[7 janvier 1598] Des retrouvailles inattendues

Alduis était de retour dans ses appartements. Ses excuses ne s’étaient pas si mal passées que cela. Son père lui avait même demandé conseil, ce qu’il faisait pour ainsi dire si rarement. Il s’était assis sur le bord de son lit et avait appuyé ses coudes sur ses genoux. Il regardait ses mains croisées devant lui en y repensant. C’était peut-être bon signe ?

Tout à ses pensées, il entendit au dernier moment la porte s’ouvrir. Il releva la tête et tomba nez à nez avec un Alexandre hébété sur le seuil de la porte. Il y eut quelques instants de silence, qu’Alduis ne sut comment occuper, mais le moment de flottement ne fut pas long. Bientôt, fermant la porte et abandonnant ses béquilles en chemin, Alexandre se précipita sur le lit à son tour.

Il n’en fallut pas plus pour réveiller le feu au fond d’Alduis. Un baiser fougueux y suffisait. Pourtant, ils n’avaient été séparés que trois jours… Comment faisaient-ils, avant, quand ils devaient attendre une semaine pour se revoir et pouvoir de nouveau se toucher ? Désormais qu’il pouvait dormir avec lui toutes les nuits, Alduis ne parviendrait plus à revenir aux mois précédents, constitués de longues attentes et de quelques rencontres trop rapides. Désormais, il ne pouvait plus se passer de ses lèvres aussi longtemps.

Alduis rendit ses baisers à Alexandre autant de fois que ce dernier l’embrassa. Jusqu’à ce que l’échauffement finisse pas retomber et que la tête du jeune homme vint se poser contre son torse, en même temps qu’une avalanche de questions. Questions qui firent grimacer Alduis. Fallait-il vraiment en parler maintenant ? Il n’en avait pas envie, pas alors qu’il y avait trois nuits à rattraper et bien plus intéressant à faire ! Le principal, c’était qu’il était revenu, non ? Ils pourraient toujours en parler plus tard. Après…

Et pour le signifier, il se contenta d’embrasser Alexandre une nouvelle fois, sans parler.

Il n’y avait rien de plus agréable que de retrouver Alexandre après trois jours d’absence. Il n’y avait rien de plus agréable que de pouvoir de nouveau reposer dans un lit à côté de lui.

Il se souvenait clairement des questions que lui avait posées le jeune homme quelques temps plus tôt. Seulement, Alduis n’avait pas envie d’en parler, alors il ne réaborda pas le sujet. Alexandre s’en chargea pour lui. Son coeur se serra, entre un mélange de bonheur et de tristesse, à l’idée que ce dernier ait pu s’inquiéter. Quant à Cassandre… Oh, oui, elle aurait sûrement pu le retrouver et transmettre un message.

Alduis hocha la tête, mais de nouveau, ne répondit rien. De toute manière, Alexandre parlait bien assez pour deux. Comme à chaque fois. Cassandre… Irène… La dernière fois qu’Alduis les avait vues, toutes les deux, c’était lors du déménagement. La rencontre avait bien mieux terminé que la dernière fois, celle où il n’avait pas résisté à l’idée de venir voir Alexandre. Ce souvenir restait encore vif dans son esprit. Et pas que dans le sien visiblement.

Il se redressa sur un coude, surpris, pour vérifier que le jeune homme était sérieux. Il était sincèrement en train de lui demander des conseils pour faire un cadeau ? A lui ? Mais…

Pourtant, il acquiesça de nouveau rapidement. C’était certainement une bonne idée. Après tout, lors des rencontres diplomatiques, les chefs d'État s’offraient bien des présents. Il fallait croire qu’un cadeau était bel et bien un moyen de faire la paix. Il s’allongea de nouveau, et demanda simplement, sans s’étendre :

— Quel cadeau ?

Vouloir offrir quelque chose était une chose.
Savoir quoi offrir en était une autre.

Alduis, lui, ne savait jamais. Et il finissait — presque toujours — à abandonner.

Offrir un cadeau, oui, mais quel cadeau, au juste ? Alexandre semblait ne pas trop savoir, puisqu’il haussa des épaules quand Alduis lui posa la question. Au-delà de cela : il n'avait même strictement aucune idée, pour citer ses propres mots.

S’attendait-il à ce qu’Alduis lui en donne ? Auquel cas, sûrement attendrait-il encore longtemps… Ce n’était pas comme s’il était réputé pour ses cadeaux ! L’idée d’en faire un ne lui venait déjà pas naturellement, alors quoi offrir... Il n’était pas la bonne personne pour conseiller sur ce genre de choses. Sans compter qu’il ne connaissait pas Irène ! Il ne l’avait jamais vue que deux fois. Pour couronner le tout, il n’avait presque pas échangé avec elle.

— Cassandre n’est pas méchante, remarqua-t-il machinalement, en se rappelant leurs dernières conversations, comme Alexandre proposait de trouver une cage. Elle est juste un peu perdue, je crois.

C’était du moins ce qui lui venait quand il repensait à cette discussion sur la sexualité. Il n’arrivait toujours pas à réaliser qu’il avait répondu à ses questions sur le sujet. Lui… Comme s’il avait pu être bon conseiller dans le domaine !

Après avoir pouffé, Alexandre redevint sérieux. De quoi une mère de famille pouvait avoir besoin ? La réponse sembla évidente à Alduis, si évidente qu’il répondit avant d’avoir eu le temps de le réaliser, qu’il ne réalisa même pas qu’il s’agissait là bel et bien d’une idée.

— Un berceau.

Il avait annoncé cela comme s’il venait de répondre à une question sur la météo : naturellement.

Irène avait des enfants nouveaux-nés, non ? Alors un berceau. La réponse avait fusé sans même qu’il n’y pense, simplement parce que cela lui avait semblé une évidence et qu’il ne comprenait pas qu’on ne puisse pas y penser. N’était-ce pas une préoccupation terre-à-terre ? Il haussa des épaules.

— Un génie... répéta-t-il en haussant des épaules. N’exagérons rien.

Il n’y avait pas de quoi s’en enthousiasmer. C’était juste logique. Il n’était pas très fort dans les autres domaines, mais celui-là, la logique, il n’avait jamais eu de mal. C’était peut-être même ce qui lui causait le plus de problèmes en société. Parce que les hommes n’étaient pas logiques, il en prenait conscience.

Il rendit son baiser à Alexandre quand ce dernier l’embrassa, puis l’écouta reprendre. Il ne voyait pas trop l’intérêt de l’accompagner chercher un berceau, mais si le jeune homme y tenait… Il hocha la tête pour signifier son accord. Il viendrait..

— Tu dessineras sûrement mieux que l’ébéniste, décréta-t-il finalement, comme Alexandre lui demandait son avis sur le sujet.

Que ce soit une colombe ou non sur la tête de lit, cela dit, cela ne faisait pas vraiment la différence. La fonction resterait la même. C’était bien ce qu’on attendait d’un berceau, non ? La symbolique n’étant pas son fort — ce n’était pas vraimennt logique — il préférait laisser Alexandre juger.

— Si tu penses qu’une colombe c’est bien, alors c’est bien.