[25 Février 1598] Premiers pas dans le nouvaeu domaine [Terminé]

Eldred rit de plus belle à la mention de l’excommunication. Par tous les Dieux, non seulement ça ne lui faisait pas peur, mais il espérait bien mourir en Zakrotien et non en chrétien. Il n’aurait plus manqué que ça… Au fond c’était un peu pour ça aussi qu’il allait à Djerdan. S’il devait mourir là-bas ce serait en guerrier. Enfin bon, il comptait bien revenir pour Alduis, pour elle, Dyonis et William et d’autres qu’il oubliait certainement.

Il en revint finalement au sujet de son meilleur ami, c’est qu’il valait mieux la prévenir de l’attitude ou des mots que pourraient avoir William au sujet de sa prétendue relation avec Alduis. Cela risquait d’arriver tôt ou tard sur le tapis et il imaginait assez bien la tête de Cassandre en entendant l’intendant assurer qu’ils partageaient plus qu’une amitié fraternelle.

D’ailleurs, elle le coupa presque en pouffant de rire avant de finir sa phrase.
— Voilà tu as tout compris.

Elle grimpa, espiègle comme un petit écureuil, se percher sur la cloison de la stalle. Comment c’était arrivé ? Ah, ça !

— Rien que de très banal, je le crains : on s’entendait bien, on s’est échangé des mots doux avec mon lapin, il m’a offert des fleurs et m'a préféré à sa fiancée… Et voilà, rétorqua-t-il avec nonchalance.

Les jambes pendantes dans le vide, légèrement remuantes, Cassandre contemplait avec attention Eldred, attendant avec impatience cette histoire qui allait venir. Comment l'intendant s'était-il laissé persuader qu'Eldred et Alduis seraient amants ? ils n'étaient que des amis. Néanmoins, quand son ami ouvrit la bouche, les confidences devenaient moins drôles, mais plus intimes. La fillette eut un sourire ému d'imaginer Alduis offrir des fleurs à Eldred ou que tous deux s'échangent des mots doux. C'était mignon. Alors... Alors, ils étaient vraiment amants.

Lorsqu'Eldred cessa de parler, Cassandre reprit :

"Ben, je vous souhaite d'être heureux ensemble, tous les deux ! Et puis, tu seras un bien meilleur pour Alduis qu'Alexandre !

Ça ne lui ressemblait pas, pourtant plutôt que de nier les faits, il ne put s’empêcher d’en rajouter. Au fond, il comprenait bien la réaction d’Alduis face à l’intendant… C’était assez irrésistible et puis avec Cassandre ça ne craignait rien, alors pour une fois qu’il pouvait un peu s’amuser, il n’allait pas s’en empêcher.

Il se mordit légèrement les joues pour conserver son impassibilité et reprit de plus belle
— Merci. C’est aussi pour ça que je veux partir à Djerdan avec lui. Au fond, je crois qu’il a raison : les femmes c’est bien trop compliqué et ça n’apporte que des problèmes.

A vrai dire ce n’était pas totalement faux non plus, comme la suite d’ailleurs.

— Et puis Alduis et moi, on se comprend même sans parler, tu vois ? C’est juste naturel.

Les jambes toujours pendantes dans le vide, Cassandre écoutait les confidences de son ami, fébrile. pour une fois qu'elle pouvait entendre parler d'une relation amoureuse sans que la personne le nie ou réplique que c'était compliqué... Elle commençait même à comprendre qu'il puisse vouloir suivre Alduis à Djerhan. oui, là, c'était logique. Vouloir accompagner son amant, il n'y avait rien de plus normal. La fillette tiqua cependant sur la généralisation des femmes.

"Mais... Toutes les femmes sont pas chiantes. Regarde-moi ! Bon je suis peu jeune, c'est vrai, mais il doit bien y avoir des femmes intéressantes. Ah, mais si j'en connais une ! Mais elle a déjà un amant et elle est très heureuse avec lui. Mais elle est trop forte et trop intelligente !"

Son coeur se serra en songeant à Eléonore. Est-ce qu'elle pourrait la revoir un jour ? Son domestique, au pilori, l'avait laissé entendre. mais était-ce concrètement possible ? La fillette chassa ces pensées et reprit, sévère :

"Alors, t'as le droit d'être heureux avec Alduis, mais crache pas sur les femmes."

Ah oui c’était comme ça… Cassandre était vraiment en train de croire toutes les âneries qui sortaient de sa bouche en ce moment même ? Si Alduis avait entendu ça, il en aurait saigné des joues pour garder un minimum de contenance, juste assez pour renchérir que « son bichon était drôlement bel homme tout de même »

— T’es chiante aussi quand tu t’y mets je te rappelle, provoqua-t-il de bon cœur.

Finalement il haussa les épaules pour couper court au débat.

— Je préfère les fils de ministre aux filles de ministre.

Il marqua un petit temps d’arrêt, se demandant jusqu’à quel point il pourrait la faire tourner en bourrique. Bah ! Autant y aller franchement.

— Tu viendras à notre mariage à Zakros quand je serais libre ?

Eldred avait beau aimer Alduis, il y avait des choses qui ne se disaient pas. Elle ne laisserait jamais les femmes être insultées sans les défendre. Il lui rétorqua cependant qu'elle aussi pouvait être chiante. C'était un peu vrai. Elle le pouvait pas trop argumenter là dessus. Alors, elle jugea bon de hausser les épaules et de lui tirer la langue. Il conclut ensuite préférer les fils de ministres aux filles de ministres. Elle répondit d'une voix plus assurée :

"Au moins, toi, t'as rien contre les nobles..."

Il marqua une pause et l'invita à leur mariage qui aurait lieu à Zarkos quand Eldred serait libre. Cassandre applaudit joyeusement des mains. Elle avait hâte d'assister à un mariage.

"Oh oui : Oh oui ! Mais... Mais je pourrais venir ? Madame la baronne... le baron... Ils me laisseraient y aller ?"

A vrai dire non seulement il n’avait pas de problème avec les nobles mais il était certainement bien trop proche d’eux pour un esclave qui plus est étranger.
Et il ne parlait pas que d’Alduis évidemment. A quel moment s’était-il mis à rencontrer autant ? En y réfléchissant c’était quand même assez fou.

— Ah non, ça risque pas de m’arriver ça ! s’exclama-t-il.

Plus son mensonge grossissait, plus Cassandre semblait y croire… Lui, se marier avec Alduis ? Non mais vraiment ! Elle était bien romantique quand elle y mettait. C’était presque si ses yeux ne se mettaient à briller comme la surface des lacs.
— J'espère bien que tu pourras venir !

Cependant… quitte à poursuivre la blague, cela lui donna une idée.

— Dis… Tu sais faire des couronnes de fleurs ? Tu pourrais m’aider à en faire une pour Alduis ?

Ah ce qu’il serait beau avec ! Il avait hâte de voir sa tête maintenant… surtout quand il lui raconterait le reste. Après promis, il avouerait la vérité.

Si cela était possible, Cassandre aurait aimé les suivre à Zarkos et assister à leur mariage. Elle aurait pu leur jeter des fleurs. Cela serait sûrement intéressant de découvrir le pays de son ami. En plus, elle commençait à apprendre la langue.

"En plus, Ingrid m'a appris le zarkotien ! Dis, tu pourras continuer à m'apprendre, au fait ?"

La fillette, désireuse de montrer son nouveau savoir, récita l'une des phrases apprises en la prononçant de la bonne dction :

"Ég kaupi peru á markaðnum"

Elle fixa Eldred, soudain incertaine.

"C'est bien, hein ?"

Sur cela, Eldred ajouta autre chose au sujet d'Alduis, mais cette fois, Cassandre se montra plus suspicieuse. Une couronne de fleurs ? Ce n'était pas quelque chose de très masculin. Elle n'arrivait pas à imaginer Alduis faire une telle demande. La fillette fixa Eldred et décela une lueur dans son regard. Elle soupira.

"Tu te fiches de moi..."

Ingrid lui avait appris le zakrotien ? Il quitta sa malice pour l’étonnement auquel succéda rapidement la joie.

— Bien sûr, avec plaisir. J’espère vraiment pouvoir t’emmener là-bas un jour tu sais ?

Pour preuve, elle récita une phrase qu’elle avait apprise avec la Zakrotienne. Il acquiesça, plutôt impressionné par sa qualité de diction avec ces sons qui n’existaient pas en monbrinien.

— Tu te débrouilles comme une chef ! Mais pas encore comme une Zakrotienne, taquina-t-il. Il vaut mieux que tu dises « pera » que « peru ». On risque de te regarder bizarrement sinon.

Eldred retourna au sujet de son « mariage » avec Alduis. L’idée de lui faire une couronne de fleurs pointa le bout de son nez. Ca valait bien son beau bouquet un peu écrasé non ? Il serait mignon, son lapin, avec sa couronne printanière sur la tête !

Mais cette fois-ci, Cassandre se montra plus suspicieuse. Ah ! Mais dire que c’était la seule chose de vraie parmi tous ces bobards !

— Hein ? Mais non enfin ! Je veux vraiment lui faire une couronne. Il sera tellement beau avec ! Tu ne trouves pas que ça lui irait bien ? renchérit-il sans nier cette histoire de mariage complètement tirée par les poils de cul d’un troll.

Cassandre rayonnait de fierté de montrer à Eldred qu'elle savait un peu parler le zarkotien et lui-même semblait déborder de joie à constater cela. Cela lui fit songer à Kalisha, qui venait elle aussi d'un pays étranger ? Et si elle lui proposait de lui enseigner sa langue natale ? Cela lui ferait sûrement plaisir à elle aussi de pouvoir discuter de temps en temps dans la langue de son enfance. La fillette l'écouta corriger et fronça les sourcils.

"Et ça veut dire quoi peru alors ?"

Ils reparlèrent du mariage et Eldred lui demanda de l'aider à composer une couronne de fleurs pour Alduis. Cette requête la rendit suspicieuse et l'insistance plus louche encore. Dans son regard s'agitait une lueur qui lui semblait moqueuse. Elle se rappela alors du début de conversation et du fait que l'intendant s'était laissé persuader d'une histoire. Laissé persuader. Cela impliquait que l'histoire n'était pas vraie. Elle fixa, sévère, Eldred.

"C'était une jolie histoire, bien racontée, mais je te crois plus. Au début, tu as dit que monsieur Wagner s'était laissé persuader. Alors, ça veut dire que tout ça c'est faux. C'est ce qu'il a cru, non ?"

Cassandre était fière de lui montrer qu’elle pouvait parler zakrotien et y’avait de quoi en même temps ! Des Monbriniens qui parlaient sa langue, ça courait pas les rues. Par contre pour sa correction… Il haussa les épaules dans une petite grimace amusée.

— Je crois pas que ça existe, ou alors je sais pas ce que ça veut dire.

Il se gratta l’arrière de la tête. Non vraiment, il ne voyait pas ce que ça pouvait dire ni dans quel contexte on aurait pu dire une telle chose. Il souleva une nouvelle fois ses épaules, bah ça faisait rien, c’était un détail de toute manière.
Ils reparlèrent plutôt de son mariage avec Alduis. Tellement tiré par les cheveux qu’il y avait de quoi tracter une charrue avec, maiiis Cassandre en était persuadée. On aurait presque pu voir les petits cœurs s’envolaient de ses yeux bruns. Il pouffa alors qu’elle réalisait. Oui bon c’est vrai que…
Il prit un air faussement innocent et lui asséna une petite pichenette bon enfant sur le front.

— Evidemment que c’est faux. Enfin Cassandre, je vais pas coucher avec Alduis ! Par contre je veux vraiment lui offrir une couronne !

Cassandre attendait avec excitation les explications d'Eldred, désireuse de comprendre cette erreur. Il lui apprit cependant que le mot n'existait pas ou qu'il ne le connaissait pas. Elle fronça les sourcils. C'était une erreur d'Ingrid ? Ou elle l'avait fait volontairement ? Elle se décida à tester.

"Alors, comment on dit bébé ou je m'assis sur une chaise ?"

S'il traduisait ces phrases dans d'autres termes, c'était qu'Ingrid lui avait menti.

La conversation devint enfin plus légère pour évoquer les amours entre Aduis et Eldred jusqu'au moment de cette requête absurde. Elle démonta cette histoire et Eldred confirma tout en insistant sur cette fameuse couronne. la fillette tapa son pied contre la stalle, déçue.

"Mais... Vous aurez été trop mignons tous les deux. Bon... Bon, je veux bien faire cette couronne. mais en échange, je veux que tu me racontes une varie histoire. Un truc drôle que t'as pu entendre par hasard !"

Cassandre fronçait les sourcils. Quoi c’était parce qu’elle s’était trompée ? Mais ça faisait rien, ça arrivait à tout le monde. Ou alors elle croyait encore qu’il se jouait d’elle ? Non vraiment, là-dessus, il ne plaisantait pas.

— Bébé se dit « ungbarn » et je m’assois sur une chaise « Ég sit á stolnum » Tu es satsifaite ?

Ils étaient mignons tous les deux quelle question ! Mais pas de cette façon. Il n’était que son ami. Certes très proche, mais cela se limitait au plan spirituel, il n’y avait rien de charnel entre eux et leur relation s’en portait très bien ainsi. Le bûcher, très peu pour lui. Surtout pour ça. En revanche, il tenait à lui offrir une couronne de fleurs, parce qu’avec ça, il serait vraiment mignon. Et un peu ridicule aussi. Mais il avait mérité de rire un peu, non ? A quoi servirait les amis sinon.

Enfin pour ça, il devait encore chercher un truc amusant à lui raconter. Il se gratta la tête.

— J’ai entendu dire que le Père Ménard avait fini tête la première dans une fontaine parce qu’il bavait sur une femme et que sa mule jalouse l’avait gratifiée d’un coup de tête dans le cul.

Eldred se mit à rire en imaginant la scène, mais Cassandre ne semblait pas convaincu.

— Ca va ! Je vais trouver autre chose !

Il fit mine de réfléchir.

— Ah si ! Y’a quinze jours, je croyais que tu serais au pilori, je voulais en profiter pour venir te voir, tu sais, avoua-t-il. Mais à la place je suis tombé sur une demoiselle complètement perchée qui m’a proposé son aide alors que j’en avais pas besoin, en plus elle m’a accusé de mentir. Mais le plus drôle c’est pas ça. C’est quand j’ai commencé à essayer de lui expliquer que, enfin tu vois c’est dangereux d’aborder un homme inconnu, quoi. Bah elle a pas compris ! Elle connaissait personne, elle était naïve comme c’était pas permis et elle s’imaginait que la bonté rayonnée dans notre belle cité croupissante ! Elle ne réalisait même pas qu’elle risquait de se faire attirer dans une venelle pour se faire trousser. Parce que tu comprends il existe un peu bonté…
Il se gratta la tête puis haussa les épaules.


— En fait je préfère celle du Père Ménard. Tu veux bien m’aider à faire la couronne ? implora-t-il d’un regard de chiot abandonné.

Cassandre écoutait les réponses et se détendit. Ingrid ne l'avait pas trompée.

"Oui. J'avais peur qu'Ingrid m'ait raconté des conneries. alors, j'ai testé."


Sur cela, en paiement de la fameuse couronne de fleurs et en remboursement de cette stupide farce. La fillette l'entendit parler d'un curé qui aurait pris un coup de mule pour avoir regardé une femme. Elle afficha une moue dubitative. Ce n'était pas bien original.

"Allez, tu peux faire mieux !"

Elle s'assombrit à entendre évoquer le pilori, puis écarquilla les yeux quand Eldred rapporta qu'une femme lui aurait proposé son aide. Ce n'était pas vraiment le genre de personne qui envoyait un tel message. elle rit franchement de la suite.

"Toi ? mentir ?"

Cassandre roula des yeux de al suite.

"Mais oui, la ville est la bonté d'âme. c'est pour ça ue les curés et d'autres hommes butinent allégrement."

Elle secoua la tête affligée par une telle histoire.

"Encore une qui sort du couvent, l'esprit plein de préceptes saints, incapable de comprendre qu'il n'y a rien de sain. Elle comprendra quand un homme la forcera à exposer ses seins."

Cassandre s'amusa de la mine suppliante d'Eldred. C'était qu'il y tenait vraiment à cette couronne.

"Tu sais qu'avant, je t'aurais fait espérer longtemps avant d'accéder à ta demande ? Mais en prison, j'ai décidé de devenir gentille !"

Sur cela, elle sauta à terre et poussa la porte de la stalle?

"Viens, on va chercher des fleurs. parce qu'ici, on fera qu'une couronne de paille "