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[le 19 décembre 1597] ~ L'appel du vide [RP Sensible][Terminé]

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Message par Alduis de Fromart Lun 9 Nov - 13:32

Avertissement :
Alduis était rentré en trombe dans ses appartements. Il respirait vite de s'être entraîné des heures durant dans les jardins du château, sous la pluie, sous le vent, vêtu de sa simple chemise. Il s'était entraîné jusqu'à avoir la sensation de n'être plus capable de porter son épée. Jusqu'à ce que ses muscles crient grâce. Jusqu'à ce que ses mains tremblent de fatigue.

Il avait tout fait pour se sentir vivant. Mais ce n'était pas encore assez. Alduis avait l'impression d'être dans un autre monde, un non-lieu de souvenirs et d'absence. L'absence de sa mère, l'absence de Mathurin, l'absence de tous ces militaires qui avaient partagés son lit l'espace d'une nuit. Et désormais, l'absence d'Alexandre.

Il avait froid. Il avait faim. Il avait sommeil. Ses muscles étaient douloureux d'avoir tant répété les mêmes mouvements. Mais il doutait encore. Ça ne suffisait pas. Quoi qu'il fasse, il avait la sensation que sa vie lui filait entre les doigts et qu'il ne pouvait rien faire pour la retenir.

Alduis gardait la main sur sa poignée, les doigts crispés, et il regardait la pièce plongée dans l'obscurité. Les meubles avaient beau être là, les vêtements roulés en boule avaient beau témoigner d'une réalité, sa chambre lui semblait vide. Habité d'une non-présence. Aucun feu ne réchauffait l'atmosphère. C'était comme si la pièce était restée figée, qu'elle avait continué une vie sans lui et l'avait laissé sur le bas-côté.

Il n'aurait su dire combien de temps il resta immobile, dans le noir. Parce qu'il venait et repartait sans cesse, au rythme des sifflements des voix.

Le drap blanc qui recouvrait le visage de sa mère.
Le pantin désarticulé et la flaque de sang qui l'entourait.
Les têtes décapitées. Les ventres ouverts. Les membres tranchés.

Soudain, Alduis se redressa d'un bond. Ouvrant la porte à la volée, la claquant dans son dos, il traversa les couloirs — presque en courant. Il était tard, le château était silencieux et seul ses pas résonnaient sous les hauts plafonds. Il ne s'en souciait pas. Il monta au dernier étage, tourna à la première porte qu'il trouva et entra dans la pièce. Il referma le battant plus doucement, plus lentement, comme s'il avait atteint un refuge.

Personne ne venait là. La pièce était délaissée.

Alduis fit face à la fenêtre. Il s'en approcha lentement. Pas après pas. Presque respectueusement. Tira les grands rideaux d'un grand geste. Tourna la poignée et ouvrit la fenêtre. L'air humide entra dans la pièce. Vivifiant.

Ce fut sans vraiment réfléchir que Alduis passa une jambe par dessus le rebord, puis la seconde. Il s'assit, à plus de huit mètres du sol. Sa respiration était de nouveau calme, son esprit brusquement vide. Là, il fut seul avec la Lune. Seul avec lui-même. Seul avec le vide en dessous de lui. Sa vie ne tenait plus qu'aux 40 centimètres du rebord.

Et dans le silence de la nuit, perché au deuxième étage, il murmura :

- Je sais que tu n'existes pas. Je sais que tu n'es qu'une connerie pour rassurer les enfants.

Il ne savait pas ce qui lui prenait. Il ne savait plus rien.

- Mais Alexandre, lui, il croit en toi. Alors ne le laisse pas tomber. Tu n'as pas le droit. Pas après ce chemin.

À bien y regarder, peut-être se parlait-il à lui-même. Ou peut-être à personne, juste à la vie. Il se tut et le silence revint, seulement troublé par le bruissement extérieur. L'air humide rendait ses mains moites. Sa chemise était encore humide de transpiration.

Alduis baissa les yeux vers le bas. Le sol en contrebas l'appelait. Ce ne serait pas une chute très longue. Mais durant quelques secondes, il aurait la sensation — enfin — que la vie crépitait dans ses veines. Et puis, il percuterait cette surface dure, ses os céderaient, il imploserait de l'intérieur, se disloquerait, et tout deviendrait calme. Un bref instant, il aurait été vivant.

Ses yeux étaient entièrement secs. Il était dans un état second, un état anormalement apaisé. Il avait conscience, à cet instant, de chaque parcelle de son corps.

Alors la porte s'ouvrit. Alduis ne se retourna pas. Il l'avait entendu, il sentait la présence dans son dos, et il savait même précisément de qui il s'agissait. Il dit simplement d'une voix blanche, d'une voix qui n'était plus vraiment là :

- Ne vous approchez pas.
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Message par Coldris de Fromart Lun 9 Nov - 20:49



Il était tard. Comme bien souvent à cette heure-ci lorsqu’il n’était pas sorti, Coldris se trouvait dans son bureau. A travailler ou à écrire. Plus rarement à lire. S’il aimait toujours posséder de beaux ouvrages, il en appréciait désormais moins la lecture. Faute de temps. Faute de personne avec qui partager ses avis. Ce soir, il griffonait simplement l’un de ses nombreux carnets. Des annotations chaotiques, des gribouillis obscures ou bien des portraits plus réalistes, ses feuillets étaient un vrai chaos. Il était d’ailleurs toujours assez étonnant de constater à quel point cet homme si ordonné pouvait disposer d’un esprit aussi encombré et tumultueux.



Il appréciait également la sérénité que procurait la nuit. Lorsque le soleil était couché, le château en faisait de même. Les domestiques et esclaves regagnaient leurs pénates et Coldris avait tout le loisir d’écouter le chant de son manoir qui semblait habité de sa propre âme. Au-dessus de lui, il entendit le plancher craquer et des pas rapides s’enchainer. Cela ne pouvait être qu’Alduis. Il n’y avait rien au-dessus de son bureau, si ce n’était un ancien salon qui n’était plus utilisé depuis des années maintenant. Coldris termina sa phrase puis suspendit sa plume dans les airs. Quelle mouche avait donc bien pu piquer son fils pour se rendre spécifiquement là-bas ? Il fronça les sourcils, sans parvenir à trouver une raison valable et décida sans bien savoir pourquoi d’aller s’en enquérir par lui-même, sachant pertinemment qu’il ne parviendrait jamais à trouver le sommeil tant qu’il n’aurait pas eu de réponses à ses interrogations. Il quitta donc son bureau et emprunta l’escalier Ouest vers le palier supérieur. Il allait ouvrir la porte lorsqu’il entendit la voix de son fils sans parvenir à déchiffre ce qu’il disait. Mais à qui parlait-il donc ?!

Il enclencha la porte et découvrit la fenêtre, largement ouverte, les rideaux qui volaient fantomatiquement dans la pièce quasi déserte. Et surtout… Surtout… Alduis, son fils, assis sur le rebord de la fenêtre à regarder le vide qui s’étalait sous ses pieds. Un frisson glacé lui remonta le long de l’échine.

- Ne vous approchez pas. ordonna une voix d’outre-tombe.

Et un nouveau frisson remonta sa colonne vertébrale tel un petit serpent de givre. Coldris n’avait pas pour habitude de se laisser imposer quoi que ce soit. Loin de là. Mais ce fut l’une des rares fois où il obtempéra sans discuter. Toujours dans l’embrasure de la porte, il demanda :

- Alduis ? Que fais-tu au juste assis sur le rebord de cette fenêtre et... Dans cette tenue ?

Même dans la pénombre, il pouvait voir qu’elle était trempée. Elle collait à sa peau. L’air qui entrait par bourrasque était glacial. Il ne neigeait pas aujourd’hui, le ciel était clair mais l’air n’en était que plus sec et pinçant. Il allait finir par attraper la mort…
Le fantôme du Typhus revint subitement planer au-dessus d’eux et il ne put réprimer ce nouveau frémissement qui lui crispa les mâchoires. Pourquoi ? Il avait déjà failli le perdre une fois. Pourquoi ? Pourquoi était-il là, à provoquer la Mort alors qu'Alexandre allait sans doute revenir le lendemain? Ses yeux séracs s’écarquillèrent effarés à l’idée qu’il puisse réellement sauter.
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Message par Alduis de Fromart Lun 9 Nov - 22:26

Il était seul. Seul avec le vide, avec la Lune, avec le silence. Seul avec les voix dans sa tête. Mais là, ici et maintenant, il avait le pouvoir sur sa vie. Il pouvait les faire taire. Elles n’étaient pas lui, mais s’il mourrait, s’il sautait, elles mourraient avec lui. Parce qu’elles étaient dans sa tête. Et comme si elles le sentaient, elles s’étaient tues.

Les yeux fixés sur l’horizon, les pieds se balançant dans le vide, il ne se tenait même pas au rebord de la fenêtre. Il était en parfait équilibre, sans autre contact avec le monde que ces quelques pierres sur lesquelles il s’était assis. Un infime mouvement pour rompre cette fragile stabilité et il tombait.

La lumière de la Lune faisait luire ses cheveux blonds d’un étrange halo. Il ressemblait à un ange déchu, à l’apparition d’un autre monde. Il ne restait plus qu’un mince fil pour le relier à la vie. Un mince fil malmené par les intempéries qui menaçait de se couper à tout moment.

Et là, perché à huit mètres… il le percevait, cet unique fil qui demeurait présent. Il sentait son coeur battre, sa peau frissonner, le sang couler dans ses veines. On ne se rendait pas compte à quel point la vie était misérable, sauf les pieds dans le vide. Parce qu’alors, une impulsion pouvait suffire à tout faire valser.

Je peux mourir.

Il défiait la vie.
Il défiait la mort.
Il défiait les voix.

Je peux mourir.

Qu’elles parlent. Qu’elles ouvrent la bouche. Cette fois, elles n’auraient pas le dessus. Parce qu’elles avaient peur de tomber. Mais pas lui. Une part de lui voulait sentir ce dernier essor d’adrénaline dans ses veines. Avant l’impact.

La porte n’avait pas été huilée depuis longtemps. Elle grinça dans ses gonds. Son père était là, juste dans son dos. Il savait, d’instinct, que c’était lui. Parce qu’il était le seul à ne pas dormir à cette heure. Parce qu’il avait reconnu cette étrange atmosphère qui le suivait, ces picotements sur sa nuque.

Il ne se retourna pas. Un sourire terriblement sombre se dessina sur ses lèvres. Même lui fut surpris par le timbre de sa voix. Une voix trop calme, comme si toutes les émotions qui la composaient habituellement avaient déserté.

Les pas de son père s’immobilisèrent. Il resta dans l’embrasure de la porte, sans un mot, sans discuter. Alduis resta à lui tourner le dos.

- Alduis ?

Alduis. Alduis de Fromart. C’était son nom, oui. Il ne répondit toujours pas.

- Que fais-tu au juste assis sur le rebord de cette fenêtre… et dans cette tenue ?

Alduis ne répondit toujours pas. Il s’écoula une minute. Puis une deuxième. Puis une troisième. Et enfin, il lâcha, toujours de la même voix :

- C'est tentant, non, vous ne trouvez pas ? De choisir que tout peut s'arrêter. Et que personne ne peut m'en empêcher. Même pas vous.

Il était le seul à avoir ce pouvoir là. Et il ne laisserait personne lui enlever.

- Et même pas elles. Elles sont impuissantes.
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Message par Coldris de Fromart Lun 9 Nov - 23:04



Un courant d’air glacial. Des rideaux qui volaient. Alduis assis sur le rebord dans une chemise trempée. Coldris n’osait plus bouger. Il avait peur. Peur de le voir soudainement tomber sans qu’il ne puisse rien faire pour le rattraper. Il le savait. Il n’arriverait jamais à temps pour le rattraper. C’était impossible.



Que faisait-il là ? Une simple question. Bien plus vaste qu’il n’y paraissait en réalité. Les secondes s’écoulèrent. Lentement. Trop lentement. Son cœur ne savait pas trop s’il devait se suspendre avec le temps ou au contraire s’emballer. Une chouette hulula. Il avait cette désagréable sensation dans son dos. Froide. Glaciale. Humide. Il sentit une gouttelette rouler contre son dos et contracter chacun de ses muscles. En haut dans les greniers, des petites pattes crapahutaient. Une souris sans doute. Comme il y en avait tant. Alduis ne daignait toujours pas répondre. Coldris n’osait pas bouger ne serait-ce qu’un cil. Il était pétrifié. Gelé. Une bourrasque s’engouffra par la fenêtre grande ouverte faisant voler les cheveux d’argent d’Alduis. Les rideaux claquèrent puis tout redevint calme. Calme comme la mort. Un silence oppressant. Comme jamais il n’en avait connu. Et pourtant, le silence faisait parti de leurs vies depuis des années déjà. Il n’avait plus qu’un sac de nœud à la place de ses entrailles. Dans le chenil, des chiens aboyèrent. Sans doute un renard un peu téméraire qui passait par là. Tous ses muscles étaient tendus. On aurait pu lui faire avaler du mortier qu’il ne se serait pas senti  mieux. Même sa respiration semblait s’être coupée. Dans le couloir, le parquet grinça tout seul. Puis enfin Alduis reprit la parole et il put expirer l’air qu’il avait inconsciemment contenu ces dernières secondes.

- C'est tentant, non, vous ne trouvez pas ? De choisir que tout peut s'arrêter. Et que personne ne peut m'en empêcher. Même pas vous.

Un nouveau frisson le traversa. Il s’attendait à cette réponse. L’entendre formuler à haute voix était une autre chose. Son fils contemplait la possibilité de mourir d’un instant à l’autre. Juché sur le rebord d’une fenêtre. A huit mètres du sol. En plein cœur de l'hiver.

 - Et même pas elles. Elles sont impuissantes.

Le elles ne l’interrogea qu’un court instant. Il savait de quoi il parlait pour en subir les assauts régulièrement. Ces petites voies qui parlaient sans cesse.

- Pourquoi Alduis ?

Fut sa seule réponse. Parce qu’il ne comprenait pas. Comment pouvait-on songer à envisager éventuellement de sauter lorsque l’on était amoureux d’un vivant ? Pire encore, lorsqu’on venait d’obtenir sa vie la veille. Coldris aurait tué la terre entière pour avoir ce privilège. Mais jamais il n'aurait tenté de se tuer lui, si elle avait été là…
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Message par Alduis de Fromart Mar 10 Nov - 9:15

Alduis ne s'était pas senti aussi calme depuis un bon moment. C'était comme si le tourbillon de ses émotions s'était enfin arrêté. Il se sentait vide, et il n'aurait jamais cru que cela soit aussi agréable. C'était dans ce genre d'instants, quand vous saviez que votre vie ne tenait plus qu'à quarante petits centimètres que vous aviez la certitude qu'après la mort, il n'y avait rien. Juste le néant. Et c'était terriblement tentant.

Il voulait devenir poussière. Il n'avait jamais demandé à naître, et encore moins à être un génie. Pourquoi fallait-il que ce soit tombé sur lui ? Il avait envie de tordre le cou à la vie, de lui dire en la regardant dans les yeux vas te chercher un autre chien et laisse-moi tranquille.

Il n'avait pas demandé à être sauvé. Il n'en avait pas envie, personne ne lui avait demandé son avis. Pourquoi tout le monde s'y entêtait-il ? D'abord Bérénice, puis Mathurin. Alexandre... et maintenant son père.

Son père ne bougeait pas dans son dos. Alduis sentait sa peur, il l'aspirait comme une sangsue, s'en gorgeait par chaque pore de la peau. De quoi avait-il peur ? De milliers de choses. Il avait les mains moites à l'idée de sauter... mais le vide l'appelait. Encore et toujours. Il semblait souffler son nom, dans une éternelle rengaine. Alduis. Et s'il y renonçait pour cette fois, elle reviendrait murmurer à ses oreilles.

La mort était douce.

Et si Alduis avait bien peur d'une chose, c'était de devoir continuer à vivre. Mais son père... de quoi avait peur son père ?

L'air avait une étrange consistance. Comme si ses poumons se remplissaient plus difficilement. Une épaisse poix allait doucement boucher ses bronches. Il allait mourir un jour. Peut-être aujourd'hui.

Il ne réalisa pas réellement le silence qu'il laissa de longues minutes s'étirer entre eux, avant de se souvenir, dans un flottement de l'esprit, qu'on lui avait posé une question.

Lui écoutait.
Le hululement de la chouette. Les petits pas d'une souris dans les charpentes. Les chiens qui appuyaient. Le bois qui craquait, comme doué d'une vie propre.

Une bourrasque s'engouffra dans la pièce. Si glaciale qu'elle le fit frissonner. Ses cheveux se soulevèrent un bref instant. Il avait envie d'écarter les bras, de hurler à la vie d'essayer de le retenir. Personne ne pouvait l'en empêcher. Et ce fut comme pour s'en assurer qu'il murmura, sans vraiment s'adresser à son père :

- Si vous vous approchez, j'aurai le temps de sauter. Et le temps que vous descendiez, je serai déjà mort.

Même si son père était là, à quelques pas en arrière, Alduis était toujours seul. Seul avec sa vie entre ses mains. Et il se sentait désespérément puissant, à l'idée de pouvoir l'écraser entre ses mains. Alduis reposa ses doigts sur le rebord de la fenêtre, et demanda soudainement :

- De quoi as-tu peur Papa ?

C'était venu tout seul. Naturellement. Papa. Il ne l'avait plus appelé ainsi depuis le 3 juin 1579.

- Pourquoi Alduis ?

Pourquoi ?
Il y avait des milliers de raisons. Ses doigts se serrèrent imperceptiblement.

- Pourquoi faut-il forcément une raison pour mourir ? murmura-t-il.
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Message par Coldris de Fromart Mar 10 Nov - 10:00



Coldris se trouvait toujours sur le seuil de la porte. Entre deux mondes. Entre le sien, ordonné et implacable et celui de son fils, sombre et froid, comme la bourrasque qui venait de s’engouffrer. Il n’avait qu’un pas à faire. Un simple pas pour passer de l’un à l’autre mais il était toujours incapable d’effectuer ce mouvement si naturel. Il était toujours figé. Les yeux rivés vers la silhouette spectrale assise sur le rebord de la fenêtre comme si ce simple regard était ce qui pouvait le retenir de disparaitre dans le vide. S’il cillait, est-ce que le lien se briserait ? Est-ce que les amarres cèderaient ?

Et pourtant, il ne pouvait pas rester éternellement sur ce palier. Il leva son pied.

- Si vous vous approchez, j'aurai le temps de sauter. Et le temps que vous descendiez, je serai déjà mort.

Un nouveau frisson remonta le long de son échine. Il reposa son pied à l’endroit initial. Il avait déjà fait ce calcul : il n’aurait jamais le temps de traverser la pièce pour le rattraper. Il n’y aurait plus qu’un plus qu’un pantin désarticulé avachi dans l’un des rosiers. Il eût un nouveau frémissement qui contracta chaque muscle jusqu’à son cœur.

- De quoi as-tu peur Papa ?

Son cœur s’arrêta subitement et le temps commença à s’étirer. Le hululement, le chant de la maison, le sifflement du vent, le chevreuil qui s’égosillait dans le bois… Ce n’était rien de plus qu’un bruit de fond.

De quoi as-tu peur Papa ?

Depuis quand Alduis lui parlait-il ainsi ? Non, la vraie question était plutôt depuis quand ne lui parlait-il plus ainsi. Et il se fit happer dans un tourbillon. Une nuée d’étourneaux tournoyaient en piaillant dans son esprit laissant des volées de plumes sur chacune de ses caisses.

De quoi as-tu peur Papa ?

Peur. De quoi avait-il peur ? De beaucoup de choses. De beaucoup trop de choses. A commencer par l'absence totale de contrôle sur la situation. Mais il avait également peur de cette relation qu’il ne maitrisait pas et qui s’était tissée malgré ses efforts pour s’en détacher. Il avait peur des fantômes. Ceux-là même qui s’échappèrent des caisses avec leur lot d’images de souffrance. Il y avait d’abord eu Isis. Puis Aurélia. La vie lui avait arraché tous ceux auxquelles il tenait. Et maintenant, il y avait son fils. Et il était assis sur le rebord d’une fenêtre. A contempler sa propre mort.

- J’ai peur de te perdre. répondit-il sans vraiment le regarder

Peur de souffrir une nouvelle fois. Sauf qu’il n’y aurait pas de troisième fois. Ou celle-ci serait brève. Quelques minutes tout au plus le temps qu’il réalise qu’il ne nous pourrait pas tordre le destin pour le modifier à sa guise. Alors il s’enfoncerait la lame dans sa chair et même Léonilde ne pourrait pas le sauver. Il n’y aurait plus de nouveau supplice. Il s’inclinerait et avouerait sa défaite.

- Pourquoi faut-il forcément une raison pour mourir ?
- Parce que quand on aime les vivants, on vit avec eux.

Parce qu’il aurait tué pour qu’elle soit toujours là. Parce qu’il avait souffert de sa disparition et que quand on aimait vraiment quelqu’un, on ne pouvait pas lui souhaiter de souffrir autant.

Et il fit, un pas. Déterminé.

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Message par Alduis de Fromart Mar 10 Nov - 20:41

Alduis n'avait pas besoin de regarder Coldris pour le voir. Il sentait sa peur, qui s'étendait autour de lui comme un épais brouillard piquant de mille aiguilles. Lesquelles se plantaient dans sa nuque, toujours plus profondément. Il sentait son regard peser sur lui, depuis le seuil de la porte dont il ne bougeait pas. Et il sentit, comme le reste, son pied qui se leva soudainement.

Alors il la lui rappela. Cette évidence qui, quoi qau'il arrive, le ferait arriver à cette fenêtre trop tard. Qu'il reste où il était. Qu'il le laisse peser tout seul le misérable poids de sa vie. Son père renonça à faire ce pas là.

Coldris l'avait humilié la veille, il l'avait forcé à quémander, il avait saccagé les restes d'amour propre qu'il lui restait. Et maintenant... maintenant, il était juste là, dans son dos, à avoir peur. Mais de quoi ?

- J'ai peur de te perdre.

Alduis se crispa, comme pour se protéger de cette nouvelle aiguille, plus longue et plus douloureuse que les autres. Sa quiétude se troubla, son coeur accéléra et une partie de lui s'affola. Les voix revinrent à la charge dans sa tête, reprenant leur place précédemment abandonnées, et se mirent à chercher frénétiquement une explication à cela.

- Pourquoi ? murmura-t-il d'une voix si basse qu'elle en devenait à peine audible. Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde ?

Alduis ne savait jamais sur quel pied danser. Il ne criait presque jamais. L'avait frappé encore moins. Hier encore, il l'avait ignoré, n'avait pas daigné faire cas de sa présence. Ça ne collait pas. Ça ne collait pas avec cette peur qui entourait Coldris, ni avec ses mots.

Alors oui, je t'aime, Alduis.
J'ai peur de te perdre.

Non, non, non. Son père n'avait pas peur. Il ne pouvait pas avoir peur. Cette faiblesse-là, il ne l'avait jamais senti auparavant chez lui. Il avait dû louper quelque chose. Mais où ?

Il avait toujours cru qu'il n'était rien de plus qu'un chien que l'on pouvait remplacer aux yeux de son père. Mais ces derniers temps, il ne savait plus quoi penser. Eldred avait bouleversé ses certitudes. Il avait donné un coup de massue dans les fragiles poutres qui soutenaient les toits de la maison.

- Mais je ne suis qu'un chiot. Un chiot qui regarde sa pisse la queue entre les jambes. Alors pourquoi ?

Il était revenu dix-huit ans plus tôt, dans le bureau. Il avait soudainement envie de se rouler en boule. De disparaître, loin, très loin sous terre. De nouveau, il lança un regard vers le bas. Il lui suffisait juste de se pencher en avant. Un simple mouvement, un basculement du poids de la vie à la mort. Ce ne serait pas long. Et il n'aurait plus besoin de se poser toutes ces questions.

Il ne savait pas ce qui l'en empêchait. Mais quelque chose le forçait à serrer les doigts gauches très fort sur le bord de la fenêtre.

- Parce que quand on aime les vivants, on vit avec eux.

Ce fut comme le signal de départ. Les voix ouvrirent le débat dans sa tête.

Il a raison Alduis.
Peut-être. Mais tu devrais déjà être mort.
Tu es vivant. Tu dois vivre avec les vivants.
Vivre avec cette honte en toi ?

- Vous ne savez pas ce que c'est, de sentir toute votre force vous abandonner. Vous ne savez pas ce que c'est, d'être condamné à vivre avec ça au fond de soi.

Le typhus l'avait marqué. Il lui avait laissé une empreinte bien plus profond qu'une cicatrice. Il avait ouvert un gouffre en lui. Un gouffre qui n'avait fait se creuser depuis.

Tu ne peux pas abandonner, tu as promis de protéger Alexandre.
Tu as déjà trahi ta promesse. Dois-je te rappeler où il se trouve à l'heure actuelle ?
Mais il va en sortir. Bientôt.
Saute Alduis !

Alduis se prit la tête dans les mains brusquement, avec un gémissement désespéré, sans pouvoir retenir les larmes qui inondèrent ses joues. Il en avait marre. Il en avait marre qu'elles le parasitent sans cesse. Il n'en pouvait plus. Il voulait que ça s'arrête. D'une manière ou d'une autre, il ne voulait plus d'elles.
Alduis de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Mar 10 Nov - 22:26



Coldris était toujours terrifié. Il sentait la peur lui ronger les entrailles et se diffuser sans qu’il ne puisse la contrôler. Viscéral. C’était le mot. Il avait peur de perdre Alduis. Il y avait d’abord eu la nouvelle du Typhus qui l’avait ébranlé une première fois. Mais il fallait croire que tout comme les séismes, la deuxième onde de choc était la plus destructrice.
Il était là assis sur cette fenêtre. Lui qui aimait tout contrôler dans les moindres détails n’avait aucune emprise sur les évènements qui se déroulaient en ce moment même. Il essayait désespérément de se raccrocher à quelque chose mais il n’y avait rien. Alduis avait raison : il ne pourrait rien faire, si ce n’était hurler dès lors qu’il se laisserait tomber. La seule chose qui lui restait était ses mots. Mais là encore, il lui semblait être uniquement dictés par cette peur qui se diffusait dans chacune de ses veines.

- Pourquoi ? Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde ?

Sa question se répercuta dans son esprit comme un écho qui devait prendre fin lorsque la réponse apparaitrait. Mais jamais elle n’arriva.

Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde ?

Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ? En quoi faisait-il différemment ? Il n’avait jamais rien fait d’autre que ce qu’il estimait juste. Il s’était servi de son expérience pour rendre Alduis aussi fort que lui-même l’était devenu par la force des choses.

Coldris n’abandonnait jamais.
Coldris voulait toujours se hisser plus haut.
Coldris ne laissait rien l’atteindre.
Presque rien.

Mais il fallait se rendre à l’évidence, il était arrivé un moment où tout avait dérapé. Et il était désormais bien loin de son objectif initial.

Pourquoi tu ne fais pas comme tout le monde ?

Une phrase qui le percuta en plein corps. Qui sonnait comme un reproche. Comme une déception. Une phrase qu’il ne comprenait pas. Les étourneaux s’agitèrent et les images affluèrent. Son père leur jetait un quignon pain et ses frères se battaient. Coldris se serrait les côtes tant la faim le tenaillait. Il entendait les chiens aboyer derrière lui, il sentait la neige pénétrer ses chausses. Il serrait sa sœur contre lui. Et l’instant d’après elle n’était plus. Il était enfermé des mois durant dans cette petite cellule du château. Il ne savait plus quel jour ni quel mois il était. Il était seul. Seul avec ses pensées. Il hurlait pour combler le vide. Il revit l’effroyable sourire de son père. Entendit son rire macabre.

Pourquoi il ne faisait rien comme tout le monde ? Si c’était ça être tout le monde, il refusait de l’être. C’était quoi alors ? Etre comme Joseph Cassin, une mère poule ? Mais alors face à la première adversité, il n’aurait jamais eu la force de la surmonter.

La vie n’avait rien de facile. C’était une vieille garce qui sabotait chaque parcelle de bonheur qu’il se fabriquait.

- Je ne sais pas, Alduis. Je ne sais pas ce que c’est

Ce n’était pas une réponse. Il en avait conscience. Il n’avait rien de mieux et d’honnête à répondre. Il avait fait de son mieux. Il avait fait ce qui lui paraissait juste. Comment pouvait-il lui expliquer cela ? Jamais il ne le croirait puisqu’il le haïssait. Depuis des années.

- Mais je ne suis qu'un chiot. Un chiot qui regarde sa pisse la queue entre les jambes. Alors pourquoi ?

Il reconnaissait ses mots sans parvenir à se rappeler à quel moment il avait pu les prononcer. Il avait l’impression de se faire écorcher vif. Parce que ce n’était pas ainsi qu’il le voyait. Alduis avait ses défauts. Comme tout le monde. Mais il n’était pas pleutre. Au contraire, il avait toujours été courageux et vaillant. Mais le pire, c’était qu’il ne situait plus le contexte. Il avait dû parler sous le coup de la colère, comme cela lui arrivait parfois. Jamais il n’aurait pensé qu’il continuerait à les entendre et  à y penser… Et pourtant il aurait dû s’en douter puisque lui-même entendait toujours la voix de son père lui parler régulièrement...

Qu’est-ce qu’il avait fait ?

- Je suis désolé. Ce n’est pas vrai Alduis.

Que restait-il de cette assurance légendaire qu’il arborait en permanence ? Elle se fissurait. Elle se délitait sous la glaciale brise nocturne.

Il fit un pas.
Il apercevait ses mains agripper le rebord de pierre.

- Vous ne savez pas ce que c'est, de sentir toute votre force vous abandonner. Vous ne savez pas ce que c'est, d'être condamné à vivre avec ça au fond de soi.

Il refit un pas.
Puis ses jambes se murent mécaniquement. A mi-chemin, il tira sur un drap poussiéreux recouvrant un fauteuil oublié, et le plia en deux.

- Je ne sais pas ce que tu as traversé et je ne le saurais peut-être jamais...

Alduis se prit brusquement la tête entre ses mains. Son cœur fit un bond en l'apercevant dans cet équilibre précaire. Il futsoudainement terrifié à l’idée qu’il puisse réellement tomber. Son esprit l’inondait déjà d’images de sa propre création qu’il chassait tant bien que mal tout en comblant l’espace à grandes enjambées. Dans un seul mouvement, il drapa les épaules de son fils et l’attira contre lui. Il sentait la glaciale humidité de sa chemise transpercer la couverture de fortune jusqu’à son bras. Il le serra contre lui comme il ne l’avait peut-être sans doute jamais fait.

- Mais je sais ce que c’est de vivre amputé. Je sais ce que c’est de vouloir mourir, Alduis...

Il passa une main tremblante entre ses cheveux qui paraissaient d’argent. Ses yeux le brulaient atrocement. Il n’avait pas la mémoire d’Alduis mais il se souvenait précisément de la dernière fois qu’il avait pleuré : c’était il y a vingt-huit ans et Aurélia venait de mourir.

Coldris de Fromart
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Message par Alduis de Fromart Mer 11 Nov - 18:45

J’ai peur de te perdre,
j’ai peur de te perdre,
j’ai peur de te perdre.


L’esprit d’Alduis restait encore et encore bloqué sur les mêmes mots, sans réussir à les digérer. Ils rebondissaient en un écho infini, se répétaient, s’emmêlaient les uns aux autres. Petit à petit, ils se perdaient quelque part, entre ce monde et un autre. Ils lui échappaient, et Alduis essayait désespérement de les retenir.

Il voulait comprendre, il avait besoin de comprendre. Mais plus il tâchait de relier les choses entre elles, moins il y arrivait. Quand il pensait s’en rapprocher, les choses lui échappaient de nouveau - juste quand il avait la sensation de les toucher. Et elles partaient encore plus loin, devenaient encore plus floues.

Avait-il seulement bien entendu ? Peut-être rêvait-il ?
Peut-être que son père n’était pas réellement là ?

Peut-être était-il déjà mort ?

Mais non. Puisque les morts ne se posaient plus de questions. De nouveau, il jeta un regard vers le bas. Un regard où se mêlaient envie et désespoir. Le vide vertigineux sous ses pieds. La chute, l’impact. La Mort qui l’attendait là-bas. Et même sans s’en rendre compte, il se penchait de plus en plus. Comme s’il cherchait à s’en rapprocher le plus possible.

J’ai peur de te perdre.

Alduis entoura ses épaules de ses propres bras pour se rassurer. Il avait froid maintenant. Un froid glacial qui se répandait dans ses veines et qui gagnait lentement chaque millimètre de son corps. Qui remontait dans sa poitrine, vers son coeur.

Il se sentait vide. Il se sentait gelé. Comme s’il était creux de l’intérieur. Comme si le feu avait finalement fini par s’éteindre, faute de provisions à dévorer. Mais tu l’as déjà perdu, Papa, aurait-il voulu répondre, sans que les mots ne puissent sortir de sa bouche. Il est parti. Il est resté là-bas.

Alduis de Fromart était mort à Mornoy.
Et la partie de lui qui restait encore n’avait de cesse de le chercher.

Il en avait oublié la question qu’il avait posée. Il en avait oublié qu’il se trouvait toujours perché sur quarante centimètres, à huit mètres du sol. Jusqu’à ce que la voix de Coldris ne s’élève à nouveau et ne perce le silence.

Alduis prit une inspiration. L’air glacial envahit ses poumons et il eut la sensation qu’ils se glacèrent immédiatement, comme pris dans un étau de gel qui les empêchait de se gonfler complètement.

- Je ne sais pas, Alduis. Je ne sais pas ce que c’est.

Alduis avait de plus en plus froid et ce n’était pas seulement à cause du vent glacial. Il serrait toujours ses bras autour de ses épaules et sans en prendre conscience, il se berçait imperceptiblement d’avant en arrière. Il était figé là, à mi-chemin entre la vie et la mort, incapable de choisir. Les voix sifflaient, se partageaient, troublaient son jugement.

Coldris ne savait pas. Et lui non plus.
Coldris avait peur. Et lui aussi.

Il avait peur de rester. Peiur de prendre une décision. Peur de vivre.

Mourir était peut-être facile. Il aurait pu continuer à se battre, il aurait pu continuer à montrer qu’il était toujours plus fort que la vie. Mais il n’en voulait plus, de ce combat infini. De cette lutte pour exister. Puisque de toute manière, la mort finirait par le cueillir et la vie par gagner… pourquoi attendre encore ? Pourquoi ne pouvait-il pas décider que c’était fini et faire accélérer les choses ? Il se fichait d’être lâche.

Mourir, c’est laisser nos ennemis gagner.
C’étaient les mots qu’avaient prononcés cette petite peste de Cassandre.

Eh bien il s’en fichait ! Il s’en fichait, de gagner. Il se fichait, d’être un chiot qui regarde sa pisse la queue entre les jambes. Il se fichait d’être un chien désobéissant qui aboyait trop fort. Qu’on l’appelle Brutus si cela leur chantait. Ils n’avaient qu’à gagner si cela leur faisait tant plaisir ! Lui il rendait l’éponge. Il n’en voulait pas de la victoire. Il n’en voulait plus. Plus du tout.

Les larmes continuaient de dévaler ses joues. Il voulait juste que les voix le laissent tranquille, que ses souvenirs cessent d’inonder son esprit. Il ne demandait qu’à mourir. Était-ce trop demander à ce monde de fous ? Pourquoi tout le monde s’acharnait-il à le maintenir parmi les vivants quand chaque parcelle de son âme ne regardait déjà plus que le monde froid et insipide de la Mort ? Il était vide comme elle. Ce n’était pas assez long, pour eux, deux ans d’agonie ? Il s’effritait. Il sombrait lentement.

- Je suis désolé, Alduis. Ce n’est pas vrai.

- Si ce n’est pas vrai, alors pourquoi vous l’avez dit ? demanda-t-il de sa voix soudainement larmoyante et brisée, sans chercher à contrôler pour une fois tout ce flot qui se déversait.

Il appuya sa tête contre le rebord de la fenêtre. Il ne voyait plus rien tant les larmes inondaient ses yeux. Le monde était flou. Il reprit, d’une voix de plus en plus tremblante, de plus en plus entrecoupée, toujours sans le regarder :

- Je voulais juste la bague de Maman… rien d'autre… je vous jure… je vous jure que je ne voulais pas fouiller… je voulais juste avoir l'impression qu'elle était encore là… Elle m'avait promis… elle m'avait promis qu'elle ne mourrait pas...

Il ne parvint pas à dire la suite tant il haletait, et pourtant, il y avait encore tellement de choses qui demandaient à sortir. À s'exprimer. Qui étaient restées enterrées au fond de lui tellement longtemps…

Maman était morte. Emportée par une étrange maladie qui l’avait rendue méconnaissable. Elle avait eu, elle aussi, ce gouffre qui s’était ouvert en elle. Qui l’avait emportée dans un abîme sans fond. Elle avait su ce que c’était, de sentir toute sa force déserter son corps, jusqu’à ne laisser qu’une chose faible entre quelques draps humides. Elle avait senti les griffes de la Mort l’encercler et serrer de plus en plus. Le gouffre avait aspiré sa vie comme une sangsue avide, jusqu’à la happer toute entière, et ne laisser qu’une femme blanche.

Il aurait dû en être de même pour lui. C’était la loi des choses. Mais la Mort avait renoncé. Elle n’avait fait qu’emporter une partie de lui entre ses longs doigts blafards. On l’avait mutilé d’une part de lui-même… et depuis… Depuis il ne savait plus. Il errait dans un monde différent, où la vie était aussi funèbre que l’hiver, en espérant retrouver ce qu’on lui avait arraché. Il s’était perdu, quelque part entre là-bas et ici.

L’un comme l’autre des chemins lui était interdit. Il était bloqué là. Dans cet entre-deux. Tiré à la fois vers le haut et vers le bas.

- Je ne sais pas ce que tu as traversé et je ne le saurais peut-être jamais...

La voix de Coldris lui parvint comme étouffée. Alduis ne se méfiait pas des pas qui se rapprochaient dans son dos. Les larmes qui continuaient de couler venaient humidifier ses paumes. Et chacune d’elle ressemblait à une goutte d’acide, tant elles lui brûlaient les yeux, les joues et les mains.

Soudain, quelque chose se posa sur ses épaules. Alduis sursauta mais la seconde d’après, un bras s’enroulait autour de lui et l’attirait en arrière. Il n’avait pas la force - dans tous les sens du terme - de résister à cette étreinte inattendue. Il n’en avait pas l’envie, ni la volonté. Il voulait abandonner, il voulait se réfugier dans le chant rassurant de cette voix qui lui soufflait que tout irait bien, s’il arrêtait de lutter contre ce gouffre qui l’entraînait toujours plus profondément.

Alduis se laissa aller contre ce torse qui se trouvait subitement dans son dos, contre ce bras qui entourait ses épaules, comme s’il cherchait à l’empêcher de partir. Une certaine chaleur émanait de ce corps, qu’il sentait doucement se heurter à sa peau glacée. Ses cheveux étaient plein de perles d’eau qui ressemblaient à des gouttes de cristal. Il avait froid, et dans ce drap, dans cette étreinte chaude, il se mettait à claquer des dents. Et à trembler. Il ne se rappelait plus de la dernière fois que son père l’avait serré dans ses bras.

- Mais je sais ce que c’est de vivre amputé. Je sais ce que c’est de vouloir mourir, Alduis...

Il sentait dans ces mots une réalité criante.

- Si… si tu sais… alors pourquoi tu ne me laisses pas sauter… ? Je veux plus. Je veux plus les entendre, je veux qu’elles me laissent tranquille... Je veux tout oublier...

Il enfouit soudain son visage dans les vêtements de son père, en s’accrochant à lui comme un noyé se raccroche à une bouée. Désespérément.
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Message par Coldris de Fromart Mer 11 Nov - 22:27



Alduis serrait ses épaules entre ses mains. Il dodelinait à huit mètres du sol. Chaque fois que son buste se penchait vers l’avant, les images affluaient, son cœur s’arrêtait, ses boyaux se serraient et la terreur le transperçait d’un millier d’aiguilles.

Il va tomber.
Il va tomber.
Il va tomber...


Et sa gorge se nouait bloquant l’air qui ne pouvait entrer.
Et son corps tout entier se figeait, impuissant, horrifié.

Il va finir par tomber.

Et il voyait son corps blanc basculer et disparaitre sans un bruit dans la nuit.

- Si ce n’est pas vrai, alors pourquoi vous l’avez dit ?

Il ne savait plus quand il avait prononcé cette phrase. Il pouvait juste en imaginer le contexte. Il ne reconnaissait plus la voix de son fils. Celle si fière et si provocante. Celle-ci n’était qu’une suite de débris qu’il tentait de recoller. Il les avait en mains, les minuscules morceaux scintillants. Il les contemplait, impuissant. Etait-ce vraiment lui qui les avait réduit à l’état de poussière ? Que restait-il d’Alduis ? Qu’avait-il fait ?

- J’ai dit cela sous l’effet de la colère. répondit-il d’une voix rauque, parce qu’il n’avait aucune autre justification à offrir

Son regard s’était perdu dans l’immensité ténébreuse de la nuit, le courant glacial lui fouettait le visage. Les paroles qui parvinrent à ses oreilles étaient de plus en plus entrecoupées. Il devait se concentrer pour suivre le flux intermittent qui s’écoulait entre quelques sanglots.

- Je voulais juste la bague de Maman… rien d'autre… je vous jure… je vous jure que je ne voulais pas fouiller…

Le bureau. C’était soudainement une évidence. Alduis faisait référence à cette nuit où il l’avait surpris en train de fouiller dans son tiroir. Ce tiroir qui contenait le portrait d’Isis, les lettres d’Aurélia, ses carnets intimes. Son alliance. Il ne savait même pas pourquoi il l’avait gardée et jetée là. Il fallait croire que même morte, elle avait le don de s’immiscer dans ses affaires personnelles. Ses mâchoires se serrèrent. Il sentait une glaciale rage se cristalliser.

je voulais juste avoir l'impression qu'elle était encore là… Elle m'avait promis… elle m'avait promis qu'elle ne mourrait pas...

Ses doigts se crispèrent. Il regretta soudainement de l’avoir laissé en vie si longtemps. Cette maudite garce avait décidé de lui confisquer chacune des choses auxquelles il tenait.
Alduis. Alduis ne voyait que la femme pieuse douce et aimante. Cette facette publique qu’elle aimait à se donner. Celle de la victime de son mari volage. Il ne connaissait pas l’autre. Retorse, manipulatrice, rancunière. Celle qui avait juré de se venger de l’affront qu’il lui avait fait. Elle lui avait arraché Aurélia. Elle s’était accaparée Alduis dès lors qu’il avait commencé à manifester de l’intérêt à son égard. De son fils, il était passé à une arme de choix. Jusqu’à quel point avait-elle été sincère avec lui ? Il l’ignorait. Avait-elle été prise à son propre jeu ou avait-elle prononcé ces paroles sciemment ? Il ne le saurait jamais. Il savait juste qu’elle avait toujours mieux compris et perçu son fils que lui-même.
Il avala péniblement sa salive et prit une profonde inspiration. Il ne comptait pas la laisser gagner. Une nouvelle bouffée d’air frais lui brula la gorge et il mit sous clé sa colère.

- J’ai paniqué Alduis. Dans ce bureau, il y a toute ma vie et…
… je ne voulais pas que tu découvres toutes mes blessures.
Tu aurais vu que ton père n’était qu’un géant d’argile.
Qu’il était plein de faiblesses et de cadavres…

Comment aurait-il pu être crédible ? L’amour rendait faible. Il le savait. Il l’avait expérimenté. Il avait vu son cœur se faire déchiqueter, broyer, pulvériser. Et malgré tout, il avait recommencé. Et malgré tout, il s’attachait à ce passé. Il avait ses griffes ancrées dedans, profondément. Il aurait dû tout bruler : portrait, lettres, carnets. Et au lieu de cela, il les conservait comme des trésors. Pire, c’était des reliques. Derrière l’homme implacable, il n’y avait qu’un homme détruit et reconstruit. De loin, il était indemne. De près, il était tout fissuré.

Il se souvenait de sa réaction. De sa colère, de son emportement qui l’avait dépassé. De la terreur qu’il avait ressentie. Il n’avait jamais réfléchi à ce qu’il avait dit ou fait ce jour-là. Il n’avait vu qu’une chose : Alduis était enfin devenu moins sensible et plus fort.
Il se balançait toujours sur le rebord de la fenêtre, et ce n’était que maintenant qu’il réalisait à quel point il s’était trompé. Il était effaré. Qu’avait-il fait ?

Le typhus, il ne savait pas ce que cela faisait. Mais vouloir en finir, il le savait parfaitement. Il avait essayé. Et échoué. Il avait hurlé, injurié et vociféré avant de se laisser sombrer dans un gouffre sans fond. Il n’était qu’un vase ébréché que l’on avait rafistolé.

Il trouva la force de vaincre sa peur et s’approcha d’Alduis. Parce qu’il ne pouvait pas le laisser seul, sur le rebord de cette fenêtre à pleurer comme il se souvenait l’avoir fait, recroquevillé dans son lit à Cervigny.
Coldris l’enveloppa dans un drap et le serra contre lui. Aussi fort qu’il le pouvait alors que sa vision commençait à se troubler. Il était froid. Froid comme un mort. Il avait l’impression de serrer contre lui son cadavre. Alors il referma encore plus son étreinte et le berça lentement en frottant ses bras tandis que ses larmes roulaient le long de ses joues.

- Tu es tout ce qu’il me reste ici. Si tu sautes, je ne revivrai pas ça une troisième fois.
… Je sauterai ici. Et toi tu seras sans doute mort mais moi, la vie trouvera le moyen de me garder en vie, pour me faire encore un peu plus souffrir


Sa main caressa sa chevelure humide.

- Tu peux les maitriser Alduis. Je t’aiderai. On les rangera dans des boites, tu verras.

Il tira doucement sur le buste d’Alduis pour lui faire quitter le rebord de pierre et le déposa sur le parquet poussiéreux.
Il ferma la fenêtre puis entreprit de retirer cette chemise humide qui lui collait à la peau. Il essuya son dos, ses bras, ses cheveux avec le drap. Puis déboutonna son pourpoint qu’il lui passa en lieu et place de sa chemise.

Il réalisa soudainement pour la première fois ce qu’être père signifiait vraiment.









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Message par Alduis de Fromart Jeu 12 Nov - 12:25

Ce n'était pas vrai. Il n'était pas un chiot qui regardait sa pisse la queue entre les jambes. Son père avait dit ça sur le coup de la colère. Rien d'autre. Et Alduis avait envie de croire sa voix qui le lui disait, terriblement envie de la croire. Mais il n'osait pas. Ne pas espérer, pour ne pas être déçu. Il avait peur de se rendre compte qu'il ne valait rien. Que son père avait eu raison toutes ces années.

Mais le reste ? Tout le reste...

Sa voix tremblait toujours autant quand il demanda, sans cesser de se bercer sur le rebord de la fenêtre, en serrant de plus en plus ses épaules dans ses bras :

- Et quand vous avez dit que je n'étais que démérite et déshonneur ? que j'aboyais quand je devrais me taire ? que je n'étais rien ? que j'étais une honte ? ... ce n'était pas vrai, ça aussi ?

Il avait dit tout cela sur le coup de la colère ? Mais dans ce cas, pourquoi cela continuait-il à lui faire mal ? Les voix continuaient de l'en assommer et son coeur saignait de cette certitude. Son père n'était pas fier de lui. Et il n'y avait que la vérité qui blessait.

Il aurait dû ravaler ses mots. Il aurait dû étouffer cet espoir ridicule qu'il sentait poindre en lui. Mais il en fut incapable. S'il n'était pas tout cela, s'il ne lui faisait pas honte alors...

- Alors... ça veut dire que vous êtes fier de moi ?

C'était dit d'une voix à peine audible. Presque timide. Il n'aurait pas dû espérer sa réponse ainsi, mais il le faisait tout de même. Il avait beau avoir appris la leçon par coeur — ne pas espérer, il ne fallait pas espérer — il n'y arrivait pas. À la moindre occasion, cette espérance ridicule revenait frapper à la porte. Et réveillait en lui le goût amer de la déception qui ne manquerait pas de venir lui brûlait le coeur.

Alduis pleurait toujours. Les larmes laissaient des sillons de sel sur ses joues. Quand ses yeux n'auraient plus de larmes à écouler... que se passerait-il ? Il avait peur de le savoir, mais pour le moment, c'étaient d'infinis flots qui se déversaient de ses prunelles. Il se sentait seul. Terriblement seul. Et la sensation de vide, d'abandon, était encore plus forte que Coldris était juste là, derrière lui. Mais si loin. Alduis avait la sensation de ne plus pouvoir l'atteindre.

Il avait fouillé. Il avait fouillé et il regrettait. Il n'avait cherché que la bague, pourtant, sans s'attarder sur rien d'autre. Il voulais juste l'alliance de Maman.

Il sentait la colère de son père grandir, sans savoir pourquoi. Et si c'était contre lui ? Les souvenirs ravivés du bureau... Il se replia sur lui-même, pour se faire tout petit. Il n'avait pas voulu le mettre en colère. Juste se sentir un peu moins seul.

- Pardon, Papa. Pardon... Je suis désolé...

Soudain, il y eut quelques pas. Un drap et des bras l'entourèrent. Et il ne fut plus seul. Alduis se laissa aller dans ses bras, sanglotant, tremblant, froid et humide. Loin de se desserrer, ses bras l'entourèrent encore plus fort. Alduis se laissa faire. Il n'avait plus la force ni le courage de résister.

Pourquoi ne pouvait-il pas mourir ? Si son père le comprenait. Et quand bien même il aurait aimé pouvoir se laisser tomber en contrebas du château, il s'accrochait à son père qui lui disait comprendre. Il voulait croire qu'il le comprenait. Et qu'il était fier de lui.

- Tu es tout ce qu'il me reste ici. Si tu sautes, je ne revivrai pas ça une troisième fois.

Alduis eut un frisson et il ne répondit pas. Il continua de pleurer dans les vêtements de son père. Et les mains de Coldris, pour la première fois de sa vie, caressaient ses cheveux.

Comme Maman.

Sa respiration était erratique. Les larmes continuaient de couler. Les voix continuaient de parler. Mais il n'en voulait plus. Il voulait qu'elles se taisent. Toutes.

- Taisez-vous, gémit-il soudain en se bouchant les oreilles.

Les doigts de Coldris continuaient de passer dans ses cheveux. Et les mots jaillirent de ses larmes.

- Tu peux les maîtriser Alduis. Je t'aiderai. On les rangera dans des boîtes, tu verras.

Alduis se sentit tirer en arrière. De nouveau, il ne résista pas. Un instant, il était de nouveau sur le parquet poussiéreux et non plus au dessus du vide. Quitta cet entre-deux mondes que consistuait le rebord de la fenêtre.

Il ne mourrait pas aujourd'hui.
Il ne savait plus s'il pleurait à l'idée d'avoir été sauvé ou à celle de ne pas avoir pu mourir. Peut être les deux à la fois.

La fenêtre se ferma. Et soudain, le tissu humide de sa chemise quitta sa peau. Le drap sécha sa peau et les frottements vigoureux refirent circuler le sang dans son corps.

Coldris lui passa son pourpoint. Alduis ne bougea pas. Il regardait les marbures du parquet, le regard vide. Et soudain, d'une voix plus calme mais éteinte, il demanda :

- Comment ? Comment vous allez m'aider ? Je ne veux plus d'elles. Plus jamais. S'il vous plaît.
Alduis de Fromart
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Message par Coldris de Fromart Jeu 12 Nov - 14:06



La colère faisait dire des paroles malheureuses. Coldris en était le spécialiste. Ses colères étaient rarement destructives mais elles étaient aussi glaciales et cinglantes que le blizzard lui-même. Il avait rarement levé la main sur son fils. La violence physique le répugnait. Mais des mots abjects combien en avaient-ils dit ? Beaucoup trop. Il avait voulu rendre fort Alduis, le rendre imperméable aux attaques, lui qui était si sensible mais il constatait ce soir combien il l’avait brisé.

Entendre son fils répéter ce qu’il lui avait dit, égrener ses expressions désobligeantes, lui donner l’impression de sentir à chaque fois une nouvelle lame lacérer sa chair.

- Tu es méritant et honorable, Alduis. Tu tiens toujours parole. Tu devrais parfois te taire quand tu vas trop loin mais nous sommes tous pareil. Moi le premier. Tu ne seras jamais rien parce que tu seras toujours mon fils. Et tu n’es pas une honte, même s’il m’est déjà arrivé d’avoir honte à tes côtés.

S’il pouvait être si honnête et franc avec lui, c’est parce que Alduis avait promis de se comporter enfin comme il l’attendait de lui. Et il tiendrait parole. Parce que Alduis tenait toujours parole. Il n’avait plus besoin de se cacher derrière la peur qu’il lui inspirait pour se faire respecter et obéir. Il pouvait se montrer plus faible parce qu’il n’avait plus besoin d’être le plus fort.
Il réalisait au même instant, qu’il n’avait jamais eu à menacer Sarkeris pour obtenir sa loyauté et son obéissance. Il n’avait jamais eu à être dur avec lui. Il n’avait eu qu’à être droit, juste et implacable.
Alors pourquoi en serait-il différemment avec son ainé ?

- Alors... ça veut dire que vous êtes fier de moi ?

Ce n’était pas la question d’un homme mais celle d’un petit garçon en manque de reconnaissance. D’un petit garçon qui manquait de confiance en lui. Il aurait pu répondre « bien évidemment » comme tous les parents, mais comme l’avait souligné Alduis « il ne faisait rien comme tout le monde »

- En partie, oui. Car je me reconnais parfois en toi, et que je suis fier du chemin que tu as parcouru.

… et il t’en reste tant à parcourir.

Il marqua une pause et ajouta d’un ton quasi moqueur, si peu habituel lorsqu’il lui parlait

- Et seulement les jours où tu ne dis pas au Roi que tu ne l’as pas vu.

Alduis avait fouillé son bureau, et ce n’est que maintenant, dix-huit ans après qu’il comprenait entièrement les évènements. Tout cela à cause de cette maudite alliance qu’il avait gardé sans savoir pourquoi. Toute sa colère envers son épouse se mit à se cristalliser et il ne fallut rien de moins que le ton implorant du petit Alduis de dix ans pour parvenir à la contrôler. Car cette colère n’était pas contre lui. Elle était contre celle qui avait tout détruit.

Coldris s’approcha et le prit dans ses bras. Il le serrait aussi fort qu’il pouvait. Parce qu’il avait toujours cette peur viscérale de le voir chuter quand bien même il le tenait contre lui. Parce que les souvenirs affluaient sans qu’il ne parvienne à les éviter. Des images, des sons, des sensations. Et surtout, le vide et le désespoir. Il n’y aurait pas de troisième fois. C’était déjà deux de trop.

– Taisez-vous

Pourquoi avait-il du hériter des voix ? Ca aussi c’était de son fait ? Il ne savait que trop bien ce que c’était, ce babillage incessant qui grondait sourdement et constamment. Il suffisait que son esprit cesse d’être occupé, qu’il pose son attention sur l’une d’entre elles et soudainement le volume augmentait. Pourquoi devait-il subir cela lui aussi ?

Il tira Alduis sur le sol, le déshabilla et le sécha avant de lui passer son pourpoint de velours noir autour des épaules.

- Comment ? Comment vous allez m'aider ? Je ne veux plus d'elles. Plus jamais. S'il vous plaît.

Il était assis sur le sol poussiéreux, vêtu de la veste noire de son père quand lui n’avait plus que sa fine chemise de laine blanche.

- Je peux t’aider parce que je les entends aussi. Mais je ne pourrais pas les faire disparaitre. Ce serait te mentir. Elles seront toujours là. Tu peux juste les contrôler pour les empêcher de prendre le dessus. Au lieu de les entendre hurler, ce sera tout juste un murmure inaudible comme le vent.

Il passa son bras sous celui d’Alduis pour l’aider à se lever.

- Viens ne reste pas là. Allons-nous mettre devant un bon feu de cheminée et Léonilde t’apportera de quoi te réchauffer.


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Message par Alduis de Fromart Ven 13 Nov - 16:50

Tu es démérite et déshonneur.

Alduis entendait encore les mots, prononcés de cette voix polaire que son père prenait quand il était en colère. Ils résonnaient dans son esprit, alimentés et amplifiés par les voix.

Elles étaient toujours là. Elles ne le laissaient jamais tranquilles. Attentives, guettant leur proie. Elles finissaient toujours par revenir, qu’importe ce qu’ils mettaient en œuvre pour les chasser. Il n’avait pas besoin d’elles… et pourtant, une partie de lui avait peur de les laisser partir.

Mais plus maintenant. Maintenant, il aurait été prêt à tout pour avoir un peu de silence. Pour ne plus les entendre se disputer comme s’il n’était pas là.

Ses propres pensées l’ignoraient. Ses propres pensées le dénigraient. Comme s’il était un petit enfant que l’on tenait écarté des histoires d’adultes parce qu’il était encore trop jeu pour les comprendre. Alors si même son propre esprit le faisait, comment son père aurait-il pu faire autrement ?

Et pourtant… pourtant…

- Tu es méritant et honorable, Alduis.

Les voix se mirent à clamer plus fort encore qu’elles ne le faisaient déjà. Persiflantes. Médisantes. Perfides.

Tu vois bien qu’il te manipule !
Il est honnête.
Il t’a toujours dit le contraire. Pourquoi changerait-il maintenant ?
Il est honnête.
Tu es idiot à ce point-là, Alduis ? Ouvre les yeux.
Il est honnête.

Alduis ne savait plus quoi penser. Il savait reconnaître un homme qui mentait. Et il savait aussi que ce n’était pas le cas de son père. Il le sentait. Aussi sûrement qu’il avait senti sa peur quelques minutes plus tôt.

Mais une partie de lui refusait d’y croire. Encore et encore. Et cette partie-là avait bien plus de poids que lui, le petit Alduis, qui tentait vainement de faire entendre sa voix au milieu de tout ce brouhaha.

- Tu tiens toujours parole.

Cette fois-ci, ses pensées ne trouvèrent rien à répondre. Parce que c’était la plus simples des vérités qu’énonçait sobrement Coldris. L’une de celles qui étaient imparables… même pour les voix. Alduis n’avait jamais trahi une seule promesse. C’était un fait. Comme l’existence du soleil. Qui aurait nié la chaleur de ses rayons lorsque ce dernier se trouvait au zénith ? Il en allait de même pour les promesses de Alduis.

Coldris poursuivait. Il reprenait une par une ces phrases. Ces phrases qui l’avaient rongé par-dedans. Qui avaient ouvert des blessures supurantes. La situation le déstabilisait, il n’était pas sûr de savoir s’il souhaitait l’arrêter maintenant ou l’écouter encore. Mais c’était comme appuyer sur une blessure à vif pour en faire sortir le pus. C’était douloureux, mais cela soulageait.

- Tu ne seras jamais rien parce que tu seras toujours mon fils.

Alduis s’était déjà faite cette réflexion. Et les voix ne pouvaient pas le nier non plus. C’était un fait, cela aussi. Alduis était le fils de Coldris, quoi qu’il arrive. Qu’il soit fier de lui ou non. Il avait les mêmes yeux que lui, la même stature et la même taille. Et cela suffisait à clamer le sang Fromart dans ses veines.

- Et tu n’es pas une honte, même s’il m’est déjà arrivé d’avoir honte à tes côtés.

- Désolé, répondit-il d’une voix plus calme. C’était pour…

Il ne put se résoudre à finir. Les mots restèrent bloqués au bord de ses lèvres.

... pour que vous fassiez attention à moi.
… pour avoir l’impression d’être vivant.


Il serra ses mains l’une contre l’autre. Sa vue était tellement troublée qu’il ne distinguait presque plus la Lune dans le ciel. Ce n’était plus qu’une tache blanchâtre qui se confondaient avec les points lumineux des étoiles.

Il n'avait pas voulu lui faire honte. Du moins pas… vraiment. Mais il ne pouvait nier. Que parfois, il avait eu cette envie. Celle de nuire à la réputation de son père, par vengeance, par rancœur, par dépit. Celle de ne pas exister juste parce qu'il était le fils du Ministre des Affaires étrangères.

Après tout, il n'était pas rien, il était son fils. Pourtant, au-delà de sa filiation, il était quelqu'un. Il ne s'arrêtait pas juste à son nom de famille. Cela relança le débat des voix.

Tu n'es rien sans ton nom.
Ça ne fait pas tout.
Tu es quelqu'un juste parce que tu es son fils. Rien d'autre.

Alduis bloqua sa respiration. Un réflexe parfaitement idiot qui ne servit à rien. Sinon à les énerver davantage. Coldris était-il fier de lui parce qu'il était ce qu'il était, ou parce qu'il était son fils ? Il n'en savait rien. Et sa réponse ne lui apportait pas d'éléments concrets.

- En partie, oui.

En partie.
Qu'est-ce que ça voulait dire ?

C'était tout. Et c'était rien.
C'était oui. Et c'était non.
C'était blanc. Et c'était noir.

Mais c'était impossible d'être fier et mécontent en même temps. On ne pouvait pas. C'était l'un ou l'autre. Pourquoi la vie était-elle aussi compliquée ? Au moins, c'était facile de regarder la mort dans les yeux. On savait à quoi s'en tenir, elle ne se cachait pas derrière toutes ces nuances qui lui échappaient.

- Et seulement les jours où tu ne dis pas au roi que tu ne l'as pas vu.

Il ne reconnut pas le ton que Coldris employa. Entre ses larmes, Alduis lui jeta un court regard. Il se souvenait bien de cette petite réception à la cour. Où son père s'était arrangé pour le faire arriver à l'heure. Un reproche ? Ça n'y ressemblait pas. C'était différent de d'habitude. Les mêmes sonorités, prononcées avec un autre ton. C'était étrange. Presque inquiétant. Il ne comprenait rien. Définitivement rien. Alors il se sentit obligé de préciser :

- Je ne ferai plus, maintenant. J'ai promis.

Il sentait bien qu'il y avait quelque chose qui lui échappait. Quelque chose qui devait être important et qu'il ne comprenait vraisemblablement pas.

Pas étonnant, qu'il ne soit fier que en partie.

Une moquerie, acide et cruelle. Alduis se mura dans son silence. Mais les voix, elles, ne le faisaient jamais. Elles continuaient, qu'importe la saison, qu'importe l'heure, qu'importe la journée, de déblatérer entre elles. Il n'y avait qu'une chose qui savait les faire taire quelque temps : l'activité physique. Mais son corps s'épuisait bien plus vite que son esprit.

Je ne veux plus de vous.
Es-tu prêt à nous abandonner ?
Partez.
Tu ne veux pas comprendre, Alduis. Nous sommes dans ta tête …
Partez.
… nous ne partirons jamais.

Il se tourna vers son père, plein d'espoir. De cet espoir désespéré de les écraser jusqu'à les tuer. Il avait dit qu'il pouvait l'aider. Et Alduis y croyait. Il aurait tout accepter si cela lui avait permis de réfléchir au calme.

- Elles seront toujours là, répondit son père.

Nous sommes dans ta tête et nous ne partirons jamais.

Une vague de détresse et de désillusion le submergea. Il se replia sur lui-même, comme pour se protéger d'on ne savait quel mal, et si son père n'avait pas passé un bras sous ses aisselles pour le relever, il serait resté sur ce parquet poussièreux toute la nuit. Et tout le jour.

- À quoi sert de lutter alors, si tout est déjà perdu ? demanda-t-il.

Il n'y avait aucun avantage à vivre.Mais son père l'entraînait déjà derrière lui, à l'étage inférieur.
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Message par Coldris de Fromart Ven 13 Nov - 21:21




Sa dernière question lui avait étiré un large sourire. «Parce que nous sommes des Fromart et que rien n’est jamais perdu. » s’était-il contenté de répondre. Et pour cause. Le taureau n’était pas l’emblème familiale pour rien. Rien n’arrêtait un Fromart, ni porte, ni défaite.

Il avait bien vu qu'Alduis était perdu. Complètement perdu. Aucune de ses paroles ne semblaient pouvoir le rassurer. Pourtant, il s’était montré plus sincère que jamais auparavant avec lui. Ce n’était pas suffisant ? C'était trop tard ? Il avait beau essayer de renouer un contact perdu depuis des années, Alduis paraissait dériver inlassablement sans qu’il ne parvienne à le rattraper.
Il avait répondu avec sincérité certes mais en pesant chaque mot comme il en avait l'habitude lorsqu’il n’était pas en colère. Mais cela n’avait pas suffit. Qu’avait-il bien pu dire ? Était-il déçu ? Blessé ?
C’était ce qu'il se demandait en aidant son fils à descendre les marches de.l’escalier. Tandis que le brouhaha dans son crâne s’amplifier au fur et mesure que les interrogations affluaient. Coldris poussa une porte et Léonilde, endormi sur son habituelle banquette se leva d'un bond.
Le vieil homme ne quittait jamais le Maître des lieux. Lorsqu’il travaillait, lui dormait d’un oreille sur la banquette du salon. Sans attendre le moindre ordre, il passa la couverture de laine sous laquelle il s’était assoupi autour des épaules du jeune homme.

Léonilde. Lorsqu’il le voyait vieillir, il ne pouvait s’empêcher de songer à son propre âge qui ne cessait inexorablement de se rapprocher de la fin. Deux ans plus tôt, il avait enterré Virgil, mort subitement d'une attaque. Et si ça lui arrivait aussi ? Comme ça ? Du jour au lendemain ? Coldris ne voulait pas. Il n'avait pas terminé tout ce qu’il avait et sa succession était loin d’être organisé sereinement.

- Apporte-nous une boisson chaude, veux-tu ?

…Et des vêtements secs pour mon fils.

Mais il ne lui fit pas l'affront de préciser la fin tant c’était évident. Sans parler du fait que Léonilde semblait toujours lire dans ses pensées.

Il déposa Alduis sur une bergère non loin du feu qui crépitait joyeusement. Coldris prit le tisonnier afin de déplacer un reste de bûche incandescente puis en jeta un nouvelle dans le brasier avant de s'asseoir à son tour. La lueur orangée des flammes dansait  sur le visage de son fils. La chaleur de l’âtre lui ferait à coup sûr du bien.

- Tu es déçu? Tu espérais que je puisse résoudre ton problème n’est-ce pas ? Je t’aurais menti si cela avait été le cas.

Il marqua une pause et croisa les jambes.

- Et pourtant tu ne dois pas considérer cela comme une défaite ou un échec. Ce qui compte c’est de pouvoir… Les apprivoiser. Et ça, c’est à ta portée. Tu en es capable. Depuis quand les entends-tu Alduis ?

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Message par Alduis de Fromart Sam 14 Nov - 16:46

Alduis ne savait plus ce qu'il faisait ici. Dans cette pièce délaissée. Dans ce monde tout court. Il n'était pas à sa place, il l'avait compris depuis longtemps. Il vivait à contre-sens de la vie.

L'étalon fougueux de l'existence l'avait désarçonné et laissé sur le bas-côté. Au début, il avait voulu courir, pour essayer de rattraper le temps qui filait sans lui. Il y avait eu des jours où il y avait presque réussi. Des jours où il avait pu effleurer les rênes de sa vie du bout des doigts. Des jours où il y avait cru…

Mais tout repartait toujours au triple galop. Il avait fini par savoir, intimement, qu'il ne pourrait plus le rattraper. Le cheval était trop loin, et lui pas assez rapide. Alduis avait progressivement ralenti. Jusqu'à marcher. Jusqu'à s'arrêter. Jusqu'à la regarder poursuivre passivement.

Il avait déjà abandonné.

Rien n’était jamais perdu. Peut-être. Mais rien n’était jamais gagné non plus, même un prénom n’était pas une valeur sûre. Qu’ils soient Fromart n’y changerait jamais rien. Personne n'était immortel.

Il y avait des milliers de choses qui se perdaient. Des milliers de combats que l'on ne pouvait pas gagner. Et renoncer n'était alors plus de la lâcheté. C'était reconnaître la puissance et la grandeur de son ennemi, et il n’y avait pas plus grand honneur que d’accepter la défaite.

Alexandre, Eldred, son père, Bérénice…
Ils essayaient de maintenir à flots un navire dont la coque était percée. Il se remplissait d’eau plus vite qu’ils écopaient. Et s’ils restaient sur le pont du bateau, ils sombreraient tous avec lui. Pourtant, ils s’acharnaient toujours plus, comme si leurs volontés se renforçaient quand la sienne s’amenuisait.

Pourquoi ?

Alduis se laissait mener par Coldris sans chercher à savoir où ils allaient. Il s’en fichait pas mal. Cela ne changerait plus rien. Son père poussa une porte et aussitôt, Léonilde se redressa. On enveloppa ses épaules dans une couverture de laine. La chaleur lui tira un frisson incontrôlé.

- Apportes-nous une boisson chaude, veux-tu ? demanda son père.

Sans un mot, Léonilde partit. Coldris l’installa sur une bergère et aussitôt, Alduis remonta ses jambes contre son torse pour les entourer de ses bras. Il laissa son regard se perdre dans les flammes qui dansaient dans l’âtre, que son père ravivait d’une bûche. Il ne bougea plus.

- Tu es déçu ?

Alduis resta silencieux quelques secondes. Et enfin répondit, sans lâcher les flammes.

- Je ne sais pas.

Il avait espéré. Le temps de quelques secondes. Mais plus maintenant. Soudain, il enfouit son visage dans ses genoux. Son père reprit la parole. Et si Alduis ne donnait pas l’impression de l’écouter, toute son attention en demeurait néanmoins tournée vers lui.

- Depuis quand les entends-tu Alduis ?

Depuis toujours, Alduis.
Nous avons toujours été là.

Mais Alduis savait que non.
Elles étaient là depuis longtemps … mais pas depuis toujours. Elles étaient arrivées, un soir, elles étaient venues le réconforter. Elles l’avaient bercé, séché ses larmes. Mais il ne voulait plus d’elles désormais. Il voulait qu’elles le laissent décider par lui-même. Parce qu’il n’était plus un enfant. Quoi qu’elles en disent.

Tu veux nous abandonner ?
Alors que nous sommes les seules qui ne te laisseront jamais tomber ?

Alduis releva brutalement la tête de ses genoux. Il reposa ses yeux dans les flammes. Brûler les voix. Les asphyxier dans sa tête. Si la seule manière de les tuer était de mourir, il n’hésiterait pas. Il les entraînerait avec lui dans sa chute. Il répondit :

- Le 7 juin 1579. La première fois qu’elles sont venues, c’était le 7 juin 1579.

Il fit une pause.
Il les entendait encore lui soufflait qu’il était tout seul. Qu’elles étaient les seules à pouvoir l’aider. Qu’il n’avait pas besoin de leur aide, à eux.

Mais à cette époque, elles ne l’avaient jamais emmené assez loin pour lui faire perdre son chemin. Elles n’avaient jamais été aussi venimeuses. Les choses avaient changé. Comme si la vie qui le désertait lentement leur revenait à elles. Elles devenaient plus forte à mesure qu’il faiblissait. Elles étaient l’origine du gouffre en lui. Elles dévoraient tout.

Alduis serra encore plus fort ses genoux contre lui, comme s’il cherchait à se faire encore plus petit.

- … mais maintenant… maintenant, elles ne me laissent jamais. Elles sont toujours là.

Et quand bien même il connaissait chaque jour de sa vie, il aurait été pour une fois bien en mal de donner une date. Parce qu’il ne savait plus quand est-ce qu’elles s’étaient imposées en force.
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Message par Coldris de Fromart Sam 14 Nov - 22:01



Je ne sais pas. Cela se traduisait par Oui un peu, c’était pas vraiment ce que j’espérais mais j’imagine que je dois faire avec. Son père hocha la tête, compréhensif. Parce que c’était naturel de vouloir espérer une solution miraculeuse. Mais dans la vie, il n’y avait pas de miracle. Il n’y avait que ces pauvres fous de de croyants pour passer des heures agenouillés à espérer une intervention divine qui résoudrait séance tenante leurs problèmes, comme par magie. Il fallait posséder cette même naïveté enfantine que face à un enchanteur pour attendre un miracle qui ne viendrait jamais. Car la réalité était bien là : dans la vie, il fallait se retrousser les manches et se battre pour avancer. Il n’y avait rien de facile, rien de magique et rien de divin.

Depuis combien de temps son fils subissait-il les assauts de ces voix qu’il savait pernicieuses et multiples ? Il y avait sans doute l’Inquiète, l’Agressive, la Peureuse, la Paternaliste, la Moraliste, la Pragmatique, l’Impulsive et tant d’autres… Parfois, elles se faisaient mielleuses à souhait et caressaient sans doute son esprit ronronnant dans le sens du poil, d’autres fois, elles se battaient comme des chiffonnières pour s’imposer dans l’arène qu’était devenu son esprit. Certains jours ce n’était qu’un vague murmure, à peine plus audible que le vent, quand d’autres elles hurlaient en bourrasques ravageuses.

Elles savaient faire douter.
Elles savaient séduire.
Elles savaient s’imposer.
Elles savaient chaque point faible.
Et Elles savaient les utiliser à la perfection.

Alduis se tenait recroquevillé sur la bergère, emmitouflé dans la couverture de laine. Les yeux perdus dans les flammes dansantes de l’âtre, il annonça une date.

7 juin 1579.

Si Coldris songeait à la première fois que lui les avaient entendus, alors il avait dû se passer quelque chose d’important ce jour-là. Mais il n’avait pas la mémoire de son fils. Cette date, ce n’était qu’un jour quelconque sur le calendrier pour lui. Il le quitta des yeux, et se laissa hypnotiser à son tour par le crépitement du feu. Dix-huit ans. Cela faisait dix-huit ans. Les secondes s’égrenèrent au rythme du bois qui craquait et des cendres incandescentes qui s’envolaient.
Alduis avait dix ans.

Je voulais juste la bague de Maman…
Je vous jure que je ne voulais pas fouiller…
Pardon, Papa. Pardon... Je suis désolé…

Il se figea.

Le bureau.

Lorsqu’il avait hurlé.
Lorsqu’il avait envoyé le peu d’éléments sur son bureau s’écraser sur le sol.
Lorsqu’il avait décidé de l’appeler Brutus
Lorsqu’il avait fait retirer portes, tiroirs, placards de sa chambre.
Lorsqu’il l’avait ignoré des jours durant simplement parce qu’il était toujours fou de rage et blessé dans son orgueil.
Lorsqu’il s’était félicité de le voir enfin laisser de côté ses sentiments d’enfants et s’endurcir.

Alduis n’avait que dix ans. C’était tout juste l’âge qu’il avait lui-même quand son père avait tenté de l’anéantir.

Sous ses prunelles glacées dansaient toujours les chaudes flammes de l'âtre. Etait-ce la fumée qui piquait ainsi sa cornée ? Elle avait pourtant bien l’air de s’échapper par le conduit. Sa gorge s’était nouée et sa bouche était devenue pâteuse. Mais il n’y avait rien à boire sur la petite table basse. Léonilde n’était toujours pas revenu. Et il ne reviendrait pas avant un long moment.
Il sentait son cœur battre aussi lentement que douloureusement. Comme s’il venait d’être enduit de plomb.
Sous son crâne, ça piallait. Ça insultait. Ça dénigrait. Ça culpabilisait. Sans doute à juste titre.
Ses mains le cerclèrent de chaque côté et il se laissa tomber en avant, jusqu’à ce que ses coudes rencontrent ses cuisses.

Qu’avait-il fait ?

Il se revit cette nuit là et son souvenir vola en éclats. D’abord suffisamment importants pour qu’il continue à percevoir certaines portions de la scène en cours, puis il se brisa à nouveau et il ne resta plus qu’une fine poussière scintillante dans les ténèbres.

Qu’avait-il fait?


-Tout est de ta faute Coldris.
-Regarde-toi. Tu ne vaux pas mieux que celui que tu as tant haï.
-Oui mais de tout façon l’amour est inutile et rend faible. Il devrait plutôt le remercier.
-Tu ne pourras jamais le sauver tu le sais ? Comme les autres… Tu le verras mourir… Parce que c’est ainsi, Coldris. Les gens que tu aimes meurent.
-Tu n’avais qu’à nous écouter au lieu de t’entêter.

-ASSEEEZ !



Et tout le monde retourna se terrer dans son coffre fermé.

Il trouva enfin la force de lui faire face. Il s’avança dans son fauteuil et se pencha de façon à atteindre son genou, caché sous la couverture.

- Je suis désolé. et il croisa son regard bleu dont le ruisseau commençait à vouloir sortir de son lit.

- Elles seront toujours là mais, il ne s’agit que d’une manifestation de ton propre esprit. Une partie de ta propre personnalité qui s’exprime à travers elle. Elles ne partiront jamais car vous ne faites qu’un. Si tu les acceptes comme étant une facette de toi-même et non des conseillères vindicatives tu parviendras à les maitriser. Car tu es ton seul maitre, Alduis.

L’esprit humain était formidable, complexe, mouvant, sans cesse en action. Tellement complexe qu’il était capable de lancer des dialogues intérieurs qui une fois que l’on y prêtait trop d’attention, finissait par s’amplifier prodigieusement comme une boule neige. Mais toutes les boules de neige finissaient par fondre une fois exposées au soleil...

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Message par Alduis de Fromart Lun 16 Nov - 20:15

Les flammes crépitaient dans l’âtre joyeusement. Alduis se réchauffait en surface, enveloppé dans la couverture de laine. Pourtant, la chaleur avait du mal à aller plus en avant. Il avait la sensation que tout l’intérieur de son corps restait recouvert d’une fine pellicule de glace. Comme si la mort s’était infiltrée en lui et refusait de lâcher sa proie.

Il aurait aimé la rejoindre. Il aurait aimé sentir ce froid engourdissant envahir ses membres et le faire sombrer dans l’oubli des hommes.

Mais quelque chose tiraillait son coeur, un petit fil infime qui à lui seul, lui maintenait la tête hors de l'eau. Et cela malgré tous les efforts qu'il faisait pour couler. La vie s'accrochait, encore plus tenace que la Grande Faucheuse elle-même.

Mais surtout, ce feu de joie crépitant… c'était le même qui attendait Alexandre. Il serait à la place de cette bûche qui se consumait. Il y aurait les cris et l'odeur de chair calcinée, et un public comme si c'était une fête, et … La respiration de Alduis s'accéléra à ces pensées criantes de réalité. Il détourna brutalement les yeux des flammes et tomba face au regard de son père, lequel se penchait pour atteindre ses genoux.

- Je suis désolé.

Désolé ? Désolé pourquoi ? Qu'étaient-ils en train de dire déjà ? Il ne savait plus, il était incapable de se concentrer pour pouvoir retrouver. Il se retrouvait pris en étau, entre la vision cauchemardesque des flammes dévorant Alexandre et le regard semblable à la glace de son père, qui implorait pardon. Lequel lui faisait le moins peur ? Aucun.

- Vous ne les laisserez pas le brûler ? demanda-t-il d'une petite voix. Vous pouvez vraiment le sortir de là ?

Pouvait-il y croire ? Tous ses espoirs avaient été déçus. Il n'osait pas se détendre. Il avait tout à la fois envie d'éteindre ce feu de cheminée et envie de se mettre la tête dans les flammes. Il voulait chasser les images déchirantes qui s'invoquaient dans son esprit. Les brûler, elles et les voix qui continuaient leur chantage habituel. Il ferait peur et Eldred ne pourrait plus dire qu'il était pas mal dans son genre.

Les braises réussiraient là où sa dague et la cicatrice avaient échoué. Le rendre laid.

La voix de son père s'éleva à point nommé pour lui retirer ses idées du crâne. Il les déracina, alors que Alduis tournait lentement la tête vers les flammes. Il s'arrêta dans son mouvement pour écouter.

- Elles ne partiront jamais car vous ne faites qu'un.

Un frisson remonta sa colonne vertébrale.

Jamais.
Tu entends ça, Alduis ?
Jamais.
Nous sommes toi. Tu es nous.
Quand le comprendras-tu ?


Je vous déteste.

C'était tout ce qu'il voulait comprendre. Il les détestait. Chacune d'entre elles, de la plus mielleuse à la plus moqueuse. Il voulait les réduire en poussière. Mais déjà, elles menaçaient de reprendre le dessus. Encore.

Elles essayaient de l'entraîner. Elles voulaient le perdre, quelque part dans un non-lieu de souvenirs et de brumes passées. Alduis s'accrochait désespérément au regard de son père et au contact rèche de la couverture de laine. Seules choses tangibles qu'il restaient autour de lui.

Le monde se desagrégeait lentement. Soudain, Eldred s'imposa à lui. Lui et sa présence rassurante, lui et sa voix qui lui disait de revenir, que sa place n'était pas là-bas. Le Zakrotien qui était le seul à savoir le ramener de son monde. Comment faisait-il déjà ?

Les coups.
Ce fut comme un éclair de lucidité dans son esprit fatigué.
Eldred le frappait, et les voix se taisaient. Un bref instant de silence. Alduis eut une bouffée d'espoir. Il demanda :

- Papa … ?

Ce mot était toujours aussi étrange dans sa bouche. Comme s'il venait d'une autre langue.

- Tu peux me frapper ? … s'il te plaît ?

Me frapper et me ramener.
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Message par Coldris de Fromart Lun 16 Nov - 22:12



Le feu crépitait toujours dans la cheminée. Après le froid pénétrant de la pièce abandonnée, ce brasier était une bénédiction. La douce chaleur l’enveloppait aussi bien qu’une couverture. Et heureusement car il était toujours en chemise et les pièces immenses du château avait bien du mal à maintenir une température acceptable lorsque l’hiver s’installait.

Cela ne l’empêcha pas de frissonner lorsqu’il réalisa sa part de responsabilité dans le mal-être d’Alduis. Ca et toutes les années qui s’en étaient suivies où il s’était voilé la face, aveuglé par ses objectifs et ses ambitions. Persuadé que tout allait bien quand il se désagrégeait petit à petit de l’intérieur, grignoté par les insidieuses présences qu’il laissait vagabonder à leurs grés.

Désolé. C’était tout ce qu’il pouvait être. Ni plus, ni moins. La culpabilité avait commencé à prendre le dessus, menaçant les larmes qu’il retenait de s’échapper. Mais à quoi servait la culpabilité ? A quoi servait les regrets ? Certainement pas à modifier le passé. C’était trop tard. Le présent lui-même dépendait de son passé proche alors quoi ? Allait-il rester ainsi dans sa bergère à se lamenter au coin du feu ? Non. Certainement pas. Les regrets ne pouvaient être utilisés que dans un seul but : tordre le cours du destin à la force de ses bras et modifier le futur.

Elles avaient tort. Tous ceux auxquels il tenait ne pouvaient pas périr. Et il allait leur prouver leur contraire.
Coldris parvint à une étrange conclusion qui fit agiter et gronder les couvercles des caisses où se terrer ses fantômes. Elles n’étaient pas contentes. Elles se rebellaient même à cette simple idée. C’était presque un cri lancinant, strident qui s’en échappait.

L’amour rendait faible. Ceux qu’il aimait, mourraient. Mais que se passerait-il s’il réalisait subitement qu’il était plus attaché qu’il ne le pensait à d’autres personnes de son entourage ? Ils ne pouvaient pas tous périr, c’était tout bonnement impossible. Alduis, Bérénice, Sarkeris, Léonilde. Même Virgil n’était pas mort par sa faute.

- Vous ne les laisserez pas le brûler ?

Il croisa le regard perdu d’Alduis, quand le sien semblait désormais déterminé.
- Je vais le sortir de là Alduis. J’irais à la Prévôté et c’est la plainte qui finira dans les flammes...

Il avait lui-même tout orchestré avec l’aide du corsaire. Il avait tout prévu pour que tout rentre dans l’ordre. Il avait utilisé l’amour de son fils pour mettre le taureau sous le joug de la charrue. Il avait utilisé sa faiblesse. Et lui alors ? Utiliserait-on sa famille contre lui ? Il devait bien y avoir un moyen de s’en prémunir. Il existait toujours une solution quelque part.

… Et je demanderai également audience au Cardinal Cassin. Je compte lui proposer de racheter Alexandre pour lui épargner les éclaboussures sur sa robe pourpre. J’ignore s’il acceptera mais c’est le moment idéal.

Son esprit était déjà en train de tourner et retourner le problème qui venait de naitre quelques temps plus tôt. Il ne dormirait pas ce soir. Il lui faudrait plusieurs nuits avant de parvenir à une solution acceptable. Peut-être même serait-il obligé de se laisser sombrer dans un sommeil artificiel pour préserver tant son corps que son esprit.

Pour l’heure, il devait se concentrer sur son unique tâche : celle d’aider Alduis à dompter ses démons. Il voyait à son regard qui allait et venait qu’il n’était pas entièrement présent. Sans doute pris par la main et entrainé au large, dans cette brume où l’appel des sirènes devenaient irrésistibles. Dans cet océan, que l’on espérait chargé des eaux du Léthé pour s’y noyer et tout oublier. Laisser son corps flotter, dériver, léger comme une plume, déchargé de tous ses maux. C’était tentant. Atrocement tentant.

Papa ? Tu peux me frapper ?... S’il te plait ?

Coldris se recula d’un coup, étonné par ces paroles. Le frapper ? Pourquoi le frapperait-il ? Il n’avait pas envie de le frapper. D’ailleurs, il avait beaucoup de choses à se reprocher mais certainement pas sa violence. Il n’avait dû frapper Alduis en tout et pour tout que trois fois dans toute sa vie. Ce qui était somme toute, fort peu quand on corrigeait habituellement à coup de badine. Alors pourquoi ? Il inclina légèrement la tête pensif face au regard absent qui lui faisait face. Et il comprit. Cela lui apparut subitement comme une évidence : il espérait se reconnecter avec son présent, se sortir de ce rêve éveillé dans lequel il s’égarait.

Son père se leva. En deux petits pas, il était penché au-dessus de lui. Soudainement ses bras s’enroulèrent autour du corps emmitouflé qu’il serra aussi fort que possible contre lui.

- Tu n’as pas besoin que je te frappe, Alduis… murmura-t-il. En passant une main ferme derrière sa tête.

… Ce sont elles que tu dois frapper. Frappe-les. Impose-toi. Enferme-les. Je sais que tu en es capable.

Il pouvait lui apporter tous les outils, toutes les armes qu’il voudrait. Il était le seul à pouvoir les utiliser. La décision lui appartenait. Il devait trouver le courage de leur faire face. Il espérait que de ce point de vue là, c’était une leçon qu’il avait réussi à lui faire passer. Mais il n’était désormais plus sûr de rien. Son fils, il avait l’impression de le découvrir pour la première fois ce soir. Vingt-huit ans qu’il était à peu de choses près un parfait inconnu. Ils vivaient ensemble mais n’avaient tissé aucun lien, ne se connaissaient pas.

Coldris ne connaissait pas Alduis. Alduis ne connaissait pas Coldris.


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Message par Alduis de Fromart Mar 17 Nov - 18:03

Les yeux bleus de son père brillaient d’une étrange lueur déterminée. Ce n’était pas aussi rassurant que celle qu’il y avait dans ceux de Eldred, mais cela apaisa un peu la panique qui grossissait dans son ventre à l’idée des flammes qui risquaient, très bientôt, de caresser la peau d’Alexandre à sa place.

- Je vais le sortir de là, Alduis.

Ses mots étaient pleins de certitudes. Ils sonnaient comme une promesse. La promesse que tout irait bien. Il eut un sourire timide, qui fit frémir les commissures de ses lèvres. Il demanda d’une petite voix :

- C’est promis ?

Une voix féminine répondit en écho. Une voix qu’il connaissait bien, qui l’avait bercé les soirs de tempête, qui lui avait chanté des chansons pour l’endormir et qui lui avait invariablement raconté des histoires. Une voix qui murmura au fond de lui.

C’est promis.

Cette promesse, qui n’avait pas été tenue. Qui ne le serait jamais. Qui laissait une empreinte indélébile en lui. Il ajouta aussitôt :

- Ne dites rien, si vous n’êtes pas absolument sûr qu’il sorte.

Il n’en voulait plus des faux-espoirs. Il voulait savoir à quoi s’attendre. Et cela sans déception. Mais la suite des explications le surprit tellement qu’il écarquilla les yeux et qu’il fut incapable de garder la bouche fermée. Racheter Alexandre ? Pour… pour de vrai ?

- Vous feriez ça ? … Pourquoi ?

Quels intérêts Coldris aurait-il eu à racheter Alexandre ? Cette pensée le fit repartir dans les sables mouvants de son esprit. Il y avait mis un pied, tout juste… et s’enfonçait déjà. Il voulait retirer son pied, revenir sur un sol plus stable mais c’était trop tard. Les sables l’enseveliraient tellement, un de ces jours, qu’il n’en ressortirait plus.

Eldred avait été le seul à le ramener. En le frappant. Il serra les poings, un peu par réflexe. Son père. Son père pouvait le faire, lui, le frapper et le ramener dans le présent. Le sol continuait de se dérobait sous ses pieds, et malgré cela, il sentit le mouvement de recul de son père. Alduis se recroquevilla sur lui-même. Frappe-moi, je t’en prie, suppliait toute son attitude.

Il essayait de ne pas penser. Mais cette simple idée, qu’il se répétait comme un mantra : ne penses à rien, ne penses à rien, ne penses à rien… suffisait à déclencher un torrent de souvenirs. Qui le tirait en arrière. Petit à petit. Combien de fois le ras de marée avait fini par faire céder les digues autour de son esprit ? Les voix étaient juste là, assiégeant sa forteresse branlante, l’affamant. Elles finissaient toujours par rentrer.

Soudain, une présence fut juste au-dessus de lui. L’enfant en lui arrêta de respirer, impressionné, apeuré. Et puis, il se retrouva pris en étau contre quelque chose. Il mit un temps fou à comprendre que ce n’était que les bras de son père.

- Tu n’as pas besoin que je te frappe, Alduis… Ce sont elles que tu dois frapper.

Alduis dut lutter pour que son esprit puisse lier les mots à leurs sens. Pour pouvoir connecter les choses, indifféremment de toutes les pensées et souvenirs qui se croisaient dans un sens puis dans l’autre.

- Frappe-les. Impose-toi. Enferme-les.

Les voix se pressaient contre les faibles murs qu’il essayait de monter entre lui et elles. Les sables mouvants continuaient de monter. Il était pressé de tous les côtés.

- Je sais que tu en es capable.

Alduis ne bougea pas. Mais les mots se frayèrent un chemin dans son esprit. Il en était capable. Son père le croyait. Et s’il réussissait… S’il réussissait à repousser les voix, serait-il fier de lui ? … et non plus en partie ? Alduis sentit une certaine force lui revenir dans les mains.

Elles étaient des centaines, et même des milliers. Il était tout seul contre elles toutes. Mais son père avait raison. Sur le champ de bataille, il n’aurait jamais abandonné. Qu’importe le nombre d’ennemis qui auraient été en face de lui, il se serait battu jusqu’à ce que leurs lames lui percent la peau. Elles voulaient le saigner à blanc ? Alors elles n’avaient qu’à le faire. Il les attendait. Il n’allait pas se laisser dévorer si facilement.

Parce que nous sommes des Fromart et que rien n’est jamais perdu.

Et il s’appelait Alduis de Fromart.

- Je dois les enfermer où ? demanda-t-il d’une voix déjà plus assurée.
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Message par Coldris de Fromart Mar 17 Nov - 22:12





Lorsqu’il voyait la lueur de panique flamber au fond de ses prunelles aussi pâles que les siennes, il avait presque honte du subterfuge qu’il avait utilisé.

Presque.

Car il n’y avait pas d’autres solutions. Tout ce qui avait découlé de cet évènement de positif – la promesse, les secrets de Thierry, l’allégeance de la petite fouine, le rapprochement avec son fils- n’était que la conséquence de cet incident dramatique mais parfaitement maitrisé. Les bénéfices se révélaient donc plus qu’intéressant, sans parler du fait, qu'in fine personne ne serait  blessé.

Coldris acquiesça lentement sans le quitter des yeux.

- Je te le promets Alduis. Tu as ma parole. Alexandre sortira libre et indemne dans les jours à venir.

Si Coldris n’avait jamais de mal à rompre sa parole lorsque cela s’avérait nécessaire ou encore à jouer sur les mots pour s’en acquitter à son avantage, il avait toujours fait attention à ce qu’il promettait à Alduis. Du peu de choses qu’il savait finalement de son fils, il était au moins sûr de l’une d’entre elles : les promesses étaient sacrées et il essayait autant que possible de respecter cela, non sans en profiter au passage.

Pourquoi voulait-il racheter Alexandre ? Certainement pas pour se faire pardonner ou par simple miséricorde. D’ailleurs, il n’était certainement pas naïf au point de le croire capable d’une telle chose.

- Parce que tu vas respecter ta parole et t’acquitter de ton devoir. En échange, je consens à le protéger.

Le protéger et le surveiller. L’avoir sous la main. Pour le contrôler. Pour ne plus revivre cet affreux épisode du 27 novembre qui avait jeté l’opprobre sur son nom. Car telle serait les conditions imposées au jeune Alexandre s’il parvenait à venir vivre sous son toit. Lui aussi promettrait. Et il promettrait devant Alduis qui en serait son témoin et garant. Le moindre écart à cette parole donnée serait impitoyablement sanctionné.

Malgré toutes ces assurances, l’esprit d’Alduis continuait de voguer, de dériver dans cet océan spirituel. Son père se refusait à le frapper. La violence le répugnait et il devait apprendre à s’en sortir par ses propres moyens. Il n’y aurait qu’ainsi qu’il reprendrait définitivement le contrôle sur son esprit et sa vie.
Il devait mener ce combat. La vie était un champ de bataille. Son esprit également. Il était toujours revenu en vie et indemne. Il pouvait le faire. Il devait trouver la force de les affronter. Elle était là, tapis au fond de lui. A attendre qu’on l’éveille.

Il serrait son fils aussi fort que possible. C’était plus qu’une simple marque d’affection. Il voulait lui donner la force de s’opposer et de s’élever.

- Je dois les enfermer où ?

Un sourire s’étira. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de l’entendre prendre les armes.
Ce fut dans un murmure qu’il le guida afin de forcer sa concentration sur sa voix.

- Tu vois la forteresse ? Avec ses hautes murailles, ses grandes tours de pierre et ses contreforts ?

Alduis avait horreur de faire des choix. Il fallait le guider le précisément possible pour éviter de le perdre. Il reprit lentement.

- Tu vas les attirer à l’intérieur. Laisse-les te suivre. Leurre-les. Tu es fort Alduis, tu peux le faire.

Il leur construirait un beau cheval de Troie dont il serait le conducteur…

…Puis tu prendras l’escalier qui s’enfonce dans les profondeurs..

Elles se laisseraient berner.

…Une fois en bas, tu les repousseras, dans la cellule qui te fait face. Celle qui n’a ni grille, ni fenêtre et dont la porte n’est rien d’autre qu’une dalle de pierre...

Il caressa lentement ses cheveux d’un blond quasi blanc

… Enferme-les. Scelle la dalle. Elles vont hurler, crier mais après…

Une victoire. Même une maigre victoire suffirait à lui redonner confiance en ses capacités. Elle serait le premier pas d’une longue série. Comme tous les bambins, il trébucherait et tomberait mais il finirait par y arriver. Un Fromart n’abandonnait jamais. Il avançant jusqu’à toucher son but.

… Savoure le silence.

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Message par Alduis de Fromart Jeu 19 Nov - 17:58

Son père semblait si sûr de lui, son regard ne tremblait pas, il était comme une ancre stable dans le monde des vivants. Un point d’attache. Alduis avait envie de lui faire confiance. Une partie de lui l’y encourageait. Petit à petit, il baissait sa vigilance mais les voix s’accrochaient encore à une résistance médiocre. Son père avait toujours tenu ses promesses. Il ne lui avait jamais menti. Certes, lui répondaient-elles en ricanant, mais il fallait une première fois à tout. Et si c’était cette fois ?

- Je te le promets.

Alduis doutait. Mais il n’avait plus la force de douter, alors il hocha la tête. Il acceptait de le croire. Il voulait se laisser porter et se dire qu’il pouvait espérer. Il avait besoin d’une lumière, rien qu’un petit point à l’horizon pour continuer un peu à se repérer dans ce monde gris et dénué de sens qui était le sien. Partout autour de lui, les choses se désagrégeaient. Le sol se dérobait sous ses pieds, morceau par morceau, et des pans entiers tombaient dans le vide. Un vide se rapprochait de plus en plus. Il finirait par tomber, lui aussi, bientôt. Mais en attendant cette fin, il avait besoin d’une lumière pour se rassurer.

- D’accord… D’accord, je veux bien te croire, Papa, murmura-t-il, comme s’il essayait de se persuader lui-même de cela.

Ne me laissez pas tomber, disait son filet de voix.

Mais il ne comprenait toujours pas pourquoi Coldris voulait racheter Alexandre. Son père n’était pas ce genre d’hommes qui faisaient les choses sans y trouver quelque intérêt. Ce ne serait pas un cadeau, Coldris n’en faisait jamais. Ou si rarement que le dernier remontait au 26 mai 1593, le jour de ses 24 ans, une selle qui avait rendu l’âme depuis. Cette fois-ci ne ferait pas exception. Alors pourquoi ? Quelles étaient ses raisons ?

La réponse arriva, honnête. C’était ce dont Alduis avait besoin. De la franchise, qui soit la plus simple, qui ne laisse aucune possibilité à ses pensées de la contrer.

- En échange, je consens à le protéger.

Le protéger.
Le surveiller.
C’était cela, ses objectifs. Les savoir le rassura. Parce qu’Alduis savait que c’était vrai. Les voix ne trouvaient rien à opposer à cette réalité. Il respira mieux et hocha la tête, signe que l’explication lui convenait. Mais cela signifierait autre chose : le moindre des déboires serait essuyé par le jeune homme. Pourtant, il préférait savoir à quoi s’attendre et cette sincérité était la bienvenue.

Mais ce n’était pas encore suffisant pour le ramener définitivement. Alduis continuait de passer d’un monde à l’autre, sans rien maîtriser. Les voix parlaient. Les portes de ses souvenirs s’ouvraient et se fermaient sans qu’il n’y soit pour rien.

Pourtant, les mots de son père firent écho en lui. Il était sur un champ de bataille, la vie n’était que cela : une immense guerre. Et la guerre, il s’y connaissait. Mieux que tout le reste. Jamais il ne se serait laissé abattre aussi facilement lors d’une vraie guerre. Il ne pouvait pas céder à la pression des voix si facilement. Elles étaient les adversaires, sa tête était le théâtre de la bataille… mais alors, quelles étaient les armes ? Où devait-il les enfermer ?

Les bras restaient serrés autour de ses épaules. Alduis prit une inspiration et cala sa respiration, presque naturellement, sur celle de son père. La réponse de Coldris fut à peine plus d’un murmure et Alduis dut se concentrer sur ce souffle chaud pour le comprendre. Certains mots lui échappaient, mais les syllabes lui apparaissaient de plus en plus claires.

- Tu vois la forteresse ?

Alduis ne bougea pas. Il se représenta la forteresse, comme le lui demandait son père, avec une précision redoutable. Les pierres, les contreforts, les tours qui allaient défier le ciel, les murailles solides qui se dressaient comme uniques protections.

- Tu vas les attirer à l’intérieur. Laisse-les te suivre. Leurre-les.

La forteresse était là. Elle le protégeait. Les voix l’assiégeaient, se pressaient contre les hauts murs, voulaient passer. Un bref instant, il bloqua sa respiration, apeuré par cette perspective. Les laisser entrer. Elles allaient l’étouffer, l’asphyxier. La panique menaçait de nouveau de reprendre le dessus, mais le filet de voix de Coldris continuait de le guider, une lanterne qui avançait et qu’il suivait.

- Tu es fort, Alduis, tu peux le faire.

Cela le raffermit. Il pouvait le faire. Il attendit quelques secondes, le temps dont il avait besoin pour se préparer aux assauts. Il ferma les yeux de toutes ses forces, rendit l’étreinte à son père comme s’il était un rocher auquel il s’accrochait, et laissa les voix entrer dans la forteresse. Un bref instant, ce fut un raz de marée, qui faillit le noyer dans l’instant. Le brouhaha brouilla la voix de son père, durant quelques secondes, il se perdit même totalement. Mais il ne lâcha pas le rocher. Il s’y accrocha désespérément et ma vague passa, le laissa revenir à la surface. Il serrait toujours son père. Il avait passé un assaut, il pouvait passer les autres.

- … dans les profondeurs …

Descendre.
Il fallait descendre dans les sous-sols de la forteresse.

Alduis se représenta les longs couloirs, les escaliers sombres, dont la pâle lumière des torches devenait de plus en plus insuffisante pour éclairer les murs humides. Il descendit les marches, une par une. Les voix le suivaient toujours, rieuses, moqueuses, insouciantes. Elles descendaient à sa suite, en tendant leurs doigts crochus, droit dans le piège qu’il leur tendait.

Son pied toucha la dernière marche.

- … tu les repousseras, dans la cellule qui te fait face.

Il la visualisa. Une cellule étroite, sombre, aveugle. Aucune grille, aucune fenêtre. Juste une dalle. Il prit une inspiration, entra. Elles se tassèrent toutes. Le deuxième assaut, qu’il ignora. Il resta concentré sur les mots de son père, refusant de les écouter.

- Enferme-les. Scelle la dalle. Elles vont hurler, crier…

Sans prévenir, Alduis s’extirpa de la cellule et avant qu’elles n’aient eu le temps de comprendre la supercherie, il y posa la dalle, leur barrant l’entrée. Ce furent des hurlements, des cris – et même des pleurs – qui brûlèrent son esprit. Il aurait voulu se rouler en boule, mais non. C’était ses adversaires. On ne prenait pas en pitié ses adversaires, même quand ses derniers faisaient appel à votre clémence. Jamais.

Puis, comme si la dalle gagnait en épaisseur, le bruit de leurs cris et lamentations perdirent en intensité. Il osa enfin rouvrir les yeux pour regarder son père, presque hébété par le calme brusque qui venait de l’envahir. Coldris déclara alors :

- Savoure le silence.

Ce qui sonnait un peu comme un : tu as réussi Alduis, tu l’as fait.
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Message par Coldris de Fromart Jeu 19 Nov - 23:35



Il n’avait eu aucun mal à formuler cette promesse. Et pour cause, il savait déjà avant de jurer qu’il la tiendrait. S’il ne pouvait pas se targuer d’avoir les mains propres, l’immolation était une pratique qui le répugnait au plus au point. Il pouvait certes se montrer impitoyable et même cruel, il ne l’était pas au point d’envoyer un homme sur un bucher pour le seul crime d’en aimer un autre. Et ce quand bien même, il ne comprenait réellement pas l’attrait de la chose.

Il répondit avec autant d’honnêteté à la question suivante. Même dans cet état de semi-conscience, Alduis demeurait suffisamment perspicace pour comprendre qu’il y avait un intérêt à avoir Alexandre sous son toit, à portée de mains. Lui cacher n’avancerait à rien, sinon à semer le doute dans son esprit. Coldris était bien placé pour savoir combien une simple question, petite ride sur une mer d’huile pouvait se transformer en vague scélérate qui ravageait chaque recoin de son esprit.

Il n’était pas question de le laisser se noyer sous le flot incessant des voix qui l’assaillaient. Pas maintenant qu’il reprenait enfin les armes. Ignorant à quoi pouvait ressembler son esprit, il lui suggéra une forteresse. C'était ce qui ressemblait le plus à quelque chose de militaire. Il le sentit s’apaiser. Le calme avant la bataille.

Rien n’était gagné. Rien n’était joué.

Il perçut son raidissement et continua à parler lentement pour le guider. Ses bras s’arrimèrent autour de son buste et il posa naturellement son front contre celui d’Alduis. Dans le creux de son ventre sommeillait la peur de l’échec. Il connaissait les risques et la noyade n’était pas le seul. S’il ne réussissait pas, il risquait de baisser définitivement les bras.

C’est sous une profonde assurance doublée de détermination qu’il alla y enfouir ses craintes. Toutes ses pensées étaient désormais tournées vers cette tâche. Plus rien n’existait autour d’eux. Il n’entendit même pas la porte s’ouvrir, ni le pas lent et précis de Léonilde qui venait d’entrer.
Il était son guide, Alduis comptait sur lui. Il se fiait à sa respiration, à la tension de ses muscles, à la pression de ses mains dans son dos. Il n’avait pas besoin de le voir. D'ailleurs, ses paupières s'étaient closes pour mieux se concentrer.

Soudainement, ses doigts crispés se détendirent, sa tête recula et son regard croisa le sien.

La stupéfaction.

C’est ce qu’il y lisait.

Il n’avait pas besoin d’autre chose, pour comprendre qu’il avait réussi. Son visage d’ordinaire si sévère s’illumina. Un sourire s’étira et ses prunelles se mirent à miroiter sous les flammes de l’âtre. Il resta quelques secondes ainsi à le fixer et le serra dans ses bras, vigoureusement.

- Duce fatum tuum. prononça-t-il à voix basse de peur de rompre l’instant.

- N’abandonne jamais. Tu peux être fier de toi.

Il passa sa main dans ses cheveux une dernière fois et le libéra.

***

Léonilde, 61 ans

A cette heure-ci tous les serviteurs et esclaves du palais dormaient depuis longtemps. Il aurait bien pu en réveiller un ou deux mais se rendre jusqu’à leurs quartiers aurait finalement prit autant de temps que de faire soit même les tâches requises. Sans parler des précieuses minutes qui se serait écoulées à attendre leur réveil. Non. C’était tout bonnement impossible.
Dans les cuisines, le foyer était toujours allumé. Il le raviva et mit de l’eau à chauffer le temps de courir vers les dépendances des lavandières où il récupéra une tenue adéquate pour le jeune maitre.

Une fois de retour, il sortit la bouilloire de l’âtre, versa le contenu dans une théière en porcelaine française puis ajouta un mélange de valériane et d’aubépine. Le tout fut disposer sur un plateau accompagné de deux tasses finement travaillées. Vêtements sur l’avant-bras, plateau entre les mains : Léonilde était fin prêt et prit le chemin du petit salon.

Il poussa discrètement la porte. Un bon valet savait se faire oublier. Quelle ne fut pas se surprise lorsqu’il découvrit le patriarche enlaçant son fils ! La vaisselle en vacilla légèrement sur le plateau de stupeur.
Depuis toutes ses années – il avait perdu le compte exact -, il avait assisté à bon nombre de choses à Fromart. Son esprit était gorgé de souvenirs et de secrets qu’il emporterait dans sa tombe.
Sur l’admirable Coldris de Fromart qui était son Maitre bien sûr et envers qui sa loyauté était sans faille. Mais également sur Mademoiselle Bérénice, dont il avait régulièrement dissimulé les méfaits et autres facéties aux yeux de son père. Comme cette fois où elle s’était entichée de ce Lamorini. Si son père avait su… Coldris en aurait été furieux de découvrir ce coureur de jupons roder autour de sa fille... Quelle ironie du sort lorsque l’on y pensait ! Enfin ! Ce Edmond, était loin d’avoir l’esprit de son Maitre au même âge… Toujours est-il qu’il avait vu bon nombre de choses. Même le jeune Alduis – qui ne voulait pas être appelé par autre chose que son nom – lui avait confié volontairement ou non certains secrets qu’il n’avait jamais trahi.
Mais cette embrassade. Cet instant d’intimité entre père et fils. En vingt-huit ans ce n’était jamais arrivé. Et il savait pertinemment pourquoi. Il aurait même mis sa main à couper qu’un tel moment n’arriverait jamais. Peut-être que ses retrouvailles avec Sarkeris avait fini par apaiser son esprit rongé de tout part par ce passé trop encombrant ?

Léonilde était resté figé à quelques pas de l’entrée dont il avait cependant refermé la porte. Il ne souhaitait pas les interrompre. Il ne s’avança que lorsqu’il aperçut Coldris se reculer. C’est avec une neutralité professionnelle qu’il s’approcha de la famille et déposa le plateau sur la table.

- Voici de quoi vous vêtir, Alduis. Laissez-moi vous aider, je vous prie

Après acceptation de sa part, la couverture fut retirée et il lui passa une nouvelle chemise blanche sèche puis un veston tout aussi immaculé. L’avantage du blanc c’était que cela ne craignait pas la décoloration ni le bouillage intempéstif.
Il versa ensuite deux tasses de son infusion qu’il tendit à son fils en priorité puis à Coldris de Fromart sans en préciser le contenu. Léonilde se demandait s’il devait proposer le Laudanum au Vicomte mais il l’aperçut refuser d’un regard. Le majordome cligna des paupières et se recula dans une inclinaison.

- Je te remercie mon cher Léonilde. Tu peux disposer et prendre du repos.
- Messire.

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Message par Alduis de Fromart Sam 21 Nov - 18:35


Alduis n’en revenait pas.

Il l’avait fait. Il l’avait vraiment fait. Il avait enfermé les voix dans les sous-sols de la forteresse. Il avait réussi. Il savait qu’elles étaient toujours là, parce qu’il les sentait gratter à la porte de sa conscience mais… mais elles ne disaient plus rien. Elles ne hurlaient plus, elles ne faisaient plus de reproches. Elles étaient enfermées.

Sans doute devait-elle guetter la moindre faille pour s’y faufiler mais il ne leur laisserait aucune prise. Plus ce soir.

En face de lui, il voyait son père. Il avait rarement été aussi proche de lui. Et jamais il n’avait vu son visage ainsi éclairé dont ne savait quelle émotion.

- Duce fatum tuum.

C’était à peine un murmure. Mais en Alduis, il prit des proportions phénoménales. Duce fatum tum. C’était comme si on venait de lui dire qu’il avait sa place dans le monde.

Coldris le serra contre lui. Alduis écarquilla les yeux un bref instant, en bloquant sa respiration sous le coup de la surprise. Son père passa sa main dans ses cheveux et recula. Alduis ne lui en laissa pas l’occasion. Il lui rendit son étreinte de toutes ses forces. Comme s’il essayait de rattraper vingt-huit années passées en quelques secondes.

- Je...

Il hésita une seconde. Le serra encore plus fort et lâcha dans un souffle, sans se laisser le temps de réfléchir davantage :

- … je t’aime Papa.

Il croyait en tout cas. Il lui en avait souvent voulu de nombreuses fois, il l’avait déjà frappé, il lui avait cassé une côte. Il avait essayé de le détester. Et s’était détesté de ne pas y réussir. Parce que voilà, la vérité était là et il en avait soudainement conscience : Coldris était son père et malgré tout cela, malgré Mathurin, malgré le bureau, il l’aimait et il voulait le rendre fier.

Il recula. Et entrevit Léonilde qui était revenu et qui attendait. Alduis recula aussitôt. Il n’eut pas le temps de se sentir gêné, que le majordome de son père s’approchait - neutre et professionnel comme toujours -, vêtements propres dans les mains.

Il se laissa faire sans rien dire. De nouveau dans ses vêtements blancs, il se trouva mieux. Comme s’il avait retrouvé une petite part de lui-même. Il accepta la tasse qu’on lui offrait et dans un réflexe, tendit les deux mains pour la prendre. Avant de se rappeler qu’une sur deux était hors service. Alors il se contenta de refaire la main gauche sur la tasse gauche.

Léonilde s’en retourna.

Il les laissa seuls.
Le fils et le père.

Alduis but une gorgée. La chaleur du feu réchauffa enfin son intérieur frigorifié. Et il sourit, presque naturellement.
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Message par Coldris de Fromart Sam 21 Nov - 22:55



Qui l’aurait cru ? Qui aurait cru pas plus tard même qu’une heure avant, que le père et le fils s’étreindraient sans vouloir s’étouffer mutuellement ? Lui-même avait l’impression de vivre une sorte de rêve éveillé. Il était là, Alduis dans ses bras mais il avait la désagréable impression d’observer la scène de l’extérieure.
La tentative de suicide d’Alduis, le froid glacial du salon, la peur qui l’avait tenaillé, cette illumination qu’il avait ressenti en réalisant ce qu’était la paternité, l’affection à laquelle il s’était laissé aller oublieux de toute faiblesse, la bienveillance qu’il avait eu pour lui.

Etait-ce vraiment sa vie qu’il vivait ? Il ne se reconnaissait pas. C’était trop. Trop pour que son esprit puisse procéder. Ca ne collait pas. Les pièces étaient trop différentes. Elles ne s’emboitaient pas avec celles dont il disposait. Il ne comprenait pas. Il ne savait pas quoi en faire.

Il s’éloigna mais Alduis le rattrapa et le serra encore plus fort dans ses bras.

Il les ignora. Chassées comme les voix, ces drôles de pièces inconnues heurtèrent le sol en rebondissant dans un écho clinquant.

Après une courte hésitation de surprise, ses mains se déposèrent sur ses omoplates. Il ne comprenait toujours pas. Mais pour une fois, il se sentait si bien. Si calme. Si apaisé. Et cela faisait des dizaines d’années qu’il n’avait plus ressenti cela. Vingt-huit ans pour être exact.

Je t’aime Papa.

Son cœur rata un battement. Son esprit douta de son ouie. Mais il était certain de ce qu’il avait entendu. Malgré tout ce qu’il lui avait fait subir -et la liste aurait été interminable à dresser-, malgré tout cela il l’aimait ? A ses oreilles cela sonnait presque que comme un pardon tacite. C’était le plus beau des cadeaux d’anniversaire. La plus belles des étrennes.
Il n’y avait pas d’ironie dans sa voix. Pas de contrainte. Pas d’hypocrisie. Juste de la sincérité.

Si cela était possible, il le serra encore plus fort contre lui.

- Je t’aime aussi, Alduis… Pardon.

Ses excuses étaient misérables. Il s’en voulait. Lui qui trouvait toujours ses mots, n’en avait plus aucun. Ils mourraient dans sa gorge, asphyxiés par cette boule qui s’était installée. Ils se reculèrent et Léonilde déposa le plateau.

Il ne l’avait pas entendu revenir. Depuis quand était-il là ? Son valet s’occupa d’habiller son fils. Il eut tout le loisir d’entrevoir ses nombreuses cicatrices. Toutes ces fois où il avait échappé à la mort sur le champ de bataille. Tout ça pour quoi ? Pour que ce soit son propre père qui le pousse à se jeter du haut d’une fenêtre ? Il se détesta. Il se détesta pour être devenu tout ce qu’il haïssait. Mais c’était trop tard le mal était fait. Il n’y avait plus qu’à essayer de le réparer.

Coldris prit à son tour une tasse de cette infusion mystérieuse. Léonilde avait certainement choisi le sciemment le contenu. Il n’en doutait pas instant. Rien qu’à le voir proposer du Laudanum, il le savait.
Sentir le liquide chaud s’écouler jusque dans son estomac avait quelque chose d’apaisant. Les minutes s’écoulèrent dans un profond silence. Un silence habituel entre eux. Mais un silence différent.
Ce n’était pas un silence de défi, ni de provocation, ni de colère ou de quoi que ce soit d’autre. C’était un silence calme et apaisé. Comme ces soirées d’été où seuls les grillons avaient l’insolence de chanter à tue-tête.

Sa tasse était finalement vide. Ses doigts encore chauds du contact avec la porcelaine, il la déposa sur la table basse.

- Alduis. Je t’ouvrirai mon bureau si tu le souhaites.

Cela lui apparaissait désormais comme une évidence. Ce bureau renfermé toute sa vie. C’était sa boite de Pandore. C’était là que tout avait commencé.
Parce qu’il avait eu des secrets.
Dix-huit ans plus tôt, il aurait été trop jeune pour les appréhender, désormais c’était différent. Ils partageaient certaines choses ensembles dont il se serait bien passé. Il avait le droit de savoir. C’était tout à la fois la matérialisation de ses excuses et une preuve de sa confiance.
En lui ouvrant son bureau, il lui donnait accès à son âme. Il se montrerait tel qu’il était et non tel qu’il paraissait être.
Fragile, faillible et sans armure.

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Message par Alduis de Fromart Sam 28 Nov - 15:01

Je t’aime.

Ces deux mots lui semblaient toujours porteurs d’un mystère insoluble. Et quand il les disait, une étrange boule venait invariablement se former dans le creux de son ventre, juste au-dessous de son estomac. Ce n’était pas réellement désagréable, juste déstabilisant. Il ne savait pas vraiment quoi en penser.

Mais il y avait quelque chose de plus improbable encore que de les dire : c’était de les entendre prononcés par un autre. Par Alexandre, par Bérénice. Ou par son père. Il n’aurait pas cru que cela fut le cas un jour. Peut-être tout cela était-il un rêve ? Peut-être avait-il bel et bien sauté finalement ?

Pourtant, il avait la certitude d’être encore vivant. Il sentait le souffle de son père, percevait les battements réguliers de son coeur dans cette poitrine, mais par-dessus tout, il entendait le sien qui scandait la même mélopée : boum boum, boum boum, boum boum.

Il était vivant.
Et pour une fois, il était heureux que ce soit le cas.

Il ne souffla pas un mot. Il n’aurait su que répondre. Il préférait garder le silence - comme d’habitude. Mais pour une fois, c’était un silence différent. Dépourvu de tensions.

Alduis changea de vêtements avec Léonilde. Il s’était habitué à voir les cicatrices sur sa peau. Elles faisaient partie à part entière de lui. Elles étaient les souvenirs de quelques adversaires qui avaient manqué de prendre sa vie. Et Eldred en faisait indubitablement partie.

Il y en avait qu’une seule à laquelle il ne s’habituait pas et qui lui laissait un temps d’arrêt à chaque fois qu’il croisait son regard dans un miroir - par accident. Il doutait de s’y faire un jour totalement… et cela quand Alexandre ne semblait pas la remarquer.

Alduis buvait lentement, en tenant sa tasse de sa seule main en état. Il prit son temps. Plus le liquide tiède coulait dans sa gorge, plus son appétit se réveillait doucement. Son dernier repas remontait à loin et il avait été frugal.

Coldris reposa sa tasse dans un petit claquement. Et sa voix brisa le silence. Surpris, Alduis releva les yeux de sa tasse et les planta dans ceux de son père, sans savoir ce qu’il devait répondre. Il avait bien… compris ?

C’était une expression impressionnée, et tout à la fois intimidée qui se peignit sur son visage. Lui ouvrir son bureau ? pour de vrai ? Il savait ce que cela signifiait. C’était un signe de confiance, et Alduis n’aurait jamais trahi un seul secret qui lui aurait été confié. Parce que chacun d’eux détenait une promesse tacite : celle de ne pas le répéter.

Malgré tout, Alduis n’était pas sûr de se sentir prêt. Après tout, quoi qu'il se trouve dans les tiroirs de ce bureau, c’était précieux. Peut-être même dangereux, en un certain sens. Il n’était pas sûr de vouloir se rendre compte que son père n’était pas l’homme invincible qu’il avait toujours cru. Si lui ne l’était pas, comment pourrait-il l’être un jour lui-même ?

Pourtant, il hocha la tête. Ce fut un unique mot qui franchit ses lèvres.

- D’accord.

Cette nuit-là, dix-huit ans plus tôt, Alduis n’avait rien regardé. Il avait simplement cherché la bague de sa mère. Et maintenant, son père proposait de lui rouvrir ces mêmes tiroirs. Il reposa à son tour sa tasse, où il demeurait un petit fond, et demanda :

- Qu’est-ce qu’il y a… dans votre bureau ?

Qu’y avait-il, pour tout balayer par terre ?
Qu’y avait-il, pour dire à un enfant qu’il ne méritait pas son prénom ?
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