[22 février 1598] Réchauffer des noces de Pierre

Avait-elle espéré pouvoir échapper à son sort ? Non. Elle aurait pu. Elle aurait sans doute dû fuir dès que possible dans la forêt avec Sylvère. Seulement… Elle avait honte d’avouer que malgré tout l’amour qu’elle lui portait, elle ne parvenait pas à se résigner à partir vivre dans les bois, loin de son confort quotidien. Et aussi… Oui quand même, elle aimait bien certaines parties de sa vie, comme aller au théâtre avec Florentyna ou même certaines réceptions, quand bien même elle était passée par tous les sobriquets plus ou moins élégants, elle le savait. Elle n’avait pas revu Sylvère depuis qu’elle avait envoyé l’annulation. Elle n’en avait pas le courage. Elle craignait de lire la déception ou la tristesse dans son regard et peut-être… Peut-être qu’elle n’assumait pas complètement sa décision et que ce n’était que la facilité qui l’avait poussé à rester là, toute timorée qu’elle pouvait être. Elle était bien belle la reine de la forêt qui vivait dans la cité…

Alors elle avait bêtement attendu, enfermée seule à Monthoux que le verdict tombe et de savoir à quel dindon on allait bien pouvoir la marier cette fois-ci. Dire qu’elle n’avait pas pleuré certains soirs en songeant à l’horreur probable qui l’attendait aurait été mentir. Elle avait peur. Si peur que ce soit encore pire qu’avec le gros cochon. Certes, il ne lui accordait aucune attention et avait une finesse inversement proportionnelle à son tour de taille, mais au fond il n'était pas si pénible. Juste profondément idiot. Et tout cela… Elle se disait que les choses auraient pu être finalement bien pires et qu’on allait les lui faire payer et…

Quelques jours plutôt, elle reçut un billet annonçant qu’elle épouserait le baron Howksley de Frenn. Elle était restée là, la bouche entrouverte, le papier entre ses mains, les yeux rivés sur les élégants caractères du greffier du roi. Elle n’en croyait pas ses yeux. Épouser le Premier Conseiller. Celui qu’elle… osait considérer comme… un ami ? Ou tout du moins ce qui s’en rapprochait le plus. Sans qu’elle ne s’en rende compte, ses doigts s’étaient desserrés et le billet voleta jusqu’au sol. Epouser Dyonis Howksley de Frenn. Elle revit malgré elle toutes leurs rencontres et la bonté renouvelée avec laquelle il l’avait toujours traitée. Et ce moment affreusement gênant où elle avait affirmé qu’elle aurait préféré l’épouser lui et… Son cœur se serra en même temps qu’elle perfora ses joues de ses dents. Il allait devoir se remarier… Ses jambes se dérobèrent et les larmes affluèrent. À cause de ses caprices d’enfant, il allait devoir quitter son veuvage et oh… tout le monde savait à quel point il aimait encore sa précédente épouse. En réalité, l’on n'aurait pas pu l’attrister et la soulager davantage qu’avec cette union. Elle n’avait juste pas de mot pour toute la culpabilité qu’elle pouvait porter en l’embarquant dans ce mariage qu’il ne méritait pas. Pourquoi lui ? N’y avait-il personne d’autre ? Avait-il fauté ? Ou était-ce elle qui était si importante à leurs yeux pour lui faire épouser le Premier Conseiller dans l’Empire ?

Le pire dans tout cela était incontestablement qu’elle n’avait pas pu parler à son futur mari. Elle avait tant de choses à lui dire et d’excuses à lui offrir. Comment pouvait-on être à ce point tiraillé entre une profonde peine et une certaine joie ? Que ce soit dans une abbaye qu’elle ne savait même pas situer lui importait peu. Au contraire, c’était bien mieux ainsi. Pas de Roi à supporter, pas de courtisans avec qui bavarder, uniquement ceux qui seraient sa… nouvelle famille. C’était étrange dit comme cela. Elle avait dû mal à croire qu’elle allait vivre à Frenn désormais… Pourtant, toutes ses malles avaient déjà été expédiées. Elle n’avait conservé que le strict nécessaire à la bonne tenue des noces. Comme elle n’avait pas franchement eu le temps de se faire faire une nouvelle robe, elle avait pris l’une de ses favorites en soie rouge dont une partie était damassée d’arabesque en or. Un joli collier en grenat assorti et un diadème qui retenait un long voile dans les mêmes teintes. Rien d’extravagant, mais tout de même élégant.

Il était vrai que les lieux avaient de quoi faire frémir – et pas uniquement par la fraicheur des couloirs venteux – toutefois, elle préférait de loin cet étrange mariage à la violence pompeuse du premier. En entrant dans la chapelle, elle étouffa un petit cri de surprise émue en constatant tout le mal que l’on s’était donné pour rendre les lieux dignes d’un mariage. Ces fleurs, ces soieries chatoyantes qu’elle aurait reconnues entre mille. Pouvait-on être aussi reconnaissante et gênée à la fois ? Tout ceci pour elle, pour obéir à son Roi alors même qu’il s’était sans doute juré de ne plus jamais se marier. Kalisha en avait les yeux tout émus lorsqu’un petit groupe d’enfants se présenta. Ses petits-enfants. Les yeux tout humides, elle leur adressa un large sourire rayonnant, ils étaient si adorables tous autant qu’ils étaient. Elle aurait tant voulu elle aussi avoir de jolis enfants comme eux… Une vraie princesse comme dans les contes ? Un peu. Mais c’était un roi qui vivait dans les bois qui l’avait sauvé de l’affreux gros cochon d’ogre qui la retenait prisonnière et maintenant elle allait épouser leur grand-père parce que la vie n’était pas un conte de fées mais pleine de compromis.

Kalisha ne put retenir son petit rire qui s’échappait timidement, quelque peu étouffé par l’émotion lors des présentations. À son tour, elle salua sa cour du jour avec une révérence élégante comme elle savait si parfaitement le faire.

— Kalisha de… Juste Kalisha en réalité. C’est un honneur de faire vos connaissances, Mademoiselle et Messieurs de Frenn, Sébastien. Elle marqua un petit temps de pause avant d’ajouter : je suis une princesse de djerdanne, il est vrai, mon Père est roi de Djerdan.

Et mieux valait éviter de dire qu’il avait plusieurs épouses à ces adorables bambins baignés de culture chrétienne. Un cortège d’honneur ? Pour elle ? Oh ils étaient tous si adorables avec leur petit bouquet qu’elle en serra ses petites menottes l’une contre l’autre d’attendrissement.

— Mais c’est que je vais devenir une vraie reine avec un tel cortège, Mademoiselle Valentine !

En réalité, reine, elle l’était déjà. Kalisha d’Aiguemorte, Reine de la forêt d’Aiguemorte. Peut-être qu’un jour elle lui raconterait cette histoire étonnante d’une jeune fille perdue dans les bois qui avait rencontré le roi des brigands en train de faire le cochon pendu à un arbre. Ce conte-là, elle était sûre qu’elle ne l’aurait jamais entendu nulle part ailleurs.

Claire-Marie avait du mal à croire qu’elle allait assister à un vrai mariage ! Ca paraissait tellement irréel, elle qui avait longtemps cru que Dame Rose ne se marierait jamais.

Bon le cadre n’était pas tout à fait idéal mais c’était toujours ça… Et puis William avait fait tellement d’effort pour rendre la décoration jolie ! Bon, c’est vrai que c’est un peu sombre mais l’ambiance pourra réchauffer la pièce. Elle passa devant le procureur. On lui avait expliqué que c’était un messager du roi mais elle n’avait pas l’air très gai. C’était dommage tout de même…

Claire se faufila entre les colonnes, tout en ayant au passage un petit salut et un regard tendre pour les enfants. Ils étaient tellement mignons, surtout son petit Sébastien. Il était si adorable et elle aimait ses grandes discussions avec lui. Curieusement, c’était lui qui lui apprenait le plus de choses ! Claire les observa faire connaissance avec la princesse. Elle sourit, bien que cette dernière semble un peu anxieuse. Il lui semblait surtout qu’elle était un peu triste mais elle n’aurait su dire pourquoi parce que ça ne se voyait pas vraiment sur son visage.

Claire lissa sa belle robe d’un rose pâle, qu’on lui avait donné spécialement pour l’occasion, afin d’être présentable. Elle se mordit la lèvre toutefois. William avait refusé qu’elle fasse quoi que ce soit qui la fatiguerait trop. Elle plissa les lèvres. Mais en attendant, tout le monde s’agitait sauf elle. Elle devait bien pouvoir faire quelque chose, non ? Surtout qu’il avait couru partout toute la journée, il devait être très fatiguée. Elle se rendit timidement près de lui.

- William ? Est-ce que je peux vous aider à faire quelque chose ?

Passé sa sanction, Eldred avait repris son poste de garde de Dyonis. L’eau avait coulé sous les ponts et tous deux avaient eu l’occasion d’épancher leur cœur et d’éclaircir la situation. Eldred s’en voudrait toujours d’avoir abusé de sa confiance et d’avoir cédé ainsi. Il aurait dû la repousser et être plus ferme. Enfin… L’affaire était désormais classée. Savoir qu’il ne la reverrait plus était somme toute apaisant.

Aujourd’hui son maitre allait se marier. Ça alors ! S’il l’aurait cru si on le lui avait dit avant ! Dire qu’il n’avait jamais touché à la chambre de sa défunte femme. Enfin Eldred était mal placé pour ce genre de commentaire. Byrnja n’avait jamais quitté son cœur non plus et ce malgré tous ses efforts pour accepter sa mort. Au moins ne s’en voulait-il plus désormais grâce à Alduis. C’était un premier pas vers la paix de son âme.

Il n’en revenait toujours pas. Dyonis. Marié. À cause du roi. Ou grâce ? Enfin il ne savait pas trop. Mais en tout cas c’était avec la jolie princesse djerdanne qu’il avait eu l’occasion de croiser plusieurs fois. Oh, elle ne devait pas se souvenir de lui, l’invisible esclave malgré sa carrure, mais lui se souvenait de la jeune femme timide qui était venue et qu’il avait vue au palais ou à diverses occasions. Elle avait un beau sourire toujours un peu gêné, en même temps quand on était marié au gros cochon… Si elle voulait, un jour il lui raconterait comment le baron et lui avaient décidé de balancer le porc, peut-être que ça la ferait rire ? En tout cas il espérait de tout cœur qu’elle trouve sa place au domaine comme lui-même l’avait trouvé aussi étrange que cela puisse paraitre. À tel point qu’il en oubliait parfois qu’il n’était qu’un esclave. En tout cas, elle n’avait pas à craindre Dyonis au contraire c’était plutôt chance à côté du goret. Il serait attentionné et malgré sa rigidité, il savait se montrer doux, comme avec Aud… Puissent leur Dieu et les siens bénir cette union.

Comme il n’y avait pas grand-chose à surveiller, Eldred s’était installé un peu plus loin, appuyé contre une colonne que William avait entortillée de soie orange. En parlant du loup… Claire-Marie cherchait comment aider… Le zakrotien bras croisés souffla de rire avant de répondre un brin moqueur :

— Oh oui, tu peux l’aider à se reposer. Il va finir par s’évanouir avant la fin de la cérémonie à ce rythme ! puis à William : vous savez que normalement c’est le mari qui porte sa femme dans ses bras, hein ? Pas le garde du corps qui porte l’intendant. En plus vous n’avez pas de robe.

Elle venait tout juste de faire la rencontre des adorables petits enfants du ba… de… son futur mari. C’était toujours étrange. Kalisha Howklsey de Frenn ? Elle allait devoir s’habituer à ce nouveau patronyme. Malgré la gêne qui était la sienne, elle afficha un sourire attendri à Mademoiselle Valentine qui tentait de la rassurer en lui serrant la main. C’était à se demander qui était l’enfant en cet instant. Elle s’agenouilla pour se porter à sa hauteur.

— Vous avez raison, Mademoiselle, c’est un beau jour et j’ai beaucoup de chance d’épouser votre grand-père.

Mais lui n’en avait sans doute pas autant. Et c’était plus cela qui la chagrinait. De savoir qu’elle l’avait obligée à quitter son veuvage tout cela parce qu’elle ne supportait plus le comte de Monthoux. Personne ne devait la voir triste aujourd’hui. Elle n’en avait pas le droit après tous les efforts qu’ils avaient déployés pour rendre ce jour aussi festif que possible.

— Je suis simplement émue, je ne pensais pas... que tout serait si beau.

Elle ne se releva que lorsque l’un des petits annonça que son père et son oncle arrivaient. L’un avait l’air jovial et l’autre bien plus austère. Il lui faisait froid dans le dos. Elle sentit bien qu’elle n’était pas la bienvenue ici. Cela ne faisait rien, elle ne leur demandait pas de l’accepter, et en réalité, elle comprenait parfaitement. Ce ne serait jamais comme avec Florentyna, c’était certain… Elle salua les deux hommes d’une élégante révérence.

— C’est un plaisir de vous rencontrer, Messieurs de Frenn. J’espère que je serais à la hauteur de l’honneur que vous me faites en m’accueillant au sein de votre famille. et quoique ses paroles puissent apparaitre protocolaires – car elle avait bien trop peur de faire une erreur –, elles étaient on ne peut plus sincères.

La présentation des petites terreurs lui étira un sourire ému

— Vos enfants sont tout à fait charmants ! puis à Valentine qui sautillait joyeusement Votre père et vous avez beaucoup de goût Mademoiselle Valentine ! Peut-être pourrais-je escompter vos conseils lors des visites de la couturière ?

Mais déjà l’on mit fin aux bavardages : la cérémonie débutait. C’est bien plus confiante cette fois-ci, qu’elle traversa la modeste nef. Pas d’envie de s’évanouir ou de fuir. En même temps avec un tel cortège ! Elle était si bien entourée… Et puis, en toute honnêteté, elle se sentait bien plus à son aise dans cette atmosphère familiale.

Face à elle se tenait le baron de Frenn et elle parvenait difficilement à quitter son futur mari des yeux. Non, c’était toujours étonnant de l’appeler ainsi, celui qui avait toujours veillé sur elle avec bienveillance au cours des derniers mois. C’était étrange, car elle osait presque dire qu’il était son ami et jamais elle n’aurait songé se retrouver là, et lui, devant l’autel, à l’attendre, elle. Elle en avait du mal contenir les battements de son cœur qui absorbait le mélange contradictoire et détonnant d’émotions qui pulsait dans tout son être. En fait… En fait… Elle le trouvait très beau ainsi vêtu de gris. C’est bien la première fois qu’elle le surprenait avec autre chose que du noir et cela adoucissait ses traits. Dire qu’elle avait plaisanté sur le fait de l’épouser… Elle ne s’en remettrait jamais. Peut-être un jour en riraient-ils ensemble ? Elle voulait le croire et l’espérer. Elle ne put réprimer un petit sourire amusé au souvenir de Son Excellence les joues rougies par sa déclaration… qu’elle ravala bien vite tant elle craignit qu’on ne prenne cela pour une quelconque moquerie. Si elle avait su… Si elle avait su que le sort se jouerait d’eux ainsi… Si elle avait su alors elle se serait certainement abstenue de le mettre dans une pareille posture.

— Je suis sincèrement désolée, chuchota-t-elle une fois à sa hauteur.

Si bas qu’elle ignorait s’il avait pu entendre et si elle préférait ou non que ce soit le cas. Elle  baissa avec pudeur la tête avant de la relever aux premières paroles du célébrant. Un recommencement. Il ne pouvait imaginer à quel point c’était si vrai. Un recommencement et même une renaissance. L’appréhension nouée dans le fond de sa gorge, elle se signa. Kalisha Howksley de Frenn. Kalisha Howksley de Frenn, épouse du Premier Conseiller. L’idée avait de quoi lui faire tourner la tête. Serait-elle à la hauteur ?

Sceptique quant à la réponse de William, Claire n’osa toutefois pas le contredire comme c’était un peu le chef. Mais quand même… Il avait l’air si fatiguée. Elle se retourna vers Eldred quand il s’approcha et rougit.

- J’aimerais bien, mais… S’il ne veut pas…

Elle était un peu triste et ne voulait pas aller contre son supérieur. Elle frotta son bras, un peu gênée et embarassée. Elle pencha la tête.

- Mais bien sûr qu’elle sont belles, vos fleurs ! Enfin je n’y connais pas encore grand-chose mais je trouve que ça fait bien.

Elle cligna des yeux à ce que dit Eldred avant d’éclater de rire en imaginant la situation. Elle se mordit la lèvre avant de prendre doucement le bras de William.

- Allez, il faut aller vous reposer maintenant, au moins vous asseoir. S’il vous plait, pour nous faire plaisir !

Elle lui présenta un grand sourire tout à fait sincère. Elle voulait qu’il se repose et qu’il soit en forme pour la cérémonie ! A ce moment, elle vit les fils du baron entrer. Elle sourit, ravit que tout commence à se mettre en place. Elle avait tellement hâte ! Elle n’avait jamais vu de mariage et se sentait excitée comme une puce. Sa première maîtresse n’avait pas souhaité se marier mais elle savait ce que pouvait être un beau mariage. Elle l’avait entendu par les autres servantes et dans les histoires. Claire se dit qu’elle devrait aussi demander à Lénius la prochaine fois qu’elle le verrait. Lui aussi avait dû chanter à des mariages, elle pourrait lui demander comment ce serait !

Elle regarda les enfants, marcher devant, attendrie. Ils avaient tous l’air si mignon et Sébastien semblait s’être fait des amis, ce qui la ravissait. Après avoir réussi à poser William sur un banc, elle se fit toute petite et discrète derrière une colonne pour remplir ses yeux de belles choses. Elle ne regardait pas tant la robe, les rubans ou les fleurs mais l’air des deux mariés, la fierté rayonnante des enfants de marcher en tête et la figure apaisée et satisfaite de William qui avait rempli sa mission. Claire ouvre aussi bien grand ses oreilles, toujours aussi attentive, pour capter la beauté de la musique qu’elle ne sait que trop bien reconnaître.

Elle se redressa, très attentive aux paroles du prêtre. Claire-Marie sentit sa poitrine se gonfler de joie à l’idée d’avoir l’honneur d’assister à une telle union. Elle rassura également Sébastien en voyant son regard glisser vers William. Ils allaient s’occuper de lui, il n’avait pas à s’en faire.

William s’agaça signe évident de son épuisement. Il tourna nonchalamment la tête vers les fleurs. Eh bien c’était des fleurs. Il en avait rarement vu des moches.

— Elles sont parfaites. Détendez-vous.

Il aurait bien ajouté que ce n’était que des fleurs, mais il se garda bien de le faire remarquer. Tout comme il évita de signaler le pétale qui jonchait le sol. Aucune importance, n’est-ce pas ? En revanche, il manqua un sourire en le voyant obtempérer à la demande de la jeune femme. Toujours passer par les femmes. C’était bien elles qui détenaient le véritable pouvoir, il ne fallait pas se fier aux apparences !

Il emboita le pas de son intendant à sa demande. Il ne voyait pas de raison de résister : la cérémonie allait débuter et les risques étaient minimes ici. La plus grande menace était le fils ainé. Mais il n’était pas encore assez con pour tuer son propre père dans une église. Il se sentait toujours aussi peu à sa place sur ces bancs, mais il fallait bien s’y faire : il risquait de râper son cul encore longtemps dessus.

Il observa la procession d’un œil attentif. Il n’avait pas encore eu l’occasion de réellement rencontrer leur presque nouvelle baronne. Toute jeune et tout intimidée. Mais toute belle aussi. Il en avait de la chance quand même, cela aurait pu être bien pire. Et les petits étaient adorables. C’était la première fois qu’il assistait à un mariage chrétien. Il était curieux d’en découvrir le déroulement. En espérant que ce soit moins pénible que la messe…

Kalisha ne pouvait s’empêcher de laisser un large sourire s’étirer sur ses lèvres en notant l’enthousiasme communicatif de la fillette. Bien sûr qu’elle serait ravie de lui donner quelques conseils si elle le souhaitait et que c’était là une chose qu’on lui autorisait. Elle baissa timidement la tête en remerciement aux paroles bienveillantes du fils cadet. Mieux valait ne pas en dire trop pour le moment, d’autant que l’ainé semblait pour le moins réticent à sa venue.

Claire fut ravie de réussir à faire plier William. Tout de même ! Elle aussi, elle voulait apporter sa pierre à l’édifice en faisant en sorte que tout le monde se sente bien ! Elle sourit en continuant à regarder la cérémonie. Elle finit par s’asseoir, pour faire plaisir à William également, même si elle restait timide. Claire-Marie sourit à Eldred et lui souffla un petit « Merci » pour son aide.

Elle écouta attentivement la cérémonie, plus encore les lectures. Elle pensa à Lénius et à la discussion qu’ils avaient eu sur la messe. Celle-ci était vraiment jolie ! Pour elle en tous cas et les textes lui plaisaient beaucoup. Elle reconnaît le son de la harpe qu’elle a parfois entendu chez Dame Rose. Cela lui rappelle des souvenirs. Quel dommage qu’elle ne se soit jamais mariée… Elle aurait certainement été ravissante dans une robe de mariée. Cependant, elle disait toujours qu’elle tenait à sa liberté. Mais la princesse n’avait-elle pas l’air libre à présent ? peut-être même plus libre encore que si elle avait été seule ! Mais peut-être était-elle trop ignorante pour comprendre ces choses-là…

Claire regarda la foule quand le prêtre demanda si quelqu’un avait quelque chose à dire. On avait vraiment le droit de faire ça ? En tous cas, personne ne le fait ! Elle réfléchit. Peut-être juste une formule. Dame Rose lui disait toujours de ne pas tout prendre « au pied de la lettre ». Parfois, on dit des choses uniquement par tradition. Enfin, c’était ce qu’elle avait compris…

La cérémonie passa par l’échange des anneaux. Claire a des étoiles dans les yeux. C’est si beau comme symbolique ! Un rond, tout doré, c’est joli en plus ! En tous cas, c’est son avis. Et comme ça, comme ils sont identiques, en regardant l’un, ils penseront toujours à l’autre. Elle rougit ensuite quand le prêtre parla de s’embrasser. Elle tourné pudiquement le regard et attendit que ce soit fini. Claire profite alors du chant des enfants. Elle affiche une expression ravie, tout en écoutant l’agréable chant. Puis, elle tente aussi de chanter, pas trop fort pour ne rien gâcher, car sa voix est encore hésitante.

Quand le prêtre les libère, elle saute du banc.

- Bien, alors allons manger !

Elle admire alors le magnifique buffet et la très belle décoration. Elle bat des mains en se tournant vers William.

- C’est magnifique ce que vous avez fait, monsieur William !

Elle le laissa ensuite aller saluer les mariés et s’approcha des enfants, curieuse et soucieuse de leur bien-être. Elle se pencha un peu vers eux en souriant.

- Coucou ! Vous avez été vraiment formidables ! Et votre chant était très beau !