Le deal à ne pas rater :
Réassort du coffret Pokémon 151 Électhor-ex : où l’acheter ?
Voir le deal

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Jeu 4 Fév - 16:11

Il était tard. Si tard qu'il serait bientôt tôt. Alduis avait les yeux grands ouverts et il regardait le plafond. La chambre était silencieuse. Une main calée derrière sa nuque, l'autre passée autour de la taille d'Alexandre, il comptait les minutes qui tapissaient les nuits de ses insomnies. Il connaissait par cœur cette sensation de ne pas trouver le sommeil. Il avait passé bien plus de nuits blanches ces dernières années qu'il ne l'avait fait au cours de sa vie. Et même la présence d'Alexandre, juste contre lui, ne l'aidait pas totalement à dormir paisiblement.

Alexandre. Qui avait de la chance de dormir. Qui avait la chance de rêver. Alduis aurait bien aimé lui aussi, pouvoir fermer les yeux sans être envahi par les cauchemars. Il était toujours impressionné de la vitesse à laquelle Alexandre trouvait le sommeil, quand Alduis mettait toujours plusieurs heures - et cela dans le meilleur des cas. Mais il y avait un avantage : celui qu’Alduis pouvait le regarder dormir pendant des heures et il n’aurait échangé sa place pour rien au monde.

Cette nuit, il avait l’esprit encore plus préoccupé que d’habitude. Il pensait au vide sous ses pieds, quand il s’était assis sur le rebord de la fenêtre. Il n’en avait pas parlé à Alexandre. Parce qu’il avait honte. Honte d’avoir envisagé la possibilité, malgré l’assurance qu’il serait sauvé. Honte de continuer à y penser, avec la même attirance inexplicable qui tiraillait son coeur, quand bien même Alexandre était juste à côté de lui. Il n’aurait pas dû y penser, il le savait, mais c’était plus fort que lui. Mourir. Cela sonnait comme guérir.

Mais il ne pensait pas qu’à cela. Le bureau. Son père lui avait promis de lui ouvrir son bureau, quand il le voudrait. Et il savait ce que cela représentait. Combien de personnes avaient eu accès à ce qui s’y trouvait ? Alduis n’avait plus touché le meuble depuis ce jour fatidique. Depuis qu’il était venu chercher l’alliance de sa mère, et qu’il n’avait trouvé que son père furieux. Mais une question le hantait. Que pouvait-il y avoir, qui vaille la peine de mettre son père dans une colère noire et tempétueuse, quand il ne montrait que des colères polaires en temps normal ? Alduis ne savait pas. Ce souvenir restait si vif dans son esprit. Il n’avait rien lu, il n’avait rien vu.

Il avait besoin de savoir.
Il avait besoin de comprendre.

Peut-être y aurait-il quelques réponses aux milliers de questions qu’il se posait ? Alduis secoua la tête. De toute manière, il était trop tard pour espérer fermer les yeux. Alors, lentement, il se dégagea du lit pour ne pas risquer de réveiller Alexandre - qui avait besoin de sommeil pour récupérer la fatigue accumulée à cause de son handicap - et s’habilla sans bruit.

Le château était endormi, à pareille heure. Les couloirs étaient encore plongés dans l’ombre, silencieux, immobiles. Mais Alduis savait, avec certitude, que son père ne dormait pas. Ses nuits étaient aussi blanches que les siennes. Quelle drôle d’expression, d’ailleurs, quand on savait à quel point les pensées qui s’agitaient dans son esprit alors étaient noires…

Alduis traversa le château, en écoutant le bruit régulier de ses bottes martelant le sol. Si son père était bel et bien dans son bureau - comme il en était sûr - alors il entendrait ses pas rythmés naturellement et il saurait que c’était lui avant même de le voir. Alors il entra sans frapper. Sans surprise, son père se trouvait derrière son bureau à lire. Sûrement de la politique. Alduis ne s’y arrêta pas plus que cela. Il s’arrêta à un pas de l’imposant meuble, sans réussir à être totalement à l’aise - il demeurait cette peur indicible en lui - pour dire sans préambule, ni précision, il savait que Coldris comprendrait :

— Je suis prêt.

Ou peut-être ne l’était-il pas tant que cela, puisqu’il n’avait aucun moyen de savoir ce qui pouvait bien se trouver, dans ce bureau. Mais quoi qu’il en soit, ce serait cette nuit.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Jeu 4 Fév - 23:06



Il était rentré de Cervigny aux alentours de vingt-deux heures. Il avait longuement hésité à passer la nuit là-bas, mais assailli par les fantômes qui menaçaient d’émerger, il avait préféré rentrer. C’était trop… déstabilisant. C’était comme une faille qui s’était subitement ouverte entre ce monde et l’autre. Trop de souvenirs. Trop de sensations. Certes pas désagréables, mais… Amères.
Si encore il parvenait à les contrôler comme d’ordinaire, mais non. C’était comme un séisme et la seconde réplique serait encore plus violente que la première. Il ne savait même pas comment elle avait pu réveiller tout cela. Ce n’était pas la première femme qu’il avait amenée là-bas depuis sa mort, loin de là, mais c’était la première avec qui il avait autant ri et s’était senti aussi léger. Et c’était peu dire lorsque l’on savait à quel point la mort de Solange puis de Virgil l’avait plongé dans un monde de ténèbres et de solitude d’où il ne parvenait plus à émerger seul, car qui pouvait l’aider désormais ? Personne.

Et elle… Sans savoir pourquoi… Elle avait réussi, le temps d’un instant à lui redonner cet indescriptible goût de vie et de joie. C’était ridicule. Ridicule et insensé. Il repensait encore à ce baiser sur la table de sa salle à manger. Tout comme le dernier. Il avait même l’impression de sentir encore ses lèvres. Lui, Coldris. Il fermait les paupières et revoyait ses deux onyx lumineux qui le fixaient, étincelants d’espièglerie. C’était stupide. Il était stupide. On avait passé sa vie à lui rappeler et à juste titre.

Il était donc rentré en espérant oublier ce diner bien trop différent des autres et qu’il n’avait pas envie de qualifier. À Fromart, il avait tenté de dormir. Sans succès. Il s’était levé et avait pris au hasard le Satyricon de Pétrone. Mauvais choix. Ce n’était pas avec cela qu’il réussit à s’enlever les images de sa tête. Il opta donc finalement pour un livre plus sérieux. Son préféré pour tout dire : Le Prince.

En peu de mots, le conspirateur est toujours troublé par le soupçon, la jalousie, la frayeur du châtiment ; au lieu que le prince a pour lui la majesté de l’empire, l’autorité des lois, l’appui de ses amis, et tout ce qui fait la défense de l’État ; et si à tout cela se joint la bienveillance du peuple, il est impossible qu’il se trouve quelqu’un d’assez téméraire pour conjurer ; car, en ce cas, le conspirateur n’a pas seulement à craindre les dangers qui précèdent l’exécution, il doit encore redouter ceux qui suivront, et contre lesquels, ayant le peuple pour ennemi, il ne lui restera aucun refuge.
Le Prince Chapitre XIX –  – N.Machiavel




Lorsqu’il reconnut les déambulations cadencées d’Alduis dans le couloir. Il entra, se présenta à son bureau. Coldris haussa un sourcil avant d’acquiescer à ses paroles. C’était donc aujourd’hui. Il posa l’ouvrage. Un frisson glacé le parcourut. Il n’y avait qu’une seule personne qui l’avait vu et elle l’observait justement d’un œil moqueur. À quoi pensait-elle ? Il se leva, extirpa la clé de son veston et déverrouilla les différents tiroirs du secrétaire. Puis les différentes armoires de la bibliothèque. Il y avait tout. Enfin presque tout. Quelques souvenirs demeuraient attachés à jamais à Cervigny.

Il prit son livre, jeta une bûche dans l’âtre et s’installa sans un bruit dans un fauteuil. S’il avait des questions ou des remarques, ce n’était pas Alduis qui se gênerait pour les poser.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Ven 5 Fév - 12:30

Le bureau était plongé dans un éclairage tamisé. Les seules sources de lumière étaient les candélabres - contre les murs et sur le meuble - ainsi que la lueur blafarde de la Lune qui passait par la fenêtre. Il n’y avait pas un bruit. Alduis entendait nettement les martèlements de son cœur, et il se demandait si son père pouvait le sentir lui aussi.

Il avala sa salive. Il n’avait plus dix ans depuis longtemps. Pourtant, ces images restaient ancrées dans sa mémoire à jamais et dès qu’il se retrouvait dans cette pièce, un inexplicable sentiment d’insécurité l’envahissait. Il était incapable de ne pas se revoir ici, à la même place, des années plutôt, tremblant de peur face à son père furieux. Il avait beau se répéter qu’il n’y avait aucun danger, il n’en restait pas moins impressionné. Et il n’était pas sûr que les secrets qui se cachaient dans ces tiroirs lui permettent de s’y sentir plus à l’aise.

Son père ne prononça pas un mot. Il se contenta d’acquiescer, en posant l’ouvrage lentement. En silence, en oubliant même de respirer, Alduis regarda son père tirer la clef de ses habits. Cette même clef qu’il avait dérobée auparavant et qu’il n’avait plus jamais touchée depuis. Il suivit ses gestes avec attention quand il déverrouilla les différents tiroirs. Puis, ce furent au tour des armoires.

Enfin, Coldris reprit son livre et jetant une bûche dans le feu crépitant, reprit place dans un fauteuil un peu à l’écart. Juste à côté de la cheminée, en-dessous du portrait d’une femme. Cette femme-là, elle avait toujours été là, sur ce tableau, sans qu’Alduis ne puisse dire qui elle était. Pourtant, il ne s’était vraiment posé la question de son identité que récemment. Auparavant, elle n’avait été que la Femme-au-portrait.

Alduis n’avait toujours pas fait un geste. Parce qu’il ne savait par où commencer. C’était tout ? Coldris lui ouvrait les parties les plus intimes de son âme, et il se replongeait aussitôt dans son livre ? Pourquoi ? Comment ? Tout était ouvert, prêt à délivrer un passif enfermé - littéralement. Tout ce qui lui avait été toujours inaccessible devenait brutalement tangible, à portée de main.

Mais… avait-il sincèrement le droit de violer ainsi l’intimité de son père ? Il avala de nouveau sa salive. Il se sentait toujours comme un étranger ici. Et certainement, le resterait-il toujours. Que devait-il faire ? Il se racla la gorge pour que sa voix soit suffisamment forte - même si dans le silence de la nuit, elle semblait briser quelque chose.

Ce bureau n’était pas son ennemi, il ne se trouvait pas sur un champ de bataille non plus, mais c’était néanmoins avec le même raisonnement qu’il l’appréhendait. On n’allait pas à la guerre sans étudier le terrain, sans savoir précisément à quoi nous attendre. Il ne pouvait pas fouiller ce bureau sans avoir une petite idée de ce qu’il découvrirait.

Coldris était peut-être son père, mais Alduis n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait bien avoir vécu. Il ne s’était, au fond, jamais demandé non plus. Parce que Coldris était Coldris, impitoyable Ministre des Affaires étrangères, à la réputation parfois sulfureuse, et qu’il était son père. Comment aurait-il pu imaginer une seconde, lui, son fils, qu’un jour, cet homme avait eu dix ans lui aussi ? Il lui avait toujours semblé être ainsi : intouchable. Et c’était un peu étrange - un peu effrayant aussi - de se rendre compte que l’homme de qui on avait le plus peur, de qui on cherchait le plus la reconnaissance, avait au fond, autant de faiblesse que les autres.

Il prit son courage à deux mains pour demander :

— Qu’est-ce qu’il y a, précisément, à l’intérieur ?
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Ven 5 Fév - 14:04



Alduis était venu réclamé l’ouverture de son bureau ce soir. C’était son droit et Coldris s’était exécuté sans discuter. Il était ensuite parti s’installer au coin du feu avec son livre favori. Il ne voulait pas le voir fouiller dans son passé. C’était comme si quelqu’un s’amusait à lire ses lettres à haute voix, tout en était juste à côté. Il pouvait bien en avoir l’autorisation, cela n’en demeurait pas moins gênant.
D’autant plus qu’il savait pertinemment tout ce qui se trouvait ici et qu’il avait joué le jeu en ne déplaçant rien depuis son invitation.

Le silence était pesant et Coldris faisait tout pour se rattacher à lecture de ses mots qu’ils connaissaient déjà par cœur. Des mots, qui comme une berceuse, apaisaient son esprit et l’empêchaient de succomber à la nervosité ambiante qui inondait peu à peu la pièce. Il sentait d’ici le malaise de son fils et lui n’était guère en meilleure posture. Il avait même l’impression de sentir chacune de ses cicatrices dorsales le tirailler. Il tourna la page. Il allait découvrir son enfance. Ses blessures. Ses traumatismes. Son amour. Il allait comprendre pourquoi Sarkeris n’était pas comme les autres et ne le serait jamais. Il allait découvrir à quoi il passait ses insomnies. Quels démons l’habitaient. Il allait pouvoir toucher son esprit. Pire que tout, il allait réaliser qu’il n’était pas l’homme infaillible qu’il prétendait être depuis tout ce temps. Il n’était qu’un gamin traumatisé qui s’était construit une armure plus grande que lui pour impressionner ses rivaux. La buche craqua et…

— Qu’est-ce qu’il y a, précisément, à l’intérieur ?

Il referma son livre, le posa sur la tablette et se leva. Il contourna le bureau sans un bruit puis indiqua les placards de la bibliothèque

- Des registres de tout ce que j’ai fait ces vingt dernières années. Absolument tout.

Des carnets comportant les noms des femmes avec qui il avait passé la nuit, des mémorandums de ses journées et des évènements qui s’étaient déroulés, des carnets contenant des listes de noms mystérieux avec des informations ou encore celui relatif à ses bâtards. Il y avait aussi, dans un coin éloigné, rangées discrètement, ses œuvres personnelles : des pièces de théâtre et des poèmes. Un essai politique également.

Il se rapprocha du bureau qui comportait trois tiroirs de chaque côté, le deux du centre étant purement décoratif.

- Des lettres. Des brouillons. Quelques babioles.

Il aurait sans doute dû, mais il ne parvenait pas à se résoudre à lui avouer réellement ce qu'il s’y trouvait : ses correspondances avec ses amis y comprit posthume -et même quelque lettres à lui-même-, des carnets entiers d’un chaos indescriptible, noirci à en vider les flacons. Des dessins macabres. Des scènes qu’il avait vécu et qui le hantaient toujours. Des portraits de sa sœur et de son unique amour. Quelques mots ou des pages entières de ce qui se tramait dans son esprit comme une perpétuelle ritournelle.

- C’est là que se trouve le plus important. avoua-t-il tout de même pas réellement à son aise. Evidemment si tu as des questions ou besoin d’explications je te les donnerai, sans rien te dissimuler que cela te plaise ou non. Car il y aura sans doute des choses que tu n’apprécieras pas.

Notamment de savoir qu’il avait aimé la mère de Sarkeris à la folie. Il serait sans doute jaloux, lui qui ne semblait jamais pouvoir trouver de place. Il penserait peut-être même que tout était de sa faute et que tout avait commencé là. Dans un sens, ce ne serait pas complètement faux. Il retourna s’asseoir.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Sam 6 Fév - 13:15

Alduis ne se sentait pas si prêt que cela à découvrir le passé de son père. Mais la réalité se trouvait être qu’il ne le serait jamais. Alors autant prendre son courage à deux mains et le faire maintenant. Qu’importe ce qu’il allait découvrir. Au moins, les voix étaient toujours enfermées, elles ne risquaient pas de parler, et cette perspective était rassurante. Il posa donc une première question : qu’y avait-il précisément ? Première étape, appréhender son environnement.

Coldris referma de nouveau son livre. Il s’agissait du Prince, que son père devait déjà connaître par cœur tant Alduis l’avait toujours vu ce livre entre les mains. Pourtant, il continuait de le relire, encore et encore, comme s’il contenait le savoir ancestral. Son père se leva.

Contournant le bureau en silence, il présenta d’abord la bibliothèque. Alduis se contenta de le suivre des yeux. Les vingt dernières années répertoriées sur papier. Certainement aussi précisément qu’Alduis pouvait s’en souvenir lui-même… à la différence que le papier avait pris le relais de la mémoire. Il acquiesça simplement.

La présentation de son père se tourna vers le bureau en lui-même, et ses tiroirs. Alduis n’avait ouvert que l’un d’eux : celui du milieu, sur la droite. Depuis, il ne s’en était plus approché à moins d’un mètre, comme s’il risquait de se brûler. À l’entendre, on aurait pu croire qu’il n’y avait rien d’important à l’intérieur de ce dernier, mais Alduis savait que ce n’était qu’une fausse impression. Il y avait des secrets, là, qui seraient à jamais les blessures les plus profondes de son père. Sinon, pourquoi se mettre en colère et risquer de fissurer son image ? C’était bien plus que les babioles.

Son père finit par se résoudre à la dire : le plus important se trouvait ici. Et Alduis pouvait sentir son malaise.

— Evidemment si tu as des questions ou besoin d’explications je te les donnerai, sans rien te dissimuler, que cela te plaise ou non.

Alduis hocha la tête. Bien sûr. Et il n’en attendait pas moins. Il ne savait pas à quoi il s’exposait précisément, mais il savait que ce ne serait pas agréable. Et il voulait penser qu’il était prêt.

Sans rien dire d’autre, Coldris retourna s’asseoir à sa place. Sous le portrait de la femme. Alduis hésita encore quelques secondes, le temps de calmer son cœur. Deuxième étape, se mettre en mouvement. Il revint devant ce tiroir, là où tout avait commencé. Exactement à la même place que dix-huit ans plus tôt.

Lentement, il s’assit - par précaution - et tendit la main. Il toucha la poignée du tiroir, s’attendit presque à une tempête qui le foudroierait et… rien. Cela le rassura alors, avec le plus grand respect du monde, il l’ouvrit. Il avala sa salive. Autrefois, il y avait une bague argentée ici… Une bague argentée perdue à jamais dans les jardins de Fromart. Aujourd’hui, il y avait un mouchoir et un médaillon. Il prit le médaillon, presque timidement, entre ses doigts. Et du bout de l’ongle, comme s’il avait peur de déranger quelque chose, il ouvrit le petit clapet. Pour libérer le portrait d’une femme… ou plus justement, d’une fille. Il resta là longtemps à l’observer. Plusieurs minutes, peut-être.

Avant de finalement demander :

— Comment elle s’appelait ?

Il avait la certitude qu’il ne débutait pas par le plus facile, mais qu’importe. C’était par là qu’il avait besoin de le faire. Pour faire taire les éclats de voix furieux de son père, surgis d’outre-tombe, pour lui dire qu’il ne méritait pas son prénom.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Sam 6 Fév - 23:22



Coldris s’accrochait à chaque petit caractère pour oublier qu’Alduis allait mettre les pieds dans son passé. Il lisait l’un après l’autre, ces mots qu’il connaissait par cœur comme une mélopée. Il s’y arrimait pour ne pas laisser son esprit divaguer dans de vains questionnements qui le feraient dériver vers le large. Ce serait déjà bien assez compliqué d’affronter la déferlante de souvenirs qui risquait de s’abattre sur lui. Quarante-trois ans de vie très exactement. Il écoutait le feu crépiter pour ignorer le grincement du tiroir de son bureau. Son cœur manqua de s’arrêter. Lequel des tiroirs avaient-ils ouvert ? Pourquoi commencer par le bureau et non par les placards ? Non, non, non… Il devait se concentrer sur sa lecture. Un frisson le traversa. Il n’osait pas quitter son livre des yeux.

— Comment elle s’appelait ?

Il avala péniblement sa salive et leva les yeux vers son fils. Dans sa main, se trouvait son médaillon. Celui-là qu’il avait précisément caché à sa vue toutes ses années durant. Pourquoi fallait-il qu’il commence précisément par cet objet ?

- Sybil de Fromart. Mais je l’appelais Isis.

Il marqua un temps d’arrêt tandis que son cœur s’accélérait et qu’il réfrénait ses muscles qui voulaient se jeter sur lui pour lui arracher son talisman des mains.

- C’est ma soeur. compléta-t-il en anticipant la question qui ne manquerait pas d’arriver. Passé une petite seconde, il osa se corriger. C’était ma sœur.

Avec sa douceur, avec sa bienveillance, avec son espoir, avec ses cheveux auburn et ses grands yeux plus clairs que le ciel. Elle avait été un iris au milieu d’un champ de bataille jonché de cadavres. On l’avait piétinée.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Dim 7 Fév - 19:50

Était-ce une bonne idée de commencer par le bureau ? Par ce tiroir-ci en particulier ? Alduis n'en était pas si sûr. Il l'avait pourtant fait. Une fois qu'il aurait refermé ce dernier, le plus dur serait fait. Du moins, c'était ce qu'il disait, car il n'avait aucun moyen de savoir ce qu'il pouvait bien y avoir dans les autres. C'était néanmoins celui qui lui rappelait le plus de souvenirs. Dont il ne parvenait pas à se détacher, malgré les années.

Son père hurlant.
Son père envoyant valser sur le parquet tout ce qui se trouvait sur ce même bureau.
Son père répétant qu'il ne méritait pas son prénom.

Ces mots le hantaient encore. Alduis craignait, par ailleurs, qu'il ne soit vrai. Un chiot qui regardait sa pisse la queue entre les jambes... Son père avait beau lui avoir assuré que la colère était la seule responsable de ces propos blessants, il continuait de douter. Il ne pouvait pas s'en empêcher. Cela faisait dix-huit ans qu'il les entendait de nouveau, dès qu'il croisait le regard sévère de son père. Chaque fois qu'il se souvenait qu'il ne serait jamais l'héritier idéal.

Il avait pris ce médaillon en premier. Et contemplait le portrait qu'il refermait. C'était une oeuvre de qualité... et sûrement une femme d'importance. Qui ? Il avait bien remarqué l'air de famille qui existait indéniablement. Il avait aussi remarqué la jeunesse de la jeune femme dessinée. Au fond, il avait déjà compris avant de poser la question mais il le demanda quand même.

Il sentit son père relever les yeux, mais Alduis garda la tête baissée. Pour ne pas croiser son regard. Parce qu'il continuait d'observer la manière dont les coups de pinceaux avait donné vie à cette peinture. La réponse tomba enfin.

- Sybil de Fromart. Mais je l'appelais Isis.

Alduis hocha la tête, toujours sans relever la tête. Il ne savait guère pourquoi il s'obstinait à la garder baisser. La peur de ce qu'il lirait dans les yeux de son père, ou bien autre chose. Il ne pouvait le dire. Il y eut un temps de silence. Coldris enchaîna ensuite :

- C'est ma soeur.

Alduis perçut une note inhabituelle dans la voix de son père. Pour une fois dans sa vie, il comprenait parfaitement. Parce qu'il savait ce que c'était d'avoir une soeur et de l'adorer plus que tout autre chose au monde. Il garda le médaillon dans le creux de sa paume, et il n'avait certainement jamais tenu quelque chose avec autant de respect. Sauf peut-être, la dague de Soffrey.

Il avait compris, par ailleurs, la nuance avant que son père ne prononce de nouveau cette phrase... en employant le passé. Après tout, Alduis n'avait jamais entendu parler d'une soeur particulière que son père aurait eu. Il ne l'avait jamais vue non plus. Or, sa mémoire ne trompait pas.

Dans ce cas, il restait deux solutions : la première, c'était qu'ils ne se parlaient plus, mais Coldris n'était pas du genre à garder le portrait d'une femme détestée – tout ce qui avait appartenu à sa mère avait disparu de la maison. La seconde, donc, était qu'elle était morte.

Comment ? manqua-t-il de demander. Comment est-elle morte ? Mais il se ravisa. Pas encore. Plus tard. Il avait la sensation, diffuse et inexplicable, que c'était trop tôt.

A la place, il demanda une toute autre chose – un simple mot – mais peut-être était-ce une question encore plus intime, il ne savait pas :

- Isis ?
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Lun 8 Fév - 12:29



Alduis tenait toujours le médaillon dans le creux de sa main. Les yeux rivés sur le portrait de la jeune fille, il avait demandé son identité, ce que Coldris lui avait donné. Il semblait intriguer de son surnom.

- Et toi alors, comme je dois t’appeler ? Si je change alors toi aussi !
- Hmmm…. Isis !
- Comme la déesse ?
- Comme la déesse ! Dis Alduis… tu crois… tu crois que je serai aussi dévouée qu’elle ?
- Mais voyons tu l’es déjà ! Tu ramasses toujours mes petits morceaux quand je suis brisé !

Il esquissa un sourire, avant de lui répondre dans un hochement de tête :

- Isis, oui. Parce qu’elle n’aimait pas son nom.

Il n’osait cependant pas lui avouer que c’était parce que lui ne supportait pas le sien que l’idée avait été proposée. Parce que… Parce qu’il ne pouvait pas lui avouer celui qu’il avait choisi pour lui. Pas tout de suite du moins. Pas s’il ne posait pas la question. Il reprit :

- Comme la déesse égyptienne. Parce qu’elle passait son temps à me réparer quand… mon père me frappait… et que mes frères me molestaient. avoua-t-il avant de laisser son regard fuir ses souvenirs.

- Elle était ma demi-sœur pour être exact. Mais cela ne changeait rien. C’était la seule personne dont j’étais proche… Je lui avais promis que je l’emmènerai à Braktenn.

Coldris regretta subitement de ne rien avoir à disposition pour hydrater sa gorge qui semblait soudainement si sèche. Ce n’était que le début de son voyage dans le passé. Il n’avait pas fait un pas dans cette grotte sombre et glaciale que déjà, il ne pouvait retenir un frisson. Il ferma brièvement ses paupières et inspira. Il pouvait le faire. Il pouvait la traverser. Ce n’était que des souvenirs, ils ne pouvaient pas vraiment le blesser.

Oh non. Certes. Mais lui pourrait.
Il pourrait nous utiliser pour te blesser.
Pour te détruire.
Et tu le sais.
Tu le sais.
C’est pour cela que tu nous as gardé enfermés.
Mais c’est fini.
Fini.
Fini.

Coldris agita la tête. Qu’importe c’était trop tard et il devait savoir. Il se l’était promis. Il devait comprendre même si cela devait se retourner contre lui.



Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Sam 13 Fév - 11:22

Son père avait eu une soeur. Une sœur qui n’aimait pas son prénom. Une sœur qui avait été la personne la plus proche de lui. Une sœur qui était morte jeune et qui ne possédait plus que ce petit portrait comme souvenir.

Comment avait-elle rendu l’âme ? Alduis n’en savait rien. Mais il sentait que c’était là un sujet sensible. Qu’au rythme des questions, ils s’aventuraient de plus en plus dans un passé sombre et douloureux qu’il était difficile de déterrer. De plus en plus boueux, ils s’enlisaient et pouvaient tomber à tout instant. Alduis le sentait rien que dans les hésitations de la voix de son père. C’était un équilibre fragile qui s’installait doucement dans le bureau.

Réparer.
Ce mot qui signifiait tant.

On réparait un vase brisé. Ou bien un vêtement aux coutures déchirées. Mais on pouvait aussi réparer un être humain. De mille et une façons. Alduis n’intervint pas et continua de l’écouter. Il finit par, doucement, reposer le médaillon dans le tiroir et par se pencher en avant, les coudes appuyés sur les genoux, pour contempler ses paumes ouvertes, striées des multiples lignes qu’avaient ouvertes son propre couteau.

Le nombre de fois où son père avait levé la main sur lui se comptait sur les doigts de la main, Alduis ne savait pas ce que cela faisait. Mais il avait vu quelles marques cela pouvait laisser sur le dos d’Alexandre. Il avait eu le temps de les observer. Son père - son père qu’il avait pensé intouchable - avait-il les mêmes, bien dissimulées sous ses vêtements sombres, bien à l’abri des regards ? Peut-être.

— Je lui avait promis que je l’emmènerai à Braktenn.

Mais elle était morte avant. Coldris n’avait pas besoin de le préciser pour qu’Alduis comprenne. Isis. Il hocha la tête. Hésita une seconde. Puis, releva la tête et murmura :

— Tous nos prénoms finissent pareil. Is. Pourquoi ?

Alduis.
Coldris.
Sarkeris.
Bérénice.

et même Adéis.

Il fit une brève pause et ajouta :

— Et… Isis... comment est-elle morte ?
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Sam 13 Fév - 23:05



De tous ses souvenirs, ceux de son enfance demeuraient les plus douloureux. Il avait eu beau essayer d’appliquer ses conseils, il n’avait jamais réussi à transcender totalement ses traumatismes. Ils étaient là, tapis dans l’ombre, prêts à le noyer, le submerger, l’étouffer, le dépecer et le démembrer. Ils étaient là, patients, pernicieux, violents, pervers. Il avait beau les enterrer aussi profondément que possible, ils finissaient toujours par remonter à la surface. Ils étaient trop nombreux pour ne pas finir par le submerger. Depuis toutes ces années, la seule chose qu’il avait réussi à faire c’était de les contrôler. Ils les avaient enfermés dans des malles, cadenassées, enchainées, calfeutrées.
Ouvrir ces tiroirs et ses souvenirs, c’était tenter de rompre leurs entraves.

— Tous nos prénoms finissent pareil. Is. Pourquoi ?

C’est juste une évidence. Il ne s’était pas posé la question. Alduis… Alduis parce que c’était le nom qu’il s’était choisi pour échapper à l’emprise de son père. Sarkeris, c’était Aurélia qui l’avait choisi. Bérénice, parce qu’elle portait la victoire et il voyait désormais ô combien ce nom lui allait merveilleusement bien.
— J’imagine que c’est inconsciemment pour Isis.

Isis. Deux IS. C’était comme un trait d’union dans sa famille.

— Je n’ai pas choisi celui de ton frère avoua-t-il ta sœur parce que j’aimais ce prénom victorieux et toi…

Il avait promis. Il avait promis de tout dire. Il ne pouvait plus reculer. On ne refusait pas un obstacle, on le franchissait, quitte à s’écraser dessus lamentablement. Il prit une profonde inspiration:

— C’est le nom que j’avais choisi pour fuir le mien.

Les extrémités de ses doigts se joignirent pour former un pont. Qu’allait donc penser Alduis ? Son cœur se serra tandis qu’il entendait cette petite voix d’enfant clamer haut et fort « Parce que ça sonne fort et honorable ! »
Sa question suivante suspendue son cœur en même temps que ses pupilles se contractèrent. Le bureau se floutait, s’effaçait, il n’y avait guère plus que les flammèches dansantes pour lui rappeler qu’il était toujours dans son bureau. La main dans sa chevelure d’érable, son cri d’effroi. Il essayait de déplacer ses pieds, mais impossible. Ils étaient comme enracinés sur cette herbe si verte. Il revoyait l’éclat de la lame. Cet éclat qui reflétait le ciel. Aussi bleu que les yeux exorbités d’effroi d’Isis.

Alors quoi Coldris ? Tu as mangé ta langue ?

Sa douce voix l’implora et les dernières syllabes se perdirent dans un gargouillis, étouffé par ce rideau rouge qui s’écoulait de son cou avant qu’elle ne s’écroule comme un pantin désarticulé.

Ses doigts entrelacés l’un contre l’autre, il serrait désespérément ses mains tétanisées pour tenter de les contrôler.

- Egorgée lâcha-t-il d’une voix tremblante, il déglutit se forçant à se focaliser sur la lueur dansante face à lui
Par mon père.
Parce qu’il voulait me donner une leçon.
Quand j'avais dix ans.


L’amour rend faible, Coldris.
Tu te crois malin et fort, petit rat ?!
Tu n’es rien. Rien du tout!

Il tourna son regard vers la cheminée et s’obligea à se lever pour faire quelques pas. Ce n’était que des souvenirs. Il avait survécu à la réalité. Les fantômes ne pouvaient rien lui faire. Ils n’existaient pas. Ce n’était que des manifestations de son esprit. Il serra ses mâchoires. Elle non plus n’était plus là et ce n’était que son esprit, mais elle avait toujours le pouvoir de le rassurer et de le ramener s’il s’égarait ou se noyait. Il fit se mouvoir chacun de ses doigts indépendamment les uns des autres, pour quitter cette crispation dans laquelle il s’enfermait. Sur un petit dressoir, il se servit un verre de Porto, ignorant sa couleur étrangement similaire à celle du sang tout juste séché. La chaleur de l’alcool le soulagea momentanément.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Dim 21 Fév - 8:45

Tous leurs prénoms finissaient par cette simple syllabe : is. Et cela semblait comme une évidence que l’on ne pouvait rompre. La liste pour illustrer était longue, alors il devait bien y avoir une raison, non ? Aussi étrange que cela semblait paraître, pas vraiment. Du moins, pas aussi clair que cela, sinon inconsciente.

Alduis se contenta de hocher la tête… et se retint de dire de justesse que Sarkeris était son demi-frère. Pourtant, il était certain que ce n’était certainement pas le moment d’appuyer cette différence entre eux. D’autant plus qu’Alduis avait toujours su une chose : ses parents se détestaient. Avec virulence.

Il ne se souvenait, étrangement, pas vraiment de sa mère - sinon cette dernière image terrifiante de ce cadavre blanc dans ce lit blanc - mais il le savait. Il l’avait toujours senti. À la tension qui se mettait à flotter dans l’air quand ils se retrouvaient dans la même pièce. Et lui, leur fils, peut-être l’unique pont qu’il existait entre les deux, s’était souvent demandé si c’était de sa faute. Mais il ne préféra pas aborder ce sujet, de peur de connaître la réponse.

Coldris n’avait pas choisi celui de Sarkeris. Alors qui ? Alduis releva les yeux vers le tableau de la femme blonde qui surplombait la cheminée, comme la gardienne éternelle de ce bureau. Cette femme que son père regardait quand ils parlaient d’amour. Cette femme qui trônait ici comme une reine. D’instinct, il se disait que ce devait être elle. Parce qu’il sentait, bien évidemment, que Sarkeris n’était pas un bâtard comme les autres. Que ce n’était pas simplement le rejeton d’une prostituée ou d’une femme qu’il avait sautée une fois. Ou le corsaire ne se serait pas permis une telle familiarité avec leur père. Mais une nouvelle fois, il garda le silence et laissa la question en suspens.

Et puis, venait le tour de son prénom. Et l’explication le surprit plus qu’il ne s’y attendait.

— C’est le nom que j’avais choisi pour fuir le mien.

En un temps record, les cris de son père envahirent sa mémoire en écho.

Tu es une honte ! Tu ne mérite pas ton nom !
Alduis est droit et honorable !
Alduis ne trahit pas !

Il frissonna malgré lui mais les repoussa loin dans sa tête.

— Pourquoi vous me l’avez donné ?

Pourquoi c’était lui qui avait le droit de le porter, alors qu’il ne serait jamais l’héritier qu’avait espéré son père ?

Mais sa question suivante suspendit l’air. Alduis voyait les doigts tétanisés de son père et il regrettait presque d’avoir posé cette question. Il crut que la réponse ne viendrait jamais tant elle mit longtemps à venir. Pourtant, elle arriva. Dite d’une voix tremblante. Une voix qui n’était pas la voix froide et impitoyable de son père. Plus ils progressaient, plus Alduis se rendait compte que l’image qu’il s’était fabriquée de son père - ou qu’on avait fabriqué pour lui ? - se fissurait. Coldris était un homme normal. Qui pouvait mourir, lui aussi.

— Égorgée. Par mon père.

Le silence répondit. Qu’aurait-il pu répondre à cela ? Il n’en savait rien. Bérénice aurait su elle, mais pas lui. Il ne parlait pas bien, lui. Il préférait se taire pour ne pas dire de bêtises.

Coldris se leva. Alduis le suivit des yeux pour aller se servir un verre de Porto et en prendre une gorgée. La question suivante sortit avant qu’il n’ait eu le temps de la retenir, revenant sur le sujet délaissé quelques temps plus tôt, en indiquant la portrait au-dessus de la cheminée, il demanda :

— Et elle ? Qui est-elle ?
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Dim 21 Fév - 21:52



Tous ses enfants (et même son petit-fils, mais là il n’y était pour rien, c’était une idée de Bérénice) portaient un nom en -is. Étrange coïncidence, et pourtant, ce n’était pas vraiment un choix conscient. Sarkeris cela finissait comme Coldris et c’était une des raisons de son choix. Quant à Alduis… C’était le nom qu’il s’était choisi et la question de sa signification ne tarda pas à s'inviter sur la table. Il se doutait bien que ce n’était qu’une question de minutes.

Parce que ça sonne fort et honorable. Avec un nom comme ça, il ne pourra plus rien m’arriver !

Il n’avait pas manqué la surprise qui s’était peinte sur son visage et cela lui avait étiré un sourire amusé. Pourquoi ?

- Parce que c’était une évidence énonça-t-il posément.

Il ne s’était même pas posé la question d’un autre nom. Asoana avait fait des pieds et des mains pour imposer son choix, mais Coldris n’avait rien laissé passer. Plus d'un mois de tractation, d’orages virulents, plus d’un mois où l’air avait crépité sous l’effet des électrisantes tensions. La bataille avait été ardue, mais lorsqu’il avait une idée en tête, il ne renonçait jamais.

- Ta mère voulait t’appeler Phileas.

Pour sa part, il n’en avait jamais été question. Jamais il ne lui aurait laissé choisir le nom de son héritier.

- Mon père nous avait tous appelés comme lui. Tradition familiale. Alors j’ai choisi Alduis, parce que le mien me faisait vomir. Alduis, c’était sage, fort et honorable.

Parce que c’était des vertus importantes pour lui qu’il avait espéré se donner et transmettre, mais cela, il le garda pour lui. Son fils tirerait les conclusions qu’il souhaiterait de ces simples faits.
Si cette question n’avait pas été des plus faciles, ce n’était rien en comparaison de la suivante qui déterra littéralement un cadavre. Il devait empêcher les spectres de l’attirer loin, trop loin avec leurs images assassines. Le plus compliqué au fond, ce n’était pas de résister au chant des sirènes, mais de réussir à articuler une réponse tout en évitant de se laisser entraîner au large. Il l’avait déjà fait avec Aurélia, mais ce jour-là, il avait eu ses mains et sa présence pour s'arrimer dans la réalité. Aujourd’hui, il n’avait plus que son portrait et le Porto pour apaiser son cœur qui s’emballait.

— Et elle ? Qui est-elle ?

Machinalement, il se tourna vers le tableau, un sourire aux lèvres. Même après toutes ces années il chérissait toujours autant son souvenir. Qui était-elle ? Elle avait revêtu tant de noms. Jolie fleur, charmant papillon, princesse caillou, Aurélia, Aphrodite, Psyché, Circé, et finalement… ma femme. Il leva son verre en désignant la belle nymphe au regard espiègle qui détenait son cœur.

- Sophie de Farnende. déclara-t-il avec douceur, mais je l’appelais Aurélia.

Qui revêtait bon nombre de facettes. Et ce n’était sans doute pas son nom qui l’intéressait à en juger par ses lèvres qui allaient préciser sa demande.

- C’est la mère de Sarkeris, mais il l’ignore toujours. Pour l’instant du moins.

Sur ce, il but une petite gorgée.

A la tienne, ma belle déesse.


Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Jeu 4 Mar - 11:13

Il aurait pu s’appeler autrement. Phileas, comme sa mère aurait voulu, ou Brutus, peut-être. Ou bien, quelque chose de complètement différent.

Le choix d’un prénom à la naissance d’un enfant était arbitraire. Il s’était porté sur un nom particulier, comme il aurait pu se tourner vers tous les autres. On ne connaissait pas encore cet enfant, mais déjà, on faisait peser toutes les exigences du monde sur ses épaules. Par un simple prénom. Car, au fond, n’avions-nous pas déjà des espérances face à un nouveau né ? Voilà pourquoi un nom était si important… Le perdre, c’était décevoir ces espérances qu’on avait placées en lui si tôt.

Alduis, c’était le nom qu’avait choisi son père pour fuir le sien.
Alduis, c’était le nom qu’il avait donné à son héritier.
Alduis, c’était le nom que son fils portait aujourd’hui, son fils qui l’avait déçu bien plus souvent qu’il n’avait de doigts pour les compter.

Il secoua la tête. Coldris regrettait-il à ce jour ? De peur d’entendre la réponse, Alduis ne posa pas la question. Il préféra remarquer :

— Je pensais que l’honneur était pour les idéalistes.

Il se souvenait bien des leçons de son père. De celles qui lui disaient que les efforts ne suffisaient pas.

L’honneur était pour les idéalistes ? Peut-être bien après tout. Alduis avait conscience qu’il n’y avait rien de plus facile que de s’en servir contre lui. Qu’on l’avait déjà fait à plusieurs reprises, d’ailleurs. Mais il s’en fichait. L’honneur et le courage, voilà les seules véritables valeurs auxquelles il voulait croire.

Il y avait eu deux femmes importantes dans la vie de Coldris, malgré toutes les autres maîtresses, Alduis en prenait conscience.

La première était cette Isis, sa soeur, égorgée.
Et la seconde, cette femme, dont le portrait était accroché au-dessus de la cheminée. Qui était-elle ?

— Sophie de Farnende, mais je l’appelais Aurélia.

Alduis allait insister - bien évidemment, ce n’était pas ce qu’il attendait - mais son père le prit de vitesse. La réponse ne le surprit pas. C’était donc elle, la mère de Sarkeris, et à coup sûr ce qui faisait d’elle un bâtard si spécial. Parce que Coldris et cette Aurélia - quelque soit son nom - s’étaient aimés. Suffisamment pour afficher le restant de ses jours un portrait d’elle au-dessus de l’âtre.

Alduis baissa les yeux, et posa la question suivante. Avec davantage d’hésitation.

— Est-ce que… est-ce que vous pouvez m’expliquer pourquoi… pourquoi vous vous détestiez, vous et Maman ?

Maman, parce qu’il ne pouvait pas se résoudre à l’appeler autrement. Parce que c’était ce qu’elle avait été, ce qu’elle resterait. Il l’avait aimée et comme le petit garçon qu’il était encore parfois, qu’il aimait toujours. Au même titre qu’il aimait son père.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Ven 5 Mar - 13:46



Alduis. C’était ainsi qu’il avait appelé son fils légitime -par la force des choses- et pas autrement. Est-ce qu’il le regrettait ? Par le passé, cela avait pu arriver, lorsqu’excédé, il s’était demandé plus d’une fois ce qu’il avait bien pu faire pour mériter un pareil fanfaron bouffi d’insolence qui ne lui causait que des problèmes quand il aurait dû s’estimer heureux de vivre sa vie et non la sienne. Oui, c’était arrivé. Il était inutile de le nier. Le pensait-il encore aujourd’hui ? De plus en plus rarement, pour ne pas dire presque jamais. Ou pour être plus exact, il regrettait de ne pas lui avoir donné un nom détaché de son histoire personnelle. Évidemment, son fils ne manqua pas de faire remarquer la contradiction dans ses propos. Il se contenta de répondre :

— En toutes choses, les excès sont nuisibles.

L’honneur, il s’était toujours accordé à dire qu’il fallait en avoir un minimum et non un maximum. Juste assez pour être respecté, pas assez pour être enchainé. C’était sa conception de la vie. C’était Virgil qui aurait dû élever Alduis. Il aurait été bien plus heureux chez les Aussevielle au milieu des histoires de croisades et de chevaliers loyaux qu’à Fromart où l’on piétinait la morale comme les sabots d’un cheval sur les fleurs de printemps. Lui ne l’aurait jamais délabré et il aurait été bien différent. Comme Démétrius sans doute. De toute façon, Virgil était tout ce qu’il n’était pas et ne serait jamais. Il rinça ses pensées d’une gorgée de Porto bienvenue alors même qu’Alduis s’intéressait désormais au portrait d’Aurélia.
Il répondit sans cacher la vérité sur la filiation de Sarkeris. Il n’était pas idiot. Il avait bien dû remarquer que ce n’était pas un bâtard ordinaire. S’il n’avait pas été séparé de lui, il les aurait élevés comme des frères. Qu’importe que leur mère ne soit pas la même ou que cette vieille garce ait désapprouvé. Cela n’aurait rien changé. D’ailleurs quand on parlait du loup, on l’entendait hurler. Question complexe. Longue et complexe. Il ne répondit pas immédiatement, préférant se resservir avant de prendre appui contre le meuble.

— C’est une longue histoire. Mais je ne peux pas te l’expliquer en faisant plus court que ce que je m’apprête à faire. Je ne peux pas te dire pourquoi nous nous détestions, mais je peux te dire pourquoi moi je l’exècre.

Il prit une inspiration et commença :

— J’avais vingt et un ans quand j’ai rencontré Aurélia, je n’étais pas vraiment différent à l’époque de ce que je suis maintenant, et la dernière chose à laquelle j’aurais pensé c’était bien qu’elle prendrait une telle place. J’étais déjà fiancé à ta mère et nous devions nous marier l’année suivante. Je me fichais pas mal de ce mariage qui n’était rien d’autre qu’un bout de papier obligatoire pour la société. Mais Aurélia n’était pas au courant que j’étais engagé et elle, ne jurait que par le mariage, alors pour ne pas la perdre, j’ai décidé de l’épouser en secret. J’avais même trouvé mon remplaçant idéal, pour ta mère, rien de moins qu’un marquis. Mais les choses ne sont pas passés comme prévu : ta mère, celle d’Aurélia et le fameux marquis nous ont démasqués et ont fait annuler notre mariage.

Il s’arrêta pour prendre une gorgée. Trente ans après cela avait toujours le don de l’agacer. Il ne se souvenait que trop bien de sa rage mêlée de désespoir. Il était prêt à recommencer encore et encore, autant de fois qu’il le faudrait, mais…

/!\ Spoiler pour les Amants de Braktenn:

— Finalement, je n’ai pas eu d’autre choix que d’accepter que j’étais bien marié et que celle que je considérais comme ma femme était désormais celle d’un autre. Puisque les choses étaient ce qu’elles étaient, elle a fini par consentir à être ma maitresse. Puis elle est tombée enceinte...

Fatalement, c’était dans l’ordre des choses. Et arrivé à ce moment de son récit, il sentait l’impitoyable marée monter en lui pour l’engloutir tout entier. En revanche, tout le reste semblait disparaitre, l’environnement où il se trouvait, son cœur alourdi de plomb qui coulait dans sa poitrine, il ne se souvenait même plus de la question d’Alduis. Il était juste là, sur le pas de cette porte où soufflait un glacial blizzard. Ou bien était-ce des voix qui murmuraient ? Il ne savait plus vraiment. Son regard était concentré vers ce bateau balloté par la houle et les vents puissants, ce bateau qu’il n’avait jamais vu, mais dans lequel il savait qu’elle se trouvait. Il l’entendait hurler et cela le pétrifiait.

Ce n’est pas la réalité, ce n’est pas la réalité

Il n’avait même pas conscience que ses mains s’étaient tétanisées. Machinalement, il voulut faire un pas en arrière pour s’éloigner de cette porte, mais il heurta le meuble contre lequel il était adossé. Le bruit sourd du bois suivi du tintement des verres en cristal posés dessus le ramena à l’instant présent. Les yeux dans le vague, il secoua machinalement la tête pour s’éclaircir les idées en même temps que sa main cherchait la petite fiole dissimulée dans son veston. Il était si rodé à l’exercice qu’il n’avait pas besoin d’avoir tous ses esprits pour y verser dans son verre de quoi s’apaiser. Il le vida aussi sec. Quelques inspirations plus tard, il s’était suffisamment calmé pour achever son récit.

— Ta mère a eu peur qu’il prenne ta place, alors elle a essayé de s’en débarrasser. Aurélia a commencé à s'inquiter des menaces et un beau jour, elle n’était plus là. Elle avait embarqué pour Lodmé sans me prévenir. La tempête s’est levée et elle a accouché à bord. Elle… il baissa les yeux et le reste de sa phrase se perdit Sarkeris a été abandonné à bord. acheva-t-il comme un couperet pour en finir au plus vite.

Le tambourinement incessant de son cœur l’oppressait, de même que ce bourdonnement assourdissant dans ses oreilles. C’était encore et toujours la même chose. Le noir, le froid, l’asphyxie, la sensation de ses côtes qui se resserraient de plus en plus jusqu’à perforer ses poumons. Il ne s’en libèrerait jamais. Il aurait voulu oublier. Il aurait voulu ne plus s’entendre hurler de détresse, mais non, toutes ses sensations comme celles de ses yeux brulants des larmes qui s’écoulaient continuellement étaient inscrites dans chaque infime portion de son corps pour l’éternité à venir.

— Voilà, je pense que tu sais tout.


Je te hais.
Je te déteste.
Je te maudis,
Sale catin de malheur
Qui a ruiné ma vie.


Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Mer 17 Mar - 17:02

Les excès étaient nuisibles. Certainement. Après tout. Mais Coldris ne faisait-il pas des excès lui-même, au fond ? Combien de femmes réchauffaient son lit par semaine ? Alduis avait conscience que nombre d’hommes se seraient servi de son honneur contre lui, mais il s’en fichait. Quand bien même cela finissait par lui coûter la vie. Au moins, il serait resté fidèle à ses valeurs.

Quelles valeurs possédaient donc son père, au juste ? Souvent, il s’était posé la question… et encore aujourd’hui, en le regardant, il ne savait que répondre. Y avait-il des choses auxquelles il croyait, pour lesquelles il estimait que sa vie pouvait être risquée ? Le pouvoir, peut-être. Les femmes, d’une certaine manière, et celle que représentait ce portrait en avait fait partie.

Au contraire de sa mère qui n’avait jamais été importante dans le cœur de son père… Alduis le savait depuis tout temps. Comment ne pas s’en apercevoir alors qu’il sentait presque encore ces frissons apeurés parcourir sa peau tandis que ses parents se retrouvaient ensemble dans la même pièce, à se fusiller du regard ? Il ne se rappelait plus vraiment, en fait, mais ces sensations étaient solidement ancrées en lui. Qu’il en soit la cause ou non, il avait besoin de mettre des mots sur cette haine sous-jacente qui avait toujours flotté dans l’air, comme un poison qui l’empêchait de respirer.

Avant de répondre, son père se resservit un verre. Alduis ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Il comprit avant même que les premiers mots ne sortent de la bouche de Coldris qu’Asoana et cette Aurélia avait été liées dans une histoire, d’une manière ou d’une autre. Que le ministre avait aimé la seconde, profondément, sans jamais éprouver la plus petite once de désir pour la première.

Une autre question s’imposa alors. À quoi pouvait bien ressembler une femme qui pouvait séduire le coeur d’un homme comme Coldris de Fromart ? Il n’en savait rien. Il regarda son père prendre une deuxième gorgée pour se donner du courage. Il ressemblait fort à un homme qui s’apprêtait à vivre une condamnation, à sauter dans le vide sans voir le fond.

Les mots suivants firent plus d’écho en lui.

— J’étais prêt à fuir le pays et même le continent pour recommencer de zéro.

Alduis avala sa salive. Fuir. Déserter. Partir loin. Tout plutôt que de le pousser dans le vide. Il secoua la tête pour chasser les images qui menaçaient déjà, plus sournoises que de sombres araignées, de venir s’incruster. Il se concentra sur les explications de son père. Ainsi donc, c’était ici, dans une histoire de mariage… un mariage qui ne pouvait être annulé… que se fondait toute la colère qui existait entre ses parents.

Il retint tant bien que mal ses poings de se serrer lorsque Coldris insulta - davantage par les yeux que par les mots - Asoana. Il dût ravaler, avec tous les efforts du monde, la fureur qui venait d’envahir ses veines d’un coup. Mais au même titre que Coldris avait étouffé les mots, Alduis ne dit rien.

Coldris posa son verre sur le plateau, dans un tintement sonore. Quelques mots de plus. Et il perçut comme un changement dans l’air. Dans le regard de son père et dans son attitude. Alduis le regarda, sans savoir quoi faire, ni quoi dire. Il avala sa salive et ses jointures devinrent blanches quand il les serra sur la poignée du tiroir pour essayer d’évacuer la pression qui commençait à s’accroître dans son ventre.

Coldris avait l’air absent, spectateur d’images invisibles, spectrales et imaginaires, qui défilaient devant ses yeux, au point de ne plus savoir où était le passé, le présent et le futur. Le réel et l’irréel. Alduis connaissait bien trop cette sensation pour ne pas comprendre. Était-ce cela qu’il se passait, quand les portes de sa mémoire s’ouvraient, pour l’aspirer, l’entraîner si loin dans les méandres de son esprit qu’il ne pouvait plus faire demi-tour ? Qu’il ne pouvait même plus penser logiquement ? Lui aussi, ressemblait à un homme perdu, dressé sur une falaise au-dessus de la mer furieuse, à attendre on ne savait quoi ?

À vrai dire, cela lui fit peur. Le silence était lourd, si lourd. C’était étrange. Étrange de se rendre compte que lui et son père n’étaient pas si différents. Qu’il n’était pas tout seul à perdre son chemin sans parvenir à le retrouver et…

La vie reprit son cours soudainement. Son père revint dans le monde présent. Seul. Sans aide. Au bout de quelques minutes. Alduis essuya ses mains contre ses vêtements. Il avait un désagréable goût amer au fond de la gorge, sans savoir pourquoi, en regardant son père vider son verre d’un coup et respirer pour terminer son récit. Il avait été amoureux. On l’avait forcé à mettre fin à cette relation. Il l’avait perdue, cette femme si chère à son coeur.

Coldris mit fin à son histoire. Alduis ne dit rien.

Il savait ce que cela faisait.
Il savait ce que cela faisait.
Il savait ce que cela faisait.

La même phrase revenait toujours en boucle dans son esprit, d’un coup, comme si plus rien ne comptait d’autre.

Il savait ce que cela faisait. Et il le lui avait tout de même imposé la même chose. Il serra soudainement les dents, à s’en faire mal aux mâchoires.

— Si vous savez ce que ça fait, pourquoi est-ce que vous avez fait exactement la même chose ?

Sa voix s’était soudainement fait plus froide. Il ferma les poings. S’empêcha de penser au cours désarticulé de Mathurin. Mais c’était peine perdue, parce que cette fois, il ne put rien faire. Il secoua la tête. Il ne précisa pas de qui il parlait, c’était évident.

Et lui ? pourquoi avait-il obéi ? pourquoi l’avait-il tué ?

— Vous avez ruiné toute sa famille, vous les avez mis à la rue, vous avez demandé de mettre fin à la relation, vous...

Quoiqu’il arrive, je t’aime.

— Vous n’aviez pas le droit de faire ça, pas en sachant que ça fait...

Il secoua encore une fois la tête. Regarda ses bottes en prenant une inspiration pour remplir ses poumons. Il avait de nouveau envie de vomir. Tout à coup, il lui semblait ressentir de nouveau la morsure du fer sur son visage qui dessinait un trait sanglant. Et cette envie brûlante de recommencer.

— Si vous pensez que c’est facile, murmura-t-il soudainement en se prenant la tête dans les mains, que je n’ai pas essayé de changer… Je pensais que je finirais par apprécier les visites au lupanar avec vous, que je finirais par être normal en faisant suffisamment d’efforts. J’ai essayé. J’ai tout essayé.

Et malgré tout, c’était toujours là. Dès qu’il regardait un homme. Il ne pouvait rien faire contre et il était fatigué de lutter.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Lun 22 Mar - 12:30



Coldris se perdit dans son récit. Dans ce dédale de souvenirs qu’il n’avait plus évoqués depuis des années et uniquement en présence de Virgil ou de Solange. Il ne prêta pas la moindre attention à Alduis. D’ailleurs il ne voyait plus grand-chose du décor qui l’entourait excepté ces images dansantes du passé. Tellement qu’il avait dû avoir recours au laudanum pour ne pas se laisser emporter. Il se resservit et prit une nouvelle gorgée, le souffle toujours court.

— Si vous savez ce que ça fait, pourquoi est-ce que vous avez fait exactement la même chose ?

De qui parlait-il ? Il fronça les sourcils. Il n’avait jamais fait cela. Il chercha encore car de toute évidence Alduis lui reprochait quelque chose. Il baissa les yeux vers ses poings serrés alors qu’il secouait la tête. Ah… Oui… Comment s’appelait-il déjà ? Aubin ? Non. Mathurin. Son visage se referma. Il avait tous les droits de préserver sa famille bien au contraire.

— Cela n’a strictement rien à voir. trancha-t-il sèchement Elle était noble, de très bonne famille et si je n’avais pas été fiancé. Personne n’y aurait trouvé à redire. Et par-dessus le marché, c’était une femme !

Et quoi alors ? Il lui reprochait de l’avoir poussé dans le vide ? On ne poussait pas ceux que l’on aimait soi-disant dans le vide. Jamais, jamais ô grand jamais, il n’aurait fait une chose pareille à Aurélia. Il aurait sauté lui ou mieux il aurait fui avec elle. La seule chose qui l’empêcha de le lui dire fut le souvenir d’Alduis perché sur le rebord de la fenêtre, car Coldris n’appréciait guère qu’on lui reproche des choses dont il n’était pas responsable. Il lui avait demandé de cesser sa relation. Pas de l’assassiner. Il avait fait son choix, il n’avait qu’à l’assumer désormais, c’était ce que faisaient les hommes. La vie était faite de choix. Qu’il le veuille ou non c’était lui et personne et d’autres qui l’avaient poussé en bas de cette falaise. Il aurait pu en être autrement. On avait toujours le choix. Toujours. Il reprit une gorgée pour se calmer. L’heure n’était pas à l’affrontement. Ce n’était pas pour cela qu’il lui avait proposé de venir ici affronter ses démons. Il inspira calmement, en songeant à la présence apaisante de Virgil. Et lui qu’aurait-il fait à sa place ? Parce que lui n’aurait pas plus apprécier de savoir que son fils en baiser d’autres. En campagne, cela passait encore. Mais en dehors…

— Si vous pensez que c’est facile, murmura-t-il soudainement en se prenant la tête dans les mains, que je n’ai pas essayé de changer… Je pensais que je finirais par apprécier les visites au lupanar avec vous, que je finirais par être normal en faisant suffisamment d’efforts. J’ai essayé. J’ai tout essayé.

Il leva finalement les yeux vers Alduis et constata pour la première fois l’état de détresse dans lequel il se trouvait. Coldris soupira, avant de reprendre une gorgée du breuvage qui lui réchauffa quelque peu ses glaciaux boyaux.

— Je suis désolé, Alduis. J’ai fini par l’accepter mais je ne comprendrais jamais. C’est hors de ma portée. Il est inutile de m’en demander plus.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Lun 22 Mar - 19:55

Cela n’avait strictement rien à voir ? Vraiment. Oui, elle était noble, elle était de bonne famille et il aurait pu se marier avec elle s’il n’avait pas déjà été fiancée avec Asoana. Oui, elle était une femme. Et alors ? Coldris pensait-il sincèrement qu’Alduis avait décidé d’être incapable d’éprouver le moindre désir pour une femme ? Il devait bien admettre que lui-même en doutait parfois. De moins en moins, certes - il avait essayé de changer ces dix dernières années sans le moindre succès - mais il arrivait des moments où il se posait la question de nouveau. Sans trouver de réponse. Peut-être n’y en avait-il aucune.

Qu’est-ce qui faisait qu’il aimait les hommes, lui, et pas un autre ? lui, et pas son père ?

Alduis serra les dents. Il serra les poings. Il prit une inspiration et la retint dans ses poumons. Ce n’était pas le moment de perdre le contrôle de ses émotions. Ni celui de ses souvenirs. Il devait rester dans le présent, ici, dans ce bureau, et ne pas se laisser entraîner vers le bord de cette maudite falaise, où les rochers allaient vers le ciel comme des doigts crochus et avides de Vie.

Il expira l’air lentement. Ne pas y penser. Ne pas y penser. Il savait, au fond de lui, que son père n’était pas le coupable. Il était seul et unique responsable. C’était lui qui avait pris la décision de le pousser. Il avait cru pouvoir l’assumer, pouvoir le supporter. Mais c’était faux. Plus les jours passaient, plus il regrettait son choix.

Il aurait pu sauter à sa place. Il aurait pu déserter et partir avec lui. Il aurait pu attendre la semaine supplémentaire que lui avait accordée son père. Il aurait pu faire tellement d’autres choses. Il avait fait la seule chose qui était irréparable, poussé par la peur et cette envie sournoise de plaire à Coldris. D’être son héritier, quand bien même il avait fait alors beaucoup de choses pour l’énerver. Pourtant, tomber amoureux de Mathurin n’en avait pas fait partie. S’il avait pu, oh si seulement il avait pu, ne pas l’être…

Mais il avait tout essayé. Disant cela, il se prit la tête dans les mains et prit une nouvelle inspiration. Il n’était plus furieux, tout à coup, juste désespéré. Perdu. Il ne vit pas son père lever les yeux vers lui et sa voix qui s’éleva soudainement, plus calme, le surprit. Il ne le regarda cependant pas. Il préférait ne pas croiser son regard. De peur d’y lire il ne savait quoi.

— Je suis désolé, Alduis. J’ai fini par l’accepter mais je ne comprendrais jamais.

Accepter. Alduis n’y arrivait pas lui-même. Pas totalement. Il ne pouvait se défaire de cette impression qu’il ne faisait pas suffisamment d’efforts. Il soupira, secoua la tête pour lui-même sans répondre et ferma les yeux. Il ne sut pourquoi, subitement, il se mit à raconter :

— Je me suis défiguré.

Il avait tracé ce trait brûlant sur son visage lui-même. Sûrement son père le savait-il déjà. Au fond, l'excuse qu'il lui avait donnée pour expliquer cette balafre n'était pas crédible et ne l'avait jamais été.

— Et j’aurais continué si… Bérénice n’était pas venue.

Il aurait tracé, encore et encore, de sanglantes cicatrices sur son visage. Jusqu'à le réduire en charpie s'il l'avait fallu. Jusqu'à s'ouvrir le crâne à force de le frapper contre les murs. Il avait voulu le faire. Encore. Encore. Déchiré sa peau, son visage, pris de ce sentiment inexplicable et frénétique qu'était l'auto-destruction.

— Je me disais… je me disais que ça le ferait fuir. Que ce serait plus facile si plus personne ne pouvait me trouver quoi que ce soit. Je sais… Je sais que c'est idiot.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Lun 22 Mar - 22:54



Franchement que pouvait-il dire d’autre ? L’accepter c’était déjà suffisamment compliqué et la simple idée d’imaginer la chose lui donner furieusement envie de vomir, mais de toute évidence il n’avait pas le choix, alors il n’allait pas s’épuiser à se battre contre ce qui de toute évidence ne risquait pas de changer. Tant qu’il se mariait et faisait son devoir conjugal alors au fond, cela n’avait pas réellement d’importance. C’était à se demander pourquoi il avait mis si longtemps pour le fiancer puisqu’au final, c’était bien la seule chose importante : qu’il engendre un héritier à son tour et poursuive la lignée familiale à son tour.

Mais même cet aveu ne parvenait pas à le rassurer. Que lui fallait-il de plus ? Il l’avait dit, il ne pouvait rien attendre de plus de lui sur ce sujet. Que ça lui plaise ou non. C’était déjà beaucoup lui concéder…

— Je me suis défiguré.

Évidemment ! Il le savait bien qu’il s’était fait cela tout seul. A un autre endroit, il aurait encore eu une légère hésitation, mais là ? Sur le visage ? Sans sortir de sa chambre ? À cause d’un entrainement ? Vraiment ? Il n’y avait pas vraiment de place au doute. C’était bien pour cela qu’il ne s’était même pas donné la peine de répondre. Sans parler du fait qu’il passait son temps à le provoquer et à jouer avec ses nerfs. Il s’était même imaginé un instant qu’il avait fait cela dans un nouvel acte de défi.

— Et j’aurais continué si… Bérénice n’était pas venue.

Ah oui, c’est vrai que Bérénice était de retour à Fromart ce jour-là. Il avait bien choisi son jour au fond. Coldris avait bien trop subi de mutilation imposée pour que la simple idée de se lacérer soi-même ne lui effleure l’esprit. Avoir passé des nuits et des journées entières à retenir ses larmes car son dos à vif rendait insupportable le simple contact du tissu sur sa peau avait amplement suffi à lui faire passer l’envie de s’amuser à se blesser « comme ça ».

— Je me disais… je me disais que ça le ferait fuir. Que ce serait plus facile si plus personne ne pouvait me trouver quoi que ce soit. Je sais… Je sais que c'est idiot.

C’était donc cela la raison. Ce n’était pas ce qui repoussait les femmes, alors il doutait fortement que cela ne repousse les hommes. Il devait bien le savoir, puisqu’il en avait récolté quelques-unes sur les champs de bataille. Au pire, il devait récolter des regards soulagés et au mieux il passait pour un héros -ce qu’il était sans doute sur le front-. Mais le dégoût ? À moins de s’arracher un bras ou de se bruler la moitié du visage ce n’était pas près d’arriver. À tel point que la seule raison qui empêchait Coldris de se déshabiller entièrement lorsqu’il était avec une femme, c’était sa honte entremêlée de souvenirs douloureux qu’il s’efforçait d’enterrer en évitant toute question sur le sujet.

— En effet c’était complètement idiot. Tout le monde fait parfois des choses idiotes, Alduis. Même moi.

Oh oui, des choses idiotes, il en avait un paquet à son actif. Certaines futiles, certaines plus graves. Mais il les acceptait toutes avec ce qu’elles comportaient de conséquences plus ou moins déplorables.

—  Mais une fois que cela est fait, il ne sert à rien de les regretter ou de les ressasser éternellement. Quels que soient tes choix tu dois les accepter et les assumer. Si tes regrets te dévorent alors tu n’as plus qu’à trouver un prêtre qui accepte de te confesser et de t’en absoudre.

Pour cette dernière partie, c’était plutôt l’avis de Virgil qui faisait foi, car Coldris n’avait pas le moindre regret. Excepté sur une chose : avoir utilisé son fils pour parvenir à tuer sa femme.


Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Jeu 15 Avr - 23:44

Qu'est-ce qu'Alduis avait espéré, au juste, en disant cela à son père ? Il n'en savait rien. Il n'était pas surpris de la réponse non plus, à vrai dire. C'était la stricte vérité : ce coup de dague était strictement stupide. Quoi d'autre ? C'était tout. Il avait été idiot, mais désormais cette cicatrice était là, balafrant sa joue.

Le dire n'avait pas comblé le moindre vide en lui. Bien au contraire. Il lui semblait même que cela creusait encore plus le gouffre... si c'était néanmoins possible. Il avait parfaitement conscience que Coldris n'allait pas le prendre dans ses bras, pour le rassurer. Il ne l'avait jamais fait, et ne le ferait jamais.

Et pourtant... naïvement, peut-être que c'était ce qu'il continuait à attendre ? Il voulait le rendre fier, mais pas seulement. Il aurait souhaité se sentir aimé. Au fond, il n'avait pas vraiment la sensation d'être de la famille. Quand il regardait Bérénice et son père, qu'il voyait leurs ambitions, la volonté qui les habitait, qui les poussait à viser toujours plus haut, il se disait qu'il n'avait rien à faire là. À quoi ressemblait-il, lui, dans ce monde ? Bérénice avait beau lui dire que c'était en s'entraînant à parler qu'on apprenait, il fallait se rendre à l'évidence : Coldris et sa sœur les maniaient avec bien plus de facilité qu'il ne le ferait jamais.

Alduis serra les dents. Trouver un prêtre, oui... Ou sauter. Il releva les yeux vers son père. Ce soir, ce fameux soir, celui de la fenêtre, il lui avait dit qu'il savait ce que cela faisait d'avoir envie de mettre fin à sa vie alors...

— Comment est-ce que vous avez fait pour arrêter d'être tenté par... la mort ?

Car où qu'il aille, il restait ce pincement au coeur qui regrettait. Cette partie-là n'avait pas envie d'être sauvée... pourtant, on ne cessait de venir à sa rescousse. Peut-être qu'au fond, il n'avait pas si envie de mourir que ça ? Peut-être qu'en lui, quelque chose continuait d'appeler à l'aide ? Un petit garçon qui était désespérément en manque d'attention et qui ne trouvait rien de mieux à faire que de mettre ses chances de la trouver en danger pour en recevoir, ne serait-ce qu'un peu. Les gens ne vous retenaient pas, s'ils ne tenaient pas à vous, non ?

Alduis secoua la tête. Se concentrer ailleurs que sur la mort. Continuer ses recherches dans le bureau. Trouver autre chose. Il avait subitement envie d'en finir mais il savait que s'il arrêtait maintenant, il n'aurait jamais le courage de finir. Il devait aller au bout. C'était comme un serment qu'il avait scellé avec son père : Coldris lui ouvrait son passé et lui le découvrait.

Il s'assit. Et revint à l'exploration. Il prit un carnet, un peu au hasard, un de ceux qui se trouvaient en arrière. Il feuilleta les pages, lisant deux ou trois mots par ci, une page par là, et reprenait du début. Jusqu'à tomber sur une page, la page.

À mon fils.

Alduis s'arrêta soudainement de feuilleter et releva les yeux. Il respirait un peu plus vite sans le vouloir. Il dut faire un effort pour baisser les yeux de nouveau. Il ne savait pas s'il avait envie de le lire mais il le fallait.

Tu n'y es pour rien dans ce qui est arrivé.

C'était peut-être évident. Comment un nourrisson, un enfant de quelques années, aurait-il pu être sincèrement responsable de malheur ? Mais le lire lui fit néanmoins du bien. Il effleura les mots du doigt puis demanda :

— Vous pouvez me raconter... comment ça s'est passé ? La première fois que vous avez passé du temps avec moi.

Alduis avait beau avoir une mémoire colossale, elle ne remontait pas si loin en arrière. Mais elle avait beau ne pas avoir enregistrée de mots ou d'images, il restait des sensations inconscientes. Et parmi elle, celle qui lui disait que son père ne voulait pas de lui.

— Pourquoi est-ce que vous avez changé d'avis, pourquoi est-ce que vous êtes venu me voir et que vous n'avez pas continué sans moi ?
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Ven 23 Avr - 15:49

 

Il secoua son verre. Au fond, il ne restait guère plus qu’une larme ambrée qui léchait le verre. Il se pinça les lèvres et déboucha la carafe : le jour n’était pas près de poindre.

— Comment est-ce que vous avez fait pour arrêter d'être tenté par... la mort ?

Pourquoi fallait-il qu’il pose précisément toujours les questions les plus dérangeantes ? Le Porto s’écoula, puis un grincement indiqua que l’orifice venait d’être à nouveau scellé. Coldris se retourna, s’adossa au meuble et plongea son regard de glace dans celui de son fils, si semblable au sien.

— J’ai trouvé une première raison de vivre pour me hisser sur la berge. Puis d’autres pour m’y maintenir.

Il n’avait pas envie de lui expliquer que cette première raison c’était Sarkeris. Que c’était Virgil qui l’avait tiré des Enfers pour le remettre à flot. Et qu’il avait passé des mois entiers à retourner terres et mers pour le retrouver avant de baisser lamentablement les bras. Il prit une gorgée.

— Les vivants et mon travail. conclut-il

Son travail, ses ambitions. Puisqu’il avait littéralement sacrifié tout ce qu’il possédait pour cela, il n’avait plus désormais qu’à se hisser le plus haut possible et faire ces « grandes choses » dont on ne cessait de lui rebattre les oreilles dès lors qu’il voulait tourner le dos à la politique. D’ailleurs, de toutes ces personnes qui l’avaient continuellement poussé et supporté, combien s’étaient imaginées qu’il participerait à la création d’un empire alors que Monbrina n’était alors qu’un ridicule petit royaume sans aucune prétention ?

Il se dirigea d’un pas lent vers le fauteuil qu’il avait quitté quelques minutes plus tôt. L’atmosphère était pesante. Alduis s’était remis à fouiller ses tiroirs et quand bien même il l’avait autorisé à le faire, il avait la cruelle impression que c’était ses entrailles que l’on triturait, démêlait, extirpait. Ce n’était pas vraiment ce qu’il avait imaginé ce soir-là. Derrière chaque question, il ne pouvait s’empêcher de sentir un fond de jugement -à tort ou à raison- sur ses actes passés. Il savait bien qu’il n’avait rien fait comme il fallait et que la seule chose dans laquelle il savait exceller, c’était son travail. Se le voir repointer du doigt lui laissait de nouvelles brulures sur le corps que la chaleur tiède du Porto parvenait à peine à contrebalancer. Il n’osait même pas regarder lequel de ces tiroirs, il avait bien pu ouvrir désormais.

— Vous pouvez me raconter... comment ça s'est passé ? La première fois que vous avez passé du temps avec moi.

Il ne répondit rien. Pourquoi cette question ? D’ailleurs la question était de savoir de quelle première fois on parlait réellement.  Raconter sa première fois aurait été nettement plus facile que leur première fois. Commençait-elle à « son intention de » et ses innombrables échecs ou bien au jour où il avait finalement réussi à prendre le taureau par les cornes et faire ce qu’il fallait faire ? Ses yeux se posèrent sur le plateau du bureau et… Il comprit. C’était l’un des carnets où il griffonnait ses pensées lors de ses insomnies. Celui-ci était véreux. Des vers qui grignotaient son esprit et qu’il jetait sur le papier pour éviter de finir dévoré. Il sut ce qu’il avait lu.

Il est vrai que lorsque tu es né,
Je n'ai pas daigné te regarder,
Car c'est un autre que j'attendais,
Dans ce blanc berceau de  nouveau-né.

Mais je n'ai pas pu le rencontrer,
Car elle m'en a dépossédé
De celui que déjà j'adorais
Cette jalouse mer courroucée.

Les jours ont défilé.
Les nuits ont défilé.
Les mois ont défilé.

Sans que ne puisse cicatriser
Ces purulentes, souffrantes plaies
Ne laissant qu'un coeur pétrifié
Hanté, torturé, supplicié.

Les jours ont défilé.
Les nuits ont défilé.
Les mois ont défilé.

Incapable de pouvoir t'aimer
Sans pouvoir fuir et te rejeter
Incapable de te regarder
Sans pouvoir fuir et partir pleurer.

Mais il n'est qu'une immuable et dur vérité :
Tu n'y es pour rien dans ce qui est arrivé.

Les jours vont encore défiler.
Les nuits vont encore défiler.
Les mois vont encore défiler.

Avant que je ne puisse t'aimer
Mais je sais bien que j'y parviendrai,
Car tu es mon fils, mon héritier,
Rien ne saurait nous le retirer.

Ni mère enfiellée.
Ni début tourmenté.

Il reprit une gorgée et constata que son verre se vidait plus que de raison. Le silence s’étirait et il devait une réponse. Ce n’était pas comme s’il avait écrit ce poème pour qu’il soit lu. Non, c’était juste pour se soulager lui, et passer à autre chose. Il s’ébroua presque, glissa une main dans ses cheveux et commença.

— C’était en octobre 1571 et il se souvenait fort bien des couleurs chaleureuses des arbres du parc Tu ne disais toujours pas un mot. Je suis entré dans le salon, tu jouais avec des petits chevaux de bois, mais ce n’était pas ta nourrice qui te gardait, c’était elle. il serra les mâchoires. C’était dans ce sourire mauvais qu’il avait trouvé la force de se jeter à l’eau. Simplement pour lui donner tort. Chaque fois que tu m’apercevais tu te mettais à hurler ou à pleurer. Ce jour-là tu étais juste figé. Il avait cherché le soutien de sa mère, elle lui avait intimé de rester, il lui avait ordonné de le suivre. Je t’ai emmené dehors… J’étais terrifié. Terrifié à la simple idée de croiser ton regard et d’y voir mon reflet. il vida le fond de son verre pour se donner du courage. Il y avait cette toute petite main si fragile dans la sienne et son cœur qui battait si fort. Il leva finalement ses prunelles séracs vers les siennes Je ne savais pas quoi faire.avoua-t-il Alors je t’ai pris dans mes bras pour te porter et je t’ai emmené voir les andalous.

Et les chevaux avaient eu plus de succès que lui pour obtenir un peu de vie dans son regard. Il s’en était presque vexé de voir que des animaux se débrouillaient mieux que lui qui était pourtant si intelligent. Qu’est-ce qu’ils avaient qu’il n’avait pas ? Encore aujourd’hui il n’était pas sûr de la réponse. Son verre était de nouveau vide. Il contempla une nouvelle fois la gouttelette tracer des sillons pourpres. Puis se leva.

— Pourquoi est-ce que vous avez changé d'avis, pourquoi est-ce que vous êtes venu me voir et que vous n'avez pas continué sans moi ?

Il se figea. Pourquoi devait-il toujours poser précisément ces questions ? Celles qui faisaient mal, celles qui n’allaient pas manquer de le blesser. Devait-il répondre ? Il pivota vers Alduis, mal à l’aise.

—Parce qu’il était temps de tourner la page. Parce que mon héritier c’était toi et que cela n’aurait pu être personne d’autre.

Il hésita à se resservir, mais ce n’était pas des plus sage dans l’immédiat. Il déposa son verre.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Mer 28 Avr - 14:10

Le regard de Coldris était plongé au fond du sien. Où avait-il trouvé la force de survivre ? de continuer à avancer ? La seule chose qu’avait envie de faire Alduis, c’était de se rouler en boule dans un coin et de se laisser mourir. Mais personne ne le laissait faire. On le poussait en avant et plus le temps passait, plus il avait la sensation que la vie continuait sans lui.

Les vivants et mon travail.

En un sens, Alduis comprenait. Parce que jusqu’à présent - quand bien même, il espérait parfois ne pas revenir du front - la perspective de guerroyer faisait battre le sang dans ses veines. Mais quand il n’y aurait plus de guerre pour faire naître de l’adrénaline dans son sang ? Que ferait-il ? Cette question l’effrayait. Alors au lieu de s’y confronter, il la fuyait. Il n’avait pas cru arriver jusqu’ici. Comment justifier qu’il ait survécu à toutes ces batailles alors qu’un rien pouvait tout faire basculer ? Il avait retrouvé, un par un, les corps de ses amants. Écrasé. Transpercé. Empalé. Découpé. Dans son entourage, il y avait plus de morts que de vivants.

Coldris se dirigea vers le fauteuil tandis qu’Alduis reprenait les fouilles, dans un vain espoir de chasser les idées de mort qui recommençaient à flotter dans son esprit. Quelque chose flottait dans l’air. Alduis hésita soudainement. Était-il vraiment le bienvenu ? Avait-il vraiment le droit de faire cela ? Il ne savait plus vraiment. Il sentait la tension de son père, sa crispation. Qui faisait remonter au fond de lui de vieilles impressions.

Il n’était pas l’héritier qu’il avait voulu avoir. Il ne le saurait jamais. Et ce poème, indépendamment du reste le disait. Car c’est un autre que j’attendais. Alduis rangea le carnet là où il l’avait trouvé. Il ne regarda pas son père quand il posa les questions suivantes et attendit avec anxiété.

Octobre 1571. Alduis avait trois ans. Il ne parlait pas.

Au fur et à mesure des mots de son père, le jeune homme se représentait la situation. C’était étrange de s’imaginer, lui, enfant, petite chose blonde, dans les bras d’un Coldris plus jeune. Alduis aurait aimé pouvoir recommencer cette journée-là. Il ne savait pas pourquoi. Pour améliorer les choses ? Recommencer tout de zéro ? Mais c’était impossible.

Il regarda de nouveau les tiroirs et secoua la tête.

— Je… je peux arrêter si vous préférez.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Mer 28 Avr - 15:20


Ses questions le terrifiaient. Il ne pouvait pas s’échapper. Seulement affronter. Attendre que le raz-de-marée passe sans se laisser noyer. Plus il parlait, plus l’atmosphère s’alourdissait et l’enchainait jusqu’à l’étrangler. Tous ces aveux le lacéraient. Les déterrer le blessait. Les partager l’achevait.

Pire que tout, il avait la sensation que tout cela faisait plus de mal que de bien. Maintenant qu’Alduis avait compris qu’il avait cherché Sarkeris toutes ces années, il pouvait sans doute faire une croix sur une possible entente cordiale entre eux. Sans parler du fait qu’il venait avec ses aveux d’envenimer la situation inextricable dans laquelle il se trouvait empêtré, comme un poisson pris au filet. Plus il se débattait, plus l’étau se resserrait.

— Je… je peux arrêter si vous préférez.

Il se figea, un instant, quasi surpris d’être ainsi tiré de ses pensées avant de secouer lentement la tête puis de se retourner lentement vers lui.

— Tu ne me déranges pas, Alduis. Je t’ai dit que tu pouvais le faire, c’est que tu le peux. Cela n’a rien à voir avec toi. C’est juste… il fit un vague signe du bras pour englober le bureau Tout cela était profondément enterré, ce n’était pas fait pour être exhumé un jour, tu comprends? Mais cela ne fait rien. Au contraire, c’est sans doute nécessaire. Quand bien même cela n’a rien d’agréable.

Il y avait d’autres mots qui se pressaient sur ses lèvres. Sans doute l’effet engourdissant du laudanum et de l’alcool combinés qui faisait tomber ses défenses. Il ne savait même pas comment formaliser cela. Quoi qu’il dise il avait la sensation que cela finirait mal. Il était trop tard pour recoller des morceaux. Il ne pourrait jamais bâtir guère plus qu’une vague passerelle qui finirait emportée par la première crue.

— Je sais que je n’ai pas été le père que tu voulais. Je le sais tellement bien que je voulais que Virgil t’emmène à Saint Eloi. Je lui ai demandé plusieurs fois. Parce que tu aurais été mieux là-bas qu'ici. Il aurait su quoi faire, lui.

Et maintenant il n’est plus là.

Il n’aurait pas dû être père tout court. Et surement pas avec elle comme mère. Mais c’était trop tard pour recommencer. Avec le fils qu’il avait vu grandir, il regrettait d’avoir tout brisé et avec celui qu’il n’avait pas vu grandir, il regrettait tout ce qu’ils ne partageraient jamais.

Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Jeu 13 Mai - 12:56

Alduis ne fouillait plus. Il avait ramené ses mains devant lui et les serrait l’une contre l’autre, sans bouger. Il avait l’impression d’être un corps étranger que l’on ne parvenait pas à accepter. Il avait parlé sans regarder son père et pourtant, ce dernier se tourna lentement vers lui.

Ses mots le surprirent. Ce fut à son tour de se tourner vers Coldris pour le regarder. Sans vraiment comprendre. Alors il ne le dérangeait pas ? Il hocha la tête et pourtant, n’osa pas reprendre. Cependant, il comprenait. Il y avait des souvenirs, enfouis profondément, qu’il était difficile de ressortir. Ces images que l’on essayait d’oublier et qui parfois ressurgissaient, à l’improviste, pour vous brûler l’esprit tel une gangrène. Il connaissait bien.

Il y avait des cadavres dans son esprit. Y en avait-il autant dans celui de son père ?

— Je sais que je n’ai pas été le père que tu voulais.

Oui, c’était vrai. Combien de fois Alduis avait-il rêvé d’avoir un autre père ? Des dizaines, peut-être même des centaines de fois. Un père comme Virgil… Oui, il aurait aimé et pourtant… Une partie de lui n’avait aucune envie de changer de père. Il n’avait pas abandonné l’espoir de pouvoir être un jour à la hauteur de la tâche qu’on lui demandait de remplir.

Il avait beau avoir presque trente ans, aujourd’hui, parfois, quand il regardait Coldris, il se sentait encore comme un petit garçon. Il secoua la tête et murmura, sans vraiment savoir ce qui lui prenait de dire une telle chose :

— Je n’ai pas envie d’avoir un autre père.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Coldris de Fromart Ven 21 Mai - 22:47




Alduis lui adressa un regard étonné lorsqu’il affirma que sa présence ne le dérangeait pas. Qu’avait-il encore dit ? Était-ce si improbable ? Il devait pourtant savoir qu’il n’était ni de ceux qui parlaient à tort et à travers ni de ceux qui disaient oui en pensant non. Il hocha finalement la tête et Coldris lui répondit en écho.

Pourquoi avait-il raconté ce qu’il venait de dire ? Pourquoi ? Il regretta ses paroles à l’instant même où il réalisa la portée de celles-ci. Bien sûr, il les pensait et c’était parfaitement sincère, mais peut-être n’aurait-il pas dû se livrer de la sorte. Le laisser dans l’ignorance n’était peut-être pas plus mal ? Non, il voulait qu’il sache. Il devait savoir qu’il avait conscience de ne pas avoir été à la hauteur et de ne toujours pas l’être, tout simplement parce qu’il n’était pas fait pour être père. Il ne savait pas s’y prendre, il ne comprenait rien et les rares fois où il avait l’impression d’agir comme il le devait, il réalisait finalement qu’il n’avait été qu’un idiot une fois de plus.

Il avait haï son père et maintenant Alduis le haïssait à son tour. Pourtant il ne l’avait jamais battu jusqu’au sang, il ne l’avait jamais séquestré, il ne l’avait jamais privé de nourriture, il ne l’avait jamais encouragé à se battre, il ne l’avait jamais mis au carcan, il n’avait jamais tué sa sœur pour le simple plaisir de lui donner une bonne leçon, il ne l’avait jamais brulé vif… Et malgré tout cela Alduis le haïssait au point d’avoir voulu enfoncer la lame du couteau à la place de son poing le jour de son anniversaire. Peut-être bien qu’il aurait dû. Tout aurait été terminé ainsi. Il n’avait de toute façon plus goût à rien, autant finir en beauté sans avoir le loisir de voir une année supplémentaire.

Il était fatigué de survivre. Alduis avait voulu savoir comment il avait survécu jusque là et il le lui avait dit. Ce qu’il ne lui avait pas dit c’est que toutes ces raisons avaient fini par s’envoler, une à une. Il était au sommet, il avait réuni sa famille, l’empire était quasiment complet, il avait perdu tous ses amis. Tout ce qu’il lui restait c’était un prêtre débauché qui racontait sa vie. Ce qui se rapprochait le plus d’un ami. Plus d’une fois, il avait voulu prendre assez d’opium et de whisky pour s’endormir à jamais. On ne saurait même qu’il s’était suicidé. Tout était si simple. Tellement simple qu’il ne savait pas ce qui le retenait encore. Le regard suspicieux de Léonilde ? Peut-être. Il savait de quoi il était capable après tout. Peut-être même était-ce pour ce qu’il avait refusé de mettre fin à son service. Cette vieille branche ne le lâcherait pas. Il attendrait qu’il ait rendu son dernier souffle pour en faire de même.

— Je n’ai pas envie d’avoir un autre père.

Le murmure de ses paroles le tira de son monologue intérieur. Avait-il bien entendu ? Il frissonna.

JE

N’AI

PAS

ENVIE

D’AVOIR

UN AUTRE

PERE

Ce ne pouvait pas être vrai. Il avait mal entendu. Après tout, il était perdu dans ses pensées à ce moment-là. Son regard s’était fixé vers le mur en face. Il le voyait sans le voir. Il entendait les mots de son fils rebondir contre les parois de son crâne.

Je


n’ai pas


envie


d’avoir


un autre


père.


Impossible c’était impossible. Ce ne pouvait pas être le cas.

Tu sais très bien ce que tu as entendu, Coldris.


Non ! Non ! Non ! Il faisait erreur ce n’était pas possible.

Ne soit pas idiot. Si tu n’avais pas entendu cela tu ne réagirais pas de la sorte. Où est le problème ? Tu devrais être heureux non ? Tu sais ce que c’est ton problème, Coldris ? Je vais te le dire : tu es un éternel insatisfait.


Oui et alors ? avait-il envie de lui répondre. Il n’y avait qu’ainsi que l’on pouvait se surpasser, mais Virgil ne pouvait pas comprendre. Il n’avait jamais eu d’autres ambitions que de vivre paisiblement sa vie. Mais les mots ne cessaient de rebondir sans paraitre vouloir le laissait en paix et Virgil ne faisait qu’en rajouter encore et encore si bien qu’il se tourna vers Alduis, le regard effaré aussi pale que s’il venait de croiser un spectre -ce qui n’était pas totalement faux-.

— C’est vrai? C’est vrai Alduis? Tu… Mais… Pourquoi ? Pourquoi ?

Pourquoi ne voulait-il pas d’un autre père alors que visiblement il n’avait rien fait comme il fallait ? Coldris remua les doigts pour retrouver en mobilité et se leva finalement pour s’approcher du bureau.



Coldris de Fromart
Coldris de Fromart
Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar

Fiche perso : ✶Fiche
✶PNJ
Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
✶ Généalogie & Relations
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Eldred Kjaersen / Kalisha de Monthoux / Bérénice d'Aussevielle
Messages : 1362
Date d'inscription : 21/07/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Alduis de Fromart Mar 25 Mai - 10:17

Alduis avait parlé sans réfléchir. Et cela ne témoignait que d’autant plus de sa sincérité. Non, il ne voulait pas avoir un autre père. Même s’il avait souvent espéré que les choses changent, il voulait rester le fils de Coldris de Fromart. Peut-être était-ce paradoxal, au fond, il n’aurait su expliquer pourquoi.

Il y avait tellement de choses pour lesquelles Alduis lui en voulait. Et beaucoup d’autres pour lesquelles il aurait aimé revenir en arrière. Comme à cet instant. Le silence était pesant. Depuis combien de temps alourdissait-il l’atmosphère ? Depuis combien de temps son père restait-il silencieux ? Quelques secondes, quelques minutes ? Le temps semblait s’être distandu. Une seule chose était certaine : c’était long.

Alduis aurait tout donné pour savoir ce qu’il se passait sous le crâne de Coldris. Il regrettait d’avoir ouvert la bouche. Il avait envie de sortir du bureau, d’oublier ce qu’il avait dit. Pourquoi les rares fois où il ouvrait la bouche pour prononcer plus de trois mots à la suite, il fallait toujours que quelque chose vienne lui faire regretter de l’avoir fait ? Il aurait dû se taire. Il aurait dû réfléchir avant de l’ouvrir et…

— C’est vrai ? C’est vrai, Alduis ?

Qu’aurait-il dû répondre à cela ? Bien sûr que c’était vrai. Alduis n’avait pas pour habitude de mentir. Pourquoi aurait-il dû le faire sur ce sujet-là ? Plus que tous les autres, il était important.

— Tu… Mais… Pourquoi ? Pourquoi ?

Alduis serra plus fort les mains l’une contre l’autre, sans se soucier de sa main. Pourquoi ? Il n’en savait rien. Tout simplement parce que… Coldris était son père… Pour le meilleur et pour le pire, il lui avait donné naissance. Alduis avait les mêmes yeux que lui, le même sang dans les veines, le même nom. Changer de père, c’était comme changer une partie de son âme. C’était comme abandonner ses rêves d’enfance dans un coin. Comme reconnaître sa défaite, son incapacité à être un fils digne de ce nom.

— Parce que...

Il chercha ses mots. Alors que Coldris avait tourné la tête vers lui, Alduis avait détourné les yeux. Pour regarder ailleurs, cette tringle de rideau, là-haut, la même que ce fatidique jour dans ce même bureau. Elle était toujours là, même dix-huit ans plus tard, et c’était rassurant de constater que certaines choses restaient stables.

— Parce que... reprit-il en prenant son courage à deux mains, ... parce que vous m’avez aidé à enfermer les voix. c’est vous qui m’avez vu grandir, qui m’avez appris l’équitation, vous qui m’avez offert mon premier cheval, ma première arme. C’est grâce à vous que je sais qu’il ne faut pas abandonner sur un champ de bataille. Parce que vous êtes quand même là pour mes anniversaires. Parce que c’est vous qui m’avez appris la valeur d’un nom. Qu’espérer ne sert à rien. Que réussir vaut mieux qu’essayer.

Il secoua la tête. Il sentit son père se lever pour s’approcher.

— Et je suis désolé si je ne suis pas à la hauteur de vos attentes, conclut-il.
Alduis de Fromart
Alduis de Fromart
Aristocratie

Fiche perso : Fiche.
Liens et RPs : Chronologie.
Bonus Dé : 5
Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Victor Millard
Messages : 777
Date d'inscription : 05/05/2020

Revenir en haut Aller en bas

le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé] Empty Re: le 24 décembre ~ avant l'aube | Des mots de papier pour apaiser les maux de l'esprit [Terminé]

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Page 1 sur 2 1, 2  Suivant

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum