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[Flashback ~ 1560-1566] Duce fatum tuum

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Message par Coldris de Fromart Mer 12 Mai - 18:42



Coldris de Fromart, 16 ans

Outre le plaisir indubitable de cette rencontre, Annie lui fournissait toutes sortes de renseignements des plus utiles qui ne renforcèrent que plus encore son choix du notaire Bondeau. Il irait le voir dès demain, c'était décidé. Il garderait dans un coin de son esprit tout ce qu'il avait appris ce soir afin de s'en servir le moment venu. Il ne fallait jamais négliger ce que l'on pouvait apprendre y compris si cela semblait à première vu inutile. Bien souvent, une pièce pouvait se révéler par la suite indispensable à la fresque dont elle faisait partie.

Une chose était sûre, il allait rétribuer Annie gracieusement pour tout ce qu'elle venait de lui dire. L'année ne faisait que commencer et il n'avait pas terminé de la fêter.

La vent de la fortune tournait, il pouvait le sentir faire frémir sa peau à lui en hérisser les poils sur tout le corps. Plus personne ne l'arrêterait, il ne laisserait personne se mettre en travers de son chemin. Son père pouvait bien venir le faire arrêter, il s’enfuirait à nouveau. Il réussirait ou périrait en ayant essayé. Il n'avait nulle autre possibilité.
Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

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✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
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Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
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Message par Coldris de Fromart Mer 12 Mai - 18:48


Chapitre 5: Des bons amis et des bons paris



.  
Coldris de Fromart, 19 ans et Virgil d’Aussevielle, 23 ans

Sed etiam effectrices sunt uoluptatum tam amicis quam sibi

Il n’est pas pour nos voluptés d’appui plus solide ni de source plus féconde qu’une amitié réciproque.

de finibus bonorum et malorum, I-XX - Cicéron





12 Mai 1564,

C'était dans l'air chaud et ensoleillé de cette fin de printemps que se trouvaient les deux amis, allongées sur la pelouse de l'Hôtel Saint Eloi appartenant aux Aussevielle. Tous deux n'avaient gardé que leur veston et le haut de leur chemise avait été délacé afin de palier à la chaleur ambiante. Une herbe glissait nonchalamment entre ses lèvres, Coldris fixait pensivement le ballet mouvant des cotonneux nuages rythmé par l'orchestre des grillons et autres insectes bourdonnant. L'ancien avocat était devenu son meilleur et seul réel ami dans cette capitale grouillante de vipères. La Fortune était parfois malicieuse, car jamais il n'aurait pu songer que cette rencontre trois ans plus tôt lierait les deux hommes si différents qu'ils étaient aussi fortement. Tout les opposait et tout les rapprochait à la fois. C'était comme la nuit et le jour ou comme les deux faces d'une même pièce.

Virgil était la sagesse, Coldris était la fougue.
Virgil était la piété. Coldris était le pêcheur.
Virgil était la raison. Coldris était la folie.

L'un n'existait pas sans l'autre et c'était cette unité qui créait un équilibre et une osmose parfaite entre eux malgré tous les remous que pouvait provoquer leur rencontre.
Coldris était désormais secrétaire du bailli de Braktenn. Il disposait de bons revenus et même d'une propriété gracieusement offerte par la couronne. Il avait passé plus de deux ans à remettre en état cette ruine, mais c'était désormais une demeure confortable dans laquelle il se sentait bien. Et dire qu'il avait même le luxe d'avoir un domestique !
Quant à Virgil, d'avocat, il était passé à juge, sans doute en partie grâce à cette juteuse affaire de détournement de fond où il avait particulièrement brillé au cours du procès qui avait fait grand bruit dans tout le pays.

Coldris soupira faisant trembloter l'herbe avant de la retirer pour prendre la parole.

— Virgil, il faut que tu m'aides à entrer au palais.

Son ami quitta sa rêverie pour tourner la tête vers lui.

— Ta place ne te convient pas ?
— Ce n'est pas ce que je veux, tu le sais très bien. Ce n'est rien d'autre qu'une marche. Tu ne vas pas finir ta vie juge, non ?

Vigil arqua un sourcil puis haussa les épaules. Il irait là où on lui dirait de servir, le reste lui importait peu.

— Je t'ai déjà dit que ton manque d'ambition me désespérait ?
— Une bonne dizaine de fois, il me semble.

Il poussa un long soupir exaspéré. Il ne pouvait pas rester indéfiniment derrière les grilles dorées. Cela faisait trois ans qu'il était arrivé à la capitale. C'était tout à la fois très court et très long. Si beaucoup s'étonnait de voir le parfait inconnu qu'il était encore hier doté de telles responsabilités, lui ne quittait jamais du regard son unique objectif. Il n'était pas vu ici pour gérer l'administratif d'une cité, il était venu pour gouverner le pays.



— Ton père pourrait peut-être m'aider? Il fait partie de l'Etat-Major après tout. Tu...
— Ca va, ça va, Coldris ! Je lui demanderai. Tu pourras sans doute venir au prochain bal.

De toute façon, il ne lacherait pas l'affaire tant qu'il n'aurait pas obtenu ce qu'il voulait, il le savait, alors autant gagner un peu de temps. Et puis à en voir son regard s'illuminer comme les candélabres de la salle de réception, il percevait combien tout cela était important pour lui.

— Merci mon ami
— Tout le plaisir pour moi. Et par Dieu, ne t'avise pas d'aller faire du charme à je ne sais quel membre de la famille royale !
— Je serai sage comme une image !

Mais son sourire trahissait déjà les pensées les plus folles qui n'avaient nulle place sur ce visage d'apparence angélique. Virgil roula des yeux et reporta son attention sur les cumulus qui avançaient lentement, poussés par le petite brise. Le silence s'étira autant que les nuages se déformaient par moment. Coldris ferma les yeux, laissant le soleil chauffer ses paupières. Il allait se rendre au Palais. Bientôt. Il pourrait se faire connaitre et examiner les opportunités qu'il pourrait entrevoir sur place. Bien évidemment, il n'excluait pas de prendre également du bon temps, mais son objectif premier restait de mettre à profit cette soirée pour son grand dessein. Ce fut finalement son ami redressait sur un coude qui couvrit le bruit de fond des grillons.

— Je ne t'ai toujours pas demandé, Coldris, accepterais-tu d'être témoin à mon mariage ?

Le mariage de Virgil avec Elena d'Urbany devait avoir lieu le mois prochain. Cette idée le faisait grincer des dents. Elena était tout à fait charmante, ce n'était pas le problème, c'était juste... Qu'il craignait que leur relation n'évolue. Et s'il ne supportait plus ses frasques ?

— Est-il vraiment nécessaire de répondre ? répondit-il d'un sourire

Evidemment qu'il serait son témoin. Il n'allait pas abandonner son ami devant l'autel.

— Merci...
— Tu noteras ce sacrifice que je consens à faire pour toi, reprit-il sans lui laisser l'occasion de développer je vais me rendre à l'église et subir un interminable sermon pour le plaisir d'être à tes côtés. Si ce n'est pas de l'amitié que cela !

Virgil se laissa retomber sur le dos en soupirant longuement sous le rire tonitruant de son témoin.

— Ne fais pas cette tête, allons ! J'irai même confesser avant d'y mettre les pieds. Rien que pour toi ! Et je ne te demande qu'une minuscule contrepartie en échange...

Il vit les sourcils de son ami s'abaisser sur ses yeux gris perle. Sans doute imaginait-il déjà le pire ce qui ne faisait sourire que plus encore Coldris.

— Promet-moi que rien ne changera. fit-il parfaitement sérieusement

Ce fut cette fois à Virgil de rire aux éclats.

— Je vais seulement me marier Coldris, je ne rentre pas dans les ordres !

Dit comme cela, cela paraissait évident, mais il fut tout de même rassuré de l'entendre de la bouche de son meilleur ami.

— Tu devrais d'ailleurs songer à en faire de même.

Se marier... Il n'en avait pas réellement envie, mais il n'avait pas tellement le choix. C'était une occasion comme une autre d'obtenir un titre, des terres et de gravir l'échelle sociale. Qu'importe sa femme, il savait déjà qu'il ne pourrait pas l'aimer. Il n'en aimait aucune, ce n'était pas un papier qui changerait quoi cela à ce fait. Il laissait l'attachement à ceux qui en étaient capables. Lui n'avait pas plus de cœur à offrir à qui que ce soit. Dans le meilleur des cas, il aurait pour elle une amitié sincère.

— J'imagine que tu as raison.
— Bien sûr que j'ai raison !

Il lui adressa un regard réprobateur :  il n'était pas obligé d'en rajouter. D'autant plus que c'était d'ordinaire lui qui prononçait cette phrase. Le fait était qu'elle était vrai. Il avait besoin d'une femme pour avoir une descendance officielle. A quoi bon s'établir au sommet s'il n'avait personne à qui léguer son accomplissement ?

— Et tu as quelques suggestions, je présume...

Virgil parlait rarement pour ne rien dire. Si le sujet était évoqué c'était qu'il avait déjà envisagé la suite. C'était sans doute pour cela qu'il appréciait tant jouer aux échecs contre lui :  les parties étaient plus ardues les unes que les autres et il était bien difficile de déterminer qui allait gagner jusqu'à l'ultime coup. Coldris devait confesser en avoir remportées quelques unes de manière fort peu loyal, mais à la guerre il fallait parfois se montrer plus rusé que son adversaire. La morale c'était pour les faibles. Et le chevalier d'Aussevielle en avait un peu trop pour résister aux vicissitudes du jeu de son ami.

— En effet. Trois pour être précis. Nous en parlerons plus tard. Ne te tracasse pas avec cela pour l'heure.

Coldris replaça son herbe entre les lèvres avant de retourner à ses vagabondages spirituels. Il ne s'était jamais senti aussi bien que depuis qu'il était arrivé à la capitale. Il ne craignait plus d'être surpris et corrigé, ni d'avoir le ventre vide des jours durant. Il n'avait plus non plus à se cacher pour lire ou à raser les murs dans l'espoir d'échapper à ses frères, même s'il fallait l'admettre ses dernières années avaient été moins pénibles. Entre celui qu'il avait tué d'une flèche en pleine tête, les deux idiots qui s'étaient entretués pour une femme qui n'existait pas, celui qu'il avait assassiné en plein repas sous les yeux de son père et ceux qui avait quitté la ruine familiale, un calme relatif s'était installé. Ses anciens bourreaux avaient fini par se méfier de lui, qu'ils jugeaient -comble de l'ironie- cruel et sournois. Lui, en avait joué et s'était bien gardé de les détromper sur le sujet. En y repensant, même son propre père s'était pissé dessus à l'idée qu'il ne le tue la dernière année. C'était sans doute pour cela qu'il avait tenté de s'en débarrasser en l'envoyant dans un monastère.

Dommage, Père. La mauvaise herbe est affreusement résistante. Vous devriez le savoir. J'ai grand hâte que mon nom revienne à vos oreilles. Croyez-moi ce sera bien plus beau que de vous voir crever misérablement.

Il tourna la tête et aperçut une petite fourmi qui explorait les reliefs de sa chemise de soie blanche. Pour elle c'était tout un monde, un plissement géologique encore inconnu, une terre pleine de promesse. Il avait toujours apprécié observer les fourmis. Elles étaient si fascinantes. Il se souvenait de ce jour où ils avaient essayé de déterrer une fourmilière. Isis avait fini par se rouler par terre dans l'espoir de se débarrasser des minuscules envahisseurs qui tentaient de l'attaquer sous sa robe. Coldris avait ri aux éclats de la voir se tortiller dans tous les sens et elle avait encore plus pesté. Mais Isis n'était plus. D'un revers de la main, il balaya la fourmi qui s'envola sur quelques dizaines de centimètres avant d’atterrir sur une terre bien plus familière. juste derrière, une délicate fleur rose poudrée s'ouvrait dans une corolle de pétales semblables aux jupons qu'il aimait tant soulever pour y dénicher ce trésor bien gardé.

— J'ai envie de retourner voir la baronne prochainement.

Garance de Marsens de son nom. La petite vingtaine, épouse d'un lénifiant homme du grand double de son âge. Si la marquise l'apprenait, elle allait encore lui tenir la jambe durant des heures. N'avait-elle pas compris depuis toutes ces années qu'il n'appartenait à personne ? Elle commençait à devenir de plus en plus embarrassante et de moins en moins intéressante. Viendrait un jour où il faudrait sans doute songer à remettre les pendules à l'heure.

— Eh bien fais donc.
— En fait c'est déjà prévu.
— Fort bien.
— J'ai besoin de toi.

Virgil entrouvrit une paupière pour lui adresser un regard en coin

— Oh c'était donc cela. Evidemment. Et la réponse est non.
— Je me suis déjà arrangé avec sa camériste pour qu'elle m'ouvre la porte de service.
— Elle aussi tu lui as fait les yeux doux ? Tu comptes lui faire écarter les cuisses ?
— Peut-être bien. Elle n'est pas vilaine après tout, mais cela n'a aucune importance. J'ai besoin que tu occupes le baron.
— La réponses est toujours non. Tu n'as qu'à l'inviter chez toi.

Coldris tourna la tête un sourire espiègle au bord des lèvres

— Mais c'est absolument exclus, mon ami ! Elle n'est pas assez exceptionnelle pour pénétrer mon intimité comme moi je le fais de la sienne. D'autre part, tu avoueras que c'est nettement moins amusant ainsi.
— Alors tu en conclueras que c'est encore plus divertissant sans mon aide.

Il marquait un point. Mais Coldris n'avait pas dit son dernier mot. Il tenait absolument à ce que Virgil l'assiste, parce que justement, ce n'en était que plus savoureux lorsque c'était partagé. C'était comme aller au théâtre seul ou accompagné. Il se redressa sur son coude, un regard malicieux qui fit froncer d'office les sourcils de son ami. Qu'allait-il donc encore inventer cette fois-ci ? Ne pouvait-il pas utiliser toute cette énergie à... autre chose ?

— Arrête de me regarder de la sorte et parle. De toute façon, tu le ferai quand bien même je te baillonerai et que je me boucherai les oreilles de cire.
— Ne soit pas si dur, Virgil. J'ai un pari à te proposer puisque nous parlons de divertissement.

— Un pari ... Oh non je te vois venir d'ici et il en est hors de question !

Coldris se releva pour s'asseoir et s'empressa de détailler

— Ecoute donc ! Je n'ai encore rien dit.
— Je connais fort bien tes paris où tu es toujours gagnant
— Tu es mesquin ! Je n'y peux rien si je suis meilleur.
— Tu les arranges surtout pour ne jamais pouvoir perdre.
— Absolument pas ! La preuve, voilà ce que nous allons faire : tu devras réussir à l'occuper en lui parlant de tous tes textes de lois et autres jurisprudence favorite tandis que je ferai en sorte d'en finir assez rapidement et discrètement possible pour lui échapper.

Virgil se pinça les lèvres en roulant des yeux :  c'était exactement ce qu'il avait annoncé, un pari que Coldris ne pouvait pas perdre car il sortait victorieux dans toutes les circonstances possibles. Si le baron était occupé suffisamment longtemps alors il remporterait son pari et s'il ne l'était pas, cela ne changerait rien car l'échec de l'autre parti lui donnerait une nouvelle fois la victoire. Il n'y avait qu'un seul cas en sa défaveur :  tous deux échouer lamentablement,

— C'est bien ce que je disais ! Et la réponse est toujours non. Tu ne m'auras pas cette fois-ci.
— Tu ne pas nier qu'elle a l'exclamation facile et la voix haut perchée... Voilà qui redistribue les cartes, non ?
— Non.

— Et j'ai de quoi te motiver. Je ne t'ai pas encore parlé de ce que tu avais à y gagner. Je t'accompagnerai à la messe de la Pentecôte.
— Et tu te confesseras ?
— Et je me confesserai.

Il marqua une petite pause afin de le laisser savourer sa satisfaction avant d'annoncer la suite :

— En revanche si tu perds tu devras m'accompagner au lupanar.
— Mais je vais me marier, Coldris !

Il haussa nonchalamment les épaules

— Alors tu vas devoir remporter ce pari. Tu peux déjà rassembler tes plus beaux décrets, mon ami.

Coldris se laissa retomber en riant sur l'herbe chaude, il avait hâte d'y être désormais !

18 Mai 1564,

Tout s'était déroulé comme prévu. Virgil avait réussi à obtenir une entrevue pour lui parler de Dieu savait quelle pénible et interminable procédure pénale ou législative en cours. À vrai dire, Coldris se fichait pas mal du motif qu'il avait pu dénicher pour en dormir la confiance de ce pauvre diable tandis qu'il allait culbuter sa femme sous son propre toit. Il avait gratifié Madeleine la camériste d'un séduisant baise-main et d'un joli châle déniché dans l'une des échoppes de la ville pour sa dévotion. Il fallait toujours prendre soin des domestiques, c'était eux les  vrais maitres des clés et des accès, eux dont la langue avait le pouvoir de parler ou de se taire.

Puisqu'il n'avait pas encore eu le loisir de voir qui que ce soit monter, il en déduisit que son ami s'en sortait comme un chef. En même temps, il ne fallait pas lancer Virgil sur un sujet judiciaire, c'était s'exposer à d'interminables explications d'une précision exacerbée et cela pendant des heures ! Il ne se souvenait encore que trop bien de cet après-midi, où il avait eu le malheur de lui demander de l'éclairer sur la fraude fiscale. Il avait vu le soleil décliné et avec lui l'espoir de sortir indemne de Saint-Eloi. Il avait même failli l'implorer de l'emmener assister à une homélie plutôt que de continuer à lui parler de l'ordonnance royale de 1547 qui avait connu trois lettres de jussion et d'interminables déboires...

Quant à lui, il avait été particulièrement bien accueilli et avait veillé à étouffer ses gémissements d'un baiser. Il s'offrait même luxe de paresser un instant à ses côtés, effleurant ses courbes gracieuses du bout de ses doigts. Il y avait tout de même quelque chose d'étrange :  il n'entendait aucun son en provenance du rez-de-chaussée. Il embrassa une dernière fois ces deux charmants seins à la forme si parfaite pour finir par ses petites lèvres carmin puis se leva, récupérant ses effets personnels, à l'exception de ses souliers qu'il conserva dans sa main.

Il fallait qu'il sache, c'était plus fort que lui. Au lieu de prendre l'escalier de service par lequel il était entré, il descendit furtivement les marches de l'escalier principal. Rien. Quelques marches de plus.


— Tu peux descendre Coldris, je sais que c'est toi.

Mais que se passait-il là-bas ? Rongé par la curiosité, il retrouva bien rapidement le plancher.

— Tu pourrais au moins te rhabiller convenablement !
— Qu'est-ce que tu lui as fait ? Tu l'as tué ? coupa Coldris à voix basse
— Tu as vu beaucoup de morts ronfler ? Parce que moi, pas.

Il leva les yeux au ciel et se jeta dans un fauteuil pour passer ses chaussures. Évidemment qu'il était toujours en vie ! Ce n'était qu'une façon de parler, il jeta un oeil à sa bedaine qui se soulevait à intervalles réguliers, puis commença à sentir un rire chatouiller ses côtes encore fraichement submergées de la marée de plaisir qu'il avait connu.


— Combien de temps ?
— À peine quinze minutes. Un record. répondit-il non sans fierté les jambes croisées. Bien, j'ai gagné donc. et il se leva.
— Certainement pas ! s'offusqua Coldris en relâchant sa boucle dans son exclamation.

Le baron grogna et les deux paires d'yeux clairs se tournèrent dans sa direction avant de s'attraper mutuellement dans une déduction commune. Sortir. Oui c'était somme toute plus raisonnable.

Une fois dehors, Coldris toujours dépenaillé repris de plus belle :

— Tu n'as pas gagné ! J'ai réussi à finir à temps.
— Il dormait ! J'ai plus que rempli ma part du marché !
— Tu as triché !

Virgil se mit à rire à gorge déployée

— Tout le monde n'est pas aussi fourbe que toi, mon ami. Enfin, si tu considères les ordonnances comme tricherie, libre à toi. Toujours est-il que tu vas devoir assister à la messe de la Pentecôte et te confesser !

Ses yeux gris s'illuminèrent d'une lueur madrée.

— Hors de question ! aboya-t-il en ajustant enfin sa chemise.
— Je savais bien que ce pari était bancal depuis le départ...
— Tu l'as quand même accepté.
— Pouvais-je refuser ?

Coldris répondit d'un sourire malicieux.

— On peut toujours choisir.
— Admet que j'ai quand même dépassé l'objectif. Tu ne peux pas le nier.
— Si j'avais su, j'aurais pris la camériste en suivant.

Virgil s'immobilisa.

— Coldris ! gronda la voix du juge.
— Autant en profiter.

Il observa son ami soupirer non sans un certain amusement. Il devait bien reconnaitre qu'il n'avait pas foncièrement tort et que les départager n'était pas des plus évidents. Il aurait pourtant dû anticiper que le baron ne ferait pas long feu après un copieux déjeuner face aux explications touffues de Virgil. M'enfin tout de même, quinze minutes ! Il avait été incontestablement plus rapide que lui-même qui avait laisser trainer son bon plaisir sur la couche de la baronne. Mais il ne l'admettrait jamais.

— Bon, bon ... Que dirais-tu de déclarer une égalité, en ce cas ?

Faute de pouvoir obtenir mieux de la part de ce mauvais perdant notoire, Virgil se résigna à accepter l'offre.

— Mais cela signifie que nous allons devoir remettre cela reprit la voix provocante de ce diable de Coldris.

— Et que tu vas devoir te confesser et aller à la messe.
— Et toi au lupanar.
— On pourrait peut-être annuler ? proposa Virgil
— Tu peux toujours prier, j'espère que tu connais un confesseur patient.

Tous deux se regardèrent un instant avant de rire de concert dans une accolade débordante d'amitié. Virgil pouvait bien maugréer autant qu'il le voulait, il savait qu'il appréciait autant que lui de participer à ces petits jeux innocents.




 
20 Mai 1564,
Deux jours avant la Pentecôte,

Virgil avait rendez-vous à Cervigny pour le diner. C'était le jour dévolu aux dettes de jeu. Coldris avait dû aller se confesser dans l'après-midi, et lui... lui, devrait l'accompagner au lupanar, le repas passé. Il envisageait sérieusement de droguer son ami pour y échapper, mais ce ne serait là ni très chrétien ni très loyal de sa part. N'avait-il donc pas assez de femmes à ses pieds pour devoir ainsi se rendre au lupanar ? Non. Non, ce n'était pas cela et Virgil le savait parfaitement, car quoi que les rumeurs puissent dire, il y allait somme toute bien rarement. Non, c'était uniquement pour le plaisir de le contrarier lui et sa morale qu'il trouvait bien trop inconvenante.

Il gravit d'un pas alerte les quelques marches le séparant du perron où Léonilde en impeccable (et implacable) gardien l'accueillit avec sa rigueur habituelle.

— Messire d'Aussevielle, soyez le bienvenu, Monsieur de Fromart  vous attend dans le salon.

— Bonsoir, mon cher Léonilde, je vous remercie, c'est un plaisir de vous revoir répondit-il en posant une main sur son épaule avant de s'engouffrer dans l'élégante bâtisse.

Comme prévu, il trouva son ami, installé négligemment dans l'un des fauteuils présents, à lire un quelconque ouvrage qu'il reposa aussi sec pour le saluer.

— Ah mon ami ! Installe-toi je t'en prie, Léonilde va nous servir de quoi boire !


Ce qui signifiait deux verres d'hypocras, puisque c'était là son péché mignon. À peine installé, il ouvrit les hostilités .


— Alors, tu t'es confessé ?
— Plus ou moins. avoua Coldris dans une moue alors qu'il observait le vin cascader dans chacun des verres
— Comment cela  « plus ou  moins » ?  face à l'absence de réponse, il reprit Coldris ? Comment as-tu pu te confesser  « plus ou moins  » ? Ou tu l'as fait ou tu ne l'as pas fait. Tu ne baises  pas « plus ou moins  »  que je sache ... pas plus que je ne vais  « plus ou  moins » au lupanar.

Quoique... S'il pouvait y aller moins que plus... il ne dirait pas non.

— Si tu ne t'es pas confessé, je refuse de t'accompagner ce soir !
— Ah parce que tu espérais encore y échapper ! Tu m'en vois fort navré de briser tes maigres espérances, mais j'ai tenu la part de mon marché.

Il croisa ses jambes en attrapant au passage son verre.

— Je suis allé à l'église tout à l'heure. J'avais rendez-vous avec le curé - que j'avais prévenu pour qu'il réserve son après-midi comme tu le sais - Il était tout juste plus âgé que moi, vois-tu. Nous sommes allés nous installer à l'abri des oreilles indiscrètes, chacun de notre côté de ce grillage. T'ai-je déjà dit que je détestais par-dessus tout les endroits exigus et obscurs de ce genre ? Je tiens à te dire que c'est pure torture pour moi que de demeurer dans cet espace clos et inconfortable à souhait ! Toi au moins, tu n'auras qu'à prendre du plaisir tandis que j'ai dû souffrir le martyre ! bougonna-t-il

Virgil haussa les sourcils. Il se moquait pas mal de tous ces détails et Coldris le savait pertinemment. Il ravala son soupir avec une gorgée d'hypocras, puis lui adressa un sourire plein d'ironie.

— Il semblerait que ce soit à mon tour d'en être fort navré, mon ami.

Ignorant l'intervention du juge d'Aussevielle, il poursuivit son récit, comme si de rien n'était


— Cela faisait six ans que je n'avais pas été entendu. Le plus dur a été de retrouver où je m'étais arrêté la dernière fois. J'ai donc paré au plus pressé en lui confessant comment j'avais permis à mes deux frères de quitter cette terre en s'entretuant pour une femme tout droit sortie de mon esprit.
— Tu as quoi ?  s'exclama Virgil manquant de s'étouffer
— Tu as parfaitement entendu. Cela faisait des années qu'ils me molestaient et prenaient grand plaisir à me harceler lorsque j'étais châtié par mon père. Et tant d'autres choses encore que si je te racontais tout cela aujourd'hui, tu échapperais au lupanar par manque de temps, chose qui est parfaitement exclue en ce jour. il prit une gorgée pour tout te dire, j'en ai tué un autre. Plus directement cette fois-ci, d'une flèche en pleine tête.
— Seigneur ! Mais enfin Coldris ! Tu te rends compte de ce que tu dis ? Un triple fratricide !
— Et je recommencerai sans hésitation . Tu comptes me déposer à la Prévôté  ou tu veux la suite de mon récit ?

Il ne reçut qu'un grognement sourd accompagné d'un geste agacé de la main en guise de réponse. Il reprit donc sans délai:

— Il n'était pas vraiment plus ravi que toi, mon brave confesseur d'ailleurs, mais puisque Dieu pardonne tout, il n'a pas eu d'autres choix que de passer outre. Rassure-toi pour le reste, nous sommes passés à quelque chose de plus plaisant. Je lui ai raconté ma première fois, à même pas quatorze ans, avec cette fille des champs qui m'envoyait des  « Messire  » à ne plus savoir quoi faire alors qu'elle avait la panse bien plus pleine que la mienne. Je lui ai avoué comment je l'avais séduite avant de l'emmener dans la grange pleine des foins de la fauche engrangée pour l'hiver et comment j'avais délassé son corsetage pour atteindre ces jolis petits seins ronds et fermes qui tenaient si bien dans la main puis comment j'avais glissé ma main sous ses jupons avant de...
— Epargne-moi les détails veux-tu...

Coldris esquissa un sourire satisfait.

— Tu es certain? Je n'ai pas manqué de précision avec lui. Je voulais être certain que Dieu sache de quoi il me pardonnait tout de même. Je lui ai raconté toutes les autres fois où j'avais remis le couvert. Tiens je ne t'ai pas dit ? Cette confession fut des plus enrichissantes, puisque j'ai eu l'idée de noter toutes mes conquêtes dans un carnet. J'ai rempli les premières années d'après mes souvenirs. Cela évitera que l'on vienne me présenter un bâtard qui n'est pas de moi. Enfin, pour en revenir à ma confession, plus les minutes passaient, plus j'avais l'impression que son teint s'obscurcissait. Sans doute n'était-ce là qu'un effet de la lumière tamisée qui règne dans les confessionnaux, mais toujours est-il qu'il ne faisait guère plus que hocher la tête comme un pigeon à mes paroles. J'étais à peine arrivé à ma rencontre avec Annie, qu'il commençait déjà gesticuler sur son siège. Quand je te dis qu'ils sont inconfortables ! Regarde donc ! Ils insupportent même les curées ! Et il me restait encore trois ans  de péchés de chair à confesser ! s'offusqua Coldris avec véhémence.

— Seigneur... chuchota-t-il en commençant à comprendre d'où venait le fameux  « plus ou moins  » .

— Crois-le ou non mais lorsqu'en suis venu à lui conter mes nuits de luxure avec elle, il a fini par se racler la gorge et déclarer :   « Je suis désolé, Monsieur de Fromart, mais je dois mettre un terme à votre confession. Des... -comment avait-il déjà ?- impératifs s'imposent à moi  »  avant de m'absoudre de tous mes péchés (y compris ceux que je n'avais pas confessés), puis il est parti précipitamment vers sa cellule, rouge comme une crête de coq. Virgil, veux-tu que je te dise pourquoi les prêtres portent des soutanes et non des chausses ?

Coldris haussa fièrement les sourcils  avant de laisser échapper un profond rire tandis que Virgil passait ses mains avec dépit le long de son visage.

— Oh Coldris, Coldris... Seigneur Dieu tout puissant... marmonna-t-il
— Vois-tu c'est pour cela que je ne vais jamais me confesser. Je refuse d'être la cause de rupture de voeux de ces curés. C'est terriblement mesquin !
— Crois-moi si je n'avais pas tant envie de savoir ce que ce bon Léonilde a préparé pour le repas, je te laisserai finir la soirée seul.
— Oh mais je ne compte pas la finir seul ! Et puis tu dois m'accompagner au lupanar !
— Tu m'agaces ! Allons manger. déclara-t-il en reposant son verre vide avant de se lever.

Il avait toujours raison, c'était bien cela le pire ! Même lorsqu'il était en tort, il parvenait à se donner raison. Tout en marchant en direction de la salle à manger, Virgil songea qu'il aurait dû s'assurer que ce ne soit pas un novice qui l'entende. D'ailleurs, la prochaine fois, il avertirait le curé de ses travers et autres digressions tendancieuses. Il soupira et passa la porte.
Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Mar 29 Juin - 15:15

Chapitre 3: Le grain de sable et la graine de l'amitié


Coldris de Fromart, 16 ans

Toute amitié est par elle-même désirable ;
pourtant elle a eu son commencement de l'utilité.



Sentences vaticanes, XXIII, Epicure







Eté 1561

Cela faisait six mois que Coldris travaillait d’arrache-pied chez le notaire Bondeau dont lui avait parlé Annie. Il devait reconnaitre que toutes ses informations (qu’il avait rétribuées à leurs justes valeurs) lui avaient été fort utiles. Il n’avait guère eu de mal à se faire embaucher en alignant quelques bons mots. Pour le reste, oh et bien ce n’était que de la comédie. Mais la vie n’était qu’une représentation dont il avait enfin pu obtenir le parfait costume pour son rôle taillé dans un magnifique velours noir des plus chers.

Il vivait toujours dans un ridicule et modeste petit appartement, mais cela lui était bien égal. Il ne dépensait son pécule que dans deux domaines : son image – qui se devait d’être impeccable – et sa culture – qui se devait d’être aiguisée – . Quant à dormir, quand les murs de chaux tordus lui donnaient le cafard, il se réfugiait dans les bras chauds et accueillants d’une belle femme. Cela pouvait être Annie qu’il continuait de fréquenter avec régularité ou d’autres rencontrées au gré des jours et des nuits. S’il était encore un peu maladroit par moment, il aiguisait peu à peu son attitude. Il fallait dire qu’en petit rustaud de la campagne monbrinienne qu'il était, l’élégance et la subtilité de la capitale lui échappaient parfois quelque peu. À force d’observations (et de quelques échecs), il avait fini par s’améliorer incontestablement. Qui plus est, sa place de clerc de notaire était idéale pour toute sorte de rencontres dont il retenait surtout les mariages et les décès où il faisait preuve d’une étonnante compassion et d’un dévouement absolu.

Parmi toutes ces veuves éplorées, il avait notamment rencontré deux mois plus tôt la belle Béatrice de Kermagnac, marquise à l’esprit aussi libéré que son corps laiteux qu’il prenait tant plaisir à satisfaire. Une amante généreuse qui n’hésitait jamais à allonger les rilchs sans compter en de dispendieux présents pour s’assurer de le garder à ses côtés. Dommage, elle ne comptait pas se marier. Il en aurait volontiers fait sa femme, si elle le lui avait demandé. C’était une relation quelque peu singulière qu’ils entretenaient ensemble : elle trompant son ennui avec la spontanéité épicée de Coldris, lui utilisant sa fortune autant que sa réputation pour pénétrer les cercles les plus fermés de Braktenn. Des salons où, s’il s’amusait allègrement – avec ou sans elle –, il n’oubliait jamais l’objectif qui l’avait mené à la capitale. Sous les dorures et les fastes, il était si facile de se laisser vivre dans l’oisiveté trompeuse que générer son apparente sécurité. À chaque baiser de velours déposé sur sa peau, il s’efforçait de se souvenir que derrière ces douces lèvres se trouvaient des dents acérées qui ne rêvaient que de mordre sa chair au moindre écart.

Parallèlement à ces enrichissantes nuits braktennoises, il avait appris à connaitre son patron, Hyacinthe Bondeau, dont l’étude notariale qui avait pourtant sa petite notoriété semblait couler aussi surement qu’un galet jeté dans le Suro. Plus étonnant encore, si le notaire aimait à s’affliger publiquement de sa situation, il ne manquait jamais de donner de fastueuses réceptions de temps à autre. Dès son arrivée, il en avait eu la puce à l’oreille, sans doute une réminiscence de sa famille récemment laissée à moisir dans ce tas de fumier que son propre père prenait tant de plaisir à agrémenter. Son instinct n’avait depuis cessé de lui hurler qu’il y avait là anguille sous roche. C’était comme une anomalie dans un tableau qu’il ne parvenait à déceler. Il avait donc entrepris de gagner la confiance absolue de son patron. Un travail de longue haleine. S’il était sociable comme une puce, il en était tout aussi peu bavard dès que l’on s’écartait des banalités d’usage. Pourtant à force de patience, Coldris qui avançait un à un ses pions commença à sentir les murailles s’effriter. Comme il ne fallait jamais mettre tous ses œufs dans le même panier, les soirs où il ne sortait pas, il passait une bonne partie de la nuit à éplucher soigneusement tous les registres, tout en justifiant un archivage des actes administratifs.

Et puis, il y eut le jour de l’erreur. Quelques semaines plutôt Bondeau, malade comme un chien galeux, lui avait demandé d’apposer le sceau sur les dernières transactions effectuées et d’envoyer le tout à la couronne accompagnée du montant requis des taxes, lui-même prélevé sur les frais de succession. La semaine suivante, Coldris avait rangé l’acte correspondant avec le dossier le constituant. Et là, ses pupilles de glace avaient raté un battement de cils en constatant que le montant différait allègrement de celui qu’il avait annoncé. Oh, cela ne sautait pas aux yeux, mais deux malheureux chiffres étaient inversés. Le 1 et le 7 très précisément dont la graphie fortement similaire avait même fait douter le jeune homme l’espace de quelques secondes. Et s’il n’avait pas eu pleine et entière confiance en sa mémoire, il aurait juré s’être fait des idées.



* * *


Cela faisait près d'un mois qu'il avait découvert la fourberie de son patron. Il avait eu le temps de trouver d'autres preuves de ses méfaits toujours soigneusement dissimulés, mais pas assez pour qu'il ne puisse mettre le doigt dessus. Le plus compliqué demeurait l'art avec lequel Blondeau savait noyer le poisson grâce à des actes parfaitement en règle. En réalité même, la majorité d'entre eux ne contenaient aucune irrégularité et ce n'était jamais les plus gros qui se trouvaient être porteur de ses petites manigances. Il n'était pas idiot au point d'ignorer que ces grosses transactions attiraient un oeil bien plus vigilant que les petits paniers. Or, c'était avec de petits ruisseaux que l'on formait les grosses rivières. Et que devenaient les rivières ? Des océans. Il en était arrivé à la conclusion que le notaire dormait sur un beau petit matelas sonnant et trébuchant bien loin de celui aux relents de foin qui était le sien. À vrai dire, Coldris se fichait pas mal qu'il escroque la couronne pour son bien personnel. Ce qui l'intéressait en revanche était le bénéfice qu'il pourrait tirer de sa chute :  notoriété, reconnaissance et récompense. De quoi faire briller d'avidité son regard sérac dans l'obscurité de sa sordide chambre où la paille lui grattait le dos, comme un éternel rappel de sa position encore trop misérable.

Ce qu'il lui fallait désormais c'était un appui pour le faire tomber. Quelqu'un de confiance à qui remettre son dossier. Quelqu'un de suffisamment honnête et droit pour ne pas le balayer de crainte des répercussions et surtout quelqu'un qui n'avait nulle affaire avec le notable véreux. Et cette personne, il n'en connaissait qu'une seule susceptible de la lui indiquer :  la marquise de Kermagnac. Il avait posé simplement la question entre deux pièces d'échecs déplacées sur un plateau de marbre et la réponse ne s'était pas fait attendre. Il fallait dire que le monde de la haute noblesse était assez petit et sa demande somme toute spécifique.

La semaine suivante, il entrait en sa compagnie dans l'un des salons de la capitale où l'éternelle jeunesse s'exhibait dans ses plus beaux atours.

— C'est lui, Coldris. Entre les deux blondinets. Virgil d'Aussevielle, futur marquis. Son père le destinait à l'armée, mais il a tourné les talons à l'épée pour prendre la robe. Ce brave Marcellus ne l'a jamais digéré. J'ai cru qu'il allait en faire une crise d'apoplexie de voir sa lignée de croisées salie par une robe de scribouillard. Quoi qu'il en soit, il a tant à prouver qu'il sera sans doute enthousiaste à l'idée de vous aider.

Il remercia sa protectrice d'un signe de la tête tout en détaillant le jeune homme à peine plus âgé qui se trouvait assis à converser jovialement dans le canapé. D'après ses dires, ils avaient en effet plus d'un point commun et il pourrait bien être l'homme dont il avait besoin pour ses desseins.

— Venez, je vais vous introduire, ce sera plus aisé.

Elle passa une main dans son dos et l'invita à se diriger vers le petit groupe.

— Mes excuses pour cette interruption, Messieurs, mais je tenais absolument à vous présenter Monsieur de Fromart que voici avec qui je ne doute pas, vous aurez beaucoup à partager.

Béatrice de Kermagnac affichait un petit sourire enjôleur alors qu'elle se penchait à son oreille pour lui murmure quelques paroles luxurieuses pour lui seul au sujet de la suite de la soirée. Il esquissa un sourire  et s'inclina.

— Bien entendu, Madame la marquise, c'est toujours un plaisir de vous servir.

Sans tarder, le jeune homme s'installa et entama la conversation comme il savait si bien le faire. À force d'écumer les salons braktennois, il n'avait pas tardé à développer une sociabilité des plus naturelles pour ce genre de circonstances. C'était d'ailleurs dans ces moments-là qu'il chérissait d'avoir nourri son esprit de tant de livres et d'autant de coups de fouet, car tout cela en valait indéniablement la peine. C'était dans ces courts instants qu'il réalisait pleinement où il se trouvait – dans ce luxueux salon aux lustres scintillants –, sur cette marche qui devait le mener au sommet. Il avait déjà parcouru un faible chemin, mais il restait tant à parcourir pour se hisser de cette tour de cristal.

De bavardages, on passa aux jeux de cartes, le tout savamment alimenté de coupes d'hypocras que Coldris feignait de boire régulièrement. Hors de question de s’enivrer. Il était ici pour le travail, il était exclu de repartir sans avoir pu obtenir un entretien en privé avec le futur marquis qui ne seyait guère aux expectations paternelles.

Il profita donc de la fin de la partie (qu'il remporta avec brio) et du départ vexé de deux garçons pour se rapprocher de son objectif de la soirée.

— Monsieur d'Aussevielle, je dois avouer que j'ai trouvé en vous en adversaire redoutable. Jusqu'à la dernière carte je n'étais point sûr de l'emporter ! Que diriez-vous de sortir quelque peu le temps de nous rafraichir les idées ? J'aimerais m'entretenir d'un sujet particulier avec vous, si vous le permettez.

L'offre acceptée, il se dirigèrent tous deux vers la grande terrasse qui surplombait les jardins du manoir gargouillant de rire et bruissant de paroles. Passées les quelques banalités protocolaires d'usage avant de rentrer dans le vif du sujet, Coldris put enfin lui faire part de sa requête.

— Voyez-vous, il se trouve que je travaille actuellement comme clerc chez un notaire. Maitre Blondeau, peut-être le connaissez-vous ? son interlocuteur acquiesça d'un bref signe de la tête, vous savez comme moi en ce cas que son étude se porte fort mal depuis plusieurs années, nouveau hochement de tête, en réalité, j'ai de bonnes raisons de croire que les choses ne sont pas ce qu'elles paraissent, il l'interrogea du regard et constata un froncement de sourcil intéressé au cours de l'archivage, je suis tombée sur plusieurs irrégularités. J'ai bien entendu cru à une simple erreur, pourtant en creusant en ce sens, il m'est apparu qu'elle n'était pas la seule. Vous comprenez n'est-ce pas ?

Le sieur d'Aussevielle opina gravement de la tête, le laissant aller jusqu'à la conclusion

J'aimerais tirer cette affaire au clair, car il est impensable que l'on se serve ainsi sur le dos de la couronne... Or, je n'entends rien au domaine juridique. J'ai pensé que vous pourriez peut-être me prêter main forte, Monsieur d'Aussevielle ?

Le silence s'étira, Coldris ne savait guère ce qu'il devait en déduire si ce n'était qu'il devait sans doute peser le pour et le contre de cette idée qui n'allait pas sans risque lorsqu'elle venait d'un parfait inconnu.

—  Voilà une accusation fort grave ! Si ce que vous dites est vrai, il me faudra plus que votre parole pour vous aider en ce sens, mais je pense pouvoir vous prêtez main forte, en effet.

Lui aussi avait dû calculer qu'il avait plus à gagner à révéler une telle affaire qui retomberait forcément sur lui que de la laisser à un autre. Coldris tendit la main et le marché fut entendu entre les deux hommes qui entamèrent une discussion nettement plus triviale jusqu'à briser la glace entre eux. Il devait reconnaitre que c'était une personnalité agréable et non dénuée de bonne compagnie. Ajoutez à cela qu'ils partageaient de semblables contretemps professionnels, tout était réuni pour partager plus qu'une simple affaire juridique. Virgil acheva par ailleurs de lui poser la question qui le taraudait depuis le départ.

— Vous couchez avec la marquise n'est-ce pas ? Ne comptez pas sur moi pour vous présenter ma petite soeur ! plaisanta-t-il

Coldris souffla un petit rire tout en s'appuyant nonchalamment sur la balustrade aux formes généreuses, le regard plongé vers les jardins plongés dans la pénombre.

Vous savez Monsieur le marquis, je n'ai pas votre chance. Je ne dors pas dans un palais et mon père ne pourvoie plus à mes besoins depuis un nombre incalculable d'années. Vous seriez certainement étonné de savoir de quelle façon je suis arrivé à la capitale, il se retourna dans un sourire espiègle, mais ce récit sera pour une prochaine fois, mon futur ami, il faut bien conserver quelques secrets à l'établissement d'une belle relation, ne croyez-vous pas ?
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