[5 février 1598] Deux damoiseaux et une luciole
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Re: [5 février 1598] Deux damoiseaux et une luciole
— Fameux avantage ! commenta Éléonore lorsqu'il fut question de ne pas poser vingt-mille ans.
Et voilà que l'on demandait une histoire à l'apprenti poète, puis à elle. Elle improvisa ainsi quelque chose. Elle échangea un regard complice avec Tristan lorsqu'il commenta, et sourit, taquine, à Adéis lorsqu'il se plaignit du chevalier. C'était le but. Bon… vu leur enthousiasme, elle devait conter mieux qu'elle ne brodait. Quoique cela n'engage pas à grand chose, c'était plutôt une bonne nouvelle.
Le commentaire de Tristan la fit sourire. Cette histoire d'apparence lui faisait penser à ce que Florentyna lui avait dit d'Alduis la veille. C'était parfois difficile, mais il fallait voir au delà et oui, elle était sûre que ce n'était pas l'apparence qui comptait dans ces cas-là, bien qu'elle ne connaisse pas son ami « gargouille » - sur lequel elle n'osa pas poser plus de questions. Il fallait aussi que pour le dragon qui avait volé son cœur, il fallait accepter plus qu'une apparence peu commode - il avait de toute façon des yeux magnifiques -, et qu'outre ce qu'il avait pu faire, il n'avait même pas le caractère le plus facile à vivre. Mais il y avait bien un humain touchant derrière tout cela, et surtout : l'homme qu'elle aimait par dessus tout et en dépit de ses défauts.
La question d'Adéis la laissa un instant sceptique. S'en débarrasser en duel, hein ?
— Oh, je ne pense pas… S'il est mort en duel, il ne peut pas être revenu chercher cette princesse-ci, répondit-elle.
Mais à vrai dire, je ne sais pas comment il s'appelle. Il ne doit pas être très célèbre, ce chevalier-là.
Quant au secret…
— Vous pensez bien que si c'est un secret, je ne peux pas le dire ! les charria-t-elle avant de s'approcher de Tristan en faisant signe a Adéis de les rejoindre. Après avoir vérifié autour d'elle, elle chuchota : En réalité, c'est sa famille qui avait chassé l'autre prince et demandé à la sorcière de le transformer, et il a peur qu'il revienne lui prendre son trône.
Ce fut à Tristan de raconter une histoire. Et des Indes ! Le souvenir d'un vieux planisphère clignota dans son esprit. Elle était surprise que le jeune esclave puisse raconter une histoire d'une provenance si lointaine, mais ne l'en écouta pas moins. Ah, s'il savait : parfois, il ne fallait pas se poser trop de questions avec ce genre de mythes. La morale en demeurait que la jalousie rendait particulièrement con et qu'apprendre à communiquer n'était pas superflu.
Elle applaudit lorsqu'il conclut - elle lui avait épargné les réactions soulignées qu'elle avait eu avec Adéis. Elle ne posa pas de question sur ce qui l'intriguait, de peur de mettre le jeune infirme mal à l'aise.
— L'avantage d'un demi-éléphant étant que cela ne trompe qu'à moitié, commenta-t-elle à mi-voix. Mais question histoires, nous n'avons pas été floués. J'appelle cela un échange honnête, qu'en dites-vous ? Mais cela ne prive pas notre chevalier de son tour, n'est-ce pas ? demanda-t-elle en se souvenant que le petit avait d'abord été déçu, ne sachant pas raconter. Après tout, expliquer, cela comptait aussi, n'est-ce pas ?
Re: [5 février 1598] Deux damoiseaux et une luciole
Adéis d’Aussevielle, 4 ans
Pour la poésie, il ne savait pas mais le compliment lui fit bomber son petit torse de fierté. C’est sûr que la poésie c’était plus rapide que la peinture ! Ils écoutèrent avec attention toute l’histoire d’Eléonore puis Tristan avoua connaitre une gargouille.
Le petit rouquin pencha exagérément la tête sur le côté.
— C’est vrai ça ? Tu connais une gargouille ? Moi aussi ! Même qu’elle a pas d’ailes parce que le Créateur il a oublié de lui en dessiner. Mais c’est une gentille gargouille qui roule comme toi !
C’est sûr que le chevalier de l’histoire d’Eléonore ne devait pas être fameux. Il avait plutôt l’air très très mauvais comme chevalier. Il écouta la confidence au sujet du secret et ses deux émeraudes s’agrandirent en même temps que sa bouche : c’était donc ça !
Finalement, Adéis écouta tout ouïe l’histoire de ce drôle de Dieu éléphant d’un pays très très lointain. Il poussa un petit cri de souris à la décapitation de Ganesh qu’il étouffa entre ses mains. Mais heureusement Shiva le répara avec une tête d’éléphant — ça, il en avait vu dans les livres —
— Bah il aurait pu lui remettre sa tête. Pourquoi il fallait que ce soit un animal. En plus je sais pas comment ça peut tenir une tête d’éléphant. C’est drôlement gros pour des épaules !
Il entendit dans son dos, la clochette marquant l’ouverture de la porte de la boutique et se retourna pour découvrir qui ressortait. Il courut à toute vitesse pour se jeter dans ses bras. Elle lui avait manqué, même si ça faisait pas très longtemps qu’elle était partie.
Re: [5 février 1598] Deux damoiseaux et une luciole
Ils formèrent comme un petit cercle autour d'Éléonore chuchotante pour écouter "le secret". Eh bien... triste famille qui s'était livrée à cette transformation. Tristan plissa la lèvre dans un mouvement faussement inquiet et commenta :
-- Oh ben y a d'quoi avoir peur. Y faut toujours s'méfier de l'eau qui dort et d'un adversaire, surtout s'y a encore risque pour le trône ! (Dans la foulée il pouffa : un éléphant qui ne trompait qu'à moitié, oui, voilà qui était au moins l'avantage.) Oh oui, c'était un échange de bons procédés, comme qu'on dit dans l'artisanat. Et puis comme ça, nous non plus, on trompe pas énormément hé !
Quant à cette histoire de tête que soulevait Adéis, oui il y avait de quoi s'en étonner, mais les mythes avaient toujours des situations plus folles les unes que les autres et que Tristan avait arrêté de vouloir comprendre scientifiquement. C'était... de la métaphore, presque de la poésie qu'il fallait apparemment voir dans la plupart de ces histoires, lui avait-on appris.
-- C't'une très bonne question. J'avoue qu'je comprends pas trop non plus comment que la magie, elle est en panne pour recoller la vraie tête, mais fonctionne pour la tête d'un aussi gros animal ! C'est pas expliqué, dans le livres d'histoires du monde que Mademoiselle, elle m'a laissé regarder. Y a bien du mystère faut croire, ou alors, celui qui a distribué les pouvoirs, lui aussi il a oublié des choses comme l'artiste qui n'a pas mis les ailes à la gargouille !
Association d'idée qui aura glissé avec beaucoup de tendresse de la bouche du garçon : ainsi donc, Adéis avait croisé Lénius ? Cette gentille gargouille roulante ne pouvait être que lui. Il confirma donc joyeusement au petit :
-- On connaît la même gargouille alors ! Oui, elle est très gentille. Un peu filoute et effrayante parfois, mais vraiment gentille au fond... et c'est comme le dragon de l'histoire d'Éléonore. Faut l'connaître et avoir apprivoisé un peu ses blessures.
Il haussa les épaules, rêveur, mais déjà le petit chevalier oubliait complètement leur compagnie et toutes leurs histoires pour retourner dans les bras de sa mère. Tristan se laissa attendrir de cette résolution si soudaine des retrouvailles entre le chevalier et sa plus belle des princesses. Et cela signifiait qu'Éléonore elle aussi n'allait pas tarder de s'en retourner avec eux. Et Tristan de rejoindre ses pénates et son travail. Il envoya donc à Éléonore - et à Adéis de loin - un baiser cueilli du bout de ses doigts sur ses lèvres et lancé en agitant la main.
-- Au r'voir Adéis ! Au r'voir Éléonore ! J'espère à bientôt et... maintenant j'ai deux nouvelles histoires à raconter !
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