[1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
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[1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Plus prudente que jamais, la fillette franchit la muraille à l'endroit le plus sûr. Elle prit tout son temps pour traverser le jardin et emprunter les itinéraires les moins surveillés par le gardes. Parfois, quand elle surprenait une silhouette, Cassandre se figeait et repartait en arrière, préférant contourner que risquer la difficulté. Elle parvint à la cour et longea habilement les murs et aperçut au bout al porte des cuisines. Un sourire de triomphe flotta sur son visage.
Elle avait gagné !
Elle y était presque !
la chambre de Valmar était définitivement à portée de ses petites mains.
Mais elle ne devait pas se relâcher. pas tout de suite. Elle fêterait sa victoire une fois dans les cuisines. Cassandre resta concentré et s'avança à pas de loup. Lentement, mais sûrement. Elle se tenait devant la porte, prête à ouvrir.
Une joie sauvage déferlait en elle, prête à éclater.
Elle avait gagné.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Ce matin, elle s'était décidée à faire un tour dans les jardins. Elle avait soigneusement détourné le regard de tout ce qui pouvait être escaladé, et essayait de ne pas vouloir sortir. C'était plus difficile qu'il n'y paraissait. Après tout, quitter le château sans escorte avait été l'un de ses sports favoris pendant près de dix ans. Répérer les failles de surveillance ou ce qui pouvait en devenir, une seconde nature.
C'est certainement ainsi qu'elle repéra l'ombre qui entrait. Une silhouette qu'elle reconnut d'instinct bien qu'elle ne l'ait guère vu. Elle arrêta brusquement le poignard avec lequel elle jouait, le rangea et s'élança à pas de loup à la poursuite de la fillette. Il fallait lui reconnaître un certain talent… mais manifestement, pas assez pour se rendre compte qu'elle était repérée. Grave erreur tactique. Il fallait toujours - TOUJOURS - s'assurer de ne pas être suivi. Et Éléonore avait comme l'impression que pour le coup, ce n'était pas le cas.
La petite rebroussa chemin plusieurs fois, obligeant Éléonore à se cacher. Se cacher de quoi ? Pourquoi ? Par réflexe de clandestine accomplie, sans doute. Ou parce que ce genre de petits jeux lui manquaient drôlement. Et puis, par curiosité : jusqu'où irait le souriceau ? Jusqu'où ne la remarquerait-il pas ?
Jusqu'à la porte. Mais au moment où l'enfant s'apprêtait à l'ouvrir, la jeune femme lâcha un "Oh !" faussement surpris, comme si elle venait de la découvrir, pour signaler sa présence. Elle ravala les conseils qui auraient trahi son expérience, et prit un air plus décontracté. Il n'était plus question de laisser n'importe qui savoir quel genre d'aberration elle était, et la petite n'avait pas encore vraiment la sienne.
— Bonjour, Antoinette ! la salua-t-elle, enjouée - et trépignant de satisfaction au fond d'elle-même.
Bien sûr, lorsqu'ils en avaient reparlé, Coldris lui avait donné le vrai nom de cupidon-hermès-souris - ainsi qu'une petite précision généalogique -, mais même si elle ne faisait pas si grand cas de ce petit mensonge, la jeune noble préférait lui donner l'occasion de le rectifier par elle-même.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Brusquement, Cassandre sursauta en entendant un cri derrière elle. Son visage pâlit et elle se reprocha d'avoir imaginé son triomphe alors qu'elle se trouvait encore sur le parcours du jeu. Quelle idiote ! Elle était encore plus bête qu'Alexandre ou quoi ? C'était aussi stupide que de crier alors qu'elle surprenait deux amants sur un palier s'embrasser. La fillette se retourna, prête à envoyer une répartie marquante au garde qui allait se moquer d'elle quand elle découvrit Eléonore. Elle l'observa, un instant surprise, puis comprit que celle-ci devait rendre visite à Coldris. le sourire lui revint aussitôt et la fillette réalisa une révérence quand la dame al salue.
"Bonjour, ô noble Athéna !"
Antoinette.. Oui, elle avait donné cette identité en se présentant lors de la rencontre. Elle devait rester sur ce personnage et ne pas lâcher pas comme avec Sylvère elle avait lâché son vrai nom face à Sylvère. Non, pas question de refaire deux fois une erreur aussi grossière.
"Vous êtes venue rendre visite à votre amoureux ?"
Tout en posant cette question, Cassandre songea que si c'était Eléonore qui l'avait surprise, devant la porte, ça ne comptait pas comme une défaite. Le jeu, c'était ne pas se faire attraper par les gardes. Or, aucun ne l'avait arrêté avant que l'amoureuse du ministre. Du coup, elle pouvait aller dans la chambre de Valmar. La fillette croisa, espiègle, les mains derrière la tête et s'exclama :
"Moi, je venue rembourser une dette !"
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Était-elle venue rendre visite à son amoureux ? La jeune noble esquissa un sourire gêné. C'était une façon de le voir, oui. Rembourser une dette ? Pourquoi, à son ton, cette dette évoquait-elle les oies retrouvées dans la chambre de la baronne de Diéron ?
— Oh, je comprends, répondit-elle. On dit que les bons comptes font les bons amis, n'est-ce pas ? - quoique dans son souvenir, les relations ne s'apaisaient pas toujours tant que ça après ce genre de coups.
La petite n'étant pas sur son territoire, Éléonore ne se sentait pas responsable de ses intrusion, mais elle restait intriguée tout de même.
— Et qui est votre créancier ?,
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Là-dessus, pour changer de sujet, Cassandre aborda la raison de sa présence et annonça sa dette. Elle pouffa légèrement.
"Valmar ! L'autre jour, le ministre lui a dit de me raccompagner. Sauf que lui, en obéissant, il m'a transporté sur son épaule, comme un sac de patates. Alors..."
Une lueur espiègle scintilla dans ses yeux.
"Alors chacun son tour de subir les mauvaises plaisanteries."
Une idée lui passa brusquement à l'idée. Si elle réussissait à convaincre la jeune femme, ça serait une alliée de tel poids pour sa bonne farce. En plus, Coldris lui avait suggéré de lui demander d'apprendre à jouer aux échecs avec elle. Réaliser un tour ensemble, ça serait un moyen de créer une réelle sincérité .
"Dites, Eléonore, vous voulez pas jouer ce tour avec moi ?"
La fillette afficha un sourire faussement candide.
"On fera rien de méchant. Juste de petites blagues !"
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
En revanche, elle fut bien surprise de se voir proposer un partenariat. Et cela, elle avait bien des milliers de raisons pour le refuser. D'abord, ce n'était pas son plan, et elle ne jouait pas les petits soldats dans les machinations des autres quand elle pouvait les concevoir seule et qu'elles soient bien meilleures. Ensuite, parce qu'elle ne menait ses coups qu'avec des personnes d'entière confiance - il n'y avait jamais eu que Louis, Ariste ou Gabriel pour l'assister en conscience, ou bien qu'elle-même aurait aidé. Elle ne pouvait pas non plus s'engager dans une farce dont elle ne connaissait pas la portée. Et puis, si Cassandre le voyait comme une dette, cela signifiait bien qu'elle devait la rembourser seule - elles étaient bien loin d'être assez proches pour partager ce genre de choses. Elle-même n'avait rien à reprocher au capitaine des gardes, elle. Sans compter qu'ici, elle était invitée et que tout cela n'était pas bien respectueux des lois de l'hospitalité - et d'ailleurs elle dérangeait bien assez comme cela.
Et pourtant… pourtant, quelque chose en elle pouvait difficilement résister à cette idée. Quelque chose de puissant. Quelque chose de sa nature. Sans paraître répondre à l'espièglerie manifeste du souriceau, Éléonore laissa apparaître son hésitation - dont personne ne pouvait soupçonner la cause sans la connaître.
— Ce n'est pas très gentil, fit-elle remarquer après quelques secondes, sur un ton qui lui semblerait vraiment niais en y repensant.
Elle hésita encore un peu - cruel dilemme ! Tant pis : elle ne perdait rien à se renseigner. La petite dame influençable céda :
— C'est que… Je n'ai plus fait cela depuis… très, très longtemps, avoua-t-elle - c'était vrai, même si "longtemps" était une notion toute relative. Quand j'étais petite, j'avais un ami qui aimait beaucoup faire des plaisanteries, précisa-t-elle comme pour justifier sa tentation - ce qui s'était passé entre-temps ne la concernait pas, le fait que cet ami soit possiblement son demi-frère n'avait pas à être mentionné non plus - Qu'entendez-vous par "rien de méchant", au juste ?
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
De toute façon, il n'y avait pas de plus belle mort que celle sur un échafaud, admirée une ultime fois par le peuple et les notables. C'était disparaître dans la clameur de la foule. Un jour, ce serait son destin. Elle le savait depuis longtemps et y était préparée. La mort ne l'effrayait pas.
Soudain, Eléonore al sortit de ses réflexions pour proclamer des paroles toutes faites que même Grâce ne prononcerait pas. Elle pouffa et croisa les mains derrière sa tête.
"Quelqu'un a t-il prétendu que j'étais gentille ? Il se sera trompé."
Son interlocutrice semblait proche de céder et lui parlait de ses aventures petites avec un ami. Cassandre sourit.
"Ah oui ? Vous faisiez quoi comme genre de farces ? Moi, quand je vivais encore la campagne, j'attrapais les grenouilles dans la lare près de chez moi et j'allais les cacher dans al cuisine en attendant que ma grande sœur les découvre ! Ou alors j'allais réveiller à l'aube mon feignant de frère pour qu'il pense à aller travailler avec papa ! Ou aussi j'ai rentré une fois sa chèvre dans la maison d'une veuve ! Alors, vous faisiez quoi, vous ?"
Son sourire s'étira en l'entendant souhaiter connaître sa farce. Elle allait gagner.
"Oh, rien de méchant un dangereux. Je veux jute lui glisser quelques objets dans son lit. Puis, un message aussi.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Cela ne voulait ni dire complétement bécasse, ni influençable par le premier souriceau venu. Mais autant pour ne pas se trahir que parce que cela lui manquait, elle céda tout de même à l’éminemment mauvaise idée qui était de témoigner de l’intérêt au projets de la petite farceuse.
Bien qu’interrompue en pleine expliquation, elle sourit légèrement aux exemples de la petite. Oui, c’étaient… des idées. Pas incroyablement dévellopées, mais pour ce qui était de plaisanter, il n’y avait pas besoin d’être compliqué. Elle répondit, un peu honteuse :
— Nous… indiquions aux oies le chemin des appartemments des invités que nous n’aimions pas. Mais… Ce n’était pas bien, tu sais, avec le recul...
Non, ils auraient dû inventer une revanche pour laquelle Ariste et elle n’auraient pas été obligés de se dénoncer pour n’attirer d’ennuis à personne, et qu’ils n’aient pas été contraints de promettre qu’ils laisseraient Adélaïde tranquille. S’ils avaient attendu quelques années, ils auraient pu lui réserver une surprise nettement plus amusante. Enfin, soit : c’était un bon souvenir, mais certainement pas leur meilleur coup. Le fait était que les autres n’étaient pas forcément faits pour être racontés, et certainement pas à une petite si bavarde.
Sans être interrompue cette fois, et malgré l’impression très désagréable que Cassandre voulait jouer à la plus maligne avec elle, Eléonore s’enquit de son plan. En effet, rien de bien méchant à priori, mais l’attitude de la jeune fille n’incitait pas à la confiance.
— C'est… que… en réalité… Je ne suis pas sûre que ce soit... - un temps - Bon, d’accord… Peut-être...
Pour l’instant. Parce qu’au plus elle y pensait, au moins cette idée lui plaisait. Sans doute pas pour les raisons qu’elle invoquait, mais tout de même.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
"'Mais non ! Allons, ça met de l'animation et les gens repartent avec des souvenirs uniques !"
Eléonore lui demandait des précisions sur son plan et ses actions que al fillette se hâta de fournir. Elle la sentait de plus en plus hésitante. Elle allait céder, c'était sûr.
"Mais oui, allez, ça va être drôle ! On va mettre plein d'objets insolites dans le lit de Valmar ! Il va avoir une de ces têtes en couchant ! Et comme vous êtes là, vous pourrez me raconter sa réaction !"
Cassandre marqua une courte pause pour mieux réfléchir au plan qui convenait.
"Je sais comment on va faire ! D'abord, on va aller ensemble jusque sa chambre, vous m'ouvrirez la voie, à vous on posera pas de question, puis je vous suivrai. c'est plutôt simple, en fait !"
La fillette se mt à sautiller sur place, excitée.
"Alors, on le fait ? On le fait ? On le fait ?"
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Comme sa coopération, par exemple. Pourtant, Éléonore se laissa tenter… sous réserve. Bon, allez, au moins s'amuser à aller jusque là !
— Oh ! Mais, alors je serai éclaireur ! s'exclama-t-elle à mi-voix. Riche idée !
Quant à savoir si l'opération pouvait être lancée, eh bien…
— D'accord - mais on ne fait rien de dangereux, accepta-t-elle en battant des mains - cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas joué à cela… et elle avait quelques idées...
Éléonore ouvrit la porte avant de chuchoter :
— Alors voilà : restez cachée… Et puis, si la voie est libre, eh bien… Je reviendrai vous chercher.
Et l'on avança ainsi, segment par segment. Bien sûr que non, ce n'était pas de la grande technique, mais à vrai dire, à chaque distance franchie, Éléonore espérait de plus en plus qu'un secours se présente. Ce n'était pas qu'elle n'avait pas le cran de renoncer d'elle-même, seulement… euh… eh bien se dégonfler purement et simplement n'était pas son genre. Il fallait une échappatoire qui ait au moins un tout petit peu plus de panache.
Alors qu’elle tournait à un couloir avec un pas de loup plus théâtral que discret, elle aperçut soudain Valmar, dont l’ironie de l’apparition manqua de la faire éclater de rire. Elle ne fit pas signe de danger à Cassandre qui l'attendait plus loin. Elle fit simplement un pas - d'allure ridicule, c'était amusant - de plus, comme si de rien n'était, pour se mettre hors de son champs de vision, puis elle s'empressa de coller son index sur ses lèvres avec son air de chien battu le plus convaincant. Elle fit quelques gestes pour essayer d'expliquer la situation en silence. D'abord, celui de se cacher en dissimulant son visage, puis en désignant le capitaine des gardes. Puis, elle montra la taille approximative de la fillette avec sa main droite, fit un visage d'enfant turbulent en montrant un slalom avec sa main - se faufiler - et désigna le couloir duquel elle venait d'un coup de menton.
Comme il semblait comprendre, elle acquiesça, le désigna, se désigna elle-même et verrouilla ses lèvres - elle n'avait rien dit, s'il vous plaît - et retourna sur ses pas pour indiquer à Cassantoinette que la voie était libre...
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Peu à peu, Cassandre relâcha sa vigilance et imagina les possibilités de toutes les farces à réalser dans la chambre de Valmar. Que ça allait être drôle ! Il allait être bien attrapé !
Lorsqu'Eléonore l'appella, Cassandre courut rapidement la rejoindre et se figea en découvrant celui qu'elle aurait voulu justement éviter.
"Vous..."
Rapidement, elle tourna les talons et commença à détaler au pas de course.
"Vous m'attraperez jamais !"
D'accord, le plan avait échoué. Mais elle ne ferait pas le plaisir de la capturer à nouveau. Elle savait courir et vite. Il ne la prendrait pas. Jamais !
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Valmar, 40 ans
Il restait encore quelque temps avant l’office dominical et Valmar en avait profité pour s’entrainer dans la salle d’armes. C’est qu’il ne fallait pas perdre la main et pour cela l’exercice devait être maintenu quotidiennement. Il ne savait que trop bien quelles responsabilités étaient les siennes dès lors qu’ils franchissaient les murs de Fromart. C’était tout à la fois un honneur et une épée de Damoclès que de servir un personnage aussi puissant.
Déterminé à se changer avant de se rendre à la chapelle qui prenait la poussière, Valmar quitta les lieux pour la tour de gardes se décidant à emprunter la porte intérieure donnant sur les dépendances. Il n’eut pas le temps de pousser cette porte qu’il aperçut la silhouette de Dame Éléonore avançant… pour le moins étrangement. Il arqua un sourcil tout en se demandant ce qu’elle pouvait bien fabriquer. D’ailleurs son regard devait être suffisamment interrogateur pour qu’elle ne mime une réponse : se taire. Ses sourcils s’abaissèrent un peu plus. Était-elle en train de s’amuser avec le petit Adéis ? C’était sa première hypothèse et elle le serait restée si à la taille indiquée, il n’avait pu réaliser que c’était impossible. Que faisait-elle donc en compagnie de la petite souris du vicomte ? Il leva les yeux au ciel en secouant la tête avant de soulever sa cage thoracique dans un soupir silencieux. Il acquiesça toutefois : après tout, ce ne serait pas désagréable de la prendre par surprise. Valmar referma donc la porte de la salle d’armes et les laisser entrer dans la tour des gardes où ne demeurait que quelques gardes dans l’une des salles de repos. Les dortoirs étaient quant à eux déserts à cette heure du jour. Comprenant qu’elle comptait certainement atteindre ses quartiers, le capitaine des gardes se résolut à prendre un chemin de traverse. Au petit trot, il emprunta l’escalier de service menant à l’étage supérieur puis se dirigea vers les appartements Alduis où se trouvait, juste à côté, un passage dissimulé permettant de rejoindre la tour, puis il grimpa de nouveau quelques marches silencieusement pour atteindre sa chambre. Plus bas dans l’escalier, les pas, aussi discrets soient-ils se rapprochaient bien trop pour qu’il n’ait le temps d’ouvrir la porte verrouillée sans faire de bruit et puisse s’y installer. Tant pis pour la surprise ! Il opta pour un renfoncement dans le mur à proximité et patienta jusqu’à les voir arriver... La petite souris courrait joyeusement dans les pattes du chat… Seul ombre au tableau : sa carrure n’était pas franchement faite pour jouer à cache-cache dans cette tour exiguë.
Et ce qui devait arriver arriva.
— Gardes ! tonna la voix du capitaine entre les murs de pierre de la tour.
Immédiatement le cliquetis des armures et des lances se fit entendre, mélodie des soldats ahuris tirés de leur paresse par surprise. Cette tour ne comportait que deux issues connues : celle menant aux dépendances et celle menant à la cour principale. Un seul escalier, étroit et raide s’enroulait autour de la colonne vertébrale de l’ancien beffroi du XIIIème siècle, vestige d’un âge où il avait été étudié pour repousser l’envahisseur. Il lui souhaita bon courage pour atteindre la sortie et s’appuya nonchalamment contre le mur, écoutant attentivement le ballet martial des gardes. Mieux valait pour eux qu’elle ne leur file pas entre les pattes après lui avoir permis d’arriver jusque-là. Il tourna soudainement son regard vers la jeune femme : quoi que… à quel point l’avait-on aidée dans son entreprise ?
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Soit : elle lui expliqua tout de même la situation par quelques gestes avant de retourner chercher la souris. Et s'il ne faisait rien, eh bien ce serait sa chambre qui finirait en vrac, après tout. Éléonore continua son petit jeu comme si de rien n'était jusqu'à s'étonner très sincèrement de la fuite de Cassandre, comme elle n'avait pas immédiatement aperçut l'homme qu'elle ne cherchait pas.
Éléonore fronça le nez en se demandant quelles options s'offraient à son… ancienne complice. N'étant pas sur son terrain, elle ne voyait pas mille issues, et comme on rameutait les renforts… Oh, mais cela ne risquait rien, sinon elle ne se le serait pas permis.
Elle surprit soudain le regard suspicieux de Valmar. Alors ça, c'était gonflé !
— Je ne suis pas responsable, moi, si je suis plus attentive que vos hommes !
D'autant qu'elle leur avait laissé jusqu'à la porte avant d'intervenir ! Que croyait-il ! Si elle avait eu l'intention de réussir, ce serait déjà réglé ! Seulement… en plus des autres excellentes raisons de ne pas faire cette plaisanterie, elle venait d'en trouver une autre : puisqu'elle restait, elle avait encore moins de raisons de choisir l'hostilité.
Elle croisa les bras sur sa poitrine, comme boudeuse mais intérieurement soulagée, en attendant la suite.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Cassandre enragea. ce n'était pas juste. Pourquoi rien ne tournait en sa faveur aujourd'hui ? Dire qu'elle se réjouissait d'avoir atteint si facilement la porte de al cuisine. Pourquoi ne pouvait-elle pas entièrement triompher ? Ce n'était vraiment pas juste.
Le garda se présenta à Valmar légèrement craintif, redoutant son emportement. Normalement, ils étaient supposés intercepter cette petite souris avant qu'elle n'entre dans le château. Or, manifestement, elle prouvait leur échec. Cela ne sentait pas bon.
"Voilà votre souris, chef."
Il lâcha brutalement Cassandre le sol dur. la fillette se releva et jeta un regard noir à Valmar.
"Un jour, je gagnerai. Un jour, je réussirais, je vous le jure."
Peu encline à faire preuve d'humilité, Cassandre reprit avec insolence :
"Ah oui ! D'ailleurs ,j'ai atteint la porte des cuisines, seule, Valmar, sans personne pour l'arrêter, sauf Eléonore ! Alors, j'ai déjà gagné !"
La fillette se tourna vers le garda qui venait de la ramener comme un vulgaire trophée et poursuivit :
"J'en connais qui vont devoir faire le tour du château avec un sac de pierres sur l'épaule..."
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Valmar, 40 ans
Valmar ne pouvait s’empêchait de se demander dans quelle mesure la noble demoiselle avait pu aider la petite chipie à entrer. Il aurait sans doute tout le loisir de lever le voile sur cette affaire un peu plus tard. Pour l’heure, il ne comptait surtout pas la froisser, d’autant plus qu’il était sans cesser garder un œil sur elle à l’occasion. Autant conserver son concours autant que faire se pouvait.
— Je n’ai rien dit de tel, Mademoiselle.
De là où il était, le capitaine entendit les couinements répétés du souriceau, signe que sa capture avait été menée à bien. Encore heureux ! La petite fut déposée sans ménagement à ses pieds. Il congédia le garde suant de nervosité d’un geste sec. Chaque chose en son temps. Il était hors de question d’afficher sa colère publiquement, alors même que l’intrépide gamine se permettait déjà d’en rajouter. Les cuisines ? Vraiment. Il vérifierait tout de même ses dires. Le jour où elle réussirait réellement, il les ferait tous pendre haut et court, et ne manquerait pas de le leur rappeler tout à l’heure.
Il jeta un regard sévère sur la petite peste.
— Tu n’as rien à faire dans cette tour. Déguerpis avant que l’idée de te jeter dans la mare ne devienne trop tentante.
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Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Éléonore s'apprêtait à demander qu'on lui laisse la petite quand celle-ci si fendit d'une nouvelle impertinence. Oh, si c'était comme ça !
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Tout en continuant de le fixer, son sourire s'étira et elle répliqua, plus provocante que jamais :
"Chiche !"
A cet instant, Eléonore se manifesta et souhaita lui parler. Bien, bien. C'était une bonne façon d'embêter un pu pus Valmar. Elle se tourna avec plus d'élégance vers la jeune femme et esquissa une révérence polie et( demanda d'ne voix plus calme :
"Que puis-je pour vous, Dame Eléonore ?"
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Valmar, 40 ans
Pardon ? Avait-il bien entendu l’effrontée le défier ouvertement? Il haussa les épaules. Quelle idiote. Elle déchanterait vite une fois plongée dans l’eau glacée. Personnellement, cela lui était parfaitement égal. Et si c’était ce qu’elle voulait et bien qu’il en soit ainsi.
Il attrapa la gamine par le dos de la robe, puis inclina la tête en direction d’Éléonore afin de prendre congé. Il redescendit l’escalier raide sans prêter attention aux plaintes du souriceau pas plus qu’à ses tortillements intempestifs de petit asticot. Somme toute… il irait parfaitement dans la mare. Valmar sourit intérieurement tout en quittant la tour en direction de la fameuse mare.
D’un coup de pied sec, il rompit la fine couche de glace et la lâcha dedans.
—Bon bain, grogna-t-il en tournant les talons.
En espérant que cela lui inculque le respect qui lui manquait cruellement. Les meilleures farces étaient les plus courtes, et son insolence commençait sérieusement à entamer sa patience.
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Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Elle gagna la mare en courant. Juste à temps pour voir Valmar la lâcher et faire demi-tour. Lui laisser sa revanche était une chose, laisser une enfant trempée dehors en plein hiver en était une autre. Elle aurait attrapé la mort. C'était une question de conscience. D'ailleurs, se retrouver ainsi dans l'eau glacée était bien assez dangereux.
Elle lui tendit la main pour l'aider à s'extirper de l'eau, sans se vexer de voir cette aide. Qu'elle tête de mule. Elle la couvrit néanmoins sans lui demander son avis, et resserra les pans du manteau autour d'elle avec autorité.
— Tout va bien ? s'inquiéta-t-elle.
Elle soupira.
— Je vais te faire rentrer. Mais cette fois, on se tient tranquilles, d'accord ? Je ne veux pas avoir de problèmes.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
L'eau était froide. Non, elle était gelée. Cassandre remonta rapidement à la surface et nagea vite pour remonter hors de là. Une main se tendait pour l'aider mais son orgueil se révoltait. Elle se sortait des mauvaises situations seule. Et puis, c'était pas si difficile. en revanche, la fillette ne vit pas venir le lourd manteau qui lui tomba sur les épaules et dix fois trop grand pour elle. Elle releva la tête, confuse, et découvrit Eléonore. Pourquoi elle faisait ça ? Elle l'avait dénoncé à Valmar. Elles n'étaient pas amies. Elle continua de l'observer en cherchant à comprendre.
"Pourquoi ? Pourquoi vous faites ça ?"
Sa voix était devenue étonnamment timide. Eléonore lui proposa de la faire entrer, ce qui la fit tiquer de plus en plus. Malgré tout, al fillette murmura, trop orgueilleuse pour reconnaître sa faiblesse.
"J'ai pas froid, d'abord."
Malgré tout, elle la suivit vers l'entrée calmement, ayant perdu tout de sa fougue et de son espièglerie.
"Mais si vous insistez, bon, je veux bien vous accompagner."
Cassandre observa Eléonore en se sentant de plus en plus coupable de taire son véritable nom. Non, elle ne pouvait pas le dire. Ce n'était pas prudent. De toute façon, si Coldris lui avait révélé sa vraie identité, elle non plus ne le faisait pas. Alors, c'était sans doute mieux de rien lui dire. La fillette préféra poser une autre question.
"Pourquoi vous m'avez aidé alors ?"
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
— Pour ne pas que tu attrapes froid, répondit-elle avant de l'inviter à l'intérieur. Elle semblait calmée, et lui laisser le bénéfice du doute était une question de conscience.
Éléonore fronça les sourcils lorsque l'enfant grelottante affirma ne pas avoir froid.
— Non, bien sûr...
Et d'ailleurs, finalement, Cassandre ne rechignait pas à la suivre. Qu'elle insiste ou non. Qu'aurait-elle voulu faire d'autre ? Rentrer jusqu'à Braktenn dans ce froid et trempée jusqu'aux os ? Bien sûr que non. Elle était bornée, mais manifestement pas assez stupide… ce qui ne l'aidait manifestement pas à comprendre la situation. Éléonore prit une profonde inspiration en secouant la tête. Elle fit entrer la fillette dans un soupir.
— Pourquoi ne l'aurais-je pas fait ? lui opposa-t-elle.
Oh, elle voyait bien ce qui chiffonnait la petite : ni affinités ni intérêts. Pourquoi agir quand on pouvait rester à sa fenêtre et ricaner sans rien faire ? Pourquoi, même si cela se révélait si facile à mettre en œuvre ? Eh bien elle trouvait que c'était là réfléchir dans le mauvais sens.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Ou alors Coldris lui avait révélé qu'elle étai sa fille ? Non, c'était pas son genre. Il accordait de l'attention à ses batards mais il restait discret sur le sujet. Comme sur beaucoup de choses. Qu'es-ce que Coldris avait pu dire sur Eléonore ? Il l'appelait Athéna. Athéna, c'était la sagesse et l'intelligence. La sagesse... alors, elle avait voulu l'aider parce qu'elle était sage ? C'était quand même un peu étrange comme raisonnement. Non, décidément, sa raison d'agir lui échappait.
Malgré tout, Cassandre lui emboita le pas pour la suivre vers le château. Elle était peut-être fière, mais pas stupide. Or, un feu de cheminée lui ferait le plus grand bien. Elle ne comptait pas le montrer en revanche. Pas question ! Elle préférait faire la dure t prétendre ne pas avoir froid. Elle obéissait à une adulte qui lui demandait de la suivre. C'était tout.
Le long du chemin, Eléonore répondit à sa question par une autre question. elle l'embarrassait. En vrai, dans la situation inversée, la fillette savait qu'elle aurait agi de la même manière si elle en avait les moyens. Elle se mordit les lèvres. elle hésita à nouveau à dire la vérité et à avouer qu'elle aurait agi comme Eléonore mais son orgueil la retenait. Sylvère et Irène ne seraient sûrement pas contents de son attitude. Tant pis ! Elle n'avait pas à être tout le temps une bonne petite fille. C'était pas drôle de toujours bien agir et d'avoir toujours le bon comportement. C'était tellement plus amusant quand elle vivait dans les rues et qu'elle pouvait faire absolument tout ce qu'elle voulait, sans jamais avoir un adulte pour lui donner le moindre ordre.
Cassandre finit par répondre dans un haussement des épaules.
"Bah... Je suis trop petite pour réfléchir à des choses aussi compliquées, moi."
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Sa réponse arracha à la jeune femme un sourire triste. Même lorsqu'on était censée être adulte, il y avait des questions bigrement compliquées. Comme choisir entre l'amour tel qu'elle le concevait et la sécurité. Sa décision s'était arrêtée, pourtant, et il était bien égoïste d'avoir tant tardé… mais c'était difficile de renoncer à cela…
En l'occurrence, la question n'était pas si compliquée.
— Ma marraine t'aurait demandé pourquoi tu estimais qu'il fallait une raison. Elle aurait ajouté que dans un monde d'ingrats, le plus important n'était pas d'attendre de retour mais d'agir selon son cœur et sa conscience.
Alors pour elle qui n'aurait même pas dû exister mais qui avait eu un tout parfait pour faire oublier toutes ses failles, qui n'aurait même pas dû survivre mais qui avait trouvé un amour aussi merveilleux, qui lui aurait presque donné confiance… Elle, elle pouvait bien faire cela.
Elle entraîna la fillette jusqu'à la chambre dans laquelle on l'avait installée, plutôt embêtée de ne pas savoir quoi lui mettre de sec.
— Je n'ai pas grand chose à te proposer, avoua-t-elle. Elle avisa les vêtements avec lesquels elle était arrivée et qui étaient apparus de ce côté du couloir comme par magie, bien arrangés. J'ai ceci. C'est beaucoup trop grand mais c'est le mieux que j'aies à disposition, annonça-t-elle.
Elle lui apporta également de quoi se sécher et la laissa se débrouiller avec son orgueil tandis qu'elle ravivait le feu mourant devant lequel elle avait relu ses lettres juste avant de sortir.
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
"Votre marraine était quelqu'un de bien."
La fillette baissa la tête tout en marchant, honteuse.
"Pas moi. Moi, je ne sais pas écouter les conseils. Je ne sais pas faire confiance."
Elle releva la tête, penaude, pour croiser le regard de la jeune femme.
"Ce qui s''st passé avec Valmar, ce n'est pas bien. Je sais. Mais... c'est mon naturel. J'ai grandi dans les rues. On m'a appris à être dure, à faire la forte et ne jamais baisser les yeux. Vous voyez, un peu comme quand on affronte un chien, on ne doit pas baisser le regard. normalement, au bout d'un moment, il s'enfuit. C'était pareil. Face à un garçon plus fort, je pliais pas. je le provoquais. c'est pour marquer le territoire. Enfin, je ne sais pas si vous comprenez."
Cassandre baissa à nouveau la tête et avança à présent dans les couloirs en silence. Eléonore ne devait pas comprendre. Qui pouvait comprendre que des enfants devenaient féroces pour une simple miche de pain ou un tonneau qui servait d'abri ? Personne ne pouvait comprendre, sauf un autre personne qui aurait vécu une situation comme ça. Elle se redressa, nerveuse, de plus en plus gênée.
"Je me comportais comme ça quand j'étais esclave au lupanar. J'aimais défier l'autorité et cette situation injuste. C'était comme ça.. C'est comme ça.. j'aime défier l'autorité. Même maintenant. Je déteste qu'on me dise non. ou qu'on me dise que je ne peux pas faire quelque chose. Et s'il y a un mur quelque chose, Je dois aller voir de l'autre côté. Peu importent les risques."
Elle contempla la jeune femme d'un sourire triste.
"Je suis stupide, hein ?"
Elles arrivèrent à une chambre et Eléonore s'empressa de raviver le feu en lui proposant des vêtements secs. La fillette se plaça instinctivement près de l'âtre pour profiter de la chaleur. Son regard se posa sur les vêtements et elle répondit d'un haussement des épaules.
"Ca ira très bien."
Cassandre commença par se sécher lorsque la culpabilité continua à la tirailler. Elle se mordit les lèvres et finit par murmurer :
"Au fait, Antoinette, c'est pas mon vrai nom. En réalité, je m'appelle Cassandre. Cassandre Velasquez. et je suis la filleule de dame Irène, la commerçante qui tient la Rosa Azul."
Re: [1er février 1598] Quand la souris se croyait maligne...
Éléonore sourit. Évidemment que Tante Anne était quelqu'un de bien… Quelqu'un d'exceptionnel, sinon elle ne l'aurait pas traitée avec tant de tendresse alors qu'elle aurait eu tant de raisons si humainement légitimes pour la mépriser. Ariste tenait d'elle beaucoup de ses qualités. Éléonore aurait aimé être aussi bien qu'eux, elle aussi.
Elle adressa un regard triste à l'affirmation suivante de Cassandre. Non, non, non… Non. Il ne fallait pas qu'elle recommence ainsi. Ce qui s'était passé avec Valmar n'était pas fondamentalement mal. Un peu idiot, certes, - peut-être beaucoup - mais cela ne relevait pas d'un mauvais fond. Elle hocha la tête à l'issue de son explication. Comprenait-elle ?
— Je crois que oui, répondit-elle avec douceur Je peux l'imaginer, en tout cas. Mais tu ne dois pas oublier qu'ici, ce n'est pas ton territoire - pas le mien non-plus, d'ailleurs - et que Valmar est précisément là pour le défendre, tu comprends ? Ta lutte n'est pas vraiment… légitime. Ni nécessaire, tu comprends ?
Sans doute était-ce bien facile à dire, car on ne pouvait se débarrasser de ses instincts de cette manière, la jeune noble le concevait tout à fait. Seulement voilà, elle préférait quand même l'expliquer. Cassandre poursuivit sur son passage au lupanar. Éléonore comprenait que l'on puisse rejeter l'autorité, plus encore dans de telles situations. Même elle, qui n'en avait jamais subi d'injuste, ne s'y faisait pas. La différence était qu'elle préférait la contourner pour faire ce qui lui plaisait en s'efforçant de ne plus rendre la vie difficile à l'homme qui l'éduquait.
— Je ne dirais pas que tu es stupide, non. Ta réaction l'était probablement, soyons sincères, mais cela ne veut pas dire que toi, tu l'es. - en parlant,elle ouvrit la porte pour faire entrer son invitée, puis la referma, lui proposa les seuls vêtements qu'elle avait à lui prêter, lui fournit de quoi se sécher et entreprit de s'occuper du feu - Comprends-tu la nuance ? Et puis, tu sais, même moi j'ai toujours eu des difficultés avec l'autorité… Tu sais, c'est mon oncle qui m'a élevée… et je sais qu'il n'a toujours voulu que mon bien, et je l'aime beaucoup, je lui en suis reconnaissante - pas comme il fallait, certes, et elle ne savait toujours pas obéir, elle n'arrivait pas à être d'accord avec tout - Mais il y aura toujours cette distance entre nous parce que même si je sais que quelque part il a raison - dans la grande majorité des cas - Eh bien je n'aime toujours pas que l'on me dise ce que je dois faire.
C'était ridicule, pourtant. Ce ne devait pas être si difficile d'obéir… Si seulement elle avait su faire plus d'efforts… En réalité, Eltinne avait raison, elle n'était qu'une sale petite ingrate et même si elle essayait vraiment de ne pas déranger, elle ne serait jamais que ça. Elle ne pouvait pas dire qu'elle remarquait seulement les tourments qu'elle causait, puisqu'on les lui avait toujours fait remarquer… C'était pour cela, sans doute, qu'elle s'était mis à contourner plus subtilement les interdits. Ce n'était pas parfait, mais c'était la meilleure solution pour ne pas faire regretter à Oncle Eineld de l'avoir gardée - ce qu'elle avait appris était loin de changer le fait qu'elle ne méritait pas tout ça.
Elle n'était rien, rien du tout, et elle se permettait encore de causer des ennuis à tout le monde. À son meilleur ami, à Jean, au personnel de l'hôtel Tidrien, et surtout au comte de Tianidre qui devait désormais savoir qu'elle était ici. Elle devait lui faire honte, après tout ce qu'il avait fait pour elle. C'était sans doute aussi pour lui qu'elle devait accepter ce mariage : même si elle savait qu'il ne serait pas enchanté au premier abord et que l'organisation serait un peu précaire, au final, elle cesserait d'être un poids pour lui. L'ennui, c'était qu'elle était encombrante ici, maintenant. Mais elle allait s'efforcer de ne plus causer de souci. Son amour - même si ça non plus, elle ne le méritait pas - lui donnait bien assez de force pour qu'elle arrive à bien se tenir et à arrêter ses caprices.
Éléonore se rendit compte qu'elle fixait le feu attisé depuis un certain temps lorsque Cassandre reprit la parole… justement pour lui avouer son véritable prénom. Elle acquiesça doucement - remarquant que le nom de la boutique était le même que celui que Tristan lui avait indiquée.
— Je le savais, avoua Éléonore à son tour. Le vicomte me l'a dit parce qu'il voulait que je t'enseigne les échecs.
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» [11 février 1598] - Il était une foi
» [5 février 1598] - En colocation
» [24 février 1598] Le dîner des époux
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