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[le 26 décembre 1597] -- Ce que l'on ne peut cacher [Terminé]

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Message par Alduis de Fromart Dim 3 Jan - 15:54

Alduis était fébrile, planté devant la porte de la résidence secondaire d’Éléonore. Il avait peur. Peur de ce qu’il venait lui dire. Peur de ce qu’il avait compris. Il ne pouvait plus garder cela pour lui. C’était impossible.

Il devait lui dire. Il devait lui avouer la vérité. Il ne pouvait plus lui cacher ce qu’il s’était passé, réellement, cette journée-là. Il avait trop l’impression de lui mentir - et il ne pouvait s’y résoudre. Quand il la regardait, ainsi détruite, il ne pouvait s’empêcher de se dire que… peut-être… il avait fait une erreur. Peut-être que les choses auraient pu être différentes.

Et si elle lui en voulait ?
Et si elle ne voulait plus jamais le voir ?
Comment ferait-il ?

Il secoua la tête. Qu’est-ce qu’Alexandre avait dit, déjà ? Que c’était lui la chandelle. Il n’était pas certain d’avoir tout compris mais il voulait lui faire confiance. Il prit une inspiration. Voulut lever la main pour frapper, mais il en fut incapable.

Il se donna encore quelques secondes pour prendre son courage, tout en sachant que c’était prendre sa respiration pour mieux sauter ensuite.

Ariste l’avait aimé. Il y avait beaucoup pensé durant les dix derniers jours. À ces mots, je t’aime, prononcés de cette voix fatiguée mais bel et bien audible néanmoins. À ce pincement dans son cœur, qu’il y avait eu, qu’il avait essayé d’étouffer… Mais il devait se rendre à l’évidence. Lui aussi, il l’avait aimé.

Il l’avait aimé, et il ne le lui avait jamais dit. Il l’avait aimé, et il l’avait tué. Comme Mathurin. Et cette idée le rendait malade. Et si un jour, il tuait Alexandre aussi ?

Il devait lui parler. Il devait se confier à quelqu’un.

Mais comment allait-il lui dire ?
Y avait-il une manière d’annoncer une chose pareille ? Bien sûr que non. On ne pouvait pas dire à quelqu’un qu’on avait tué sa raison de vivre… mais on ne pouvait pas lui cacher non plus.
Et si elle le prenait pour un monstre ? et si c’était ce qu’il était ?

Alduis prit une grande inspiration. Il se redressa. Et cette fois-ci, il frappa à la porte. On ouvrit peu de temps après. Il avait préparé tout ce qu’il devait dire. Il l’avait appris par cœur, pour ne pas risquer de mal formuler ses propos. Mais devant ce visage sévère qui se présenta à lui, il perdit tous ses moyens et balbutia - comme un enfant :

— Bonjour, euh… Madame… Est-ce que… est-ce que Éléonore est ici, s’il vous plaît ?

Il avala sa salive et essaya de se reprendre. Mais rien à faire, il avait peur. Il était terrifié, même, et il devait lutter de toutes ses forces pour ne pas prendre ses jambes à son cou dans l’autre sens.

— J’ai quelque chose à lui dire…

Et comme elle ne semblait pas encline à la discussion, il ajouta avec un regard suppliant :

— C’est important… Vraiment très important.
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Message par Éléonore de Fromart Dim 3 Jan - 18:28


Eltinne Mirrier, 39 ans

Eltinne jeta encore un regard à travers le carreau, vers ce jeune homme qui ne semblait pas vouloir se décider à s'annoncer. Un si bel heurtoir n'était pourtant pas là uniquement pour orner l'entrée. Une telle hésitation n'annonçait rien de bien positif, en tout cas. Rien que le fait que cet individu se présente ici, par l'entrée principale, était suspect. Depuis quand cette petite chipie d'Éléonore recevait-elle des visiteurs ? De sexe masculin, qui plus est. Le prétexte du mariage, personne n'en était dupe. La jeune femme avait seulement besoin de s'éloigner un moment de Tianidre. Elle rentrerait bientôt, et elle serait prête à épouser le fidèle Gabriel d'Irtéon. Comme le comte – auquel elle ne devrait pas oublier de rendre son rapport –, la gouvernante était persuadée que ce serait la meilleure solution pour eux, même si hormis sa loyauté et son beau sourire, Gabriel n'avait pas grand chose à apporter.

Soit, cela n'avait pas d'importance. C'était la volonté du comte. La sécurité d'Éléonore avant tout, elle ne pouvait qu'approuver. Sa douce enfant... Elle s'assurerait que rien ne fasse obstacle à cet avenir parfaitement tracé. Le plus difficile était dans doute d'éloigner Éléonore du monde sans ternir la réputation des Tianidre. Une affaire d'équilibre.

Elle descendit à la hâte. Ce monsieur finirait bien par frapper, et elle tenait à l'accueillir elle-même. Ou plutôt, de l'éconduire elle-même.

Éléonore était beaucoup trop fragile depuis beaucoup trop longtemps. Il était hors de question que son coeur tout juste apaisé ne se brise à nouveau. Sa mère de lait n'aurait pas supporté de la voir replonger dans ses idées noires. Sept mois sans savoir la tirer du lit ! À négocier pendant des heures chaque jour pour qu'elle daigne s'alimenter. Et elle ne parlait même pas des trésors de ruse qu'il avait fallu déployer pour que le manque d'hygiène ne tourne pas au drame. Le premier mois, l'héritière de Tianidre l'avait passé dans une seule chemise de nuit, dans les mêmes draps qu'on ne parvenait pas à lui faire quitter assez longtemps pour les changer. Ils avaient dû l'y arracher par la force, et la traîner jusqu'à la baignoire… Elle s'était montrée plus coopérative, par la suite... Coopérative : une tournure douce  pour dire qu'elle était bien trop lasse pour résister.

Et ses larmes. Ces larmes qui ne quittaient jamais son visage, et qui revenaient en force au moindre mot. Non, plus jamais, cela ne devait arriver. C'était pénible pour tout le monde. Déchirant de la voir dans un tel état, a se demander si elle n'allait pas finir par mettre fin à ses jours.

Eltinne aussi, en avait pleuré. Beaucoup pleuré. Cette petite, elle l'aimait comme sa propre fille. Une mère ne pouvait pas supporter de voir son enfant dans un tel état. Un père non plus – Eltinne avait toujours su ce qu'il était de la véritable paternité d'Éléonore. Et un ami fidèle non plus. Ils avaient tous eu tellement peur pour elle. Sans cette crainte dévastatrice, le comte n'aurait certainement jamais accepté que sa "nièce" séjourne à Braktenn. Mais comment le lui refuser alors que, pour la première fois en sept mois, elle avait eu l'air de vivre ?

Eltinne arriva juste à temps pour entendre que cet indécis visiteur s'était décidé à cogner. Elle chassa d'un signe le valet qui se précipitait. C'était à elle de s'en charger. Ce monsieur allait faire demi-tour immédiatement.

Elle ouvrit. Et croisa un regard à la fois inconnu et trop familier.

Je rendais seulement visite à son fils, cessez de vous tourmenter. Nous nous sommes croisé à l'église, il avait oublié ses gants. Il fallait bien que je les lui ramène.

Évidemment que je vais décliner cette invitation, Eltinne, enfin ! Vous ne me croyez tout de même pas assez stupide pour me jeter dans ses bras !

Il demeure qu'Alduis est mon ami. Je ne vais pas m'éloigner de lui juste parce que j'ai dû repousser son père. D'ailleurs, son Excellence ne s'en est pas offusquée, vous avez bien vu. Cet incident est clos. Je vous assure qu'Alduis n'a jamais eu aucun geste – ni même aucune parole – qui puisse être considéré comme déplacé.


Oh oui, ce regard, elle le connaissait. D'autant que ce fourbe l'avait transmis à l'enfant qu'il lui avait donné. Oooh oui, il y avait bien intérêt à ce que cet incident soit clos. Si Coldris de Fromart s'avisait de poser une seule fois ses sales pattes sur Éléonore, elle le tuerait elle-même. Qu'il détruise toutes les vies qu'il lui plaisait, mais pas la sienne.

Son expression, déjà bien peu avenante, se fit glaciale. Plus encore lorsque le jeune homme ouvrit la bouche.

— Bonjour, euh… Madame… Est-ce que… est-ce que Éléonore est ici, s’il vous plaît ?

Il n'avait pas l'air aussi perfide que son père – Eltinne ne doutait plus de ses déductions : après tout, c'était le seul "ami" dont elle avait entendu parler –, mais lui non plus, à l'époque. C'était après, qu'elle avait compris l'ampleur de sa bêtise.

N'empêche, tout gêné fut-il, elle le trouvait bien familier. Il était très désagréable d'entendre un si joli prénom prononcé par cet intrigant.

— Mademoiselle de Tianidre ne reçoit pas de visiteurs, refusa-t-elle en insistant sur le nom.

— J’ai quelque chose à lui dire…

— Je lui dirai que vous êtes passé. Puis, par acquis de conscience : Qui devrais-je annoncer ?

Parce que c'était certain, Éléonore ne serait pas informée de cette visite.

— C’est important… Vraiment très important.

Ce regard…

[i]Mamaaaaaaaaan ! Mais pourquoi tu veux paaaas ?! S'il te plaiiiiiiit ![i]

Un supplice. Son petit garçon… Ces même yeux.

Mais il suffisait d'un infime moment de faiblesse pour faire basculer une vie entière. Elle l'avait appris à ses dépens – même si, au fond, elle s'en était bien sortie. Elle avait répété des milliers de fois à Éléonore qu'elle devait se méfier de cet Alduis au moins autant que de son père. Des gens pas fréquentables. D'ailleurs, mieux valait qu'elle ne fréquente personne. Ou juste cette jeune femme qu'elle avait ramenée l'autre jour. Elle avait l'air convenable.

— Je vous ai dit que Mademoiselle ne recevait pas. Et certainement pas vous.
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Message par Alduis de Fromart Dim 3 Jan - 22:24

Alduis regardait le visage fermé de la femme. Pourquoi le regardait-elle aussi mal ? Il n'avait rien fait, et ne l'avait jamais vu non plus. Il n'y avait aucune raison. Si Alduis l'avait déjà croisée quelque part, il s'en serait souvenu, hors … ce n'était pas le cas. Elle avait beau faire plusieurs centimètres de moins que lui, il se sentait tout petit en face d'elle. Il fallait dire qu'elle dégageait une telle aigreur qu'elle en devenait menaçante.

Cela ne faisait que renforcer son envie de partir dans l'autre sens. Mais Eldred l'avait dit : affronter. Il fallait affronter. Il était capable de le faire. Quant à ce regard malveillant sur lui … il ne se faisait que des idées. Tout allait bien se passer. Il ne devait pas s'imaginer le pire, voilà tout.

Mais on lui refusa l'accès à la porte. Propre et net. Mademoiselle de Tianidre. Ou comment signifier qu'il était fort mal venu de l'appeler par son prénom. Il refit une tentative, en serrant son poing gauche et en laissant sa main bandée soigneusement le long de son cœur.

— Est-ce que je pourrais voir Mademoiselle de Tianidre, s'il vous plaît ?

Mais non. Toujours pas. C'était catégorique. Elle allait lui dire qu'il était passé ? Il secoua la tête, désespéré. Non, non, non … il devait lui parler. En face. Et aujourd'hui. Il ne pouvait plus le porter tout seul, il avait la sensation de suffoquer. L'idée de lui mentir, même par omission, c'était insupportable. Surtout en sachant qu'elle lui faisait confiance.

— Je… Alduis de Fromart, balbutia-t-il alors qu'elle lui demandait son nom, mais je vous en prie, il faut que je lui parle.

Il faillit ajouter que c'était une question de vie ou de mort, mais il n'en fit rien.

Mais elle ne recevait pas. Et certainement pas lui. Il lui jeta un regard perdu et inquiet, soudain alarmé. Quoi ? Que voulait-elle dire ?

— Vous… Elle ne veut plus me voir ? Elle a dit qu'elle ne voulait plus me parler ?

Il avait dit quelque chose de mal. Peut-être. Sans doute. Mais ils s'étaient pourtant quittés en bons termes pourtant la dernière fois. Il avait dû louper quelque chose. Mais quoi ?

Ses mains se mettaient à trembler. Il ne pouvait pas être venu pour rien. Il devait absolument lui parler. Ou il n'en dormirait pas de la nuit. Ni des suivantes.

— Par pitié, laissez-moi la voir, supplia-t-il d'une voix importante. Juste cinq petites minutes. Cinq toutes petites minutes...

Cela lui suffirait. Il avait juste besoin de lui avouer cette partie de l'histoire qu'elle ne connaissait pas. Mais il avait la sensation de se heurter à un mur.
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Message par Éléonore de Fromart Lun 4 Jan - 11:01


Eltinne Mirrier, 39 ans

C’était bien beau, de se reprendre. Il n’empêchait qu’il avait déjà commis l’erreur, et déjà renforcé les soupçons qui pesaient sur lui. Eltinne avait peur de ce qui avait déjà pu se passer… Eléonore était tellement fragile depuis la mort de son cousin. Et même avant cela, elle avait une attitude irresponsable -- à laquelle ledit cousin n’arrangeait malheureusement rien.

Eltinne ne fut pas le moins du monde surprise lorsque le jeune homme déclina son identité. Mais agacée, tout de même. Elle aurait aimé se tromper.

Et c’était qu’il insistait ! Ne pouvait-il pas faire montre d’un rien de bienséance et s’en retourner d’où il venait ?

— Vous… Elle ne veut plus me voir ? Elle a dit qu'elle ne voulait plus me parler ?

Eltinne serra les dents. Elle n’aurait pas dû laisser parler sa rancoeur ainsi… Répondre par l’affirmative aurait pu sembler brutal. Ce n’était pas bon pour leur réputation… Déjà que le comte ne faisait aucun effort…

En cela, elle avait peut-être réussi l’éducation d’Eléonore. Elle semblait plus soucieuse de se montrer plus… diplomate. C’était positif tant qu’elle se méfiait et s’abstenait d’approcher les gens dangereux. Et surtout, d’accorder sa confiance. Un équilibre plus simple à maintenir en théorie qu’en pratique…

— Messire, je vais vous demander de partir. Comme je vous l’ai dit, Mademoiselle de Tianidre n’est pas disposée à vous recevoir aujourd’hui.

Son insistance était suspecte. Trop suspecte. Que s’était-il passé ? Quelque chose lui avait-il échappé ? Aurait-elle dû surveiller Eléonore de plus près ? Elle avait promis au comte de ne jamais la laisser sortir sans surveillance mais… Mais c’était fort délicat, puisqu’elle ne cessait de disparaître sans prévenir. Il faudrait renvoyer ce cocher bien trop discret. Elle n’avait pas confiance en lui.

De la pitié… Cette histoire était de plus en plus dérangeante. Et le fait qu’il craigne que la jeune femme l’évite sciemment prouvait qu’il avait quelque chose à se reprocher. Que lui avait-il fait ?

— C’est inutile, Messire. Pour la dernière fois, je vais vous demander de partir.

Pour la dernière fois, ce qui ne signifiait évidemment pas qu’elle le laisserait entrer s’il insistait. Et au cas où les mots n’étaient pas assez clairs, elle fit pivoter très lentement la porte.

— Je suis navrée que vous vous soyez déplacé pour rien, crut-elle bon d’ajouter. Mais elle entendit des pas pressés à l’étage. Il fallait faire disparaitre immédiatemment cet importun. J’informerai Mademoiselle de votre visite. Je...

— Alduis, attends !

Non… Insupportable gamine. Et… Etait-elle vraiment en train de le tutoyer ?
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Message par Éléonore de Fromart Lun 4 Jan - 11:02

Eléonore envoya son livre voler à travers la pièce. Deux tercets, hein ? Il fallait qu’elle trouve quelque chose, mais elle n’avait fichtrement aucune idée de ce qu’il aurait fallu exactement. Alors, il fallait en étudier le plus possible dans le style recherché, afin de choisir, le jour venu, ce qui serait le plus adapté au contexte. Ne pas s’en remettre au coup de chance qui lui avait permis de réciter sans faute flagrante.

Seulement, ça ne marchait pas. C’était un projet ridicule. Elle ne reverrait sans doute jamais Coldris de Fromart et se préparait pour rien. Il n’avait aucune de la revoir. Elle avait été d’une compagnie… déplorable. Il ne tenait sans doute pas assez à la mettre dans son lit pour prendre la peine de la supporter plus longtemps. Même l’orgueil ne suffirait pas.

Elle alla récupérer l’ouvrage pour le dissimuler. Avoir ce livre dans sa chambre prouvait qu’elle s’était rendue dans la bibliothèque de son grand-père. Ce qui prouvait qu’elle en avait chipé la clef. Et elle n’était absolument pas censée en avoir chipé la clef. Eltinne ne s’était jamais doutée du dixième de ses bêtises ou de son habileté, il ne fallait pas que ça commence maintenant.

Rien que l’autre soir, quand elle était rentrée… C’avait été trop facile. Il avait suffi de rentrer par la partie des domestiques pour ne pas qu’elle la voie revenir. C’était ce que lui avait conseillé Jean lorsqu’il l’avait rattrapée. Le premier domestique qui ne semblait pas être à la botte d’Eltinne. Quelque chose de très positif, même si elle était trop agitée à ce moment-là pour s’en rendre compte. A moins qu’il ne cherche à gagner sa confiance pour en rapporter plus à son cerbère ? Cela restait à déterminer. Et avant sa prochaine sortie répréhensible, de préférence.

Mais y en aurait-il une ? Et pourquoi, d’ailleurs, y songeait-elle ? Revoir le ministre ne lui apporterait que des ennuis. Ce dîner l’avait bien assez secouée sans qu’elle n’ait besoin d’en rajouter. Un jeu, ce n’était qu’un jeu, les choses étaient pourtant claires, mais… Mais…

— C’est injuste ! pesta-t-elle en écrasant son poing contre le dossier d’un fauteuil.

Elle se leva et quitta cette maudite chambre, avant d’entendre Eltinne qui assurait à un visiteur qu’elle ne recevait personne. C’était qu’elle en prenait, des libertés !

Eléonore descendit au premier pour déterminer de qui il s’agissait. Mieux valait ne pas montrer de contradiction avec le discours de sa gouvernante. C’était le genre de conflit qui ne se réglait pas en public. Maintenant qu’Eltinne avait affirmé qu’elle n’était pas visible, elle était obligée de rester en retrait…

Mais Eltinne n’était pas entrain d’éconduire n’importe quel visiteur, là ! Et ce n’était pas celui-là qui irait cancaner sur ses incohérences domestiques.

— Alduis, attends ! l'interpella-t-elle en voyant que la porte commençait à se fermer.

Elle s’assit sur la rampe -- provocation gratuite -- et se laissa glisser jusqu’en bas, se propulsant juste à temps pour ne pas heurter la colonne. Elle atterit mal. Sa cheville la lança. Tant pis. Elle courut jusqu’à la porte pour se jeter dans les bras d’Alduis -- deuxième provocation, mais celle-là n’était pas calculée pour.

Elle le fit entrer, et referma la porte derrière lui. Elle foudroya sa gouvernante du regard. Pas tant pour s’être permise de prendre les décisions à sa place que pour avoir blessé Alduis. Elle lui avait fait croire qu’elle l’abandonnait. Qu’elle ne voulait plus le voir. C’était inadmissible !

— Je suis désolée. Eltinne a pensé que je dormais, plaisanta-t-elle. N’y fait pas attention. Je suis contente de te voir.

Elle sourit. Pourquoi avait-il l’air si angoissé ?

— Tu… Veux qu’on sorte ?

Puisqu’il n’était jamais d’humeur à prendre le thé.

— Mademoiselle Eléonore !

Bon bah… Pas de thé, alors, mais à l’intérieur quand même. C’était tout de même insuportable d’avoir un entourage si surprotecteur. On ne la laissait jamais rien faire ! Comment réagirait Eltinne si elle apprenait le dixième de ce qui s’était passé mardi ? Elle se pâmerait rien qu’à l’idée qu’il l’ait délestée de son manteau. Alors si, par malheur, elle pouvait deviner combien ses lèvres brûlaient encore…

Soit, ce n’était pas la question. Et surtout, c’était dérangeant de penser à cela en présence d’Alduis.

— On va plutôt aller dans le salon, se reprit-elle.
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Message par Alduis de Fromart Lun 4 Jan - 13:03

Elle ne voulait pas. Elle ne le laisserait pas rentrer, ça semblait une évidence. Même pour cinq minutes. Juste cinq petites minutes. Il ouvrit la bouche, pour essayer de la persuader, de trouver l'argument décisif qui lui laisserait l'accès à cet intérieur riche. Mais rien. Il se tut, baissa les yeux sur les marches du perron et soupira profondément.

La porte se refermait déjà. Alduis jeta un coup d'oeil désespéré dans la demeure, en essayant d'apercevoir une silhouette autre, plus compréhensive, qui se profilerait. Personne. Lentement, il s'apprêta à faire demi-tour. Ce n'était pas si grave que ça, au fond, ce n'était pas si grave. Il hésita encore un peu puis renonça. D'une démarche mal assurée, il leva le pied pour descendre la première marche.

Les voix revenaient gratter à la porte de sa conscience. Elles se faisaient plus insistantes, ces derniers jours, dans les sous-sols de la forteresse dans laquelle elles étaient enfermées. La dalle scellée se fragilisait heure après heure. Bientôt, elles se répandraient tel un ras-de-marée dans sa mémoire. De toute sa force, il tâcha de repousser les quelques tentacules qui se tendaient à travers les épais murs fissurés.

— Alduis, attends ! lança une voix, suivie de pas précipités.

Le cœur d'Alduis fit un bond dans sa poitrine. Il reconnaissait la voix d'Éléonore avec une facilité étonnante. Mais elle avait la même manière de prononcer les mots qu'Ariste. Il se retourna, juste à temps pour que la jeune femme se jette dans ses bras pour le serrer contre elle. Surpris, Alduis ne bougea pas et se raidit même une courte seconde puis, il se détendit.

Ça voulait dire qu'elle voulait toujours le voir, n'est-ce pas ? Il l'écrasa dans ses bras sans s'en rendre compte, rassuré de cette idée. Peut-être que ça se passerait bien. Peut-être qu'il se faisait des idées inutiles. Il était la chandelle, Alexandre l'avait dit.

Il entra à sa suite sans dire un mot, simplement soulagé d'avoir passé ce maudit pas de porte. Mais le plus dur restait à venir. Et quand il regardait cette perspective, il se mettait subitement à se sentir très mal. Chaque seconde l'en rapprochait inexorablement. Comme un condamné à mort monte sur la potence, il entrait dans cette maison luxueuse. Quant au bourreau, il était juste là, dans les prunelles désapprobatrices de cette femme. Celles d'Éléonore étaient plus rassurantes et chaleureuses, mais il n'osait pas se plonger dedans. Il avait honte.

Et s'il la détruisait ?

Une petite voix sifflante se faufila une seconde dans sa mémoire.

Mais tu l'as déjà détruit, Alduis.
Le jour où tu as tué Ariste.
Tu l'as détruite ce jour-là.

Alduis eut un long frisson et il chassa la voix. La rangea avec les autres. Mais elles poussaient de plus en plus contre les fragiles murailles qu'il essayait d'ériger pour les contenir.

La plaisanterie de la jeune femme lui tira un pâle sourire sans voix. Un sourire transpirant de nervosité.

— Je... suis content aussi.

Il aurait bien aimé sortir, oui, l'air frais l'aurait été à se concentrer. Il allait acquiescer quand la voix de la femme protesta. Ce devait être qu'elle n'en avait pas le droit. Alors Éléonore l'entraîna vers le salon. Elle semblait insouciante. Il allait lui faire mal, il allait l'abattre... Il n'avait plus envie de lui dire, il n'en avait pas le courage, pas pour voir son visage se décomposer.

Sauf qu'il était entré. Il ne pouvait plus reculer. Ou ce serait laisser triompher les voix. Affronter. Il fallait affronter le fantôme d'Ariste. Et puis ... elle lui avait dit qu'elle ne l'abandonnerait pas non ?

Éléonore affrontait le regard de cette femme, pour tâcher de chasser cette dernière qui les avait suivis. Alduis, en attendant, cherchait quelque chose à faire de ses mains. Quand enfin la porte se ferma et qu'elle se tourna vers lui, souriante, il avala sa salive. Il aurait peut-être dû commencer par autre chose, mais s'il attendait, s'il la laissait commencer... Il ne pourrait plus le dire. C'était maintenant. Il prit une grande inspiration et, toujours sans réussir à soutenir son regard, demanda d'une voix à peine audible, à peine plus d'un filet :

— Éléonore... Il faut que je te dise quelque chose...
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Message par Éléonore de Fromart Lun 4 Jan - 16:57


Eltinne Mirrier, 39 ans

Non contente de contredire sa mère de lait, de glisser sur la rampe de marbre et de bondir comme une enfant sauvage -- elle allait finir par se tuer avec ce genre de pitreries --, Eléonore se jeta dans les bras de l’importun visiteur. Et, pour ne rien arranger, ce grossier personnage lui rendit son étreinte. Tout cela n’annonçait rien de bon. Il se jouait d’elle, c’était l’évidence. Et sa pauvre petite Eléonore se laissait bêtement détourner de la raison.

Eltinne manqua de s’étrangle lorsque la jeune femme proposa de sortir. Il n’était pas venu le jour où elle la laisserait aller n’importe où avec un tel individu. Elle ne tenait pas à ce que cela dégénère. Il fallait qu’Eléonore rentre à Tianidre. Ou du moins, qu’elle reste en permanence sous bonne garde. Ce séjour en ville était le pire idée qu’on ait pu avoir… Et le comte qui n’avait même pas eu le courage de l’accompagner…

Oui, le salon, c’était déjà mieux. Elle garderait un oeil sur eux. Mais Eléonore avait tout intérêt à modérer les ardeurs de son invité. Un seul geste déplacé et elle le ferait jeter dehors… Tout en s’assurant qu’en dépit des compromis, Eléonore revienne en sécurité à Tianidre. Elle n’était vraiment pas taillée pour le monde. C’était bien le plus grand avantage de son mariage prochain avec Gabriel : il y aurait quelqu’un pour veiller sur elle. C’était lorsqu’elle était seule qu’elle agissait bêtement. Cette petite devait apprendre à faire confiance à leurs décisions -- ou à réfléchir correctement -- au lieu de s’obstiner à inventer de nouvelles bêtises.

L’ennui était qu’il était difficile de s’opposer aux décisions de cette gamine capricieuse quand elle s’y mettait. Elle retombait dans la morosité, et c’était trop inquiétant après ce qui s’était passé. Aussi finit-elle par céder lorsqu’Eléonore insista pour demeurer seule avec son “ami”. Elle resterait à proximité pour surveiller tout ça.
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Message par Éléonore de Fromart Lun 4 Jan - 16:57

Aduis l’écrasa contre lui, comme s’il avait vraiment cru la perdre. Il était tourmenté, elle le ressentait. Bien plus tourmenté qu’on ne l’était en se faisant éconduire à la porte, assurément.

Etait-ce de sa faute ? Avait-elle -- encore -- fait quelque chose de mal ? Elle était gourde, tellement gourde.

Elle lâcha Alduis avant qu’Eltinne ne fasse un malaise, et le fit entrer. Puis, puisqu’on ne voulait pas la laisser sortir en sa compagnie -- ce qui semblait parfaitement stupide quand on savait qu’elle pouvait le retrouver dehors quand elle voulait --, elle décida de le recevoir dans le “salon vert”. Sans cérémonie, ce n’était pas son genre.

Elle l’entraina dans un couloir. Elle n’aurait jamais usage de la moitié des pièces, mais son hôtel particulier lui semblait tout de même bien petit en comparaison du château de Tianidre. Et en plus, ici, il n’y avait ni catacombes, ni autre passage secret -- hormis celui de la vieille bibliothèque. Juste un étalage de mobilier, de tapis, d’ornements, et de tout un tas d’objets hors de prix. Eléonore avait toujours été très observatrice, mais rarement contemplative. Recevoir dans ce décor renvoyait l’image de quelqu’un qu’elle n’était pas et n’avait jamais été. Ce n’était même pas dans les goûts de son oncle, qui trouvait cet endroit hypocrite. Elle ne savait même pas pourquoi il entretenait encore les lieux. Une part de lui regrettait-elle leur prestige passé ?

Tracassée comme elle l’était par l’air angoissé d’Alduis, Eléonore ne songea même pas à lui proposer à boire. Cela, c’était ce qui arrivait quand on ne recevait jamais. On n’avait aucun réflexe…

Elle insista auprès d’Eltinne pour qu’elle les laisse seul. Non, Alduis n’allait rien tenter de déplacé, l’idée en était ridicule. C’était son ami.

Et pas ami comme on le disait dans leur milieu. Pas des hypocrites avec qui échangeait des ragots ou parlait de choses convenables. C’était une relation vraie, qui se fichait bien des valeurs protocolaires.

Eléonore claqua la porte derrière Eltinne. Elle ne fit pas l’affront de la verrouiller, même si l’idée de faire enrager sa gouvernante était terriblement tentante. Elle se tourna simplement vers Alduis et l’interrogea du regard.

— Éléonore... Il faut que je te dise quelque chose...

— Si tu veux faire enrager le cerbère, tu n’as qu’à dire assez fort que tu es fiancé. Elle arrêtera de se poser des questions.

Elle secoua la tête. Non, ce n’était visiblement pas le moment de plaisanter. Pourquoi n’avait-elle pas pu s’empêcher de dire quelque chose de stupide ? Elle était stupide. Tellement stupide. Il allait croire qu’elle ne le prenait pas au sérieux. Et pourtant, elle voyait bien que ça n’allait pas. Quelle idiote !

— Désolée. Il s’est passé quelque chose ? Je… Je t’écoute. Ne fais pas attention à Eltinne. Elle veut t’éloigner de moi parce qu’elle méprise ton père. Enfin, je crois que c’est ça. Mais je t’assure que je n’ai jamais dit que je ne voulais plus te voir.

Elle se souvenait de son ton suppliant. De cette inquiétude dans sa voix qui lui avait fait mal au coeur. Elle s’en voulait, pour ça. Cruellement.

— Je ne vois pas pourquoi je dirais une chose pareille. Je t’apprécie beaucoup.

Eléonore se dit que puisqu’il était là, il faudrait vraiment qu’elle pense à lui confier la broche d’Eldred. Mais ce n’était pas le moment.

— Je t’écoute.
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Message par Alduis de Fromart Lun 4 Jan - 21:24

Alduis ne parvenait pas à se détendre. Cela devait leur semblait suspect, à Éléonore autant qu’à cette femme… mais il ne pouvait faire autrement. Il était nerveux. Terriblement nerveux. Il ne voulait plus lui dire. Mais elle venait de chasser la femme, il n’avait plus le choix. Malgré les plaisanteries qu’elle essayait de faire, pour le détendre - ou pour se détendre elle-même ? - il devait le faire. Et puis … il n’était pas sûr d’avoir tout compris. Dire qu’il était fiancé. Pourquoi ? Il lui jeta un regard vide, rempli d’incompréhension.

Mais elle allait perdre sa bonne humeur. Elle allait peut-être le détester et… et… le chasser. Peut-être. Certainement. La jeune femme s’excusa et Alduis secoua précipitamment la tête, en levant les mains, comme pour se défendre de quelque chose.

— Non, non, non ! Ce… ce n’est rien.

Rien. Ou plutôt, c’était tout. Et c’était parce qu’il avait conscience de ce qu’il s’apprêtait à révéler qu’il hésitait autant. Il se râcla la gorge. Les mots suivants le blessèrent plus qu’il ne le laissa voir. Cette Eltinne le regardait aussi mal parce qu’elle détestait son père… Ne serait-il donc jamais rien d’autre que le fils de Coldris de Fromart ?

Indépendamment de son nom de famille, il était quelqu’un. Pourtant, il ne serait jamais rien d’autre que l’héritier du ministre. On ne le voyait pas comme Alduis, on le voyait comme un Fromart. Et là était toute la différence et sa blessure la plus profonde, à bien y regarder. Parce qu’il savait qu’il n’était - par ailleurs - pas le fils que Coldris aurait aimé avoir. Il ne le serait jamais, quels que soient ses efforts pour essayer de se rapprocher de cet idéal.

Qu’elle veuille toujours le voir était rassurant.

Le voudra-t-elle toujours après ?

Il repoussa la voix avec détermination. Ne pas s’avouer vaincu. Sur un champ de bataille, on luttait jusqu’à la mort. Il n’allait pas baisser les bras maintenant. Elle l’appréciait. Elle l’appréciait même beaucoup, elle venait de le dire. Une lueur d’espoir s’alluma en lui. Au fond, il n’y avait peut-être pas besoin de s’inquiéter autant, tout compte fait.

— Je t’écoute.

Alduis avala sa salive et gonfla ses poumons le plus possible. Plus il engrangerait d’air, plus il en aurait pour dire ce qu’il avait à dire. Et il allait lui en falloir. L’heure avait sonné. Bien qu’une partie de lui s’évertua à trouver quelque chose d’autre à dire, pour donner le change, il ouvrit la bouche et débuta :
— J’ai… beaucoup réfléchis à ce que tu m’as dit. Qu’Ariste m’aimait.

Il devait faire des phrases courtes. Pour empêcher sa voix de trembler. Pour organiser ses idées le plus clairement possible. Il serra ses doigts autour de sa dague.

— J’ai réalisé que je l’aimais aussi. J’ai essayé de le nier. Mais je suis obligé de m’en rendre compte, maintenant. Je l’aimais, Éléonore.

Et il ne lui avait même pas dit. Il avait préféré le nier, encore et encore, et le laisser mourir.

Ne l’as-tu pas fait pour te protéger Alduis ?
Te protéger de ce que tu lui as fait ?
Aurais-tu supporté ?

Il secoua la tête de nouveau. Il avait de plus en plus de mal à les repousser. Elles revenaient et faisaient pression contre les barrières. Mais Alduis s’évertuait à les ranger de nouveaiu derrière la maigrelette cloison, qui se faisait de plus en plus fine.

— Mais ce n’est pas tout…

Comment devait-il le dire ? Y avait-il une manière de dire à une jeune femme que l’on avait tué sa raison de vivre ? que tout ce désespoir qui l’abattait depuis 261 jours précisément, tout cela, c’était à lui qu’elle le devait ? Bien sûr que non. Il n’y avait que cette manière abrupte de le dire, qui aurait beau être enrobée de toutes les phrases du monde, le serait toujours autant. Il prit son courage à deux mains et sauta de la falaise, en espérant qu’il y ait quelque chose pour le rattraper en bas et qu’il ne périsse pas sur le coup :

— Ariste… Il était perdu. Alors… Alors je l’ai achevé.

Je l’ai tué.

Il faillit souffler un désolé pitoyable mais il se retint. Cela ne changerait rien à la situation. Et c’était terriblement futile comparé à ce qu’il venait de lâcher. Il n’osait plus respirer et attendait. Attendait quelque chose. Une réaction. Un mouvement. Les secondes qui suivirent lui parurent être celles qui furent les plus longues de sa vie. C’était certainement la même sensation qui envahissait les membres d’un condamné à mort, avant la mise à exécution.
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Message par Éléonore de Fromart Mar 5 Jan - 15:50

Alduis ne semblait pas se tracasser tant que ça de l’accueil que lui avait réservé Eltinne. Il semblait se tracasser tout court, de quelque chose de bien plus dérangeant.

Il sembla tiquer lorsqu’elle lui expliqua pourquoi Eltinne le méprisait sans le connaître. Quelle idiote, pourquoi avait-elle dit ça ? Cela le dérangeait qu’elle amène son père dans leur conversation. Au fond, cela la dérangeait aussi. Le père d’Alduis. La père de Louis. Cette situation était plus que déroutante.

— Alduis… Pour moi, ça ne compte pas.

Mais je dois quand même t’avouer quelque chose… Et si cela te dérange, cette folie s’arrête immédiatement. Parce que je tiens beaucoup plus à toi qu’à ce jeu ridicule. Même si je n’arrive plus à me le sortir de le tête. Parce que je tiens vraiment à notre amitié.

Mais ce n’était pas le moment. Elle n’en avait pas le courage. Trop honte. Il fallait qu’elle enterre ces pensées. Trop de pensées la harcelaient déjà sans qu’elle n’ait besoin de rajouter une nouvelle source de tourments. Et… Quelle égocentrique elle faisait ! Comment osait-elle penser à ce genre de choses en voyant qu’Alduis n’allait pas bien…

Mais si… S’il l’avait appris ? Si maintenant, il lui en voulait ? S’il venait lui dire qu’il ne voulait plus la voir ? Si son irresponsabilité était entrain de ruiner leur relation ?

Ils se connaissaient depuis si peu de temps… Pourtant, elle tenait déjà démesurément à lui. Le premier éclat de lumière depuis qu’elle avait quitté Tianidre. La seule personne dont elle savait qu’il la comprenait vraiment. Elle ne voulait surtout pas l’avoir blessé d’une quelconque manière. Elle ne se le pardonnerait pas.

Puis…

— Mais je suis obligé de m’en rendre compte, maintenant. Je l’aimais, Éléonore.

Elle sourit. Elle ne voyait pas le problème. Pas du tout. Peut-être croyait-il qu’il lui en voudrait d’être passé si rapidement à autre chose. Elle ne voyait que ça. Ca, et cette oppressante intuition qui l’avait percutée la première fois qu’elle s’était rendue à Fromart. Sur laquelle elle ne parvenait pas à mettre de mots.

— Il ne t’en voudrait pas, tu sais. Il serait heureux que toi, tu aies pu dépasser ça. Il serait content pour Alex et toi. J’en suis sûre. Et je le suis aussi.

A moins que…

— Et il ne t’en voudrait pas de n’avoir rien vu à l’époque, surtout. Lui-même ne l’avait pas remarqué. Je te jure, tu n’as vraiment rien à te reprocher.

Même si Ariste avait dû souffrir de cette situation, d’une certaine manière. Même s’il aurait été beaucoup plus simple qu’ils le reconnaissent à l’époque, l’un comme l’autre. Ils s’étaient tus tous les deux. Ils s’étaient mentis tous les deux. Il n’y avait pas de coupable. Non, vraiment, elle ne comprenait pas ce qui pouvait le tracasser à ce point.

Mais ce n’était pas tout. Et en quelques secondes, cette intuition qu’elle réprimait vivement s’imposa. Cette intuition qu’elle ne parvenait toujours pas à définir. L’espace d’une fraction de seconde, une infime part d’elle même douta qu’Ariste soit bel et bien mort de l’infection qu’on lui avait attribuée. Et si cela n’avait absolument rien à voir ? Et si…

Non, c’était ridicule. Elle remballa toutes ses accusations odieuses et planta son regard dans celui d’Alduis. Elle était prête à l’écouter. Elle se croyait prête à tout entendre.

— Ariste… Il était perdu. Alors… Alors je l’ai achevé.

Le monde commença par trembler. Pendant une seconde qui sembla durer une éternité, Eléonore ne comprit rien des mots qui lui parvenaient, juste qu’il s’agissait de quelque chose d’affreux.

Les secousses se firent plus violentes. Elle secouait frénétiquement la tête pour chasser toutes les pensées qui lui venaient en même temps.

Son Ariste était mort. Il l’avait tué.
Son Ariste avait souffert, et elle, égoïste qu’elle était, elle aurait été incapable de lui offrir cette délivrance quand bien même l’en aurait-il supplié.

Alduis l’avait trahie. Il avait passé du temps avec elle en la maintenant dans l’ignorance.
Elle était trop stupide. Comment avait-elle pu ne pas voir qu’on lui cachait quelque chose ?

— Non...

Les derniers mots d’Ariste, son dernier aveu avait été celui de ses sentiments. Il l’avait tué.
Elle n’avait rien vu avant. Rien du tout. Ariste la connaissait mieux qu’elle ne s’était connue elle-même, et elle, elle n’avait même pas vu qu’il était tombé amoureux. N’était-ce pas à cela que servait votre tout ? A voir ce que vous vous cachiez à vous-même ? Elle se détestait. Elle ne faisait jamais que prendre la force des autres, sans jamais rien en rendre. Un parasite.

— Non...

Incapable. Inutile. Méprisable. Horrible. Egoïste. Lâche. Pitoyable. Stupide. Ignorante. Ridicule. Faible. Pathétique. Destructrice. Ennuyeuse. Détestable. Cruelle.

Tout ce qu’elle était depuis qu’Ariste l’avait quittée. Elle n’était plus rien. Rien qu’un poids pour les autres. Elle ne savait plus rien faire.

Lui, il était tout. Il était son tout.

Il était mort.

Il était sa seule raison de vivre. Il l’avait abandonnée. On le lui avait pris. Elle se détestait. Elle le détestait. Elle les détestait tous.

On lui avait menti. On l’avait trahie. Ils l’avaient tous trahie. Elle ne voulait plus. Tous. Tous. Elle les détestait.

Son père, sa mère, Louis, pour ne pas avoir été là. Pour ne pas l’avoir soutenue assez longtemps.

Eltinne, oncle Eineld, Tante Anne, pour ne rien avoir compris. Pour l’avoir toujours surprotégée. Pour l’avoir étouffée. Pour l’avoir empêchée de vivre. Gabriel aussi. Ils étaient pareils. Tous pareils. Ils ne l’aimaient pas pour elle-même. Elle n’existait pas. Ils ne voulaient qu’une image qu’elle ne serait jamais.

Cet imbécile d’Antoine, pour s’être bêtement jeté dans le vide. Pour l’avoir rendue si coupable. Pour avoir envoyé la seule personne qui tenait vraiment à elle à Mornoy.

Ariste. Pour lui avoir laissé croire qu’elle était quelqu’un. Pour l’avoir toujours tant aimée alors qu’elle ne le méritait pas. Pour l’avoir laissée puiser tant d’année dans sa force. Pour lui avoir laissé croire qu’elle serait toujours heureuse. Qu’elle serait toujours quelqu’un. Pour lui avoir fait confiance, pour lui avoir donné confiance en elle. ¨Pour avoir été sa confiance en elle. Pour avoir été tout pour elle.

Pour avoir voulu s’éloigner d’elle. Pour son bien, pensait-il ? C’était bien de la laisser seule pendant des années et des années ? Dans une vie au ralenti. Une vie ou elle n’attendait que de le retrouver. Une vie dans laquelle sa seule véritable activité était de l’attendre. Une vie dans laquelle plus personne ne lui faisait confiance. Trop fragile. Trop sotte. Trop gentille. Un joli petit enfant qu’il fallait éloigner de toutes les sources de danger potentielles, ce que tout le monde s’accordait à dire. Dans une vie ou elle n’avait pas sa place, tout simplement

Que disait-il, déjà ? Qu’elle devait être capable de vivre sans lui ? Pourquoi voulait-il qu’elle soit capable d’exister sans lui, si ce n’était pas pour l’abandonner. Exister sans lui. Un non-sens. Un mal nécessaire ? Pour son bien ? Mais elle lui faisait confiance…

Tout cela se mélangeait avec ce qu’elle venait d’apprendre. Elle ne comprenait plus rien. Elle n’était plus rien. Elle ne maîtrisait plus rien. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle n’en pouvait plus.

Elle les aimait. Elle les méprisait.  
Elle devait vivre. Elle voulait mourir.

Et Alduis… Alduis qui était là. Elle ne savait plus. Pourquoi n’arrivait-elle pas à le rassurer ? A lui dire qu’il ne devait pas s’en vouloir ? Pourquoi lui en voulait-elle ? Elle comprenait, pourtant. Une part d’elle comprenait. Une part d’elle jalousait la force qu’il avait eue. La force qu’elle n’aurait jamais, mais…

— Tu l’as tué, fit-elle d’une voix blanche.

Un instant de calme. Un très court instant.

Il l’avait tué. Et il avait accepté qu’on la force à vivre, lui qui savait ce que c’était. Cela, et puis tout le reste. Toute cette rage accumulée contre le monde entier. Contre lui, contre Ariste, contre Gabriel, contre tous les autres.

Lui, il l’avait achevé. Alors pourquoi pas elle ? Au lieu d’ériger entre elle et la mort une barrière infranchissable ?

Et le volcan explosa.

Sans savoir comment elle en était arrivée là, elle se retrouva à lui marteler les épaules de ses poings.

— Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste. Je te déteste.

Elle poussa un hurlement de rage. Contre lui. Contre elle-même. Contre tout. Aveuglée par des larmes dont elle ne savait d’où elle venaient, elle continuait.

— Tu l’a tué ! Tu l’a tué ! Tu pouvait pas le tuer ! Pourquoi c’est lui que t’a tué ?! Pourquoi tu ne termines pas le travail tout de suite ?! Je te déteste !

Et elle aussi, elle se détestait. Elle se détestait tellement. Était-ce cela qui l’aveuglait tant. Elle frappait. Frappait. Frappait. Elle voulait qu’il réplique. Elle ne voulait que ça.

— Tu es un monstre. Je te déteste ! Tu ne mérite pas de vivre !

A qui adressait-elle ces mots-là, au juste ? Elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Elle se détestait. Elle les détestait tous. Tous ceux qui l’obligeaient à vivre. Comment avait-elle pu croire qu’il y avait ne fusse qu’un tout petit espoir d’être à nouveau heureuse un jour ? Comment avait-elle encore pu faire confiance à Ariste alors qu’il l’avait abandonnée.

— Je te déteste. Je te déteste. C’est moi que tu devais tuer. Je ne veux plus jamais te voir.

Il n’y avait plus rien. Le monde aurait pu s’embraser autour d’elle qu’elle ne l’aurait même pas remarqué. Elle frappait. Frappait. Frappait. Il allait bien finir par les lui rendre. Par faire pour elle ce qu’il avait contribué à l’empêcher de faire par elle-même.

— Lâche ! Egoïste ! Inutile ! Incapable ! Faible ! Pitoyable ! Ridicule ! Stupide ! Pathétique ! Je te déteste ! Je te déteste ! Je te déteste ! Je te déteste !

Là, c’était certain, elle parlait bien d’elle-même. Plus que d’elle-même. Egocentrique jusqu’au bout. Elle se détestait tellement. Tellement que ses poings partaient tous seuls et que plus rien au monde n’existait plus.

— Meurs ! Meurs ! Meurs ! Même ça tu sais pas faire ! Même ça tu sais pas faire !

Elle n’entendait plus rien. Elle ne comprenait plus rien. Elle sentit que quelqu’un l’attrapait. La bloquait. La serrait pour qu’elle arrête. Elle entendait des voix sans les comprendre. Elle hurlait. Elle se débattait vainement. Trop de rage accumulée. Trop de douleur. Mais toujours pas de délivrance. Toujours pas de coups. De coups qui devaient venir d’où, déjà ?
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Message par Éléonore de Fromart Mar 5 Jan - 15:52


Eltinne Mirrier, 39 ans

Après avoir surpris, oreille contre la porte, le mot “fiançailles", Eltinne avait pris hâtivement le chemin des cuisines. Rapporter quelque chose -- même si, encore une fois, cette petite étourdie n’avait rien eu la décence de proposer -- lui donnerait une excuse pour retourner dans le salon sans paraître suspecte vis-à-vis de leur invité. Eléonore avait déjà laissé voir trop de choses qui ne regardaient personne.

Elle venait de demander qu’on mette l’eau à bouillir quand elle entendit la jeune femme hurler. D’un hurlement qui lui déchira le coeur. Sa petite fille… Elle se précipita vers le salon et ouvrit la porte à la volée. Pourquoi n’y avait-il encore eu personne pour oser intervenir ? Pourquoi n’y avait-il eu personne pour rester dans les parages ?

Mais voir Eléonore dans un tel état. Si violente, si acerbe, alors que malgré ses facéties, elle était une enfant si douce… Elle resta pétrifiée un moment, lui ordonna vainement de se calmer.

Deux gardes arrivèrent à ce moment. En retard. Le comte n’avait décidément pas affecté des éléments fort efficaces à la sécurité de sa nièce… Déjà que ces imbéciles se laissaient semer lorsqu’il la suivaient…

Eléonore était… hystérique. Elle préféra éviter de l’approcher. La voir dans un tel état était presque effrayant. Les coeurs brisés mettaient dans un tel état. On aurait dit sa mère, à l’époque où le comte avait mis fin à leur relation. L’un des seul reproche qu’elle avait à lui faire. Madame Léontine avait été tellement blessée. Elle aussi avait hurlé. Comme si elle voulait que la terre entière sache. Eltinne savait qu’il y aurait eu un drame si elle n’avait pas été là pour la consoler ce jour-là. C’était ce qui les avait rapprochées, en fait. Ce qui avait fait d’une simple domestique sa meilleure amie. Elles s’étaient comprises, au fond.

Soit. Elle fit signe de les séparer. Au moins, cet Alduis de Fromart avait l’intelligence de ne pas s’en prendre physiquement à elle. Mais vu l’état dans lequel il l’avait mise, cela le sauvait à peine.

L’état dans lequel il l’avait mise… Qu’en était-il exactement. L’un des gardes maintenant une Eléonore enragée tandis que l’autre avait saisit d’autorité l’épaule du noble pour lui montrer la sortie. Il pouvait bien être le fils de qui il voulait, cela n’avait pas d’importance.

— Les choses sont-elles assez claires ? Ne vous approchez plus jamais d’elle.

Plus jamais. Sinon cela tournerait très mal.
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Message par Alduis de Fromart Mar 5 Jan - 21:06

Alduis ne respirait plus. Il n’osait plus. Quand bien même il aurait voulu, ses poumons refusaient de se remplir. Il lui semblait que le monde n’était plus suspendu qu’à un fil, qui attendait de pouvoir se rompre pour exploser. Il avait relevé la tête et regardait la jeune femme dans les yeux. Il se revoyait, dix-huit ans plus tôt, dans ce bureau, silencieux, à attendre que la tempête se déclenche. Sauf que cette tempête-là tardait à se déchaîner. Il pesait dans le salon un silence lourd. Trop lourd. Il avait l’impression que ses membres étaient pris dans une chape de plomb, immobilisés.

Un condamné à mort.
Qui attendait que le bourreau daigne enfin faire tomber la hache.

— Non...

Alduis voulut faire un pas en arrière, mais ses pieds restèrent solidement ancrés dans le sol, comme ses muscles n’avaient plus la force de les bouger. Ce n’était rien qu’un petit non. Mais il savait que c’était bien plus que cela. Cette unique syllabe suffit à lui embrouiller les pensées. Il n’aurait pas dû. Il n’aurait jamais dû le dire. Il n’aurait jamais dû venir non plus. Il n’était qu’un idiot.

Un chiot qui regarde sa queue entre les jambes.

La voix se faufila dans son esprit. Alduis ne bougea pas. Il sentit ses griffes venir s’enrouler doucement autour de son cœur. Il aurait certainement dû garder le silence pourtant, il secoua la tête et murmura, comme s’il cherchait à se persuader lui-même :

— Il était perdu… Il était perdu… Il serait mort de toute façon...

Mais comment le savoir ? Comment en être sûr ? Peut-être qu’il aurait pu guérir, que la fièvre serait descendue, comme c’était arrivé pour lui ? Alduis réussit enfin à reprendre une inspiration. Une seule réaction vint de la jeune femme, à peine plus qu’un souffle coupé :

— Non...

Alduis aurait voulu la secouer pour qu’elle parle enfin, qu’elle dise quelque chose n’importe quoi, même si c’était pour l’insulter. Qu’elle crie, qu’elle hurle, qu’elle frappe, tout plutôt que cette immobilité et ce mot qu’elle répétait encore et encore. Non.

Il s’écoula une minute. Une deuxième. Encore une troisième. Et le silence refusait de se briser. Cruel. Il n’avait plus le courage de prendre la parole pour se défendre. Parce qu’il n’y avait rien à défendre. Il était coupable. Il avait tué Ariste.

Tout ce qu’il pouvait faire, c’était lutter, toujours, contre les assauts des voix qui chargeaient contre le pauvre mur érigé entre lui et elles. Il se fissurait, lentement et à une allure folle tout à la fois. Des graviers tombaient. Il allait se rompre. Et elles déferleraient en une marée pour le noyer.

Ce fut d’abord une phrase, prononcée d’une voix blanche, comme si elle réalisait enfin la signification de ce qu’il avait dit. Il l’avait tué. Comme Mathurin. Il les aimait tous les deux… et ils les avaient tués.

Il. les. avait. tués.

Il se rappelait de la voix d’Alexandre lui disant qu’il portait malheur. Mais c’était faux. Ce n’était pas son amant qui portait malheur. C’était lui. C’était lui qui avait tué les deux seuls hommes qu’il avait aimé. Était-il maudit ? Était-ce en sachant cela que ce Dieu qu’Alexandre vénérait l’avait ignoré et exclu de son cercle rassurant ?

… ne disait-on pas … jamais deux sans trois … ?

Il lui semblait entendre un bourdonnement dans l’air. Quelque chose d’encore vague, mais qui s’intensifiait de seconde en seconde. On aurait cru que la pression de l’air, grimpant sans cesse en flèche, venait soudain d’atteindre son paroxysme et que ses tympans ne pouvaient pas en endurer davantage. C’était bel et bien de ses propres oreilles que venait ce bruit - qui devenait strident.

Ce fut comme une rupture dans le cours du temps. Éléonore bondit en avant et ses poings heurtèrent ses épaules, et à chaque coup, elle martelait les mêmes mots, comme des clous qu’elle venait enfoncer sciemment dans sa boîte crânienne.

Elle le détestait.
Elle le détestait… vraiment ?

Alduis ne savait plus. Il aurait voulu être une petite souris pour pouvoir se cacher, dans un trou, loin, très loin de ces poings qui le frappaient. Il ne bougeait plus. Elle avait beau cogner de toutes ses forces, Alduis le sentait à peine. C’était en tout cas bien moins douloureux que les phrases - tout aussi puissantes - qu’elles hurlaient.

Elle le détestait.

C’était un vide infini, un vide noir et impalpable qui s’ouvrait dans son ventre, et dont chaque syllabe qu’elle ajoutait, qu’elle criait, n’était qu’une goutte d’acide supplémentaire qui venait le ronger.

Elle pleurait. Et les perles cristallisées qu’il voyait couler sur ses joues se transformait en larmes de sang.

Il avait tué Ariste. Mais il avait tué cette jeune femme, ce jour-là. Sans même la connaître, simplement un nom sur un papier, un nom auquel Ariste écrivait toujours, il l’avait tuée. Et peut-être bien plus profondément qu’il ne l’avait fait avec le jeune homme.

Il l’avait forcée à vivre. Et c’était peut-être encore plus insupportable que le reste. Il avait obligé quelqu’un à vivre cette lente agonie qui venait vous étreindre et vous faire perdre goût à la vie, jusqu’à ce que vous ne soyiez plus entouré que de vide et de couleurs fades.

Elle continuait de marteler sa poitrine, toujours plus. Et de parler. De l’accuser.

— Tu es un monstre.

C’était comme saper les maigres fondations qu’il parvenait à maintenir en place. Le mot de trop. Celui qui fit tomber le mur qui endiguait les voix, qui s’effrondra comme s’il n’était que poussière insignifiante. Alduis l’observa faire, impuissant, avec cette douloureuse certitude qui peut vous prendre quand vous compreniez que le repos que vous aviez connu était terminé.

Elles étaient là.
Comme si elles n’étaient jamais parties.

Tu es un monstre, Alduis.
Tu ne seras jamais que cela.

Tu nous détestes.
Mais nous sommes des parties de toi, Alduis.
Tu es comme nous.

Alors tu as compris maintenant ?

Tu ne seras jamais rien d’autre qu’un chien.
Jamais rien d’autre qu’un monstre.

Un froid glacial se répandait dans ses veines. Alduis ne se sentait pas en colère. Il n’était même pas déçu. Il n’y avait plus rien en lui. Juste le vide. Le vide de se dire qu’elle ne voulait plus jamais le voir. Le vide de se dire qu’elle le détestait. Le vide d’être encore vivant.

Tu aurais mieux fait de sauter, sur cette fenêtre.
Tu aurais mieux de sauter, et de tout abandonner.

Il ne bougeait plus, ne respirait plus, ne comprenait plus. Tout était flou. Il était aussi vide qu’une poupée de chiffons. Sans volonté. Incapable de retourner les coups qu’on lui donnait. Incapable de faire demi-tour. Il était planté là, dans ce salon, à regarder ces larmes qui inondaient ce visage, à écouter cette voix lui dire de mourir. Et les voix ricaner en écho.

Tu aurais mieux fait de sauter.
Tu peux toujours le faire.
Tu peux mourir.
Mais ça n’arrivera pas. Et tu sais pourquoi ?
Parce que même cela, tu ne sais pas faire.

Maman ne veut pas de toi.
Même Dieu ne te veut pas.
Parce que tu es un chien désobéissant, Brutus.
Et les chiens, restent chiens toute leur vie.

Soudain, une main se posa sur son épaule. Une main forte, qui le fit reculer, qui le poussa vers la porte. Il n’eut pas le courage de résister. Il se laissa faire. Le visage de cette Eltinne s’imposa dans son champ de vision. Un visage crispé.

— Ne vous approchez plus jamais d’elle.

Alduis se retrouva dehors sans avoir tout compris. La nuit tombait. Le froid se faisait plus mordant. Il descendit les marches du perron d’une démarche vide, comme un fantôme et s’orienta vers la sortie du domaine.

Meurs ! meurs ! meurs !

Il marchait. C’était tout ce qu’il était capable de faire. Mettre un pied devant l’autre. Il devait rentrer. Retourner à Fromart pour retrouver Alexandre et Bérénice. Il regarda autour de lui, sans savoir de quel côté il devait tourner. Par où était-il venu déjà ?

Meurs ! meurs ! meurs !

Par là. Ou bien par là. Ou alors… ou alors… Il se noyait. Il se noyait, et personne n’était là pour le voir ou pour lui tendre la main. Parce qu’il était seul. Parce qu’il ne pouvait faire confiance à personne. Même pas à lui-même.

Sa mémoire.
Son corps.
Ils ne pouvaient pas compter sur eux.

Il n’y a que nous.
Nous serons toujours là.
Tu peux nous faire confiance.

Alduis s’appuya soudainement sur un mur. Comme un noyé se raccroche à un rocher pour se maintenir la tête hors de l’eau. Même mettre un pied l’un devant l’autre surpassait soudainement ses forces. Il se laissa glisser le long des pierres rugueuses, sans se soucier des pavés sales qui pouvaient tâcher ses vêtements blancs.

Meurs ! meurs ! meurs !

Les cris d’Éléonore se transformaient en ordre. Auxquels il ne pouvait déroger. Mourir. Mais il ne savait pas faire. Alors… il n’avait plus qu’à s’allonger ici. Et à se laisser crever comme un chien abandonné, dans le froid et la boue.
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Message par Éléonore de Fromart Mer 6 Jan - 11:09

Éléonore se débattait. Elle ne savait même plus poursuoi. Elle était en colère. Elle était désespérée. Elle voulait qu'il lui fasse mal, qu'il l'achève elle aussi. Elle voulait mourir. Alors pourquoi cet ordre la retenait-elle ?

— Même ça tu ne sais pas faire... Même ça tu ne sais pas faire... sanglotait-elle par intermittences.

Peu à peu, elle se calma. Elle se démena avec de moins en moins de force jusqu'à se laisser docilement raccompagner dans sa chambre, beaucoup trop lasse pour résister.

Comment en était-elle arrivée là ? Elle se souvenait de la peine, puis de la rage qu'elle réprimant au fond d'elle depuis trop longtemps. Les paroles "apaisantes" d'Eltinne – dont elle ne percevait que des mots comme "fiancé", "jamais" et "prévenue" – étaient un bourdonnement incessant qui l'empêchait de réfléchir. Et puis...

— …cet Alduis...

Alduis ! Alduis... Qu'avait-elle fait ?! Peu à peu, les paroles lui revinrent. Cette rage qui avait explosé contre elle-même, contre le monde entier.… Et manifestement contre Alduis !!

— Il faut que je le rattrape...

Ce furent ses premiers mots cohérents. Qu'avait-elle dit, exactement ? La panique la gagna. Non... Non ! Comment avait-elle pu ? Elle était horrible ! Elle allait le détruire. Il allait croire qu'elle avait dit toutes ces horreurs pour lui... Au début, c'était le cas. Elle l'avait… détesté. Mais elle comprenait. Elle ne pouvait que comprendre.

— Il faut que je le rattrape… répéta-t-elle tandis qu'Eltinne secouait la tête.

Elle ne savait pas. Peut-être qu'elle lui en voulait. Une part d'elle se disait que même si Ariste avait pu survivre, il aurait été égoïste de lui imposer de revenir d'un tel état. Tout ça pour ne pas le perdre. Une autre se disait qu'Ariste était le plus invincible de tous. Il se serait battu, il se serait reconstruit. Après tout, c'était ce qu'il lui avait imposé alors qu'elle avait subi une perte bien plus insurmontable.

— Il ne vous mérite pas, mon enfant. Vous voyez : il vous fait déjà souffrir. Il se servait de vous.

Oui, peut-être qu'elle lui en voulait. Peut-être, mais pas assez pour accepter de le perdre.

— Vous ne comprenez pas…

Et s'il prenait au pied de la lettre des mots hurlés de rage contre elle-même ? Cela, elle ne se le pardonnerait jamais. Qu'il la déteste, qu'il ne veuille plus jamais la voir, elle le méritait. Mais qu'il se donne la mort à cause de son manque de retenue...

— Que vous a-t-il fait ? Êtes-vous...

— Il faut le rattraper ! insista Éléonore. Je vous en supplie, il faut le rattraper. Tout de suite.

Elle paniquait, et cette panique perçait dans sa voix.

Alduis qui se jetait à l'eau. À cause d'elle.
Alduis qui se précipitait dans le vide. À cause d'elle.
Alduis qui s'ouvrait le ventre. À cause d'elle.

À cause d'elle. À cause d'elle. À cause d'elle. À cause d'elle.

Si c'était ça, elle mourrait aussi. Elle ne pourrait jamais porter une telle culpabilité. Jamais surmonter cette perte alors même qu'il était le seul à qui elle s'était vraiment raccrochée. Elle l'aimait. Pas d'amour, mais elle l'aimait. Elle ne supporterait jamais de l'avoir tué.

— Mademoiselle, vous ne répondez pas. Vous a-t-il...

Éléonore papillona des paupières, éberluée. À n'importe quel autre moment, une telle question l'aurait fait rire. Peut-être pas d'un rire si léger qu'elle en avait autrefois, mais rire tout de même. Là, ça ne fit que l'agacer.

— Mais comment osez-vous ?!

Elle n'eut pas le courage d'argumenter. On s'en fichait. Il fallait juste qu'elle rattrape Alduis et l'empêche d'obéir à ses injonctions cruelles et pas dirigées contre lui.

— Je vous en supplie ! Il faut que je le retrouve ! Il faut que...

— C'est hors de question.

PS le courage d'argumenter. Ni celui d'écouter le discours d'Eltinne sur son coeur brisé, sur le fait qu'Alduis n'ait jamais eu que des intentions triviales à son égard – et que lui avoir avoué ses fiançailles ne changeait rien –, qu'elle ne devait plus jamais le voir, et qu'elle allait rentrer à la maison. Tout était fini,on la ramenait à Tianidre, loin des serpents contre lesquels elle ne savait se défendre.

Éléonore s'entêtait à protester. Alduis n'était que son ami. Elle savait tout à fait se défendre. Elle ne voulait pas rentrer. Il fallait le rattraper avant qu'il n'arrive quelque chose.

Et comme supplier ne suffisait pas, elle voulut forcer la sortie. Il fallait qu'elle le retrouve. Quoi qu'il en coûte. Mais il n'y avait rien à faire. On la surveillait. On ne la laisserait pas.

Elle se calma. C'était urgent. Mais il fallait rassurer ses cerbères au plus vite pour qu'ils la laissent seule et qu'elle puisse fuir. Le retrouver. Et l'empêcher de faire n'importe quoi.
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