[RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Being purged, a fire sparkling in lovers' eyes;
Being vex'd, a sea nourish'd with lovers' tears.
What is it else? A madness most discreet,
A choking gall and a preserving sweet.
L'amour est une fumée formée des vapeurs de soupirs :
Purifié, c'est un feu dans les yeux des amants,
Agité, une mer nourrie des larmes des amants ;
Et quoi encor ? La folie la plus sage
Le fiel qui nous étouffe, la douceur qui nous sauve
Roméo et Juliette, I-1, W.Shakespeare
Ses yeux plongés dans les siens, elle écoutait assidûment chacune de ses rares paroles sur Virgil. Coldris parlait peu de lui. Il en avait conscience. Son présent était relativement public et son passé, largement enfoui, se trouvait bien là où il était. Tourné vers l'avenir, il préférait de loin évoquer ses projets ou mieux encore s’intéresser à son interlocuteur. Surtout lorsqu'il n’était autre que la plus fascinante de toutes les femmes qu’il lui eût été donné de rencontrer. Et c’était peu dire.
Son pouce caressait sa joue. Ses lèvres s'étaient discrètement retroussées à sa taquinerie.
– Virgil connait tous mes travers. Sans exception. Et il arrive encore à me supporter!! Tu n’imagines pas le nombre de fois où j’ai entendu « Coldris ne me dit pas que tu as encore… »
Son sourire s’étira largement jusqu’à en retenir un petit rire. Son regard, lui, était toujours fermement arrimé dans ses hypnotisantes prunelles. Pourquoi s'en serait-il détaché, maintenant qu’il avait tout le loisir de s’y perdre ?
– Il sait même que je rêve d’écrire ma prochaine lettre sur un secrétaire divin. Celle-ci au moins, te parviendra en mains propres. Mais je ne suis pas certain de pouvoir me concentrer bien longtemps sur sa rédaction.
Combien de lignes pourrait-il parvenir à écrire distinctement avant de lâcher sa plume pour suivre ses courbes tout en douceur ? Combien de mots pourrait-il assembler avant que pris d’une envie soudaine, il ne décide de la chatouiller de la pointe duveteuse ? Combien de lettres pourrait-il aligner avant que son esprit ne les mélange irrémédiablement et qu’il ne déclare forfait en la couvrant de baisers ? Plus il la regardait, plus il estimait la partie perdue d’avance. Mais il n’était pas homme à refuser un si beau défi.
Lâcher les chiens. Ce fut la clé qui ouvrit à la volée l’une de ces fameuses malles enfouies dont les images l’assaillir sauvagement. La neige. Les chiens. La traque. Ce n’était pas lui que l’on chasserait demain. C’était ce qu’il se répétait en boucle. Pourquoi avait-il dans ce cas ce désagréable frisson sur l’échine ? Il avait toujours fait confiance à son instinct et quelque chose lui hurlait de rentrer sur leur champ à Cervigny. Il n’y avait guère que Virgil ici dans son camp. Et certains rêvaient d’abattre ce gênant cerf qui gardait pour lui bien déloyalement de si jolies biches...
- Il faut savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent ma belle Aurélia : un renard doré d’une rareté exceptionnelle me siéra tout autant. De même que quelques blaireaux qui auraient le malheur et l’audace de croiser ma route.
Ses caressantes mains furent repoussées et il ne put retenir une moue boudeuse pleine de frustration. Ne pouvait-il donc même pas profiter de cela ? Il n’y avait personne et il faisait parfaitement confiance à Virgil pour jouer les sentinelles. Il était passé maitre dans l’art de tromper les cerbères. Bien qu’en maugréant, il finissait toujours par accepter de participer aux plans les plus osés de son ami. Et s'il ne le montrait pas la moins du monde, Coldris était persuadé qu’il devait au fond, les apprécier et s’en amuser autant que lui-même. Il pencha la tête et soupira avant de lui voler un sauvage baiser en guise de dédommagement.
Sourire victorieux retrouvé, il évoqua avec plus de sérieux le chasse qu’il envisageait pour le surlendemain.
- C’est dangereux. confirma-t-il Mais il n’y a guère autant de plaisir sans risque.
Ses yeux brillaient de malice. Parlait-il toujours de la chasse ? Ou plus exactement, de quelle chasse? Le doute était permis. Son regard envieux se posa sur cette pâle petite main pleine de délicatesse qui se promenait le long du sombre velours à motif végétal qui composait son veston. Cette même main qui faisait battre son cœur plus vite, comme aucune autre ne le pouvait.
Il la prit entre ses doigts et la porta à ses lèvres, embrassant chacun de ses doigts dans une galante gourmandise.
- Je ne veux pas te quitter. Ni demain. Ni jamais.
Sa bouche l'affirmait. Ses yeux l'imploraient. Il ne comptait pas mourir bêtement en chassant un cerf, un sanglier ou n'importe quoi d'autre y compris un Quentin. Pas maintenant qu’un soleil éclairait en permanence son univers. Pas maintenant qu'il réalisait enfin ce que vivre signifiait.
Il refusait de passer le reste de ses jours dans la nuit pour une vulgaire signature sur un bout de papier, devant un Dieu qui n’existait pas.
Il excluait de finir sa vie gelée quand d’un simple regard, d’une simple main, elle embrasait tous ses sens en une fraction de seconde.
Il ne pouvait pas.
Il ne voulait pas.
Cela n'arriverait pas.
Il ne voulait pas.
Cela n'arriverait pas.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
"Il n'y a que deux puissances au monde, le sabre et l'esprit : à la longue, le sabre est toujours vaincu par l'esprit."
Le lendemain, tôt matin
A Ultimamor, ce matin-là, pas de balade à cheval. Sillage aurait son exercice pendant la chasse. Cela n'empêcha pas Aurélia de se lever juste avant que le soleil n'empourpre l'horizon boisé. Une brume blanche montait de la terre vers le ciel rose et bleu, quelques canards sauvages faisaient des vocalises du côté de l'étang. Assise dans son lit, la jeune fille accorda sa première pensée au souvenir de la veille. Elle avait été tellement heureuse de le revoir ! Elle repoussa les couverture en caressant ses lèvres. Elle avait l'impression de sentir encore ses baisers, comme si, après ces jours insupportables où ils ne s'étaient pas vus, ces baisers s'étaient chauffés au feu de la forge vulcanienne pour mieux s'imprimer sur ses lèvres. Marqués au fer rouge.
Aurélia écarta les rideaux des hautes fenêtres, observa le paysage, puis la cour en contrebas. Elle n'allait pas se promener, mais elle allait s'entraîner. Voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas manié l'épée. Et puis, ça lui éviterait de porter un corsage étroit et serré pendant une heure de répit. Elle s'empressa de se vêtir en conséquence. Adieu robe à fanfreluches, bonjour chemise confortable, chausses et bottes. A cette heure-ci, personne ne viendrait l'embêter. Sa mère ne pousserait pas de hauts cris devant cette tenue "absolument inadaptée".
Elle prit soin de choisir un gilet épais, il faisait tout de même assez froid, et si aucun flocon ne tombait pour l'heure, le ciel dégagé pouvait se couvrir d'une grisaille épaisse d'un moment à l'autre. Elle sortit de sa chambre, sur la pointe des pieds traversa le couloir et descendit les escaliers pour se rendre ensuite dans l'arrière-cour, nouant rapidement ses cheveux blonds en une queue de cheval, qui se balança au gré de son pas. Quand elle arriva, un palefrenier sortait des écuries avec une brouette de fumier. Il lui accorda un coup d'œil surpris et elle le salua joyeusement avant de disparaître dans l'armurerie.
De nombreuses lames, toutes différentes les unes des autres mais bien entretenues, se trouvaient accrochées aux murs. Aurélia les contempla quelques minutes, en prit une ou deux, qu'elle soupesa, et finalement en choisit une adaptée à sa main. Elle essaya quelques mouvements avec satisfaction puis ressortit dans la cour.
Les jappements des chiens de chasse l'accueillirent. Le maître du chenil et ses aides les préparaient déjà. Aurélia réalisa que dans deux heures au plus, la cour principale grouillerait de cavaliers et cavalières, de chiens et de rabatteurs. Elle avait peu de temps en fin de compte. Certains devaient déjà se préparer à descendre pour prendre un déjeuner avant de partir. Elle avait hâte de passer la journée avec Coldris.
Mais pour le moment, elle voulait se vider l'esprit. Elle ferma les yeux, inspira profondément et se fendit brusquement en avant, comme pour attaquer un adversaire. Yeux de nouveau ouverts, déterminée, elle effectua des mouvements rapides et précis à une vitesse que seule l'expérience donnait. Son souffle se condensait devant elle dans l'air froid du matin, le soleil levant étincelait sur sa lame virevoltante et ce qui l'entourait disparu dans le flou des extrémité de son champ de vision.
Soudain, alors qu'elle s'immobilisait après une passe difficile, elle sentit la pointe métallique d'une autre lame à la base de son crâne derrière elle. Essoufflée, elle se donna un instant de répit, et l'occasion à son adversaire impromptu de se présenter. Elle espéra que ce serait Coldris.
- Ta garde est trop basse.
Ce n'était pas la voix de Coldris. C'était celle de Quentin. Aurélia se retourna, un feu furieux dans les yeux. Il pointait toujours sa lame sur elle, avec un léger sourire en coin. Et la jeune fille fut au regret de constater que sa garde à lui était irréprochable. Elle le regarda avec méfiance, et écarta l'épée de la sienne.
- Que veux-tu ?
- Me battre.
Elle hésita. Il rit, abaissa son épée et tordit la lame dans une attitude crâne en la défiant :
- Tu crois que tu ne peux pas me battre, Sophie ?
- Tu crois que tu peux me battre, Quentin ?
Elle se remit en garde, prête et déterminée. Il arbora un sourire satisfait en laissant courir un regard lascif sur la silhouette de la jeune fille, dévoilée à contre-jour par la chemise blanche. Nonchalamment, il se mit aussi en garde.
- Je vais botter tes jolies petites fesses.
Elle attaqua sans prévenir, énervée par son aplomb et ses propos. Mais il savait parfaitement ce qu'il faisait, et Quentin esquiva sans peine cette première attaque, pour mettre en pratique ses propos. Du plat de sa lame, il lui botta les fesses, ce qui eut pour effet de la faire enrager encore plus. Il s'esclaffa alors qu'elle l'attaquait furieusement. il eut fort à faire dans les minutes qui suivirent pour parer toutes ses attaques, vives et imprévisibles. Les lames se croisaient sans cesse, glissaient l'une contre l'autre. Leurs pieds dansaient, reculaient ou avançaient tour à tour.
Après qu'il l'eut repoussée une bonne fois pour toute, séparés l'un de l'autre, ils s'accordèrent un moment pour souffler. Quentin l'observa avec attention, lui reconnaissant, malgré sa garde basse, un talent sans conteste pour le maniement de l'épée. Mais il n'avait pas l'intention de perdre. Il lui tourna autour, la forçant à faire de même, et une fois qu'elle eut le soleil dans les yeux, à son tour, il passa à l'attaque.
De son côté aussi, elle para chaque attaque avec toute l'habileté qui était la sienne. Elle avait rarement eu un adversaire aussi bon depuis son père et cela la réjouissait, mais d'un autre côté, c'était tout de même Quentin, elle ne pouvait pas complètement apprécier ce combat. De plus, il se faisait un plaisir de l'épuiser par des feintes qui lui demandaient une vigilance et des efforts de plus en plus difficile pour les repousser.
Soudainement son pied s'accrocha dans une pierre disjointe de la cour, et elle trébucha en arrière, se cognant le dos contre le mur de la cour. Elle perdit sa concentration un bref instant, et Quentin en profita pour la désarmer et poser sa lame dans le creux de sa gorge.
- Quelque chose t'a perturbée, Sophie ?
Il appuya un peu la lame sur son cou, ce qui la força à se plaquer contre le mur.
- J'ai trébuché, tu as gagné. C'est bon, tu es content ? et tu peux baisser ton épée, s'il-te-plait ?
- A vos ordres, madame, fit-il ironiquement en laissant glisser l'arme sur sa peau, vers les lacets de sa chemise. Jusqu'où ?
Il coupa le premier lacet avant qu'elle n'ait le temps d'écarter l'épée en le foudroyant du regard.
- Ne t'avise plus jamais de faire ça, Quentin.
- Ah oui ? ce bâtard de Coldris a le droit et moi non ? vous êtes mariés secrètement peut-être ? vous êtes amants ? et pourquoi n'aurais-je pas droit à tes faveurs, jolie sirène... ?
Elle le fit taire d'une giffle, et allait lui en mettre une autre, mais il attrapa sa main au vol et lui serra le poignet si fort qu'elle grimaça.
- Je gagne dans tous les cas, Sophie. Souviens t'en.
Puis, il la lâcha brusquement, fit demi-tour et quitta la cour comme si de rien n'était. Elle se frotta le poignet en le regardant s'éloigner. Décidément elle l'appréciait de moins en moins. Elle remonta dans sa chambre pour se changer avant la chasse. Sa femme de chambre lui avait monté une collation et lorsqu'elle descendit dans sa robe de chasse, corsetée cette fois, elle avait mangé, et était prête à chasser. Elle n'accorda pas un seul regard au Quentin railleur qui la saluait et sortit aussitôt sur le perron.
Tous les chevaux attendaient. Dominant les autres par sa stature de fier espagnol, Alkaios était là lui aussi, et la simple vision du cheval la réconforta. Où était son maître ? elle chercha Coldris du regard. Elle avait besoin de se retrouver près de lui pour oublier ce qui s'était passé avec Quentin. Devait-elle le lui dire d'ailleurs ? non. Cela ne ferait que gâcher la journée.
- Où es-tu donc passé, Coldris ? chuchota-t-elle en regardant autour d'elle.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Multi mortem obeunt. […]
Exterrentur et ex somno quasi mentibu' capti
Vix ad se redeunt permoti corporis aestu.
Beaucoup dans leur sommeil révèlent des secrets,.[…]
Beaucoup vont à la mort, […]
éperdus de terreur, ont peine à se remettre
À leur réveil, l'esprit hanté, le corps en fièvre.
De rerum natura, IV v.1017-1023, Lucrèce
Coldris ouvrit une paupière. Il cligna des yeux plusieurs fois. Il sentait le contact familier du papier contre sa joue. Les épais rideaux de velours encadraient la large fenêtre au travers de laquelle il aperçut les prémices de l’aurore. D'un bleu d'encre, l'horizon semblait peu à peu se délaver. Il se redressa lentement, passa une main entre ses cheveux bruns. Dans l'âtre, brûlait avec vigueur deux bûches. Il se souvenait les avoir déposées. A en juger par leur combustion, il avait dû s'assoupir environ une heure. L’aube était enfin là. Il allait pouvoir se lever.
La présence rassurante de Léonilde lui manquait. Il se sentait seul et acculé dans ce domaine où l’invitation n'avait d'invitation que le nom. Malgré la proximité du foyer, un glacial frisson serpents le long de son échine.
Au fur et à mesure que son esprit émergeait, les images de la veille s'assemblaient. Il avait passé le restant de sa soirée dans le salon des hommes: quelques mots à Virgil, quelques piques distinguées envers ce grand blaireau de Quentin qui avaient fait rire l'assemblée -excepté le cousin- et d'innombrables pensées pour sa belle Aurélia.
Son cœur avait continué d’irradier de son contact de longues heures durant. Tout comme ses lèvres qui avaient été parcourus d'un fourmillement constant et qui en redemandaient encore et encore. Lorsque ses paupières avaient eu le malheur de se clore un bref instant, il n’avait plus vu alors que ses yeux pétillants et son sourire malicieux. Il avait dû combattre toute la soirée durant, le désir d’envoyer voler cette table basse pour courir la rejoindre.
Elle avait été si proche et si inaccessible à la fois.
Comme la bûche à quelques mètres de lui, il avait passé la soirée à se consumer d'envie et de frustration.
Il s’étira, bras tendus vers le ciel. Même en se couchant, ses dernières pensées n’avaient été que pour elle. Il avait même envisagé durant un court instant de la rejoindre à la faveur de la nuit. Mais ce n’était guère raisonnable -même pour lui- sans savoir où elle se trouvait précisément.
Il avait admiré le ciel de lit en velours, s’était tourné, retourné, dans un sens puis dans l’autre avant de sombrer, englouti dans un sommeil agité. Il entendait les chiens aboyer, grogner, l’écume à la gueule, leurs yeux étincelants, le poil hirsute. Il courait dans la neige, il trébuchait, elle enroulait ses longues griffes nivéennes autour de ses chevilles, figeant ses pieds dans la glace. Ils se rapprochaient. “Cours! Cours! Cours plus vite !” lui hurlait-il. Ils étaient là, tout prêt. Il sentait leur haleine fétide, leurs froides morsures brûlant sa chair. La neige se teintait de pourpre. Il disparaissait. Englouti sous les crocs, noyé sous une cascade de sang.
Il se redressa d'un bond en sueur, tremblant et haletant dans la nuit, sans parvenir à faire bouger autre chose que sa cage thoracique qui se soulevait frénétiquement. Il demeura plusieurs minutes dans cette attitude quasi marmoréenne avant de parvenir à esquisser le moindre mouvement puis à se lever.
Dans la pénombre de sa chambre, les démons sortaient et dansaient au gré des ombres projetées par les flammes. Il voyait sa sœur. Se perdait dans son regard vide qui se brouillait laissant apparaître celui lapis-lazuli d’Aurélia. Il sentait les lèvres rassurantes de sa belle Psyché l'embrasser avant qu'elle ne se transforme soudainement en morsure canine sous le rire gras de son père éructant que l'amour rendait faible.
Coldris ne savait plus s'il rêvait ou s’il était éveillé. La moindre ombre le terrifiait. Il voulait crier. D’un geste brusque, il dégagea les rideaux, mais il n’y avait qu’un ciel noir sans le moindre rayon lunaire. Toutes les bougies, sans une exception furent allumées et plusieurs bûches jetées dans le feu jusqu’à ce qu’il y ait assez de lumière.
Il arpentait sa chambre de long en large, pieds nus sur le parquet, sans pouvoir se calmer, puis se jeta à son secrétaire. Il avait apporté un carnet vierge. Il déboucha l’encrier, ouvrit le carnet et commença à le noircir furieusement de tout ce qui lui passait par la tête. Mot en vrac, vers, dessin, paroles, texte. En l'espace de quelques minutes, la pureté des pages ne fut plus qu’un immense chaos. Il tourna la page et recommença encore et encore jusqu’à retrouver un certain calme.
Il soupira. Son esprit s'ordonnait. Tout retournait à sa place. Il observa le chaos présent sur les huit pages puis les arracha vigoureusement avant de les jeter dans l'âtre. Ses yeune les quittèrent pas du regard tandis qu'elles se calcinaient irrémédiablement avalées par le brasier et bientôt réduites à l’état de cendres.
Plus calme, mais sans pouvoir sans pouvoir trouver le sommeil pour autant, il reprit un écriture plus raisonnée, moins instinctive, jusqu’à tomber d’épuisement sur son secrétaire.
Puisque l'aube était enfin là, il allait pouvoir sortir. Il se prépara, trouva de quoi manger rapidement sous le regard aussi éberlué qu'assoupi des domestiques puis entreprit de se promener dans le parc à la faveur des premiers rayons solaires.
La neige gelée durant la nuit craquait sous ses pas. Les arbres étaient recouverts d'une fine couche de neige qui scintillait comme autant de petits diamants. Il admira les statues des fontaines qui semblaient s’être gelées dans leur posture durant la glaciale nuit. Ce n’était plus qu’une cascade de stalactites qui s’écoulait de la jarre de la nymphe, miroitant sous le soleil qui teintait déjà de rose le ciel. Ses pas le ramenèrent au château où il salua Virgil aussi matinal que lui. Les deux amis discutèrent de choses et d'autres, incluant la chasse, la météo et quelques événements de politiques nationales et internationales. Ils passèrent devant le chenil où les chiens surexcités bondissaient de toute part en aboyant et en se mordant entre eux. Il réprima un frisson et poussa jusqu’aux écuries.
Où es-tu donc passé, Coldris ? murmurait une petite voix qu’il aurait reconnu entre mille.
Son cœur bondit et avancer félinement dans son dos lui demanda un effort surhumain. Ses mains se glissèrent autour de sa taille et il embrassa sa joue rosie par le froid.
- Juste là chuchota-t-il en réponse.
Alkaios poussa un hennissement jaloux.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Je reçois plus de joie à regarder vos yeux,
Qu'à boire, qu'à manger, qu'à dormir ni qu'à faire
Chose qui soit à l'âme ou au corps nécessaire
C'était de nouveau Vulcain. Dans ce froid, elle n'aurait pas pu s’y tromper. Qui d'autre que le dieu du feu pouvait faire s'élever une flamme en un instant alors que les frimas de l'hiver manifestaient toute leur glaciale puissance ? une présence, un baiser, un souffle, des mots. Des mains. Elle regrettait infiniment d'avoir des gants en cet instant. Des gants de fourrure. Bien chauds. Dans lesquels ses doigts gelés fourmillaient d'envie de se glisser entre ceux de Coldris.
Mais parce qu’ils étaient devant tout le monde, et parce que ce n’était que le premier jour de la semaine, elle résista. Qu’il lui entoure donc la taille de ses bras tant qu’il voudrait, ou bien qu’il dépose autant de baisers sur ses joues, elle ne pouvait rien faire d’autre, devant tout ce monde, que de tourner la tête vers lui et lui envoyer un petit sourire mutin.
- Votre cheval vous réclame, monsieur de Fromart. Et vous savez comme moi que les chevaux andalous sont bien moins patients que les montures arabes...
Elle échappa comme une anguille à son étreinte pour attraper les rênes de Sillage. La chasse commencerait bientôt. Elle avait vu un valet de chiens partir dans les bois pour débusquer le gibier. Dès qu’il reviendrait, les autres chiens, jappant et hurlant dans leur laisse non loin, seraient lâchés, et les cavaliers les suivraient. Avec un peu de chance, il y aurait du sport.
- Il te faudra gagner ton mouchoir, monsieur le Secrétaire, lui lança-t-elle alors qu’elle approchait son cheval d’une barrière pour mieux mettre le pied à l’étrier.
Occupée à placer correctement son cheval, elle ne fit plus attention au jeune homme pendant quelques courts instants. Et ce fut suffisant pour qu’une ombre se glisse au tableau.
- Un mouchoir, tiens donc. Serait-ce une espèce de gage de ... faveur ? se demanda Quentin, fanfaron, venu se placer entre eux. Je me souviens bien avoir lu quelque part que les dames en donnaient aux chevaliers qui remportaient la joute pour leurs beaux yeux.
Il avait un sourire malicieux qui ne présageait rien de bon. Aurélia le regardait d’un air sombre, immobile près de Sillage. En se demandant pourquoi son cousin avait si peu de goût en matière d’amis. Et en parlant du loup, Allan descendait allégrement le perron, sifflotant un air à la mode.
- Vous verrez, mes chiens sont redoutables, lança-t-il à la ronde.
Puis son regard se posa sur le trio mal assorti, et il se dirigea vers eux. Donna une grande accolade à Quentin, et adressa un signe de tête distant à Coldris.
- Eh bien, ma cousine, que de beaux hommes vous avez autour de vous ! et vous ne rougissez même pas, sinon de froid ! C’est tout à votre honneur, on dirait bien que vous êtes très indifférente à toute cette attention. Rassurez-vous, tout le monde sera bientôt complètement accaparé par un jeune cerf des plus vigoureux.
Il éclata d’un grand rire, partagé par Quentin, qui chuchota alors quelque chose à l’oreille d’Allan. Aurélia en profita pour jeter un regard d’excuse à Coldris. Elle aurait tellement aimé qu’ils soient seuls tous les deux, comme pour leur promenades du matin à Braktenn. Rien qu’elle et lui, à se lancer des piques ou à se voler des baisers contre des arbres nus.
Elle soupira.
- Hééé ! mais c’est une excellente idée, s’exclama Allan. Bien trouvé Quentin. Je suis sûr que ça va plaire à tout le monde.
Il appela les invités autour de lui, les rassemblant dans un demi-cercle.
- Ecoutez, une chasse à courre, c’est très intéressant, mais je vous propose de la rendre encore plus intéressante. Ma cousine Sophie, ici présente, porte sur elle un ravissant mouchoir qu’elle se propose de confier au plus méritant chasseur de la journée.
- Quoi ?! s’exclama-t-elle. Mais c’est hors de questi...
- Allons ! Sophie, ce n’est qu’un mouchoir, et c’est pour le jeu. Aurais-tu peur de le donner à un mauvais garçon... ?
Elle était furieuse, ses yeux brillaient de colère, mais ceux d’Allan pétillaient de malice. Evidemment, Quentin avait dû le mettre au courant de ce qu’il savait. Et comme Allan était du côté de Quentin, il ferait tout pour que le « plus méritant chasseur » soit son ami. Par ailleurs, le jeu semblait amuser les autres participants, Sophie n’avait plus qu’à s’incliner. Heureusement pour elle, Sybil jaillit soudain de la foule en brandissant elle aussi un mouchoir.
- Et moi, je donnerai le mien, au pire, comme ça il n’y aura pas de jaloux !
Quelques rires fusèrent. Allan et Quentin s’éloignèrent, bien contents de leur coup, et Sybil rejoignit Aurélia.
- Tu sais quoi, échangeons nos mouchoirs, Coldris n’aura qu’à être le pire, et je lui donnerai le tien, lui glissa-t-elle avec un clin d’œil. Je te laisse réfléchir.
Avant même que Sophie ait pu dire un mot, la demoiselle d’Aussevielle repartait. Et dans tout ça, elle était toujours devant la selle de Sillage, au sol. Dieu, que c’était frustrant de devoir se plier aux extravagances de son cousin !
Sarkeris- Corsaire
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Sooner shall earth resolve itself to sea,
Than I resign thine image, oh, my fair!
Or think of any thing excepting thee
L'océan bleu d'abord en air se changera,
La terre d'abord en flot liquide fondra,
Avant que je renonce à ton image, mon Aimée !
Avant que je ne pense à une autre que toi ;
Don Juan, Chant II, Byron
Ce n’était pas les quelques curieux qui auraient pu l’empêcher de poser ses mains autour de sa fine taille. Lorsque l’on avait une réputation comme la sienne, mieux valait ne pas accorder grande importance aux regards ainsi qu’aux on-dit. Force était de constater que les bavards trouvaient toujours quelque chose à redire qu’importe la situation. Qui espérait-elle tromper avec ce sourire mutin et ce vouvoiement de façade ? Mais avant qu’il n’ait pu répliquer quoi que ce soit, elle lui fila entre les doigts pour se saisir des brides de son hongre. Coldris poussa un discret soupir et ouvrit la stalle d’Alkaios, prêt à partir. L’étalon le gratifia d’un puissant coup de museau.
- Il faut savoir être patient parfois tu sais. Tu sais ce que dit Marot ? Tout vient à point à qui sait attendre.
Et justement, il n’aurait guère à attendre bien longtemps encore. Les cavaliers se pressaient dans les écuries, récupérant leur monture. Les chiens aboyaient furieusement, mélopée qu’il avait placée en sourdine au profit des fers de l’andalou claquant sur les pavés de l’écurie. Il suivit Aurélia qui s’approcha d’une barrière. Ah ! Elle repassait donc au tutoiement ! Monsieur le Secrétaire, une appellation qui éveillait désormais mille désirs dans sa bouche. Un mot qu’il associait à son bureau. Une envolée d’images s’insinua dans son esprit alors qu’elle essayait de mettre pied à l’étrier. Il n’eut une nouvelle fois pas le temps de rétorquer quoi que ce soit qu’une voix serpentine venez de s’infiltrer dans leur discussion. Coldris tourna la tête par pur réflexe de survie. Il n’avait pas besoin de confirmation visuelle pour identifier l’importun. Rien qu’à l’agacement qui lui hérissait le poil et faisait baisser les oreilles de l’équidé, il savait qu’il s’agissait de Quentin.
Puisqu’il ne s’adressait nullement à lui, il se garda bien de saluer le galapiat. Il se contenta d’un regard glacial. Rien qu’à son sourire, il pouvait aisément deviner ce qu’il avait derrière la tête. Il était si prévisible...
Le jeune coq fut rejoint par le grand tétras qui se dandinait gaiement, sautillant les marches avec allégresse. La morosité gagnait Coldris. Et le manque de sommeil n’aidait en rien son humeur maussade à s’estomper. Les fameux chiens, ils les avaient vus et à son grand soulagement, nul grand griffon aux babines écumantes. Une meute restait cependant une meute...
A sa salutation, il inclina à son tour la tête. Un sourire froid traversa ses lèvres lorsqu'il évoqua la chasse. Qu’ils soient donc tous accaparés par le cerf. Il opterait pour l’arrière-garde et profiterait de la compagnie de sa charmante biche.
Dès lors qu'il vit Quentin chuchoter à son oreille, il eut l’assurance que ses soupçons étaient fondés. Aurélia semblait s’excuser muettement. Mais de quoi ? De leurs comportements ? De la situation ? Elle n’y pouvait malheureusement rien. C’était parfaitement prévisible. Elle devait bien se douter que cette partie de chasse n’aurait rien d’une escapade romantique.
Son regard s’assombrit encore un peu plus sur son masque d’un distant sérieux. Il n’y avait guère qu’une vague flammèche de froide colère qui crépitait tandis qu’Allan déclamait sa formidable idée. Ses mâchoires se serrèrent discrètement. Il se savait être la proie visée par ce concours spontanée.
Que cherchaient-ils à faire à le ridiculiser ? A le battre sur son terrain ? Ils venaient d’enlever la dame de l’échiquier et s’apprêter à lancer une âpre partie. Il n’avait pas envie de jouer. Pas quand les dés étaient pipés. Il n’avait pas envie de leur donner la satisfaction de contempler sa colère. Pas plus que son dégoût.
En fait, il ne montra aucune émotion. Ne prononça aucun mot. Jusqu’à l’arrivée salvatrice et enjouée de Sybil. A croire que toutes les Sybil étaient formidables. Il retrouva subitement son air malin et ses yeux pétillants, devant cette soudaine opportunité qui venait de rebattre les cartes.
- Excellente idée ma chère Sybil ! Je prends le vôtre en ce cas. J’en ai déjà bien trop de Mademoiselle de Farnende. Il faut savoir faire varier les plaisirs!
Allez donc courir le leurre tout seul.
Il se tourna aussitôt vers Virgil qui observait la scène d’un air mi-figue mi-raisin. Sans doute avait-il lui aussi compris la supercherie derrière ce jeu de dupes. Il imaginait sans mal, l’amertume qu’il ressentait à se voir gâcher sa partie de chasse pour un vulgaire combat de coqs.- T’aie-je déjà dit que ta sœur était tout bonnement charmante, mon ami ? demanda-t-il innocemment tandis que son compère roulait des yeux.
- Une bonne dizaine de fois, Coldris. Une bonne dizaine de fois… répondit-il en mettant pied à l’étrier avant de quitter les lieux à son tour.
Brides en main, il s’approcha de la tempétueuse Aphrodite, toujours à terre. Alkaios envoya délicatement son museau dans l’épaule de la jeune femme avant de pousser un timide hennissement.
- Ne laisse pas un carré de soie, assombrir ta journée, ma belle déesse. Il faut parfois savoir perdre une bataille pour remporter la guerre. répondit-il en lui offrant son aide pour se hisser sur Sillage.
- Je suis tout de même fort vexé d’être délaissé pour une barrière...
A son tour, Coldris prit place sur l’andalou, bien ravi de voir les choses enfin bouger. Il le gratifia d’une petite tape sur l’encolure.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Notre histoire est noble et tragique
Comme le masque d’un tyran
Nul drame hasardeux ou magique
Aucun détail indifférent
Ne rend notre amour pathétique
Et Thomas de Quincey buvant
L’opium poison doux et chaste
À sa pauvre Anne allait rêvant
Passons passons puisque tout passe
Je me retournerai souvent
Les souvenirs sont cors de chasse
Dont meurt le bruit parmi le vent.
Elle sentit de nouveau la lame froide et triomphante de Quentin contre sa gorge, alors que son détestable prétendant s’éloignait. Que n’avait-elle trouvé le sang-froid nécessaire à le battre ce matin !? la défaite lui aurait rabattu son caquet ! elle passa un pouce dans le creux de sa gorge pour faire disparaître la réminiscence. Mais une petite voix dans sa tête la détrompait : « Non, si tu l’avais vaincu, il aurait fait pire à l’instant. » Aurélia se jura que jamais, quoiqu’il lui en coûte, jamais Quentin n’obtiendrait d’elle ce qu’il voulait soustraire à Coldris.
Une pression à son épaule la bouscula. Elle se tourna vers Alkaios, les yeux encore un peu ailleurs, et accorda une caresse distraite à l’étalon, entendant à peine ce que lui disait Coldris en l’aidant à grimper en selle. Elle le remercia du bout des lèvres. Ce n’était pas le mouchoir qui la tracassait, c’était plutôt de se retrouver entre celui qu’elle aimait, qui paraissait insouciant, et un autre, qu’elle détestait de plus en plus, et qui ne faisait qu’affirmer une détermination effrayante à parvenir à ses fins.
Avec Coldris, botte à botte, elle s’éloigna au grand trot vers les bois où les trompes de chasse résonnaient déjà. Le cœur étreint de contrariété.
Φ
Il était tôt encore. Solange laissait sa camériste lui nouer sa robe de chambre autour de la taille, tout en observant le départ des chasseurs. Aujourd’hui, elle les attendrait au salon, les pieds étendus vers la cheminée, un vers de vin chaud et épicé à disposition, avec des gâteaux secs. Peut-être que la jeune femme de Virgil d’Aussevielle serait assez gentille pour lui faire la lecture d’un roman croustillant.
Elle reconnut sans peine les derniers cavaliers de la cohorte : un haut et fier cheval noir, et un petit arabe gris ne pouvaient être que les montures de ses deux amants maudits préférés. Elle sourit sans joie derrière les fenêtres à croisées de sa chambre. Tout aurait pu être différent avec des « si » et des « peut-être ». Elle aurait pu avoir une nièce épanouie auprès d’elle à Braktenn, un joyau dans les salons. Un joyau inaccessible, brillant, avec mille facettes et un mari piquant et très intéressant. Coldris se trompait. Il n’aurait pas perdu Aurélia, comme il l’appelait, en l’épousant. Au contraire. Peut-être aurait-il perdu l’excitante incertitude de la séduction sans garantie, mais ne l’avait-il pas déjà cette garantie, d’être aimé ? et pourtant il continuait sa chasse. Et Lodméia avait bien compris ce qu’il lui fallait. Elle aurait su faire de chaque chose un jeu, une complicité, jusqu’à ce que leurs années passent, et qu’ils s’assagissent, l’un avec l’autre, l’un par l’autre, et sans en ressentir la moindre perte. Parce qu’ils auraient toujours été l’un avec l’autre, l’un pour l’autre.
D’ici la fin de la semaine, ce beau rêve serait brisé.
Il le fallait. Parce qu’il n’y a rien de pire que les non-dits entre deux amants, et que Coldris n’avait pas dit qu’il n’était pas libre. Pas autant qu’il voulait bien le montrer. Et parce qu’il en était une dans ces murs qui n’attendait que cela : sa propre sœur avait la cruauté de briser le cœur de sa fille.
Elle avait su, dès le début, par quelque bruit de couloirs que des fiançailles unissaient Coldris et Asoana. Comment avait-elle pu ne pas mettre sa fille en garde ? Peut-être qu’à la place, Sophie aurait pu apprécier cet insipide Quentin et qu’au lieu de le fuir comme la peste, elle ne se trouverait pas indisposée en sa compagnie. C’était une alternative peu satisfaisante, mais au moins, Sophie n’aurait pas eu le cœur brisé.
- Madame, voulez-vous prendre le petit-déjeuner ici ?
Solange regarda les dernier chevaux disparaître dans le bois, à l’autre extrémité du parc.
- Oui.
Φ
Dans la terre molle, le cerf laissa une profonde empreinte. Son souffle rapide fendait l’air froid en nuée vaporeuse dense et éphémère. Ses yeux noirs, comme deux billes d’onyx, fixés droit devant, brillaient de peur. Il sauta un talus, avec toute l’élégance de son espèce, se réceptionna de l’autre côté sans ralentir et se fondit entre deux buissons de houx, piquants, qui lui effleurèrent les flancs.
La meute passa après, à quelques secondes de lui. Aboyant, hurlant, et elle-même suivie des cavaliers, habiles et talonnant leur montures. Sybil menait la traque avec un panache frondeur. Elle haranguait ceux qui la suivaient : ne serait-ce pas follement amusant si Sophie devait lui donner son mouchoir ?
Sophie, d'ailleurs, avait retrouvé un semblant de bonne humeur. Voilà une heure qu'ils coursaient l'animal. De loin, elle l'avait aperçu, ses hauts et fiers andouillers pointant vers le ciel comme un défi aux chasseurs. Bientôt, il commencerait à ruser pour perdre les chiens, et c'est là que tout prendrait de l'intérêt.
Et soudain les chiens hésitèrent. Deux pistes se croisaient. Laquelle suivre. Les veneurs faisaient de leur mieux pour les orienter. Les cavaliers arrivèrent sur les lieux, œil à l'horizon. Les chiens étaient devenus aveugles, quels que soient leurs mérites vantés par Allan. C'étaient aux cavaliers de retrouver la piste. Et Aurélia ne fut pas en reste.
Dressée sur ses étriers, elle échangea un regard avec Sybil, puis éperonna Sillage. Un regard en arrière, vers Coldris.
- Suis-moi !
Elle partit au galop dans un sentier peu emprunté mais qu'elle avait découvert la semaine précédente. Il montait en pente douce vers un surplomb rocheux d'où on embrassait tout le domaine et où les clairières de la forêt étaient bien visibles. Ils y furent bientôt, et avant que Coldris ne la rejoigne, elle avait repéré l'animal traqué, qui se faufilait vers les sources de la rivière. Mais la jeune file hésita. Elle voulait passer du temps, tranquille, avec Coldris, mais elle trouvait du plaisir à cette chasse.
- Tu veux continuer ? on pourrait le coincer avant les autres, lui dit-elle.
Elle se doutait qu'il devait avoir repéré le cerf, lui aussi. Les chiens derrière eux, jappaient, désorientés. Les cavaliers ne tarderaient pas à reprendre la piste. S'ils voulaient l'avoir, ils devaient y aller maintenant. Sillage piétinait, énervé par le brusque arrêt de la traque, et lâchait de longs nuages de buée. Elle dévisagea Coldris, ses yeux bleus et froids qui fouillaient le paysage hivernal. Elle ne résista pas à l'envie de lui voler un baiser gelé. Pour une fois que c'était elle qui pouvait le surprendre.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Un mot lâché ne saurait revenir.
L’art poétique, v390, Horace
Les chiens criaient. Les sabots battaient la poudreuse qui s’envolait dans une nuée blanchâtre. Coldris se tenait à distance raisonnable de la tête du cortège. Tout l’art de la chasse à courre résidait dans l’endurance. C’était une guerre d’usure entre l’homme et l’animal. Une partie d’échecs, un jeu de stratégie. Il y avait certes les chiens pour traquer la bête, mais l’animal n’était pas en reste. Roi de la forêt, le cerf n’en demeurait pas moins fourbe et n’hésiterait pas le moment venu à vendre l’un des siens pour avoir la vie sauve. C’était à ce moment-là que l’on verrait si les chiens d’Allan étaient si malins.
Pour l’heure, il n’y avait qu’à suivre les déplacements du cervidé dans un trot allongé entrecoupé de petits galops. Sybil avait une nouvelle idée en tête : obtenir le mouchoir d’Aurélia. Coldris se faisait fort de l’encourager dans cette démarche pour le simple plaisir de sentir Quentin fulminer. Tout ce qui pouvait le faire enrager le réjouissait. Pour être tout à fait honnête, il avait même été tenté plus d’une fois de détacher le fourreau de son poignard pour piquer les flancs de sa monture... En attendant le moment opportun pour se venger, Il rongeait son frein. A chaque foulée, Alkaios expirait bruyamment l’air glacial qui emplissait ses naseaux et ses poumons.
Un peu plus loin, les chiens finirent par stopper nette leur course. Ils hésitaient sur la voie à suivre. Ils reniflaient le sol gelé frénétiquement sur une petite zone, jappant par intermittence, mais l’esgail induisait leur flair en erreur. Aurélia le tira soudainement de sa torpeur momentanée en lui intimant de la suivre. Trop heureux de s’éclipser du groupe de chasseurs pour suivre sa belle Diane, il éperonna à son tour l’andalou jusqu’à arriver sur le petit promontoire. Entre deux bosquets, il aperçut le cerf se dirigeant vers la source.
S’il voulait y retourner ? Il réprima un frisson au son des aboiements répétés et se focalisa sur les yeux bleu océan qui l’interrogeaient et… Ne manquaient pas d’arguments. Sa surprise fut de courte durée et il l’attira à lui, la désarçonnant presque sous les piaffés impatients de Sillage. C’était pour ça qu’il l'aimait autant ! Pour cette spontanéité. Pour cette audace lumineuse qu’elle détenait. Elle était une surprise permanente. En sa compagnie, chaque jour était différent de la veille, chaque lendemain plus attendu que le jour le même.
Elle lui proposa de reprendre la traque, mais il lisait dans ses prunelles et son sourire qu’elle mourrait d’envie de s’égarer dans les bois. C’était si tentant ! Il eut un petit sourire et scruta de nouveau l’horizon givré. Dans le lit de la rivière, une fière silhouette brune, remontait lentement le courant à contre vent. Petit malin, songea Coldris. Les chiens n’étaient pas près de le retrouver et partiraient sans doute vers l’aval, bernés par leur flair et le vent, avant de se rendre compte qu’il avait pris la poudre d’escampette. Il calcula rapidement qu’il pouvait sans doute obtenir deux trophées d’un coup, s’ils prenaient le parti de prendre l’animal à revers. Il eut un regard malicieux avant de lui répondre :
- Pourquoi choisir ?
Il ne développa pas plus. Elle avait sans doute déjà compris le fond de sa pensée. Ils s’élancèrent aussitôt vers la plaine, coupant à travers bois dans un galop effréné. Leurs montures allongeaient l’encolure, s’étirant au maximum pour avaler les mètres qui les séparaient de leur objectif. Coldris suivait Aurélia qui connaissait mieux les lieux que lui. La source était en vue, mais pas de cerf. Il stoppa immédiatement Alkaios. Si le vent était en leur faveur pour duper les chiens, il l’était également pour l’animal, qu’ils devançaient peut-être. Ils devaient impérativement rester derrière lui pour ne pas se faire débusquer à leur tour. Où était-il passé ? Il repéra des traces sur la berge boueuse, face à eux. Aucune certitude, néanmoins, que ce soit lui. Il contempla celle qui était devenue son astre : elle choisirait la stratégie à adopter pour la suite. L’andalou s’impatientait, creusant la neige de son sabot. Plus Coldris l’observait, plus son cœur se serrait à l’idée de la perdre pour toujours. Il ne la méritait pas. Il allait la blesser plus surement que le cervidé qu’ils chassaient. Une brise glaciale s’engouffra dans ses courts cheveux bruns. Et si elle n’y survivait pas ? Sa poitrine l’oppressait. Elle dut le remarquer, car il prit soudainement conscience de son regard interrogateur. Ses yeux séracs plongèrent dans les siens. Pourquoi attendre ? Pourquoi grappiller avidement, égoïstement, quelques heures de sursis? Ce moment devait de toute façon arriver et il ne parvenait plus à profiter innocemment de chaque instant en sentant le fil de la lame effleurer sa nuque. Il inspira.
- Aurélia… J’ai quelque chose de très important à te dire… commença-t-il comme un automate.
A suivre...
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
– La vie de forestier n’est donc pas sans inconvénients et sans dangers ?
Il choisit de poursuivre la chasse. Du moins, il semblait considérer que ça n’allait pas compromettre un tête à tête passager entre eux. La brève étreinte à laquelle ils venaient de se laisser aller, lui avait fait retrouver une bonne humeur enjouée. Elle lança Sillage en avant, laissant le soin à sa monture de prendre le chemin le plus sûr pour descendre dans la plaine sans risque. A travers les arbres dénudés par l’hiver, dont les racines tortueuses pouvaient se dissimuler dans le tapis de poudreuse, la pente pouvait être glissante, dangereuse, voire fatale.
Mais les chevaux avaient le pied sûr, ils parvinrent rapidement au bord de l’eau. Là, ils s’arrêtèrent de nouveau, guettant le moindre indice sur la présence du cerf. Mis à part ses traces de pas, qui menaient droit dans l’eau, et la direction qu’ils l’avaient vu prendre, ils ne pouvaient pas savoir où il s’en était allé. Avait-il poursuivi jusqu’en amont, aux sources qu’on pouvait entendre tomber de loin ? ou bien s’était-il contenté de faire quelques pas dans le lit du cours d’eau, avant de partir dans les bois de l’autre côté ?
Sophie mit pied à terre pour aviser de la conduite à suivre. Le cerf allait vers les sources quand ils l’avaient vu du promontoire, ne pouvant poursuivre plus longtemps, il avait probablement bifurqué dans les bois. Elle se retourna vers Coldris pour lui annoncer son intention de traverser la rivière et de pister le cerf de l’autre côté en remontant d’abord aux sources et en y reprenant sa trace. Ce n’était pas loin, et ils y seraient vite.
Elle lui sourit d’abord en surprenant son regard sur elle. Elle s’y était habituée, mais c’était toujours un plaisir. Cependant, il avait l’air soucieux. Son visage était légèrement tendu, ses sourcils un rien arqués marquaient la limite entre l’insouciance qu’elle lui connaissait et le tourment qu’elle ne lui avait pas encore vu. Ce n’était pas la colère mêlée de surprise qui l’avait animé à l’entrée de son bureau lorsqu’il l’avait surprise fouillant. C’était encore autre chose.
Elle ne dit rien, attendit, les sourcils froncés elle aussi, un peu inquiète. Il avait quelque chose à lui dire. Quoi donc ? Elle envisagea le pire, un instant : il ne voulait plus d’elle finalement, il y en avait une autre plus importante, il s’était lassé, elle ne l’intéressait plus. Sa gorge se serra, et ses mains, sur les rênes de Sillage se tendirent.
Mais un sifflement sinistre, suivi d’un choc, empêchèrent Coldris de poursuivre.
Aurélia écarquilla les yeux, ouvrit la bouche sur un cri muet, paralysée par l’horreur. Puis elle lâcha Sillage et se précipita vers Coldris qui basculait en avant sous l’impact, une flèche fichée dans l’omoplate gauche.
- Coldris !
Aurélia ne tint pas compte du vocabulaire fleuri qui assaillit ses oreilles aussitôt qu’il réalisa ce qui lui arrivait. Elle le retint comme elle put pour l’empêcher de chuter sur la rive. Elle surveillait ses moindres gestes de crainte de lui faire mal. Déjà, il tenait son bras gauche replié. Il n’avait pas crié, mais la souffrance se lisait sur son visage, et elle aurait mille fois préféré que ce soit elle qui reçoive cette flèche plutôt que lui. Si elle avait pu, elle aurait pris toute la douleur pour elle plutôt que de le voir au supplice ainsi, impuissante. Que pouvait-elle faire ?
Et puis, d’où sortait cette flèche ? qui l’avait tirée et dans quel but ? Les questions se bousculaient dans sa tête, alors qu’elle cherchait aussi un moyen de soulager Coldris, de faire quelque chose pour l’aider. Alors qu’il pestait toujours, elle vit l’empenne de la flèche qui ressortait du pourpoint déchiré dans le dos. Les couleurs ne lui disaient rien, et elle n’avait vu aucun chasseur emporter d’arc. Le tissu noir sous la flèche, brillait déjà, humide de sang. Cette vision serra encore plus la gorge d’Aurélia. Mais le plus inquiétant était surtout que la pointe de la flèche n’était pas ressortie par devant. Elle était encore à l’intérieur. Aurélia déglutit, et un peu pâle, posa une main sur le bras valide de Coldris qui grimaçait de douleur. Inquiète elle demanda :
- Tu veux t’asseoir ? ce serait plus prudent... Là, il y a une pierre plate.
Elle ne le dit pas, mais si l’archer était toujours là, il vallait mieux ne pas lui offrir des cibles faciles. Mais s’il avait voulu tirer de nouveau ne l’aurait-il pas déjà fait ? Aurélia chassa les questions qui l’assaillait de nouveau, et n’émit qu’une hypothèse :
- Peut-être est-ce un chasseur qui t’a pris pour le cerf...
Elle n’y croyait pas. Dans une chasse à courre, on achevait la bête au couteau. Pas à l’arc. Et cela soulevait de nouvelles questions auxquelles elle ne voulait pas répondre. Elle voulait juste que Coldris arrête de souffrir, qu’elle puisse le prendre dans ses bras sans crainte de remuer atrocement cette flèche maudite. Elle prit sa main et l’entraîna vers la pierre plate où il s’assit. Sous l’effet de la douleur, des gouttes de sueur perlaient à son front alors qu’il gelait à pierres fendre. Alkaios les rejoignit, inquiet pour son maître.
- Je vais appeler à l’aide, tu as besoin de soins.
Elle fit demi-tour vers Sillage, à la selle duquel pendait un cor, et une outre d’eau. Elle prit les deux et revint vers Coldris pour lui tendre l’outre. Ses yeux se posèrent sur les gouttes de sang qui teintaient déjà la pierre et la neige d’une pourpre sombre. Elle papillonna, et saisit d’une main un peu tremblante le cor qu’elle à ses lèvres.
Elle allait souffler lorsqu’un grognement sourd et de mauvais augure lui fit tourner la tête vers la berge.
Deux hauts chiens de chasse regardaient sans aménité dans leur direction, la tête basse, les babines retroussées. Et un troisième grondant, s’approchait déjà vers Coldris. Aurélia abandonna son cor et s’interposa aussitôt entre lui et les chiens, avec un courage qu’elle était loin de ressentir. Pour se donner une contenance et se protéger davantage, elle dégaina sa dague de vennerie.
- Couché ! ordonna-t-elle.
Le chien ne fit que s’arrêter en continuant de gronder sourdement, vite rejoint par les deux autres qui gardèrent une attitude menaçante en les encerclant tous les deux. Aurélia recula, loin d’être rassurée, dague en avant, sans savoir si elle pourrait venir à bout des trois bêtes si elles attaquaient.
- A l’aide ! cria-t-elle vers les arbres en désespoir de cause. A l’aide !
A ce moment, la silhouette d’un cavalier se profila à l’orée du bois.
- Par ici ! cria encore Aurélia.
Elle eut le malheur de faire un grand geste de la main. Comme si c’était un signal, un chien s’élança sur elle, tous crocs dehors, avec un jappement furieux. Il la mordit au bras, lui faisant lâcher sa dague, et poussant avec ses puissantes pattes avant, la fit tomber en arrière, sur les galets de la berge. Aurélia poussa un cri de douleur et de surprise, aux pieds de Coldris blessé, et se protégea le visage dans l’attente d’une autre morsure qui ne vint pas. En un instant, le poids du chien disparut. Rappelé en arrière par un léger sifflement, la bête resta pourtant près d’elle, l’échine basse, grondant toujours et montrant les crocs. Se redressant, la jeune fille dévisagea le cavalier qui mettait pied à terre. Alan.
Il jeta un coup d’œil narquois à Coldris et à sa cousine.
- Eh bien, je crois bien que je me suis trompé de cible. Désolé, je vous ai pris pour notre cerf, Secrétaire. Mais il faut dire aussi que vous étiez en compagnie d’une jolie biche...
A cet instinct, Aurélia acquit l’intime conviction que tout ça était un mauvais coup bien préparé. Alan n’avait pas l’air désolé du tout, son air satisfait le disait assez bien. Et il n’avait pas l’air pressé de leur venir en aide non plus. Il faisait un coupable bien tranquille. Elle jeta un œil à la morsure sur son bras. Sans gravité, du moins, pas aussi grave que la flèche dans l’épaule de Coldris.
- Rappelle tes chiens, Alan. Coldris a besoin d’un médecin.
- Et qu’est-ce que j’y gagne ?
Aurélia écarquilla les yeux de surprise.
- Quoi ?
- Je ne vois pas pourquoi je rappellerais mes chiens. Ils sont sur la piste d’un cerf, si je les arrête maintenant, nous perdrons le cerf.
- Arrête de faire l’imbécile, Alan. Rappelle-les.
Son cousin avait toujours cet insupportable sourire aux lèvres, et du coin de l’œil, Aurélia voyait Coldris souffrir. Elle espérait sincèrement que la blessure n’était pas gravissime. Mais il en serait quitte pour quelques jours de repos. Et une opération douloureuse.
Et une belle cicatrice.
Mais là, il perdait du sang, et dans le froid, sa condition empirait de seconde en seconde. Elle n’était pas bête. Alan attendait quelque chose.
- Qu’est-ce que tu veux ?
- Promets-moi que tu participeras à toutes les chasses de la semaine, depuis la quête jusqu’à l’halali.
- C’est promis ! répondit-elle immédiatement, sans réfléchir.
- Très bien.
Il siffla. Ses chiens jappèrent de joie en retournant vers lui, qui enfourchait déjà sa monture.
- Je préviens les autres de vous aider et je file au manoir pour faire mander un chirurgien.
Elle revint aussitôt vers Coldris qui ne pouvait pas aller mieux. Et ce n’est qu’en envisageant qu’il devrait passer un ou deux jours bien au chaud près de la cheminée au manoir, qu’elle comprit l’exigence d’Alan. Elle ne pourrait pas rester près de lui.
- Le fourbe, lâcha-t-elle. Je n’ai pas réfléchi... Coldris, ça va aller ?
Il était tellement pâle !
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
- avertissement sylvérien: ce RP contient un enchainement de jurons:
- début du post
at bene si quaeras, Fortunae crimen in illo
Il fut changé en cerf, et ses chiens de son sang s'abreuvèrent; mais il n'était point coupable : le hasard seul le perdit.
Métamorphoses, Livre III – Actéon, Ovide
Il lut l’inquiétude dans son regard. Elle savait. Elle savait ce qu’il allait dire. Ses lèvres s’entrouvrirent, mais aucun son ne s’échappa. L’air siffla et un projectile déchira sa chair déversant un flot de lave en fusion dans tout son corps. Le souffle coupé, il bascula sur l’encolure d’Alkaios. Que venait-il de se passer ? Sa tête bourdonnait. Une violente douleur irradiait depuis son épaule. Il ne parvenait plus à contrôler sa respiration devenue anarchique. Machinalement, sa main droite tâtonna jusqu'à son omoplate où elle tomba sur le tube d’une flèche.
- Sale pute de fosse à merde mal baisée ! hurla-t-il en direction du bois avant de tousser violemment dans un spasme.
- Sort de ton bois, maudit couard galeux !
Sa vue se brouilla. Les étoiles dansaient devant ses yeux, il se sentit perdre l’équilibre. Des mains le réceptionnèrent et il glissa le long d’Alkaios qui se trouvait étrangement calme dans toute cette agitation. Coldris se laissa porter par ces bras qui s’étaient enroulés autour de son torse, grognant sourdement à chaque nouveau pas.
- Tu veux t’asseoir ? ce serait plus prudent... Là, il y a une pierre plate.
- Laisse-moi Aurélia, laisse-moi marmonna-t-il d’une voix rauque en vacillant sur quelques pas.
Il ne pouvait pas s’asseoir. Il ne devait pas s’asseoir. Il devait rester debout. S’il devait mourir aujourd’hui, il mourrait debout. Certainement pas, assis comme un vieux gibier épuisé à attendre que la mort vienne le cueillir. Dans son dos, son sang chaud se mêlait à la sueur glaciale qui perlait et roulait le long de sa colonne vertébrale. Il fit de nouveau quelques pas et trébucha en étouffant un râle. Une main se glissa dans la sienne et l’attira sur la pierre. Ses jambes se dérobèrent. Il essaya vainement de se raccrocher à elle pour se maintenir droit, mais une force le poussait à s’asseoir.
- Non, non, non… souffla-t-il
Il avait chaud. Il avait froid. Il ne savait pas. Il n’y avait que cette douleur persistante. Il sentait ses mèches brunes se plaquaient contre son front.
- Peut-être est-ce un chasseur qui t’a pris pour le cerf...
Mais oui Coldris, évidemment qu’il t’a pris pour le cerf.
C’est toi le cerf aujourd’hui, on ne t’a pas prévenu ? ricana la voix
C’est déloyal Coldris, tu gardes toutes les jolies biches pour ta harde.
« Tout le monde sera bientôt accaparé par un jeune cerf des plus vigoureux » imita une voix moqueuse
Allons ne me dit pas que tu n’avais pas compris ?
Qui d’autre ?
C’est toi le cerf aujourd’hui, on ne t’a pas prévenu ? ricana la voix
C’est déloyal Coldris, tu gardes toutes les jolies biches pour ta harde.
« Tout le monde sera bientôt accaparé par un jeune cerf des plus vigoureux » imita une voix moqueuse
Allons ne me dit pas que tu n’avais pas compris ?
Qui d’autre ?
Ça piaillait. Il y avait trop de bruit. Il n’arrivait plus à réfléchir. Tout se mélangeait. Tout se brouillait.
- Je vais appeler à l’aide, tu as besoin de soins.
Aide. Soin. Douleur. Il devait la retirer. Il devait retirer cette foutue flèche qui le brûlait. Il avait l’impression de sentir sa chair se calciner tout autour. Et si elle était empoisonnée ? Ses yeux s’écarquillèrent et il se contorsionna dans un mouvement désespéré pour essayer d’attraper le tube. Une fois empoignée, il tira dessus, mais le feu se déversa, l’obligeant à se mordre les joues pour ne pas hurler. Il n’était pas dans l’axe. Il devait se rendre à une évidence: il ne pouvait pas la retirer seul.
- Enlève-là… implora-t-il Enlève-là ! hurla-t-il
Sa respiration siffla alors qu’il peinait à retrouver son souffle. Elle ne voulait pas l’aider. Elle ne voulait pas extraire la flèche. Tant pis. Sa main droite passa par-dessus son épaule et rompit d’un coup sec le tube qu’il jeta avec rage au sol. Il suivit du regard son rebond jusqu’à découvrir deux grands chiens bruns qui le fixaient de leurs prunelles sombres et étincelantes.
Cours Isis ! Cours!
Un grognement rauque et il découvrit leurs canines prêtes à se refermer. Son cœur s’accéléra. Il ne parvenait plus à respirer. Ses mains tâtonnèrent derrière lui et il commença à reculer. Plus il reculait, plus les chiens se rapprochaient, roulant des épaules, la tête basse.
- Je les laisserai pas te faire du mal, je te le promets déclara-t-il d’une voix d’outre-tombe.
Il ne voyait plus que les chiens. Leurs yeux sombres. Leur truffe humide. Leurs crocs acérés. Leurs gencives blanches. Il voulait se lever, mais ses jambes refusaient de lui obéir. Il ne sentait plus la flèche dans son omoplate. Aurélia s’interposa. Etait-ce vraiment elle ? Il ne savait plus. Les images du passé et du présent se chevauchaient. Il ne parvenait plus à discerner la réalité. Il n’entendait que les grognements répétés. Ils étaient proches si proches. Il avait l’impression de sentir leur haleine fétide à chaque expiration. Ses mains tremblaient sans pouvoir se contrôler.
La voix d’Aurélia appela à l’aide.
Tais-toi Isis ! Il va nous retrouver !
La main s’agita. Le reste de la scène sembla se dérouler au ralenti. Il aperçut le grand chien prendre ses appuis postérieurs pour bondir sur Aurélia, l’écume à la gueule. Il voulait la prévenir. Il voulait la prévenir, mais aucun son ne sortit excepté ce cri de douleur qui tonna dans ses tympans. Il se recroquevilla sur lui-même.
Tu n’es qu’un bon à rien Coldris !
Tu te crois malin et fort, petit rat hein?! Tu n’es rien. Rien du tout!
Regarde ! Regarde !
Alors quoi Coldris ? Tu as mangé ta langue ?
Tu ne l’as pas protégé. Tu en es incapable. Tout est de ta faute.
L’amour rend faible. Tu devrais le savoir.
Quand comprendras-tu ?
Tu te crois malin et fort, petit rat hein?! Tu n’es rien. Rien du tout!
Regarde ! Regarde !
Alors quoi Coldris ? Tu as mangé ta langue ?
Tu ne l’as pas protégé. Tu en es incapable. Tout est de ta faute.
L’amour rend faible. Tu devrais le savoir.
Quand comprendras-tu ?
- Taisez-vous ! Taisez-vous ! Taisez-vous !
La tête entre ses mains, il était incapable de dire si ses paroles avaient été prononcées, hurlées ou simplement pensées. Ses yeux le brûlaient. Ses membres étaient tétanisés. Il ne savait plus où il se trouvait. Tout était sombre et poisseux. Ça s’infiltrait dans ses voies respiratoires. Ça l’étouffait, lentement, surement. Il y avait cette voix qui s’insinuait dans son esprit.
Je vous ai pris pour notre cerf… Vous étiez en compagnie d’une jolie biche.
A qui appartenait cette voix ? Il le savait. Il ne parvenait pas à retrouver l’information. Il fouillait, fouillait, mais tout était rempli de cette substance visqueuse et ténébreuse. A qui était cette voix ? Où était-il ? Que se passait-il ? Il secoua la tête et la releva. Il plissa les paupières. Le sol était mouvant. Les images dansaient. Les voix parlaient, mais tout était étouffé, cotonneux, lointain. Une goutte de sueur roula depuis son front jusqu’à se suspendre à l’arête de sa mâchoire. Il essayait tant bien que mal de remettre ses idées en ordre. Il croisa ce regard mauvais.
Rassurez-vous, tout le monde sera bientôt complètement accaparé par un jeune cerf des plus vigoureux.
Alan. Coldris posa sa paume dans la neige rougie et se releva dans un râle.
- Je vais te saigner ! Je jure que je vais te saigner !
Pris d’une violente quinte de toux, il se plia en deux. Alan se remit en selle, comme si de rien n’était. Ses doigts s’enroulèrent autour de la poignée de sa dague qu'il extirpa d'un geste vif de son fourreau et lança aussitôt en direction du chien qui avait mordu Aurélia, avec toute la rage qu’il était capable de rassembler. La lame siffla dans l’air jusqu’à sa cible et entailla copieusement la cuisse de l’animal qui stoppa sa course dans un couinement strident. Un sourire qui avait tout l’air d’une grimace s’étira sur son visage. Il cracha par terre. Il ne s’était pas attendu à réussir. Il avait conscience de ses jambes flageolantes et de la sueur qui ruisselait dans son dos et le frigorifiait. Comment avait-iI fait ? Il n’en savait rien, mais ça n’avait pas d’importance. S’il avait cru en Dieu, il aurait invoqué un châtiment divin. Il fit quelques pas, chancelant, et se rattrapa à la sangle d'Alkaios qui se tenait tout près de lui.
Coldris, ça va aller ?
Il la repoussa sèchement de son bras valide.
- Laisse-moi. lança-t-il d’un ton tranchant.
Il serra les mâchoires aussi fortement que possible, anticipant la douleur lancinante, et mit pied à l’étrier. Une fois en selle, il se laissa tomber sur l’encolure de l’étalon qu'il talonna, pour le mettre en marche. La douleur était insupportable. Ses bras s’étaient arrimés solidement autour du puissant cou de l’animal aux crins ondulés. A chaque cahot de son pas chaloupé pulsait une onde de feu qui incendiait son buste. Elle ne se retirait que pour mieux frapper l’instant d’après. Inlassablement, elle revenait l’assaillir comme le ressac. Il était cet insignifiant patelle agrippé à son rocher, balayé par les flots. Si ce n’était ses traits tirés, il ne laissa rien paraitre de son supplice. Dans ses yeux ne brûlait qu’une froide détermination.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Chère Isis, tes beautés ont troublé la nature,
Tes yeux ont mis l'Amour dans son aveuglement,
Et les Dieux occupés après toi seulement
Laissent l'état du monde errer à l'aventure.
Il était celui qui pouvait la rendre la plus heureuse du monde.
Il était celui qui pouvais la rendre la plus malheureuse du monde.
Un mot suffisait.
Il l’avait repoussée une fois, mais elle n’avait pas écouté, trop inquiète de le voir tomber. Quoiqu’il en dise, il avait eu besoin d’elle, même s’il avait résisté. Quelle était donc cette lubie des hommes à toujours vouloir paraître fiers et forts, invincibles ? Jamais elle n’avait senti son cœur battre autant pour lui qu’à ce moment. Ne s’en rendait-il pas compte, qu’inquiète, elle ne pouvait pas le lâcher des yeux ? qu’il occupait sa pensée toute entière, qu’il l’accaparait ?!
Elle aurait voulu l’empêcher de toucher à cette flèche. Si la pointe était à l’intérieur, il valait mieux attendre qu’un médecin agisse. Mais non, buté, rendu fou par la douleur certainement, il fallu qu’il la brise, alors même qu’elle découvrait les chiens. Il ne lui rendait pas la tâche aisée. Sa promesse ne lui fut d’aucun secours.
Encore une manie des hommes ça, promettre sans réfléchir. Pouvait-il lui promettre d’être éternel, de ne jamais mourir ? non, car il était mortel tout comme elle. Il ne pouvait pas plus lui promettre de la protéger toujours, c’était impossible. Romantique, amoureux, émouvant, peut-être, mais impossible.
Et alors qu’Alan se détournait, les mots qui jaillirent des lèvres de Coldris semblaient plus être les fruits d’un délire qu’autre chose. Elle tourna son regard vers lui, et vit avec surprise qu’il était debout, aussi pâle qu’un linceul. Des tâches de sang empourpraient la neige à ses pieds. Il fit alors ce geste insensé, délirant, qu’Aurélia ne put empêcher.
La dague fila.
Le chien jappa. Puis se mit à hurler à la mort. Traînant sa patte blessée vers son maître.
Alan se retourna sur sa selle et embrassa la situation d’un regard.
Il n’avait pas pris en compte les paroles de Coldris : le blessé était totalement étourdi par la fièvre de la douleur, il oublierait le moindre propos échangé sur les lieux. Mais quand il vit son chien, une ombre noire passa furtivement dans son regard, avant, qu’impassible, il ne reprenne son arc, encoche une flèche, vise, et achève l’animal au supplice. Le hurlement déchirant se tut net, mort dans la gueule du chien, traversée de part en part de la flèche fatale. Après un regard vers Coldris qui chancelait, il siffla ses deux autres chiens et partit sans un mot, sombre et inquiétant.
Aurélia en frissonna, mais soulagée du départ de son cousin, de nouveau toute à Coldris elle revint à ses côtés pour lui prêter main forte, le temps que les autres arrivent. Elle voulait l’aider, de toutes ses forces elle le voulait. Elle s’en fichait qu’il paraisse faible, c’était toujours Coldris, elle ne l’en aimerait pas moins. Mais...
Le refus cinglant qu’il lui opposa fit mourir sur ces lèvres la phrase rassurante qu’elle allait lui chuchoter, il arrêta sa main qui voulait caresser sa joue. Elle le regarda, interdite, sans comprendre son agressivité envers elle, et recula comme giflée par ses mots durs, alors qu’il n’avait d’yeux que pour son fidèle étalon. Alkaios pouvait donc lui offrir réconfort et secours tandis qu’elle n’avait droit qu’à des mots blessants ? Les bras ballants, les larmes aux yeux, mortifiée d’avoir été rejetée, la jeune fille se sentait impuissante, inutile et insignifiante.
Elle sentit les sanglots l’assaillir, mais elle repoussa ses larmes avec détermination. Ce n’était pas le moment de s’attarder à l’insidieuse amertume qu’elle ressentait. Coldris était blessé, c’était tout ce qui comptait. Elle s’approcha de lui par derrière, alors qu’il mettait le pied à l’étrier, prête à retenir une chute, mais craignant de le toucher de nouveau et d’essuyer encore un rejet, elle garda une certaine distance. Alkaios ne bougea pas, comme pour faciliter la tâche à son maître.
Une fois qu’il fut en selle, Aurélia rejoignit Sillage, toujours silencieuse et meurtrie. Elle monta sans mal, puis accompagna Alkaios, d’abord côte à côte, puis devant, ayant pris au mors les rênes de l’étalon, alors que Coldris se rendait à peine compte de ce qui se passait.
A chaque instant, à chaque foulée, il perdait du sang. Bouger la flèche n’avait fait qu’élargir la plaie. Il tardait à Aurélia d’arriver enfin, que quelqu’un puisse l’aider, le soigner, lui ôter cette flèche et cette douleur qui le faisaient délirer. Que quelqu’un lui rende ses esprits et qu’à la fin, Coldris puisse la rassurer, lui dire qu’il voulait toujours d’elle. N’était-ce pas ce qu’il lui avait dit la veille dans la bibliothèque ?
Je t’aime Aurélia. Je t’aime plus que tout.
Je ne veux pas te quitter. Ni demain. Ni jamais.
Je ne veux pas te quitter. Ni demain. Ni jamais.
Et dans le froid du trajet, Aurélia pleura sans même s’en apercevoir, ayant tout le loisir de ruminer l’amertume qui grandissait, s’enroulait autour de son amour comme un lierre persévérant. Chaque fois, son inquiétude pour l’état de Coldris, sa peur qu’il meure, son angoisse d’être impuissante, rejetait cette pensée amère, cette incompréhension, la douleur d’avoir été repoussée. Et chaque fois la peur insidieuse de ne plus être aimée, alors que son cœur ne palpitait plus qu’au rythme du sien, revenait, plus forte, plus sournoise et mesquine. Ses paroles et son visage tendu un peu plus tôt la hantaient.
J’ai quelque chose de très important à te dire.
Pourquoi ? qu’est-ce qui avait changé entre eux, depuis la veille ? Elle se souvenait avec délices de ses lèvres qui se joignaient aux siennes passionnément, de ses doigts électrisants qui dépliaient les siens pour mieux les embrasser, un par un, les enlacer dans les siens. Est-ce que tout cela n’avait été qu’un rêve ? une fantaisie ? Que s’était-il donc passé pour qu’à présent, elle craigne qu’il ne remarque ses mains tenant le mors d’Alkaios, guidant le cheval ? La foudroierait-il du regard en s’en apercevant, ses paroles seraient-elles aussi méchantes que plus tôt, pour la repousser encore ?
Ne pouvait-elle pas souffrir de le voir souffrir ? pâlir de le voir pâlir ? ne pouvait-elle pas être sa force quand il n’était que faiblesse ? Ne le laisserait-elle pas, elle, faire ce qu’elle faisait à présent, si elle était à sa place ?
Un mélange de révolte et de tristesse douloureuse étreignait son cœur amoureux et éperdu.
Ils arrivaient aux grilles du château.
Alkaios souffla et refusa d’avancer plus loin alors qu’Aurélia, désespérée des sentiments et émotions contradictoires qui la rendaient folle, avait les yeux fixées devant. La résistance du cheval lui fit tourner la tête. Le blessé avait perdu conscience et menaçait de glisser de selle d’un instant à l’autre.
- Coldris ! s’exclama-t-elle en sautant aussitôt à bas de Sillage.
Elle tendit les bras vers lui, le retenant comme elle pouvait, mais Alkaios était trop haut pour qu’elle ait une prise fiable, et le cheval fit un écart, qui inversa le mouvement de son maître vers l’autre côté. Il chutait inexorablement vers la poudreuse. Aurélia passa sous l’encolure de l’étalon pour le rattraper avant, et de justesse, elle parvint à ce qu’il ne bascule pas plus. Mais d’un instant à l’autre, le poids du corps inerte la ferait basculer dans sur le sol avec lui. Ses bras faiblissaient, et elle poussait de toutes ses forces pour le remettre à dos de cheval, quand deux bras vinrent la soulager.
Elle soupira de soulagement en accompagnant le geste de celui qui lui apportait son aide. Elle se rendit compte que c’était Quentin en se retournant, un merci sur les lèvres.
- Alan nous a prévenu d’un accident avant de filer au village pour ramener le médecin. Emmenons-le au château.
Ce fut toute l’explication qu’il donna. Il prit Alkaios par la bride, ainsi que son propre cheval, écumant. A l’orée du bois, un peu plus loin, se profilait le reste de la troupe, avertie elle aussi, et qui avait abandonné la chasse. Quentin avait dû aller plus vite qu’eux.
- Merci, lui dit Aurélia.
- Tu devrais aller prévenir, au château.
Et comme elle jetait un regard inquiet sur Coldris, il ajouta :
- Ne t’inquiète pas, je ne vais pas en profiter pour lui faire la peau. Il est déjà assez mal en point comme ça. File, qu’ils puissent préparer une salle pour lui là-bas.
Elle hocha la tête, incapable de faire le moindre commentaire, et enfourcha de nouveau Sillage pour galoper vers Ultimamor qui, impassible bâtisse de pierres grises, se dressait dans le parc quoiqu’il advienne.
Ce fut le branle-bas de combat au château pour mettre une salle à disposition du blessé. Quentin et Virgil l’y transportèrent et l’installèrent sur une table préparée exprès. L’arrivée du médecin-chirurgien en compagnie d’Alan, un peu après ne calma pas l’inquiétude générale : le médecin qui avait refoulé tout le monde hors de la pièce pour « laisser le blessé respirer », s’attela à retirer la flèche patiemment, et douloureusement. Cela dura tout l’après-midi.
A côté, au salon, on jouait aux cartes pour se changer les idées. Tout cela était passé comme un rêve. Aurélia ne savait même plus si elle avait mangé, mais elle était sûre de ne jamais avoir cessé de s’inquiéter pour Coldris. Elle avait fait les cent pas devant la porte de la salle où se déroulait l’opération, voyant entrer linges blancs et bassines d’eau bouillante à foison, et sortir des torchons écarlates et des cuvettes à moitié vides, où tanguait une eau vermeille.
Elle avait masqué sa propre blessure, pour qu'on la laisse tranquille.
Lorsque le médecin sortit enfin, elle lui sauta presque dessus.
- Alors ? comment va-t-il ? dans quel état est son bras ? est-il réveillé ? on peut le voir ? est-ce qu’il a encore mal ? Coldris !
- Ouhla doucement jeune fille. Il n’est pas encore réveillé, et il a perdu beaucoup de sang. Mais la blessure n’est pas trop grave, elle mettra simplement du temps à guérir. Il devrait retrouver toutes ses capacités d’ici quelques semaines de bon repos.
Dans le dos d’Aurélia, les autres, alerté par la conversation, s’amassaient également, venaient aux nouvelles. Alan appuyé nonchalamment contre le chambranle d’une porte lança :
- Pourra-t-il reprendre les chasses ?
Le médecin hésita, jeta un œil à la pièce derrière lui. Depuis l’entrebâillement de la porte, personne ne pouvait rien voir. Aurélia brûlait d’entrer, pour savoir.
- Il pourrait remonter à cheval dans trois ou quatre jours, mais je ne le conseille pas...
Alan hocha la tête. Les autres chuchotèrent. Solange frappa dans ses mains.
- Bien, maintenant que tout le monde est rassuré sur le sort de mr de Fromart, je pense que nous devrions lui assurer du calme et le laisser se reposer ! Allez, tous au salon.
Les invités commencèrent à partir et bientôt il ne resta plus que le médecin, Aurélia et Solange.
- Par hasard, sauriez-vous s’il a déjà fait un voyage en Egypte, interrogea l’homme de sciences, il semble avoir été très marqué par la déesse Isis, dont il a plusieurs fois prononcé le nom, cet après-midi. A moins que ce ne soit quelqu’un de son entourage ?
Solange secoua la tête intriguée. Aurélia battit des paupières, comme si elle n’avait pas compris. Mais le médecin fermait la porte de la salle, et Solange entraînait sa nièce vers le salon, de force cette fois. Pas moyen d’en savoir plus.
- Allez viens, tu pourras le voir demain, il faut qu’il se repose maintenant.
Elle suivit sa tante comme une automate, et le reste de la soirée se déroula sans que Coldris ne se réveille. Ce qui était normal puisque le médecin lui avait administré une bonne dose de laudanum. Mais le nom d’Isis trottait dans la tête d’Aurélia, sans pour autant que ses pensées fatiguées s’y intéressent vraiment. Il flottait dans les limbes errantes de ses réflexions décousues.
Le hasard fit qu’elle se trouva après le dîner, à discuter avec Virgil. Et sans qu’elle l’eût prévu, la question sortit d’elle-même :
- Coldris t’a-t-il déjà parlé d’une Isis ?
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Le dieu brûlé se réveille en sursaut. Il voit le secret trahi, la foi violée, et, sans dire un seul mot, il va fuir à tire d'aile les regards et les embrassements de son épouse infortunée.
Métamorphoses, Livre V – La fuite de cupidon, Apulée
Affalé sur Alkaios, le monde disparaissait peu à peu. Le froid ambiant tentait de l’absorber dans son univers blafard à la lumière aveuglante. Coldris empoigna les crins sombres de l’étalon pour se maintenir en selle. Ses paupières étaient lourdes. Ses membres s’engourdissaient peu à peu. Combien de fois les rouvrit-il dans un sursaut ? Il ne devait pas dormir. S’il fermait les yeux, c’était terminé. Mais il oscillait entre l’irrésistible bercement de son pas et les brefs accès de cette lancinante douleur qui le saisissait. Il n’avait plus conscience de son environnement. Son monde se limitait désormais aux crins noirs de son andalou et à son odeur caractéristique. De temps à autre, il marmonnait des paroles inaudibles, tentant comme il le pouvait de garder son emprise sur le présent.
Les spectres l’appelaient, le charmaient. Les images du passé se mélangeaient entre elles, formant de toutes nouvelles scènes qui n’avaient jamais existé. Plus il se rapprochait du château, plus ses instants de lucidité devenaient épars. Les ténèbres fantomatiques refermaient peu à peu leur étreinte autour de son esprit. Était-il réveillé ou endormi ? Il ne savait plus. Il se sentit soudainement glisser et s’enfoncer, encore et encore.
***
Coldris était allongé dans sa cellule. Les dalles de pierre étaient glaciales. Il faisait froid, terriblement froid. Mais il n’avait pas de couverture. Il se recroquevilla et frissonna. Quel jour était-on ? Était-ce la nuit ou le jour ? La veille, la brise avait soufflé les petits grains de terre qu’il avait amassés comme il pouvait pour décompter les jours.
- J’ai froid Isis, j’ai si froid murmura-t-il en serrant ses genoux contre son torse.
Dans son dos, il sentait qu’un rat s’amusait à l’escalader. Mais il n’avait pas la force de la chasser. La faim le tenaillait. Il pourrait peut-être manger le rat s’il l’attrapait ? Il fallait juste attendre un peu. Faire le mort. Il faisait tellement bien le mort, que le rat commençait à lui grignoter la chair. Mais il était tellement frigorifié qu’il ne sentait pas grand-chose. Alors il patienta encore quelques instants et se retourna d’un coup sec pour l’attraper, mais la mâchoire d’un molosse se referma sur son bras. Il hurla et sombra.
***
Pourquoi faisait-il si froid ? Il voulait se frotter les bras pour se réchauffer, mais il n’arrivait plus à les bouger.
- Je suis désolé, Isis. Je suis désolé sanglotait-il
Tu te crois malin et fort, petit rat hein?! Tu n’es rien. Rien du tout!
Ce maudit rat revenait le grignoter encore. Un petit rat… Est-ce qu’ils se dévoraient entre eux comme ses frères eux aussi ? Quand s’arrêterait-il ? Quand il aurait trouvé son cœur ? Quand il l’aurait tué ? Il ne pouvait pas mourir. Il avait promis.
- J’les laisserai pas te faire du mal, Isis. Je vais sortir ! Je vais sortir !
Il rua pour se libérer de ses entraves, s’arc-boutant dans un sens puis dans l’autre. Ses poignets refusaient de bouger. Il tira d’un coup sec. Tant pis s’il devait se les briser ou se les déboiter.
Il. Ne. Pouvait. Pas. Mourir. Ici.
Sa tête retomba lourdement. Et ce fut le silence.
***
Il y avait ce chuchotis permanent. On aurait dit le bruit de vent. Constant et léger. Mais quand Coldris tendait l’oreille, l’air se muait en voix.
Tenez-le fermement, on va le retourner.
C’est toi le cerf, on ne t’a pas prévenu ?
Du laudanum ?
C’est toi le cerf, on ne t’a pas prévenu ?
Du laudanum ?
- Je te ferai danser sous les chandeliers
Non ça ira. C’est plus que suffisant.
- Je t’emmènerai au palais royal Isis, tu verras.
Encore ?
Je crois que je t’aime Coldris.
C’est presque terminé.
Je crois que je t’aime Coldris.
C’est presque terminé.
- Non ! Non! Non!
C’est rien il délire.
- Je l’aime. Je l’aime vraiment, tu sais?
Sers-toi de ta tête, nom de Dieu !
On va le laisser une petite heure ici puis montez-le dans sa chambre.
Avez-vous prévu de passer la nuit ici ?
Juste une chose : si vous comptez m’admirer pendant mon sommeil, posez simplement le chandelier sur la table de chevet.
Mon épaule vous en sera éternellement reconnaissante.
On va le laisser une petite heure ici puis montez-le dans sa chambre.
Avez-vous prévu de passer la nuit ici ?
Juste une chose : si vous comptez m’admirer pendant mon sommeil, posez simplement le chandelier sur la table de chevet.
Mon épaule vous en sera éternellement reconnaissante.
Virgil d’Aussevielle, 25 ans
Tout l’après-midi, le médecin avait procédé à l’opération visant à retirer la flèche qui s’était avérée dentelée. Par deux reprises, plongé dans une interminable discussion, il avait levé la tête vers la porte close d’où s’était élevé un long cri étouffé.
Il imaginait sans mal sa tête de mule d’ami à la fierté mal placée ruant dans les brancards pour se soustraire aux soins du chirurgien dans un demi-éveil. Quelques fauteuils plus loin, Quentin et Alan n’avaient pas semblé si soucieux de l’opération en cours. Ils riaient aux éclats à grand renfort de gestes démesurés.
Le médecin ressorti pour les informer, tout le monde prit le chemin de la salle à manger. Virgil mangea sans appétit ce soir. La place à ses côtés était désespérément vide, quand celle à côté de la charmante Sophie semblait prendre plus de place de que jamais.
A la fin du repas, elle vint le trouver pour lui adresser une question, somme toute étrange. Virgil arqua les sourcils, chercha parmi la liste interminable de noms féminins qu’il lui connaissait et secoua la tête. Un nom pareil, il ne l’aurait jamais oublié.
- Cela ne me dit rien. Je peux simplement te dire qu’il a effectivement une statuette de cette déesse sur son bureau du palais.
Percevant le regard soucieux de la jeune femme qui semblait s’égarer dans d’infinis questionnements, il s’empressa d’ajouter avec bienveillance :
- Ne te tourmente pas trop à ce sujet, Sophie. Je suis sûr que ce n’est rien. Tu n’auras qu’à lui demander lorsqu’il se réveillera.
Comme elle s’en repartait déjà, perdue dans ses pensées, il rendit son ultime verdict :
- Coldris est un idiot. Mais un sincère idiot.
Il esquissa un timide sourire qui se voulut rassurant. Depuis sa discussion avec lui lors de leur arrivée -et aussi étonnante qu’elle avait pu l’être-, il n’avait plus aucun doute sur ses sentiments à son égard. Elle n’aurait pas dû en douter non plus, mais il ne pouvait pas lui en vouloir lorsque l’on connaissait l’animal en question.
29 novembre 1566,
Virgil avait passé la nuit dans la bergère de la chambre de Coldris à attendre son réveil. Ou plutôt à surveiller qu’il ne fasse pas n’importe quoi en se réveillant. Le chirurgien avait ordonné vingt-quatre heures d’alitement afin de permettre à la blessure d'entamer une cicatrisation convenable. « Et pas de gestes brusques ! » avait-il insisté. Brusques… il avait retenu un rire en entendant les recommandations. Quand on connaissait Coldris comme Virgil, on savait forcément qu’il y avait un problème dans cette phrase. Ou l'adjectif était mal choisi, ou la négation n’avait pas lieu d’être. Sans parler du fait de le maintenir allongé et inactif rien qu’une seule maudite journée.
Il avait donc préféré se charger lui-même de la surveillance dudit patient. Patient peu coopératif au dire du médecin qui avait du lui administrer une dose de cheval de laudanum pour obtenir un minimum son concours. Ce qui ne l’avait pas empêché de se faire un bel hématome au poignet droit…
Le soleil était levé depuis plusieurs heures désormais et la seconde chasse avait été lancée. Virgil était resté à son poste de garde-malade à relire la Guerre des Gaules pour une énième fois. Face à lui les draps ondulèrent, signe que son patient s’éveillait peu à peu. Il se leva, déposa l’ouvrage sur le fauteuil. Dans la cheminée, brûlait un feu qui n’avait cessé d’être alimenté de toute la nuit. Il déplaça le modeste tabouret auprès du lit et attendit quelques minutes qu’il émerge complètement. Ses paupières s’ouvrirent lentement et il se redressa d’un bond avant que Virgil n’ait le temps de l’intercepter. Pas de gestes brusques donc… Hagard, son regard balaya la pièce, cherchant sans doute à resituer les lieux et événements puis se posèrent sur Virgil.
- Tout va bien. Tu as perdu connaissance sur le retour vers le château. Le médecin t’as charcuté tout l’après-midi, mais malgré ton peu de coopération il a plus ou moins réussi à te rafistoler. Il indiqua du menton le bandage immobilisant son épaule.
Coldris le tâta en silence. Il devait sans doute être en train de rassembler les fragments de mémoire de ces dernières heures.
- Le bras d’Aurélia ?
-Ta déesse est indemne. Ou presque. Tu peux remercier ce maudit hiver que tu détestes tant : entre les fourrures, les laines et ses garde-bras, les crocs n’ont pas pénétré bien profondément. Elle en est quitte pour une belle frayeur, un charmant hématome et quelques petits trous.
Coldris soupira. C’est vrai qu’elle avait eu de la chance. Le molosse d’Alan aurait pu lui déchiqueter le bras comme du petit bois.
- Le chien ?
- Mort.
- Bien.
- Alan l’a achevé après ton lancer miraculeux. Bordel, Coldris comment t’as fait ça alors que tu délirais complètement ?
Il haussa les épaules dans une grimace lorsque la douleur se rappela subitement à lui.
- Dieu ? répondit-il ironiquement.
Virgil roula des yeux. Il connaissait bien la piété légendaire de son ami et sa conception somme toute particulière de la foi. Il n’empêche que oui, il aurait dû remercier le Seigneur. Pour le poignard. Pour cette flèche qui aurait pu perforer son poumon et l’envoyer rencontrer son créateur. Enfin, il se garda bien de préciser sachant la stérilité de ce débat.
Son ami pâlissait à vue d’œil. Il pencha la tête pour attraper son regard qui divaguait entre ici et ailleurs.
- Ça va, Coldris ?
Il avait le teint cireux. Virgil attrapa juste à temps la bassine pour qu’il puisse évacuer toutes les toxines ingurgitées. Ça aussi c’était prévue. « Attendez-vous à ce qu’il soit pris de sévères vomissements à son réveil. Avec tout l’opium qu’il a ingéré… Il aura sans doute une belle migraine également. ». Il avait beau mener une vie dissolue, il n’était pas coutumier des excès qui menaient à ce genre de déboires. Pas une seule fois en quatre ans, il ne l’avait vu ivre mort. Et pour cause, il avait vite réalisé à quel point ne plus maîtriser les évènements le rendait fou. Le garde-malade laissa libre cours aux spasmes de son ami puis sonna la clochette pour que l’on vienne débarrasser. Il prit la petite carafe située sur la table et lui servit un verre de vin fortement coupé à l’eau.
- T’en fais pas c’est normal. Ils ont dû te donner une bonne dose de laudanum tant tu te débattais comme un pauvre diable! il indiqua le petit flacon sur la table de chevet Tu as même réussi à te blesser tout seul ! C’est à se demander ce qu’il se passe dans ta tête, parfois répondit-il avec sa nonchalance habituelle.
Coldris avait tourné la tête et observait silencieusement la petite fiole de verre sombre, d’un regard éteint. Il patienta le temps qu’il achève sa phrase avant d’éclater :
- Putain Virgil, tu les as laissés me droguer avec cette merde ? Tu veux vraiment que je finisse fou ? Pourquoi t’as rien fait !
- J’ai bien tenté de séduire l’aide du médecin, mais de tout évidence je n’ai pas ton talent. La porte est restée close. Tu voulais que je fasse quoi ?
- Enfoncer la porte. Passer par la fenêtre… maugréa-t-il Tu sais ce que c’est ton problème? Tu es trop timorée. compléta-t-il amèrement
- Hmm je sais. C’est pour contrebalancer tes ardeurs, mon cher.
Bien loin de se vexer du caractère de cochon de son ami, Virgil afficha un grand sourire, puis se leva pour placer un second oreiller dans le dos du blessé.
- Essaye au moins de ne pas utiliser ton bras gauche. Le chirurgien va me tirer les oreilles sinon.
Les yeux azur de Coldris balayèrent la pièce comme s’il cherchait quelque chose. Il paraissait au moins quitter son teint cadavérique, c’était déjà ça.
- Où est Aurélia ? Pourquoi… Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas là ?
Il pouvait sentir l’inquiétude poindre dans sa voix et même y déceler une certaine… Panique ? Il y tenait donc tant cela ? Par quel tour de magie avait-elle réussi à soumettre le taureau au joug de la charrue ? C’était tout simplement prodigieux quand on connaissait l’amoureux de jupons qu’il était. Il farfouilla dans son veston et extirpa un mouchoir en soie.
- Elle a laissé ça pour toi.
Il tendit le mouchoir brodé à ses initiales. Coldris l’attrapa de sa main valide et le porta à ses narines dans un sourire qu’il devinait béat sous la fin tissue.
- Elle a dit qu’elle devait aller à la chasse.
Elle avait particulièrement insisté sur ce mot et Virgil avait senti qu’il y avait derrière plus qu’une simple nécessité. D’un bond, Coldris se redressa. Mouchoir toujours en main, il grimaça, les mâchoires serrées -sans doute de douleur- avant de s’exclamer :
- Et tu l’as laissé partir avec ce fou furieux et l’autre coq ?! Sérieusement ! Il faut tout faire ici, ma parole!
Sans surprise, son ami tenta de fuir son lit douillet. Il l'attrapa fermement au niveau des bras et le plaqua contre l’oreiller. Une main tenace s'enroula autour de son poignet.
- Je dois la voir. Il faut que je la vois. Il le faut…
Dans le fond de ses grands yeux bleus ouverts vers l’infini, il pouvait y lire sans peine tout le désespoir qui le gagnait. Son front se parait à nouveau d’un chapelet de perles cristallines qu’il essuya à l’aide du linge posé à proximité.
- Tiens-toi tranquille, si tu veux espérer remonter avant la fin de la semaine. Elle viendra sans doute te voir à son retour.
Un grognement réprobateur de son malade s’échappa sourdement tandis qu’il abattait violemment son poing sur le matelas.
- Ils avaient tout prévu Virgil ! Depuis le début !
- Peut-être
Ou peut-être pas. Qui savait. Il doutait cependant qu’il puisse s’agir d’un pur accident. Dans tous les cas, il ne pouvait rien faire en l’état. Il plongea son regard dans celui quasi translucide de Coldris: une étrange lueur qu’il ne lui connaissait que trop bien venait subitement de l'assombrir. Son index tapota son front.
Alors utilise ta cervelle de colvert au lieu de laisser libre cours à ton impulsivité.
Coldris jura et se jeta sur la fiole de laudanum, qu’il déboucha dans un « poc ».
- Hey doucement !
Mais ses protestations restèrent vaines.
Je croyais que tu ne voulais pas de cette « merde ».
- Fous-moi la paix Virgil.
Virgil eût un sourire en coin. Il n’y avait que les imbéciles pour ne pas changer d’avis après tout. Et c’était loin d’être son cas. Coldris était intelligent, ambitieux, fascinant. Il était ce genre de personne autour de qui l’on gravitait, inlassablement attiré par son magnétisme. Il répétait sans cesse qu’un jour, il serait Premier Conseiller. Si certains n’y voyaient que l’arrogance d’un rêve d’enfant, Virgil n’avait aucun doute sur sa réussite. Il ferait partie de ces hommes qui étendraient leur influence par-delà les frontières.
- Je préfère encore dormir que de l’imaginer avec cet as de pique rempli de paille !
Son visage était fermé, ses traits tirés, ses yeux plus sombres que l’océan un jour de tempête brillaient de colère. Ses muscles se tétanisaient et ses mains s’étaient remises à trembler.
– Laisse-moi! Vas-t-en ! lâcha sa voix glaciale
Sans discuter, Virgil se leva et se retira. Il jeta un dernier coup d’œil à son malade dont le regard était à la fois fixe et vague. Il retint un soupir et s’éloigna lentement en direction de la porte. Il n’avait pas posé la main sur la poignée que son ami s’était assoupi d’un sommeil artificiel. Il fit demi-tour et retourna momentanément s’installer sur l’inconfortable tabouret.
- Ce que tu peux être naïf parfois, Coldris ! murmura-t-il d’un ton railleur
Ce n’était pas très bien de se moquer. Mais pour une fois qu’il pouvait gagner à ce petit jeu, il n’allait pas s’en priver ! Sourire au bord des lèvres, il remonta l’édredon sur ses épaules puis appuya ses coudes sur le matelas du bel endormi. Les doigts entrelaçaient, il ferma les yeux.
Seigneur tout puissant, je sais que Coldris n’est pas l’âme la plus pure que tu as sous ta garde, mais je t’implore d’user de ta miséricorde sur ce pauvre bougre. Tu le sais mieux que moi, il n’a pas mauvais fond. J’ignore pourquoi il remet en doute ton existence, mais je t’en prie, veille sur lui comme tu veilles sur nous tous. Il a beau être fier et arrogant, il n’est ni immortel ni indestructible…
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Psyché meurtrissait son esprit de profondes lamentations.
Ovide, Les Métamorphoses
Virgil n’en savait pas plus qu’elle. Elle le remercia d’une parole, écouta ce qu’il avait à lui dire, mais ce fut distraitement. Comme si les mots n’avaient pas pu traverser la frontière brumeuse de son esprit tourmenté. Virgil ne savait pas. Mais il savait pour elle. Il savait que Coldris voyait « Aurélia » en secret, l’embrassait, se prenait de déclarations passionnées pour elle. Qu’avait dit Coldris, déjà, quand elle l’avait interrogé à propos de Virgil ?
Virgil connait tous mes travers. Sans exception.
Si Virgil ne connaissait pas Isis alors, qui qu’elle soit, qui qu’elle représente, elle n’était pas « un travers ». Le trouble qui animait Sophie grandit, elle s’éloigna des autres, se dirigea vers les escaliers d’un pas de somnambule, une main tremblante sur ses lèvres frémissantes. Si Virgil la connaissait, alors elle était un travers... Comment avait-elle pu être aveugle à ce point ? il lui avait quasiment dit, mot pour mot, la veille au soir, une petite information capitale, noyée au milieu de « je t’aime » qui prenaient désormais l’allure de fausses notes. Comme des moulures dorées qui se révélaient être de plâtre.
Elle monta l’escalier dans un tourbillon de pensées désordonnées et affolées. Ses connaissances de Braktenn l’avaient mise en garde, sa tante aussi. Quentin bien sûr, mais lui...
Flatteur.
Coureur de jupons.
Impie.
Que n’avait-elle pas compris dans ces propos ? pourquoi avait-elle foncé tête baissée ? Elle avait déjà franchi tant de limites pour lui, qu’à présent elle s’effrayait de le constater. Mais pourquoi donc cette obstination à se réfugier sans cesse auprès de lui ? à trouver amusement, plaisir et bonheur dans ces mots prononcés ou écrits ?
La réponse à ces « pourquoi » s’imposa lorsqu’elle passa devant la porte de la chambre où il se trouvait. Son esprit pouvait la convaincre qu’il ne l’aimait pas, mais elle, c’était trop tard. Ses sentiments ne toléraient pas de contradiction, ils étaient là, fermes, bien installés et ne se dissiperaient qu’au prix de sa mort. Sophie s’approcha jusqu’à toucher de son souffle le battant de la porte. Elle aurait pu entrer sans que personne n’en sache rien, elle hésitait cependant à poser un doigt sur la poignée. Une larme, jaillie soudainement, s’écrasa sur le dos de sa main tendue, et comme si elle s’était brûlée, Sophie la retira aussitôt. D’autres larmes suivirent, abondantes et silencieuses, qui dévalèrent de ses paupières sur ses joues, glissèrent au coin des lèvres, salée, amères. Tristes, enfin.
Sophie posa son front brûlant sur le battant.
- Mon Dieu, Coldris, je t’aime tellement, gémit-elle.
Mais elle avait tellement mal aussi, tellement peur à présent. Elle voulait entrer de tout son cœur, mais son esprit lui disait tout autre chose : les mots durs, le regard furieux et fier, le geste repoussant. La main sur la bouche pour étouffer les sanglots qui la secouaient, elle s’écarta de la porte, fit quelques pas dans le couloir, puis s’enfuit en courant vers ses propres appartements, s’y enferma, et s’abandonna à sa tristesse et à ses craintes, dans le noir de la chambre.
Elle n’alluma aucune bougie, ne ferma pas les rideaux. L’âtre était froid, mais elle ne s’en rendit pas compte. Recroquevillée sur elle-même, au sol sur la pierre froide, les bras autour de ses genoux relevés, elle se tenait la tête dans les mains. Epuisée par son chagrin, elle finit par s’endormir au pied de son lit, le visage baigné de larmes.
Alan quitta le salon après une dernière partie de carte. Son sourire trompeur disparut sitôt qu’il fut seul, et un pli soucieux barra son front. Qu’on ne s’y trompe pas. Aucun remord ne venait tarauder sa conscience pour avoir sciemment tiré dans l’épaule de Coldris. Il avait visé là où il fallait pour immobiliser un certain temps, sans pour autant mettre en péril une motricité qui était sans doute excellente. Le souci était la flèche. Quand il avait tiré l’arme du carquois, il ne s’était pas posé de question, concentré sur sa cible. Il avait visé et tiré. Mais la flèche avait une pointe dentelée. Celui qui avait glissé l’arme dans son carquois l’avait fait à son insu, contre ses indications et dans le but évident de faire souffrir. Et Coldris avait assurément souffert lorsque le chirurgien lui avait retiré l’instrument de l’épaule. Mais la question que se posait Alan était : qui ? qui avait bien pu faire une chose pareille ? Dès le lendemain, il mènerait sa petite enquête pour le savoir.
Il était monté pour rejoindre sa chambre. Son domaine. Il avait passé ici une grande partie de son enfance et connaissait chaque recoin de la demeure. Les yeux fermés, il aurait pu la parcourir de long en large sans s’égarer. Aussi se permettait-il de songer, allant où le guidait son pas, sans prendre garde à son environnement. Ce ne fut que dans un corridor à peine éclairé, que son œil fut attiré par la lueur dansante d’une bougie, solitaire. Il plissa les yeux, s’approcha.
On voyait la bougie dans l’embrasure d’une porte, comme si celui qui la portait se penchait pour regarder quelque chose sur le sol. Alan savait qu’il était devant la porte de la chambre de Sophie, et de dos, il reconnut sa mère, Solange, qui tenant une bougie était bien penchée en avant. Il se permit d’entrer.
- Mère ? un problème ? s’enquit-il.
Solange se retourna pour lui faire face, et Alan put voir Sophie au pied de son lit, endormie, et à la lumière de la bougie, les larmes qui n’avaient pas encore séché sur son visage.
- Elle a pleuré, remarqua-t-il, laconique, en s’avançant encore.
- A cause de tes bêtises, je suppose, lui répondit, cinglante et sur un ton bas, sa mère.
Le fils ne répondit pas. Il se pencha sur sa cousine, qu’il prit doucement dans ses bras, pour la déposer sur le lit, puis il se détourna vers la cheminée, qu’il entreprit de garnir de buches et de papiers pour craquer une allumette et y mettre le feu.
Solange, voyant qu’il ne dirait rien, soupira et se détourna. En partant, elle précisa :
- Je vais chercher une femme de chambre pour s’occuper d’elle.
Il fit un signe de tête pour montrer qu’il avait compris. Penché sur l’âtre, il surveillait les flammes bleues. Il s’assurerait qu’elles deviennent rouges et que le bois craque pour partir. En attendant.... il se tourna vers la fenêtre dont il tira les rideaux. Sa mère avait laissé la bougie, dont il s’empara pour s’approcher du lit et éclairer le visage de Sophie. De son pouce, il sécha les larmes.
- Je ne voulais pas le faire autant souffrir, je t’assure, murmura-t-il. Même s’il me tape sur les nerfs. Je n’ai rien de plus contre lui sinon sa réputation : je sais qu’il vient te voir certaines nuits. J’espère que tu ne lui as pas cédé pour autant... La famille, c’est sacré, penses-y bien. J’aurais fait la même chose s’il s’était agi de Quentin. Et je te jure que je retrouverai celui qui a mis ces flèches dans mon carquois. Et il le paiera. Très cher.
Un raclement de gorge l’interrompit. La domestique était arrivée. Il la laissa entrer et s’éloigna dans le corridor de son long pas d’homme sûr.
Elle se réveilla alors qu’on frappait à sa porte. C’était Sybil qui la prévenait que la collation était servie. Sophie répondit d’une voix embrumée de sommeil qu’elle arrivait. Elle entendit les pas de son amie décroitre dans le couloir, puis elle essaya de se rappeler comme elle était arrivée dans son lit.Peine perdue. Mais le sommeil lui avait été bénéfique. Même si la douleur et la tristesse étaient encore là. Elle se sentait capable d’y faire face pour affronter la journée. La perspective de la chasse sans Coldris lui semblait toutefois peu intéressante.
Sa promesse à Alan l’obligeait malgré tout à y participer, elle n’avait pas le choix.
Et puis Coldris était sain et sauf à présent, c’était le plus important.
Elle se leva et s’habilla. Pas question de s’entraîner à l’épée ce matin. Elle n’avait ni le temps, ni l’envie de faire ce plaisir à Quentin. Puis elle s’en voulut de penser à lui comme à un quelqu’un de détestable. Il s’était montré prévenant la veille, alors qu’il aurait pu profiter de la situation. Il ne l’avait pas accaparée pendant la soirée, ne l’avait pas dérangée. C’était tout à son honneur. Mais ça ne valait tout de même pas le coup de lui donner une occasion de la battre encore à l’escrime.
Comment allait Coldris ce matin ? était-il réveillé ? Franchissant la porte de sa chambre, elle achevait de nouer son foulard, lorsqu’elle songea à un autre bout de tissu... Elle fit demi-tour, fouilla dans les tiroirs, et trouva ce qu’elle cherchait. Puis elle descendit prendre une collation avant de partir chasser, en espérant y voir le Secrétaire le plus flagorneur de l’histoire de Braktenn. Mais il n’y était pas. Les discussions allaient bon train cependant, et la jeune fille apprit qu’on avait annulé la chasse au sanglier : puisque c’était un désir de Coldris, on lui laisserait une chance d’y participer plus tard dans la semaine.
Et comme on n’avait pas pu attraper le cerf la veille, l’exercice serait renouvelé pour la journée. Quentin semblait indifférent à la situation, Alan s’était volatilisé, Sybil discutait tranquillement avec sa belle-sœur. Tout le monde grignotait avant de prendre le départ, c’était le moment idéal pour s’éclipser quelques minutes. Sophie remonta à l’étage et cette fois, sans hésitation, poussa le battant de la chambre de Coldris.
Ce fut aussitôt après qu’elle s’arrêta, assaillie par le doute en le voyant étendu sur son lit. Et s’il la repoussait encore ? Elle remarqua Virgil, et se raccrocha à sa présence pour se donner une contenance.
- Bonjour Virgil, salua-t-elle. Tu es resté là toute la nuit ? il va bien ? il a bien dormi ?
Elle ne pouvait s’empêcher de glisser des regards vers Coldris. Elle voulait aller vers lui, le toucher, le caresser, l’embrasser, lui dire qu’elle l’aimait elle, tant pis si lui ne l’aimait pas. Elle sentit son cœur s’affoler, mais se força à ne regarder que Virgil, et lui seul.
- Je vais aller chasser. Je... dois. Y aller. C’est... peu importe. Est-ce que tu pourras lui donner ça, s’il-te-plaît ?
Elle lui tendit son mouchoir. Qu’il sache qu’elle était passée, qu’elle pensait à lui. Et puis, sentant qu’elle ne résisterait bientôt plus à la tentation de s’approcher de Coldris, ou de pleurer encore, ou de devenir folle peut-être même, elle s’enfuit en courant de la chambre.
Elle rejoignit les chasseurs aux écuries. Là, elle ne s’arrêta pas à la stalle de Sillage, elle continua jusqu’à celle d’Alkaios. C’était lui qu’elle monterait ce jour-là. Peu importe si ça revenait aux oreilles de Coldris. Elle s’en fichait bien. Au contraire. L’étalon la reconnut et s’avança jusqu’à elle. Il avait des brins de paille dans ses longs crins élégants, et la jeune fille les lui ôta du bout des doigts, avant de lui caresser le chanfrein.
- Tu veux te dégourdir les jambes, mon grand ?
A défaut d’avoir le maître, elle aurait le cheval. Elle sortit Alkaios de son box et demanda à un palefrenier de seller le haut cheval, tandis qu’elle s’occupait d’accorder une double ration d’avoine à Sillage en guise de consolation. Quand elle grimpa en selle dans la cour, elle ne manqua pas d’attirer les regards. C’était un pied de nez à Alan, et Quentin. Ils avaient trouvé le moyen d’évincer Coldris ? très bien, qu’ils essaient donc de la rattraper à présent avec un tel cheval !
Alan, réapparu, admira le cran de sa cousine et le lui signifia d’un sourire et d’un regard. Elle lui rendit un visage froid en passant devant lui la tête haute, au petit trot, rejoignant Sybil à la tête des chasseurs. Les deux filles mèneraient la danse.
- Y allons-nous ? s’impatienta-t-elle en alpaguant un valet de chiens.
Quelques minutes plus tard, les cavaliers s’élançaient à la poursuite des chiens. Comme la veille, ils pistèrent le cerf, lui coururent après, le cherchèrent, le retrouvèrent, le perdirent de nouveau... Ce fut une course de longue haleine dans les sentiers neigeux. La poudreuse commençait à fondre malgré le froid. Le ciel restait clair, pur, sans nuage à l’horizon, il faisait sec, il ne tomberait pas d’autre neige avant plusieurs jours. Bientôt tout ne serait que boue, et les chevaux s’enliseraient, les cavaliers rentreraient tous crottés au manoir, où les domestiques auraient fort à faire pour prodiguer des bains chauds à tous.
Pour l’heure, Sophie galopait avec Alkaios. Sa puissante et confortable foulée semblait ne rien coûter d’effort à l’étalon qui, souvent en tête, n’en restait pas moins un rappel permanent que son maître n’était pas là. Sophie essayait de prendre plaisir à la chasse, d’oublier Coldris et les insupportables craintes et doutes qu’il avait fait naître en elle. Un instant elle voulait être au coin du feu, près de lui, un autre elle préférait mille fois être ici plutôt que de le voir la regarder avec les mêmes yeux que la veille. A cette heure-là, peut-être même avait-il jeté son mouchoir dans les flammes de la cheminée, pour les beaux yeux d’Isis.
Les chiens venaient de retrouver une piste après une courte pause. Sophie allait éperonner sa monture lorsque qu’une voix l’appela :
- Sophie, attends !
Elle retint Alkaios, déjà sur le pied de guerre et se tourna vers le jeune homme qui l’interpelait.
- Quoi, Quentin ?
- Pourquoi tu n’es pas avec lui ?
Cette question sortait de nulle part. Depuis quand Quentin se préoccupait-il de ce qu’elle ou Coldris pouvait vouloir ? Car c’était bien de lui dont il parlait.
- Je ne peux pas.
Elle lui raconta brièvement et d’une voix sèche ce qu’Alan lui avait fait promettre. Quentin manifesta sa surprise par un froncement de sourcil et une exclamation.
- Quoi ?
- Ne fais pas l’innocent, je suis sûre que tu es dans le coup toi aussi. Maintenant laisse-moi, je veux chasser.
- Je te jure que je ne le savais pas. Il... il n’aurait pas dû.
Sophie était prête à partir. Les cavaliers s’éloignaient, ils n’étaient plus que tous seuls, Quentin et elle. Et sur le visage du jeune homme elle avait pu lire de la sincérité. Ainsi il ne savait pas ? Il ne savait pas pour la promesse, est-ce que ça signifiait qu’il n’était pas non plus au courant pour la blessure ? Elle fronça les sourcils légèrement suspicieuse.
- Oui, eh bien c’est ainsi.
- Va le retrouver.
Elle regarda sans comprendre.
- Va rejoindre Coldris. Je casserai la figure à Alan s’il se plaint.
Et il la laissa sur ces mots plus qu’étonnants. Quentin qui lui recommande d’aller trouver Coldris ? Oh que si, il allait bientôt neiger ! Incrédule, elle le regarda s’éloigner puis hésita, tourna la tête vers le château.
- Qu’en penses-tu, toi, Alkaios ? Coldris ou un cerf ?
C’eût été un autre jour, Sophie aurait sans doute choisi son amant. Mais comme elle avait pleuré des larmes amères la veille au soir sur son amour blessé, elle préféra le cerf.
Les chasseurs revinrent vers midi. Affamés, ils se jetèrent sur le repas, tandis que leur butin de chasse était envoyé en cuisine pour être confié au maître coq. Repoussant chaque fois le moment d’aller voir Coldris et de lui poser la question qui la hantait, Sophie partagea le repas avec toute la bande, et surtout, avec une joie feinte. Après quoi, elle demanda qu’on lui fasse couler un bain dans sa chambre, histoire d’avoir le temps de méditer et de se délasser. Ce n’est qu’une fois propre, reposée du matin, et presque calme, si ce n’était son cœur qui tambourinait dans sa poitrine qu’elle toqua à la porte de Coldris et entra.
Virgil était toujours là. Il lisait toujours La Guerre des Gaules, comme le matin. Coldris dormait encore, et il avait l’air paisible, mais Sophie ne manqua pas de remarquer la fiole presque vide qui se trouvait sur la table de chevet. Elle plissa les paupières, tandis que quelques vieux souvenirs affleuraient à la surface de sa mémoire. Des fioles vides qui s’alignaient, une odeur doucereuse, des paroles alanguies et insensées... Elle chassa ses images et chuchotant :
- Je prends la relève, Virgil. S’est-il réveillé ? il y a des instructions précises ?
Elle écouta attentivement ses recommandations, puis le laissa partir :
- Ne t’inquiète pas, je m’occuperai bien de lui.
Une fois que la porte fut refermée, ses épaules se relâchèrent et d’un bloc elle se retourna vers le blessé. Son Eros endormi. Elle prit une grande inspiration pour se donner du courage et.... grimaça. La pièce sentait la bête fauve, la vieille chaussette. Où était donc passé la délicate odeur de romarin, la fragrance épicée et savoureuse de Coldris ? La jeune fille alla à la fenêtre qu’elle ouvrit en prenant garde à ce que le courant d’air ne chatouille pas son patient. Puis elle prit un fauteuil, qu’elle avança silencieusement tout à côté de lui, et s’y asseyant, elle posa un coude au bord, et main dans la paume se mit à le contempler.
Au bord de son front dégagé, ses cheveux noirs formaient des boucles, comme autant de virgules qui viendraient ponctuer ses pensées ou ses rêves. Sophie les effleura du bout des doigts, sans oser glisser sa main dans la chevelure désordonnée, de crainte de le réveiller, ou bien d’être surprise. Sagement, son doigt ne fit qu’effleurer, mes ses yeux glissèrent jusqu’aux paupières fermées, dont les cils noirs tressaillaient parfois sous l’effet d’une vision inconnue et onirique. Sous ces paupières closes dormaient deux beaux océans qu’il tardait à la jeune fille de revoir, mais qu’elle avait peur de voir agités de colère. Le nez aquilin, droit, presque romain, avait toute la finesse de la statuaire antique. Sophie soupira et sa tête s’inclina. Elle pourrait sans peine le dessiner, pour passer le temps, et graver ainsi chaque détail de lui sur un croquis qu’elle garderait... Ses yeux tombèrent sur la bouche légèrement entrouverte, tandis que sans s’en apercevoir, son doigt s’enroulait un peu plus dans une mèche brune. Cette bouche capable des sous-entendus les plus audacieux comme des baisers les plus tendres. Elle aurait pu s’y pencher, y poser ses lèvres. Mais la réticence d’un orgueil blessé la retenait.
Elle s’était sentie trahie. Elle s’était jetée dans ses bras, naïve. Non, elle ne l’embrasserait pas.
Sophie se détourna soudain, incertaine de la raison de sa présence ici. Que faisait-elle exactement ? Que voulait-elle ? Qu’espérait-elle ?
La jeune fille se leva, alla à la fenêtre qu’elle ferma en poussant un gros soupir indécis. Triste sans plus vraiment savoir pourquoi, émue sans savoir par quoi. Et finalement, elle se surprit quelques minutes plus tard, sans se souvenir d’y avoir songé un seul instant, assise à un bureau, plume en main, à gribouiller des mots. Non un poème.
Le jour passait, elle écrivait, rayait, et finalement, sans même avoir achevé, avec l’idée de reprendre plus tard, elle revint vers Coldris. Son torse se soulevait avec régularité, et il y avait de nouveau dans l’air le parfum de romarin qu’elle aimait. Il bougea et elle crut qu’il allait se réveiller, elle retint son souffle, mais il se tourna simplement et rassurée, elle s’approcha davantage, s’agenouilla auprès de sa tête, et cette fois sans trop d’appréhension, elle fit glisser un doigt léger sur les contours de son visage, jusqu’à son cou où elle ralentit son mouvement. Lui était-il permis de s’aventurer plus loin ? La peau chaude sous ses doigts l’invitait et comme parfois lorsqu’il la regardait ou l’embrassait, elle ressentit une exquise sensation de frisson lui courir le long du corps, et sa main continua jusqu’à l’épaule nue et valide, au coude replié, aux phalanges. Elle les embrassa, tout doucement, et posa sa tête juste à côté, elle ferma les yeux, son souffle s’accorda peu à peu avec le sien, et elle se mit à somnoler.
Par un mystérieux courant d’air, le brouillon du poème s’envola de la table, et vint se déposer doucement, au pied d’un meuble, dans un coin d’ombre.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Virgil d’Aussevielle, 25 ans
Virgil n’avait pas bougé d’un pouce depuis que Coldris s’était assoupi, emporté par tout le laudanum qu’il avait bu. Il avait à peine touché à ce qu’on lui avait fait porter, complètement absorbé qu’il était par sa lecture. Il connaissait ce livre pour ainsi dire par cœur. Ils avaient passé de nombreuses heures à débattre et échanger sur ce sujet avec son ami. Cela avait quelque chose d’étrange de le relire en sa compagnie sans entendre ses interventions et autres commentaires. Tout comme il était étrange de le savoir dans cette pièce sans pour autant le remarquer, lui qui brillait d’une puissante aura où qu’il se trouvait.
Le soleil déclinait lentement, lorsque l’on frappa à la porte. Virgil leva les yeux pour découvrir Sophie, entrant timidement dans la chambre. Il lui adressa un sourire et se leva. Elle souhaitait prendre sa relève. C’était Coldris qui allait être heureux en découvrant sa nouvelle garde-malade !
- Il doit rester allongé jusqu’à ce soir au moins. Et éviter d’utiliser son bras gauche. il marqua une pause Pas de laudanum non plus. Il en a assez abusé. Mais puisque tu es là, il n’en aura pas besoin.
Il lui adressa un sourire entendu, avant de détailler les évènements.
- Il s’est réveillé dans la matinée. Il a demandé comment allait ton bras et ce qu’il était advenu du chien. Je lui ai donné ton mouchoir comme demandé. Tu aurais dû le voir sourire bêtement comme s’il pensait que je ne voyais rien !
Virgil eut un petit rire silencieux et amusé à ce souvenir. Il fallait dire pour sa gouverne qu’il ne l’avait jamais vu faire cette tête devant un carré de soie ou quoi que ce soit d'autre d’ailleurs. Mais il y avait plus embêtant: comment lui expliquer pourquoi il avait bu le restant de la fiole sans la faire culpabiliser ? Qu’aurait dit Coldris à sa place ?
- Quand il a appris que je ne le laisserai pas se lever de la journée, il a préféré se jeter sur le laudanum.
Ce n’était pas vraiment la vérité. Mais pas vraiment un mensonge non plus. C’était juste… Incomplet. Et c’était surement ce qu’aurait répondu Coldris en jouant sur les mots comme il en avait tant l’habitude.
Seigneur, pardonnez mon manque d’honnêteté. Mais c’est pour la bonne cause, n’est-ce pas ?
- Ne t’inquiète pas, je m’occuperai bien de lui.
Il déposa une main aussi compatissante que bienveillante sur son épaule et déclara dans un sourire:
- Oh je n’en ai pas le moindre doute, Sophie. Absolument aucun.
Il récupéra sa lecture et disparut sans un bruit, refermant la porte derrière lui. Il aurait payé cher pour voir la tête du blessé découvrant qui était à son chevet…
Sacré Coldris. murmura-t-il
Dans le silence complice de la lune.
Enéide, II-v255, Virgile
Coldris dormait d’un sommeil paisible. Il se sentait bien. Terriblement léger. Apaisé. Ses démons dormaient, assomés par le laudanum. Mais le plus beau dans ce rêve, c’était qu’il pouvait sentir la présence d’Aurélia toute proche de lui. Elle glissait ses mains entre ses mèches brunes. Il percevait ses petits saphirs scintiller de bonheur. Ses doigts caressaient son visage avec autant de douceur qu’elle en était capable. Elle avait ce petit sourire malicieux qu’il lui connaissait alors qu’ils reprenaient leur course jusque dans son cou. Il aurait voulu embrasser ces lèvres qui lui faisaient face. Sous ses doigts, ses poils se hérissèrent alors qu’elle traçait une rivière de flammes jusqu’à son poignet. Il entendait son rire carillonner. Il voulait tendre les bras et la serrer contre lui. Sentir son odeur de lilas.
Ce n’était qu’un rêve. Il en avait l'intime conviction.
Il ne voulait pas se réveiller et constater son absence. Il voulait s’enfoncer et se perdre pour l’éternité dans ce monde onirique où il n’y avait qu’eux. Aucune contrainte, aucun secret, personne pour s’interposer, pour les blesser ou les séparer. Dans ce monde, ils étaient libres. Dans ce monde, il n’avait rien à lui avouer, il pouvait se contenter de l’aimer. Ici tout était simple. Pourquoi ne pouvait-il pas y demeurer ?
***
Il cligna des paupières et finit par s’éveiller. La chambre était plongée dans une semi-obscurité. La lueur orangée des flammes projetées d’effrayantes ombres sur les murs. Combien de temps avait-il dormi ? Ses yeux parcoururent rapidement la chambre jusqu’à ce qu’il les baisse sur sa main. Tête appuyée sur le matelas, Aphordite s’était assoupie. Depuis combien de temps était-elle là ? Il s’en voulut d’avoir englouti cette maudite fiole sous l’effet de la colère. Elle était si belle, endormie. Il contempla ses traits détendus puis se leva. Il avisa une fine tunique blanche déposée sur une chaise et l’enfila tant bien que mal avec son épaule encore douloureuse. Un grincement de dents plus tard, il avait réussi à passer son bras gauche au travers de cette foutue manche. Il jeta deux belles bûches dans l’âtre et se rapprocha de sa belle Aurélia. Il pouvait entendre son souffle lent et profond, signe qu’elle dormait depuis un bon moment déjà. Coldris passa un bras sous les siens et l’autre sous ses jambes puis la déposa sur son lit en étouffant un grognement: une douleur aiguë traversa son épaule.
Tiens-toi tranquille nom de Dieu ! Le chirurgien va me tirer les oreilles !
Désolé Virgil ! se moqua-t-il intérieurement.
Désolé Virgil ! se moqua-t-il intérieurement.
Il tira doucement sur les rubans de son corset pour les desserrer et refit un nouveau petit nœud avant de rabattre l’édredon sur ses épaules. Puis il alluma une bougie et l’approcha doucement de sa belle Psyché, inversant le mythe.
Promis je ne te brulerai pas ! Je veux juste t’admirer un peu.
Son regard glissa sur sa chevelure d’un beau blond, aux boucles ondulantes jusqu’à ses paupières closes où dormaient les deux océans dans lesquels il aimait plus que tout se noyer.
A quoi rêves-tu en ce moment ?
Il y avait son petit nez fin, parfaitement dessiné, puis cette bouche rosée qui appelait ses baisers. Sa peau d’ivoire paraissait dorée sous la lueur de la chandelle. Il la déposa sur la table de chevet et osa passer distraitement un doigt sur ses cheveux. Elle était magnifique, sage, espiègle, audacieuse, intelligente... Elle était tout simplement parfaite. Il lui suffisait de la contempler pour qu’elle dissipe instantanément le voile de ténèbres qui l’enveloppait. Elle était sa lumière, son feu, son soleil…
Coldris se leva pour récupérer la couverture de laine grise que Virgil avait laissé sur la bergère. Il s’allongea sur l’édredon, à ses côtés, et s’en drapa avant de passer un bras par-dessus son corps endormi. Appuyé sur son épaule endolorie, il se rapprocha un peu plus jusqu’à pouvoir la serrer contre lui et sentir sa chaleur se diffusait à travers le chaud duvet.
Il y avait cette joue qui l’appelait et qu’il ne cessait de fixer… Il se redressa sur son coude, grimaçant sous les lancinants avertissements de son corps et déposa un baiser sur un joue.
- Je t’aime. Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée dans ma vie. murmura-t-il.
Et c’était peu de le dire lorsque l’on connaissait toutes les épreuves qu’il avait traversé.
- Pardonne-moi. Pardonne-moi tout ce que j’ai fait. Et tout ce que je n’ai pas encore fait.
Il se laissa retomber à ses côtés avant de chercher sa petite main sous les couvertures pour y entrelacer ses doigts. Enivré de l’envoutante odeur de lilas, il commença à somnoler. Elle valait tous les opiums du monde pour apaiser ses démons…
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
L’Amour est un voleur charmant ;
Les pensées, désirs, et soupirs
Sont happés par ce galant sire,
Pour monter jusqu’au fimament.
Bien en vain, résiste le cœur
Qui, flatté, se laisse emporter
Si loin, si haut, par son bonheur.
Sans comprendre qu’il est trompé.
Par le nom d’une autre avertie,
Ecorchée, abattue, trahie,
Je me noie dans mes brûlants pleurs.
Encore ardente d’un baiser
Que je ne saurai oublier,
Je vois s’éloigner mon bonheur.
Poème d'Aurélia à Coldris
Dans la cavalcade bruyante de leurs chevaux, ils traversaient le sommet des falaises de Lôdmé. Battu de vents violents, chauds en cet été accablant, le plateau d'herbes rêches et courtes offrait une vue dégagée sur l'océan. C'était le soir, le soleil baignait ses premiers rayons, frileux, avant de plonger dans la mer d'huile qui l'engloutirait. Les cavaliers filaient, couchés sur l'encolure, les cheveux emmêlés aux crins. Derrière eux, la poussière s'élevait en hautes volutes soulevée par le galop endiablé.
Ils filaient à toute vitesse, dans la pente qui descendait vers la mer. En contrebas, un vif ressac roulait une écume mousseuse contre les galets ronds et le sable blanc de la plage. Il arrivèrent dans une crique, poursuivirent leur course dans les vaguelettes puis ralentirent.
Il était brun, elle était blonde. Leurs chevaux tournèrent, essoufflés l'un autour de l'autre, tandis que les cavaliers se lançaient des rires et des sourires. Ils finirent par sauter de selle et abandonner leurs monture pour marcher sur le sable, côte à côte. Elle se déchaussa et trempa les pans de sa robe dans les premières eaux de l'océan. Il garda ses bottes, mais la suivit, mains dans les poches.
Ils s'arrêtèrent.
Que se disent-ils donc ? Qui sont-ils ?
Plus tard, à la nuit tombée sous la lueur diaphane de la lune, ils remontaient à pieds vers le plateau, en empruntant l'un de ces sentiers pittoresques et bucoliques, encombrés d'arbres verts, de lianes allant de l'un à l'autre, et traversé d'un ruisselet transparent. Il l'aidait à sauter de pierre en pierre, tandis qu'elle tenait d'une main, tout un pan de sa robe blanche trempée. Jusqu'aux genoux, ses jambes étaient nues et ils riaient.
Où sont-ils ? Ce n'est pas Lôdmé !
Encore plus tard, dans un autre monde, la blonde s'éveillait d'un sommeil, au milieu de la nuit. Elle était sur la berge d'un lac à la surface paisible. Mais non, ce n'était plus un lac, c'était redevenu la mer. Et là, sur un rocher affleurant l'eau, il se tenait à genoux, immobile. Elle l'appela par son nom. Armand.
Mais il ne l'entendit pas. Il se pencha en avant. Sur la berge elle se redressa.
Elle est inquiète. Elle se dépêche de se lever pour le rejoindre.
Une tête sublime affleure à la surface de l'eau, un chant merveilleux s'élève dans les airs. Armand se penche encore, la tête au-dessus de cette tête. Il veut l'embrasser. Elle est si belle.
La blonde court toujours. Mais elle n'avance pas. Insensible au charme trompeur de la voix fatale, elle crie sans qu'un son ne sorte de sa bouche, elle tend les bras désespérée. Mais c'est vain.
Ce n'est plus Armand.
Au moment où il bascule, avidement happé par des mains aquatiques, le visage d'Armand se mue. Le cri jaillit enfin des lèvres de la blonde...
- Coldris...
Le nom était passé comme un murmure entre les lèvres d'Aurélia. Mais le rêve était un cauchemar. Ses doigts se crispèrent, rencontrèrent d'autres doigts, une main chaleureuse. Elle faillit repartir dans un autre rêve, où des doigts entrelacés accompagnaient des amoureux dans une balade, mais ce contact était trop réel, il était vrai. Elle ouvrit les yeux.
Il y avait cette délicate odeur boisée, chaleureuse qui l'enveloppait. Tout comme un édredon. Elle regarda son environnement, sans vraiment comprendre. Elle bougea, sentit un souffle dans sa nuque, de nouveau, elle réalisa qu'une main tenait la sienne. Et ses yeux se posèrent sur le bras qui l'entourait.
- Coldris.
Elle était troublée. Partagée entre l'envie de ne pas rompre ce moment dont elle profitait en toute innocence et impunité, et celle de se retourner dans ses bras, au risque de le réveiller et de mettre fin au rêve en affrontant son regard. Mais c'était trop tard. Elle l'entendit le léger "hmmm" de celui qui s'éveille. Le bras qui bouge, les doigts qui cherchent. Elle se figea. Elle ne voulait pas que ça s'arrête. Ils étaient bien ici, au chaud, loin de tous, tranquilles. Ils n'avaient même pas besoin de parler.
A la porte on frappa. Tout doucement, puis la poignée tourna avant même que quiconque puisse réagir.
Aurélia se redressa alors sur le lit. Comment était-elle arrivée là, d'abord ? elle se souvenait très bien s'être endormie à côté du lit, et non pas allongée dessus, contre Coldris. Et qui d'autre que lui pouvait l'y voir mise ?Toutes ces réflexions n'avaient pas le temps d'être explorées, quelqu'un entrait, il allait les découvrir ensemble au lit, ce n'était décidément pas une bonne idée.
- Aurélia, ta tante Solange m'a dit de vous apporter...
... Un plateau de vin chaud. La jeune fille, rouge comme une pivoine assise dans le lit, avait senti l'odeur épicée et alléchante, et vu le plateau.
- Oh... fit Sybil. Euh...
Elle aussi visiblement n'était pas très à son aise de découvrir pareil tableau. Elle s'arrêta dans l'embrasure de la porte ne sachant comment réagir. Aurélia en profita, après une dernière pression sur les doigts qui étaient restés entrelacés aux siens sous les couvertures, elle quitta la chaleur du rêve pour descendre du lit et se précipiter vers Sybil. Elle prit le plateau qu'elle posa à côté sur un meuble.
- Je te promets que ce n'est pas ce que tu crois.
Et puis ce n'était pas comme s'ils étaient en tenue d'Eden non plus. Sybil lui fit un clin d'oeil discret.
- Ne t'inquiète pas, je ne dirai rien. Le dîner sera bientôt servi en bas, si vous voulez-vous joindre à nous, ajouta-t-elle plus fort. Sinon, Virgil montera un plateau.
- Merci.
Sybil recula dans le couloir, et Aurélia allait refermer la porte, mais un pied déterminé se glissa dans l'embrasure, et la main d'Alan repoussa le battant vers l'intérieur. Son visage était impassible. Il posa ses yeux sur Aurélia en se demandant ce qu'elle faisait là (mais était-ce vraiment surprenant), il nota sa coiffure un peu dérangée, ses joues roses, puis levant les yeux, découvrit la chambre et son regard s'assombrit légèrement en constatant qu'une place vide avait été occupée près de Coldris. Il ne fit aucune remarque à ce propos, mais entra d'autorité dans la pièce. Après tout il était chez lui. Il resta près de la porte malgré tout.
- Coldris, je tiens à ce que tu saches, que la dentelure de la flèche n'était pas de mon fait. Je me chargerai personnellement du coupable.
Il se doutait que Coldris n'en avait rien à faire, mais au moins, il savait à présent qu'il n'était pas un sadique cruel. Du moins pas toujours. Il fit demi-tour, prêt à partir, puis il plissa les paupières en remarquant le ruban noué différemment sur la robe de sa cousine. Dans l'embrasure de la porte il se retourna.
- Oh, et la prochaine fois que tu la mets dans ton lit, je te "saigne", Fromart.
Aurélia le poussa dans le couloir.
- Va te faire foutre Alan, rétorqua-t-elle, de la colère dans les yeux, avant de lui claquer la porte au nez.
- Jeu:
- Celui/celle qui trouve lequel de Sybil ou Alan a été choisi par les dés pour intervenir dans ce rp, pourra me faire faire dire ce qu'il veut à Sophie/Aurélia dans le prochain post.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Mon coeur sera porté diffamé de brûlures,
Il sera exposé, on verra ses blessures
L’hécatombe de Diane, Agrippa d’Aubigné
- Coldris…
Coldris ne rêvait pas. Il dormait d’un sommeil sans rêves. Quel besoin y avait-il de rêver lorsqu’il avait tout ce qu’il désirait entre ses bras ? Lorsqu’il pouvait se laisser bercer par le rythme lent de sa respiration. Prendre de profondes inspirations chargées de lilas. Sentir ses cheveux lui chatouiller le visage. Bien évidemment qu’il aurait préféré l’avoir nue contre son corps. Mais il s’était -bêtement ?- juré de ne rien faire tant qu’elle n’aurait rien demandé. Pourrait-il tenir ? Lui qui courrait les femmes comme le Zeus qui lui avait été refusé ? Étrangement, il en était persuadé, car il ne respectait personne plus qu’elle sur cette terre. Et si elle refusait de céder jusqu’à la fin de ses jours et bien, il en serait ainsi. Soyons honnête : cela ne l’empêcherait pas d’aller voir ailleurs. C’était bien la seule chose qu’il ne s’était pas promise. Pour l’heure, il se contentait d’apprécier, le contact doux et chaud de ses doigts entre les siens. Et.. du son de sa voix.
- Coldris.
Non, non, non voulut-il dire. Mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Cela sonnait comme le glas de cette étreinte. Il soupira. Reste encore un peu voulut-il supplier. Il chercha son bras et la serra un peu plus contre lui pour prolonger cet instant volé à dame Fortuna, aux yeux et au su de tous.
Trois petits coups frappèrent à la porte. Virgil ? Non. Il ne frappait jamais trois fois et ses coups étaient plus secs. Qui ? Son esprit était toujours ensommeillé, comme embrumé par les vapeurs de lilas. Il réfléchissait au ralenti quand le temps semblait s’écouler à une vitesse prodigieuse. La poignée de la porte tourna. Il poussa un long soupir sans réaliser la situation dans laquelle il se trouvait actuellement. En soi… Elle était sous l’édredon, lui dessus. Certes, il n’était pas entièrement habillé, mais elle n’était pas déshabillée non plus. Il avait simplement légèrement desserré son corset pour qu’elle puisse se reposer plus confortablement. Il n’avait pour une fois absolument rien à se reprocher.
Aurélia se redressa.
- Non… murmura-t-il en tentant vainement de la retenir.
La porte s’entrouvrit. Il soupira et tourna la tête pour voir qui osait venir les interrompre. Ne leur avait-on pas dit que les blessés devaient se reposer ?! Il reconnut aussitôt la voix de Sybil, la sœur de Virgil. Ce n’était que Sybil. Il eut un sourire en découvrant que cette merveilleuse Solange avait pensé au vin chaud. Et ça ce n’était pas pour nettoyer sa blessure ! Ce fut à cet instant que la jeune femme analysa le tableau qu’elle avait sous les yeux : Aurélia assise sur le lit, sous l’édredon. Lui allongé à côté. Il lui adressa une salutation de la main. Sa belle Psyché quitta ses doigts pour se précipiter vers son amie et se justifier, Coldris se sentit obliger de renchérir pour l’appuyer:
- Il ne s’est rien passé. Ne va pas te faire d’idée. compléta-t-il
Et ne va pas raconter à Virgil que je l’ai portée.
Dans l’état actuel des choses, c’était presque ce qui l’inquiétait le plus : les remontrances de son ami. À juste titre sans doute, s’il en jugeait les tiraillements qu’il ressentait déjà dans l’omoplate. Non, cela n’avait pas été raisonnable. Mais l’amour n’était pas raisonnable. La passion encore moins. Et puis on ne laissait pas une demoiselle dormir sur le bord d’un lit, plié en deux…
On les informa que le diner allait être servi. Cela lui donna une indication sur l’heure actuelle qu’il pensait plus avancée que cela : il constata à regret qu'il avait peu profité de cette douce compagnie. Il prit une mine boudeuse et allait se remettre sur le dos lorsqu’il nota que la porte ne s’était pas refermée. Interloqué, il s’assit sur le rebord du lit. Qui donc osait encore venir troubler sa tranquillité ? La réponse s’invita d’elle-même dans la chambre : Alan. Coldris ne lâcha pas un mot. Il se contenta de serrer les mâchoires. Il n’avait rien à dire à celui qui lui avait littéralement déchiqueté l’épaule. La pointe de la flèche n’était pas de son fait. Il resta impassible. Il n’avait pas envie de lui répondre, si ce n’était d’un long et équivoque regard glacial qui affronta le sien, si sombre.
Il quitta finalement les lieux et Coldris se détendit.
- Oh, et la prochaine fois que tu la mets dans ton lit, je te "saigne", Fromart.
Il ne lui en fallut guère plus pour bondir sur ses jambes. Aurélia refermait déjà la porte après l’avoir délicatement insulté. Il en aurait certainement souri d’entendre ces mots fleuris dans sa délicate bouche s’il n’avait pas été en train de l’ouvrir de force d’un coup d’épaule. Dans son dos, il sentait ce liquide chaud et doux s’écouler, collant sa tunique contre sa peau. Une sensation caractéristique qui signifiait qu’il avait rompu un ou plusieurs points de suture. Virgil ne se contenterait plus de remontrances, il serait furieux, mais c’était le cadet de ses soucis. Il y avait la douleur bien sûr, vive et pénétrante qui répandait son feu dans toute son épaule et au-delà, mais cela aussi n’avait aucune importance. Il n’était focalisé que sur une seule chose : faire entrer Alan, manu militari en le trainant par le col. Il le plaqua contre le mur proche et enserra sa gorge de sa main gauche avant d’envoyer son poing droit s’écraser contre son nez d’un coup franc.
- Ecoute-moi bien, maintenant, Alan : je mets qui je veux dans mon lit et cela ne te regarde en rien.
Il reserra un peu plus fort son étreinte. Dans son dos, il sentait la plaie se déchirer de plus en plus. D’autres points venaient de céder.
- Entre nous, je vais te confier un secret : je n’abuserai jamais de sa vertu. C’est bien la seule qui ait ce privilège, et crois-moi ce n’est pas l’envie qui m’en manque.
Sa main droite envoya un nouveau crochet en direction de sa mâchoire.
- Ca c’est pour la flèche. Je me fiche comme d’une guigne qu’elle t’appartienne ou non. Tu l’as volontairement tirée et en plus tu ne vérifies pas tes armes.
Ses doigts étaient crispés autour de sa gorge. Il sentait son pouls pulser sous la pulpe de ses doigts. Il les ouvrit subitement et son bras retomba, inerte, le long de son corps. L’adrénaline anesthésiait toute douleur. Mais il n’était pas dupe. Elle était tapie, prête à surgir et à le dévorer dès qu’il se serait calmé.
- Maintenant dégage et ne t’avise plus de mettre ton nez dans mes affaires.
Dans son dos, sa fine tunique de laine blanche devait désormais être rougie d’une belle tâche pourpre circulaire. Les muscles encore crispés de colère, il fit un pas en arrière et se força à détendre ses mâchoires pour mieux laisser passer ce maigre filet d’air jusqu’à ses poumons. Il n’y avait sans doute qu’une seule chose de pire que l’ingérence : se voir accusé à tort lorsque l’on faisait des efforts pour se conformer à cette foutue embarrassante moralité.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Lorsque l’amour me pousse à médire de toi,[...]
J’en suis vite [punie] : à peine ai-je parlé
Que tout à coup me vient une peine à pleurer [...]
Giovanni Pontano, traduit par L.-E. Martin
Alan aussi aimait. Mais lui il n'avait jamais eu l’espoir de triompher d’un cœur déjà pris.
Il descendait l’escalier d’un pas lent mais presque léger, toujours aussi impassible, malgré le sang qui coulait de son nez jusque sur sa chemise. Un mouchoir à la main, il tapotait de temps en temps son organe douloureux, avec une certaine nonchalance. De l’autre main, il pliait et dépliait ses phalanges douloureuses, meurtries du coup qu’il avait porté. Demain, elles seraient bleues, il avait l’habitude.
Quentin passa au pied de l’escalier, alors qu’Alan en était à la moitié. Le cousin de Sophie durcit son regard. Ce ne pouvait être que Quentin pour la flèche. C’était son idée, la blessure, et la promesse, c’était forcément lui pour le reste.
- Alan ? Mais qu’est-ce qui t’arrive ?
- Une porte... vindicative, s’est mise sur mon chemin, mentit-il avec morgue en achevant de descendre.
Pas dupe Quentin devina aussitôt la vérité.
- Coldris, encore lui... ! Je vais ... !
Alan l’attrapa au col et le fit reculer sous son regard furieux. Il fallait qu’il passe sa colère sur quelqu’un.
- Tu en as déjà bien assez fait, Quentin. Avoue, c’est toi qui a remplacé les flèches ! Tu m’as convaincu avec tes idées, mais ça tu savais que je n’accepterais pas !
- Mais tu voulais bien...
- Arrête ! ce n’était pas pour toi, tout ça, c’était pour elle ! c’est ce dont tu m’as persuadé : blesser Coldris pour l’éloigner d’Aurélia, pour éloigner ma cousine de ce menteur qui va lui briser le cœur. Ce sont tes propres mots ! Ce n’était pas pour toi qu’elle devait promettre, hein ! Tu en as bien profité pourtant !
Alan faisait peur à voir avec sa chemise tâché, son menton où se devinait déjà un hématome. Quentin n’en menait pas large, mais il repoussa son ami d’un geste vif.
- Non ! je te jure que ce n’est pas moi ! Certes j’ai profité de la promesse que tu lui as extorquée pour paraître honnête et désintéressé à ses yeux ! Mais rien de plus ! Jamais je n’aurais touché à tes flèches. Blesser simplement Coldris, à défaut de le tuer était bien suffisant. Tu t’es fort bien acquitté de cette tâche.
Alan avait reculé.
Un peu plus tôt, Coldris avait dit quelque chose qui l’avait mis face à lui-même. Il n’avait pas prêté garde à la flèche qu’il tirait. Par négligence. Un défaut qu’il combattait souvent, mais qui parfois lui jouait des tours pendables. Mais Quentin, effectivement, n’était pas assez malin pour s’en être rendu compte, et en avoir profité à son insu. Non, il fallait que ce soit quelqu’un qui le connaisse bien. Sa mère, par exemple. Impossible.
Fâché d’avoir seulement pu penser cela d’elle, le jeune homme se fit de nouveau menaçant envers Quentin :
- Fais attention. Je l’ai dit à Coldris, je te le dis aussi : je t’écorcherai vif si jamais tu touches à un seul des cheveux d’Aurélia hors des lois.
- Mais je l’aime !
- Raison de plus.
Brusquement, il fit demi-tour, laissant derrière lui un Quentin interloqué, et dans l’ombre d’un rideau, une silhouette féminine qui souriait.
La femme n’avait pas perdu une miette de ce qui venait de se dire, et elle avait la satisfaction de voir que les soupçons ne se porteraient jamais sur elle. Isabelle de Farnende avait remplacé les flèches. Mais ça Alan ne le saurait jamais. Elle s’en était assurée.
- Ecoute-moi bien, maintenant, Alan : je mets qui je veux dans mon lit et cela ne te regarde en rien.
Alan regarda Coldris avec fureur.
- Bien sûr que si ça me regarde, c’est ma cousine !
Mais Coldris n’en avait rien à faire.
- Entre nous, je vais te confier un secret : je n’abuserai jamais de sa vertu. C’est bien la seule qui ait ce privilège, et crois-moi ce n’est pas l’envie qui m’en manque.
- C’est la seule qui en a surtout, tes putains n’ont rien à perdre à venir te voir.
Nouveau crochet. Pour la flèche cette fois. Celui-ci, il le méritait, il l’accepta.
Il sentit brusquement les doigts de Coldris le relâcher. Il reprit son souffle.
- Maintenant dégage et ne t’avise plus de mettre ton nez dans mes affaires.
La colère le tenaillait. Il avança d’un pas, prêt à frapper lui aussi, croisa le regard d’Aurélia.
On ne frappe pas un blessé.
Il abattit son poing avec un cri de rage. Ses phalanges rencontrèrent la pierre du mur, et le geste le soulagea momentanément.
- Tu ne perds rien pour attendre Coldris.
Il sortit.
Après un instant suspendu, silencieux. Aurélia réalisa qu’elle s’était figée, les mains sur la bouche, effarée. Elle se retourna vers Coldris, furieuse.
- Idiot !
Elle lui en voulait d’avoir tout gâché, de s’être emporté contre son cousin, de s’être de nouveau blessé. Est-ce qu’il ne pouvait pas laisser passer, parfois !?
- Non mais regarde ! Tu saignes maintenant ! Non ! ne me repousse pas, pas cette fois ! Je te jures que tu ne vas pas te débarrasser de moi, espèce d’ingrat !
Oh, oui ! elle lui en voulait ! Elle le poussa vers le lit, où elle le força à s’asseoir. Peu importe qu’il y ait une Isis ou non, quelque part, elle n’était pas là pour l’aider. Elle si.
- Et puis qu’est-ce qui t’as pris de me mettre dans le lit, d’abord ? le médecin avait dit qu’il ne fallait pas que tu te lèves, pourquoi m’as-tu portée ! mais quel imbécile. Allez aide-moi un minimum à enlever cette tunique ! Oui, je sais tu ne peux pas lever le bras ! ça te fait mal ? tant mieux, ça t’apprendra à allez casser le nez au moindre luron qui se pointe pour t’insulter !
Tout en parlant, elle se débrouillait pour lui ôter son vêtement qui ne tarderait par à être trempé de sang sinon. Si elle n’avait pas été accaparé par sa colère passagère, déshabiller Coldris l’aurait certainement mise beaucoup plus mal à l’aise, mais là, une fois la chemise ôtée, elle ne s’attarda pas, ni du regard ni des doigts. Elle s’empara d’un linge et d’une cuvette d’eau, et grimpa sur le lit pour se mettre derrière le blesser et entreprendre de nettoyer la blessure.
- Est-ce que ça t’arrive de réfléchir de temps en temps, Coldris ? T’aurais pas pu juste rester là, tranquille et on... on... Arrête de bouger !
Dans sa voix la colère retombait, sous ses doigts la blessure apparaissait. La flèche était à l’origine de la plaie centrale, mais des points de suture créaient plusieurs lignes autour sur l'épaule. C’était sans doute à cause de l’incision que le médecin avait dû faire pour enlever la pointe.
- C'est ironique, chuchota-t-elle, on dirait la constellation d'Orion. Le chasseur.
Elle ne savait comment interpréter cela. C'était à la fois ironique, de bon et de mauvais augure. Elle préféra se taire. Ses pensées redevenaient confuses et elle resta silencieuse un moment. Elle avait beau croire qu'il lui cachait quelque chose, et que ça avait un rapport avec une autre, tout ce qu'elle s'était dit depuis qu'il avait été blessé ne correspondait pas avec ce qu'il avait fait. Pourquoi l'avoir mise sur le lit s'il ne voulait plus d'elle ? ce n'était certainement pas par simple galanterie. Finalement, elle reprit la phrase où elle l'avait laissée :
- On aurait pu rester ensemble, à savourer un vin chaud, dans le lit.
Cette fois, elle était toute rouge d’avouer même à demi-mot qu’elle avait aimé ce trop bref moment. Mais il ne pouvait pas voir son visage, puisqu’elle était derrière lui, à genoux sur l’édredon, à laver le sang qui coulait encore. Ce lit prenait vraiment beaucoup de place. Comment un simple meuble, au demeurant tout à fait courant, avait-il pu devenir un personnage central de tout drame passionnel ? sans doute parce qu'il était le témoins de toutes les amours possibles. Et même hors des drames, il pouvait créer des problèmes.
- Est-ce que c'est vrai ce que tu as dit à Alan, pour... ma vertu ?
Elle regretta aussitôt d'avoir posé cette question indiscrète et enchaîna, pressée de changer de sujet :
- Je devrais appeler le médecin pour qu’il recouse.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
On s'embrasse avec transport, mille baisers impatients se donnent et se rendent. Aux larmes de la douleur succèdent les larmes que fait couler la joie.
Métamorphoses – Conte de Psyché V7.5 - Apulée
Il n’avait pas vraiment réfléchi lorsqu’il avait bondi sur Alan : la flèche, les chiens, la douleur, les insultes. Tout cela n’était qu’une poudrière qui avait fini par s’embraser à la première étincelle. Qu’importe qu’il soit blessé, qu’importe s’il allait compromettre son rétablissement. Il avait tort, il n’y avait pas que des putains, comme il les appelait, dans ses fréquentations. Loin de là. Et les plus vertueuses étaient de loin les plus amusantes à obtenir. Mais Aurélia n'y entrait dans aucun cas. Elle était à part. Elle avait su gagner son amour alors même qu’il ne pensait pas cela possible, et pour cela, il ne pouvait qu’incliner la tête et lui offrir son respect éternel. Lui en voulait-il de ne pas le croire ? Pas réellement. Il y avait comme quelque chose d’improbable dans la phrase Coldris est amoureux. Comme si ces mots n’avaient jamais été faits pour s’accorder ensemble. Lui-même avait parfois du mal à y croire, mais c’était pourtant la vérité, il le savait désormais, au plus profond de lui-même. Son cousin n’eut au moins pas le cran – ou la stupidité – de répliquer. Il pouvait cependant, lire toute la colère qui brulait dans ses yeux. Étrangement, Coldris se sentait beaucoup plus calme. Il observa avec un certain détachement son poing s’écraser contre le mur. Alan acheva de déguerpir et il eut même une once de sourire face à ses menaces.
- Idiot !
Il ferma et rouvrit plusieurs fois sa main droite aux phalanges douloureuses. Il ne l’avait pas raté. Il se retourna avec un large sourire de fierté pour contempler toute sa fureur se déverser sur lui. Il aurait certainement dû se faire petit, mais la vérité, c’était qu’elle était presque encore plus belle comme ça.
- Non mais regarde ! Tu saignes maintenant !
Il passa distraitement sa main droite au niveau de son omoplate et constata que sa chemise était en effet largement poisseuse de sang. Aurélia s’approcha, il leva la main.
- Non ! ne me repousse pas, pas cette fois ! Je te jures que tu ne vas pas te débarrasser de moi, espèce d’ingrat !
Mais il ne comptait pas la repousser. Il voulait simplement attraper son bras et l'attirer contre lui, enfouir son nez dans ses cheveux. Embrasser son front, son nez, ses lèvres. Enrouler ses bras autour de sa taille. Et puis, il revit soudainement sa main, désespérément accrochée à la sangle d'Alkaios, nimbée d’un épais brouillard. « Laisse-moi !». Tout était flou, brumeux. Il ne savait plus ce qu’il avait dit ou fait. Ce qui était la réalité ou ce qui était les limbes de son esprit. Ses paroles pourtant ne laissaient pas de place au doute.
- Pardonne-moi. J’étais… il baissa le regard sur le parquet maculé de quelques gouttelettes de sang. Le sien ou celui d’Alan, qui savait ? Sa fierté le freinait des quatre fers. Son instinct de survie également … Perdu.
Ce n’était pas vraiment ce qu’il avait eu en tête. Paniqué. Terrifié. Effrayé. Délirant. Il aurait pu mettre tant de qualificatifs sur ce qui s’était passé. Même lorsqu’il essayait de se confier, les mots sortaient transformés de sa bouche. Il aurait dû lui offrir ses faiblesses avec le reste. Il n’y arrivait pas. Son orgueil venait toujours se mettre en travers.
Il se laissa conduire sur le lit sans discuter. En même temps, il n’était pas homme à refuser de finir sur un lit avec une femme. Surtout lorsqu’elle s’appelait Aurélia et qu’elle jouait les infirmières à merveille !
Et puis qu’est-ce qui t’as pris de me mettre dans le lit, d’abord ? le médecin avait dit qu’il ne fallait pas que tu te lèves, pourquoi m’as-tu portée ! mais quel imbécile.
- Parce que la place de Psyché endormie est dans le lit d’Eros et non à côté voyons. Faut-il donc que je t’en refasse la lecture ? répondit-il malicieusement tout en se sachant parfaitement en tort.
À ses côtés, elle essayait vainement de lui faire quitter cette tunique qu’il avait eu tant de mal à enfiler. Il ne pouvait réprimer un sourire en réalisant qu’elle était réellement en train de le déshabiller.
Allez aide-moi un minimum à enlever cette tunique ! Oui, je sais tu ne peux pas lever le bras ! ça te fait mal ? tant mieux, ça t’apprendra à aller casser le nez au moindre luron qui se pointe pour t’insulter !
Coldris faisait de son mieux, mais la douleur s’était réveillée plus brulante et enragée que jamais. Elle irradiait jusque dans ses phalanges puis se répandait entre ses côtes. Le pire était de lever le bras. Il avait l’impression que son articulation allait finir par se disloquer, il sentait les chairs s’étirer et tirailler sous l’effet du mouvement. Il grogna et réussit enfin à retirer cette maudite manche. C’était tout de même étrange de se retrouver ainsi dos à elle. Avait-elle rougi de découvrir sa peau nue ? Il ferma les yeux un bref instant, imaginant ses pommettes se parer de pourpre. Derrière lui, il entendit le léger remous d’une bassine que l’on déplaçait puis le son d’un linge que l’on essorait. Il sursauta au contact froid de l’eau qui gouttait le long de sa colonne vertébrale lui arrachant un frisson. A moins que ce ne soit la proximité de ses mains ?
- Est-ce que ça t’arrive de réfléchir de temps en temps, Coldris ? T’aurais pas pu juste rester là, tranquille
- Tiens j’avais pas vu Virgil entrer. répondit-il taquin en pensant que son meilleur ami ne l’aurait pas mieux sermonné.
- et on... on... Arrête de bouger !
- C’est froid. râla-t-il Je préfère sentir tes mains chaudes.
Il s’attendait à une riposte d’un instant à l’autre, mais il en souriait d’avance. Il l’entendit murmurer le nom d’Orion. Ce fameux chasseur, pris pour un monstre et tué par Artémis sur l’ordre de son frère Apollon. Était-ce sa flèche qui le tuerait lorsqu’elle saurait ? Il l’imaginait, bandant la corde de son arc, Alan juste derrière à elle, à lui murmurer de viser le cœur. Un frisson glacial le traversa tandis que de l’eau sans doute mélangée de sang s’écoulait en filet le long de son dos. Il ferma brièvement les paupières pour tenter de chasser ce mauvais pressentiment qui commençait à prendre racine dans ses tripes.
On aurait pu rester ensemble, à savourer un vin chaud, dans le lit.
Il les rouvrit sur le pichet fumant d’où des volutes de vapeurs s’élever toujours dans les airs. Ce fut une autre image qui s’invita à lui, nettement plus agréable cette fois-ci. D'autant plus qu’elle avouait avoir apprécié se réveiller lovée entre ses bras. Il bascula sa tête en arrière jusqu’à heurter son épaule et tourna ses pupilles dans sa direction. Oh ! Elle avait encore les joues rosies ! Il ne fit pas de remarque et se contenta de répondre d’un sourire enjôleur :
- Et bien le vin chaud est toujours chaud et le lit toujours là. Alan ne reviendra pas m’éviscérer de si tôt, alors qu’est-ce qui nous en empêche ma jolie infirmière ?
Comme pour appuyer ses dires, il se retourna d’un coup, passa son bras droit dans son dos et l’allongea -le tout sans utiliser son bras gauche- sur l’édredon. Penché sur elle, ses fines mèches brunes tombaient en rideau juste au-dessus de ses yeux. Il demeura un court instant à se perdre dans ses prunelles océan avant de se baisser pour l’embrasser.
- Est-ce que c'est vrai ce que tu as dit à Alan, pour... ma vertu ?
Il se redressa soudainement plus sérieux, ignorant sa remarque sur le médecin. Assis au bord du lit, il déclara sans la quitter du regard.
- Evidemment. Pourquoi aurais-je menti? Pour lui faire plaisir ? Tu ne t’es jamais dit que j’étais bien peu entreprenant pour quelqu’un qui avait une si longue liste ? il marqua une pause avant de lui avouer le reste Je t’aime, Aurélia. Je t’aime vraiment, même si personne ne me croit. Et c’est parce que je t’aime que je veux que tu sois libre de t’offrir à moi quand tu le voudras ou de t’y refuser. Tu pourrais passer la nuit dans ce lit que je ne ferais rien sans ton invitation. Même si j’en meurs d’envie. Même si je meurs d’envie de caresser chaque parcelle de ton corps, d’en embrasser chaque recoin, de te serrer contre moi, de…
Il suspendit sa phrase et coupa net le contact visuel. Son cœur s’emballait atrocement. C’était sans doute… Suffisamment explicite. Autant mettre fin au supplice alors même que cette promesse tacite devenait chaque jour plus difficile à tenir.
Pour se changer les idées, il se leva et traversa la pièce jusqu’à la desserte où reposait le plateau apporté par Sybil un peu plus tôt. Il remplit deux verres, qu’il apporta à Aurélia pour faire passer cette embarrassante déclaration.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Je ne suis pas vaillante quand tu t’absente
Je crains pour ma vie si tu ne m’écris
Qui
Brouillon du poème d'Aurélia à Coldris
Aurélia entendit son excuse pour l’avoir repoussée la veille, mais elle avait besoin de montrer son mécontentement, de manifester son inquiétude, par des paroles en apparence détachées et un tantinet vexantes. Elle balaya donc son explication d’un geste de la main avant de le pousser vers le lit et de s’occuper de sa tunique, ignorant ostensiblement ses remarques. Elle connaissait très bien le mythe, et il le savait. C’était par pure provocation qu’il lui proposait de le relire. Si elle n’avait pas préféré se concentrer sur cette tunique tenace, elle lui aurait sans doute répliqué que certains mythes gagnaient à être réécris, pas simplement relus. Le pire c’est qu’il souriait en plus. Il devait se délecter du spectacle qu’elle offrait à le dévêtir. Le fourbe. Elle n’en afficha que plus son air fâché.
Mais au fond, tout ce qu’elle voulait vraiment pour l’heure, c’était que Coldris se repose, qu’il guérisse, pas qu’il empire son état en frappant les importuns qui chatouillaient son ego. Ou qu’il se préoccupe de son air fâché, non ça c’était sa manière à elle de protester contre son comportement irresponsable.
Lorsqu’elle entreprit de nettoyer la blessure, elle commença à se calmer et à réfléchir à tout ce qui venait de se passer, à ce qu’il avait dit. Même si le voir sursauter sous le premier contact froid du linge, lui tira un petit sourire, cela ne l’empêcha pas de se dire qu’elle avait peut-être tort de toujours lui en vouloir de l’avoir repoussée. Après tout, elle n'imaginait pas la douleur qu'il avait pu ressentir en se prenant cette flèche, peut-être aurait-elle été « perdue » elle aussi.
Elle râla pour la forme lorsqu’il la compara à Virgil, retenant une furieuse envie de lui balancer l’eau de la cuvette à la figure. A croire qu’il prenait un malin plaisir à la taquiner en la voyant irritée. Est-ce qu’il n’avait pas assez mal pour se taire ? ou bien assez de remords pour avoir au moins l’air contrit ? non apparemment. Elle ne répondit rien, restant silencieuse, sinon pour faire remarquer qu’Orion lui laisserait une jolie cicatrice. Cette fois, aucune réplique ne vint faire écho à sa remarque. Il resta silencieux, sans doute pensant au mythe.
Après Aphrodite et Vucain, Orion. Les noms mythiques qu’elle lui choisissait n’était pas les plus heureux. Zeus, après tout, était peut-être celui qui lui plairait et lui conviendrait le mieux, restait à savoir laquelle parmi toutes les amantes du Dieu, elle serait. Elle achevait de laver son dos, au moment où elle fit son aveu. Sans surprise, cette fois, il réagit. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle venait de dire ça. Mais ça semblait l’amuser. Elle écouta sa proposition, en rougissant de plus belle, et elle détourna le regard, remit le linge dans sa cuvette.
- Je ne sais pas si c’est raisonnable, ta blessur...
Elle se retrouva soudain allongée sur le lit, sans comprendre pourquoi, une main posée par réflexe sur son bras. Elle retint son souffle, attentive à la moindre nuance dans son beau regard bleu. Il allait l'embrasser d'un moment à l'autre, elle le sentait. Et elle attendait, désireuse de ce baiser. Au moment où il se penchait, elle leva elle-même la tête, entrouvrit les lèvres pour accueillir les siennes. Sa main glissa doucement de l’épaule au torse, et puis elle réalisa que non, ça n’était vraiment pas raisonnable, et posa la question qui devait mettre fin à ce baiser.
Elle soutint son regard. Pourquoi aurait-il menti, effectivement ? pour faire croire à Alan qu’il était honnête et différent avec elle. Elle se faisait l’avocat du diable. Mais là, à elle, il ne mentait pas. Quant à être entreprenant, à vrai dire, elle avait du mal à juger. Parfois, il lui semblait très entreprenant avec elle, mais c’était sans doute parce qu’elle n’avait jamais eu affaire à plus audacieux que lui, et qu’elle n’avait pas de point de comparaison. Cependant, qu’est-ce qui aurait pu l’empêcher depuis tout ce temps de faire ce qu’il voulait ? il aurait pu lui forcer la main, d’une façon ou d’une autre, assurément. Et il ne l’avait pas fait. Parce qu’il l’aimait. Elle ne pouvait en douter. Il lui avait déjà affirmé. Elle l’avait déjà cru. Alors pourquoi au fond d’elle, une petite voix sournoise venait-elle lui chanter le nom d’Isis ? Le médecin s’était trompé, il avait entendu autre chose.
Elle s’en persuada, le temps d’écouter la fin, sans craindre de voir revenir planer ce nom égyptien dans sa tête. Elle s’était redressée sur un coude, ne le lâchait pas du regard. Plus que troublée par ses propos, des frissons naissaient à sa nuque pour se répandre partout, se rendait-il compte de l’effet qu’il produisait sur elle, lui aussi ?
Lorsqu’il s’arrêta ce fut comme si elle chutait d’un nuage. Il se leva pour aller chercher le plateau, et elle en profita pour se redresser tout à fait, reprendre ses esprits en se passant une main sur le visage.
Quand il lui tendit son verre, elle le prit en retenant sa main. A genoux sur le lit, elle se demandait comment réagir à ce qu’il venait de dire. Elle savait ce dont elle avait envie : qu’il l’embrasse encore, comme s’ils étaient seuls au monde, qu’il lui fasse encore ressentir toutes ses sensations inconnues et grisantes qui parcouraient son corps chaque fois qu’il la touchait, et qu’ils passent le reste de la soirée ici, tous les deux, toute la nuit, la journée du lendemain, la suivante et jusqu’à la fin du monde. Ils mettraient une armoire devant la porte pour que personne n’entre, ne les dérange, ils finiraient par brûler les chaises et le lit s’y fallait pour alimenter le feu, récupéreraient la neige et la pluie pour vivre d’amour et d’eau fraîche.
Mais en attendant elle tenait sa main contre son verre chaud, et le regardait, ses mots coincés dans sa gorge. Elle finit par baisser les yeux.
- Je n’avais pas réalisé à quel point c’était difficile pour toi de... résister.
Était-ce présomptueux de sa part de dire une telle chose ? elle aussi se retenait parfois de faire certains gestes : une caresse, un baiser. Mais ces gestes là n’avaient quasiment aucune conséquence. Tandis que dormir l’un avec l’autre, c’était se mettre, lui comme elle, à rude épreuve. Or, si dans l’absolu, s’offrir à lui avait déjà traversé l’esprit d’Aurélia, elle savait aussi qu’elle ne le ferait pas si elle n’avait pas un anneau au doigt. C’était ainsi qu’on lui avait dit que ça se passait. Peu importe ce que « s’offrir » pouvait bien recouvrir comme réalité.
- Nous ne devrions peut-être pas tenter le diable, finit-elle par dire.
Qu’il ne se méprenne pas : elle avait aimé se réveiller là, tout contre lui, elle aurait aimé renouveler l’expérience, maintenant ou plus tard. Mais pour le moment, après ce qu’il venait de dire, il lui semblait que ce n’était pas une bonne idée. Et puis sans oublier qu’ils n’étaient pas tous seuls, en bas, on les attendait pour dîner. Au moins elle, et il fallait que le médecin revienne pour réparer les dégâts. Elle posa son verre sur la table de chevet. Tant pis pour le vin chaud. Elle lui prit aussi le sien des mains, et le posa aussi. Ils devraient bientôt se quitter, alors autant profiter l’un de l’autre avant que quelqu’un n’ouvre cette fichue porte.
Toujours sur le lit, elle s’empara de ses mains, qu’elle posa autour de sa taille en faisant attention avec son bras gauche.
- Viens par là...
Attrapant sa nuque, elle l’attira vers elle et l’embrassa avant de lui chuchoter à l’oreille :
- Que dirais-tu si Vulcain passait à Zeus, maintenant ?
Peut-être était-ce une consolation bien maigre, mais il l’avait réclamé. Certes, de mémoire, elle ne se souvenait pas qu’Aphrodite ait eu affaire à son père, mais ils n’étaient pas des Dieux, ces surnoms étaient un jeu, qu’elle n’aurait jamais pensé poursuivre au-delà d’un certain cache-cache. Elle caressa ses cheveux et son visage. Elle ne lui demanderait pas maintenant qui était cette Isis.
- Je vais chercher le médecin, avant que tu ne te vides encore de ton sang.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Et mon cœur, qui soulait être maître de soi,
Est serf de mille maux et regrets qui m’ennuient.
Les regrets – Du Bellay
Il était là à observer ses joues rougissantes quand elle ne se préoccupait que de ce linge rougi par son sang. Ses jours n’étaient pas en danger. C’était juste… Un peu ouvert. Rien qui ne nécessitait l’intervention urgente du chirurgien. Encore moins lorsqu’il pouvait enfin savourer ses lèvres. Et même s’il le pensait souvent lorsqu’il l’embrassait, celui-ci était encore meilleur que les précédents parce que l’espace d’un instant, elle avait oublié tout retenu et s'était laissée à aller à explorer son torse nu. Mais comme toujours, c’était trop court, trop vite interrompu et… peut-être plus raisonnable, que de finir par faire céder toutes les barrières qu’il avait dressées. Oui, il la désirait, et il n’osait plus croiser son regard de peur d’y lire l’écho du sien et d’abandonner toute résolution sensée pour s’adonner à tout ce dont il rêvait.
Un verre de vin le ferait sans doute revenir sur terre et calmerait -avec un peu de chance- ses ardeurs qui le transportaient bien trop loin des rivages auprès desquels il tentait de se maintenir.
Résister. Il eut un sourire contrit. C’était difficile. Il s’y employait chaque jour, chaque instant qu’elle passait à ses côtés. À résister à son parfum envoutant, à ses yeux amoureux, à ses doigts chatouilleux, à ses lèvres douces, chaudes et humides, à la proximité de son corps, à la vision de ce petit ruban dans son dos qui appelait à être délacé… Il en était à entrelacer ses doigts dans les siens ou à les bloquer d’une quelconque façon pour être sûr de ne pas les laisser s’évader vers d’inconvenants endroits. Il souffrait mille tourments chaque fois qu’il la voyait et il se noyait toujours avec le même délice dans ce supplice sans cesse renouvelé.
- Le diable est tenté en permanence alors un peu plus ou un peu moins…
Il n’eut même pas le temps de profiter de son vin chaud, qu’elle le lui retirait déjà des mains. Ce que les femmes pouvaient être cruelles parfois ! Mais tout compte fait, la suite valait tous les spiritueux du monde. Un merveilleux baiser pour célébrer son ascension dans leur Olympe : il était désormais Zeus.
Il prit délicatement sa tête et la posa contre sa poitrine. Il lui caressait lentement les cheveux tandis qu’il pensait à voix haute :
- Tu aurais pu être Héra, sa femme. Mais il ne l’aimait pas et elle était bien trop jalouse. il déposa un baiser sur le sommet de son crâne tu ne peux être que sa maîtresse. Mais pas n’importe laquelle.
Il parlait lentement. Les mots qui se frayaient au travers de ses lèvres revêtaient un drôle d’écho en lui, car il savait qu’ils n’étaient que vérité.
… Tu seras Aurélia. Insaisissable comme le vent. Enjouée comme le printemps. Audacieuse comme le feu. Tu seras Aurélia, qu’il passa tant de temps à poursuivre pour la séduire ; qu’il ne s’aperçut que trop tard qu’elle lui avait dérobé son cœur pour le cacher auprès du sien. Tu seras Aurélia, la seule femme qu’il aima jusqu’à ce que chaque étoile de l’univers ne s’éteigne. Aurélia qui l’enflamma et le garda.
Aurélia qu’il blessa par la faute d’Hera.
Un vague voile de tristesse traversa son regard d’azur. Il prit son menton entre ses doigts, le releva et captura ses lèvres entre les siennes, le temps d’un trop bref baiser.
- J’imagine qu’il est temps de rencontrer tous ceux qui veulent ma peau ce soir.
Et ils étaient nombreux : le chirurgien, Virgil, Alan, Quentin et d’autres encore peut-être. Il n’avait pas une envie folle de se rendre dans l’arène, mais il ne pouvait décemment pas se terrer dans sa chambre et paraître faible ou apeuré. Il devait se montrer. Il devait montrer que cet accident n’avait pas eu raison de lui.
Il s’habilla à moitié et prit son pourpoint noir sous le bras, direction le médecin qui le sermonna suivi de son ami qui en rajouta une couche par-dessus histoire que le message soit bien clair. Coldris fit pénitence. Durant le diner, il se montra de bonne compagnie, jovial comme d’ordinaire. Il était même particulièrement heureux, car entre le potage et la viande, il avait réalisé quelque chose qui avait illuminé sa soirée : Virgil avait raison. Il devait ranger son impulsivité au placard et utiliser son esprit. S’il n’avait pas été aveuglé par sa colère, il aurait vu la faille immédiatement et il se serait incliné poliment sans tergiverser.
***
Une fois les salons désertés, il patienta le temps nécessaire pour que l’activité dans les couloirs cesse, puis il s’extirpa hors de sa chambre à pas de loup pour se rendre dans celle de Psyché. Il entra discrètement et lui adressa un grand sourire en réponse à son regard excédé par cette audace quasi suicidaire. Il s’assit au bord de lit, où elle était déjà bien installée sous son épais édredon de duvet. Son index la fit taire tandis qu’il embrassait son front.
- Ton cousin n’a pas parlé des autres pièces. Ni des autres lits. Notre bon procureur Virgil d’Aussevielle vous confirmera que je suis donc dans mon plein droit
Alan avait fait preuve de négligence quant au choix de ses mots. Comme avec sa flèche. C’était tant pis pour lui. Pour une fois cela l’arrangerait bien. Il l’installa entre ses bras, prit le livre sur la table de chevet et lui fit la lecture jusqu’à ce qu’elle s’endorme.
30 Novembre 1566,
Aurélia devait aller chasser et lui devait rester. Son épaule n’était pas près d’être guérie avec ses idioties de la veille. Il soupira et pria pour que la bête soit rapidement achevée. La journée s’annonçait atrocement longue. Heureusement que le château était doté d’une bibliothèque fournie pour parer aux longues soirées d’hiver... ou de convalescence. Il l’avait tout de même accompagnée avec joie jusqu’à l’écurie. Alkaios n’avait pas été franchement ravi de voir son compagnon gris partir quand lui restait enfermé dans sa stalle. Coldris le gratifia d’une caresse sur le chanfrein : il le comprenait parfaitement et regrettait lui aussi d’être cloitré dans la demeure. Il la suivit ensuite dans la cour où il lui tint la bride le temps qu’elle puisse monter sur son petit sang arabe. De dernières paroles d’encouragements et elle quitta le gris du manoir pour l’horizon blanc. Il demeura ainsi, seul dans la cour jusqu’à ce qu’il ne distingue plus sa chevelure blonde au loin. Il retourna alors dans les écuries où il prit soin de panser son étalon de sa seule main valide pour s’occuper l’esprit. L’imaginer aux côtés de Quentin, lui tordait les boyaux, mais il n’y avait rien qu’il puisse faire. Il soupira et le cheval le gratifia d’un petit coup de tête dans son épaule droite.
***
Il avait pris tout son temps. La compagnie du cheval l’apaisait, lui, ses doutes et ses angoisses. Mais lorsqu’il avait été parfaitement reluisant, il n’avait plus eu d’autre choix que de rentrer. Sur le trajet vers sa chambre, il croisa Solange d’Ovant qui l’invita ou plutôt lui intima de venir lui tenir compagnie, ce qui l’accepta avec grand plaisir et une pointe d’appréhension. Il remonta prendre un bain, puis redescendit dans le salon, accompagné des présents qu’il avait apportés.
- Ma chère Solange ! Vous ne pensiez tout de même pas que j’étais venu les mains vides n’est-ce pas ?
Il lui adressa un sourire taquin et poursuivit
- Non, vous le saviez ! Vous attendiez juste le bon moment ! Enfin entre nous, la prochaine une invitation suffira, pas besoin de me blesser. répondit-il avec une profonde ironie, car il ne doutait pas qu’elle soit parfaitement innocente malgré leurs différends épistolaires.
Il posa sur la petite table à ses côtés un livre et une belle bouteille de verre sombre. Quant à lui, il s’installa à ses côtés, se servit une tasse de café qu’il agrémenta de whisky et de laudanum. Pour la douleur avait dit le médecin, et il avait mal partout : à l’épaule et surtout au cœur.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Aurélia, 16 ans
Elle n’aurait pas voulu être Héra. Cette déesse trop stricte, plus jalouse qu’amoureuse, devenue presque paranoïaque à force de craindre que son époux n’aille voir ailleurs. Ce qu’il faisait d’ailleurs dans tous les cas. Mais c’était justement pour ça qu’elle ne lui avait pas donné Zeus pour nom en premier lieu. Et effectivement, il n’aimait pas sa femme. Décidément, Héra ne lui correspondait pas. Léto, Sémélé, Europe, Callisto et les autres maîtresses du Dieu ne lui disaient rien non plus.
Blottie contre lui, elle avait passé ses bras autour de sa taille, les mains à plat dans son dos, pas trop près de sa blessure quand même. Elle ferma les yeux pour mieux écouter son cœur battre contre son oreille, humer l’odeur qu’il dégageait, sentir ses mains dans ses cheveux, et entendre sa voix lui dire toutes ses belles choses qui la faisaient fondre d’amour pour lui. Elle voulait bien être cette Aurélia dont il avait choisi le nom.
Lui était son Zeus, son Jupiter, son Eros, le Mars qui l’avait enlevée à Vulcain, le Vulcain qui l’avait dérobée à un Héphaïstos. Il était le gentilhomme frondeur des quais, le dieu joueur des jardins, l’hôte taquin et entreprenant d’un soir, le grimpeur secret du mauvais balcon, le chasseur infortuné touché par Apollon, le compagnon amoureux de ses balades équestres. Le voleur de baisers enfiévrés. L’énigmatique correspondant. Il était Coldris enfin, parce que malgré tout, c’était son nom, le vrai, bien à lui, qu’elle préférait, qu’elle prononçait souvent, qu’elle aimait.
Elle quitta à regret, malgré le baiser qui y mit fin, son étreinte chaleureuse, sans se douter que quelques heures plus tard, elle aurait la surprise de le voir pousser la porte de sa chambre, pour venir lui tenir compagnie en toute impunité.
Au petit matin, elle se souvenait de s’être endormie avec lui, mais il n’était pas près d’elle. Il avait eu la sagesse de retourner à ses pénates au moins. Et elle eut la surprise de le voir debout, en assez bonne forme pour l’accompagner jusqu’au départ de la chasse – au renard cette fois. Quand elle quitta la cour après un dernier signe de la main, elle se demanda s’il avait remarqué le mouchoir qu’elle avait glissé dans sa poche à la faveur d’une inattention de sa part. Nul doute que le mot à l’intérieur l’occuperait un peu pendant la journée...
***
Solange d’Ovant était ravie d’avoir de la compagnie. Elle n’avait certes pas été délaissée ces deux derniers jours Elena étant restée elle aussi au manoir avec Démétrius, son bébé. Mais ce jour-là, la jeune femme avait préféré accompagner son mari, et avait confié le bébé à Solange. Près du feu, quand Coldris descendit, il y avait donc un berceau dans lequel dormait un bébé, et que la tante d’Aurélia s’amusait à balancer du bout du pied.
Elle sourit largement en voyant Coldris arriver, avec des petites gâteries. Elle n’en attendait pas moins de lui.
- Vous m’auriez déçue si vous n’aviez rien amené. Je commençais à manquer de votre fameux whisky. Où le trouvez-vous donc ? il est Irlandais ? ... Oui, mon fils vous a joué un tour pendable. J’en suis bien désolée, et même davantage. Votre épaule ne vous fait plus trop souffrir ?
Elle lui fit signe de s’asseoir et le regarda avec amusement se fabriquer un petit cocktail bien requinquant.
- Je ne suis pas sûre que le laudanum mêlé au whisky soit un très bon mélange, se crut-elle obligée de dire, alors qu’elle-même remuait dans sa tasse un porto teinté de quelques gouttes de café. Quel est donc ce livre, que vous promenez ? le connaîtrais-je par hasard ?
Elle jeta un œil sur la couverture, sans cesser de balancer le berceau, et son œil pétilla. Mais elle laissa à Coldris le soin de s’expliquer à propos de l’ouvrage.
Il y avait entre eux une espèce de complicité, telle qu’on pouvait en trouver entre deux personnes ayant enfreint les règles à plusieurs reprises, et absolument pas repentantes sur ce point. Elle doutait cependant qu’il ait enfreint les mêmes règles qu’elle. Sa compagnie était rafraîchissante loin de la bienséance guindée d’Isabelle et de la société Monbrinienne en général. Mais entre eux, il y avait aussi Sophie, ou Aurélia comme il l’appelait, et Asoana de Valmartin. Et il faudrait aborder cet épineux problème à un moment ou à un autre. Pas tout de suite. Pas si brusquement. Qu’ils plaisantent un peu avant de passer aux choses sérieuses.
- Dites-moi un peu, votre chambre est-elle assez chauffée ?
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
La chambre double, Baudelaire
À défaut de pouvoir aller chasser avec Aurélia, il tiendrait compagnie à sa tante Solange. Une femme qu’il appréciait pour son franc-parler et leur amour commun de certains divertissements. À bien y réfléchir, c’était l’une des seules femmes qu’il fréquentait sans la moindre arrière-pensée déplacée, simplement pour le plaisir de converser. Avec elle, il n’avait pas besoin de paraitre. Simplement d’être. Elle lisait de toute façon en lui comme dans un livre ouvert et il ne se serait jamais permis de lui mentir. Coldris ne perdit pas de temps à s’appesantir sur le berceau qu’elle remuait du bout de son pied. Il avait les bras chargés de présents sélectionnés tout particulièrement pour leur hôte.
Il eut un sourire à sa répartie sur le whisky. Il fallait dire qu’il était sans doute devenu l’un de ses plus fidèles serviteurs en l’espace de quelques semaines.
- Vous avez donc un faible pour les roux, ma chère tante ? répondit-il d’un ton enjôleur C’est un irlandais, en effet. Quelque peu âgé pour tout vous dire, mais c’est ce qui lui donne ce charme inimitable que vous ne trouverez nulle part ailleurs.
Quant à lui répondre sur sa provenance. Cela restait son secret. On ne trouvait pas sur le marché de pareilles bouteilles. Il se fournissait ailleurs.
– Ce n’est pas mon épaule qui me fait le plus souffrir dans cette blessure. Mais je me console avec les soins portés par mon infirmière dévouée.
Il savait pertinemment que le sujet allait retomber sur le tapis d’un moment à un autre. Il se souvenait encore pertinemment des mots de sa dernière lettre. Des mots tranchants et justes comme toujours. Il se prépara donc un petit cocktail de son cru avant d’aller croquer la pomme de la discorde. Café – whisky – Laudanaum. Il haussa les épaules.
– Laissez-moi être votre cobaye, je vous dirai s’il est si effroyable que vous le pensez.
Tout en remuant son breuvage d’une petite cuillère d’argent, il remarqua l’œil curieux de son hôte tenter de percer les mystères de cet ouvrage aussi extravagant que son alcool.
– C’est un roman épistolaire. Il m’a semblé que vous étiez particulièrement friande de correspondances épicées. commenta-t-il sans cesser de faire tourbillonner son remontant Les Lettres Djerdannes c’est son titre. Un jeune auteur prometteur que j’ai eu l’occasion de rencontrer au détour d’un salon le mois dernier. Je ne vous dévoile pas toute l’intrigue, mais sachez que vous devriez trouver de quoi occuper vos longues soirées d’hiver. Cette édition est même agrémentée de quelques gravures... il lui adressa un sourire entendu.
Pour l’avoir lui-même parcouru, il ne doutait pas qu’elle en apprécierait le contenu pour le moins grivois de cette romance sur fond de harem.
- Dites-moi un peu, votre chambre est-elle assez chauffée ?
Coldris suspendit son mouvement pour lui adresser un regard suspicieux. À quoi faisait-elle référence ? À ce jour où Alan les avait surpris sur son lit ? Ou à cette nuit où il s’était éclipsé dans la chambre d’Aurélia pour lui faire lecture ?
– Il suffit de remettre une buche dans l’âtre pour chauffer une chambre. C’est mon lit qui reste froid la nuit. Et il n’a pas pour habitude de l’être.
Ce n’était pas comme si elle ignorait son penchant pour la luxure. C’était la plus pure des vérités : il s’endormait rarement seul. Il avait même été tenté de rester à ses côtés jusqu’au petit matin, mais s’il était audacieux, voire intrépide, il n’était pas suicidaire pour autant. Il s’était donc contenté de la garder dans ses bras un long moment avant de trouver le courage de la déposer sur son oreiller et de la quitter d’un baiser.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Solange d'Ovant (née de la Contrie)
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Elle sourit malicieusement à l'évocation des roux Irlandais. Mais elle n'allait pas cacher son penchant pour l'exotisme occidental. Elle attendit pour cela qu'il s'assied.
- Les roux sont fascinants. On leur prête souvent des origines maudites voire carrément démoniaques. J'ai connu des roux qu'on aurait pu qualifier de... comment dire... endiablés. Mais certainement pas à cause de leurs racines...
Mutine, elle plongea le nez dans sa tasse, en l'écoutant se plaindre de sa douleur à l'épaule. Ou plutôt des origines de son mal. Voilà donc qu'Aurélia était garde-malade à présent. Quels rôles sa nièce n'endosserait-elle pas pour ce grand dadais frivole et boute-en-train ? "celui de l'épouse assurément..." songea-t-elle avec une pointe d'amertume qui n'avait rien à voir avec le trop peu de café qui se trouvait dans son breuvage.
Il évoqua ensuite le roman. Lettres Djerdannes. Intéressant. Elle posa sa tasse pour s'en emparer. Admirer la couverture, feuilleter et lire quelques mots deci delà. Tout cela semblait fort irrévérencieux, et elle allait se faire un plaisir de se le faire lire par la pudique Elena. Virgil lui en serait certainement reconnaissait par la suite. Elle verrait le succès de son entreprise au nombre d'enfants qui viendraient après Démétrius.
- C'est fort généreux de songer à mon divertissement, jeune homme, le remercia-t-elle en reposant le livre entre eux. Quoique ce soit fort peu bienséance d'offrir à une toute jeune fille comme moi, des présents aussi tendancieux. Que dirait mon père, je me le demande ! Le pauvre, il doit se retourner dans sa tombe.
Après cette petite plaisanterie à cheval entre l'innocence et l'effronterie (mais à son âge vénérable et quand on s'appelait Solange d'Ovant ce n'était qu'une olive dans un vaste cocktail d'alcool), elle s'amusa beaucoup de sa réponse à sa question. Bien sûr, le véritable propos n'était pas d'alimenter le feu. Du moins, pas celui de la cheminée. Elle se leva pour regarder dans le berceau. Démétrius dormait comme un bienheureux. Elle se rassit, et tendit un plateau de gâteaux secs à son compagnon de beuverie.
- Savez-vous que lorsque j'avais votre âge, j'ai été invitée à la cour par la reine mère elle-même ?
A première vue, cette histoire n'avait rien à voir avec les cheminées et la fraîcheur des chambres. Mais Solange poursuivit.
- Le roi alors, n'était pas marié. Enfin, pas tout à fait : on lui soupçonnait un mariage secret, qui en fait n'était qu'une rumeur, mais qui lui servait de prétexte pour courir le palais, la nuit. Si vous voyez ce que je veux dire. Eh bien, ce soir-là, la reine (mère), qui ne voyait pas plus loin que le bout de son nez s'est demandé s'il ne faisait pas un peu trop froid dans sa chambre, car elle pensait sincèrement qu'il descendait au salon pour dormir. Par la suite, j'ai su qu'on avait fait construire un âtre immense dans la chambre de sa majesté et qu'on pouvait y faire brûler un tronc de chêne entier. C'est incroyable ce que la stupidité et l'aveuglement des mères peut aller inventer parfois !
Levant les yeux au ciel, elle trempa le bout de son gâteau dans son porto et le porta à ses lèvres avec gourmandise, tout en affectant un air scandalisé. Après quoi, elle ajouta :
- Heureusement, je ne suis pas la mère d'Aurélia. Mais veillez bien à mettre des pantoufles quand vous sortez de votre chambre, les couloirs de sont pas chauffés : que dirait-on de moi, si en plus de vous être pris une flèche, vous auriez attrapé un rhume chez moi ? Non franchement, mon cher, ce n'est pas raisonnable. Quand vous sortez, couvrez-vous un peu.
Elle reprit un gâteau alors qu'elle finissait à peine le premier. Et comme pour s'excuser, les désigna du doigt :
- N'allez pas croire que je suis gourmande. C'est un devoir de mémoire envers mon mari de les manger, et presque goulument encore. Il en était fou à un point ! vous ne pouvez pas imaginer ! bon, mais dites-moi : quand est-ce que vous comptez lui dire ?
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Solange commentait son attrait pour les roux d’un air malicieux. Attrait que Coldris approuvait forcément pour se souvenir de certaines de ses maitresses pour le moins… Flamboyantes. Il se plut à l’imaginer vingt ans plus tôt, lorsqu’elle avait alors son âge. Que faisait-elle donc à cette époque ? Elle ne devait certainement pas tromper son ennui dans son whisky ou son café. Il lui adressa un regard amusé et détailla un peu plus le charmant présent qu’il avait apporté. Un clin d’œil, tant à leur correspondance violée par son irrévérencieuse curiosité qu’une marque d’attention très personnelle. Aurélia n’avait pas manqué de l’entretenir du genre de lecture qu’elle aimait, bien loin de ce que lui appréciait personnellement. À quoi bon lire des récits que l’on pouvait vivre ?
- Tout le plaisir est pour moi. J’imagine que l’on doit penser que la terre tremble au niveau de sa sépulture tant il passe son temps à se retourner. Pauvre homme qui ne connait pas de paix dans son trépas… Au pire, vous pourrez toujours allumer la cheminée avec.
Mais il ne doutait pas un seul instant qu’elle lirait de bout en bout l’œuvre. Peut-être qu’à terme il finirait également par devenir son libraire attitré en plus de lui sélectionner de bonnes bouteilles? D’autant plus qu’il s’agissait toujours de cadeaux utiles qu’elle pouvait utiliser de multiples façons, comme pour se réchauffer par exemple. Chose qu’il aurait sans doute dû faire lui-même aux vues de ses dires. Il cherchait toujours où elle voulait en venir lorsqu’elle lui proposa un petit gâteau sec qu’il n’eut pas le courage de décliner. Il écouta donc son récit avec une certaine curiosité, entre deux gorgées de whisky-laudanum-café - dans cet ordre -. Il s’enfonça dans son fauteuil et se laissa porter par cette anecdote qui avait tout l’air d’une légende à la morale douteuse. Où voulait-elle donc en venir ? Ah c’était donc cela ! Elle avait surpris sa petite escapade nocturne. Avec Solange, on ne savait jamais bien sur quel pied danser. Difficile de dire si elle approuvait ou réprouvait sa conduite. Il s’était souvent fait piéger à ce petit jeu. Mais elle au moins, le comprenait un minimum. Une fois la chute tombée, il osa poser la question qui lui brulait les lèvres:
- Entre nous, avez-vous eu l’occasion de constater ces dires ? demanda-t-il d’un sourire fripon.
Coldris était toujours avide de ragots aussi croustillants que ce petit biscuit à la cannelle qu'il croqua à pleines dents. Ce n’était d’autre part certainement pas lui qui se permettrait de juger les mœurs légères de certains, bien au contraire ! La vie était courte, il fallait en profiter !
- Si j’étais sa mère, reprit-il en levant son biscuit par réflexe J’aurais vérifié en premier lieu les cuisines. Les insomnies ont tendance à affamer, je puis vous l’assurer. En tout cas, je vous remercie de la sollicitude dont vous faites preuve à mon égard. Il se pencha pour embrasser brièvement sa joue Mais… Pour tout vous avouer, j’aime cheminer pieds nus que ce soit sur les glaciales dalles de pierre ou sur le tiède parquet. compléta-t-il avec malice.
Il avala le restant de son biscuit qu’il fit passer avec une gorgée de son remontant maison. La tasse vide, il s’extasia un temps sur le marc qui s’était déposé au fond de la porcelaine dans d’étranges dessins puis reprit avec son habituel ton mêlant espièglerie et provocation.
- Je parie qu’il y a des judas dans chaque chambre de ce château. Et surtout dans la sienne. Je suis navré que vous n’ayez rien eu de plus piquant à vous mettre sous la dent que la lecture d’un roman d’aventures somme toute très banal.
Il préférait mettre les points sur les « i » tout de suite, puisque l’on s’évertuait à suspecter que ces visites avaient un but bien moins platonique. Et quelque part, cela l’agaçait. C’était déjà suffisamment compliqué de s’y tenir pour que l’on ne vienne pas en plus remettre sa parole en doute chaque jour. Coldris se servit un verre de Porto, par pure curiosité. Il le fit tourner dans sa coupe, admirant ces nuances cramoisies tandis que Solange commentait sa gourmandise. Et le couperet tomba. Son poignet cessa les petits mouvements circulaires qui faisaient tourbillonner le spiritueux.
- Je devrais remercier votre fils de m’avoir pris pour un cerf, puisqu’il m’a offert un sursis inespéré grinça-t-il en ce rémémorant ses dernières paroles avant l'impact.
Il soupira et se laissa tomber dans son fauteuil avant de se donner du courage avec une lampée d’alcool.
- Avant de partir. fut sa réponse.
Il porta à nouveau son verre à ses lèvres.
- Hier, elle m’a rebaptisée Zeus. -mais vous le savez sans doute déjà, puisque vos oreilles sont partout-. du rictus acide, il passa au sourire triste Je lui ai expliqué qu’elle ne pouvait pas être Héra, sa femme, si jalouse et qu’il n’aimait pas. Mais qu’elle serait Aurélia, la seule maitresse qu’il aima jamais.
Il n’avait pas quitté des yeux le breuvage pourpre. Est-ce que cela rendrait ses aveux plus faciles ? Il l’ignorait. Il soupira, maussade.
- Vous savez, le pire dans tout cela, c’est qu’elle risque de croire que je me suis jouée d’elle, alors que je n’ai jamais été aussi honnête. Tout le monde s’inquiète de son cœur que je vais briser, mais personne du mien qui devra en plus porter la culpabilité de l’avoir blessée.
Il vida cul sec le contenant et se resservit aussitôt.
- Je suis le grand coupable dans cette histoire. Mais les romains ont raison, c’est la faute d’Amour et de ses foutues flèches qui vous transpercent. Croyez-vous réellement que ce fut un choix de ma part ?
Il expira brièvement et passa ses égarements dans son verre, morose. Ses pensées galopèrent vers Aurélia qu’il imaginait riant aux éclats aux mots sans esprit de Quentin. Ses mâchoires se serrèrent et il ne trouva aucun autre moyen de faire passer la boule qui grossissait dans sa gorge, que de boire une nouvelle gorgée. Pourquoi s'était-il resservi du Porto? Il avait besoin de quelque chose qui pourrait lui bruler le gosier jusqu’à ses boyaux.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Solange d'Ovant (née de la Contrie)
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Allumer la cheminée avec un livre ! Allons bon ! elle leva les yeux au ciel. Croyait-il qu'elle commettrait pareil crime ? Si on lui offrait un livre qui ne la tentait pas, elle trouvait toujours quelqu'un que cela intéressait et elle lui en faisait cadeau, en s'assurant que celui qui lui avait offert en premier lieu n'en sache jamais rien, et qu'il croie qu'elle l'avait bien lu et apprécié.
- Vous avez une bien piètre opinion de la lectrice que je suis...
En enchaînant sur son anecdote royale, elle repensait à cette soirée hilarante à la cour. Tout le monde savait pour les escapades du roi. En fait, tout le monde savait même qui était les "heureuses élues". Parce qu'il n'y en avait pas qu'une. Et on s'amusait beaucoup à observer la reine en présence des demoiselles ou dames concernées, qui cachaient fort bien leur jeu, au demeurant, en faisant semblant de s'inquiéter, comme la reine, de la santé du souverain coureur de jupons. Il y avait eu des paris aux dés ce soir-là, des danses entraînantes et des vins excellentissimes. Elle y avait d'ailleurs rencontré un irlandais fort sympathique, et fait la connaissance pour la première fois, du sieur Whysky. Un délice, cette soirée. Elle sourit en y repensant.
- Je ne répondrai pas à cette question, monsieur de Fromart. Vous parviendrez bien assez tôt aux marches du trône pour vérifier par vous-même ce qu'il en est de cette fameuse cheminée.
A vrai dire, elle savait elle. Mais comment, et pourquoi, elle n'allait certainement pas le dire tout de suite. Et s'il s'étonnait que cette cheminée ne soit pas plus réputée ou citée comme un objet de curiosité ou d'anecdote, eh bien, il avait le choix entre croire qu'elle venait de lui raconter une fable, ou bien que cette histoire touchant de près la couronne, on en avait tu les tenants et les aboutissants pour préserver certaines réputations. Peut-être qu'un jour, quand il verrait, il viendrait la revoir pour rire avec elle, et alors elle lui raconterai. Mais ce n'était ni le lieu, ni le moment approprié.
Elle accueillit son baiser en tendant la joue avec un petit air malicieux. Ce Coldris savait décidément fort bien jouer de sa personne.
- Pieds-nus en plein hiver, voyez-vous ça ? Vous savez qu'on entend mieux un pied nu qui frappe le sol qu'un pied enveloppé dans une chaude laine ? mettez au moins des chaussettes. Ce serait vraiment dommage qu'Aurélia attrape un rhume elle aussi parce que vous aurez refroidi son lit, n'est-ce pas ?... Et non, je n'ai pas pour habitude d'espionner mes hôtes, encore moins lorsqu'ils sont de ma famille. Seulement, je mets un point d'honneur à les connaître assez bien et à anticiper leur réaction. Je sais comment est Aurélia, et qu'elle ne fera rien d'inconsidéré hors mariage. Je n'ai donc aucune crainte à ce sujet, puisque vous l'aimez.
Après son léger aparté sur son défunt mari, elle attaqua brusquement sur le sujet fâcheux de leur entrevue, et observa sa réaction, pince sans rire. Elle s'était déjà excusée pour lui, elle n'allait pas recommencer. Une fois était bien suffisant. en revanche, apprendre qu'il comptait se lancer à ce moment-là était fort instructif. Elle ne fit cependant aucune réflexion, accompagnant seulement son écoute d'un regard appuyé et attentif, qui disait : "continuez, j'écoute". Après, elle laissa passer un silence, dans lequel le feu crépita alors qu'une bûche à demi-consumée tombait.
- Je préfère votre nouvelle résolution d'attendre le dernier jour. Ce sera plus difficile, sans doute. Mais tous les deux aurez pu profiter ensemble de quelques jours de répit, même si elle ne se doute de quasiment rien. De mon côté, j'ai aussi essayé de la mettre en garde contre le destin, contre vous - ne vous en déplaise - mais que voulez-vous, l'amour est aveugle et sur ce point, on ne peut en douter, elle s'est bel et bien entichée de vous, cette idiote. (Elle soupira) C'est malheureux que vous ne vous soyiez pas croisés plus tôt. J'aurais pu arranger les choses en votre faveur à tous les deux, mais il semble qu'un mariage avec la Valmartin vous soit plus profitable qu'avec Aurélia. Il faudra donc en passer par deux cœurs brisés.
Elle posa sa tasse sur la table et y versa quelques gouttes du whisky apporté par Coldris, qu'elle huma ensuite d'un air appréciateur. Ce qu'il disait sur son propre état d'esprit après l'aveu qu'il devrait faire, était tout à fait compréhensible. Solange se doutait bien qu'Aurélia ne serait pas la seule à en pâtir, mais malgré tout, Coldris savait, lui, depuis le début ce qu'il en était, et il avait fait l'erreur de ne pas lui dire. Tout comme Isabelle lorsqu'elle avait appris les fiançailles Fromart-Valmartin. Solange se demandait toujours pourquoi Isabelle n'avait pas protégé sa fille au lieu de la laisser s'engouffrer dans la gueule du loup.
- C'est pour cette raison que je me méfie aussi de vos voyages nocturnes : vous ne faites rien de mal en soi, que lui compter fleurette, et ça m'est bien égal. Mais vous devez comprendre que tout le monde n'est pas vous, et la société ne vous pardonnera pas d'avoir déshonoré une demoiselle ayant toutes les chances de faire un excellent mariage. Tout l'entourage d'Aurélia sait que vous êtes fiancé, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle ne l'apprenne, et c'est même déjà bien étonnant qu'elle n'en ai rien su jusqu'à présent. Quoiqu'il en soit, lorsque vous lui direz, attendez-vous à ce qu'elle s'éloigne de vous, physiquement ou émotionnellement. Les deux peut-être. Certainement. Isabelle en profitera. Je ne sais pas encore comment : elle la fiancera probablement à ce bénêt de Quentin. Et quoique je ne m'en réjouisse guère, ce sera probablement la meilleure chose qui pourrait arriver à Aurélia après votre rupture (oui, c'en sera une, ne me regardez pas comme ça), d'un point de vue social. Or, Quentin, ni personne, ne voudra pas d'elle si elle est compromise.
Elle ne doutait pas qu'il comprendrait. C'était dur. C'était injuste. C'était la société dans laquelle ils vivaient. Avec ses règles et ses carcans, qu'on pouvait enfreindre pour soi, mais qu'on ne pouvait pas faire enfreindre aux autres sans risquer de graves conséquences. Solange en avait fait l'expérience par le passé, et c'était sans doute la raison pour laquelle son nom, à Braktenn, n'était plus prononcé que dans certains salons bien informés, et qu'elle ne sortait plus que rarement de son manoir du moulin, bien qu'elle y tienne un salon discret mais fourni. Il n'y aurait plus, pour elle, d'invitations à la cour ou à de grandes fêtes privées. Son temps était terminé.
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Re: [RPs flashback 1566-1569] Les amants de Braktenn
Parvenir à arracher mon si vilain cœur
Comme tu le fis avec cette folle ardeur
N'y laissant qu'un brasier de dévorantes flammes.
A ton oreille, j'y confierai tous mes drames,
Mes angoisses et mes craintes et mes terreurs.
Pour que tu chasses ces démons pleins de rancœur,
Harcelant le fortin fissuré de mon âme ;
Toi, dont un seul regard apaise mes tourments
Qui sans cessent m'assiègent inlassablement.
C'est dans tes deux océans que je me noierai
Et dériverai vers ces si tendres rivages
Bordés de lilas et de lumières moirées
Où j'y demeurerai jusqu'à la fin des âges
A Aurélia, Coldris
Elle était outrée par sa remarque sur les livres et lui ne s’en amusa que plus. Il aimait provoquer, il ne pouvait pas s’en empêcher. Lorsque l’on pouvait se promener -et s’embrasser- dans les rayonnages si fournis d’une si belle bibliothèque, il se doutait bien qu’elle devait avoir un certain respect de ces ouvrages si chers payés.
- Jamais de la vie, ma chère Solange. Ce n’est que pure pragmatisme hivernal de ma part. ne put-il s’empêcher de rétorquer avec ironie.
On passa des mythes écrits aux mythes oraux. Après tout, toutes les bonnes légendes commençaient ainsi : par un récit au coin du feu. Il ne put cacher sa déception face à la rétention de ces détails dont il imaginait sans mal, qu’il s’agissait de la partie la plus intéressante qu’on lui dissimulait.
- Vous m’en voyez fort déçu. répondit-il boudeur Mais croyez bien que ce n’est que partie remise. Vous connaissez ma tenacité légendaire.
Elle n’avait cependant pas tort : il trouverait bien le moyen de s’approcher suffisamment du souverain pour lever le voile sur cette fable qui l’intriguait désormais par le simple flou qu’elle générait. Quant à son inquiétude pour ses pieds glacés, il ne put s’empêcher de sourire, notant l’information dans un coin de son esprit. Plus pour la discrétion que pour sa santé de fer. Mais comme toujours, ce fut d’un regard mutin qu’il ajouta :
- Encore faudrait-il que j’aille coller mes pieds glacés contre une quelconque partie de son corps. Et pour tout vous dire. Je préfère utiliser mes mains… Pour caresser son joli visage, bien entendu.
Ils abordèrent alors le sujet fâcheux. La pomme de la discorde. Cette épine dans le pied. Cette épée de Damoclès. Cet aveu tant redouté qui l’incitait à se noyer dans toutes sortes de mélanges éthyliques douteux. Coldris se perdait dans son verre, tandis que le silence, ponctué de quelques crépitements s’allongeait. Il soupira une énième fois et écouta ce que Solange avait à y redire. Il ne savait jamais ce qu’elle pensait réellement. Elle le poussait à tout avouer et la voilà maintenant qui soutenait qu’il devait attendre l’ultime moment. Cela n’avait pas de sens. Il prit une nouvelle gorgée. Elle avait tenté de prévenir Aurélia, et il était ravi qu’elle ne l’ait pas écoutée. Il était certain qu’elle aurait cru que tout cela n’avait été qu’un vaste jeu pour lui. Une interminable partie de chasse dont elle aurait été le gibier. Il rinça à nouveau son gosier, le regard perdu dans l’âtre aux flammes dansantes et hypnotisantes.
Lorsqu’il entendit le nom de sa fiancée, ses mâchoires se crispèrent et il acheva de vider son verre qu’il posa sur la petite table avant de se laisser tomber, tête sur les genoux de Solange, comme l’aurait fait un petit garçon sur ceux de sa mère. C’était du moins ce qu’il imaginait car pour lui, tout ceci était bien étranger. Un vaste mythe qui aurait fait passer l’anecdote de la cheminée pour une évidente réalité.
Solange se trompait. Il se fichait éperdument de l’avantage social qu’il pouvait en tirer. Il ne voulait pas épouser Aurélia car ce n’était pas ainsi qu’il concevait son amour pour elle, mais s’il avait pu se défaire de ses engagements, il l’aurait fait sans aucune hésitation. Coldris se laissait bercer par le son de sa voix qui avait le don de laisser son esprit s’égarer et s’envoler.
A moins que ce ne soit son cocktail maison. Oui c’était sans doute cela, car la lassitude le gagnait en même temps qu’une forme de légèreté. Ce qui ne l’empêchait pas pourtant de suivre chacun de ses mots avec attention.
Comme à chaque fois, on ne savait pas bien si c’était du lard ou du cochon.
Cela lui était bien égal, mais elle s’inquiétait qu’on le surprenne.
Cela lui était bien égal, mais elle l’encourageait presque dans son entreprise.
Cela lui était bien égal, mais elle craignait pour l’honneur de sa nièce.
Elle n’avait pas de doute sur ses intentions mais elle envisageait le pire.
Une buche craqua dans une gerbe d’étincelles. Le pensait-elle sot ? Evidemment qu’elle allait s’éloigner. Elle le maudirait jusqu’à la fin de ses jours et lui l’aimerait jusqu’à la fin des siens. Ce serait sa croix pour avoir eu l’orgueil de se croire supérieur à l’amour.
« Isabelle en profitera certainement ». Il y avait quelque chose dans cette phrase. Quelque chose d’étrange. C’est vrai, il s’était toujours demandé pourquoi sa mère l’avait laissée dans l’ignorance. Que pouvait-elle y gagner ? Il se rappela subitement de son regard, dans l’embrasure de la porte au Manoir du Moulin… Le jour où il avait humilié ce benêt de Quentin qui espérait l’épouser. Il grinça des dents en écoutant sa conclusion et lâchant acidement :
- Alors je devrais mettre un terme à cette stupide promesse sur le champ. Parce que moi, je voudrais toujours d’elle.
Et ce serait bien fait pour Quentin qui voulait la posséder comme Alan s’enorgueillissait de ses sauvages les limiers ! S’il ne voulait pas d’elle après cela, c’était qu’il ne la méritait pas.
Ce qui était l’évidence même.
- S’ils ont le moindre doute, ils n’auront qu’à vérifier que je n’ai pas touché à leur marchandise.
Il expira brièvement aigri par ces considérations sociales autant que cette hypocrisie latente qui le révulsait. Ses mots étaient durs, mais il reflétait pourtant la réalité de leur monde.
Vous voulez que je vous dise, Solange ? Vous vous trompez. Si j’avais pu me défaire de mes engagements, je l’aurais fait. Pour elle et pour personne d’autre. Je ne veux épouser personne. Encore moins Aurélia. Parce que moi, je l’aime vraiment contrairement à ce gourdiflot qui n’arrive sans doute pas à le décliner en latin sans fautes. Je l’aime tellement que je ne peux rien lui souhaiter d’autre que d’être libre de m’aimer ou de me quitter. Les oiseaux n’ont rien à faire dans une cage, aussi dorée soit-elle. Et pourtant, malgré tout cela, si elle m’avait obligée à lui passer la bague au doigt, je l’aurais fait. Parce que je suis faible face à elle. Terriblement faible. il leva les yeux pour croiser les siens L’amour rend faible, Solange. Et je suis terriblement amoureux d’elle. il fit une courte pause, le temps de rassembler les pièces de son cœur qui s’érodait déjà Je la voudrais tellement libre, que je lui accorderai même le droit d’aller voir d’autres hommes, tant qu’elle n’aime que moi. Mais savoir que cette grosse limace baveuse posera ses mains - et plus encore- sur sa peau, me donne juste envie de lui enfoncer ma lame dans le corps.
S’il avait chassé le gibier boiteux, il l’aurait achevé d’une flèche en plein cœur. Et il était suffisamment bon archer pour le faire.
Cependant, ces considérations en faisant naître d’autres puis d’autres encore et ainsi de suite dans un immense effet boule de neige dont il était coutumier, il commençait à entrevoir une solution. Elle épouserait Quentin, il le tuerait et il en ferait de même avec sa femme si cela s’avérait nécessaire.
Oui.
C’était juste ce qu’il fallait. Il n’avait de tout façon pas les mains propres. Un peu plus ou un peu moins.
Le dernier verre de porto avait peut-être été de trop. Ou bien, au contraire, il n’en avait pas pris encore assez. Quoi qu’il en soit entre l’alcool et l’opium, de nouvelles possibilités commençaient à s’esquisser dans son esprit bouillonnant et cela le requinquait. Il se redressa d’ailleurs sur son coude valide, le regard plus vif qu’il ne l’avait été, car toutes les pièces semblaient peu à peu trouver leur place.
-Ne cherchez pas plus loin, ma chère tante, c’est moi qu’Isabelle veut. Elle espère que je blesse suffisamment Sophie pour avoir ce qu’elle veut. Mais elle ne m’aura jamais. Car ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Elle n’aura rien d’autre qu’une froide vengeance de ma part.
Il se releva complètement pour se rasseoir enfin. Ce serait peut-être une rupture, mais cela ne signifiait pas pour autant que la partie serait terminée. Il inclina la tête, sourire malicieux retrouver de même que ses prunelles étincelantes.
-Vous pensez vraiment que je vais m’arrêter là Solange ? C’est bien mal me connaitre ! Vous savez pourtant que j’aime passer par les fenêtres lorsque l’on ferme les portes. Si je dois la reconquérir une nouvelle fois, je le ferai. Et je recommencerai autant de fois que nécessaire, jusqu’à ce qu’elle ne veuille plus de moi. Et là...
Il se leva du petit canapé pour conclure d’un ton théâtral :
-...Et là… Je me jetterai du haut des falaises de Lodmé !
Sur ce, il enfonça ses mains dans ses poches, à la fois plein de fierté et de nonchalance. Dans l’une de ses poches, il sentit quelque chose qui n’avait pas lieu d’être. Un petit carré de soie qu’il aurait reconnu entre mille. Il le froissa entre ses doigts, un large sourire lumineux au bord des lèvres. Entre les plis et replis du tissu, il avait perçu la présence d’un petit billet et son cœur s’était envolé.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Liens et RPs : ✶ Rapport ministériel
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