[11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
[11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Pour l'heure, le Premier Conseiller marche vers l'interpellation de Thierry d'Anjou. Ainsi qu'il l'a redouté, personne de l'évêché n'a bougé. Personne ! Fidèle à sa promesse à Eléonore, le baron et des gardes de son fief de sont déplacés en personne jusqu'au siège clérical pour tirer de force quelques hommes de leurs papiers et les mener là où ils auraient dû depuis longtemps accomplir leur devoir. Dans la suite du seigneur de Frenn avancent donc trois commis de l'évêché et au moins six soldats de son propre domaine.
Mais au plus près de Dyonis, c'est Eldred qui progresse lui aussi à cheval. Cet homme en qui il a mis toute sa confiance et avec lequel il partage bien des valeurs. Cet homme qui le premier l'a informé des débordements de Thierry auprès de Lavinia - après s'être montré héroïque dans l'église pour défendre la jeune femme. Et ce guerrier valeureux dont le baron a déjà fait son garde du corps à plus d'une reprise. Le prêtre aura la plus belle des surprises en voyant débarquer le Zakrotien, qu'il a eu l'audace de menacer de mort !
Et pourtant... pourtant, aux traits tirés, graves et sombres de Dyonis alors qu'il approche de l'église Saint-Eustache, on devine qu'il ne prend même pas de plaisir à se diriger vers ce que plus d'un auraient considéré comme une vengeance - ce dont plus d'un aurait joui. Le baron estime faire son devoir. Et le faire même beaucoup trop tard. Décidément non, tout ce que sa fille a vécu de la part de Thierry et de son époux, son père n'est encore pas près de se le pardonner. Il a participé au malheur de sa fille par le couvent où il l'a mise, par le mari qu'il lui a donné... Il n'a aucune envie de jubiler au moment qui approche.
A plusieurs reprises sur la route, ses yeux de glace auront croisé ceux d'Eldred, pleins d'un mélange de détermination et de remerciements. Le Premier Conseiller monbrinien se sent infiniment plus proche de ce guerrier Zakrotien que de beaucoup de ses compatriotes et confrères d'aristocratie - qui l'eut cru. Ils se sont toujours soutenus. Dyonis sait qu'Eldred sera un allié précieux.
Les voilà aux portes de l'église, non sans avoir attiré l'attention de dizaines de badauds dans les rues : un déplacement du Premier Conseiller avec une pareille suite ne passe pas inaperçu. C'est pour éviter de se donner en spectacle que Dyonis décide de mener la chose à huis-clos. Il descend de cheval, reste grave et concentré sans un regard pour la foule. Il invite Eldred à rester à ses côtés pour pousser enfin les portes de l'église. L'homme sait qu'à cette heure-là, le prêtre y sera - et quasiment seul, puisqu'il s'agit d'une heure creuse dans la roulement de ses offices. Bien. Pas de grande démonstration : Dyonis a horreur de cela. Son pas sévère résonne donc contre les dalles intérieures de l'édifice. Qui va les accueillir ?
@Thierry d'Anjou @Lucinde Tiéran @Eldred Kjaersen
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Lucinde avait l’intention de faire quelques pas à l’extérieur, et se dirigeait vers la sortie quand deux hommes entrèrent. Deux visages familiers, d'ailleurs. Et bien que l'irruption du Premier Conseiller l'inquiéta d'abord, elle se rassura aisément. Ce n'était que pour Thierry. Ce n’était pas pour elle, elle n’avait rien à craindre. Rien à craindre. Rien à craindre. Elle se le répétait encore quand, arrivant à sa hauteur, elle s’inclina respectueusement. Elle se raccrocha à l’idée que rien dans son attitude ne laisse transparaitre la moindre inquiétude.
— Votre Excellence... le salua-t-elle, évitant soigneusement les formulations parfaitement inadaptée employant des mots comme “honneur” ou “plaisir de votre visite”. Que puis-je faire pour vous ?
Elle savait malheureusement trop bien ce qu’il venait chercher. Qui il venait chercher. Oh, pas qu’elle s’inquiète pour le curé… Après tout, il semblait bien rassuré de sa visite chez le ministre… Et puis… Elle ne se souciait pas de son sort. La compassion, le pardon, le bien en chacun, la rédemption, c’était fini tout ça, elle n’y croyait plus. La seule chose qui comptait, c’était que s’il se faisait arrêter, elle devrait trouver un autre moyen de subsistance. Et d’ailleurs, il était temps de dépasser l’étape de la subsistance et des solutions temporaires avant de s’y empêtrer. Enfin… Après tout, cela aurait aussi du positif : elle aurait rempli entièrement sa mission ! Elle s’était prouvé qu’elle en était capable et n’avait pas faibli.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Il était l’heure d’interpeller ce maudit curé qui ne possédait en réalité que la première syllabe de son appellation. Un cul bientôt rayé de cette ville. Puisque les autorités compétentes ne semblaient pas pressées d’agir (à moins que ce ne soit l’amour de Dieu qui les rend aveugles et sourds ?), le seigneur n’avait eu d’autre choix que de les tirer lui-même par le crochet. C’était bien l’avantage d’être aussi haut placé.
De temps à autre, il jetait un œil à celui qui était son maitre. Il semblait fatigué et éprouvé ces derniers jours. Depuis son arrivée à Frenn, il ne l’avait jamais vu dans un tel état et s’inquiétait de ces poches sous ses yeux qui alourdissaient son regard nuit après nuit. Eldred ne pouvait pas faire plus que ce qu’il faisait là : à savoir l’épauler et le rassurer -si tant est que cela ait pu être possible-.
Lui-même avait du mal à ne pas succomber au pas chaloupé de sa monture : la veille avait été éprouvante et il n’avait pas eu le temps de récupérer pleinement aussi bien physiquement qu’émotionnellement. Il ne pouvait cependant pas se permettre de laisser transparaitre la moindre faille. Après tout, ce n’était rien comparativement à des jours entiers passés à harasser les troupes monbriniennes, les pieds enfoncés dans un indescriptible mélange de boue et de neige fondue.
Sur le parvis, ils mirent pied à terre, simultanément.
- Je pense qu’il est préférable de laisser les hommes ici, Messire. Quelque chose me dit qu’il se souvient encore de moi.
Il adressa un discret sourire au baron et passa les portes en sa compagnie. Après quelques pas sur les dalles de pierre, il reconnut aussitôt la nourrice du Sein Homme.
- Cette femme est sa matrone ou sa nourrice. Comme vous préférez. murmura-t-il à son oreille tandis qu’elle s’approchait d’eux pour les saluer.
Eldred inclina la tête docilement, laissant le seigneur répondre, lui préférait chercher du regard cette petite merde rampante de putois rachitique. Où se cachait-il ? Tapis dans sa cellule ?
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Dyonis ne pardonnerait pas. Thierry en avait conscience. Il le ferait traduire en justice et réclamerait sans nul doute sa tête. Comme il avait exigé la corde pour Alexandre. La loi était la loi à ses yeux. Le souvenir de ce procès pénible le faisait trembler. Il avait eu si peur ce jour-là de perdre son enfant. Son corps se secouait à présent de s'imaginer condamné à cette même sanction. Il ne s'imaginait pas mené à un échafaud. Cette pensée le terrifiait. Non, cela ne se produirait pas. Sur ce point, il faisait confiance à Coldris : il avait promis que son garde du corps Valmar viendrait l'assassiner dans son sommeil, sans qu'il ne le devine. Il ne se verrait pas mourir. Il n'aurait pas peur.
Son regard tourna et s'abaissa vers le crucifix accroché au-dessus de sa porte. Comment le Christ avait-il trouver le courage de se livrer à un sort aussi inhumain ? Il ne le comprenait décidément pas. Quel homme allait s'exposer volontairement à des souffrances cruelles ? Quoique... Le souvenir de lui enfant se dénonçant sans cesse pour épargner à sa petite sœur le fouet pour ses bêtises ou ses crises de colère lui revint. Parfois, si, cela arrivait. Par désir de protéger une personne. Il n'avait pas éprouvé ce sentiment depuis bien longtemps. Depuis le jour où Beckie et lui avaient été séparés. Beckie... Où son âme errait-elle en cet instant ? Le voyait-elle ? Que ressentait-elle de ses égarements ? Et quand il mourrait à son tour, la retrouverait-il ? Il aimerait pouvoir croire en cette fable où l'on revoyait ses proches de l'autre côté mais elle paraissait bien trop belle. Quelque chose en lui soufflait que seul le néant et l'oubli les attendait. Et cette pensée-là le terrifiait.
Des éclats de voix lointains le firent se redresser. Des fidèle entraient à nouveau ? Il soupira. Quelle sinécure que d'être prêtre ! Thierry se leva pour quitter la cellule mais resta sur le seuil pour observer l'entrée. La silhouette de Lucinde accueillait les visiteurs. Il les observa et se figea, les reconnaissant immédiatement. Dyonis.... et son esclave zarkotien ! Son corps se raidit et se rappela de la leçon de l'autre jour. De ces coups portés. De sa terreur de se voir saigné comme un goret. Il trembla de tous ses membres. Et si Dyonis avait pour une fois décidé de pas passer par la voie légale ? Et si Coldris était bien intervenu en sa faveur, mettant en valeur que les informations précieuses du prêtre de Saint-Eustache avait permis d'éviter un complot contre le Roi, et obtenu ainsi les choses promises ? Dyonis avait dû se sentir floué de cet arrangement. Trahi. Il venait venger sa fille. Il le comprenait. En tant que père,à sa place, il agirait de même.
Il allait mourir.
Abattu cruellement par un guerrier qui le détestait.
Tentant de reprendre le contrôle de lui-même, Thierry remarqua que le maitre et l'esclave semblaient ne pas l'avoir encore vu, occupés à discuter avec Lucinde. Il s'empressa de se cacher derrière une colonne, la peur au ventre, et attendit la suite des événements. Quand ils se déplaceraient vers la nef, il ferait de même mais en sens inverse pour rejoindre lentement l'entrée et il prendrait rapidement la fuite. Il irait ensuite se mettre sous al protection de Coldris.
Pourvu que ce plan fonctionne.
Sinon...
Sinon tout était fini et il mourrait dans des souffrances atroces.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Par ailleurs, sur le chemin le baron aura signifié à l'esclave qu'il a l'autorisation de prendre la parole comme il le souhaite pendant les retrouvailles qui s'annoncent. Après tout, le Zakrotien a lui aussi de sérieuses raisons d'en vouloir à Thierry et de lui exprimer certaines petites choses. Il serait dommage que son maître l'en prive. Dyonis fait confiance à Eldred pour user de cette permission à bon escient. Le baron imagine bien la fatigue du guerrier après son expédition-sauvetage de la veille, mais il s'est dit qu'en dépit de l'éreintement, il serait de bon aloi qu'il prenne sa part à cette interpellation. Ne serait-ce que comme garde du corps, si le prêtre faisait des difficultés.
En entrant dans l'édifice, le seigneur est surpris de voir une femme les accueillir et non le curé en personne. Il n'a toutefois pas le temps de s'en étonner qu'Eldred lui glisse à l'oreille le motif de sa présence : une nourrice ? Vraiment ? L'image est amusante et Dyonis devine aisément la réalité qui doit se cacher derrière cette appellation. Ainsi donc, quelqu'un a eu la riche idée d'engager cette dame pour faire office de gardienne auprès du prêtre en attendant que la justice ne vienne ne lui régler son compte. Bien. Le Premier Conseiller prend note et devra remercier cette personne - ainsi que la femme en question, évidemment. Cette dernière lui fait la révérence et l'accueille avec politesse et sobriété ainsi que l'apprécie le seigneur. Pas de ronds de jambe. Pas de discours pompeux. Distinction et efficacité.
"Madame." engage-t-il, lui aussi d'un ton déférent et en inclinant quelque peu le haut du buste. En se redressant, il fixe ses yeux très bleus dans ceux de la matrone - dont le maintien et l'expression lui paraissent traduire une certaine rigueur, de la volonté et de la force de caractère. Il en faut, auprès du d'Anjou. "De ce qu'on me dit, il apparaît que je vous doive pour commencer des remerciements pour votre action auprès du curé de cette paroisse." Il joint à la parole un geste de reconnaissance soldatesque, prothèse au côté de sa poitrine et claquement de botte. "Vous me conterez plus en détail en quoi a pu consister votre mission quoique j'en devine l'objectif général, mais pour l'heure au nom du Roi et de la justice de l'Empire, je demande à interpeller le père Thierry d'Anjou." déclare-t-il pour répondre à son interrogation sans perte de temps ni circonvolutions, fidèle à lui-même. Et avec la formule protocolaire des arrestations. Déjà, Dyonis songe à plus d'une question qu'il souhaitera poser à cette femme une fois l'affaire principale réglée : son identité d'abord, puis en quelle qualité a-t-elle été choisie pour cette fonction de nourrice-gardienne ? Sur la volonté de qui a-t-elle agi ? Enfin, a-t-elle de quoi rebondir professionnellement pour la suite... dans la mesure où son poupon va être embarqué par le guet-royal incessamment sous peu ?
Ce sera dans un second temps. Le Premier Conseiller n'aura en outre pas remarqué l'arrivée discrète du père Thierry, bien caché derrière sa colonne au fond de l'édifice.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Elle accueillit donc ces visiteurs le plus naturellement possible. Naturellement, pour elle, cela signifiait professionnellement. Respectueusement, mais sans excès de zèle ni minauderies. Si Son Excellence cherchait quelqu’un pour chanter ses louanges, qu’elle aille chercher ailleurs.
Toutefois, et c’était tout de même préférable, sa sobriété semblait tout à fait convenir à son interlocuteur, qui s’adressa à elle avec tout autant de respect. Et même la remercia tout à fait sérieusement.
Au geste du noble autant qu’à ses mots, Lucinde - c’était plus fort qu’elle - baissa humblement le regard avant d’acquiesçer.
— Je n’ai fait que ce pour quoi on m’avait engagée, Excellence, affirma-t-elle d’une voix neutre, mais assurée.
Pas de fausse modestie, mais un simple constat. Elle non plus n’avait pas besoin qu’on chante ses louanges : ce n’était qu’une question de discipline et c’était à la portée de n’importe qui avec un peu de volonté.
De volonté, elle avait également celle de ne pas trop se faire remarquer non plus. Se cacher, c’était stupide, mais fanfaronner n’était pas beaucoup plus malin. Il fallait, en toutes circonstances, faire la part des choses entre ce qui était utile et ce qui ne l’était pas.
Elle ne savait pas si elle tenait vraiment à conter quoi ce soit, mais elle s’accordait avec le baron sur la suite : le moment présent était consacré à autre chose. Et ce fut sur cette autre préoccupation qu’elle rebondit, puisque c’était là le but de sa venue. Il demandait, ah oui ?
— L’individu que vous recherchez était dans la cellule il y a quelques minutes. Si vous voulez bien me suivre.
Joignant le geste à la parole, la rouquine ouvrit la marche vers le lieu indiqué.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Pourvu que ce plan fonctionne...
Pourvu qu'aucun élément incongru ne se coince dans la mécanisme...
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
- Vous partez déjà ? Mais qui va confesser mon maitre, mon Père ?
Il le redressa, bras croisés dans son dos pour le contenir et l’entraina auprès du baron
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Brusquement, sans rien voir venir, il se retrouva projeté en arrière et se claqua au sol. Le corps étendu sur le dallage froid, criant de douleurs, il découvrit avec terreur le guerrier zarkotien se pencher vers lui et parler. Ses oreilles percevaient mal son verbiage. La peur effaçait le son et son esprit croyait distinguer une lame quelque part, à al ceinture ou la main de l'esclave.
"Pitié !"
Alors que le prêtre implorait pour sa vie, terrorisés, il se vit ramené comme un vulgaire trophée de chasse devant le baron. Le teint de son visage était livide. Dans un sursaut, désireux de trouver un moyen de se sauver, le prêtre réussit à s'arracher à la poigner du zarkotien et se jeta aux pieds de Dyonis.
"Seigneur... Seigneur, pitié ! Je sais que j'ai mal agi avec votre fille. Très mal agi. Mais.. Mais vous ne pouvez pas me faire tuer dans une église ! Pitié, seigneur ! Pitié !"
D'un geste tremblant, de celui qui ne croyait même plus en ses propres paroles, il tendit le doigt vers le crucifix géant derrière l'autel. Il bégaya :
"Il... Le Christ nous regarde. Il... Il ne cautionnera pas. Il... Il vous jugera."
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Aussitôt, le seigneur comprend en découvrant la silhouette qui se précipite entre les colonnes : Thierry. Toujours aussi lâche. Bien curieusement, aujourd'hui sa langue fait beaucoup moins la maline et c'est son corps tout entier voué à la fuite qui prend le relai. Heureusement, le Zakrotien a vite fait de rattraper le curé et de le plaquer au sol, non sans lui adresser une remarque qui ourle un coin de lèvre à Dyonis. La suite du spectacle est pathétique : le prêtre est redressé manu militari, amené jusque devant lui par la ferme poigne d'Eldred, puis se confond en lamentations et demandes de pitié au milieu de ses tremblements.
Déjà sur les nerfs, le Premier Conseiller ne retient pas un bref rire rauque à la dernière intervention du goujat. Sans blague. Il sera effectivement jugé en son temps, mais le père d'Anjou tout autant. Il pourrait bien se préoccuper de la poutre dans son œil avant que de venir proférer des menaces au baron ! Ce dernier n'estime même pas nécessaire de répondre à cela et réagit plutôt aux craintes du prêtre de se voir occis par lui, ici, maintenant, sans forme de procès. Dyonis secoue la tête, effaré.
Après avoir remercié Eldred pour sa vive et salutaire intervention, d'un bref signe de tête, il plante sans ciller ses prunelles froides dans le regard arrondi de terreur de Thierry. "Vous vous trompez. Je ne suis pas une bête. Je sais me tenir. Encore plus dans une église. Moi." Il recule, et d'une voix blanche où l'homme a l'air de disparaître complètement pour ne laisser place qu'à l'homme de loi, prononce les paroles légales : "Père Thierry d'Anjou. Au nom du Roi, de la justice de l'Empire et des lois de l'Eglise, vous êtes en état d'arrestation pour rupture de vos vœux avec multiples récidives et abus sexuels." Sur ces derniers mots, son timbre n'en a été que plus distant, coupant. Ne pas laisser parler ses émotions. Disparaître entièrement derrière sa personne judiciaire alors qu'en lui le père aurait toute les raisons de frémir.
Ses yeux dessinent un bref aller-retour entre Eldred et la jeune femme, qui - il l'a bien compris - se sont donc déjà vus et parlés. Le Zakrotien était informé de ses fonctions. A l'un comme à l'autre il demande : "Outre les menaces que je sais déjà à ton endroit, Eldred, vous a-t-il déjà fait d'autres difficultés ?" Des éléments à prendre en compte pour l'instruction. "Pardon, Madame, je ne vous ai même pas demandé votre nom." ajoute-t-il également, pour la femme qu'il devra très certainement récompenser.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Le blasphème n’était pas forcément nécessaire, mais elle s’abstient de tout commentaire : elle savait le reconnaitre quand elle n’était plus l’autorité, et à ce moment-là, ce n’était plus le cas. Elle cilla, exaspérée, en entendant ce sac de bouse admettre qu’il avait mal agi. Quel euphémisme ! D’autant que d’après ce qu’elle avait vu, il aurait pu recommencer sans la petite furie brune au grand coeur et la tornade zakrotienne apprivoisée.
Qui le Christ jugerait-il, au juste ? Lucinde craignit un instant que le débit d’ineptie ne vale à cet imbécile un coup, voire plus. Et avec ce qui remplaçait les mains de leur visiteur, c’eut été encore pire. Pas qu’elle se soucie des petits bobos de ce dégonflé, mais tout de même, cela faisait tache.
Heureusement, Son Excellence leur épargna ce spectacle. L’homme s’en tint au strict professionalisme - malgré le bref rire qui lui avait échappé et sa précision personnelles qui n’affectaient en rien l’efficacité des choses.
Après avoir officiellement interpellé le prêtre, le baron se tourna vers Lucinde et le zakrotien pour les interroger. Eldred, alors c’était ainsi qu’il s’appelait. Quant aux difficultés causée par cette vielle serpillère… Oh, elle en aurait eu, des choses à raconter, mais rien qui ne fut véritablement intéressant dans le cas présent.
— Je n’ai rien d’essentiel à ajouter, admit-elle. Elle ne comptait pas mentionner les documents qui avaient de toute façon été détruits.
Puis, comme il demandait son identité, elle la déclina sans marquer la moindre hésitation.
— Je me nomme Lucinde Tiéran, Votre Excellence. Et il était normal qu’il n’ait pas eu pour priorité de le lui demander.
Toutefois, bien qu’elle n’en laissa rien paraitre, commencer à revendiquer cette identité - bien qu’elle ne fut pas tout à fait exacte - devant des gens capables de la percer à jour avait quelque chose d’inquiétant. Elle n’en appréciait que très moyennement l’idée.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
"Je comprends. je suis... désolé pour tout."
Son regard se tourna malgré lui vers le crucifix derrière l'autel et une lueur de colère étincela.
"Mais si vous me permettez un conseil, sans que ce soit pour ma défense, si vous en avez la capacité, votre Excellence, tentez de corriger l'Eglise et empêchez-les de continuer à torturer les âmes. Et que les enfants qui leur sont confiés contre leur gré ne leur soient plus remis. Cela ne fait que causer des existences pitoyables, puis des victimes."
Il revint vers Dyonis, soudain las, puis se reprit :
"Pouvons-nous y aller ?"
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Alors que le groupe remontait vers la cellule, Alexandre suivait avec un certain amusement son père essayait de s'échapper en courant d'une colonne à l'autre. Un sourire narquois défigurait son visage tout en observant la scène. Ce serait cocasse que cet imbécile réussisse sa sortie. Ou presque. Quand il passerait devant lui, il se prendrait les pieds dans une ses béquilles innocemment mal placées.
Mais Eldred remarqua le manège et se chargea d'une arrestation pour le moins musclée. Pour un peu, Alexandre l'aurait presque trouvé viril. Si celui-ci n'avait pas été la brochette zarkotienne ! Il soupira ensuite devant la vision lamentable de son père qui semblait sur le point d'éclater en sanglots sous le coup de la terreur face au Premier Conseiller. Quelle manque de dignité admirable ! Décidément, celui-là ne perdrait pas une occasion se distinguer. Le seigneur de Frenn eut un rire suite à son attitude. Comment lui n vouloir ? Cela était si... grotesque. Il énonçait enfin son arrestations et les chefs d'accusation avant de se tourner vers Lucinde. Là, cela semblait à être lui d'intervenir. Pour valoriser l'excellent travail de son employée.
Reprenant ses béquilles, Alexandre s'avança aussi vite que ses jambes le lui permirent pour rejoindre le petit attroupement. Il marqua un léger arrêt devant Eldred et le salua d'une légère bourrade du coude.
"Coucou Brochette !"
Son air se révélait un brin provocateur mais jovial, démontrant qu'il n'existait aucune animosité dans cette salutation. Uniquement l'envie de chamailler un peu le zarkotien. Alexandre reprit sa marche et salua ensuite Lucinde d'un hochement de tête silencieux puis beaucoup plus respectueusement le seigneur de Frenn.
"J'ai pris la liberté, votre Excellence, de recruter une personne pour surveiller le père Thierry quand j'ai su... les derniers événements qui s'étaient passés ici. Je vous prie de m'excuser pour avoir laisser les choses aller aussi loin et n'avoir pensé qu'à préserver la réputation du clergé et de cette paroisse. Je ne pensais pas que les affaires étaient... si graves."
Alexandre entendit à ce moment son père, qui venait de se relever, et se montrait étonnamment digne. Son regard l'observa, troublé. Qu'essayait-il encore de faire ? Pensait-il que ses paroles adouciraient un père blessé par l'agression de as fille ? Quel imbécile ? Il préféra l'ignorer et revint au cas de Lucinde.
"Cette personne, votre Excellence, fut d'une grande efficacité et a mis aussitôt ce curé en laisse. Grâce à elle, il a dit ses messes avec régularité et écoutait les confessions sans sortir de son rôle. Il a même réussi l'exploit de le garder sobre, une chose que je n'osais même pas espérer. Je vous la recommande donc pour lui trouver un bon emploi où elle ne manquera pas là aussi de se distinguer et d'être utile à celui ou celle qui l'engagera."
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Ridicule petite vermine baveuse. Etrangement sous la contrainte et la menace, il trouvait cela nettement moins légitime. Eldred expira un rire étouffé en l’entendant parler du Christ : c’est sûr, il avait dû regarder, il ne cautionneraut pas et le jugerait. Enfin si tant est qu’il existe. Quant à la question du baron, le zakrotien secoua la tête pour toute réponse. Il n’avait pas eu d’autres problèmes avec lui. Quelques jours plus tôt, c’était en protégeant sa fille qu’il l’avait affronté, ce n’était pas personnel.
Il s’efforça de rester stoïque et silencieux, sans perdre de vue l’individu, qui comme le rat qu’il était, tenterait sans doute leur glisser des mains pour s’enfuir. Encore faudrait-il qu’il parvienne à passer entre les hallebardes qui surveillaient le parvis.
C’est alors qu’apparut soudainement Alexandre -sans doute de derrière une colonne- qui le salua de manière effrontée. Eldred ne lui adressa aucun regard, ni aucune parole. De toute façon à part lui dire de s’étouffer avec sa foutue langue de poissonnière ou d’aller lécher le cul de ses marins avec, il n’avait pas la moindre envie de discuter avec lui, et encore moins de lui accorder un quelconque crédit. Qui plus est, il n’était pas question de baisser sa vigilance maintenant. Le baron ne l’avait pas amené ici pour servir de décoration vivante. Il se contenta donc de poursuivre sa tâche, écoutant distraitement ce qui se passait. Cette femme avait du mérite pour avoir supporté ce maudit curé si longtemps si longtemps sans l’avoir étripé. Il leva un instant les yeux vers elle avec un profond respect.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
A la grande surprise du Premier Conseiller, ce dernier retrouve contenance. Il cesse de trembler, se redresse - rassuré de savoir qu'il ne sera pas vulgairement abattu - et présente des excuses. Le seigneur lui jette un coup d'œil quelque peu surpris, mais surtout songeur. Un peu tard pour les excuses. Et qui ne pèsent pas grand chose à côté de tout le mal qu'il a fait, les femmes qu'il aura abusées, les enfants bâtards semés ici et là. Il s'étonne également que Thierry se permette dans cette posture de prodiguer ses conseils quant à la gestion de l'Église. En effet non, cela ne l'excusera pas, c'est le moins que l'on puisse dire. "Croyez bien que je m'y emploie." lâche-t-il. Et c'est là pure vérité : Dyonis compte bien que Sa Majesté et Monbrina demeurent dans le giron de l'Église - qui a au moins le mérite de faire encore garde-fous contre les lubies de Gérald Der Ragascorn... cependant il a conscience de tous les excès de l'institution dont le redressement compte parmi ses projets. Captations abusives de biens. Abus de pouvoir. Sans compter ce qu'il a eu l'horreur de découvrir depuis le retour de sa fille en matière de discours tenu à ces dames.
A la demande de Thierry lui-même, le Premier Conseiller fait signe au groupe de sortir de l'église. Déjà, on aperçoit les gardes restés à l'entrée, qui ont fait un cordon de sécurité et se chargeraient sous peu d'embarquer le prêtre. Alors que le seigneur s'apprête à remettre Thierry aux soldats, pour ensuite se concentrer sur Lucinde, ils sont interrompus par le claquement caractéristique d'une paire de béquilles. En se retournant, Dyonis a la surprise de découvrir Alexandre sortant de derrière une colonne. L'esclave a certainement observé l'arrestation. Que fait-il là ? La mine circonspecte, le baron surprend la bourrade qu'Alexandre se permet de donner à Eldred, puis entend ce sobriquet. Brochette ? Il se souvient alors de ce dont le Zakrotien l'avait informé : que Thierry s'était permis de le menacer du bûcher. La boutade d'Alexandre y est sans doute liée. Dyonis la trouve toutefois très déplacée dans de pareilles circonstances qui ne prêtent en rien à sourire - à l'instar d'Eldred lui-même qui demeure de marbre et ignore royalement Alexandre.
Ce dernier retrouve néanmoins son sérieux et s'adresse à présent au Premier Conseiller. Le protocole aurait voulu d'ailleurs qu'il commence par là mais passons. Avec déférence, le petit esclave prend la parole et lui révèle l'origine de la présence de Lucinde après du curé. C'est donc lui ! Dyonis hausse les sourcils, sincèrement et agréablement surpris. Ses traits sévères se détendent donc alors qu'il écoute Alexandre. Pour toute la versatilité et les bêtises dont ce garçon est capable, sur ce coup il doit lui reconnaître s'être comporté de façon très avisée. Autant en ayant eu cette idée de faire surveiller son père, que dans le choix des plus sages de cette femme pour cette mission. Alexandre a eu du nez.
"Tu as très bien réagi." le complimente donc sincèrement le Premier Conseiller. "Tu n'as pas d'excuses à présenter : la bonne tenue de cette paroisse ne repose pas sur tes épaules, mais aurait dû être l'affaire de son représentant." (Regard sévère à Thierry, puis revenant à Alexandre) "Mes compliments pour cette initiative autant que pour ton choix judicieux porté sur Madame." Il hoche la tête avec une réelle admiration à l'attention de Lucinde, alors qu'Alexandre expose le détail de ses prouesses auprès de ce prêtre qui n'aura été que trop longtemps abusif. "Bien entendu. Cela était prévu." achève-t-il tandis que l'esclave lui demande que Madame Tiéran ne soit pas laissée sans travail ni bonnes recommandations après ses excellents services.
Enfin, le baron fait signe à deux gardes de venir encadrer Thierry. Alors qu'ils se chargent de lui, Dyonis se retourne vers Lucinde : "Où et en quelle qualité avez-vous officié avant que d'accomplir cette mission à Saint-Eustache ?"
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Elle garda donc pour elle toute la décpetion que l’attitude présente de l’infirme lui inspirait. Il était capable de mieux. Ce n’était pas ainsi qu’il servirait ses ambitions.
En revanche, il était peut-être en train d’assister les siennes, d’une certaine façon. Faire son éloge seul ne valait pas grand chose, laisser les autres vanter vos mérites et votre efficacité plaider pour vous, en revanche… Le seul ennui, c’était bien qu’elle ne voulait pas prendre le risque de se faire remarquer. C’était bien trop tôt et certains évènements bien trop frais… Et si, depuis les dernières nouvelles, l’affaire était remontée à la capitale ? Et si, à tout hasard, on en avait entendu parler ?
Elle demeura digne. S’encombrer de “et si” ne la mènerait franchement nulle-part. L’important était de ne pas s’attirer de méfiance. Elle s’en tiendrait donc à la version qu’elle tenait depuis le début, et se contenterait du minimum. Tout tenait debout. Elle ne devait pas s’inquiéter.
Elle baissa un instant le regard, comme un peu honteuse
— J’étais employée à l’auberge Rimiar. Et avant cela, j’étais employée comme femme de chambre par la baronne Marie-Laurence de Coutrenielle.
Elle savait que Marie-Laurence ne la trahirait pas. Elle savait qu’il lui suffirait d’entendre “Lucinde” ou même “Tiéran” - qui était après le nom de jeune fille de son amie d’enfance, elle ferait sans nul doute le rapprochement - pour confirmer ses dires… En revanche, il ne fallait pas que l’on s’adresse à Monsieur… Là, elle serait bonne pour la corde. Non, le bûcher, si on creusait. Si on l’associait au drame… Si on croyait ces calomnies que l’on avait répandues son son compte…
Pour le reste, elle n’avait rien à ajouter. Non, elle n’avait rien fait de glorieux, pas besoin de le préciser. Oui, elle avait servi une dame d’excellente réputation, là-dessus non plus, elle n’avait pas besoin de s’étendre si on ne le lui demandait pas.
Elle se demanda si Thierry avait pu entendre cela. Il devrait se sentir bien bête d’avoir été dompté par une vulgaire bonne. Qu’une vulgaire bonne lui ait assuré qu’il manquait d’ambition… Enfin, soit, elle se fichait bien de son avis. La seule question qu’elle redoutait, c’était celle qui portait sur les raisons de son départ. Elle était préparée, mais une part d’elle avait encore peur. Et ce malgré la voix de Marie-Laurence qui lui répétait que c’était terminé, qu’elle n’avait plus rien à craindre, qu’il ne l’approcherait plus jamais.
Il… Il suffisait qu’il passe à Braktenn, comme il le faisait si souvent. Il suffisait qu’il entende son nom - lui non plus ne manquerait pas de faire le rapprochement - et que ferait-il alors ? Certainement pas l’aider. S’arrangerait-il pour être aux premières loges et la regarder mourir ? Obtiendrait-il le droit de lui parler ? Que dirait-il alors ? Sans doute qu’elle n’aurait jamais dû suivre sa mère. De toute façon, elle préférait mourir que d’accepter son aide. Et elle préférait être condamnée sans s’être défendue plutôt que de lui laisser le plaisir de la voir se débattre.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Sur cette pensée, il s'adressa formellement au Premier Conseiller et révéla son initiative. Alexandre observa, impassible, ses traits se détendre, comme surpris d'apprendre qu'il avait été le responsable de cette décision. Jusque quand comptait-il le prendre pour un enfant ? Ne l'avait-il pas entendu lors de la visite de l'Hôpital Général raisonner sur des dossiers importants que cette inspection soulevait ? N'avait-il pas perçu au travers de ses mots l'ouvrage abattu pour aboutir à ces analyses ? Ne se souvenait-il pas de l'initiative prise de réaliser des esquisses des lieux ignobles découverts ? Il les lui avait confié en main propre avant de retourner seul dans la voiture de son maitre. Son regard pivota un instant vers son père stoïque. Sur un point, lui et le seigneur de Frenn se rejoignaient : ils ne le voyaient qu'en un petit garçon qui n'aspirait qu'à faire le plus de bêtises possible. Or, il avait dépassé depuis longtemps l'âge d'Adéis. Bientôt, tous deux auraient une rude surprise quand il serait affranchi et nommé comme secrétaire du ministre des affaires étrangères. Alexandre songeait en même temps à peaufiner ces dossiers de l'inspection l'hôpital général, dont la seconde visite avait révélé un terrible drame, pour que Coldris puisse posséder d'armes solides au prochain conseil. A travers lui, il atteindrait le seigneur de Frenn.
Alexandre répondit d'une voix sévère à ses remerciement, mais en restant parfaitement poli :
"Je vous remercie, votre Excellence, mais je me considérais néanmoins toujours comme responsable de ces égarements J'ai bété le témoin de nombreuses choses et seule ma faiblesse de caractère de l'époque m'a dissuadé de trouver les autorités compétences. La justice se doit de s'appliquer pour tous. Qui que nous soyons. Par conséquent, cette initiative, venue trop tard, est le moins que je pouvais faire pour rattraper mes manquements."
Son intervention s'acheva là, sans disserter davantage, comme il aurait pu autrefois longuement le faire. Les gens n'aimaient que peu les longs bavardages, sauf son maître lors des veillées pour lui rapporter quelques bonnes histoires. Il s'écarta ensuite quand le seigneur de Frenn s'adressa à Lucinde mais ouvrit attentivement les oreilles. toute information était bonne à connaître. Au retour, il consignerait celles apprises sur le parcours de la gardienne temporaire de Saint-Eustache. Elle évoqua en premier son emploi de serveuse à l'auberge om il l'avait rencontré, puis évoqua une précédente place auprès d'une certaine la baronne Marie-Laurence de Coutrenielle. Le nom ne lui évoquait aucun souvenir. Or, son père adoptif lui faisait apprendre le moindre détail sur toutes les personnes nobles de Braktenn. par conséquent, il s'agissait d'une dame aristocratique qui vivait en province. Le renseignement serait peut-être utile. En tous les cas, il la consignerait et étudierait s'il trouvait quelque chose sur cette fameuse baronne. Alexandre se souvenait que Soeur Cécilia avait dit que Lucinde avait été attaquée par des brigands dans la forêt avant d'arriver paniquée dans la capitale. D'où venait-elle ? Pourquoi une femme seule voyageait-elle de manière si peu prudente sur des routes peu sûres ? Il y avait là un mystère, son intuition le percevait, mais rien de son visage ne trahit ses pensées.
Ainsi, tout le temps que dura la conversation, Alexandre resta en retrait, le visage impassible à écouter, scrutant attentivement les réactions.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Malgré son désir, de rester effacé, de ne pas intervenir, Thierry ne put se retenir et posa la main sur l'épaule d'Alexandre quand celui-ci se fut écarté pour laisser Dyonis parler avec Lucinde. la gorge serrée, nouée par l'émotion, il murmura :
"Je suis fier de toi, mon fils. Pour tout ce que tu es. Pour tout ce que tu seras."
Même si Alexandre ne ressentirait jamais cela à son encontre, il lui fallait lui dire ces mots. Lui faire comprendre qu'en dépit toutes ses imperfections, de toutes ses fautes, de combien il l'aimait et était heureux de le savoir exister en ce monde.
Perdu dans cette émotion particulière, concentré sur la personne qui comptait à ses yeux dans cette assemblée, Thierry occulta tout le reste de ce qui se passait autour de lui jusqu'au moment de repartir.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
"Il n'empêche que tu as eu au final la meilleure initiative qui se pouvait faire et je t'en remercie." (Un temps) "Au revoir, Alexandre." Sur un bref salut qu'il lui adresse, Dyonis s'écarte du jeune homme afin de le laisser à cet instant d'intimité avec son père. Thierry est sur le point d'être embarqué, mais il reste un père et le baron entend bien qu'il ait ce moment avec son fils avant la séparation. Le seigneur respecte cela, en retrait, voyant seulement le curé murmurer quelque chose à Alexandre - sûrement un mot de fierté - et poser une main sur son épaule.
Quand seront faits les adieux, Dyonis ordonnera d'un petit signe à ses gardes le transfert du père d'Anjou dans la voiture fermée venue le cueillir. Son regard s'arrête sur Eldred, discret à ses côtés après avoir su magistralement mener l'immobilisation de Thierry : sans lui, il se serait peut-être enfui ! L'idée continue de faire son chemin dans la tête du baron et les événements de ce jour les lui confirment : un affranchissement dû à Alexandre, et un affranchissement mérité également par Eldred après tous ces mois qui n'ont su que lui prouver sa loyauté et leurs points de rapprochements. Pour l'occasion - quand l'affaire sera, il l'espère, entendue du côté des maîtres respectifs de Tristan et d'Alexandre - il fera venir les deux garçons à Frenn pour leur rendre justice. Il doit le faire en personne.
Quand Thierry et Alexandre se retirent, Dyonis se tourne une dernière fois vers Lucinde. Femme de chambre par la baronne Marie-Laurence de Coutrenielle. Puis l’auberge Rimiar. Le seigneur en prend note et fera comme de coutume sa petite enquête s'il entend conserver à l'avenir cette femme dans ses contacts de confiance - car ce qu'il a vu d'elle aujourd'hui l'y encourage. Il ne sait pas encore de quelle façon, cependant cela pourrait se présenter. D'ailleurs après avoir évoqué le passé il prend soin de demander concernant l'avenir : "Et maintenant que votre présente mission est accomplie, avez-vous déjà d'autres options professionnelles en vue ? Qu'apprécieriez-vous de faire ?" Sous-entendu : il l'y aidera volontiers au besoin. Il lui doit bien cela pour ses services rendus, et au nom de Lavinia qui évidemment n'aura pas quitté ses pensées tout au long de l'entretien.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Sa mission ici était terminée, oui. Et pour la suite… Elle pouvait disparaitre avec les cinq cent rilchs confisqués le jour de son arrivée, mais cette perspective ne la tentait pas plus que cela. Il fallait qu’elle se stabilise et s’établisse ici. Elle aimait les vies bien ordonnées. Alors si la légère curiosité du Premier Conseiller ne la mettait pas en péril, elle n’avait actuellement aucune raison de fuir.
Pour ce qui était des opportunités professionnelle… Elle avait été éduquée pour toujours trouver un moyen de rebondir, non ? Et elle trouvait toujours une solution. Il suffisait de réfléchir correctement et d’avoir la volonté.
Elle faillit faire remarquer que si elle avait eu d’autres options, elle n’aurait pas été là. Elle retint cet honteux mensonge juste à temps. En réalité, si on faisait abstraction de Thierry, ce poste était franchement enviable. Bien nourrie, bien logée, et des horaires moins extravagants que ceux qu’elle avait connu ces huit dernières années. Cette place n’était pas pire qu’une autre pour qui avait la poigne qu’il fallait. Soit.
— Pour l’instant, je n’ai rien de prévu, admit-elle.
Elle ne perdait rien à jouer franc jeu. Quant à savoir ce qu’elle apprécierait… C’était une question ardue : elle ne pouvait plus exercer le métier auquel elle avait été formée, et la majorité des postes qui auraient exploité pleinement ses qualités étaient réservés aux hommes. Ce qu’elle appréciait… Non, vraiment, elle n'en savait rien. Rien et tout à la fois. Elle aimait être elle : Rigoureuse et volontaire. Elle aimait puisait la satisfaction dans l'autodiscipline, dans le principe même de demeurer active et de mériter tout ce qu'elle obtenait - c'était bien pour cela qu'elle était ici et non à Coutrenielle en train de demander à Marie-Laurence de l'entretenir.
— Honnêtement ? je l’ignore. Mais je ne resterai pas là les bras ballants. C’était sa seule certitude. Elle devait se reprendre en main. D’ici ce soir, je devrais avoir trouvé une solution. Ce qu’il me manque, c’est un emploi plus stable.
Emploi qu’il commençait à être temps de chercher. Certes, elle devait prendre le temps de se remettre avant de s’établir, mais ce temps-là commençait à être passé. Elle avait retrouvé le sommeil et les idées claires, elle allait pouvoir penser à s’ancrer. Puis, elle chercherait à progresser. Etape par étape. Tout fonctionnait étape par étape, pour que la structure soit stable.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Soudain, son père l'interpela en posant les mains sur ses épaules. Alexandre s'immobilisa et s'obligea à durcir un peu plus ce coeur trop sensible. Il ne devait pas l'écouter. Il ne devait pas tenir compte de ses paroles. Il ne faisait que le manipuler. De le soumettre à ses désirs. Le voir rester enfant, être mignon et affectueux, voilà tout ce qui l'intéressait seulement. Car il se montrait facile à contrôler. Il ne répondrait plus à ce schéma. Désormais, c'était lui qui décidait qui s'imposerait. Pourtant, en entendant ces mots, ce coeur trop sensible battit un peu trop.
Il était fier de lui.
Il était de lui dans le présent.
Il était fier du lui dans le futur sans le connaître.
Ces quelques mots fragilisaient l'armure qu'Alexandre essayait difficilement de se construire. Combien de fois avait-il espéré les entendre de la bouche de celui qu'il avait cru être son père pendant toutes ces années ? Combien de fois avait-il pensé les entendre en acceptant les tâches les plus difficiles et se démenant pour les accomplir ? Il ne les comptait plus. Il avait fini par accepter ne jamais les entendre. mais son père, son véritable père, les lui offrait. Comme un cadeau inattendu. Pourtant, aujourd'hui, elles ne lui faisaient pas plaisir. Elles le troublaient. Ne prouvaient-elles pas que malgré tos ses efforts il demeurait éternellement ce petit garçon naïf qui n'apprenait rien de ses erreurs ?
Il ne se retournerait pas.
Il n'avait plus besoin de ces mots. Il pouvait être fier de ses réussites par lui-même. Sans chercher l'assentiment d'un autre.
"Je te remercie, père, de ces paroles, et je te souhaite bon courage pour tes prochaines épreuves."
Sa voix était froide. Détachée. Presque sèche.
Alexandre s'éloigna ensuite d'un pas rapide pour quitter l'église. Il attendit au bas des marches, la main posée sur celle de sa mule, et contempla quelques instants son père sortir à son tour encadré par deux soldats, l'air étonnamment digne, pour entrer dans la voiture grillagée. Afin de ne pas se laisser avaler par les réflexions personnelles, le jeune homme détailla le véhicule, le comparant aux cages ouvertes à la foule dans lesquelles les accusés étaient amenés, comme des bêtes, ou à ses propres marches jusqu'à la prévôté sous les regards méfiants de la foule. Il existait décidément un souci avec la justice dans ce pays et les religieux recevaient un peu trop les faveurs de Thémis. Son esprit commença à réfléchir à une idée à soumettre à soumettre à son maître mais il avait besoin de sources pour étayer les pistes qui venaient de s'ouvrir dans son esprit.
Désireux de poursuivre ses idées, Alexandre monta sur Théo pour aller effectuer quelques recherches.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Un instant, il se revoit il y a bien des années en arrière, dans des situation pas si éloignées que cela - à cela près évidemment qu'il a toujours eu pour lui ,il faut le reconnaître, les privilèges de la noblesse. Mais chercher sans relâche à travailler, se forger un caractère de fer et une volonté infaillible, ne pas se laisser dépasser ni abattre par les désagrément du quotidien sont autant de compétences que l'infirmité lui ont fatalement fait développer. Débrouillardise et persévérance. Rien de comparable encore une fois avec le quotidien précaire d'une roturière : le baron disposait de moyens, d'un fief... toutefois il connaît les brimades, la nécessité de redoubler d'efforts par rapport aux autres, de leur part tantôt le mépris ou la condescendance, tantôt au contraire un regard encore plus intraitable. Obligation de devoir chaque jour ré-inventer ses gestes, son matériel, ses habitudes pour continuer de faire le mieux même avec une lourde invalidité.
"Bien entendu. je comprends tout cela." déclare-t-il aux assertions de la dame Tiéran : ne pas rester les bras ballants, cela ressemble à un ordre qu'elle se donne à elle-même - ce que le baron n'a de cesse de faire aussi dans sa conscience. Un peu trop parfois. Feu sa femme lui disait d'être moins dur avec lui-même. Et puis cette urgence : d'ici ce soir. En effet. Elle devait dormir au presbytère jusqu'à présent mais en l'absence du prêtre, il est hors de question qu'elle dorme dans la rue ou dépense trop cher pour une auberge sans avoir l'assurance d'un salaire fixe à côté. D'autant que quelque part, Dyonis est bien conscient qu'en arrêtant Thierry il met fin à sa situation stable du moment et lui ôte son - expression très indélicate mais qui reflète bien la réalité - "gagne-pain". Il est donc de son devoir d'envisager les suites avec elle.
Là, pris sur le vif, le Premier Conseiller n'a pas dans l'immédiat en tête une idée de poste à pourvoir - ou pour lequel au moins entreprendre des démarches. Ni une illumination divine et instantanée quant à une de ses relations à mobiliser. Cela va demander logistique, exploration de ses données, réflexion. "Souhaitez-vous venir à Frenn ? J'y pourrai consulter plus posément le détail de mes documents d'intendance, voir à mobiliser quelque contact au besoin, explorer en somme ce que je pourrais avoir à vous proposer." N'ayant pas prévu que l'interpellation de Thierry se passe aussi vite, bien, sans histoire, le seigneur avait bloqué le reste de son après-midi. Il a donc du temps devant lui. C'est décidé : il le consacrera à assister les recherches professionnelles de la personne à qui il doit la remise en sûreté de la paroisse Saint-Eustache et des femmes qui la fréquentent. L'heure va vite tourner d'ici ce soir. Si nécessaire, en bon seigneur Dyonis dispose dans la petite dépendance hospitalière de son domaine de trois chambres d'appoint toujours prêtes à faire bon accueil à quelque voyageur imprévu, pèlerin, pauvre, visiteur surprise, individu égaré, messager, personne dans le besoin ou autre.
En attendant la réponse de Lucinde, le baron adresse un bref coup d'œil vers Eldred : la mission est dûment accomplie. Le retour à Frenn est imminent. Si Madame Tiéran les accompagne, il fera libérer une monture : on rentrerait au pas, un soldat à pied dans la petite troupe.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
Elle eut toutefois une légère hésitation quand le baron lui proposa du soutien dans sa rechercher d’emploi. Ce même orgueil qu’elle réprimait souffrait de la perspective d’accepter de l’aide. Elle s’efforça de considérer cela comme la reconnaissance des compétences qu’elle avait démontrées. Pas juste de la pitié ou de la culpabilité pour lui avoir arraché son actuel moyen de subsistance : non, elle méritait. Et de toute façon, elle eut été bien idiote de refuser l’opportunité d’un poste correct pour les caprices de son égo. Toujours réfléchir dans l'ordre.
— Si vous êtes disposé à m’aider, je ne puis que l’accepter et vous en remercier.
Il fallait bien prononcer cette phrase pour se rendre compte que le Premier Conseiller en personne venait de lui proposer son concours. Et pour le reste… Tant qu’elle n’agissait pas de manière extravagante, elle ne risquait pas d’éveiller les soupçons.
Re: [11 janvier 1597] Pour qu'honneurs soient lavés [Terminé]
On sort. Aussitôt, c'est Eldred qui libère son cheval pour la jeune femme et le lui propose. Dyonis remercie le Zakrotien d'un signe de tête puis désigne la monture à Lucinde. "Madame." Une fois tout le monde bien installé, le Premier Conseiller remonte lui-même en selle et sans davantage de formalités, le chemin retour vers Frenn s'engage. Les commis de l'évêché n'auront pas le droit à un mot de plus de la part du baron. Seulement à un regard sévère : ils n'ont été là que pour ne s'être pas remués à temps... et être en mesure à présent de faire un compte rendu en bonne et due forme à leur supérieur. Que, au moins, ils s'acquittent décemment de cette tâche - faute de n'avoir été fichus de réagir assez vite au goût du seigneur de Frenn.