[6 et 8 janvier 1598] Charité bien ordonnée... [ft. Dyonis, Coldris, Alexandre - RP sensible][Terminé]

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mer 20 Jan - 16:10

Le geste attendrissant d'Alexandre pour Théa vient pulser une étincelle d'humanité dans la noirceur de cette visite. Dyonis a hâte d'arriver au bout et son rapport sera salé. Les visiteurs laissent la petite femme s'amuser avec le mouchoir puis câliner l'esclave, avant de se rendre dans la salle de travail. C'est là que l'intervention de Coldris envers Kirm fait marquer un temps d'arrêt au Premier Conseiller. Pour fréquenter régulièrement leur souverain dans le cadre de ses offices, le baron comprend où son collègue veut en venir : il pense emmener l'adolescent comme pièce de collection à remettre à Sa Majesté. Berlingtham semble également avoir saisi et n'y trouver rien à redite - normal : il en a assez fait et espère se rattraper, d'autant que pour ce triste sire, Kirm ne sera qu'une ligne de plus ou de moins dans ses statistiques. Édouard est le seul qui, bien sûr, ne peut pas saisir ce dont il est question tant il doit savoir peu de choses des centres d'intérêt du monarque. Dyonis le sent décontenancé mais préfère ni pas creuser le sujet ni avec le guide ni avec le Ministre - surtout en présence du petit. Aussi la visite se poursuit-elle.
Néanmoins, le seigneur de Frenn reste songeur. Oh bien sûr, il a conscience que la situation de "jouet de Sa Majesté" offre à une poignée d'infirmes une place meilleure que celle de la crasse des rues ou de l'esclavage déguisé dans cet établissement. Cependant, cela reste un moindre mal et plus d'une fois, le Premier Conseiller a tenté de faire entendre à Der Ragascorn que s'il tenait vraiment à faire au mieux pour les personnes atypiques, il devrait prendre des mesures veillant à faciliter leur intégration dans toutes sortes d'activités, et pas uniquement comme "divertissements vivants", comme "signes prophétiques et images de la créativité de la Nature" ou que sait-il encore. Lui-même a trop souvent entendues des inepties de cette nature et se sent simplement humain. Enfin... Kirm sera toujours mieux au palais.

Avant d'entrer dans la pièce de torture, Coldris renvoie Alexandre auprès du jeune garçon le temps de l'inspection. Geste attentionné que note Dyonis. La visite de la geôle jette son froid de mort sur chacun. Le seigneur prend sur lui. Plus d'une fois, il a inspecté des prisons, supervisé des supplices - dont l'interrogatoire du malheureux Tristan. Les tas de cadavres trouvés à Rottenberg lui reviennent aussi en mémoire. Le baron reconnaît au passage avoir eu la bonne fortune de, lui, n'avoir jamais eu à subir de pareils traitements... ou de traumatismes suffisants pour que cette cellule ne le heurte au fond des tripes. Ce qui ne semble pas être le cas du Ministre - dont, attentif, il perçoit les brèves variations de souffle et les petits mouvements crispés, lui d'ordinaire si froid... Ni même le cas d'Édouard - au sujet de qui il est aisé de comprendre qu'il a déjà subi quelques tourments dans cet endroit, outre des souvenirs des combats. La remarque macabre de Coldris au sujet des rats achève de souffler à Dyonis la présence, dans son passé, de traitements pour le moins rigoureux qu'il préfère certainement enterrer en lui, cachés derrière son armure de dignité certaine... mais des traitements bien là, avec les griffes que peuvent parfois avoir les souvenirs. Bien sûr, le seigneur n'adressera nul question, nulle remarque, jugeant qu'un tel comportement serait déplacé et pourrait même être interprété comme une tentative d'humiliation.
Une fois quittées les portes de l'Enfer, Coldris remercie Édouard et lui promet récompense. Très bon choix. Il donne un signal on ne peut plus clair à Berlingtham : du monde va revenir. Il serait un idiot fini ou une brute épaisse d'exercer les moindres représailles contre le guide. Dyonis hoche la tête en vue d'appuyer. Le voilà par ailleurs rassuré : ils peuvent quitter l'établissement, l'esprit tranquille quant au sort d'Édouard - et prendre le temps de réfléchir ces prochains jours à une bonne place à lui trouver, hors de cet institut. Le sujet sera à aborder.

Après ses avertissements à Berlingtham, Dyonis rejoint son carrosse et revient sans tarder en compagnie de son secrétaire en possession des dossiers. Il laisse Coldris et Édouard dans le couloir pendant que, lui, rentre dans le bureau en compagnie du directeur. L'heure de l'inspection des documents est venue. Ou plutôt, du compte rendu oral - Dyonis ayant déjà largement étudié les comptes sur le chemin. Durant près d'une heure, depuis derrière la porte, le Ministre et le guide pourront entendre la voix du directeur se liquéfier de plus en plus... avant de se taire complètement - et celle de Dyonis, polaire, méthodique, pointant une à une de minuscules incohérences suffisantes à dire la vérité sous les trucages pas assez habiles. "Je devine donc ici que bien moins de pensionnaires sortent que ce que vous voulez bien affirmer." ........ "Oh, le salaire de ce seul et unique malade a mystérieusement été fructifié ?" .......... "Ce chiffre ne correspond pas au calcul auquel je suis arrivé en prenant les données de cet autre cahier. A une centaine de rilchs près, dommage." ......... "Vous n'allez pas avoir l'occasion de muscler vos codages secrets pour une prochaine fois : toutes les entreprises que vous sollicitez ont été découvertes et seront incessamment sous peu sous tutelle d'Etat." .......... "Vous pouvez déjà vous préparer à payer une forte amende à la Couronne pour tout l'argent que vous avez pu vous mettre de côté. Et à en réserver un pourcentage bien plus important à vous occuper vraiment de vos patients."

Un entretien tout bénéfice. Pour les pensionnaires, pour le roi, pour les caisses de l'Empire. Enfin, Dyonis ressortira et adressera un polaire "Au revoir." à Berlingtham. Se tournant vers le sieur de Fromart, il déclare : "A moins que vous ne voyiez autre chose à demander, pour ma part j'en ai terminé." Il le laissera prendre ses dispositions pour aller récupérer Alexandre auprès du jeune Kirm - ou y envoyer Édouard - puis pourra passer le seuil de l'Hôpital Général après une dernière cordialité pour leur guide. Les dossiers à charge du seigneur de Frenn sont suffisamment remplis. Quant au locaux, ils parleront d'eux-mêmes quand des agents viendront très prochainement faire leurs propres constatations et appliquer les directives du Premier Conseiller.
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Message par Coldris de Fromart Mer 20 Jan - 17:07




Ce n’était pas peu dire qu’il était soulagé de quitter ce lieu qui lui retournait les tripes. Les années avaient beau s’écouler, il y avait toujours certaines choses qui ne passaient pas comme les chiens ou la séquestration. Si ses stigmates du passé étaient parfaitement rangés hors de portée la plupart du temps, il arrivait parfois que les circonstances les fassent soudainement ressurgir comme un diable hors de sa boite. Fort heureusement, cela faisait des années qu’il n’avait plus perdu pieds et têtes, écartelé entre ses démons qui se déchiraient les lambeaux de son âme.

Dyonis quitta les lieux pour récupérer ce qu’il imaginait sans mal comme une pile de dossiers colossale. Et le pire c’est qu’il avait certainement tout lu avant de venir ici. Ce qui était une bonne chose. Il était curieux de voir ce qu’il avait relevé. Une anguille sous un rocher ou une baleine sous un grain de sable ? Quoique cette baleine en question ait plutôt des allures de kraken à bien y songer. Il aurait sans doute pu assister à l’entretien en question, mais ça ne l’intéressait pas réellement au fond. Il avait fait son travail, trouvé un cadeau, et en plus, il avait même assoupli le poulpe pour qu’il soit à point pour être cuisiné. Il esquissa un petit sourire en récupérant Alexandre avant de retourner attendre son cher collègue à la porte. Il entendit soudainement le crissement caractéristique de la craie sur l’ardoise et plissa les yeux en déchiffrant les quelques mots, puis arqua un sourcil.

- J’ai dit la vérité. Je viendrai le récupérer d’ici quelques jours. Le Roi les collectionne répondit-il avec détachement ce sera toujours mieux que d’être ici à effectuer ces tâches ingrates. Il sera bien nourri, bien logé, bien traité.

Il marqua une courte pause, écoutant un instant avec satisfaction la tranchante voix de Dyonis scandait les irrégularités au fur et à mesure qu’il tournait les pages.

- Vous accompagnerez Kirm. Qu’est-ce que vous aimeriez faire de votre vie ? demanda-t-il sincèrement.

Tiens donc ! Le Directeur n’achevait plus ses phrases. C’était donc le début de la fin. Bientôt, il ne répondrait même plus.

- Vous m’estimez responsable de votre malheur n’est-ce pas ? il pouvait bien répondre oui, de toute façon il n’était pas dupe.

L’empire c’était un projet qu’il avait partagé avec Gerald der Ragascorn. Une idée grandiose née d’un esprit un brin mégalomane mais qui ne l’était pas si haut dans le pouvoir ? Dyonis ? Il l’écouta un instant, poursuivre ses accusations. Oh oui, il l’était. C’était un excellent administrateur, mais il n’avait pas l’audace nécessaire aux projets de grande envergure. Comme celui de fonder un empire connu et reconnu dans le monde entier.

- Mon fils est dans l’armée aussi reprit-il sans attendre de réponse il a attrapé le typhus à Mornoy, il y a deux ans. Il a survécu, mais il est mort là-bas quelque part. Mon beau-fils aussi a fait les frais de la dernière campagne : il ne marche plus. Vous me direz que lui a de la chance d’être noble et qu’il n’est pas dans la rue, et vous aurez raison. Mais noble ou roturier, la peine est la même.

Il ne savait pas pourquoi il racontait ça. Sans doute parce qu’il n’avait jamais eu l’occasion d’en parler à qui que ce soit. Il y avait bien Léonilde, mais ce n’était pas Virgil. Il y aurait toujours entre eux ce mince fossé professionnel qui ne se comblerait jamais. L’avantage c’est qu’Edouard n’était pas bavard ou du moins il devait se contenir à son ardoise. Coldris poursuivit.

- J’espère qu’il acceptera de s’occuper du projet de l’Hotel des vétérans que je compte mettre en œuvre. Comme quoi, il est toujours bon de sortir de son bureau lorsque l’occasion se présente... un sourire s’étira et il indiqua la porte pour être Ministre, il faut être insomniaque, tenez, vous savez qu’un jour il a ramené trente-cinq dossiers à un Conseil d’Etat ? il étouffa un petit rire.

Quelques minutes à peine plus tard, Dyonis ressorti ainsi que le directeur -blême-. Il salua l’un et l’autre et quitta les lieux. De l’air ! De l’air ! De l’air !

- Cela ne vous ennuie pas que je profite de votre voiture pour rentrer au Palais ? Je vais laisser la mienne à Alexandre. Nous pourrons ainsi éclaircir certains points durant le trajet si vous le désirez.  

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Message par Alexandre Mer 20 Jan - 17:42

Retourné à l'atelier de travail, s'efforçant de ne pas voir la misère autour de lui, Alexandre s'appliquait à reproduire des croquis des éléments observés. En priorité, ce lieu où s'entassait quotidiennement ces infirmes, soumis à des tâches répétitives et usantes. Son esprit se souvenait des peintures de l'entrée et de la remarque de son maître. Le témoignage de ses dessins pourraient être ainsi utiles à rappeler leur existence. Il reproduisit aussi les cuisines, les dortoirs et quelques couloirs.

Tout en dessinant, il écoutait Kirm lui répondre et lui sourit. Le malheureux s'embrouillait dans sa réponse avec le temps et sa famille.


"Non, ce n'est pas du tout de sa faute. Avec les années, parfois les mois, la mémoire flotte. Un peu comme si tu essayais d'attraper l'eau avec tes mains. Et si tu ne te rappelles pas ta famille, c'est sans que tu n'as pu la connaître. Ce n'est pas ta faute."

En son for intérieur, le jeune homme songeait que trop de familles se débarrassaient des infirmes dès leur naissance. Quelle injustice ! Il releva la tête du dessin en entendant ses questions sur le Roi. Alexandre ne comprenait pas bien pourquoi le souverain le recevrait mais son maître le connaissait mieux que oui.

"Je suis sûr que tu seras très bien."

Afin de le distraire, ainsi que les autres infirmes aux alentours, Alexandre improvisa un conte heureux, rempli d'espérances, dans lequel une gentille famille prenait soin de son petit garçon invalide. Tout en continuant ses croquis, il inventa de petites situations du quotidien emplies de tendresse et de positivisme. Ses mots les aideraient peut-être à tenir dans les semaines qui suivraient... Il l'espérait.

***

Alexandre était de retour avec Coldris, après avoir salué poliment Kirlm et les autres infirmes de l'atelier. Il marchait en silence, aux côtés de son maître, pour rejoindre le bureau du directeur. Les deux nobles discutèrent après les dernières formalités de cette visite, le ministre prenait des disposition pour le retour. Alexandre songeait que c'était le moment de remettre ses croquis. Ils en auraient peut-être besoin pour travailler à leurs dossiers sur cette inspection. Il consulta Coldris du regard et s'avança vers le Premier Conseiller pour tendre ses dessins.

"Je vous prie de m'excuser, votre excellence, mais pendant votre dernière partie de la visite, j'ai pris la liberté de réaliser des croquis des divers lieux que nous avons vu."

Alexandre
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Message par Le Cent-Visages Ven 22 Jan - 13:27

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M. Berlingtham, nouveau directeur de l'Hôpital Général
Édouard, interné

Pour une fois, les gamins cessaient le travail sous les yeux des gardiens exceptionnellement conciliants : le serviteur du Monistre était là, sourire aux lèvres, à converser. Kirm aurait volontiers transformé cet instant volé en éternité. Les mots de réconfort d'Alexandre lui réchauffèrent le cœur et il hocha la tête, rassuré. Oui, il serait bien devant le roi ! Il s'en fit la promesse. Les gosses s'installèrent plus confortablement sur leurs tristes établis de bois dur, visage logés dans leurs mains, tout au conte que le visiteur leur offraient. Si certains souriaient, d'autres se tendirent de ressentiment à entendre ce qui ne leur arriverait jamais : une gentille famille et une vie à laquelle seuls les autres avaient droit. Le récit fut apprécié malgré tout de la plupart. Kirm passa ses bras maigres aux épaules d'Alexandre et cueillit ses prunelles de ses grands yeux bleus.

-- Merci Alexandre. C'est comme si t'avais ouvert une autre fenêtre là, pour nous faire voir autre chose et qu'il peut faire beau, pétilla le jeunot... avant de devoir se séparer de son nouvel ami qu'on venait chercher. Et lui ? Quand verrait-il le roi ? Édouard, il pourrait l'accompagner ? Lui apprendre à saluer comme un brave en uniforme !

oOo

Derrière la porte, le directeur passait un des pires moments de son existence. Pire que toutes ces fois où un professeur reprenait devant la classe entière la liste des erreurs d'une copie, avant de mettre des coups de trique. Pire que les plus mauvais épisodes de sa vie. La voix du Premier Conseiller était un couperet. Qui allait et venait, implacable, pour énoncer des faits. Si Berlingtham tenta quelque défense au début, l'envie d'ouvrir la bouche lui fut vite retirée. Quelle ironie ! Il se sentit la mâchoire plus inexistante que celle de son emmerdeur de guide. Et le sieur de Frenn d'accomplir mécaniquement sa tâche, imperturbable. A tout ce qu'il pointant, le directeur ne pouvait que confesser un silencieux MEA CULPA.

Dans le couloir, il n'y avait qu'à attendre la fin du jugement. Édouard tendait l'oreille pour saisir la voix implacable du Premier Conseiller. Ce moment aurait dû le réjouir mais étrangement le vétéran resta intimidé. Ce timbre rigide. Cette énumération dont chaque phrase était une pierre supplémentaire sur l'âme. Est-ce que... cela ressemblait un peu à cela, le Jugement de ceux qui allaient en Enfer ? Comment se comporterait Berlingtham après cela ?
L'interné se serait déjà tiré si le Ministre n'était pas là, avec lui dans ce corridor, disposé à répondre à sa question soucieuse relative à Kirm. Édouard arrondit les yeux. Hoqueta. Collectionner des gens à difformités ? Cela lui sembla... si dur à croire. Quel genre de gars faut-il être pour collectionner des infirmes ? Sûrement pas très net sans qu'il parvienne à l'expliquer. Que faisait le roi avec ? Et y avait-il... des filles... Heureusement, le vicomte promit que son ami serait bien traité et Édouard le crut. Mais l'image de ce souverain aimant les gens comme eux... à la manière d'un enfant aimant des jouets le laissa pantois. Est-ce que l'exceptionnel bon traitement de quelques pièces de collection suffisait, pour Sire, à ne pas se préoccuper de tous les autres - s'en préoccuper comme des humains ? Juste comme des humains. Pas au-dessus - prodiges ou fétiches - ni au-dessous - bêtes ou démons. Il griffonna sur son ardoise :

OUI C'EST HEUREUX.
MERCI POUR KIRM.
MAIS SA MAJESTÉ...


Il fit tourner un doigt tendu au côté de son front dans un mime évident de dérangement, mais d'avantage avec de la pitié dans le regard, puis retourna la pancarte :

...TRISTE QU'ELLE AIT BESOIN
DE JOUJOUX OU GRIGRIS.
ON POURRAIT TELLEMENT + POUR ELLE


En faisant ce qu'il faut, Sire pourrait avoir autant de vrais sujets - avec de vraies compétences - que son Empire comptait d'invalides... Pas juste quelques poupées. Mais si tel était le moindre mal, oui, Kirm serait bien installé. Édouard sourit des yeux afin de montrer avoir compris cela. Et l'accepter. Pour ce qui était d'accompagner son ami, le défiguré hocha la tête avec neutralité. D'accord. Il ne serait que cela : une présence familière auprès de Kirm. Il ne ferait rien d'amusant pour la drôle de tête couronnée, il l'avait déjà servie autrement. Et puisqu'il était question de servir, la demande suivante désarçonna l'enfermé autant qu'elle le toucha. Sa vie ? On ne lui avait jamais posé la question. Pas même lui-même. Silence. Les bras d'Édouard pendirent. Ses prunelles s'égarèrent, comme celle d'un gosse penaud sans bonne réponse.
Pensif, il ne s'entendit pas émettre un ronronnement. Il avait trente-cinq ans. Dix-sept ans d'Hôpital Général. Quelques mois de rue. Un an d'armée. Et avant... oh il avait toujours été vif et rapide, grande perche souple et précise et c'était bien pourquoi il avait opté pour s'entraîner à devenir piquier dans les rangs militaires. Il songea aussi à ses bricolages décoratifs. Il n'était pas mauvais de ses doigts. Mais ce fut tout. Nulle réponse précise. Hésitant, il nota sur son ardoise :

JE NE SAIS PAS TROP...
PROTÉGER OU FAIRE
DE BELLES CHOSES


Il se sentit bête. En relâcha sa pancarte qui tomba en biais sur sa poitrine. Il n'eut guère le temps de songer davantage à sa réponse vaseuse : le Ministre... se mit à parler. Beaucoup. Plus que pendant tout le reste de cette visite ! Cela l'étonna et Édouard ne put le cacher. Que cherchait-il à faire, là, au milieu d'un couloir, avec tant de confidences à un interné infoutu de lui répondre grand chose. Tant pis, il essaierait, décida-t-il ! Ce serait la moindre des choses, tant il devait être rare qu'un petit sujet ait en face de lui un Ministre - et qui plus est, un Ministre l'entretenant de façon aussi... étrangement personnelle.
S'il le jugeait responsable ? Oh, Édouard n'avait jamais trop su mentir. Franc, il répondit, rabattant ses sourcils droits, sans expression, au-dessus de ses yeux fixes :

OUI.


Il compléta sur l'autre face :

+ D'AUTRES.
SYSTÈME. MAILLONS.
ENCHAÎNEMENT CAUSES, EFFETS...


Un monde binaire de coupables et de gentils, c'était de la blague. Oh sûr, il y avait des responsables. Et l'homme en face de lui en était un majeur. Mais ces gros maillons qui déclenchaient une bonne partie du reste... ne tournaient pas dans le vide sans une mécanique de circonstances autour. Arrivé au dernier mot sur son ardoise, il compléta l'expression en mimant "papillon" de ses longues mains croisées. Une toute petite décision dans un cerveau pouvait certainement déclencher tellement de choses inenvisageables à l'œil nu. Il y avait tout cela à la fois, Édouard s'en doutait.
La suite de ce que confia le Ministre confirma cette intuition. Des causes et des effets qui n'épargnaient personne. Pas respect, il restera parfaitement silencieux pour l'un et l'autre de ces hommes dont Coldris brossait un portrait. Il acquiesça gravement. Personne, non, ne revient vraiment entier de la guerre. Et au moins, oui, les combattants de sa famille ont-ils la bonne fortune d'un environnement qui ne les laisse pas tomber. Édouard laissa passer un instant puis rédigea :

SI AU MOINS
LE RÉSULTAT
EN VAUT LE COUP


Et retournant l'ardoise :

MOI JE NE PEUX PAS DIRE,
JE NE LE VOIS PAS.


Facétieuse dernière phrase qui pouvait se lire ou bien comme un aveu d'ignorance : de là où il était, il ne pouvait voir les beaux fruits de cet idéal conquérant ; ou bien comme une sérieuse marque de doute : non, quand des bataillons de miséreux crèvent dans des établissement de cette nature, on ne le voit pas bien, le concret de la grandeur d'un Empire. Dans les livres peut-être ? Oui, sur les cartes. Et pour l'Histoire. Mais dans la vie de tant de Monsieur Tout le monde...
Ses narines s'écartèrent dans un sourire sincère quand il fut question de l'hospice pour vétérans. Le Ministre le ferait donc vraiment, cela aussi. Puis il rit de bon cœur - ou plutôt sa gorge produisit une série de petits halètements, tandis que ses yeux se plissaient - devant le geste du vicomte en direction de la porte. Édouard devina une pointe de bon aloi entre collègues de travail. Il haussa les épaules et écarta les bras dans un aveu d'ignorance, puis écrivit :

PAS IDÉE DE CE QUE ÇA
REPRÉSENTE EXACTEMENT
35 DOSSIERS. MAIS JE VOUS CROIS.


Et avec deux haussements de sourcils entendus :

SÉRIEUX COLLÈGUE !
SÉRIEUX CONCURRENT AUSSI


Car oui, le défiguré crut entrevoir un peu ce que ce geste amusant du Ministre dessinait. A la fois l'honnête considération du travail incroyablement zélé du Conseiller. Mais aussi une pointe de sarcasme... sans oublier... quelque chose comme du défi que cela venait titiller chez le Ministre ? Battrait-il le record ? Une seconde, au milieu de son rire, un éclat d'admiration passa dans les pupilles du vétéran : être au sommet, ça avait l'air d'une prouesse de chaque instant !
Ils furent interrompu sur ces bonnes considérations numéraires : enfin Berlingtham, livide, sortit derrière Dyonis. Il ne se fit pas prier pour disparaître. Et si... s'il lui fallait bientôt préparer ses bagages et envisager un nouveau poste... à Zakros ! Édouard quant à lui - une fois les trois hôtes salués et sur le départ - fut intercepté par un gardien sur le chemin du retour.

-- Ça y est c'est fini ? (L'interné acquiesça.) B'en file. Y a besoin de seaux d'eau en cuisines.

Édouard obéit.

[Je m'interromps là dessus avec ce compte-ci et ces deux personnages, jusqu'au retour de Coldris et Dyonis deux jours plus tard   ]
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Message par Dyonis Howksley de Frenn Ven 22 Jan - 17:50

Ce déballage de fraudes n'est vraiment pas une partie de plaisir. Contrairement à ce que doit croire ce fumier de directeur, Dyonis ne jubile pas derrière son masque de froideur protocolaire. Il n'a que hâte d'en finir. Ce qui arrive vite et le Premier Conseiller laisse Berlingtham se retirer sans demander son reste. Bon débarras. Comme une vilaine mouche enfin chassée. Sur le seuil, il adresse un signe de tête à Alexandre et Coldris : tout est en règle de son côté.
Édouard s'éloigne de son pas dégourdi puis disparaît à l'angle du corridor. Mais Dyonis est loin de l'oublier aussi sec. Il fera partie des sujets à aborder avec le Ministre sur le chemin du retour. Il répond d'ailleurs à la demande du vicomte : "Bien entendu. Procédons ainsi, nous pourrons discuter d'un certain nombre de choses." (Au garçon, toujours silencieux près de son maître, puis qui le quitte pour venir donner ses dessins au Premier Conseiller.) "Merci beaucoup. Au revoir Alexandre."

Quand il se seront séparés et que la porte de l'Hôpital Général se refermera derrière eux, le seigneur de Frenn laisse Coldris monter d'abord dans son carrosse, puis grimpe à son tour les marchettes avant de prendre place en face de lui. Son secrétaire, engoncé dans son strict habit noir, s'assied à la gauche du seigneur comme son ombre puis lui remet l'impressionnant tas de documents. Un signe au cocher. Quelques mots. La voiture remue et prend la route.
Dans un demi sourire, le baron engage : "Une visite enrichissante à tous points de vue, n'est-ce pas ?" Il baisse un temps les yeux vers le total de ses comptes et, depuis sa place, le Ministre pourra sûrement voir lui aussi les chiffres croustillants au pied de l'une des pages de comptes-rendus. 978 000 rilchs : telle était la moyenne de ce que les cinq entreprises confondues - désormais sous tutelle d'Etat - allaient rapporter à la couronne chaque année. Sans compter une amende de 800 000 rilchs imposée à chacune d'elle, pour commencer, au motif de la fraude exercée des années durant et du préjudice porté aux internés. La corporation des directeurs des Hôpitaux Généraux allait elle aussi payer une amende similaire directement prélevée en banque et dont bien sûr il est hors de question que les pensionnaires fassent les frais. Dyonis organisera les moyens de s'en assurer.
Mais le Premier Conseiller ne fera pas de commentaire. L'idée ne lui vient même pas à l'esprit. Il est homme de discrétion, de travail bien fait et de rigueur, mais qui une fois la tâche accomplie n'a jamais l'idée d'en faire cérémonie ni de l'exploiter politiquement... et passe aussitôt à la suivante. C'est donc ce qu'il fait en demandant au Ministre : "Il me semble avoir entendu, pendant que j'étais dans le bureau, que vous vous entreteniez avec Édouard ? Deux secondes durant, je me suis demandé si... nous n'aurions pas mieux fait de l'emmener dès aujourd'hui, mais après tout vos menaces auront sûrement l'effet escompté sur son imbécile de directeur." (Amusé) "Il a le temps de repenser deux fois à Zakros avant de lever la main sur notre guide. De quoi nous laisser un ou deux jours afin d'organiser à Édouard une sortie digne de ce nom et de lui trouver une place convenable quelque part. A-t-il exprimé des choses particulières ?" Dyonis pensa au passage au cas du jeune Kirm mais préféra ne pas aborder ce point. Coldris le ferait sûrement de lui-même et les "collections" du roi avaient toujours gêné son Premier Conseiller.
Dans sa tête se bousculaient déjà les autres sujets. Alexandre. Son infecte père. Djerdan et les révélations de la princesse kalisha...
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Message par Coldris de Fromart Dim 24 Jan - 12:58




Derrière la porte, Coldris patientait en compagnie d’Édouard à qui il dût expliquer les raisons de sa proposition à Kirm. Le regard du vétéran s’arrondit en deux larges billes. Chacun sa marotte après tout. Le vicomte baissa les yeux sur l’ardoise. Oui, Sa Majesté avait des goûts étranges, que pouvait-il y faire à part les satisfaire au mieux ? Il haussa légèrement les épaules à son geste.

- Il est curieux, intrigué.

Édouard compléta.

- Certes. Mais il vaut mieux que cela qu’un souverain qui vous craigne ou vous méprise, croyez-moi.

Coldris inclina la tête à son sourire. Oui, c’était mieux que « ça ». Et c’était ce qu’il pouvait proposer de mieux en l’état. En revanche, Édouard pourrait lui bénéficier du choix. Un choix qui le laissa pantois. Excepté un léger ronronnement marquant sa réflexion, rien ne vint troubler le silence qui s’installa. Le ministre en profita pour tendre l’oreille à la porte écoutant un temps la litanie du baron. Finalement, la craie se mit à crisser. Il reporta son regard sur l’ardoise, puis vers les yeux si expressifs de l’homme. Protéger. Faire de belles choses. C’était vague tout de même. Il acquiesça cependant. Il n’avait certainement pas eu le loisir de s’imaginer un jour recevoir cette opportunité.

- Entendu. Vous aurez quelques jours de plus pour y songer.

Sans savoir pourquoi, il se mit à raconter bon nombre de choses pour ainsi dire personnelles. Parce qu’il était muet ? Peut-être. Peut-être aussi parce qu’il se sentait presque autant obligé de se justifier que d’apaiser son esprit étouffé par les derniers évènements. Édouard le jugeait responsable et il avait raison. D’autant plus que son analyse était fine. Il n’était pas le seul. Combien auraient pu s’opposer à leur projet ? Combien l’avaient fait en fin de compte ? Aucun. Et dire que ce baise-cul de Berlingtham le jugeait aliéné. Il fallait être aveugle et bon âne pour imaginer que la bombe avait emporté son esprit avec la moitié de son visage. Quel gâchis. Il mima le papillon et Coldris acquiesça. Il suffisait d’un mot, d’une signature pour changer le destin d’une population entière, et c’était bien pour cela qu’il aimait tant la politique. Un simple flocon de neige soufflé pouvait aboutir à une monumentale boule de neige.  La craie crissa, il lut. Le résultat en valait-il le coup ? Oui de son point de vue : l’Empire était désormais puissant. Il était passé de petit royaume voisin insignifiant à puissance politique et militaire redoutée autant qu’admirée. L’ardoise fut retournée et un sourire amusé s’esquissa sur le visage du ministre à sa répartie.

- Ce n’est que le début. Une fois l’eau troublée par son agitation, il faut la laisser reposer pour qu’elle retrouve sa clarté.

Un empire puissant ne pouvait apporter que des avantages économiquement qui se répercuteraient ensuite sur chacun de ses citoyens. L’œuvre militaire était quasiment achevée. Ne restait plus qu’à se séparer du Vatican et ils pourraient être libre de mener leur barque comme ils le souhaitaient. En attendant, Dyonis continuait d’énumérer les faits un à un. Il en profita pour effectuer une petite plaisanterie à Édouard.

-  Vous n’avez pas idée. Mais tout compte fait, je préfère ma place à la sienne.

Plus discrète, plus libre, moins dangereuse. Et puis depuis toutes ces années, il connaissait suffisamment bien Gérald der Ragascorn pour se permettre de frôler les limites de sa juridiction lorsqu’il s’agissait de proposer de nouvelles idées. Comme cette réforme, par exemple. Après tout s’il était en poste depuis le début de son règne c’était bien que les deux hommes partageaient une vision commune de ce que devait être Monbrina.

Lorsque Dyonis sortit, il salua l’interné et prit congé.

***

Un grincement, et la voiture se mit en branle sur le cahoteux chemin. Enrichissante. Coldris esquissa un sourire à ce quasi trait d’humour du sévère conseiller. Peut-être qu’en passant plus de temps avec lui, il finirait pas se dérider ? Son regard d’acier se posa sur la page du compte-rendu, la première de la pile. 978 000 rilchs multipliés par cinq soient près de cinq millions de rilchs chaque année. De quoi financer quelques nouveaux projets. Une guerre à Djerdan par exemple. Ainsi qu’un Hôtel des vétérans, enfin pour ce dernier, il avait d’autres idées de financement bien moins couteuses pour l’État. Il acquiesça d’un discret signe de la tête et d’un laconique :

-  À plus d’un titre, en effet.

Quant à Édouard, Coldris s’était lui-même posé la question comme le laisser paraitre son air aussi soucieux que songeur. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’il avait insisté sur le fait qu’ils allaient revenir le récompenser. Il n’avait pas manqué chacune des menaces non verbales qui avaient été échangées.

-  Je n’ai aucune confiance en cet asticot de charogne et c’est bien pour cette raison que j’ai insisté sur notre retour. Il faudrait être bien sombre idiot pour avoir l’inconséquence de s’en prendre à Édouard. Ce serait défier ouvertement la couronne et reconnaitre la dissimulation des faits de l’hôpital général. De quoi faire passer Zakros pour le dernier lieu de villégiature à la mode... Si j’étais Berlingtham, j’essayerais a minima de me faire oublier.

Sauf qu’il n’était pas lui et c’était bien ce que lui avaient rappelé les quelques poils qui s’étaient hérissés sur sa nuque en quittant ce lieu sordide.

-  L’homme n’a jamais envisagé un quelconque futur. Il est toutefois parvenu à me fournir deux pistes. « Protéger ou faire de belles choses ». Ce sont ces mots. Peut-être pourriez-vous le prendre comme garde à Frenn ? Il serait sans doute honoré de vous servir, ce qui ne sera pas mon cas.

Il esquissa un petit sourire ironique. Édouard était pragmatique, mais il ne fallait pas pousser. Servir l’homme qui était à l’origine de tous ces malheurs c’était sans doute trop. Quant à faire de belles choses, il ne voyait pas trop en l’état. Il était trop âgé pour entrer en compagnonnage et il n’avait pas eu l’occasion d’approfondir ses talents manuels.


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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mar 26 Jan - 17:15

La juteuse visite fait autant sourire le Ministre que le Premier Conseiller. Il existe un certain nombre de sujets sur lesquels les deux hommes pourraient nouer une sincère entente, Dyonis n'en a jamais douté. Leurs objectifs lui semblent très différents, à l'instar de leurs visions religieuses et éthiques. Cependant, le sens de la manœuvre, la persévérance et le pragmatisme dont chacun fait preuve ont de quoi leur fournir d'excellentes opportunités de coopération. Cette visite en est un exemple de choix.

"Et je partage votre sentiment. Berlingtham n'a pas manqué une occasion de se faire bassement menaçant ou de laisser voir sa criante incompétence. Son comportement lors des jours prochains m'apparaît comme sa dernière épreuve. Les charges sont déjà très lourdes, un rien me suffirait pour ordonner une punition de choix." La fraude fiscale désormais avérée suffit déjà pour imposer une exorbitante amende et demander pour l'exemple la déportation du directeur dans quelque colonie où il servirait de gardien. Qu'il ajoute encore à son palmarès une seule bévue quand les deux seigneurs reviendront, dans deux ou trois jours, et son âme pourrait aller recevoir son divin châtiment plus vite que prévu.

C'est avec davantage de mélancolie que Dyonis écoute ce que le vicomte lui dit d'Édouard. Entre les lignes tracées par l'infirme sur son ardoise apparait surtout à quel point il n'a jamais reçu l'opportunité de choisir sa voie en rentrant de la guerre. Dix-sept ans de sa vie lui ont été pris et à présent, l'homme est même déjà trop vieux pour une infinité d'orientations. Quelle tristesse. "Je comprends." répond-t-il sans plus de cérémonie à la dernière remarque ironique et lucide du sieur de Fromart. En effet. Coldris reste Ministre de la guerre. Il comprendrait la crispation d'un vétéran à le servir. "C'est une bonne piste." ajoute-t-il après cette idée de l'engager comme garde en son domaine. "Je le lui proposerai et verrai avec lui s'il pense encore disposer d'un minimum de réflexes aux armes après toutes ces années."
Faire de belles choses... L'expression pousse Dyonis à sourire doucement. Elle revêt presque un aspect enfantin et le baron ignore s'il trouve cela attendrissant ou navrant pour ce que cela dit de l'errance d'Édouard. "Je crois en effet qu'il est plus sage de rester sur la première option." Dans un rictus amusé, il ajoute tandis que lui revient par association d'idées un souvenir de cette singulière entrevue du 22 décembre : "J'ai déjà ma fille qui présente une véritable passion pour la joaillerie et que j'ai recommandée à une certaine Donna Despina afin de parfaire ses créations et de leur trouver un public. Une richissime négociante qui va et vient entre Monbrina et plusieurs pays étrangers. Mais je doute sérieusement qu'en dépit de tout son talent, elle veuille et même ne puisse faire quelque chose d'un vétéran bricoleur sorti de nulle part." (Un temps) "Ou plutôt revenu d'Enfer."

De Lavinia, un autre cheminement de pensée n'est pas long à se faire... vers le révulsant portrait de Thierry d'Anjou. D'un signe rapide, Dyonis ordonne à son secrétaire de ranger les documents relatifs à l'Hôpital Général. Le sujet est clos pour le moment. Ils auront l'heur d'en discuter de nouveau dans deux ou trois jours, en récupérant Kirm et Édouard. Le baron a bien noté la proposition du Ministre au détour de la conversation qui avait accompagné la visite - et qui est à prendre au sérieux : la stricte séparation des cas - ici les incurables, là les catins, ailleurs les gens des rues, ailleurs encore les orphelins... et évidemment les infirmes de guerre dans un endroit particulier. Laissant donc cela en réserve, le seigneur fronce les sourcils sur un regard acier et engage : "Tant qu'à rester sur le sujet des projets de mutations vers des postes aux colonies, connaissez-vous le père Thierry d'Anjou ?" Une petite déportation dans un monastère Iswylan ou Zakrotien serait une caressante idée dont le Premier Conseiller allait faire état aussitôt après qu'il aura exposé les charges contre le curé dépravé. Sans évoquer Lavinia, toutefois. La vie intime de sa fille n'a pas à se trouver ainsi exposée et son père se bornera à qualifier les abus du religieux sans citer de nom.
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Message par Coldris de Fromart Mer 27 Jan - 13:37




Sans surprise, Dyonis partageait son opinion sur Berlingtham, Coldris se contenta donc d’opiner du chef en guise de réponse, fidèle à son laconisme habituel. Quant à Édouard, il n’avait pas réellement mieux à proposer qu’un poste de garde. Sous réserve qu’il ait conservé un minimum d’aptitude. Le Premier Conseiller ne s’en rendait peut-être pas compte, mais la reconnaissance éternelle du vétéran à l’égard de celui qui serait son sauveur vaudrait toutes les aptitudes au combat dès lors qu’il s’agirait de servir et d’offrir sa vie.

- La loyauté indéfectible est une vertu rare, mon cher baron. Cet homme ne sera peut-être pas le plus brillant de vos gardes, mais assurément le plus dévoué. Vous auriez tort de vous en passer.

Le vicomte savait de quoi il parlait, il avait déjà eu recours à cette pratique à de multiples reprises. C’était comme ça qu’il avait gagné celle de Sarkeris dans un premier temps en lui offrant sa lettre de course. Valmar, son capitaine des gardes et garde du corps personnel était également de ceux-là et c’était bien pour cette raison qu’il pouvait remettre sa vie entre les mains de cet homme. Dyonis évoqua ensuite sa curieuse relation avec la négociante.

- Donna Despina dites-vous ? Ce nom ne me dit rien, mais j’irai de fait vérifier les registres de douanes et d’immigration à son sujet. Il semblerait que l’on n’ait pas jugé bon de m’avertir de son arrivée sur le sol de notre Saint Empire.

Coldris garda ses pensées pour lui-même, mais il ne put s’empêcher de se demander comment cette femme en était arrivée à entrer en contact avec son collègue plutôt que lui-même, après tout, les denrées étrangères étaient de son ressort et non de celui du Premier Conseiller. Quelque chose le dérangeait profondément là-dedans et c’était bien pour cela qu’il allait s’intéresser d’un peu plus près à cette affaire. Le secrétaire -qui avait tout d’un meuble, lui-, eut ordre de ranger la paperasse administrative : le dossier de l’hôpital général était désormais clos pour quelques jours. Sans doute par association d’idées avec sa fille, la discussion passa à l’affaire Thierry. Il plissa les yeux. Dire qu’Éléonore lui avait précisément demandé de ne pas se mêler de l’affaire ! C’était sans doute elle qui avait informé le malheureux père des déboires de sa fille avec le curé débauché. Comme il le pressentait, l’affaire se présentait donc à lui. Il expira un léger soupire avant d’énoncer les faits sans fioritures.

- Je le connais plutôt bien en effet et j’ai eu vent de la mésaventure de votre fille à l’église Saint-Eustache. Je suis sincèrement navré pour elle et pour vous de ce qu’il s’est passé. Compte tenu des éléments en ma possession sur ce sujet, je puis vous affirmer que je n’interviendrai pas en sa faveur dans l’état actuel des choses.

Voilà c’était dit. Il ne protégerait pas Thierry comme il l’avait affirmé à Éléonore quelques jours plus tôt. Comment le curé avait-il pu en arriver à cette extrémité ? Et… combien ? La question resta en suspend tandis qu’une autre lui rappeler un point important à aborder.

- Permettez-moi en revanche de vous dire -en tant que père cette fois-ci- que votre fille gagnerait à être un peu mieux… instruite des affaires de la chair et des discours qui en découlent. Vous l’ignorez peut-être, mais Lavinia est venue à Fromart le 1er janvier dernier rencontrer Bérénice qui n’avait pas pu l’accueillir immédiatement. En passant dans les couloirs, je l’ai surprise en grande discussion avec mon fils Sarkeris à tenir des propos dont elle ne comprenait visiblement ni le caractère équivoque ni l’ambiguïté qu’ils pouvaient générer. Je n’ai pas eu d’autres choix que d’intervenir avant que l’affaire ne dérape plus sérieusement. Et je puis vous assurer qu’il n’abuserait jamais d’une femme de quelques façons que ce soit. J’en étais moi-même sans voix, c’est dire. Cela n’excuse en rien le comportement du Père Thierry bien entendu, seulement à votre place je m’inquièterais de la laisser se promener ainsi dans les rues de Braktenn ou les galeries du Palais.

C’est ce qu’il se passait lorsque l’on confiait l’éducation des jeunes filles à des sœurs qui croyaient idiotement que la maternité est un don de Dieu. La Sainte Vierge ? Et puis quoi d’autre encore !




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Message par Dyonis Howksley de Frenn Ven 12 Fév - 13:42

Dyonis prend conscience d'avoir eu un premier réflexe un peu trop mécanique : songer aux compétences physiques de leur guide, toutefois ce petit détail lui semble vite dérisoire à lui aussi alors que le vicomte met en avant la loyauté qu'aura Édouard. Ceci d'une part, et même le simple fait que pour le baron il soit hors de question de le laisser risquer de retourner sans rien à la rue, achève de le convaincre. Il confirme d'un hochement de tête que l'interné aura bel et bien sa place en son domaine, avant de se concentrer sur le nom de Donna Despina qui fait réagir aussitôt le Ministre.
"Vraiment ? Hm. Alors il y a eu quelque part un grave manquement pour que le nom d'une personne de sa qualité et aussi riche, venue de l'étranger, soit passé outre votre connaissance. Et même la mienne. Moi-même je n'ai découvert son existence qu'en faisant mener une inspection aux docks, où avaient lieu des fraudes fiscales et des abus de pouvoir qu'il était urgent de faire cesser. Heureusement pour cette Donna Despina, elle n'était en l'occurrence pas coupable." Il ne peut qu'approuver : quelque chose de suspect se loge tout de même dans le grand silence fait autour d'une aussi influente femme rentrée sur le territoire et son dossier mérite d'être surveillé. ce qui, en un sens, pourra être fait si Lavinia coopère quelques temps avec Despina en vue de ses créations de mode : voilà qui permet de garder cette étrange aristocrate sous la main, tout en s'assurant que pas le moindre impair ne soit commis dans les relations avec sa fille.

Le seigneur de Frenn accuse le coup en apprenant que le Ministre est informé de l'outrage commis par Thierry sur Lavinia. Pas tant parce qu'il aurait préféré que cela ne se sache pas à Fromart : après tout Lavinia et Bérénice se fréquentent et c'est d'ailleurs sans doute de cette façon que le vicomte - par ricochet - s'est trouvé informé de cette abjecte affaire. Mais plutôt parce que le Premier Conseiller prend encore comme une honte personnelle de n'avoir pu empêcher cela, autant que la triste révélation récente quant au fait que l'Evêché ne se soit toujours pas remué. Les paroles de Coldris le ramènent à ces tristes constats. En revanche, il lui semble pouvoir faire confiance au Ministre, au nom de l'amitié entre Lavinia et sa propre fille, quant au fait qu'il n'ira pas se servir ici ou là d'une telle information ou la faire s'éventer dans le beau monde. Dyonis se montre du reste sensible à la promesse que lui fait le seigneur de Fromart : il ne défendra pas Thierry d'Anjou. Doit-il cependant comprendre entre les lignes que le vicomte et ce sale porc aient eu par ailleurs quelque amitié, pour qu'il lui faille préciser que sur ce coup il ne le secourrait pas ? Le Premier Conseiller n'apprécie pas grandement l'idée mais n'en montre rien.
De même qu'il dissimulera tout de sa vive contrariété tandis que, en homme buté qu'il peut être, il s'irrite à ce qu'il entend pour terminer. Il n'est pas franchement agréable de s'entendre donner des leçons de paternité. "Je l'ignorais en effet. Elle n'a suivi ni plus ni moins que la formation de quasiment toute les jeunes filles de bonne famille." dit-il pour la forme... mais en culpabilisant au fond - et en sachant très bien dans le secret de son âme que, quelque part, sans qu'il sache quoi, quelque chose a déraillé dans l'instruction de Lavinia. Ces derniers temps lui ont confirmé à quel point sa fille se dévalorise et n'entend rien à certaines choses. Mais par le Ciel ! Toutes les demoiselles passant en institut ne s'auto-flagellent pas de la sorte ! A-t-elle eu des enseignantes particulièrement douteuses ? Ou y a-t-il autre chose qu'il ignore encore ? Ou... tous ces pères qui mettent leurs filles dans ces institutions - et dont il fait partie - sont-ils un peu trop dupes quant à ce qui s'y prêche réellement ?
Il ajoute néanmoins très sincèrement : "Je vous suis fort reconnaissant de votre soutien pour ce qui est du prêtre. Des démarches sont en cours. Il sera hors d'état de nuire d'ici moins d'une semaine, j'y compte bien." L'autre regret non exprimé de Dyonis réside en cela que - comme plus tôt lorsqu'il avait été question des avortements - l'instruction des garçons ne soit pas aussi rigoureuse et responsabilisante qu'elle l'est pour les femmes. S'il reconnaît bien volontiers qu'il est lui-même d'une austérité qui ne sied pas à tout le monde, ne se pourrait-il pas faire moins de débauchés, de libertins, de coucheurs inconséquents, de père Thierry, sans dans bassesses desquels il y aurait déjà moins de femmes réduites à s'avorter ou à subir des avanies ? Quand bien même - il est est aussi conscient - l'éducation en puisse pas non plus tout... "Et pour ce qui est de Lavinia, la voilà fraîchement rentrée après des années sans que nous nous soyons vraiment vus et je découvre moi aussi bien des choses." prend-il note tout de même, inquiet lui aussi de ce qui pourrait encore lui arriver. "D'urgentes conversations semblent s'imposer avec ma fille."

Tout concentré sur ses perspectives relatives à Lavinia et Thierry, Dyonis aura laissé passer quelques instants silencieux au milieu des secousses du carrosse. Ses yeux quittent parfois leur fixité pour partir en flèche par la fenêtre, sur quelque bâtisse ou quelques artisans affairés ay loin le long du chemin, avant de revenir piquer vers ses prothèses croisées sur ses jambes. Alors que le palais commence à se dessiner au loin, le Premier Conseiller, faisant mentalement le tour de ses affaires, saisit alors l'opportunité de cette visite avec le vicomte pour aborder un autre point pour le moins délicat - c'est décidément la journée. Il en a fait la promesse à Kalisha. Il ne peut pas laisser cela sans rien faire !
"Cher vicomte, reprend-il, j'ai conscience que le lieu n'est peut-être pas le meilleur pour entrer dans le détail de l'affaire que je vais vous exposer, toutefois elle ne saurait souffrir plus d'attente et c'est en votre qualité de Ministre des Affaires étrangères que je me dois de vous la soumettre." Il fera sortir par son secrétaire une copie des mots qui ont été écrits à Kalisha et la présentera au seigneur de Fromart. "Voici ce que la princesse Kalisha a récemment reçu. Et d'après les enquêtes que j'ai évidemment commencé à faire mener suite à cela, il semblerait que Djerdan se soit bien acquitté de sa part du marché. Si le contenu de cette missive est exact - exception faite des propos déplacés quant à la qualité de pécheresse de la princesse - c'est d'une extrême gravité pour l'honneur de Monbrina. Cela voudrait dire que nous nous apprêtons à déclarer injustement la guerre à notre voisin. Se peut-il que quelqu'un à Djerdan se soit joué à ce point de la dignité de son pays pour faire subtiliser les envois ? Ou que quelqu'un de Monbrina n'ai eu que faire de décrédibiliser son Empire en déclenchant une guerre imméritée ? Auriez-vous de votre côté reçu quelque information relative à cette affaire ? Oh bien entendu, je demeure sur mes gardes et rien ne confirme encore pleinement la véracité du courrier reçu par la princesse, toutefois de gros doutes pointent." Enfin, sur un petit haussement de menton, Dyonis demande sans parole au Ministre ce qu'il pense en somme d'une telle mésaventure.
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Message par Coldris de Fromart Ven 12 Fév - 15:22



Dyonis sembla entrevoir l’avantage d’un Édouard à son service. La loyauté, c’était la plus importante des qualités. Il aurait même pu en faire un espion : il était si facile de se confier à un muet en s’imaginant que les secrets ne s’ébruiteraient pas. Non, vraiment, Coldris lui aurait trouvé une place chez lui s’il n’avait pas été Ministre des Affaires étrangères et de la Guerre. D’ailleurs, il se demandait toujours comment il était possible que cette Donna Despina ne lui soit pas connu. Cette affaire était décidément bien étrange et le baron lui confirma lui-même n’avoir découvert son existence que par un fortuit hasard. Le Ministre secoua la tête gravement. Elle n’était peut-être coupable de fraudes fiscales, mais le sujet serait creusé, jusqu’à la rencontrer pour lui rappeler les bases de la politesse monbrinienne.

Sa surprise n’était pourtant rien comparativement à celle que le Premier Conseiller accusa en découvrant qu’il savait tout de l’affaire Lavinia-Thierry. Ce qu’il ignorait en revanche, c’était la multiplicité de ses sources. On en revenait toujours au même point : l’information était la clé de voute de toute discussion. Coldris ne releva pas son irritation et garda pour lui un sourire à l’évocation de l’éducation des jeunes filles de bonne famille. Ah ! C’est sûr ! Lavinia n’avait jamais dû escalader les étagères de la bibliothèque du domaine pour y voler les livres les plus sulfureux, soigneusement rangés hors de portée. D’une part, car il en aurait mis sa main au feu, Dyonis aurait récité l’évangile de Luc à l’envers en apercevant l’un de ces ouvrages, et d’autre part, car sa fille avait été élevée par de bonnes sœurs qui lui avaient rabâché à longueur de journée que la maternité était un cadeau de Dieu. À se demander pourquoi, ces fameuses sœurs ne recevaient pas de présent, elles qui L’aimaient tant. Il aurait pu discourir longtemps sur les aberrations religieuses, mais sans doute pas avec cet interlocuteur. Tant pis. Il opina donc du chef au sujet de Thierry. Cela ne le concernait plus comme il l’avait dit. Dans un sens, comme dans l’autre. De nouveau, il acquiescera à la mention de Lavinia. Cela non plus ne le regardait pas et d’ailleurs, maintenant que son père était au courant, Sarkeris pourrait bien combler ses manquements éducatifs si cela lui chantait.

Le silence revenu, Coldris se perdit dans la contemplation du paysage urbain qui défilait derrière les vitres de la voiture. De petites scènes de vies anodines qui lui rappelaient inévitablement son arrivée à la capitale lorsque c’était lui, qui s’arrêtait sur le bord de la route pour admirer les carrosses entrer au Palais Royal. Ce fut de nouveau son collègue qui rompit le silence pour évoquer un sujet professionnel cette fois-ci. Djerdan. Il entrelaça ses doigts et écouta gravement. Quelque chose lui disait que cela n’allait pas lui plaire du tout. Et pour cause. La Princesse Kalisha avait couru dans les bras du Premier Conseiller. Elle aurait pu venir le voir directement, il aurait su la consoler de son déplorable mariage. Il décroisa ses doigts pour se saisir de la lettre en question qu’il parcourut avec sévérité. Sarkeris n’avait laissé aucun survivant. Il n’y avait aucune raison de s’inquiéter outre mesure, il avait conscience en son fils. Quant à la guerre. Oh il lui aurait bien répliqué qu’une guerre était juste quand elle était nécessaire et donc qu’il suffisait de la rendre nécessaire pour la rendre juste (et Machiavel n’avait pas poussé le vice jusque là lui) mais c’eut été s’exposer inutilement. Il se contenta donc de boire avidement chacune de ses paroles comme s’il découvrait toute cette machination, haussant légèrement les sourcils d’un air outré à l’idée qu’un traitre puisse se cacher dans leurs rangs.

Coldris lui rendit son courrier et avoua sérieusement :

- C’est fort embarrassant en effet, mais comme vous le soulignez la prudence est de rigueur et il sera fort compliqué de démêler le vrai du faux. Sans parler du fait que je ne fais guère confiance aux registres commerciaux -sur lesquelles apparaissent inévitablement la transaction- et qui ont pu être falsifiés.

Le ministre jeta un coup d’œil pensif par la fenêtre et reprit à quelques secondes

- J’ai bien peur que cela soit bien plus grave que ce que vous envisagiez. Je ne pense pas qu’il y ait de traitres ici. En revanche, il plongea son regard bleu glacier dans le sien il est possible que ce soit une tentative de déstabilisation de notre Saint Empire afin de le déliter de l’intérieur. Quand on ne peut pas gober le poisson, on peut toujours le déchiqueter.

Il secoua la tête. Dyonis comprendrait : les grands empires périclitaient par leurs failles internes et non par leurs ennemis extérieurs. La plus grande faiblesse d’un empire c’était l’empire lui-même. Oh bien sûr c’était parfaitement faux, quoique parfaitement probable, mais en bon chasseur qu’il était, il savait que le cerf devait donner le change pour avoir la vie sauve. En revanche, il avait désormais une nouvelle biche sur sa liste.


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Message par Dyonis Howksley de Frenn Sam 20 Fév - 13:37

Les occupations citadines occupent un temps le regard des deux hommes, le long de la route empruntée par la voiture. Jusqu'à ce que Dyonis reprenne la parole pour faire au Ministre ces révélations concernant de Djerdan. Le sujet paraît contrarier Coldris qui croise les doigts devant lui et l'écoute avec toute la gravité qu'un tel sujet appelle. Les deux hommes sont concernés au plus haut point - et Sa Majesté par corollaire. Les prunelles sévères du vicomte parcourent les mots retranscrits d'après les déclarations de la princesse Kalisha.

L'exigence de prudence est soulignée par le Ministre à son tour. Dyonis lui-même n'exclut aucune hypothèse alors qu'il fait poursuivre avec acharnement - peut-être désespérément - les enquêtes. En effet non, tout ne peut pas se trouver dans des colonnes de chiffres comme cela vient d'être le cas avec l'Hôpital Général. "J'essaie actuellement de remonter la piste de chaque acteur impliqué dans ce traité, de chaque personne entre les mains desquelles ont pu passer - ou non - ces envois de Djerdan. La chose est ardue et je suis surpris que mes hommes n'en aient encore retrouvé aucun. J'aurais aimé recouper leurs dires, étudier leurs emplois du temps et autres éléments susceptibles de nous renseigner. Je commence à me demander où ont pu passer ces gens."
Plus grave encore, il lit ensuite entre les mots du vicomte un avertissement sur une hypothétique trahison de l'intérieur même de Monbrina. Quelqu'un de Djerdan ayant pu chercher à semer le trouble in situ. Ses idées se tournent immédiatement vers Kalisha, comme il a déjà pu le faire au cours de ses réflexions : en bon homme de loi, le baron n'avait rien négligé et même tenté de faire taire sa sympathie pour la jeune femme derrière l'exigence de froide neutralité analytique. La Djerdanne aurait toutes les raisons d'un mauvais coup. Un mariage désastreux. Des propos outrageants de la part de sa propre famille. L'hypothèse a été pénible à envisager, cependant Dyonis ne l'a pas écartée. "J'ai étudié cette possibilité. Aucune ne doit être laissée à part. Il me faut cependant vous confier que, de ce que j'ai pu voir de la princesse Kalisha en plusieurs occasions, je serais pour le moins surpris de la voir ourdir une machination de cette nature. C'est une très jeune femme. Très émotive" pointe-t-il en se rappelant bien de son malaise au moment du Triomphe. "et... même quelque peu maladroite. Nous parlions de ma fille plus tôt, mais quand la comtesse de Monthoux est venue me parler en décembre, elle aussi a fait assez fort en matière de propos gênants par d'éventuels sous-entendus qu'elle était à des lieues d'y voir." Il se pince la joue au souvenir des compliments de Kalisha, qu'il avait trouvés aussi touchants que gênants, maladroit mais pleins de sincérité quant à ce qu'ils criaient de son malheur. Et Dyonis avait voulu l'aider. Ses traits se durcissent néanmoins. Il complète : "Oh bien sûr, on ne sait jamais ce qui se passe réellement dans les cœurs et esprits. Nous pourrions imaginer une jeune femme bien plus maligne qu'elle ne le montre, ou alors ayant des complices. Cela serait fort surprenant, je persiste à trouver cette configuration très peu probable - tandis que l'autre partie de moi avec son intérêt pour les statistiques et probabilités me dit de la garder tout de même en un coin de tête."

Vraiment, voir en Kalisha une traîtresse lui semble effarant. Au moins le Ministre est-il désormais informé de ses recherches. De ses doutes. Et craintes pour l'éthique de l'Empire. Il y avait un pacte. Si celui-ci a été tenu, le guerre n'a pas à avoir lieu. L'idée d'une tombée injuste sur Djerdan demeure au travers de la gorge du Premier Conseiller. Oh bien sûr, si traîtrise il y a eu de la part d'un Djerdan ou d'un Monbrinien ayant subtilisé les envois, cela ne se saura peut-être pas. Pour autant, l'Histoire sait prouver qu'en bien des occasions, elle fait parfois ressurgir des décennies après des renseignements invitant à tout reconsidérer. Que penserait-on d'un Empire qui trahit ses pactes ? "Je voudrais tirer cette histoire au clair afin d'éviter à notre roi et à l'image de notre Empire un déshonneur dont il pourrait avoir du mal à se relever si quoi que ce soit nous échappait actuellement mais finissait par éclater. Surtout dans la mesure où Monbrina entretient des relations assez sérieuses avec l'Empire d'Espagne et autres puissances d'Europe."
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Message par Coldris de Fromart Lun 22 Fév - 15:06



Cette lettre ne lui plaisait pas du tout. Et certainement pas pour les mêmes raisons que le Premier Conseiller. Ce maudit chien ne lâcherait rien tant qu’il n’aurait pas trouvé d’explication rationnelle. Évidemment qu’il ne trouvait rien ! Il était au moins aussi méticuleux que lui lorsqu’il s’agissait d’ourdir un tel complot. La seule variable résidait dans la partition en sel majeur jouée par Sarkeris. Un seul survivant et ce serait la fausse note assurée. Il avait littéralement remis sa vie entre ses mains. Si finir décapité pour haute trahison passait encore, il était hors de question de finir emmuré. Cette simple idée le terrorisait à un point qu’il était difficile d’imaginer. Coldris allait devoir rapidement lui trouver un autre lièvre à courir afin d’obtenir la paix. Le savoir en train de gratter dans ses petits papiers à la recherche de l’irrégularité commise ne lui plaisait pas le moins du monde et c’était là un doux euphémisme.

Il avait visiblement envisagé la possibilité d’un traitre djerdanne. Parfait. Il n’avait plus qu’à lui en fournir un, pour abreuver son assoiffante curiosité, si le baron ne daignait pas laisser l’affaire de côté. Il trouverait bien un quelconque marchand à charger du rôle de bouc émissaire. C’est avec son sourire non feint et légèrement amusé qu’il écouta Dyonis faire étalage de ses rencontres avec la jeune princesse. Il lui aurait bien rappelé que le sort des princesses de son pays n’était guère différent des jeunes filles éduquées au couvent, mais il jugea préférable de conserver le silence, non sans se demander ce que cette dernière avait pu avouer à l’implacable homme d’État qui se reprenait déjà de ses discrets égarements.

— C’est une jeune femme tout à fait charmante, je le reconnais. Vous semblez bien proche d’elle. ses commissures se retroussèrent. pour tout vous avouer, j’ai bien songé à vous proposer ce mariage durant un temps. Étrange coïncidence, n’est-il pas ? Elle aurait sans doute gagné à vous avoir comme époux.

Il lui adressa un sourire attendu avant de reprendre bien plus sérieusement

— Il ne faut négliger aucune piste. Elle n’est pas la seule djerdanne ici à Monbrina. Elle aura pu obtenir des appuis auprès de certains négociants qui ne voient pas d’un très bon œil l’arrivée du Saint Empire à leur porte. Peut-être n’est-elle d’ailleurs qu’un simple pion dans une machination bien plus vaste. Ce ne serait, à vrai dire, pas étonnant.

Sans rien en laisser paraitre, Coldris songeait déjà à la façon dont il pourrait orienter l’affaire pour l’éloigner le plus possible de sa personne si les choses commençaient à se complexifiait. Il n’oubliait pas non plus les informations fournies par Thierry concernant l’ascension inespérée du baron au poste de Premier Conseiller. Un atout qu’il gardait bien à l’abri dans sa manche.

— Si j’étais à votre à place, je ferai plutôt en sorte d’enterrer profondément cette affaire tant qu’il en est encore temps. Il n’y a que trois personnes actuellement au courant. Brûlez donc cette lettre et assurez-vous du silence de la Princesse puisque vous semblez avoir sa confiance.

Il lui aurait bien suggéré de la baiser si cela s’avérait nécessaire pour obtenir son concours, mais il doutait que le zèle de ce triste sire aille plus loin que quelques loukoums agrémentés de sourires mielleux.

— Ne faites pas cette tête. Ce n’est pas avec de bons sentiments que l’on conserve un Empire de cette taille. Vous allez trouver le coupable, et quoi ensuite ? Effectuer un mea culpa public ? Et pourquoi ne pas leur donner les clés de nos frontières directement ? Je vais vous dire, mon cher baron : le peuple n’a pas besoin d’un empire irréprochable, il a besoin d’un empire fort. Une fois éclaboussé, qu’importe que ce soit de boue, d’eau ou de sang : vous êtes irrémédiablement souillé et la risée de tous.

Pour un peu, il irait sacrifier son crochet sur l’autel de sa moralité sans songer aux effets pervers que cela occasionnerait. S’imaginait-il réellement que cet Empire avait été bâti uniquement grâce à la gloire et à la supériorité de leurs armées ? Charmant rêveur idéaliste que voilà qui allait devoir apprendre se taire s’il souhaitait conserver sa place.

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mar 2 Mar - 14:15

Un tel sujet a jeté un froid, et Dyonis ne le traite pas de gaîté de cœur, cependant il se devait de l'aborder sans tarder avec le Ministre. Au moins Coldris trouve-t-il amusant ce que son collègue lui rapporte de sa rencontre avec Kalisa en décembre - qui fut pour lui moins amusante que tout de même gênante. Heureusement que la conversation s'était ensuite tournée sur d'autres sujets avec la princesse. Et qu'il continue de sentir en elle surtout l'innocence de son jeune âge, son immense peine enfin d'avoir servi de monnaie d'échange à deux peuples pour lesquels elle n'est presque plus rien. Derrière l'homme de loi qu'est le baron, son cœur n'a pu que compatir à un tel sort. Il espère que, si Kalisha doit terminer ses jours malheureuse à Moinbrina, elle puisse trouver ici et là quelque amical réconfort, entre autres auprès de lui. Ou encore de sa belle-fille avec laquelle, de ce qu'il sait, elle a toujours eu d'excellents rapports et autant d'affinités artistiques.

Malgré tout, pour l'heure cela doit rester en sourdine et il lui faut considérer Kalisha au même titre que d'autres suspects. Alors que le seigneur de Frenn s'apprête à répondre sur ce point, il ne s'attend pas le moins du monde à être amené sur le terrain des... sous entendus ? taquineries ? ...que prononce le vicomte. Il pousse un rire un peu rauque, secoue la tête. Rien de cet ordre avec Kalisha, le Ministre peut en être certain. "J'en suis honoré." répond-il sans davantage de formalité quand le sieur de Fromart lui avance malicieusement avoir pensé à lui comme époux. "Oh, il aurait été difficile de faire pire que le comte de Monthoux, la princesse aurait gagné avec n'importe qui d'autre." choisit-il de répondre, sobre. "Mais vous comme moi savons bien pourquoi le sieur Prosper a été l'heureux élu." Il ne juge pas utile de développer, si ce n'est par un regard entendu. Le comte de Monthoux est un sot, trop heureux de faire la volonté du roi et d'être bien en Cour pour poser la moindre question. Trop bête pour fouiner dans une affaire suspecte relative à Djerdan... comme par exemple - quel heureux hasard - celle qui les préoccupe ici. Et, enfin, trop content de faire bonne chair pour avoir apprécié ce sang neuf en passant outre ses origines étrangères - que d'ailleurs Prosper n'a fait que mépriser.

Le sérieux revient vite. Et le moins que l'on puisse dire est que Dyonis est surpris de voir le Ministre des Affaires étrangères, l'un des premiers concernés et outragés pour actions menées par un mystérieux traîtres venu s'immiscer dans la politique entre Monbrina et Djerdan, préférer ne pas creuser cette affaire. Il garde la remarque pour lui mais les traits tirés de son visage demeurent quelque part entre la circonspection et l'interrogation. Oh, il comprend la logique : ne pas éclabousser l'Empire d'un scandale, toutefois y aurait-il moyen d'enquêter discrètement et de punir l'individu sans alarmer tout l'Empire ?
"J'ai en effet ma petite liste de ressortissants Djerdans habitant ici sur le territoire, car nous sommes d'accord sur le fait que la princesse Kalisha n'a rien d'une comploteuse à grande échelle - ou du moins pas toute seule. Je creuse du côté d'autres immigrés." (Un temps, sentant le Ministre s'animer en ses questions - quoique dites avec la froide distance professionnelle) "Entendons-nous, j'espère précisément ne pas avoir à remuer tout Monbrina. Et résoudre cette déplaisante affaire avant que les choses soient engagées trop avant et poussent à fournir des excuses publiques, ce qui ainsi que vous le soulignez ne pourrait que discréditer le gouvernement. La guerre n'est pas encore officielle. L'affaire n'intéresse pas encore grand monde à la Cour. J'ose espérer avoir le temps. Et au pire, faire les choses discrètement : trouver et punir cette - ou ces personnes - qui ont osé se moquer et de Monbrina et de Djerdan. Il me paraît dangereux, et injuste, de les laisser courir quelque part sans problème."
Tout cela néanmoins ne reste que projets, tant - ainsi qu'il l'a confié - son enquête bat de l'aile. Dénichera-t-il jamais ces traîtres à la parole de deux pays ? Un instant, il songe à ses propres errances éthiques. Que se passerait-il si un jour un enquêteur acharné lui mettait également la main dessus ? Oh, l'affaire serait ardue : ce qui est arrivé à huis-clos entre la muette et le roi promet de ne jamais se révéler, avec la mort de cette infirme en prison. Mais imaginons... Plus d'une fois, le baron y a pensé. Plus d'une nuit il s'est vu allait face à la Justice et assumant la sanction qu'une Cour estimerait bon de lui infliger si cela se présentait. Un instant, il cherche à se rassurer par la conviction que, pour un poste mal acquis, il fait d'honorables choses avec... alors que l'individu qu'il recherche va déclencher pas moins qu'une guerre entre l'empire monbrinien et un voisin qui a été de bonne foi - si évidemment Kalisha dit vrai. Vaine et stérile comparaison, cependant ; il se reprend dès la seconde suivante : lui qui cherche un fautif, il ne l'est pas moins dans son registre. La seule question serait de l'accepter un jour.

Le souvenir de son usurpation ramène ses pensées vers Alexandre et Tristan. Alexandre qui appartient désormais à Coldris et s'est - il faut le reconnaître - très bien comporté à l'Hôpital Général. Le seigneur de Frenn revient à l'idée qui l'avait happé à la vue du jeune infirme aux côtés du vicomte - idée qu'il mûrissait déjà lors de sa rencontre... farcesque... avec Thierry et Alduis : signer l'affranchissement du garçon. Reconnaître quelque part de cette façon la trop grade sévérité avec laquelle il l'a traité. Toutefois Dyonis se ravise : il n'est ni l'heure ni de bon ton d'en venir à une considération de cette nature, juste après une conversation de politique étrangère aussi grave. Conversation qui de plus fait ressortir une fois de plus les désaccords entre eux, pour tout le respect et l'excellente coopération dont ils sont capables par ailleurs.

Ce sera donc de nouveau en silence que l'attelage du Premier Conseiller passera les portes du palais. Une visite fructueuse de l'Hôpital Général qui s'achèvera sur un voyage tendu. Mais nécessaire. Dyonis se devait de soulever tous ces points avec son collègue - de Thierry d'Anjou à Djerdan en passant par Donna Despina. Sachant du reste que le vicomte n'allait pas tarder d'amener au roi son nouveau jouet - et que Sa Majesté ne tarderait pas davantage à ré-organiser une de ses réceptions pour les membres de son gouvernement, quoique pas au goût du baron - il reverrait vite Coldris. En de meilleurs dispositions l'un et l'autre. Ce qu'il faudrait pour aborder sereinement l'avenir d'Alexandre et, tant qu'à rester dans le sujet des infirmes, la stratégie à adopter vis-à-vis des lubies de Gérald der Ragascorn concernant les phénomènes. Dyonis ne démordait pas de l'idée que, pour tout le plaisir qu'elles procuraient au roi - et tout le confort octroyé aux membres de sa collection... - cela ignorait totalement l'écrasante majorité des estropiés de cet Empire. Peut-être serait-ce là encore idéaliste, mais le baron osait espérer démontrer un jour à Gérald Der Ragascorn que, s'il aime vraiment les invalides comme il le prétend, il n'en prendrait pas que quelques-uns comme joujourx mais œuvrerait à l'inclusion de tous. Le roi en serait lui-même gagnant ! Il est bête de se priver des compétences et de la force productive de gens certes différents, mais en mesure d'être insérés.

Son Premier Conseiller manchot ne fait-il pas un travail dont le roi n'a pas à rougir ? Même s'il est le seul infirme non amusant de l'entourage du monarque.
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Message par Coldris de Fromart Jeu 4 Mar - 22:40



Oh oui l’un comme l’autre savait pourquoi la princesse avait épousé le comte dont la silhouette était aussi  massive que sa personnalité absente. Un homme lisse, sans histoire, désireux d’être dans les bonnes grâces royales, le pigeon parfait à farcir d’une épouse étrangère. Si une chose ne fonctionnait pas dans ce mariage, c’était bien que l’époux grossissait plus rapidement que sa femme. Il répondit donc d’un écho à son regard entendu.

Dyonis semblait surpris de sa volonté de ne pas ébruiter l’affaire et clairement, il aurait pu ne pas être concerné directement, que cela n’aurait strictement rien changé. Quand comprendrait-il qu’il était à sa place pour donner l’illusion de la morale nécessaire au gouvernement et non pour moraliser le pays ? On avait bien assez de ces foutus arlequins de l’évangile et autres polichinelles de procession pour cela. Bien sûr qu’il avait une liste, oh oui ! Il n’aurait qu’à lui signifier un ou deux noms un peu louches, il y’en avait bien d’ailleurs qui lui sautait à l’esprit Salman Al’Saafir par exemple, qui entretenait des liens bien trop étroits avec les autres ressortissants étrangers. Qui donc avait plus d’amis étrangers que monbriniens à Braktenn ? On se le demandait. Ou bien encore la belle Parvaneh Eskandari. Il y en avait d’autres, moins suspects, mais plus embarrassants que Coldris aurait été ravi de voir débarrasser le plancher. Ce qu’il y avait de bien avec les affaires de trahison, c’était que comme celle de sorcellerie on cherchait rarement midi à quatorze heures du moment que l’on avait une tête à couper. Tant que ce n’était pas la sienne, peut lui importait celle qui tomberait. Cependant, si Dyonis voulait résoudre cette affaire avant d’engager la guerre, eh bien il ferait tout pour que cette ultime campagne soit lancée aussi vite que possible. La dernière chose qu’il fallait, c’était de laisser au Royaume de Djerdan la possibilité de trouver des alliés pour l’aider à repousser l’envahisseur hors de ses frontières.

Au fond, Coldris avait surtout envie de rire de le voir se démener dans cette partie de colin-maillard dont il était le chassé. Que dirait-il s’il savait qu’il était lui-même à l’origine de ce problème de livraison ? Et qu’il ne vienne pas lui rebattre les oreilles avec ses bons sentiments et sa droiture. Quitte à se montrer rigide, il ferait mieux de l’utiliser à bon escient et en bonne compagnie, cela ne lui ferait pas de mal, car l’homme si atrocement sobre n’était pas aussi blanc qu’il le paraissait et il ne manquerait pas de lui rappeler : il savait ô combien le baron pouvait se laisser ronger par cette dévorante culpabilité qui le grignotait sans cesse et comptait bien en jouer.

Le voyage se poursuivit dans un silence religieux. Ses pensées s'étaient tournées vers d'autres sujets depuis un moment déjà. Il songeait à ses différents dossiers en cours qu’il passa en revue mentalement, prenant soin d’établir une liste de directives pour chacun d’entre eux et ne put même s’empêcher de penser à cette soirée au théâtre qui approchait à grands pas et plus encore à celle qu’il allait revoir. Si ses journées d’insomniaques étaient parfois longues, ces dernières étaient devenues interminables. Il avait relu plusieurs fois sa lettre, admiratif de cette bonté et de cette douceur pleine de force qui s’en dégageait, et il avait regretté au moins autant de fois de ne pas pouvoir la serrer contre lui. Le savait-elle à quel point elle était admirable ? Et venant de Coldris, c’était peu dire qu’un tel compliment.

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Message par Le Cent-Visages Dim 14 Mar - 21:15

Trigger warning - Sang, grande violence, actes de torture:

¤ 6 janvier, fin de journée ¤


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Théa (27ans) et Édouard (35 ans), internés

À peine le Ministre, le Premier Conseiller et le garçon qui les secondait furent-ils raccompagnés... que Théa trottina jusqu'à venir sautiller autour d’Édouard. Elle s'était dépatouillée pour déjouer la vigilance d'un gardien et retrouver la souillarde, où elle avait entendu qu'à cette heure son camarade stockait les seaux d'eau qu'il était allé puiser. En percevant le pas enfantin de son amie, le vétéran essuya son front, se redressa puis se retourna vers elle, sourire aux yeux et à l'arrondi de ses joues.

« Alors ? Alors ? Alors ! Comment ça s'est fini avec les trois gentils Monsieur ?! »

Elle agita les poings devant elle avant de triturer les coins de son vieux tablier. Théa ne savait pas lire : avec elle, Édouard devait redoubler de gestuelle et s'accompagner de dessins. De ses mains ouvertes traçant un arc-de-cercle devant son visage qu'il rendit émerveillé, il signa un ''magnifique'' – et apparemment elle le comprit, à en croire ses nouveaux petits bonds et sa mine ravie.

« Alors le garçon aux béquilles, c'était pas un nouveau pensionnaire ? »

Le défiguré secoua la tête. Il esquissa cependant Kirm sur son ardoise, puis pointa les extérieurs de l'Hôpital Général. Théa fut un peu lente à comprendre, Édouard insista puis tous deux se réjouirent.

« Et... Et quoi d'autre ? »

Édouard réfléchit un court instant. Il dessina sur son ardoise une tête sévère, perruquée de rouleaux, qu'il tint en évidence devant eux d'une main, tandis que de l'autre il agita un doigt sermonneur accompagné d'un grognement mécontent. Théa éclata de rire. Édouard avec elle, d'un tressautement de glotte, tant l'hilarité de sa comparse se communiquait elle aussi. Elle s'assura :

« Tu veux dire... tu veux dire... que Monsieur Berlingtham, il a été grondé ? Oh la la la la la la ! » fit-elle durer d'une bouche arrondie, secouant la main devant comme quand quelqu'un avait fait une bêtise.

Enfin elle se calma et ouvrit sa paume pour inviter son camarade à un ''tope-là'', que le vétéran lui donna aussitôt. Ils en avaient l'habitude quand quelque chose d'un peu réjouissant arrivait. Et Théa, même si au fond elle n'arrivait pas vraiment à dire pourquoi, elle était quand même contente qu'on ait grondé Berlingtham : c'est vrai qu'il était un peu sévère, et puis elle ne comprenait pas ses raisons.

« Et moi ? Ils ont pensé quoi de moi ? » s'égosilla-t-elle.

Le muet voulut lui faire plaisir – or il ne mentirait pas : les visiteurs avaient été émus par l'adorable petite femme. Il étira devant elle un invisible fil horizontal de ses doigts en pince : ''for-mi-dable'' ! Puis il traça un cœur à son ardoise. Ce qui eut pour effet de faire derechef dansoter Théa autour du vétéran. Elle lui tendit les bras. Ni une ni deux, Édouard la prit dans les siens et, sans trop savoir pourquoi – l'espoir en l'avenir ? le simple bonheur de la voir toute guillerette ? –  il fit pour elle quelques tours d'un pas de danse, auquel le rire de Théa servit de musique. Puis Édouard réfléchit plus clairement : une idée. Quand ces Messieurs reviendraient le ''récompenser'' ...il ne savait pas en quoi cela consisterait, mais s'il s'agissait de le faire sortir : et s'il demandait à ce que Théa vienne avec lui ? Kirm, Théa et lui... tous trois dehors ! Oh oui, s'il pouvait, le défiguré demanderait ! Dehors ! Édouard allait revoir le monde extérieur pour la première fois depuis dix-sept ans !
Sortir... pour aller où ? Accompagner Kirm au palais, ça, il avait retenu. Et ensuite ? Retrouverait-il un travail, lui qu'on avait arrêté dix-sept ans auparavant pour parasitisme, faute de n'avoir été embauché nulle part ? Oh, le Ministre et le Conseiller auraient pensé à tout, se rassura-t-il. Et Théa, il s'en occuperait comme d'une petite sœur. Pour eux deux il gagnerait sa paie. Tous ces projets luisaient dans ses yeux verts et sa joie se transmit à Théa qui sifflota tout en profitant de la danse.

« Eh tous les deux vous foutez quoi ?! les interrompit un gardien. Théa, la soupe. »

Il regarda Édouard sans comprendre : qu'est-ce qu'il foutait cet abruti à danser comme ça ? Est-ce que son esprit venait de griller sa dernière cartouche ? Toujours fut-il qu'à regret, le vétéran déposa son amie à terre. Le surveillant s'éloigna pour aller guetter à l'entrée de la cuisine que la simplette arriverait, en même temps que les autres internés réquisitionnés à la tambouille. Elle fit la moue.

« Oh non déjààààà... »

Pour la consoler, Édouard se mit à sa hauteur. Main tendue contre sa bouche imaginaire, il y cueillit un bisou, qu'il déposa du bout des doigts à la joue de la petite femme. Elle l'enlaça une énième fois. On a jamais assez de câlins ! Son ami lui répondit d'un ronronnement – mais un de ces ronrons tout doux qu'il émettait lorsqu'il était content. Oh Théa adorait, quand il ronronnait ainsi. Édouard, c'était son grand chat, comme elle aimait le dire parfois ! Ce fut donc sur un hoquet de satisfaction qu'elle le quitta. Il lui fit un dernier coucou de la main. Elle rejoignit les cuisines à toutes jambes.


oOo


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M. Berlingtham, directeur ~ Georn (41 ans), gardien

La nuit était là. Elle se coulait par tous les pores. Édouard donna son ultime coup de brosse à la bassine qu'il astiquait puis se releva, pas mécontent d'avoir fini. Il frotta ses mains sur sa blouse, rajusta son masque. Bon. Restait à rejoindre le réfectoire où il recevrait sa soupe, dans sa gourde équipée d'un tuyau grâce à laquelle il pouvait manger liquide, directement à la gorge. Bien chaude, qu'il espéra ! Avec l'hiver et ce vent sifflant ce soir dans les coursives, le potage serait doublement apprécié ! Le vétéran se mit en route, enjoué – l'esprit plein des bonnes nouvelles en perspective.
À mi-chemin du corridor, il perçut un écho se coudre à ses pas. D'abord, il n'y prêta guère attention. Oh, juste quelqu'un d'autre qui arrivait. Sa marche décidée reprit. Mais l'écho le poursuivit telle son ombre. Tel un spectre. Mauvais silence. Très mauvais. Ils étaient maintenant plusieurs. Les poils d'Édouard se hérissèrent à ses bras : ça lui rappela ces embuscades au champ de bataille. Il accéléra. Son cœur aussi. Ça cognait. Et le voilà traqué, à faire résonner son pas de course à travers la vague des parois le long de son chemin. Souffle court. Borborygme sous son masque. Et ces maudits murs qui, au gré des ombres, lui donnaient l'impression de se resserrer comme un étau autour de lui !
Soudain, juste en face : un autre ennemi. Berlingtham. Cramoisi. Bouteille de pif encore à la main... Il était rond comme une queue de pelle. Mauvais. Très mauvais. Aussitôt le vétéran se rappela de ce que ça donnait en colère et en violence déchaînée, quand certains camarades à l'armée étaient ivres. Non ! Le directeur a bien entendu le Ministre ! Il ne sera pas assez bête pour me faire la peau, tenta-t-il de se rassurer... avant de revoir... cette. Maudite. Bouteille. De celles qui faisaient perdre pied. L'alerte rouge se déclencha dans son esprit. Demi-tour. Mais il y en avait trois autres derrière lui. Avec des matraques. Et le surveillant Georn, avec un canif. Lui aussi, il avait bu. Merde.

Grognement de colère. Énergique inspiration. Édouard serra les poings. Pas le temps de se lamenter sur les espoirs qu'il avait eus trop vite. Il n'allait pas se rendre aussi facilement, ah ça, non ! Il partit comme une balle sur Berlingtham, de tout son poids en avant pour le renverser – ce qui ne fut pas dur vu son état – et ainsi se libérer le passage. L'interné enjamba le directeur, dévala l'allée, les trois autres sur les talons. Il put gagner du temps : ça s’occupait, à l'arrière, à relever Monsieur.
Édouard s'engagea dans une réserve. Il y aura bien de quoi s'armer ? Il repéra une longue tringle en métal – une qu'on allait changer bientôt en haut d'une fenêtre – qu'il saisit sans attendre. Voilà, ce serait plus ou moins sa pique de jadis. Il sortit, enfiévré d'une rage à combattre comme il n'en eut pas depuis des lustres. Pas question de faciliter le travail aux roquets qui revenaient à la charge !

Fonce, soldat Édouard !

Sa cavalcade à travers les couloirs reprit. Ses yeux grands ouverts fouillaient les environs. Il alla ici, bifurqua là, avança. Fenêtre. Il fallait une fenêtre ! Oh elles étaient toutes verrouillées et l'interné le savait. Mais... peut-être que de toutes ses forces... S'évader... Édouard y avait plus d'une fois pensé sans trouver de plan opérationnel. Et puis... s'évader pour quoi ? Mendier et parasiter de nouveau ? Être ré-enfermé ? Ou roué vif ? Ou... Sans compter les camarades auxquels il avait fini par s'attacher.
Mais ce soir, il pensait s'enfuir. La mort était sur ses talons. Décamper. La rage aux poings, Édouard resta sur son idée fixe : fenêtre – objectif clair qui vous fait tenir au combat. Se tirer. Fenêtre. ''Papillon'', que l'appelait jadis son aimée après tout... Tant pis, pour la suite il verrait ! Et si on le reprenait, il se suiciderait. Il ne reviendrait pas, ne donnerait pas à Berlingtham le plaisir de le tuer.

Alors fonce, soldat Édouard !

La fatigue était là, de plus en plus forte. Il eut le malheur de ralentir un peu. Un gardien le rattrapa, Georn le rejoignit pour envoyer un coup de matraque. Cri guttural. Il fit valser sa pique improvisée à la tête de l'ennemi. Tournoya. Planta sa tige à terre. Bondit. Frappa dans les jambes du second. Ça hurlait. Ça cognait de toutes parts. Il resta à Berlingtham assez de présence d'esprit pour aller clore les deux portes de part et d'autre de la salle où ils venaient d'entrer. Ne pas attirer d'autres gardiens. Encore moins des internés ! À cette heure-là, heureusement, ça priait à l'autre bout du bâtiment.
Réflexes en joue, Édouard arrêta d'un coup à l'entrejambe le directeur qui arrivait maintenant sur lui avec le canif emprunté à un de ses sbires. Puisant toutes ses forces, le vétéran éloigna les autres de sa pique dessinant de beaux cercles autour de lui. L'arme dansa. En haut, en bas, dessus, dessous ses bras, à terre, au dos d'un qui approchait. Véloce et habile, l'arme fendait l'air. Le défiguré, tenaillé par l'urgence, sentait ses manœuvres instinctives du champ de bataille lui revenir à la charge. Il prit un coup à l’œil, faillit s'écrouler dans un frémissement de douleur. Se rattrapa. Son corps électrisé plongea contre l'ennemi, ses pieds frottant au sol tel un taureau en fureur. Son poids en avant et celui de la barre finirent par écarter l'adversaire.

[6 et 8 janvier 1598] Charité bien ordonnée... [ft. Dyonis, Coldris, Alexandre - RP sensible][Terminé] - Page 2 Derniz11

L'interné était essoufflé. Il consulta la pièce une fraction de seconde. Fenêtre ! Droit devant, soldat Édouard ! Il courut. Courut à perdre haleine comme il lui en sembla encore temps... Bras et pique en avant...

Brusque secousse. Strangulation. Ça le tira en arrière. Ça lui mordait le cou à pleines dents. Il comprit aussitôt. L'ardoise. Dans la cohue un des attaquants venait de parvenir à l'attraper par la corde de l'ardoise. Il tomba à la renverse en poussant un borborygme plaintif, étouffé, paniqué.
Assommé, la suite se passa sans qu'il parvienne vraiment à tout comprendre. Sa tête éclatée contre le carrelage lui semblait prête à exploser. La douleur insidieuse le grignota le long du corps. Édouard se débattit comme il put. Il avait perdu son arme trop loin de lui. Ça grommelait au-dessus de sa tête. Il y avait des insultes que l'interné ne comprit pas bien. Un crachat, ça, il le sentit.
Dans un réflexe d'horreur, Édouard tenta de porter les mains à sa face quand un gardien lui arracha son masque, rendant visible sa gorge à nu et sa trogne sans mâchoire. Mais on le tenait ferme. Il frémit. D'humiliation cette fois... Secoué de spasmes, il s'éreinta en tous sens – vainement – quand les coups arrivèrent. Les matraques. Rafale. Ça lui cassait les os. Les armes percèrent comme autant de dents en sa chair. Et il y eut un ceinturon. Le crochet du ceinturon. Nouvelle grêlée de frappes à lui rompre les membres. La douleur pulsait tellement çà et là qu'Édouard n'était déjà plus capable de la localiser. Il était douleur. Maintenu par ses ennemis, ses membres tressautaient piteusement. Ça lui rappela quand on l'avait ramené du front, pissant le sang, ligoté de partout sur le brancard pour empêcher tout son corps de se secouer. Édouard haletait, même si chaque respiration le perforait. Grognement plaintif. Sa glotte à nu battait sans arrêt : il pouvait bien crier, il n'avait plus de voix.

Qu'est-ce qui se passera quand ils vont revenir ?
Au moins... au moins Kirm...


Ses dernières forces le quittaient, il avait lutté jusqu'au bout. Capitulation, soldat Édouard. Il ne pouvait plus qu'être pantin désarticulé sous leurs frappes.

Un hôtel pour vétérans... Des comme les fils et beau-fils du Ministre...
Et pour l'hôpital général, maintenant ils savent.


Berlingtham et ses sbires se trouvaient réduits à de vagues taches mouvantes au-dessus de lui. Leurs expressions et leurs gestes restaient flous derrière la vitre embuée de ses yeux, exorbités de douleur, les veinules gorgées de sang. Et leurs paroles... Incompréhensible bouillie. Ils frappaient encore. Les tendons de ses articulations éclataient comme autant d'élastiques qui cassaient d'un coup sec.

Théa. Pierre. Harlon. Lina. Et tous les autres...
Camarades de bataille...
Le petit gars aux béquilles, aussi.


Il ne savait pas son nom, mais il l'avait bien aimé.

La lame du couteau vint luire devant ses yeux. Georn l'y agitait. Édouard se sentit bringuebalé, ballotté. L'ardoise arrachée de son cou. La bise qui fouettait dans la pièce roula sa vague le long de son corps désormais nu. Le canif fit des entailles en aller-retours. C'était sur sa poitrine. Et ce n'étaient pas des coups au hasard. Ça semblait dirigé. Ça... écrivait, à la place de son ardoise. Chaque coupure pulsait sa décharge jusqu'au plus profond des chairs. Et sa vague, qui chacune l'emportait un peu plus.

Seigneur si tu existes je te recommande mon âme.
Au nom du père
Et du fils
Et...



oOo


Réveil.
Il avait juste perdu connaissance. Merde...
Pas encore éteint...
C'était long.

Noir autour. Étroit comme un petit cube.
Le minuscule trou souterrain du jardin des supplices... Sa grille en guise de porte, qui lui frôlait la tête. Pendante en avant, sa tête... Et ses membres et son dos et tout le reste... comme plié n'importe comment. Facile sans les articulations.
Sa gorge ouverte à l'air libre. Au moins les rongeurs n'essayaient pas de grimper jusque là.
Ça grattait ailleurs. Le long de sa chair nue et pelée.
Mal partout... Croûtes de sang séché au coin des yeux. Et à son cou, à son torse... Mal partout...
Des filets de sang tels des serpents parcourant son buste.

Quel jour est-ce qu'on était ? Ou quelle nuit peut-être ?
C'était long...
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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mar 16 Mar - 11:01

¤ 8 janvier, dans la matinée ¤


Retour devant les murs austères de l'Hôpital Général. Cette fois-ci : sans avoir prévenu. Et cette fois-ci, Dyonis est heureux de la visite. La partie administrative est close, le seigneur de Fromart et lui-même se sont mis d'accord pour ne revenir en ce jour que chercher Kirm et Édouard. Tout est prévu. Une chambrette attend ce dernier à Frenn. Le baron a même dégagé une heure de son temps la veille - compensée par une heure de sommeil en moins pour rattraper son travail, tant pis - afin de recevoir un couturier et un armurier convoqués en urgence. Le tailleur a réalisé des vêtements dignes de ce nom pour le vétéran et pour le jeune garçon aux quatre bras : Dyonis n'oubliera jamais la tête de l'artisan lorsqu'il lui a formulé cette demande ! Le résultat lui plaît : le pourpoint destiné à Kirm est assez ample pour que ses excroissances n'y soient pas contrites - et muni d'un rabat comme une étole s'il désire les dissimuler en toute élégance. Pour Édouard : chemise, veston, bottes, cape au col montant. Et surtout, cette commande à son armurier dont le seigneur de Frenn n'est pas peu fier : un masque couleur cuivre qui couvrira sa gorge et tout le bas de son visage, remontant légèrement sur ses joues et le bout de son nez. Trous aux narines, fines ciselures pour en orner élégamment les bords, et sur l'intérieur une doublure de coton rendant la prothèse la plus agréable possible à porter. Lors de la première visite, le baron avait pris le temps de se concentrer sur la forme de ce qu'il reste du visage d'Édouard, ainsi que sur la morphologie de Kirm : de quoi demander les habits et accessoires ajustés au mieux. Il a hâte de les voir les porter.

Quand arrivera le vicomte, il pourra apercevoir Dyonis, accompagné d'un homme de main tenant sur ses bras les vêtements soigneusement pliés et ledit masque - prêts à passer le seuil de l'institut. Le baron est même souriant aujourd'hui - sourire qu'il saura toutefois effacer quand un gardien ou le directeur viendraient ouvrir : sa bonne humeur reste pour Kirm, pour Édouard et pour son collègue avec qui il va partager ce moment. Aujourd'hui, pas de conversation tendue. Pas de politique étrangère. Pas de Djerdan. Dyonis sait mettre, quand il faut, les sujets houleux sous cloche pour apprécier pleinement les projets et points communs qu'il peut avoir avec le seigneur de Fromart.

"Bonjour, cher ami." salue le baron à l'approche de Coldris, la mine avenante et d'une voix enjouée - exceptionnellement rares chez le Premier Conseiller. Il lève une seconde les yeux vers les hauteurs fraîches et très clairs de cette matinée hivernale. "Le ciel est radieux. Kirm et notre guide vont avoir ses faveurs pour leur grand retour dans le monde."

D'un commun accord avec son collègue, ils s'avancent ensemble vers la porte - secondés des gardes du seigneur. L'un d'eux fait retentir la cloche. Très vite, un jeune gardien vient leur ouvrir, ne cache pas sa surprise mais s'incline avec déférence. Il aura reconnu les deux sieurs.

"Votre Excellence. Monsieur le Ministre." (Il s'écarte pour les laisser entrer puis informe) "Monsieur Berlingtham, si c'est lui que vous désirez voir, est actuellement parti pour une réunion."

"Dans ce cas nous allons l'attendre. D'ici là, ayez l'amabilité d'aller faire chercher le jeune Kirm ainsi qu'Édouard, je vous prie."
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Message par Coldris de Fromart Mar 16 Mar - 22:38



Coldris était plutôt heureux en cette journée ensoleillée du 8 janvier 1598, et pour cause : il attendait avec impatience de se rendre au théâtre. Bien entendu, une nouvelle pièce de Shakespeare était toujours un petit évènement en soi auquel il prenait grand plaisir à assister dans le confort de sa loge privative, mais ce soir, il aurait en plus le bonheur de partager ce moment avec celle qui chassait les ténèbres aussi surement que l’astre baignant son visage au travers de la vitre tiède de la voiture.

Seule ombre au tableau, il devait nécessairement remettre les pieds à l’hôpital général afin d’en extirper leur guide Édouard et cueillir le petit Kirm qui rejoindrait le jardin de curiosités du Roi. Qu’importe la moralité de ce présent, c’était une habitude à laquelle Coldris se pliait de temps à autre afin d’entretenir sa bonne amitié avec son souverain.

Le grincement incessant des roues prit fin puis la porte s’ouvrit. Valmar l’attendait déjà en bas. Simple précaution prise par pure habitude. Ou pressentiment. Non, c’était idiot. Il aurait fallu être inconscient pour tenter quoi que ce soit. Il ne prit même pas la peine de s’appesantir sur ces considérations et descendit les marchettes. Dyonis était déjà là, accompagné d’un serviteur les bras chargés de vêtements et d’un beau masque en cuivre. Comme toujours, il avait soigné les détails. Plus troublant en revanche était ce sourire mêlé à cette voix enjouée qu’il ne lui connaissait pas et le laissa… pantois une demi-seconde.
Aurait-il abusé de quelques substances au petit-déjeuner ? Pour un peu, il en aurait presque douté tant tout cela était déroutant. Bon, il n’allait pas non plus sauter de joie à l’idée de retourner dans ce trou à rat alors…

— Bonjour mon cher, excellente journée oui. répondit-il avec détachement éclipsant les considérations météorologiques.

Ils s’avancèrent ensemble vers la porte où ils furent reçus par un jeune gardien qui les informa de l’absence de Berlingtham. Une réunion pour préparer ses effets en vue de sa prochaine mutation ? Ce serait sans doute judicieux en effet compte tenu des charges qui pesaient  désormais sur cette tête de pavé mal agencé.

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Mer 17 Mar - 11:56

Le Ministre semble lui aussi de bonne humeur. Probablement pour des raisons différentes mais qu'importe. Le moment en approche va être satisfaisant. Dyonis hoche la tête au salut de son collègue et écoute vaguement le gardien, tout à son entrain : la joie d'une bonne action, de rendre leur liberté à deux enfermés - même si l'un d'eux deviendra un amusement royal ; de conclure sur de belles notes l'affaire de ce sordide Hôpital Général dont bientôt les pensionnaires seraient mieux traités via ce qu'il entend mettre en œuvre. Une lueur au milieu de ce début d'année si difficile - Lavinia... Kalisha, Djerdan... - et il n'en faut donc à cet instant pas davantage pour réjouir Dyonis comme rarement.
Cependant, contre toute attente la demande du baron est suivi d'un silence étrange du côté du jeune vigile. De ces mauvais silences qui en disent déjà long : quelque chose ne va pas bien. Il en suspend un instant son souffle. Son regard immédiatement beaucoup plus froid croise d'abord celui de Coldris avec l'expression muette d'un mauvais pressentiment, puis retombe sur le surveillant. Eh bien quoi ? Qu'y a-t-il ? Est-ce Kirm ? Édouard ? Le froncement de sourcils sévère du seigneur exige des explications sans même qu'il ait à le verbaliser.

"Avec les collègues de relève on a pris notre poste là, il y a moins d'une heure, et c'est vrai Messieurs qu'on a remarqué... qu'Édouard est pas à ses affectations. On a commencé à le faire chercher et..."

Douche froide. Dyonis ne veut même pas en entendre davantage. Première claque. Effectivement non, quelque chose ne va pas bien ce matin et il est temps de découvrir quoi sans plus tarder. Il coupe la parole au gardien et ordonne, glacial :

"Fort bien. Cherchons Édouard ensemble. Nous vous suivons."

L'autre acquiesce, tout penaud, évitant les yeux des deux visiteurs. Déjà, le souffle du baron résonne plus inquiet et son expression redevenue rigide se tourne un temps vers le vicomte. Et les voilà partis à travers les complexes corridors de l'Hôpital Général. La tension est palpable. Dyonis a le ventre noué et ne dit pas un mot alors qu'ils marchent en diverses directions sans ordre véritable : ah, pour le coup, cela se sent que c'est un jeune surveillant qui les guide - on est loin de l'efficacité et de la mémoire d'Édouard. L'agacement gagne très vite le Premier Conseiller quand bien même ses traits restent fermés, sa stature rigide et les bras froidement le long du corps. Le petit groupe tâtonne à gauche, à droite, près du réfectoire, puis aux abords des latrines, ou encore de la souillarde. Rien. Rien non plus aux ateliers. Rien aux dortoirs. Les autres vigiles croisés sur le chemin et interrogés n'en savent pas davantage : on hausse les épaules, on ouvre les bras, on avance que les dernières équipes de garde n'ont rien mentionné quant au vétéran, qu'on ne l'a pas vu non plus... Dyonis serre les dents.

Enfin... ils passent dans cette coursive et devant cette porte répugnante dont le Premier Conseiller ne se rappelle que trop. Consciencieux, le jeune gardien tire une nouvelle fois ses clés pour ouvrir le battant : il faut fouiller partout - même s'il se demande ce qu'Édouard pourrait bien faire dans la salle des tortures. Quant un détenu est puni, normalement l'équipe de relai en est informée... C'est donc sans conviction et sans joie - espérant vite refermer cette pièce après n'y avoir rien trouvé - que la main du vigile déverrouille la porte des Enfers. D'un petit signe déférant, il propose aux Messieurs de rester dans le couloir pendant que lui va mener sa brève inspection. Il rentre seul. Ne ressort pas.
Nouveau temps d'arrêt. Cette fois-ci Dyonis pâlit. Il a compris. De l'intérieur de la pièce, la voix hébétée du surveillant signale :

"M... Messieurs... Là. En bas..."
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Message par Coldris de Fromart Mer 17 Mar - 16:47



Il y eut cet instant de flottement glaçant lorsqu’il fut demandé au garde d’aller quérir Édouard. Les pupilles fuyantes, ce léger mouvement de lèvres ne trompait pas : quelque chose d’anormal se déroulait en ce moment même. Coldris croisa de côté le regard du baron qui pensait bien évidemment la même chose.

Il n’avait pas besoin d’écouter la suite pour comprendre : Édouard était introuvable. Ses entrailles se serrèrent instinctivement. Un mauvais pressentiment. Il n’était pas malade. Il n’avait pas fui -cela n’aurait aucun sens-. Avait-on pu le châtier pour son zèle en tant que guide ? Voire… Le faire disparaitre ? Il fronça les sourcils avec sévérité tandis que la voix autoritaire du Premier Conseiller coupa court aux élucubrations.

— Valmar, attendez ici en compagnie d’un garde afin d’accueillir le directeur comme il se doit. compléta-t-il posément

Quelque chose lui disait qu’un petit comité d’accueil ne serait pas de trop et il emboita le pas du baron et du jeune garde. Ils arpentèrent chacune des salles connues, chacun des corridors fraichement repeints à la chaux et qui ne semblaient pas vouloir se séparer de cette prégnante odeur d’ammoniaque caractéristique. Un silence de mort accompagnait chacun de leur pas claquant sur les dalles de pierre. Quelques murmures discrets comme une petite brise, quelques regards curieux ou étonnés. On en profitait pour grappiller, ici et là, quelques petites secondes de répit face aux tâches usantes et répétitives en observant l’insolite trio, ce petit grain de sable dans la machinerie de l’Hôpital Général. Les minutes s’égrainaient et Coldris ne pouvait plus nier ce frémissement sur son échine au fur et à mesure que s’amoncelait les « Non, pas vu » et autres haussements d’épaules déconfits.

Ils passèrent finalement devant cette porte que le ministre aurait préféré ignorer et oublier. Il ne se souvenait que trop bien du malaise qui l’avait saisi aux tripes dans les ténèbres du jardin des supplices. Et pourtant… C’était l’évidence même. Ils auraient dû commencer par là. Arrivant à la même conclusion que lui, le jeune gardien s’arrêta net après une courte hésitation devant la porte noircie. Il entra seul tandis que Coldris jeta un regard à son collègue tendu comme une corde de harpe. Il inspira légèrement. Il anticipait déjà l’annonce qui serait faite… et qui arriva. Tranchante et glaciale, malgré la voix éraillée de l’homme. Il serra les mâchoires, abaissa les sourcils autant que les paupières brièvement.


- Sale rat de fosse à merde pestiféré… siffla-t-il glacialement entre ses dents.

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Jeu 18 Mar - 13:33

Trigger warning : sang, violences, corps mutilé, injures:

Dyonis sent son collègue se refermer aussi brusquement que lui. Il voit ses gestes se tendre. Ses regards ne trompent pas : tous deux ont compris. Tombe alors son ordre à Valmar et dans la foulée, le Premier Conseiller fait aussi un signe ordonnant à l'un de ses gardes de demeurer à l'entrée. Ses deux soldats restants et le serviteur en charge des habits vont l'accompagner. Devant la salle de torture, la voix du gardien résonne en horrible couperet quand bien même le timbre du jeune homme est hésitant. Plus de doute. Édouard est mort. Ou dans un sale état et en passe de s'éteindre. Au milieu de son chagrin qui monte, Dyonis entend les injures du ministre dont il devine le destinataire.

"Je n'aurai dit mieux. Et à présent la chose est certaine : il va regretter Zakros."

Livide, le vigile revient sur le seuil : il sait que des sanctions parfois rudes s'appliquent dans l'hôpital général, mais ce qu'il a là sous les yeux le répugne. L'état du surveillant fait deviner au baron la gravité extrême de la situation. Ces crevures n'ont pas dû se contenter d'une exécution sommaire ou d'un enfermement dans le trou. Dyonis déglutit : il va falloir ré-entrer dans cette pièce des horreurs. Pour constater. Réflexes policiers. Il s'imprègne d'une lente inspiration, bande ses muscles, durcit son regard, comme il l'avait fait au moment de perquisitionner l'épouvantable domaine de Rottenberg. Le Premier Conseiller se souvent de cette arène aux esclaves, des corps dépecés aux murs, de la tête de ce malheureux que le fou de Zakros avait posée sur les genoux d'Aud... Mâchoire serrée, le seigneur de Frenn est prêt.
Il se rappelle alors du bref malaise entrevu chez Coldris lors de la précédente visite. Viendra-t-il avec lui de nouveau dans le jardin des supplices ? Il préfère ne pas l'y inviter du moindre regard et qu'il agisse comme il l'entend. Le pas lourd, Dyonis entre. Une odeur de sang le saisit. Une autre de purulence. Par le ciel ! Mais qu'ont-ils fait ? Et à quand cela remonte-t-il ? Il baisse les yeux vers la petite grille tenue ouverte par le gardien, à ses pieds. Dans l'étroitesse de cette fosse, on aperçoit d'abord le haut d'une tignasse châtain. Ensuite seulement, toutes les couleurs sur sa peau et dans ses cheveux. Croûtes pourpres et marron. Bleus. Traces violettes et jaunâtres. Enfin : qu'il est plié en cinq dans une posture insensée de ses membres qui en dit assez long : os brisées, articulations dézinguées. Cette dernière vision est celle de trop. Pour le coup, le Premier Conseiller se contient moins bien et crie presque :

"Mais sortez-le de là pour l'amour de Dieu ! Vite !"

Le jeune gardien et les deux soldats se précipitent. On se baisse, on attrape le prisonnier aussi méticuleusement que possible. Quand ils se redressent, le peu de lumière dans la pièce donne au milieu des ombres l'impression qu'on soulève un sac de patates à peine rempli et qui pendouille. Aucun son ne quitte la gorge d'Édouard. On entend encore cependant son cœur et une très fine respiration.

"Dehors. Allongez-le. Doucement !"

Dans le couloir, le serviteur dépose les habits et le masque au coin du mur. Puis il retire son manteau qu'il étale à terre pour faire un matelas de fortune. D'un signe à son homme de main, Dyonis lui commande ensuite de lui retirer sa propre veste, longue, bien fourrée, et de la rouler en boule afin de produire un oreiller. Sous les yeux du Premier Conseiller et du Ministre, Édouard est allongé. Le seigneur de Frenn note alors seulement qu'il n'a plus son masque - découvrant au passage la réalité la plus crue de l'infirmité qu'il a ramenée de la guerre. Plus son masque et... plus rien, en réalité. Alors qu'un garde ouvre précautionneusement les bras de l'interné en vue de les lui étendre sur les côtés, Dyonis achève de virer blanc comme linge. Malgré tous ses efforts, il recule d'un coup sec et a cette fois-ci un tremblement d'effroi le long des bras : quelque chose sur le torse d'Édouard. Ainsi, avant de le mettre dans la fosse aux rats, un couteau lui a inscrit en lettres de sang :

FAIS COMME A
LA MAISON


Il reconnaît une reprise du petit mot taquin que leur guide lui avait adressé deux jours plus tôt. Le seigneur de Frenn porte sa main métallique devant sa bouche. Il reste ainsi, plusieurs secondes à ne pas bouger, cherchant même pour le coup le regard du vicomte. Comme quelque chose d'humain à quoi se raccrocher. Et comme le soutien de celui qui ne doit pas en penser moins. Dyonis bafouille :

"S... S... Soldats, contre-ordre :" (puis se reprenant, et de nouveau pierreux) "qu'on n'aille surtout pas chercher Kirm pour l'instant. Bouclez ce couloir. Que personne ne nous dérange." Puis au serviteur, qui vient de se signer d'une main fébrile : "Trouvez vite aux environs un drap ou une couverture." Pas question de laisser Édouard nu.

"F... Faut-il un médecin ?" tâtonne le gardien.

Cœur serré, Dyonis fait "non" de la tête : le meilleur praticien ne pourrait plus rien. Le vétéran va mourir. Ce n'est qu'une question d'instants. De nouveau les prunelles effarées du baron cherchent secours vers Coldris. Il se sent déjà si responsable et si au bord d'un gouffre de colère.
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Message par Le Cent-Visages Jeu 18 Mar - 13:34

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Spoiler:

Édouard, 35 ans, interné

La lumière était rentrée pour le sortir de sa quasi inconscience. Si peu de lumière, mais déjà forte telles des lames pour lui qui n'avait rien vu depuis... depuis il ne savait plus quand. Il y eut de la panique et des pas au-dessus de sa tête. Le poids de la grille qui s'enleva de contre son crâne. Des voix. Très floues. Elles lui disaient quelque chose mais comment savoir s'il ne délirait pas ? Il sentit la chaleur de mains descendues pour l'extraire. Bientôt, il fut soulevé au-dessus du parterre pierreux et grouillant de bestioles. Édouard ne pouvait pas bouger et pendait de partout vers le sol comme s'il se liquéfiait. On le renversa. Posture chaise-longue entre quatre bras, prunelles au plafond.
Il y eut des visages apparaissant dans son champ de vision alors qu'on l'allongeait sur quelque chose de doux. De luxueux, même, par-en-dessous sa tête. Du velours ou quelque chose comme ça. Il retrouva à tâtons assez de conscience pour se concentrer sur autre chose que ses douleurs. Ces deux visages... le vétéran les reconnut. Le Premier Conseiller et Monsieur le Ministre. Oh non... Il aurait préféré qu'ils ne voient pas... Pas comme ça, sans son masque - et avec il ne savait même pas quoi sur son torse : il n'avait rien à faire de ce qui pouvait être écrit, ça faisait juste mal. Au moins on le recouvrit. Chaleureusement. Toute son attention se reporta sur le vicomte et le baron. Pour les saluer, il abaissa très légèrement la tête et ferma les paupières l'espace de deux secondes. Rouvrant les yeux, ses pupilles allèrent d'instinct vers le seigneur de Fromart - qui avait pris le temps de lui parler deux jours auparavant. Il aurait vraiment préféré qu'il ne le voit pas comme ça. Ses sourcils s'arrondirent, un peu souriants.
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Message par Coldris de Fromart Jeu 18 Mar - 16:18



Regretter Zakros. C’était peu de le dire. Qu’importe désormais l’état dans lequel on extirperait Édouard, ce puant sac à merde serait suspendu aux remparts de la ville jusqu’à ce que les corbeaux en crèvent d’indigestion.

Plus blanc que les murs de chaux, le vigile remonta sans oser prononcer le moindre mot. Gorgée nouée, langue sèche, Coldris emprisonna corps et âme sous une épaisse carapace de glaciale impassibilité. Il allait devoir retourner là-dedans. Dans cette ignoble fosse. L’idée avait de quoi le faire tressaillir, mais désormais il savait ce qu’il s’y trouvait. Il y descendait mieux armé et mieux protégé que jamais. Les horreurs pourraient bien s’y heurter, elles ne pourraient jamais que ruisseler tout le long. Esprit froid, distant, il emboita le pas du baron sans la moindre hésitation.

L’odeur ferreuse et âcre du sang mêlée à celle bien plus prenante encore de chairs putréfiées lui saisit instantanément la gorge, laissant un arrière-goût de bile prononcée. Mort. Il était mort. Torturé et jeté comme une charogne dans ce trou à rat. Peut-être même que ceux qui étaient autrefois ses amis étaient en train d’en faire leur repas depuis allez savoir combien de temps. Malgré tout, il osa un œil au travers de la grille : une poupée de chiffon arlequin. Des tâches rouges, violettes, bleues, noires, marron, jaunes. Où était passé le beige cireux de sa peau ? Il n’en savait rien. Ce n’était qu’un pantin, brisé, désarticulé, aux membres déposés dans d’improbables angles, balancé là par un gosse en colère.
Il détourna le regard. Réflexe de préservation.

—Mais sortez-le de là pour l'amour de Dieu ! Vite !

Il entrouvrit la bouche et le referma aussitôt. Il ne voyait décemment pas comment ils allaient le tirer de là sans le briser davantage qu’il ne l’était. C’était de la folie. Des petits morceaux, c’était tout ce qu’il en resterait. Il avait mal pour lui. Il n’avait qu’une infime idée de sa souffrance et c’était déjà trop. Il ferma les paupières brièvement avant que l’on ne l’extirpe de son tombeau. Dans le couloir, on le déposa, inerte, sifflant un fin filet de vie qui s’amenuisait à chaque nouvelle expiration sur un lit de manteau.
Stoïque, son instinct lui hurlait de ne pas s’approcher. De rester, là, coupé du présent et de la réalité, de vivre la scène comme un spectateur distant et non comme l’acteur qu’il en était. Il ne voulait pas voir le visage d’Édouard ravagé par la guerre ni son corps mutilé par la barbarie des hommes. Et l’on osait encore lui faire prétendre que Dieu existait. Vieille chienne ! Pourtant, il ne pouvait pas. Il ne pouvait pas ignorer ce qu’il avait provoqué à plus d’un titre, c’était trop facile. Un Fromart ne fuyait pas, il affrontait. Alors il avança d’un pas. Il observa ses grands yeux verts, son visage cadavérique recouvert d’une fine peau qui avait perdu tout renflement. Il n’y voyait que des papiers signés les uns après les autres, la cire rouge sang, le sceau royal apposé. Ce n’était que des chiffres. Des pertes. Des dommages. Des anonymes qui n’effleuraient qu’à peine l’enveloppe de sa conscience. Là, c’était comme toucher du bout du doigt les conséquences de ses actes.

Si au moins le résultat en vaut le coup

Le valait-il vraiment ? Il était trop tard pour le regretter ou même y penser. Un garde déplaça méticuleusement son bras sur le côté découvrant une suite de lacération. Des mots.

FAIS.COMME. A. LA. MAISON.

 Coldris ravala son estomac qui manqua de se soulever dans la seconde. Du coin de l’œil, il aperçut Dyonis faire un pas en arrière d’effroi. Lui ne bougeait plus, figé dans cette attitude marmoréenne, pétrifié tant de stupeur que d’horreur tandis que son regard écarquillé s’accrocha brièvement au sien. Un léger tremblement commença à agiter sa main lorsque le baron se mit à donner ses directives. Sa voix le ramena aussitôt à la réalité, déchirant le pesant linceul de silence qui les enveloppait et l’étouffait peu à peu. Sans attendre la fin de sa phrase, le ministre dégrafa son épais manteau de fourrure noir et se baissa pour couvrir Édouard avec.

— F... Faut-il un médecin ?

Toujours agenouillé, les lèvres pincées, il se tourna vers Dyonis, dégainant sa dague dans le même temps, le regard affligé : la vraie miséricorde était là, et Dieu n’y était pour rien. Il fallait l’achever, qu’il cesse de souffrir le martyre, lui épargner quelques minutes supplémentaires de douloureuse agonie. Pressées comme une éponge par son diaphragme, il ne restait plus grand-chose de cette bouillie qui lui servait autrefois d’entrailles et reposait désormais au bord de sa gorge. Il déposa la dague dans un écho lugubre sur la pierre et plongea son regard de glace dans celui si verdoyant d’humanité du vétéran. Sa carapace se fissurera.

— Je suis désolé Édouard. Je suis désolé pour tout. murmura-t-il sans le quitter des yeux.

Il était responsable de son infirmité et il s’en excusait, quand bien même il n’avait pas posé la bombe. Mais pire que tout, il était responsable de son sort aujourd’hui. Il ne récoltait que ce qu’il avait semé. S’il n’avait pas ordonné à leur guide de leur faire visiter les lieux les plus sordides. S’il n’avait pas menacé le directeur de l’envoyer pourrir à Zakros. S’il n’avait pas laissé, l’homme ici avec ses bourreaux. Il sortit son mouchoir et essuya inutilement ce qu’il pouvait de son visage.

— Tout sera bientôt terminé, soldat, je vous le promets.

Sa vie.
Ses bourreaux.
L’hôpital général.
La guerre.

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Message par Dyonis Howksley de Frenn Ven 19 Mar - 12:41

Avec vaillance, le vicomte accompagne Dyonis dans la salle de torture. Son pas est sûr et son expression ferme, prête à affronter les odeurs, la noirceur, les engins de supplice. Ensemble, ils observent l'extraction du malheureux Édouard hors de la fosse, ensemble ils se glacent d'horreur et détournent les yeux. Mais tous deux prennent sur eux pour retourner dans le couloir - afin de ne pas faire endurer davantage de souffrances au vétéran. L'urgence est de l'installer convenablement, les pensées plus construites et avec elles le désespoir viendront ensuite.
Alors, Dyonis verrouille lui aussi ses émotions le temps de donner les ordres nécessaires. Efficacité. Demander de boucler la zone et d'installer le défiguré sur ce qui sera son lit de mort. A peine a-t-il commandé d'aller chercher une couverture que Coldris retire à son tour son manteau, pour en recouvrir délicatement le corps nu de l'interné. Le baron le rejoint, s'installe au sol à la hauteur d'Édouard et au côté de son collègue.
Le Premier Conseiller se rend alors compte de la situation aussi atypique qu'abominable qui est la leur : les deux plus puissants hommes de l'Empire après le roi, agenouillés dans le corridor décrépit d'un hôpital général, autour d'un infirme mourant recouvert de leurs pardessus, et tous deux tremblants, au bord des larmes. Dyonis aura remarqué le haut-le-cœur du ministre à la vue du torse lacéré d'Édouard. Tandis que lui-même n'a pu se retenir un pas en arrière, horrifié, le sieur de Fromart est comme cloué sur place, effaré par autant de cruauté invraisemblable. Qu'a-t-il pu passer par la tête d'individus a priori pas moins hommes qu'eux pour devenir pareils bourreaux, insensés, abandonnés par toute étincelle de raison pour se livrer à tel délire de sévices ? C'est à ce stade au-delà de la bêtise. On touche là à l'indicible de la cruauté et à ce qu'il y a de plus primitif en l'humain - qui à cet instant là semble infiniment plus animal encore que les autres animaux. Le seigneur de Frenn en a la mâchoire pendante, perdu au milieu de la douleur de ses entrailles. Il croit en Dieu pourtant. Toutefois en de pareils moments, le doute le saisit à la gorge, le secoue et le gifle. N'y avait-il pas possibilité d'empêcher cela ? Et puis... Dyonis se souvient que l'humain a été fait libre pour le meilleur et pour le pire - que cette liberté n'existe pas sans conséquence de ses actes si un miracle venait réparer chaque bêtise. Mais enfin pourquoi ? Pourquoi rien n'a-t-il pu venir sauver cet innocent ? Pour donner une leçon ? A qui ? A quel prix ? C'est soudain en devant reprendre d'un coup une inspiration que le baron s'aperçoit que son souffle s'était coupé dans ses poumons. Il suffoque de cette situation insensée. Et de la souffrance d'Édouard dont il ne peut sans doute pas concevoir le dixième.

Au léger tremblement de la main de Coldris, Dyonis est tenté d'approcher sa prothèse mais en est retenu par le regard écarquillé du ministre cherchant dans le sien. Déjà voilés d'humidité et rougis, ses propres yeux restent quelques secondes au contact des prunelles du vicomte. Lien invisible ainsi noué, et qui sans doute n'aura pas besoin de verbaliser autrement leur incompréhension commune, leur terreur, mais aussi leur soutien dans ce moment où l'un comme l'autre sont si vulnérables. Si coupables à leurs propres esprit.
Résonne alors un tintement de métal. Celui de la dague que Coldris présente discrètement à Dyonis en la faisant glisser sur le sol. C'est sur le carrelage un crissement dont l'écho vient souligner toute sa gravité. Le seigneur de Frenn comprend immédiatement. Le frottement de l'arme ainsi que les lèvres pincées du vicomte font dessiner au baron, de la tête, la validation de l'acte à venir. Mais en même temps qu'il acquiesce cette fois-ci les rides lui froissent le visage et les premières larmes coulent. Oui. Il sait bien. C'est la seule chose humaine à faire encore à ce stade pour Édouard. Dyonis déglutit. Coldris devra s'en acquitter, lui-même équipé d'un crochet et d'une main métallique incapables de manier la lame avec assez de dextérité et de rapidité pour un coup sec, précis, d'une fraction de seconde. Il serre les dents. Plisse les paupières et porte sa prothèse à son front juste le temps de chasser ses pleurs.
Pendant ce temps, le ministre a essuyé le visage raviné du vétéran. Son murmure bouleverse le baron. Désolé... Lui-même peut l'être autant et il devrait prononcer quelque chose de semblable, en tant que l'un des instigateurs de la manière dont tourne le Saint Empire. Pardon. Pardon pour l'épouvantable gâchis de la vie d'Édouard - et sans doute de tellement d'autres comme lui que les Grands de ce monde ne voient jamais derrière la théorie. L'on a conscience de l'ampleur des "sacrifices nécessaires" à la grandeur de l'Empire que quand on le voit incarné dans des visages martyrisés. Et devant ces êtres de chair et de sang on se demande si l'on est pas en réalité les derniers des criminels. Si le résultat vaut de tels sacrifices. Pardon, aussi, pour tout ce qui tourne de travers dans cet Empire qui aujourd'hui effraie Dyonis - lui qui le reste du temps se voue corps et âme à l'améliorer. Rien que l'hôpital général est un des innombrables symptômes de tout ce qu'il y a à soigner. Et cela semble énorme. Et inhumain. Et le Premier Conseiller se sent en cet instant ridicule, impuissant et rien-du-tout. Là, à genoux devant un agonisant, ce n'est plus l'homme d'État mais un individu humble, dévasté et en mal de sens à tout cela.

"Pardon." est-il seulement capable de sortir de ses entrailles. "Nous n'oublierons pas." murmure-t-il, de nouveau baigné de quelques larmes qu'il n'a pu empêcher. Aussitôt pleurées, aussitôt tues : le baron bande ses muscles et lutte contre sa gorge douloureuses. Assez. Il doit être droit et digne pour l'homme en leur présence. Maladroite promesse d'essayer de faire mieux. Dyonis ne sera pas près d'oublier la gueule et la vie cassées d'Édouard. Il reverra longtemps le trou noir à la place de sa bouche avant de signer des ordres sur des centaines d'anonymes, et son corps détruit au moment de décider pour ces vassaux qu'ils sont censés servir.

Tout sera bientôt terminé, promet Coldris. D'un faible hochement de tête Dyonis se joint à sa parole : il veut espérer de même et comprend les différentes implications de ces mots. Alors, le baron s'avance un peu vers Édouard. Il plonge ses yeux dans les siens, encore tellement expressifs... Et qui leur sourit. Pourquoi ? Le seigneur se mord la joue et, revoyant la dague du ministre, entrouvre les lèvres pour préparer Édouard au seul acte... charitable... qu'ils peuvent encore lui offrir... quand soudain un tressautement dans la gorge du muet le retient. Un ronronnement, puis ses pupilles qui s'agitent : Édouard semble animer d'une urgence. De dernières choses qu'il aimerait dire.
Dyonis acquiesce. Il se retourne vers Coldris qui aura certainement compris lui aussi, puis, crochet au menton, réfléchit vite. Comment faire ? Au prix de beaucoup d'efforts pour demeurer pragmatique au milieu de tout ce qui menace à chaque instant de le faire encore s'effondrer, le Premier Conseiller entrevoit finalement quelque chose. Il se retourne vers son serviteur et demande :

"Retournez prendre dans mon carrosse deux feuilles, de quoi noter et un support. Vous allez écrire l'alphabet, les chiffres, et un point d'interrogation. Bien lisiblement." (Au vétéran) "Édouard, si je pointe les lettres les unes après les autres avec mon crochet, pouvez-vous..." Il n'a pas le temps de terminer : les deux infirmes se sont très bien compris dans la débrouillardise : le défiguré hoche la tête, puis cligne ostensiblement des yeux deux fois de suite : c'est ce qu'il fera pour signifier ses lettres au baron.

Le serviteur s'exécute sans délai. Les lances des gardes postés au bout du couloir s'écartent pour le laisser passer. Bientôt, il revient équipé de tout le nécessaire. De sa main métallique, Dyonis appuie sur ses cuisses le haut du tableau alphabétique, bien en évidence devant lui. Son crochet commence sa route. Il veut aller vite pour épargner des souffrances inutiles à Édouard. Pas trop vite non plus. Déjà, le Premier Conseiller songe à demander les noms des coupables, mais ce sera ensuite. Avant, il faut recevoir ce que le vétéran veut leur exprimer.
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Message par Le Cent-Visages Ven 19 Mar - 12:41

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Édouard, 35 ans, interné

Ils avaient tous les deux le regard si bleu et profond comme un lac gelé... Si glacial - ça devait relever des exigences de leurs positions, pour se protéger, comme lui le faisait jadis à l'armée, puis comme il s'offrait ensuite des boucliers un peu à sa manière pendant ces dix-sept ans d'enfermement. Et cependant Édouard les sentit bien plus vulnérables qu'autre chose en ce moment. Pour lui. Alors il sourit des sourcils, surtout quand le Ministre lui essuya le visage et le recouvrit de son manteau de fourrure. Il n'avait jamais senti une matière comme celle-là sur lui, c'était confortable, ça le détourna un temps des hurlements de douleur de tout son corps.
Voir le vicomte trembler et le baron pleurer lui firent s'agiter la glotte sous les coups de l'émotion prête à déborder. Il gisait là avec rien moins que le Premier Conseiller et le Ministre des Affaires étrangères à terre autour de lui... c'est... c'est il ne sait pas quoi, il n'avait plus l'esprit assez clair pour trop analyser... mais il allait essayer de faire ce qu'il fallait avec honneur pendant le temps qu'il lui reste. Sûr, ça faisait mal mais ça sera bientôt terminé alors autant agir encore bien quelques instants.

-- Je suis désolé pour tout.
-- Pardon.


Beaucoup de choses se bousculèrent sous le crâne d'Édouard. Que répondre sinon un haussement de sourcils, lent, cette fois pour exprimer un humble fatalisme : qu'est-ce qu'on pouvait faire ? Qu'est-ce qu'il pouvait dire, lui qui n'entendait pas grand chose à la complexité de la politique ? Un fraction de seconde, il se dit quand même qu'il y avait en effet de quoi, être désolé. Oh, pas tant pour son passage à tabac : en vérité, si Coldris n'avait rien demandé l'autre fois, Édouard aurait joué au con et se serait malencontreusement perdu pour emmener les hôtes vers ce qu'il fallait qu'ils découvrent absolument, ainsi qu'il se l'était déjà dit deux jours plus tôt. Mais pour ce qu'il y avait de grandes décisions tout au sommet du rouage de l'effet-papillon, oui, là déjà davantage - même si ils n'étaient pas les seules causes. Qu'il y ait des conflits, ça aussi Édouard comprenait. Mais pas les mises à sac. Pas les esclaves. Sans compter ses sérieux doutes sur les bénéfices du grand Empire pour les plus modestes : l'existence même de l'hôpital général et la présence de tant de misère par les chemins, ça en disait long.
Ces pensées là cependant ne lui durèrent que très peu de temps. Il allait mourir. C'étaient pas de bonnes pensées sur lesquelles partir. Et puis là, auprès de lui, il avait deux hommes en pleurs. Alors comme deux jours auparavant avec le vicomte, il fallait oublier les fonctions qui les habillaient. Parce qu'eux deux aussi, en cet instant, Édouard les trouva très nus, très fragiles, très humains. Alors il acquiesça et cilla, essayant en même temps de dégager avec ce qu'il restait de son visage une expression de tranquillité.

Édouard aura également entendu la dague. Et comprit lui aussi le projet. Ils avaient raison. Il essaie un écarquillement de narines en guise de sourire à la promesse du Ministre : bientôt la fin. Et à celle de Dyonis : de ne pas oublier. Ne pas oublier, lui ? Ne pas oublier, les leçons de ces derniers jours dans la suite de l'exercice de ses fonctions ? Quoi que cela veuille dire, le vétéran acquiesça.
Mais avant de partir, il devait absolument parler ! Édouard s'anima des yeux, de la gorge, et il lui sembla être compris. Le Premier Conseiller envoya aussitôt préparer ce qu'il fallait. L'interné reconnut bien là l'instinct de débrouillardise auquel l'infirmité obligeait au quotidien comme à une seconde nature. Ils se comprenaient là-dessus. Comme avec l'esclave aux béquilles qui avait accompagné le Ministre et décodé deux fois ses mimes et codes. Qu'est-ce qu'il deviendrait, le petit gars ? Du bien, souhaita-t-il. Il remercia Dyonis d'un abaissement de tête et de paupières quand il s'installa pour l'opération. Édouard regarde Coldris tout autant que son collège pour les englober dans ce qu'il allait signer. Série de double-clignements de paupières.

S. O. R. T. E. Z.
T. H. E. A.
S. V. P.

Voilà. c'était l'essentiel. C'était fait, il le fallait. Ils sauraient sûrement où la placer, ils devaient avoir les réseaux qu'il fallait. Quant à Kirm, c'était déjà entendu. Bon. Comment faire la deuxième chose ? Il avait mal, il fallait faire vite. Il fit des ronds de la tête et des ronds de pupilles pour embrasser ostensiblement l'ensemble du décor, pourvu qu'ils comprennent : là, l'hôpital général. Et :

F. I. N. ?

E. T.
A. P. R. E. S.
P. O. U. R.
P. A. U. V. R. E. S. ?

Dernière chose : d'un regard cette fois-ci plus grave, déjà concentré sur sa préparation à la mort, il désigna le poignard du Ministre. Édouard avait tenu jusque là mais cette fois des larmes coulèrent, avec celles de Dyonis. Ce n'étaient pas tant des pleurs à l'approche de la mort, que des pleures quelque part entre le soulagement - il n'allait plus souffrir - et tout de même l'incertitude. Il y avait quoi après ? Le vétéran se reprit : il verrait bien. Mission de reconnaissance, soldat. Toujours était-il qu'après avoir désigné la dague, il s'en revint à l'alphabet et :

O. U. I.
M. E. R. C. I.

Il était d'accord pour passer l'arme à gauche, quand il aurait eu ses réponses.
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Message par Coldris de Fromart Ven 19 Mar - 16:08



Au tintement sinistre du métal contre la pierre, Coldris interrogea son homologue du regard. Il aurait bien pu refuser, il l’aurait tout de même fait. Mais derrière ses yeux rougis par l’émotion qui le firent tressaillir un peu plus, il ne trouva que son assentiment. Le froid et austère Dyonis de Frenn était au bord des larmes. Le rigide Premier Conseiller. A quoi ressemblaient-ils tous les deux, agenouillés au chevet d’un infirme agonisant sur son lit de manteau ? Roi mis à part, ils gouvernaient pour ainsi dire l’Empire à eux deux. Les deux hommes les plus puissants du continent après Gérald der Ragascorn. Deux hommes que bon nombre de choses opposaient, étaient en train de se serrer les coudes pour affronter cet ignoble et impardonnable acte de barbarie. Jamais il ne s’était senti aussi proche du baron qu’il avait tant pris plaisir à asticoter ces derniers mois. Un bref regard. C’était tout ce qui était nécessaire désormais pour communiquer. Le personnage politique s’était effacé et Coldris prit conscience de l’homme faillible et terriblement humain qui se trouvait à ses côtés lorsqu’il perçut les discrètes larmes rouler le long des joues de Dyonis. Au fond, il n’était sans doute pas si différent l’un de l’autre et il enferma sa propre peine plus profondément encore. Il ne pouvait pas faillir avant d’avoir achevé sa mission. Avant de l’avoir achevé dignement.

Mais d’abord, il devait s’excuser. A plus d’un titre. Cela ne ramènerait pas sa vie pas plus que cela n’allègerait ses propres responsabilités. Il en était conscient. Il devait pourtant le faire. Au fatalisme sourcillant d’Édouard, il rendit un discret sourire triste. Quelque part, Coldris se consola de ne pas lire dans ses pensées. Avec ce court échange qu’ils avaient eu, il avait une vague idée de ce qu’il devait se dire dans le silence intime de son crâne. Et lui n’avait que plus honte encore de l’ignorance dans laquelle il s’était trouvé. Lui qui se targuait de toujours tout savoir, qui disposait d’un réseau d’informateurs, ne s’était jamais imaginé que d’anciens soldats puissent achever sa vie dans ce lieu sordide, eux, dont le sang versé avait permis la naissance de l’empire. Il connaissait l’ampleur des pertes, il connaissait tous ces chiffres par cœur, mais derrière chaque unité de ce colossal montant se trouvait un « Edouard ». Un « Edouard » qui n’avait pas la chance ni les privilèges d’un « Démétrius ». Combien se trouvaient ici ? Combien parmi tous ces indigents en ville que l’on accusait de parasitisme alors que tout un chacun aurait dû les louer ? Était-ce ainsi que Monbrina remerciait ses enfants ? L’heure n’était pourtant pas aux élucubrations politiques.

— Je n’oublierai pas notre discussion. renchérit-il à la suite du Premier Conseiller dans un léger signe de la tête.

Car au fond n’était-ce pas là la synthèse même de tout ce qu’il aurait dû retenir ? Des dommages collatéraux, il y en avait toujours, il y en aurait toujours. C’est ainsi. C’était la réalité des affaires, de la politique et de la guerre. Coldris n’avait aucun regret à ce sujet. L’après, en revanche, était défaillant et parfaitement inacceptable. Tout serait bientôt terminé, il pouvait en faire la promesse solennelle.  Un dernier royaume et l’unité serait complète. Il inclina la tête cérémonieusement à ce qu’il devina être un sourire. Subitement Édouard sembla s’agiter et Dyonis envoya aussitôt de quoi traduire ingénieusement les dernières paroles du mourant. Le crochet glissait lentement sur la feuille, les yeux clignaient et le secrétaire inscrivait. Il pensa tout à coup à Alexandre et se félicita d’avoir refusé de l’emmener.

SORTEZ THEA SVP

Face à l’émotion du baron, il reprit la direction des opérations.

— Ce sera fait. Nous lui trouverons une place en sécurité chez l’un de nous

Si Coldris n’avait pas fait l’affront de proposer à Édouard de le servir, il ne voyait en revanche aucun problème à prendre à son compte la douce et simplette petite Théa. Il suivit l’infirme englober les lieux décrépis. L’hôpital Général traduisit-il.

FIN ? ET APRES POUR PAUVRES ?

Il n’était pas sûr d’avoir saisi le sens exact. C’était une question complexe, il n’avait toujours pas de projet abouti et il ne voulait pas lui mentir, pas alors que la vie le quittait. Il osa un regard à Dyonis et fournit un début de réponse.

— Non. Il existera toujours. Sous coupelle de l’état. Avec des contrôles fréquents. D’autres établissements seront ouverts en fonction des cas. L’institut des Invalides est déjà en étude. Le projet sera validé prochainement.

Il s’efforçait de rester synthétique au possible sans pour autant omettre l’important. Quant aux pauvres…

— Nous veillerons à ce que l’Eglise prenne ses responsabilités, mais il n’y a guère plus à faire. Je ne vais pas vous mentir.

Édouard désigna le poignard dont l’acier luisait dans la pénombre du couloir. Il acquiesça comme pour réaffirmer qu’il s’en occuperait. Les larmes coulèrent. Celles du soldat. Celles du baron. Il ravala les siennes sur le fil de la lame. Il lui devait au moins cela : ce restant de force et de confiance qui s’effritait dangereusement.

Coldris de Fromart
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[6 et 8 janvier 1598] Charité bien ordonnée... [ft. Dyonis, Coldris, Alexandre - RP sensible][Terminé] - Page 2 Empty Re: [6 et 8 janvier 1598] Charité bien ordonnée... [ft. Dyonis, Coldris, Alexandre - RP sensible][Terminé]

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