[9 Décembre 1597] Rencontre fortuite du novice et de la grande prêtresse [Terminé]

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

En tant que petite main, c’était naturellement sur lui que s’étaient tournés les autres pour la course en ville. Tout ça à cause de ce maudit oiseau de malheur… En plus, tout ce qu’Hyriel pouvait faire afin de soigner sa côte, c’était de se reposer. Facile à faire quand tout déplacement nécessitait des béquilles… Heureusement que Flo était là pour l’assister…

Ruminant ses ruminantes ruminations, Guillaume revenait donc de chez l’herboriste où il était allé se fournir en graines de pavot et autres anti-douleurs. Un herboriste qui envoyait son apprenti-herboriste chez un herboriste, donc. La situation était cocasse…
Le jeune homme passa par le marché sur le chemin du retour mais s’étonna de remarquer de l’agitation au niveau d’un primeur. Il allait passer son chemin quand il reconnut la voix de la cliente. Il se permit de hausser un sourcil. Quel jeu jouait-elle ? Ne comprenant rien à rien, il la regarda aller acheter des gâteries et commença à comprendre. Il secoua la tête, amusé, et alla se planter dans son dos, comme elle s’éloignait, malicieux comme il aimait l’être.

« Alors, jeune fille, on magouille pour s’acheter des friandises ? »

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume rit en voyant Cassandre courir vers lui et il l’étreignit en retour, tout aussi ravi de la revoir. Il déchanta toutefois aussitôt à sa question et se mordit la lèvre. Oh, après tout, il pouvait bien lui dire… Il haussa les épaules avec une grimace.

« Tel que tu me vois, je reviens justement de chez l’apothicaire avec de quoi apaiser sa douleur. La vieille l’a frappé pour je ne sais quelle bêtise et il ne s’est pas raté en tombant… Enfin, d’après lui, ça va se guérir tout seul. »

Il écouta ses explications, attendri de la voir s’occuper de sa petite sœur. Il pencha instinctivement la tête à la suite. Effectivement, elle avait de très bonnes raisons et il ne pouvait que comprendre… Il ne put contrôler l’éphémère tension de ses membres sur la fin. Oh si… Oh si, il l’imaginait très bien. Il se rappelait comme si c’était hier de la fuite de sa maison, avec son frère puis avec leurs deux nouveaux amis, compatriotes, co-exilés. Le gamin de neuf ans qu’il était ressentait la faim à chaque seconde, pendant plusieurs jours, de même que les trois autres. Trouver à manger pour quatre n’est pas toujours facile, surtout quand seul l’un des quatre peut chasser, parce que deux avaient besoin d’être protégés…
Toutefois, Cassandre n’avait pas à savoir tout ça, aussi se contenta-t-il de secouer la tête en soupirant à son tour.

« Non, tu as raison, je ne sais pas… Et j’espère ne jamais le savoir. »
Ou, plutôt, ne plus jamais…

Il se dépêcha toutefois de changer de sujet avec un grand sourire.

« Et sinon, toi, quelles nouvelles ? Tu te plais dans ton nouveau chez-toi ? »

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume s’étonna de la violence des mots de Cassandre et éclata de rire quand elle eut fini.

« Eh bien ! Comme tu y vas ! »

Il souffla de rire à la suite, non moins fleurie, avant de secouer la tête, soudain effrayé, aux chardons.

« Oh non, par pitié, évite… Qui sait si son esprit tordu ne rejettera pas ça sur la tête de notre pauvre ami qui aurait voulu se venger ! Crois-moi, il n’a pas besoin de ça… »

Ils en vinrent à un sujet plus joyeux et il écouta la suite, ravi autant qu’amusé. Il s’illumina en entendant qu’elle continuait d’apprendre à lire et à écrire. Cela plairait à Hyriel !

« Voilà de bonnes nouvelles ! Et ne t’inquiète pas pour la lecture, ça viendra à force d’entraînement et après, tu n’y feras plus attention ! »

Il rougit intégralement à la fin et se frotta le bras, gêné autant qu’amusé.

« Bah… Écoute… Dans le fond, je ne suis pas contre mais bon… Comment dire… Je ne suis pas forcément assez bien pour elle, non ? Mais je ne doute pas qu’elle soit très mignonne et – surtout ! – très gentille… »

Il étira son sourire pour s’efforcer d’avoir l’air à peu près assuré, même s’il savait bien qu’il n’en menait pas large…

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume secoua la tête, de nouveau amusé.

« Non mais ne crois pas que je ne les connais pas, juste que c’est étrange de te les entendre dire. Toi qui es si innocente… »

Il lui tapota gentiment la tête tout en notant dans sa mémoire ces insultes monbrinienne qu’il ne connaissait pas encore toutes.
À la suite, il se sentit désolé de l’avoir effrayée et s’approcha pour poser sa main sur son épaule.

« Allons, ne t’inquiète pas, c’est fait, c’est fait… »

Il ne savait pas trop quoi dire d’autre, à vrai dire… Il lui sourit quand elle évoqua sa lecture.

« Si ça peut te rassurer, j’étais pareil ! Mais il faut de la patience, le plaisir n’en sera que plus grand, et après, ça coulera tout seul ! »

Il rougit un peu plus quand elle le… complimenta ? Et eut le souffle coupé à son étreinte, surpris. Il referma toutefois rapidement ses bras autour d’elle, touché.

« C’est très gentil à toi et c’est… une philosophie de vie plutôt sympa, je dois dire… »

Il la retiendrait, celle-là, pour sûr !

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume redevint plus sérieux, bien que toujours calme.

« Je m’en doute bien, ne t’inquiète pas. Je dois être aussi innocent que toi, je pense, même si mes domaines de connaissance sont différents. »

Par exemple, il savait quelles parties de quelles plantes et en quelle quantité et état pouvait tuer, ou faire souffrir, ou faire souffrir puis tuer. C’était indispensable pour bien soigner. Et puis bon, autant d’avoir explosé son seuil de vision d’horreur pour une vie à neuf ans pour étudier en détail les dangers des plantes, en parallèle de leurs bienfaits. Mais ce n’était pas le sujet et, de toute manière, il n’avait pas cessé de sourire calmement. Il hocha la tête à sa question.

« Oui, j’ai mis quelques temps mais je ne saurais pas te donner la durée exacte. J’avais huit ans quand j’ai appris à déchiffrer les enseignes de boutiques mais j’ai vraiment appris à lire fluidement vers mes neufs ou dix ans. »

Dans les montagnes, au pays, pendant les moments de repos durant lesquels Hyriel le distrayait avec les quelques livres qu’ils avaient pu sauver du massacre de chez lui. Ceux de sa maîtresse à lui, avant, dont il avait hérité par la force des choses et qui seraient à lui, Guillaume, un jour qu’il espérait lointain.

Il se laisse réconforter et sourit avant de s’étonner de sa proposition.

« Mais tu es sûre? Tu ne vas pas priver ta sœur ? Et puis je n’ai rien en échange, à te donner, moi. »
Il tâta ses poches, nerveux, avant de tomber sur quelques brins de thym qui traînaient dans son sac, les fameux qu’il avait oublié de donner à Hyriel. Il sourit en en prenant un.
« Oh, tiens ! »
Il en fit un nœud, puis un autre, avant de tendre la double bague à Cassandre.
« Tiens, voilà en échange ! Si tu as besoin, tu pourras en faire une petite infusion, c’est très bon pour les maux hivernaux et puis, sinon, ça sent très bon ! »

Il sourit largement, ne sachant s’il devait être fier de sa trouvaille ou désespéré par son idée.

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume tapota l’épaule de Cassandre pour la rassurer quant à la difficulté de la lecture. Elle irait sans doute plus vite que lui en s’y mettant régulièrement. Après tout, à partir de sa rencontre avec Hyriel, il a vite appris, lui aussi. Il écouta sa réponse sur les sucreries mais ne put se résoudre à ne rien donner en retour, par principe, alors il lui donna la bague improvisée. Il s’éclaira en voyant qu’elle lui plaisait et acquiesça la tête à son analyse.

« Avec plaisir ! Je suis ravi qu’elle te plaise ! »

Il allait donc prendre une confiserie, la conscience tranquille, quand il sursauta, n’ayant pas vu la jeune femme arriver. Il s’empressa de secouer la tête et les mains.

« Non, non, non, non, non, ce n’est rien, ne vous inquiétez pas, ce n’est rien, absolument rien ! »

Il essaya de sourire bien largement, même s’il se sentait nerveux. À part Cassandre, il ne parlait pas souvent à des filles alors il ne savait pas trop y faire… Il regarda alors, interdit, Cassandre aller enlacer la jeune femme et écarquilla les yeux en entendant son nom. Celle qui était à marier. Il entendit surtout son murmure et rougit intégralement, stupéfait. Mais… mais… mais… mais… mais mais mais mais non ! Mais non non non ! Mais… Bon, d’accord, elle était plutôt jolie, même très mignonne, et elle avait l’air sympathique mais… dans quoi elle le fourrait ? Il gagna quelques teintes quand elle vanta ses qualités et baissa la tête pour l’écouter, encore plus rougissant. Il la regarda ensuite s’éloigner, toujours mutique, et retourna la tête vers la jeune fille avant de déglutir. C’est vrai qu’elle était mignonne, quand même, avec son petit rouge aux joues…

« B…Bonjour… V…Vous allez bien ? »

Il déglutit de nouveau en se forçant à sourire, même si c’était plus une grimace gênée, sans savoir quoi ajouter.

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume secoua la tête pour rassurer la jeune fille. Bien sûr que non, il n’avait rien. Il sourit en l’écoutant raconter ses achats et en parlant de ses beaux fruits. Il ne savait pas qui étaient ces personnes dont elle parlait mais elles allaient être heureuses !

Il gagna quelques teintes en voyant qu’elle faisait de même aux murmures fallacieux de Cassandre. Il croisa également son regard et ne put plus s’en détacher. La noisette de ses iris était si douce, comme son visage… Et le petit rose qui lui montait aux joues… Il sentait les siennes prendre feu également. Il fut encore plus subjugué en découvrant ses jolis cheveux, si soyeux, contrairement aux siens qui devaient avoir l’air d’épis mal arrangés… Il rougit encore plus en se rendant compte qu’il manquait à toutes les politesses et inclina également la tête.

« Moi aussi, M…Mademoiselle B…Bélyl, je suis enchanté… »

Il sourit, penaud, à sa réponse et hocha la tête.

« Moi aussi, très très bien. Je… Je faisais les courses pour un ami et j’ai… j’ai rencontré mon amie Cassandre et… je vous ai rencontrée, vous, l’amie de… de mon amie Cassandre donc tout va bien puisque nous sommes… entre amis, enfin je crois… C’est… C’est comme vous voulez… »

Lui-même se trouvait assez idiot mais il avait l’impression que ses idées pataugeaient dans un marais poisseux alors il ne voyait vraiment pas quoi faire pour se rattraper et se contenta de se mordre les lèvres en haussant les épaules pour se donner un semblant de contenance. Bien évidemment, perdu dans ses idées et dans les beaux yeux de la jeune fille, il n’avait pas vu Cassandre chiper ni goûter les grenades.

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume continua de sourire à cette charmante jeune femme. C’était si étrange de parler à quelqu’un qui n’était pas un de leur groupe ou un patient… Et puis elle avait l’air si gentille ! Ce serait sans doute l’occasion de se faire une amie ! Il hocha la tête à sa demande, avec un grand sourire.

« D’accord, Ma… Hum, Bélyl. »

Il reprit une teinte de rouge en se rendant compte de ce qu'il avait finalement dit avant de s’illuminer quand elle rit et accepta son amitié. C’était une très bonne journée. Il se mordit la lèvre et secoua la tête à la suite.

« Oh, non, mais pas très loin. J’étais venu faire une course pour un ami. Et vous ? »

Il n’osait pas avouer qu’il était domestique, quand bien même il savait que ce n’était pas une honte. Quelque chose le retenait. Peut-être ne voulait-il pas risquer de se faire repousser ? Sans doute… Il tourna également la tête en entendant le bruit et haussa un sourcil en voyant Cassandre. Il laissa Bélyl s’en occuper, doutant au passage de l’explication, et la regarda ouvrir le fruit avec admiration. Il n’en avait vu que rarement des comme ça et surtout en dessins… Il écouta ses explications et l’observa, comme elle montrait l’exemple, hypnotisé, un petit sourire aux lèvres, même s’il ne s’en rendait pas compte. Quand elle lui présenta la grenade – et que Cassandre gloussa –, il jeta un rapide regard réprobateur à la jeune adolescente avant de sourire de nouveau en regardant Bélyl. Il la remercia timidement, puis prit quelques grains entre ses doigts, avec délicatesse pour ne pas les écraser. Il les laissa également fondre dans sa bouche et ferma un instant les yeux pour savourer ce goût nouveau, si doux, si sucré… C’était si délicieux ! Il rouvrit les yeux en souriant à sa nouvelle amie.

« Je pense n’avoir jamais rien goûté d’aussi bon ! C’est très aimable à vous de m’avoir permis d’en prendre un peu. »
Il regarda alors Cassandre, lèvres pincées et yeux plissés.
« Et qu’est-ce qui t’arrive, toi ? »

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume s’illumina en voyant Bélyl faire de même. C’était tout de même bizarre de l’appeler par son prénom mais de la vouvoyer quand même. Toutefois, il faisait bien attention à ne pas faire d’impair pour ne pas la brusquer, ni lui sembler rustre. Il suivit son doigt pour repérer l’hôtel et s’efforça de retenir le lieu, comme ça, avant de hocher la tête à sa réponse, impressionné.

Il sourit à son tour en voyant le rose lui monter aux joues, de manière fort mignonne, et il sourit encore plus en entendant de nouveau sa jolie voix. Il la laissa proposer des pépins à Cassandre et s’inquiéta en la voyant se mordre la lèvre et sembler légèrement confuse. Il allait poser délicatement la main sur son bras mais se retint à temps. Il le laissa toutefois en suspens.

« Tout va bien, Bélyl ? »

C’était en tout cas un très beau prénom à prononcer. Il aurait bien voulu le lui dire mais elle aurait sans doute trouvé ça idiot… Il posa sa question à Cassandre mais le regretta aussitôt et rougit jusqu’aux oreilles. Il se pinça les lèvres et secoua la tête. Oh, il voyait ce qu’elle avait en tête, la petite.

« Je te vois venir, toi, et non, merci, je pense que nous pouvons nous passer de tes explications ! En plus, pour ma part, je sais comment on fait alors ça ira, je te remercie. Et puis… et puis voilà ! Non mais ! Petite chipie, va ! »

Il plissa davantage les yeux en se retenant de trop sourire parce que bon, il fallait reconnaître que c’était bien joué – mais quand même ! Il se retourna toutefois rapidement vers sa nouvelle amie, le visage doucement inquiet, pour voir si elle allait toujours bien.

Guillaume, 16 ans, apprenti herboriste

Guillaume crut voir Bélyl se troubler et allait s’inquiéter encore plus quand leurs regards se rencontrèrent. Il oublia tout et se perdit dans ses beaux yeux. À ce moment, il aurait voulu pouvoir les regarder toujours. Toujours. Il rougit intégralement en comprenant également ce qui lui arrivait – ce qui leur arrivait – et hocha nerveusement la tête à sa réponse. Il plissa les yeux à la répartie.

« Oh, je pense en savoir assez, je te remercie. »

Il laissa son amie répondre à Cassandre à son tour mais se retint de sourire. « Vous êtes adorable, quand vous vous mettez en colère, le saviez-vous ? », qu’il aurait envi de lui dire, mais il ne le pouvait pas, pas ici, pas maintenant, mais il le lui dirait sans doute… Il fronça à son tour les sourcils à la réponse de la jeune adolescente. Il ne l’avait jamais imaginé, jamais vu comme ça, mais elle n’avait pas tort, après tout, surtout qu’il pensait savoir de qui elle parlait. Il regarda vers Bélyl, inquiet qu’elle ait de la peine, et préféra répondre.

« Même si ce que tu dis est juste, ce n’est pas pour autant que ce lieu soit celui où il nous faut en parler. Laissons les choses de l’intime être évoquées dans l’intime, pour ne pas outrer et choquer inutilement les personnes sensibles qui nous entourent ou alors notre amie ici présente. »
Il jeta un nouveau coup d’œil à Bélyl avant de se décider à citer Hyriel, très sérieusement.
« On n’impose pas un enseignement à quelqu’un. On propose et on respecte son choix. »

Tout en parlant, il demeurait proche de sa nouvelle amie, prêt à la rassurer si besoin était.