[27 Décembre 1597] Premiers contacts avec l'énergumène

— Vous êtes un monstre.

Ils n'avaient pas fait d'elle un monstre. C'était faux. Ni eux, ni son père avant eux. Ni personne, jamais !

Une part d'elle eut un instant de doute. Elle n'aurait jamais agi ainsi auparavant… Ni recommandé à quiconque d'avoir une telle attitude. Elle était ferme, mais compréhensive. Elle ne croyait pas en la violence ni en l'intimidation… Mais elle avait ouvert les yeux : le monde n'était pas un monde de douceur et d'amour où tout pouvait se solutionner par la compassion et l'espoir d'une rédemption.

Elle se rappela la manière dont le prêtre avait tenté d'apitoyer son fils. Ce que ce dernier lui avait dit de lui et... ce qu'il n'avait pas dit. C'était précisément à cause de crevures de cette espèce que ce monde était gangrené. Alors non, elle n'était pas un monstre. Elle réservait ses bons sentiments pour ceux qui les méritaient. Quand on voyait où cela menait...

Elle demeura donc imperturbable, et acheva la fouille sans rien trouver de plus. Il lui restait le bureau, et la cellule dont le curé venait de revenir avec pas moins de huit bouteilles. Peut-être aurait-elle dû commencer par là...

— Moi aussi : j'ai affirmé que si vous les trouviez avant moi, je ne les prendrais pas en compte, et ce sera le cas. Nous sommes donc à deux.

Elle alla ensuite inspecter la cellule. Cette fois, il semblait avoir pris ses recherches aux sérieux : elle n'en trouva plus. Eh bien voilà ! La preuve que cela fonctionnait !

— Voyez, ce n'était pas si compliqué. La prochaine fois, vous obéirez tout de suite, dit-elle en ouvrant la porte du bureau.

Elle entra, prête à achever ce qu'elle avait commencé.

Après une dernière recherche dans la cellule, Thierry était à présent certain qu'il ne resterait plus une seule bouteille. Quelle plaie ! Combien de temps allait-il être coincé avec ce dragon revêche ? Elle lui faisait penser à sa mère, qui refusait la moindre concession, mais qui elle se faisait obéir par le fouet. Ou le menaçant de punir sa petite sœur à sa place quand elle avait fini par remarquer qu'il se dénonçait pour les bêtises que celle-ci pouvaient commettre.

Alors qu'il déposait les bouteilles dans la caisse, empreint de toute la mauvaise humeur dont il pouvait être capable, le prêtre jeta un regard mauvais à Lucinde.

"Si j'ai les moyens de vous nuire, un jour, vous le regretterez. Au centuple."

Elle s'amusa à le narguer en allant fouiller la cellule mais ne trouva heureusement rien. Thierry lui jeta un autre regard furieux. pour qui se prenait-elle cette péronnelle ? Elle évoluait dans son église, à lui, comme si elle en serait la véritable maitresse. Quelle peste !