. Je suis là, c’est bon.

Oui, il avait vraiment l'air d'être revenu à lui. Elle laissa échapper un soupir de soulagement puis... Elle ne put s'empêcher de l'étreindre. Il lui avait fait tellement peur ! Elle n'était même plus si mal à l'aise que ça en le lâchant.

Elle se demandait s'il était prudent de l'interroger sur cette histoire de mariage ou sur ce qu'étaient précisément ses crises quand il lui demanda de s'expliquer sur ses certitudes. Elle avait dit qu'elle le ferait, et elle le ferait de bon cœur. Parce qu'il méritait une explication, parce qu'elle lui faisait confiance... Et pour ses autres questions, elle n'était pas pressée. Elle aurait tout le temps de les lui poser ensuite. D'attendre qu'il soit prêt.

Elle se rappella, dans un éclair, le délai de trois mois. Elle allait devoir se marier rapidement. Si elle se retrouvait liée à Gabriel, il y avait de grande chance qu'il l'a laisse libre de ses mouvements. Et un autre… Elle espéra que quoi qu'il arrive, cela ne la prive pas de cette amitié naissante. Elle y croyait. Peut-être un peu grâce à Ariste. Peut-être un peu pour Ariste. S'il l'avait aimé – ce dont elle était certaine –, il aurait certainement voulu qu'ils se rencontrent. Qu'ils s'entraident. Parce qu'Ariste était comme ça : totalement désintéressé. Dévoué. Et s'il tenait à quelqu'un, il tenait à ce que cette personne soit heureuse même si cela devait lui causer du tort. Au fond... N'était-ce pas pour les mêmes raisons qu'Éléonore l'avait laissé partir ? Pour faire taire, pour une fois, son satané égoïsme ?

Expliquer à Alduis. Pour cela, il fallu lui tendre une lettre. Elle en avait quelques unes. Elle commença par celle d'un certain 15 novembre. Le jour qui venait après le le fameux 14. Ariste y parlait de la couleur du ciel, de l'état de son encrier, d'une conversation grotesque qu'il avait surprise entre certains soldats à propos d'un camarade mort. À priori, rien qui n'aurait pu informer Éléonore des évènements de la nuit. Le nom d'Alduis n'y était mentionné qu'une fois. Ariste disait qu'il l'appréciait, sans rien préciser de plus.

— Il ne m'a rien dit d'autre sur cette journée-là, s'empressa de préciser Éléonore. — Il ne m'a rien dit d'autre sur cette journée-là. En revanche, il m'avait écrit la veille. Son ton a changé entre les deux. C'est comme ça que j'ai su que vous étiez deux idiots incapables de faire attention !

Elle lui adressa un grand sourire.

Ça m'importe parce que je tient à vous. À lui à l'époque, à toi maintenant. Alors fais gaffe !

— On se connaissait tellement bien qu'on lisait facilement entre les lignes. On lisait dans l'écriture elle-même.

Elle échangea la lettre qu'il tenait contre une autre, beaucoup plus récente.

— Il se mentait à lui-même, mais quand il parlait de toi – ne le prend pas mal, Ariste me parlait de tout ; la seule chose qu'il ne me révélait pas, c'étaient les confidences des autres –, il y avait quelque chose. Et ce quelque chose n'a fait que grandir. Une bonne part de ce que je te dis se résume à de l'instinct. Parce qu'on était… on était un tout. On n'avait pas besoin de parler. Mais si tu veux des détails plus concrets... Il parlait de tes amants avec une certaine jalousie…

Non, là, elle extrapolait.

— Enfin... Il ne m'a jamais dit que c'étaient tes amants, il ne te mentionnait même pas, mais je suis prête à parier que c'était ça. Quant à la jalousie… Ariste n'était pas d'un naturel jaloux, mais j'ai toujours su quand il l'était. Même juste un peu...

Elle désigna à Alduis son prénom, au milieu de la feuille.

— Et puis, comme je te l'ai dit, il y a la calligraphie elle-même. Quand tu parles avec quelqu'un de proche, tu peux tout deviner à son langage corporel, à la lueur dans ses yeux… des choses comme ça. Nous, nous n'en avions même pas besoin. Les variations de calligraphies remplaçaient le langage corporel, la voix... Et quand je lis ton prénom, là... C'est comme si...

Elle s'arrêta, prit une grande inspiration et prononça "Alduis" sur le ton le plus monotone et peu impliqué qu'elle pût mettre en application.

— Comme s'il s'appliquait à éviter d'y mettre la moindre émotion. Ça, c'est clairement un signe qu'il se ment à lui-même. Et...

Elle sortit une dernière lettre et la lui présenta.

— Seulement, parfois, quand on se ment à soi-même, on se trahit. Et on laisse parfois transparaître la vérité. Tel qu'il l'écrit ici, (elle pointa une nouvelle occurence du prénom) il le prononce comme le plus beau mot du monde, avec des étoiles dans les yeux, un sourire béat et tout ce qui va avec. Franchement, j'ai du mal à croire que je ne l'ai pas compris plus tôt ! En fait... Je crois que moi aussi, je me voilais la face.

Elle déglutit. Que venait-elle encore de débiter comme énormités.

— Ça y est, déplora-t-elle. Tu me prends définitivement pour une folle, maintenant !
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Message par Alduis de Fromart Mer 23 Déc - 16:50

Alduis n'aurait su expliquer pourquoi, mais il avait besoin de savoir. Comment avait-elle compris qu'Ariste avait été amoureux de lui ? Était-ce une curiosité malsaine, comme celle qui l'avait poussée à se pencher pour voir le corps déchiqueté de Mathurin en contrebas ? Ou bien encore autre chose ? Il était sûr qu'il finirait par regretter, comme il regrettait de ne pas avoir fait demi-tour sans un regard en arrière ce jour-là, mais il ne pouvait pas s'empêcher de poser la question. Précisément comme les insectes s'approchant de la lumière : ils connaissaient le danger mais l'attraction était plus forte qu'eux. Ils finissaient par brûler.

Il faillit dire qu'il ne voulait plus savoir, qu'il préférait ignorer ce qu'elle s'apprêtait à dire, mais il était trop tard pour cela. Elle venait de lui tendre une lettre et il n'eut d'autre choix que de la prendre et de contempler l'écriture d'Ariste. Elle datait du 15 novembre, et il n'avait pas besoin d'en savoir plus pour comprendre ce qu'il s'était passé la veille.

Alduis regardait les mots sans les déchiffrer. Il n'osait pas. Après tout, c'était leur correspondance. Avait-il vraiment le droit de la lire ? Certainement pas. Pourtant, la voix d'Éléonore s'éleva quelques secondes plus tard et, s'apercevant qu'elle semblait partir du principe qu'il avait pris connaissance du contenu, il s'exécuta. Ariste n'y disait pas grand chose d’important. Mais comment pouvait-il trouver autant de choses à dire, quand Alduis arrivait tout juste à écrire deux phrases quand il y était forcé ? Le voir couvrir les lettres de caractères serrées l'avait toujours émerveillé…

Surpris par l’exclamation de la jeune femme, Alduis releva la tête pour la regarder, se détachant un instant des lignes soignées.

— Personne ne nous a surpris, remarqua-t-il simplement avec un infime froncement de sourcils. Et puis pourquoi faut-il sans cesse faire attention ? Qu'y a-t-il de mal, là-dedans ?

Après tout, il n'avait jamais fait que l'embrasser et le désirer l'espace d'une nuit. Mais là n'était pas le sujet. D'ailleurs, Éléonore remplaça peu de temps après la lettre qu'il tenait par une nouvelle, plus récente. Alduis hésita de nouveau à la lire, mais se rappelant de la première, il finit par le faire, tandis qu’elle commentait.

— Il se mentait à lui-même.

Vraiment ? Alduis l’observa de nouveau. La lueur au fond de ses yeux était sincère. Pensait-elle vraiment ce qu’elle disait ? Cela semblait si gros et improbable. Quand on regardait Ariste, comment aurait-on pu imaginer qu’il pouvait se voiler la face ? Quant à la suite… elle le laissa un moment silencieux. Il ne savait pas trop comment réagir. Jaloux de ses amants ? Il chercha dans sa mémoire quelque chose qui aurait pu le confirmer et… et il trouva. Pas grand chose, bien sûr, à peine de petits signes, presque invisibles. Un regard par là, un froncement de nez par ici … Ces signes existaient bien. Et ce que sa mémoire lui disait, Alduis ne pouvait pas le nier. Parce qu’il n’avait pas d’imagination. Parce qu’il ne pouvait pas l’avoir inventé. Il ne répondit pas.

Du bout de l’index, Éléonore lui désigna son prénom, au centre de la lettre. La calligraphie… Alduis avait déjà du mal à interpréter certains signes du visage, même ceux des personnes qu’il connaissait depuis toujours, alors le faire par le biais de l’écrit lui semblait proprement impossible. Mais ce n’était pas parce que cela l’était pour lui que personne n’en était capable. Et si la jeune femme le lui disait, alors il lui faisait confiance.

Il l’écouta prononcer son prénom, du tout le plus formel et guindé qu’elle pouvait. Avant d’expliciter davantage par quelques explications bienvenues. Elle sortit une troisième et dernière lettre pour la lui montrer de nouveau. De ses doigts fins, elle lui indiqua une nouvelle fois son prénom, sans cesser de parler.

— Tel qu’il l’écrit ici, il le prononce comme le plus beau mot du monde, avec des étoiles dans les yeux, un sourire béat et tout ce qui va avec.

Alduis serra imperceptiblement ses doigts autour du velin en observant les courbes de son nom.

— Tu crois ?

Elle semblait si sûre d’elle, quand elle en parlait. Il fit une pause, le temps de réfléchir et de faire quelques pas avant de reprendre :

— Tu sais… avant de mourir, il me l’a dit… Je veux dire, qu’il m’aimait, il l’a dit. Mais je sais pas, je me suis dit que… que ce n’était que les derniers mots d’un mourant en plein délire.

Il ne prenait pas Ariste pour un fou, loin de là - pas plus qu’il ne le faisait avec Éléonore d’ailleurs. Mais il était malade, et les fortes fièvres comme savait provoquer le typhus faisaient délirer. Tout le monde le savait. Pourtant, il y avait quelque chose qui n’allait pas. Parce qu’en le disant, Ariste avait l’air à bout de forces, certes, mais lucide.

Il secoua la tête, déstabilisé. Mais demanda de nouveau :

— Depuis quand ? Enfin… depuis quand est-ce qu’il m’aimait ? Quand est-ce que ça a commencé ?
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Message par Éléonore de Fromart Jeu 24 Déc - 21:43

— Et puis pourquoi faut-il sans cesse faire attention ? Qu'y a-t-il de mal, là-dedans ?

— Rien du tout ! s’offusqua Eléonore. Il ne pensait tout de même pas qu’elle jugeait ses préférences, si ? Pas elle. Pas dans sa situation. Mais imagine un peu que ça s’apprenne ! Que cela tourne mal pour vous ! Je ne supporterais pas l’idée de te voir condamner pour manque de précautions, c’est tout.

Eléonore lui proposa une autre lettre, pour continuer ses explications. Elle s’emportait. Combien de fois avait-elle dû rappeler à Ariste et Gabriel que même s’ils n’aimaient pas cela, ils devaient être discrets. Le plus discrets possible. Leur amour valait peut-être la peine de prendre des risques, mais il n’était vraiment pas nécessaire d’en rajouter en ne faisant pas attention.

Elle continua donc à expliquer comment elle avait compris -- ressenti ? -- qu’Ariste était tombé amoureux. Son explication paraissait folle, elle le savait bien. Mais… C’était vrai. Elle en était certaine. Il lui avait suffit d’avoir le déclic, et se sentait idiote de ne pas l’avoir remarqué avant. Elle aurait dû le voir !

Elle aurait dû le faire remarquer à son Ariste. Il s’était fait du mal pour rien. Et elle, elle n’avait pas su l’aider. Elle avait passé sa vie à user et abuser de son soutien, à puiser dans sa force, dans son courage, dans ses qualités. Sans jamais rien lui rendre ! Egoïste Eléonore ! Profiteuse Eléonore ! Inutile Eléonore ! Comment son grand-frère avait-il pu l’aimer tout de même ? Elle, désormais, se détestait !

Mais parler de lui à Alduis, réparer un peu son erreur, la soulageait. Elle expliqua les quelques dérapages calligraphiques -- qu’elle n’avait même pas remarqué avant : indigne qu’elle était !

— Tu crois ?

Si elle le croyait ?

— J’en suis intimement persuadée. Et si je me trompe, c’est que je me suis toujours fourvoyée quant à la force de notre lien.

Et… Même si elle ne lui arrivait pas à la cheville, ce ne pouvait pas être le cas. Car il était tout son coeur, toute son âme, qu’elle serait morte pour lui, qu’elle aurait enduré les pires tortures, pour lui. Qu’elle l’aurait suivi n’importe où si c’avait été nécessaire. Trahi n’importe qui, quitte à ne plus pouvoir se regarder dans une glace. Renoncé à l’amour de sa vie s’il l’avait réprouvé. Elle n’avait besoin de rien s’il vivait. Rien que lui. Le soutenir, envers et contre tout, la comblait amplement.

Alduis confirma ses soupçons. Ariste l’avait dit. Il l’avait dit. Peu importe qu’il fut en plein délire, ça ne pouvait qu’être vrai. La fièvre lui avait juste délié la langue, comme un verre de trop. Il avait avoué une chose qu’il aurait gardé pour lui en toute lucidité, car son Ariste était d’un altruisme sans limite : il n’aurait jamais accepté de faire culpabiliser qui que ce fut pour ses sentiments personnels. Elle le reconnaissait bien là. Si exemplaire, si dévoué, avec pour seule préoccupation le bonheur de ceux à qui il tenait, qu’importe si lui-même devait en souffrir.

Elle aurait aimé être capable d’une telle abnégation. Mais non : elle, elle ramenait toujours tout à elle et puisait chez les autres la force qu’elle n’avait pas. Hypocrite, faible et égoïste.

— S’il avait été dans son état normal, il ne te l’aurait jamais avoué, confirma Eléonore. Il tenait trop à toi pour t’imposer le fardeau d’avoir à t’en soucier. Mais je peux te jurer qu’il était sincère. Il était seulement… perdu.

Disait-elle cela parce que ce fameux 9 avril, elle-même s’était sentie atrocement déboussolée, avant que son cœur ne manque un battement ? Avant qu’une douleur surgie de nulle-part ne l’étreigne ? Lorsqu’une vingtaine de jours plus tard, on lui annonçait le décès de son cousin, c’avait été une confirmation plus qu’une révélation. Ou bien était-ce ce qu’elle se disait après coup, parce que ne s’être rendue compte de rien lui semblait insupportable ? Quoi qu’Alduis en dise, elle était vraiment folle : folle d’amour et de chagrin. Pour le reste… Le temps le dirait.

Quand ? La question la surprit. Elle… Elle ne savait pas. Pas précisément. Elle n’avait pas eu le temps de relire l’entièreté de leur correspondance non plus ! Et puis… Y avait-il vraiment un moment ou on tombait amoureux ?

— Il s’est senti proche de toi dès le début. Il… a tout de suite eu beaucoup d’estime et d’affection pour toi. Cela, c’était facile à dire. A la manière dont Ariste parlait de lui, n’importe qui aurait pu le comprendre. Il l’avait dit plusieurs fois, qu’il appréciait. Quant à tomber amoureux… Dans ses premières lettres après son retour, il semblait s’inquiéter pour toi. Il était… tendu, dès que ton nom revenait. Mais… S’il t’était arrivé quelque chose à l’époque -- il ne m’a rien dit, mais il y avait forcément quelque chose pour qu’il soit si peu serein --, qu’il soit amoureux ou non, il s’en serait inquiété. En tout cas, la dernière fois que je l’ai vu, ce n’était pas le cas. C’est… Après s’être inquiété, qu’il a commencé à se mentir. C’est venu progressivement. Je… Je ne saurais vraiment pas déduire plus, je suis désolée. Est-ce que je le connaissais si mal, pour ne pas savoir être plus précise ? Je suis vraiment désolée.

Elle était nulle, tellement nulle ! Inutile. Incapable. Elle prétendait connaître son cousin, et elle n'avait même rien remarqué ! C'était affligeant.
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Message par Alduis de Fromart Mar 29 Déc - 17:23

Qu’est-ce qui n’était pas normal dans le fait d’aimer les hommes ? Que faisaient-ils de mal ? Il aurait aimé que quelqu’un lui donne une réponse. Mais ils ne savaient que critiquer, tous autant qu’ils étaient. Tout le monde était d’accord pour dire que quelque chose ne tournait pas rond chez lui, que ce n’était pas normal, mais personne pour lui dire ce que c’était exactement. Parfois, il lui prenait cette envie de le dire. Et tant pis pour les conséquences. Mais il n’en dit rien. Il doutait qu’Éléonore cautionne.

Il préféra se concentrer sur les lettres qu’elle lui donnait et oublier le reste. C’était pourtant un sujet au moins aussi glissant que le premier. Sinon plus. Ariste l’aimait. Il le lui avait dit. Et lui … Lui … il avait tué un homme qui l’aimait. Il jeta un regard perdu à Éléonore en le réalisant. Était-il un monstre ? Était-il un monstre, pour tuer tous ceux qui l’aimaient ?

Une fois de plus, il faillit le lui dire. Qu’il avait achevé Ariste, pour lui offrir une mort digne. Mais il n’osa pas. Parce qu’elle le détesterait. Forcément. Il avait de nouveau froid. Il ne pouvait pas le dire. Ce serait comme le corps déchiqueté de Mathurin : il était condamné à porter cela tout seul. Toute sa vie.

— S’il avait été dans son état normal, il ne te l’aurait jamais avoué.

Alduis se rappela de la sensation de chaleur qui avait soudainement envahi son corps. Et de la peur, aussi. Il aurait ne jamais avoir entendu cela. Ou au moins pouvoir se dire qu’Ariste ne faisait que délirer. Mais même cela lui était interdit. Ariste l’avait aimé. Sincèrement. Et… c’était son tour d’être perdu désormais. Il ne savait plus quoi penser.

Mais comment cela avait-il commencé ? Quand ? Qu’avait-il fait pour qu’il l’aime ? Il ne pouvait plus le demander à Ariste. C’était trop tard. Après son retour… Ces mots résonnèrent longtemps dans son esprit.

— Il s’inquiétait pour moi... répéta-t-il pour lui-même.

Il ne dit rien pendant quelques instants. Il n’avait pas les mots. Après son retour. Après le typhus. Alduis baissa les yeux sur sa main amochée. Et il répondit subitement, sans réfléchir - et c’était la première fois qu’il avouait de lui-même ce qu’il s’était passé, ces jours-là.

— J’ai… j’ai été malade. J’ai eu le typhus moi aussi. Mon corps m’a trahi… et je n’avais plus de force dans les doigts et… J’ai demandé à ce qu’on m’achève. Je ne voulais pas m’en relever. Je ne voulais pas devoir vivre avec ça au fond de moi.

Et il ne voulait toujours pas. Il n’arrivait pas à accepter. Il avait sans cesse l’impression que le typhus demeurait présent au fond de son ventre et qu’il grattait pour emporter la partie de lui qui s’accrochait à la vie.

— Il… Enfin, je veux dire Ariste, il me forçait à manger. Mais à quoi ça sert, de bien manger, puisque de toute manière, le résultat finale ne change pas ?

Le corps était toujours aussi faible.
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Message par Éléonore de Fromart Mer 30 Déc - 17:31

— Oui. Et Ariste n’est pas comme moi : il ne s’inquiète jamais sans raison.

Elle déglutit. Pourquoi se remettait-elle à en parler au présent ? Elle papillonait entre les temps depuis le lendemain de sa mort. Ce jour où, inconsciemment, elle avait dit “Ariste aurait été un bon héritier” sans même savoir ce qui était arrivé. Elle s’en souvenait, car son oncle s’en était fâché. Son fils restait son fils. Il serait toujours son fils, même s’il agissait aujourd’hui contre sa volonté. Depuis, elle mélangeait ses mots.

Mais pas le temps de s’en tracasser : Déjà, Alduis expliquait. Lui aussi avait été touché par cette odieuse infection. Comme Ariste. Il avait dû se sentir atrocement mal d’avoir dû rester avec lui dans sa maladie…

Comme Ariste l’avait fait pour elle : il lui avait imposé la vie. Sauf qu’elle, il n’avait pas été là pour la relever. Il l’avait laissée seule. Seule avec son incompétence, sa lâcheté, son désespoir, sa faiblesse maladive, son égoïsme, son coeur vide et sa souffrance insurmontable. Elle n’avait plus désiré que la mort, mais n’avait même pas la force de l’atteindre. Il avait dressé un mur qu’elle ne parvenait pas à franchir devant le gouffre dans lequel elle voulait sombrer. Il l’avait dressé d’un seul ordre. D’une seule dernière volonté.

— Mais à quoi ça sert, de bien manger, puisque de toute manière, le résultat finale ne change pas ?

— Cela sert à ce qu’on te fiche la paix, lâcha-t-elle tristement. Quand tu refuses de manger, on te répète de le faire jusqu’à ce que tu n’ais plus la force de refuse. Au bout d’un moment, tu arrêtes même de protester. Au plus vite tu as mangé, au plus vite ils partent. Et au plus vite tu peux espérer pouvoir tout arrêter.

Sept mois bien productifs qu’elle avait passés. Se morfondre. Chercher la force d’abbattre ce mur qui la séparait de la mort. Supplier Ariste de l’abbattre pour elle. Mais il ne cessait de répéter : “Tu existes, Eléonore. Tu dois exister. Promets-moi de faire un effort.” Mais elle était trop faible pour se relever. Ou bien, comme son oncle l’en avait accusée, elle “préférait se complaire dans son désespoir” ?

— Mais quand une volonté bien supérieure à la tienne t’a enchainé à la vie, tu te retrouves impuissant. Et tu restes. C’est tout. Et tu es vivant, sans l’être vraiment. Parce qu’il ne reste plus rien en toi.

Elle planta un regard déterminé dans celui d’Alduis :

— Mais si Ariste avait été là pour me dire de manger, j’aurais retrouvé l’appétit. Je ne l’aurais même jamais perdu. Et… Tu sais… J’ai eu le temps d’y réfléchir...

Huit mois avec ses pensées, ça permettait de faire plusieurs fois le tour de toutes les réflexions possibles et imaginables.

— … et il ne nous aurait pas forcé à vivre s’il n’avait pas été intimement persuadés que nous pouvions nous en relever. Il ne nous aurait jamais imposé cette épreuve si cela n’avait pu faire que prolonger la souffrance. Il… Il devait être persuadé qu’aussi bien l’un que l’autre, nous avions la force de nous reconstruire. C’est ce qu’il voulait, tu sais. Aussi bien pour toi que pour moi : qu’on s’en sorte. Et qu’on retrouve la force.

Elle eut un rire. Triste ? Cynique ? Attendri ? Elle ne savait pas trop. Un peu de tout, sans doute.

— Tu sais… S’il m’avait dit de me jeter du haut d’une falaise, j’aurais obéi les yeux fermés. Parce que j’aurais su qu’il y avait une raison. Et qu’Ariste savait ce qu’il faisait. Alors, s’il m’a demandé de ne pas le faire… Je dois obéir aussi. Même si je n’y crois pas, je crois encore en lui.

Même si elle n’était rien, sans lui. Même si elle n’était encore capable que de dire des âneries et de débiter un discours déprimant. Et ne penser qu’à elle, comme toujours… Et chercher des réponses à des questions qui n’en demandaient pas.

— Ce que je veux dire, c’est que même si je n’ai pas été malade, je sais parfaitement de quoi tu parles. Et ma réponse, qui ne convient certainement qu’à moi, est : Ariste savait ce qu’il faisait. Fais-lui confiance.
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Message par Alduis de Fromart Jeu 31 Déc - 13:35

Pourquoi devait-il manger, s’il n’avait pas faim ? Pourquoi devait-il prendre soin de lui, puisque cela ne servait à rien ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Il y avait tant de questions qui tournaient en boucle dans son esprit sans jamais trouver de réponses. Mais il avait besoin de savoir. À quoi cela servait, de faire tout ça ?

— Cela sert à ce qu’on te fiche la paix.

Elle avait raison. Quand Ariste insistait jusqu’à ce qu’il daigne manger quelque chose, ce n’était pas par gaieté de cœur, qu’il cédait, mais simplement pour arrêter d’entendre sans cesse la même chose. Oui mais… cela marchait un temps. Mais il fallait sans cesse recommencer. Encore, et encore, et encore. Se forcer à manger. Se forcer à avaler ces mets qui n’avaient aucun goût, sinon celui de la cendre qui avait réduit l’intérieur de son corps.

— Au plus vite tu as mangé, au plus vite ils partent.

Oui, mais ils revenaient ensuite. Et tout recommençait. Il ne répondit rien et demeura dans ses pensées, à méditer les paroles de la jeune femme. Tout arrêter. C’était si attirant. Pourquoi ne l’avait-il pas encore fait ? Ce n’était pas faute d’avoir essayé. Ce n’était pas faute de vouloir. Mais la vie s’accrochait à lui comme un vulgaire mollusque à son rocher.

Qui l’avait enchaîné à la vie ? Ce n’était pas Ariste. C’était cette main, qui avait refusé de l’achever. C’était Joseph, qui l’avait laissé vivre quand Alduis l’avait supplié de mettre fin à ce calvaire. Il n’avait pourtant pas le droit de l’obliger à vivre. Ils ne pouvaient pas …

— Ils n’ont pas le droit ne me forcer à vivre, si je ne veux pas, ils ne peuvent pas.

Il enviait Ariste. Parce que lui, au moins, il avait le droit de se reposer. Il s’était rarement autant reconnu dans les propos de la jeune femme qui continuait de marcher à côté de lui. Soudainement, il se sentait moins seul.

— D’habitude, j’ai… j’ai l’impression que personne ne me comprend.

C’était étrange, cette sensation. D’avoir la certitude que quelqu’un, au moins une personne ici, ressentait ce qu’il ressentait lui.

— Mais toi… toi, tu comprends.

Il n’entendait plus vraiment ce qu’elle disait. Ça n’avait pas d’importance. Il se sentait subitement plus calme à l’idée. Sans réfléchir, il appuya soudain la tête sur son épaule, comme un enfant l’aurait fait. Elle le comprenait. Et c’était rassurant.

— Ne m’abandonne pas, s’il te plaît.
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Message par Éléonore de Fromart Sam 2 Jan - 15:04

Eléonore se rendit compte qu’elle s’était laissée emporter dans un terrible courant de mélancolie. Elle disait des choses… Des choses qu’elle n’aurait jamais dû dire à personne. Même à Gabriel, elle n’avait pas osé avouer combien elle s’était sentie mal. Personne n’aurait pu comprendre.

Alors pourquoi disait-elle tout ça maintenant ? Et pourquoi trouva-t-elle, lorsqu’elle croisa le regard d’Alduis, une si étrange résonance ? Au fond, la réponse, sa raison l’avait déterminée. Mais elle ne voulait pas l’admettre, c’était trop cruel. Il avait vraiment connu le vide. Et bien plus longtemps qu’elle.

Avait-on eu le droit de le forcer à vivre ? De les y obliger, tous les deux ? En ce qui le concernait, elle n’en savait rien. Mais pour elle… Ariste savait ce qu’il faisait. Mieux : il lui avait fait confiance pour se reconstruire. Pour profiter de cette vie pour eux deux, aussi.

Mais elle ne put s’empêcher de se demander… Et Ariste ? S’il s’en était sorti, serait-il revenu à ce point brisé ? Ariste était le plus fort et le plus résilient de tous, mais aurait-il pu vraiment s’en remettre ? Au fond, c’eut été absolument égoïste de sa part de le vouloir en vie à tout prix. Et lui, avait-il été alors égoïste de la forcer à vivre, alors qu’elle était beaucoup plus faible que lui et en souffrait donc infiniment plus ? Non. Lui, il le faisait uniquement pour elle. C’était différent. Ariste, son Ariste, n’était pas égoïste. Jamais.

— D’habitude, j’ai… j’ai l’impression que personne ne me comprend.

Elle hocha la tête. Elle aussi. Parce que la seule personne qui aurait pu tout comprendre était morte. S’il avait été vivant, y aurait-il eu besoin de comprendre quoi que ce soit ? Non : elle serait restée heureuse, avec ses préoccupations d’enfant surprotégées, autrement dit trouver des moyens d’échapper, avec l’aide d’Ariste, à la surveillance d’Eltinne. Avec Ariste. Car vivre, ça ne pouvait se faire qu’avec lui, non ? A travers lui, la confiance qu’il lui portait et qui, autrefois, la rendait invincible. Elle n’avait même jamais peur : si Ariste était si sûr qu’elle ne risquait rien, pourquoi se serait-elle inquiétée ?

— Mais toi… toi, tu comprends.

Oui, elle comprenait. Elle aurait préféré ne rien comprendre -- était-ce encore une preuve d’égoïsme ? -- et qu’il n’y ait rien à comprendre. Elle aurait préféré que le monde demeure tel qu’il était. Elle avait encore du mal à s’y résigner…

— Mais personne ne comprend. On dit toujours qu’il suffit de se bouger, de passer au dessus de ça, comme si c’était facile. Suaf que ce n’est pas facile. Même maintenant, la seule chose qui me fait dire que c’est possible, c’est qu’Ariste me l’a demandé. Ariste n’aurait pas pu se tromper...

— Ne m’abandonne pas, s’il te plaît.

Non, elle n’allait pas l’abandonner. Mais… Il pensait vraiment qu’il avait besoin d’elle ? Ca n’avait pas de sens. Si elle n’avait pas le droit de l’abandonner, ni celui de l’enchainer à la vie, que devrait-elle faire si… Eléonore se figea un instant, puis lâcha le bras d’Alduis pour le serrer fort dans les siens.

— Je… Je ferai tout ce que je peux mais...

Elle resserra son étreinte. Lui non plus, il ne devait pas l’abandonner.

— Je suis désolée d’être partie comme une voleuse l’autre jour… Ce n’était pas contre toi, j’étais juste… L’émotion.
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