[7 janvier 1598] En quête de rédemption [RP sensible][Terminé]

Thierry n’en revenait pas de leur lien de parenté. Il acquiesça lentement, ravi de l’effet de son annonce.

- Marie-Madeleine d’Anjou était l’épouse de feu mon aïeul du même nom que moi-même. C’est une fille d’Isabelle de Noches et de Théodore d’Anjou. expliqua-t-il sobrement

Malheureusement, il ne serait guère en mesure de lui en dire plus sur la famille d’Anjou. Il ne connaissait que son ascendance personnelle, apprise par cœur, des heures durant avec la menace planante d’une pluie de coups en cas d’erreur, mais fort heureusement s’il était exécrable à l’escrime, il disposait en revanche d’une excellente mémoire. Thierry ne fut pas long à arriver au même constat que lui et ils en rirent de plus belle.

- Je crois que nous ne nous sommes plus à cela près en effet.

Qu’était-ce que baiser son cousin après tout lorsque l’on se rendait déjà coupable de sodomie ? A peine l’étincelle qui pourrait allumer un bûcher.

- Oh croyez bien que je manque pas de le lui rappeler régulièrement ! avoua-t-il caustique à souhait.

Un sourire taquin s’étirait sur ses lèvres. Alexandre n’avait pas fini d’en entendre parler. Ça et toutes les âneries déblatérées le jour de leur rencontre. Lorsqu’il informa Thierry de son intention de faire de son fils, son secrétaire, ce fut un brillant regard plein de fierté qui accueillit la nouvelle.

- C’est un peu tard pour en faire un Pape, mais il pourra toujours devenir Ministre des Affaires religieuses dans quelques années, dès que la Réforme aura abouti.

Clin d’œil à ses habituelles rédemptions proposées en confessions, Coldris l’invita à sortir sur les mains, ce qui ne manqua pas de provoquer un énième étouffement chez son ami et néanmoins cousin. D'un petit rictus amusé, il lui conseille tout de même la plus élémentaire prudence.

- N’allez tout de même pas vous briser les os en réalisant vos propres acrobaties mon cher, ce serait fâcheux.

Thierry remonta le fil de son ascendance grâce au nom fourni par son cousin. Coldris fit écho au rire de son ami lors de sa répartie sur Marie-Madeleine.

- Entre un Borgia et une Marie-Madeleine, comment voulez-vous que je ne sois pas doté de certains pouvoirs ? ironisa-t-il goguenard

L’hilarité générale ne se calma guère lorsqu’ils s’amusèrent de l’annonce qui serait faite à leurs fils respectifs au sujet de leur lien de parenté. Entre ça et les paroles d’Alexandre sur la sexualité qu’il ne cessait de lui rappeler dès qu’il en avait l’occasion

- La première fois, il a rougi. Depuis il est juste exaspéré à l’idée de supporter cela jusqu’à mon dernier souffle. D’ailleurs, pour ne rien vous cacher, il n’y a pas que mes ouvrages religieux qui l’intéressent, tant s’en faut. ponctua-t-il d’un petit sourire entendu.

C’est tout naturellement que le sujet dériva sur l’avenir d’Alexandre. Son avenir proche et celui plus lointain que le ministre entrevoyait pour lui, pour peu qu’il s’en donne les moyens. Encore une fois, une grimace de surprise défigura le visage de Thierry. Coldris, lui fronça légèrement les sourcils, étonné de l’ignorance du père. Et non, il ne plaisantait pas le moins du monde.

- Eh bien! Il faut croire que je connais mieux votre fils que vous-même. Le pauvre petit était un simplement tenu dans l’ignorance. Il ignorait même ce qu’il s’était passé en Angleterre. Je dois dire qu’il a dévoré chacun des ouvrages autour de ce sujet depuis que nous avons eu cette discussion ensemble. Vous seriez sans doute stupéfait de voir à quel point il peut être ambitieux.

Quant à marcher sur les mains, c’était peut-être un peu trop demander à Thierry, il accepta donc sa négociation d’un signe de la tête.

- En ce cas vous n’aurez qu’à ramper, mon cher, mais jusqu’aux grilles ! N’oubliez pas que Dieu voit tout.

Coldris se déplaça vers la porte qu’il ouvrit d’un geste obséquieux.

- Vous m’excuserez, mais je dois mettre un terme à nos joyeuses gausseries, mais mes obligations m’appellent. Prenez soin de vous, mon cher cousin.

Léonilde, 61 ans

Comment ce maudit prêtre avait-il osé fouler le sol de Fromart de ses pieds impies après ce qu’il avait fait ? Et pourquoi le vicomte avait-il accepté de le recevoir ? Il avait espéré être enfin débarrassé de ce déchet aux relents de vinasse, mais il fallait croire que l’on ne se débarrassait pas de la vermine si facilement. Il allait sans doute encore vendre des informations à son maitre à défaut de pouvoir vendre son âme au diable -puisque c’était sans doute déjà fait depuis bien longtemps-. Qui plus est, ce soulard releveur de jupons avait de nouveau trouvé le moyen de souiller les tapis persans de ses répugnantes sécrétions stomacales !

Cela faisait plus d’une demi-heure qu’il était en compagnie de Coldris et cela n’augurait rien de bon. Surtout lorsque de pareils éclats de rire filtrer derrière la lourde porte de bois sculpté. Léonilde soupira en roulant des yeux. Que pouvait-il bien lui trouver excepté un divertissement similaire à l’un de ces petits singes savants ? Eux au moins ne fricotaient ni avec la loi ni avec les mœurs, et l’on pouvait s’en séparer bien plus facilement que cette vile sangsue des tavernes.

En attendant, il prenait son mal en patience, s’efforçant de penser à autre chose, lorsqu’enfin la porte s’ouvrit accompagnée des adieux de la voix suave de son maitre. D’un discret pas de côté, il dégagea le corridor pour constater avec stupéfaction ce vieux vers solitaire ramper sur le sol lustré en direction du hall. Il arqua un sourcil médusé puis entra à son tour afin de prendre les directives. Il ne put s’empêcher de poser un regard excédé sur la tâche auréolée du tapis.

- Ce n’est pas ce que tu crois, Léonilde.

La voix posée et calme -mais non sans une pointe épicée de raillerie- le tira de sa contemplation.
… Je l’ai un peu… Brusqué, voilà tout. Il n’était pas ivre.

Léonilde inclina la tête et entreprit de débarrasser la petite table tandis que Coldris, mains croisées dans le dos, observait avec délectation la vue sur la Cour d’honneur. Quand même, il n’avait peut-être pas bu, mais la carafe de Porto était bien entamée et le fond sirupeux et ambré des verres ne laissait pas de place au doute... Une fois le tout posé sur un plateau, il alla rejoindre son maitre à la fenêtre.

Là, dans la cour enneigée, la vieille limace en soutane rampait péniblement jusqu’aux grilles. Que ne ferait-il pas pour obtenir les faveurs du ministre ? Cela dit, il devait bien admettre que le tableau était des plus réjouissants.

- Ose me dire que ce n’est pas divertissant, Léonilde.
- Vous savez bien que je ne suis pas de nature rétive, messire. rétorqua-t-il avec un amusement teinté d’ironie

Coldris lui fit face, un sourire jusque dans ses prunelles bleu azur. On pouvait y voir une simple et idiote obéissance au premier abord, mais c’était en réalité bien plus subtile que cela. Si Léonilde ne s’opposait jamais à ses directives, il ne manquait pas de donner son avis honnête lorsqu’il lui était demandé.

- Je sais ce que tu penses : que j’ai encore plié. Tu ne l’aimes pas. Cela se voit et c’est compréhensible, mais ses révélations étaient bien trop lourdes.
- Vous n'avez pas à vous justifiez et je pense que vous avez agi justement, messire. La vie de notre monarque passe avant le reste. Mais vous avez raison, cet individu me répugne autant qu’il me révolte et je ne voudrais pas qu’il vous entraine dans sa chute. Vous valez bien mieux que cela. Ivain est venu me prévenir que votre étalon était sellé si vous souhaitez toujours aller chasser.