Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
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Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
Blanc était le ciel, comme la face d’un mort. Visage-papier sur lequel on écrirait l’Histoire. Et au-dessous duquel, en cette fin de journée, se réunissait le tout Braktenn de noir vêtu. L’enterrement du vétéran Édouard Josse rassemblait clergé, plèbe et noblesse, ainsi que désiré par le Ministre des Affaires étrangères et le Premier Conseiller du Roi. Le cercueil avait circulé à travers l’artère principale de la capitale, pour arriver au point d’orgue qu’étaient les Champs-Élysées, cimetière d’honneur des héros de guerre. Beaucoup de curieux avaient suivi la procession. Dans le peuple comme parmi les plus hauts gradés de l’armée cependant, on se demandait qui était ce défunt. Ni particule, ni rang prestigieux au sein des militaire, un homme connu ni d’Eve ni d’Adam par les Braktennois. Un mort de son vivant… Du peu d’informations qui avaient circulé en ville depuis l’annonce de ces funérailles, on ne savait que quelques grandes lignes : un piquier rentré défiguré et muet de la campagne d’Hô-Yo. Un homme qui avait tenté, il y a dix-huit ans de cela, de retrouver un emploi… mais qu’on lui refusa du fait de son infirmité. Un homme réduit à la mendicité, finalement accusé de parasitisme et, pour ce motif, capturé et enfermé à l’Hôpital Général où il venait de trépasser après dix-sept ans d’exploitation. Un héros fort peu héros à première vue… C’était donc avec un fond d’étonnement, qui n’en redoublait que plus la singularité de l’événement, que tout un chacun venait avec l’espoir d’en apprendre davantage.
Le vaste terrain des Champs-Élysées se parait de fleurs et de drapeaux aux couleurs de l’Empire. Des bancs attendaient le peuple, des sièges aux premiers rangs recevraient la noblesse, Sa Majesté, mais aussi les parents du mort mis à l’honneur. Les uns et les autres commençaient à prendre place. Les conversations allaient ici et là, tout en restant à voix graves et feutrées par respect pour la circonstances – notamment au passage du corbillard.
Jamais de son vivant Édouard Josse – humble apprenti potier, puis piquier, puis interné de l’Hôpital Général – ne se serait imaginé que ce vingt janvier 1598, une foule pencherait la tête, se décoifferait, ferait silence autour de son cercueil. Les grands généraux observaient la haie d’honneur voulue par le protocole. Au garde-à-vous, abaissant en cadence leurs lances ornées des drapeaux de Monbrina. Plus loin derrière les spectateurs : une cage. Celle où croupissaient le directeur de l’Hôpital Général et trois gardiens, eux qui avaient tué Édouard, un soir de colère et d’ivresse, par une éternité de supplices. Ils venaient d’être jugés pour acte de barbarie, et dans leur peine était incluse leur présence à la cérémonie donnée en l’honneur du vétéran. Des badauds ne s’étaient pas privés de cracher, de jeter boue et gravats.
Sur un étalon à robe noire, Sa Majesté le Roi présidait la procession. Son Premier Conseiller et son Ministre des Affaires étrangères et de la guerre le suivaient de près. Les regards de la foule suivaient tantôt leurs graves silhouettes, tantôt l’avancée du corbillard lui aussi orné de fleurs et feuilles d’acanthe. Celui-ci s’arrêta juste devant le trou en terre, où plus tard dans la cérémonie, on l’allait descendre – avant qu’une prestigieuse stèle ne vienne sceller l’inhumation et imprimer pour toujours les faits qui valaient ces honneurs au petit soldat Josse.
Gérald Der Ragascorn avait l’habitude des montagnes russes du fait de son royal emploi du temps. Ce matin encore presque jusqu’à l’aube, il s’était consumé en débauches en compagnie de son harem de femmes difformes, du vicomte de Fromart, du seigneur de Frenn, du Cardinal Cassin et du sorcier-rescuscité – ces trois derniers présents de force plutôt que de gré. Mais désormais, bien reposé ou du moins suffisamment, il avançait comme si de rien était, sérieux, imposant, de toute sa haute et droite stature. Son profond regard bleu nuit parcourait, impérieux, le rassemblement de ses sujets. Il égrena, le long de son trajet, ses saluts aux généraux, courtisans et membres du gouvernement. Sur conseil du seigneur de Frenn, il aura même accordé quelques secondes aux parents du pauvre défunt – couple de paysans d’une soixantaine d’années qui faisaient bien curieux contraste au milieu de tous les prestigieux spectateurs des premiers rangs.
Intimidés, débordés d’hommages, submergés d’émotions de toutes sortes… voilà ce qu’étaient Caroline et Michel Josse, qui se sentaient si peu à leur place dans une telle cérémonie. Comme leur fils sans doute, là dans ce cercueil et dans ces Champs-Élysées d’ordinaire réservés à de grands gradés ou à une tripotée de Sieurs aux noms à rallonge. Oh bien sûr, ils connaissaient toute l’histoire depuis que le Premier Conseiller en personne leur avait délégué un messager chargé de tout leur expliquer et de les convier. L’effroi d’abord les avait gagnés. Leur fils, ainsi martyrisé… n’auraient-ils pas préféré continuer de le croire mort au combat et jamais retrouvé ? Une fois passé l’horreur et la colère, ils avaient remercié de cette invitation qui leur était faite, et pris à cœur d’accompagner leur Ed’ jusqu’à sa dernière demeure. Même si quelque part, en recevant tous ces saluts et toutes ces condoléances d’aussi grands personnages, ils ne pouvaient s’empêcher de se dire que les boucheries de l’Empire avaient détruit leur fils et tant d’autres comme des pots sans valeur une fois usés. Quoique… Peut-être que parmi tous ces gens, certains partageaient de tels regrets sans le dire ? Entre deux poignées de mains, les époux Josse s’échangeaient des regards désemparés, encore rouge de larmes pour lui – tandis que, elle, tortillait nerveusement les mains dans les plis de sa vieille robe, mais la plus élégante qu’elle avait pour l’occasion. Ni Caroline ni Michel n’auront la force d’adresser un regard vers la cage des bourreaux de leur fils.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Malgré une grande fatigue due à la soirée très tardive de la veille, Dyonis arrive et fait bonne figure. Il présente ses condoléances aux parents d'Édouard et rend hommage au mort. Eldred et William l'accompagnent.
Rentré à cinq heures du matin de la beuverie royale. Mis au lit par les dévoués Eldred et William qui avaient veillé au domaine de Frenn en attendant son retour. Dyonis a dormi tant bien que mal, déjà anxieux à l’idée de ne pas être à la hauteur pour Édouard – et pour ne déroger à aucune de ses fonctions de Premier Conseiller en public. Ce n’est pas son genre, mais exceptionnellement un doigt de maquillage cache ses profondes cernes. Pour le reste, sa tenue est toujours aussi droite, militaire et sombre. Lui aussi progresse dans le cortège derrière Sa Majesté, à la droite du cercueil du vétéran. Il sait que l’intendant et le Zakrotien ne sont pas loin dans les rangs de spectateurs.
Il aura également salué un certain nombre de personnalités, au premier rang desquelles le vicomte de Fromart et le roi en personne. Roi qui ne s’est pas privé de lui adresser une très discrète œillade complice, pour lui rappeler ce qu’ils avaient fait la dernière nuit. Ce que Dyonis trouve déplacé : nous sommes là pour un mort. Mais ce que souverain fait, nul sujet ne le conteste. Quelques secondes seulement, le sévère Dyonis lance un coup d’œil vers ces quatre chiens en cage. Enfin et surtout, il approche en personne des époux Josse. Profonde révérence.
« En mon nom et en celui du gouvernement, je vous adresse mes sincères condoléances. Je regrette que nous n’ayons pu sauver votre fils. » Un temps. Rester calme. Neutre. « Édouard était héroïque. Et je ne parle pas que pour son office militaire. »
Il doit s’éloigner. Le seigneur se voyait déjà recevoir le vétéran à Frenn. Alors même qu’ils visitaient sa Géhenne, il les avait fait rire. Le baron aura passé une bonne partie du trajet vers les Champs-Élysées à tout raconter à Eldred. Non sans lutter une énième fois contre son chagrin. Les dysfonctionnements de l’Empire avaient tué cet homme et sûrement tant d’autres – presque autant que l’infect directeur et ses trois gardiens encagés.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Coldris a peu dormi, mais ne songe qu'à mener à bien son discours. C'est en compagnie de Valmar et d'Alexandre qu'il se présente aux Champs-Elysées. Faisant suite au Premier Conseiller, il salue à son tour les parents du défunt avant de regagner sa place.
Coldris chevauchait derrière le roi. À défaut d’un andalou noir qu’il n’avait plus, il avait réquisitionné trois des six majestueux frisons de son attelage. De braves et fières bêtes au port altier comme il seyait à ce cortège. Derrière lui, Valmar assurait d’un œil vigilant sa sécurité. Il y avait certes toute une armée de gardes pour protéger Sa Majesté, mais il n’était jamais aussi serein que lorsque l’Iswylan se trouvait sur ses talons. Enfin, il y avait Alexandre, comme promis qui l’escortait également.
Il avait quitté le palais aux alentours de cinq heures pour rejoindre Cervigny où il n’avait dormi qu’une petite heure. La faute à l’alcool qui le maintenait éveillé dans cet état d’excitation festif conjugué aux évènements qui devaient avoir lieu le lendemain. Finalement après avoir tenté -vainement- de fermer l’œil, il s’était résolu à prendre son petit-déjeuner et à rentrer à Fromart où il avait fait tirer du lit son apprenti qui ronflait toujours. Pas de repos pour les braves. Dans son bureau, Coldris avait fait fit des cernes ou du manque de sommeil et faisait déjà les cent pas en marmonnant des corrections sur son discours lorsqu’il s’était présenté -trop tard à son goût-. De là, les heures s’étaient écoulées jusqu’à ce qu’il parvienne à une vague satisfaction de ses écrits. Quant à la lettre de sa petite luciole, il n’y pensait même plus…
Pied mis à terre, il aura salué le roi d’un œil vif et pétillant en souvenir des réjouissances de la veille. Avec le baron, il se sera montré plus compatissant : il espérait que ses mauvais tours de la veille ne l’avaient pas rendu trop malade. Du souvenir qu’il en avait, il était ivre mort ou presque lorsqu’il avait quitté le palais. Quant à lui et bien, il s’était montré fort raisonnable en prévision du lendemain, mais survivre aux soirées de débauches royales demandait un entrainement dont le Premier Conseiller ne jouissait pas encore.
Pour ce qui était de sa tenue, il l’avait choisi avec un soin tout particulier, comme à son habitude. Noire, bien entendu, aux manches brodées d’argent au motif entrelacé des chardons d’Arès et de l’olivier d’Athéna. Il ne fallait rien moins que cela pour le ministre des Affaires étrangères et de la Guerre. Cela et des ailes d’aigle déployées le long de ses omoplates, rappel de leur puissant empire qu’il servait avec dévotion.
Le visage fermé, le regard bleu acéré, il se dirigea vers les parents d’Édouard. Une idée qu’il désapprouvait, mais puisque cela tenait tant à cœur à ce cher Dyonis de leur imposer un double deuil, qu’il en soit ainsi. Il s’inclina profondément à son tour.
— Au nom de l’Empire et de notre Roi, veuillez recevoir nos sincères condoléances pour la perte de votre fils. Ce fut un honneur de rencontrer un homme doté de telles qualités que lui et un héros qui combattit dans plus d’une guerre. L’empire louera son nom.
La mère avait le même regard verdoyant que lui. Étrange de revoir ses yeux qu’il avait fermés à tout jamais après lui avoir transpercé le cœur d’un coup franc et rendu un hommage militaire. Il chassa de ses pensées les sanglantes images de ces derniers instants : l’heure n’était ni la mélancolie, ni à l’apitoiement. Avec satisfaction, il darda un regard en direction de la cage contenant les quatre prédateurs enragés qui avait entrepris de dépecer le vétéran. Qu’ils profitent donc du spectacle avant d’en être les acteurs sur le mur des condamnés. Il émit un grognement et retourna au côté du cercueil, d’où il put admirer le portrait d’Édouard réalisé par Alexandre. Un portrait réaliste qui ne me manquerait pas de choquer et de faire parler. Un portrait qui ne cachait rien : ni son regard plein d’intelligence ni sa mâchoire absente. Malgré toute l’horreur, il ressortait de ce tableau une étrange beauté dans toute la violence qu’elle pouvait représenter et qu’il assumait pleinement pour l’avoir commandité de bout en bout.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Césarine a de la peine à supporter la tristesse de cet évènement et pleure un peu. Néanmoins, avec son père à ses côtés, elle parvient à sortir quelques mots de réconfort pour les parents du défunt, avant que le duo ne repartent dans la foule.
J'aurais préféré ne pas être là, rester loin de toute cette oppression, et prier de toute mes forces à la maison, pour le salut de ce pauvre homme. Mais mon père ne fut pas de cet avis. Il m'emmena avec lui, prétextant que cet enterrement, au delà de toute la tristesse qu'il engendra évidemment, était l'occasion de voir de près des personnalités importantes. "je sais que c'est dure pour toi ma chérie, mais je te serais très reconnaissante de faire cet effort pour la famille. C'est important". J'étais consciente de mon rôle à jouer dans ses projets, alors j'ai abdiqué. D'ailleurs, celui-ci me souleva doucement le menton.
Ne baisse pas la tête Césarine. C'est cruel, mais tu dois te montrer digne aujourd'hui. fit-il d'une voix bienveillante.
Essuyant les quelques larmes de compassion qui coulaient sur mes joues, je répondis d'une petite voix.
Oui père, excusez-moi.
Il me caressa tendrement le dessus de la tête.
Tu es brave ma fille. Viens, suis-moi.
Je lui emboîtai le pas pour arriver devant les malheureux parents du défunt. Leur visage accablés par la douleur me fit si mal au coeur, que quelques gouttes salées supplémentaires décorèrent le dessous de mes yeux. Quelle tragédie se devait être. Ma boule à la gorge s'intensifia. Père fut le premier à parler.
Madame et Monsieur, je suis Monsieur Florange, couturier. Je tenais à vous présenter mes plus sincères condoléances.
Il y eut un petit silence pendant lequel je fis un effort monstre pour réussir à sortir quelques mots.
Je suis tellement désolée pour vous. Je vous souhaite tout le courage possible. parvins-je péniblement à sortir.
Nous fîmes une petite révérence et reprîmes notre place pour la suite de la cérémonie.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Alexandre participe au défilé avec son maître Coldris et présente sobrement ses hommages aux parents d'Edouard.
parallèlement, dans la foule, il y a son père adoptif et son oncle maternel qui assistent à la cérémonie, sans la moindre compassion, et viennent saluer les parents dans le seul souci de bien se faire voir.
Ce matin-là, Alexandre espérait pouvoir dormir un peu longtemps qu'à l'accoutumée afin d'être en pleine forme pour le grand événement et ne surtout pas le perturber à cause de sa condition fragile. Son maitre en décida tout autrement en le faisant sortir du lit à tout juste neuf heures. Les soirées royales semblaient renouveler son énergie bien que celui-ci n'ait guère besoin de cela pour être quotidiennement en pleine forme. Durant de longues heures, ils retravaillèrent sur le discours jusqu'au moment où le ministre parut se contenter du résultat. Le jeune homme ne se leurrait pas. Il devinait que bientôt une nouvelle pesée jaillirait et lui ferait regretter d'avoir omis un détail ou réalisé qu'une formulation ne convenait plus. Son esprit ne connaissait pas le repos.
Leur petit groupe, formé de lui-même, de Coldris et Valmar, se dirigèrent à l'heure prévue pour rejoindre le lieu où se déroulerait la cérémonie. Le ministre descendit de premier de cheval. Alexandre prit un peu plus de temps, redoutant une mauvaise chute en mettant pied à terre. Ces animaux étaient peut-être magnifiques mais lui se révélait de bien petite taille pour ne pas avoir une certaine appréhension en quittant leur selle. La présence proche de Valmar, prêt à le récupérer, l'apaisa heureusement et lui permit de rejoindre son maitre sereinement
En posant un bref regard sur la tenue de son maitre, Alexandre songea à la sienne. Il portait pour sa part un costume bien plus sobre, de teinte unie, avec brodé dessus les symboles de l'olivier et du cyprès. Léonilde et lui avaient longuement réfléchi à ce sujet. Ils étaient vite tombé d'accord sur le fait que l'un d'eux devait le relier au ministre, puis, l'intendant avait eu l'idée de l'emblème d'Hadès afin de rappeler que l'esclave revenait d'une position peu avantageuse. Pourtant, malgré sa fierté de participer à un tel moment, Alexandre éprouvait un sentiment indescriptible. Il ne réalisa pas en vérité complètement de se trouver à un événement de cette envergure, à une place aussi prestigieuse. Il se rappelait, quelques mois plus tôt, de son irruption hasardeuse au triomphe. Qui aurait pu croire qu'il se retrouverait alors aux côtés du ministre, du Premier Conseiller et même du souverain ? Cette pensée lui donnait le vertige. Son expression demeurait toutefois impassible. Il s'appliquait à respecter les consignes que Coldris ne cessait de lui apprendre depuis les débuts de son apprentissage : ne jamais montrer ses émotions. La joie, la tristesse, le doute ou l'appréhension devaient rester enfouis.
Derrière son maître, le visage grave, Alexandre observa le défilé et fixa avec tristesse le cercueil où reposait l'informé ancien soldat. Il regrettait de ne pas avoir pu mieux le connaître mais les circonstances de leur rencontre avaient été trop compliquées. Par ailleurs, son mutisme avait éveillé en lui de la méfiance du fait de ses mauvaises expérience avec une folle atteinte du même handicap. Il s'était à tort laissé aveuglé par ses préjugés, comme il avait pu déjà le faire avec Sylvère ou le guérisseur agaçant. C'était un défaut sur lequel le jeune homme se devait de travailler.
Le Premier Conseiller s'arrêta pour honorer sobrement les parents d'Edouard et Alexandre baissa le regard devant leurs mines perdues. En sa qualité d'enfant de chœur, il avait assisté à de nombreuses funérailles, mais apercevoir des parents meurtris, que leur fils ait deux ans ou cinquante, cela lui faisait toujours la même peine. Le jeune homme s'autorisa un sourire fugace à leur intention dans l'espoir de leur apporter un rayon de compassion. Cela ne supprimerait pas la peine, bien sûr, mais un peu de soutien serait toujours appréciable. Son maître leur présenta à son tour ses respects. un père et une jeune fille s'approchèrent eux aussi et exprimèrent également leurs condoléance. Alexandre se décida à les imiter et murmura doucement :
"Toutes mes condoléances."
Cela ne servirait à rien de trop en dire. la formule était cetes classique mais elle résumerait bien mieux ses sentiments qu'un long discours. Il joignit à ses paroles un second sourire avant de reprendre son expression impassible.
Soudain, il entendit des pas derrière et et retint une grimace devant ceux qui s'approchaient.
Depuis plus d'une quinzaine de jours, on ne parlait que cet événement à venir et du décès tragique d'un ancien soldat quia avait échoué à l'hôpital général. Les deux beaux-frères, amis depuis bientôt trente ans, se moquaient ouvertement du sort du misérable. Que l'on enterre cet homme à la fosse commune ou en grande pompe, cela leur passait par dessus la tête. Néanmoins, pour leurs affaires, ils connaissaient l'importance de se trouver à la cérémonie afin de pouvoir longuement compatir lorsque des clients viendraient en discuter lors des semaines qui allaient suivre.
"Allons saluer la famille et montrons-nous bien, Henri. Qui plus est, je suis un excellent ami du ministre des affaires étrangères. il sera ravi de me voir à ses côtés !"
Henri ne croyait pas un mot des racontars de son beau-frère qui prétendait depuis des années que Coldris de Fromart devait sa fortune et sa réussite aux ouvrages qu'il lui avait un jour vendu et qui avait permis d'entamer sa noble ascension. Cela ressemblait trop un conte à dormir debout. Il approuvait cependant l'idée de saluer les parents du défunt. Cela ferait bonne impression assurément.
"Si tu veux."
Les deux hommes s'approchèrent et arrivèrent au moment où un infirme en béquilles présenta ses hommages. Romain s'agaça de cette vision qui lui rappela aussitôt son maudit fils adoptif sans pouvoir le reconnaître. Comme il aurait aimé pouvoir insulté ce misérable ! Comment pouvait-il se croire permis de frayer avec des personnages d'une envergure qui le dépassait. Quelle ignominie ! Finalement, les beaux-frères s'inclinèrent devant monsieur et madame Josse.
"Je m'associe à votre douleur, madame, monsieur, pour cette perte terrible, mais consolez-vous en songeant que votre fils aura œuvré pour la grandeur de notre empire. Son sacrifice n'est pas vain."
"Toutes mes condoléances pour votre douleur affreuse. Que le Seigneur ait grâce et accueille votre fils à ses côtés."
Sur cela, tous deux saluèrent respectueusement et retournèrent dans le défilé.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Eléonore s'efforce de ne rien laisser paraître de son angoisse ; ce n'est pas du tout un endroit pour elle. Lorsqu'ils vont présenter leurs hommages aux parents d'Édouard, elle laisse Gabriel parler, incapable de prononcer le moindre mot. Elle est tellement submergée que sa légendaire empathie se trouve assez limitée. Elle va s'installer en espérant que cela se termine vite et que personne ne remarquera rien.
Gabriel et Eléonore avaient quitté l’hôtel Tidrien juste à temps. Ce n’était pas faute d’avoir essayé d’échapper à cette cérémonie. Eléonore n’avait cessé de penser. Cette nuit n’avait été qu’une suite de cauchemars interminables et de concentré d’appréhension qui l’avaient fait monter jusqu’aux larmes. Elle n’y pouvait rien. C’était trop pour elle. C’était trop.
Des souvenirs lointains lui étaient revenus. L’inhumation d’un autre militaire. D’un militaire qu’elle avait appelé “père” la seule fois où elle lui avait parlé. D’une erreur qu’elle ne se rappelait avoir commise que par les réprimandes incessantes d’Eltinne qui pensanit aujourd’hui encore qu’elle était trop insortable pour être menée à l’évenement. Pourquoi fallait-il donc que pour la seule fois de sa vie où elle aurait pu lui être utile, elle l’abandonne à son sort et à ce que son fiancé - la jeune femme attendait toujours qu’on lui explique à quel moment il l’était vraiment devenu - jugeait préférable.
Malgré l’entraînement, elle ne se sentait pas prête. Pas du tout. Viscéralement pas. Littéralement. Se rendait-il compte qu’il la jetait dans le pire endroit qu’on eu pu imaginer avoir moins de deux jours de préparation ? Elle n’aurait jamais dû lui dire qu’elle pensait aller aux fiançailles d’Alduis. C’était cette erreur-là qui l’avait condamnée.
Égocentrique, comme toujours. Mais dans ce jeu constant, où seule sa joue mordue au sang témoignait de son angoisse, elle n’avait tout simplement pas le droit de songer à autre chose qu’à paraître. Paraître comme si elle n’en était pas malade, comme si sa seule présence ici ne lui compressait pas la poitrine bien plus violemment que sa tenue ni ne lui filait la nausée.
Elle s’était à ce point figée dans l’apparente aisance que quand elle parvint devant les parents du vétéran, pas un mot ne franchit ses lèvres. Elle chercha instinctivement leur regard, comme pour se raccrocher à une idée d’humanité avant la scène froide, politique et vicieuse à laquelle on l’obligeait à assister.
Elle se sentait coupable. Coupable de ne pas partager leur peine. Coupable de ce qu’elle était. Coupable de n’avoir rien à dire. Tout ce qui lui parvenait, c’était la certitude qu’ils ne se sentaient pas plus à leur place qu’elle-même, comme si elle s’était fermée à toutes les autres émotions de l’humanité, et pourtant, un sourire compatissant s’étira brièvement sur ses lèvres. Sincère. Ce fut Gabriel qui parla, il était bien meilleur qu’elle pour cela.
Oh, évidemment qu’elle les avait vus. Et reconnus. Gabriel avait discrètement pincé sa paume gantée à leur passage. Cela signifiait que tout allait bien. Oh, vraiment ? Parce que même lorsqu’elle fut installée, elle avait encore l’impression qu’elle allait défaillir. Elle ne savait pas ce qui était le pire entre l’idée - visiblement, elle ne s’y était pas assez préparée - d’apercevoir le roi ou celle - et pourtant, elle avait mis un soin tout particulier à s’y préparer - de voir son Ministre des Affaires Etrangères. Car aujourd’hui, il n’était que cela. Sans offense au premier conseiller, il devait être ce qui lui donnait le moins envie de s’encourir et de se cacher sous son lit pour ne plus jamais en sortir.
Elle crut aussi reconnaître Alexandre, mais à vrai dire, tout ce qui n’était pas un supplice lui passait au dessus de la tête. Ce serait bientôt terminé. Elle aurait besoin d’un verre. Assez rempli. Ou même de deux. Ou bien trois. Ce n’était pas une solution, mais elle préférait penser à cela qu’à la situation actuelle. Qu’à l’injustice et la cruauté, qu’à sa respiration modulée, à son cœur compressé dans un étau. Gabriel pinça encore sa paume. Elle focalisa son attention sur le poids de ses talismans. Tout allait bien. Tout allait bien. Tout allait bien.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé :
- Accompagnés de Victor, le couple Beaumont suit la procession. Ils saluent les parents du défunt et s’assoient à leur place dans les rangs de la noblesse, graves.
Hector, comte de Beaumont, 27 ans
L’atmosphère était lourde en ce blanc début de soirée. C’était à se demander comment Braktenn parvenait à rester droite, digne, grave, sous toute cette pression. Marie n’y parvenait qu’en se tenant au bras de son époux, vers qui elle jetait parfois quelques regards inquiets. Son visage fermé était le signe d’une émotion contenue, elle le savait. Mais avec ce poids en plus, comment faisait-il pour tenir, lui, sans personne sur qui s’appuyer ? Pour Hector, droit dans son uniforme, la réponse était simple : il refusait d’y penser. Il refusait de se demandait comment faire pour supporter la gravité de l’air. Il la supportait, simplement. Il avait beau ne pas avoir connu cet Édouard Josse que l’on honorait en ce jour, il avait déjà assisté à des cérémonies funèbres, malheureusement, et il avait eu d’autres soldats comme lui sous ses ordres. Il en avait enterré plusieurs également. Ça n’en rendait pas la chose plus facile pour autant. Il imaginait sans peine l’un de ses hommes à la place de celui dont on honorait la mémoire. Un sort aussi terrible que le sien aurait pu arriver à chacun d’eux, alors même s’il ignorait en quel honneur celui-ci avait droit à une telle cérémonie, il compatissait à la douleur de ses proches.
Les Beaumont avaient suivi la procession accompagnés de Victor, qui tenait ainsi le rôle de valet de pied. Ou alors pour raccompagner Marie si elle souhaitait se retirer, songeait Hector. Certes, il n’espérait pas qu’ils en arrivent à ce point mais plus ils avançaient, plus il craignait que le poids de l’atmosphère ne soit trop lourd pour elle. Marie, de son côté, inconsciente des précautions songées par son époux, tenait et se préparait, plus ils approchaient des Champs-Élysées, à se fermer à la tristesse ambiante. Elle s’en savait capable et elle le ferait. Une comtesse épouse de militaire devait se montrer digne de son rang.
Arrivés à destination, après avoir rendu les honneurs au roi, ils s’approchèrent des parents du défunt et inclinèrent la tête devant eux quand les deux précédents se furent éloignés.
« Madame, Monsieur, je suis le comte Hector de Beaumont, capitaine dans l’armée de Sa Majesté. Mon épouse et moi-même vous présentons nos plus sincères condoléances. »
Marie ne rajouta rien et tous deux s’écartèrent pour laisser la place à d’autres. N’ayant pas connu Édouard, Hector ne souhaitait pas faire comme si, sans pour autant pouvoir se résoudre à ne rien dire. Et il n'aimait pas non plus en faire trop, comme les deux énergumènes qui les précédaient. Ils allèrent tous les deux s’asseoir sur les sièges qui leur étaient réservés, après un salut à Victor de qui ils se séparaient le temps de la cérémonie. Aucun d’eux n’échangea un mot avec l’autre, par respect. Toutefois, à peine furent-ils assis qu’Hector prit avec délicatesse une des mains de Marie dans la sienne, tout en l’interrogeant du regard. Elle lui répondit par un sourire ténu et des yeux qui se voulaient rassurant avant de lui retourner sa question muette, à laquelle il répondit de même. Ils observèrent ainsi la haie d’honneur formée par les supérieurs d’Hector, et le passage du corbillard, sur lequel le portrait ne manqua pas d’étonner Marie, peu habituée aux visions des blessures de guerre comme son époux, puis la cage. Marie resserra sa prise autour du bras de son époux et lui, autour de sa main, en voyant les trois prisonniers. Tous deux se redressèrent instinctivement et les suivirent du regard, sombres.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Alduis arrive à l’heure, après une bonne nuit de sommeil et un repas correct. Il reconnaît quelques visages dans l’assemblée mais ne va voir personne, ni présenter ses hommages aux parents d’Édouard, de peur de faire des vagues involontairement, malgré sa promesse de se tenir à carreaux. Il préfère donc rester éloigné.
Alexandre l’avait assommé de conseils avant de partir en compagnie de Coldris. Heureusement, ce dernier ne lui avait fait aucune recommandation qui aille dans ce sens, il allait sans dire que cela ne l’aurait que plus agacé encore.
Être à l’heure, mettre quelque chose de chaud, manger correctement. Pour une fois, il avait fait les trois. Il ne s’était même pas spécialement forcé à manger, ce qui n’était pas coutume. Il ne savait pas très bien dire pourquoi ? Peut-être parce que pour une fois, il se sentait vraiment concerné par cette cérémonie et n’y allait pas simplement parce qu’on le lui demandait ? Peut-être était-ce ce qui faisait, aussi, qu’il avait bien dormi ?
Oui, parce qu’il n’avait pas fait tout cela parce qu’Alexandre lui avait demandé - en fait, cela lui avait précisément envie de faire le contraire - mais parce qu’il avait promis à son père de se tenir à carreaux. Une promesse était une promesse. Mais il l’avait fait aussi parce qu’il s’agissait d’hommages en l’honneur d’un soldat. Et rien que pour cela, quelles que soient ses origines, Alduis le respectait.
Dans la foule, il aperçut quelques têtes connues. Son père, évidemment, juste derrière le roi. Alexandre qui venait rapidement après. Eldred aussi. Il distingua ici le visage d’Éléonore, qui ne semblait pas au mieux de sa forme. En fait, il aurait été la voir, s’il n’y avait pas eu un autre visage juste à côté. Alduis ne l'avait jamais vu, certes, mais il n'y avait pas grande déduction à faire pour connaître son identité. Et rien que pour cela, il s'en tiendrait éloigné. Comme du reste de la foule.
Peut-être était-ce irrespectueux aussi, mais il n’alla pas présenter ses hommages aux parents du défunt. Parce qu’il ne savait pas quoi dire qui soit de circonstances. Il supposait qu’ils seraient déjà suffisamment submergé sans pour autant leur rajouter une personne de plus, qui ne ferait redire ce qu’ils avaient entendu une bonne douzaine de fois déjà.
Alors il préférait rester à distance et ne rien dire. C’était encore le meilleur moyen de ne pas faire de vagues. De ne parler à personne et de juste regarder.
Alduis de Fromart- Aristocratie
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Victor accompagne Hector et Marie à la cérémonie, en tant que valet de pied. Il présente en même temps qu’eux ses hommages aux parents d’Édouard puis rejoint la place qui lui est admise dans les rangs, en silence.
Jacinthe était restée chez les Beaumont. Il était bien entendu hors de question de l’emmener à une cérémonie d’enterrement, ce n’était pas la place d’une enfant. Elle était bien mieux là-bas, restée à faire il ne savait quelles activités bien plus plaisantes. Au début, elle avait bien voulu venir avec lui, mais quand il avait dit que c’était pour son travail, elle avait hoché la tête très sérieusement et accepté de rester.
Depuis, Victor suivait Hector et Marie, deux pas en arrière, en tant que valet de pied. Il marchait en silence, observant le respect adéquat à ces tristes circonstances. Il en savait peu sur celui qu’on enterrait à ce jour en grandes pompes. Il ne le connaissait pas, avait entendu quelques informations sur son compte, son nom et son destin tragique notamment, mais guère plus. Il n’était pas là pour poser des question, de toute manière.
Ces premières semaines d’embauche s’étaient passées pour le pied. Marie lui faisait confiance, elle était une femme admirable, et Jacinthe l’adorait. Elle n’en revenait toujours pas d’habiter dans la maison d’une princesse. Quant à Hector, les relations demeuraient plus distances, plus professionnelles, mais il s’agissait d’un employeur droit et honnête, et Victor l’appréciait en tant que tel. Au moins, il avait pu trouver un travail stable dans de bonnes conditions. Pour le moment, c’était ce qui comptait. Il devait essayer de se stabiliser un peu, pour le bien de Jacinthe. Il était hors de question de continuer à courir les routes toute sa vie, elle avait besoin de créer des liens solides quelque part.
Hector et Marie présentèrent leurs hommages au roi, puis aux parents du défunt soldat. Toujours légèrement en retrait, Victor les laissa parler. Il ne s’agissait pas de gens riches, il suffisait de les regarder pour le voir. Sûrement ne s’étaient-ils jamais attendu à vivre une telle situation… À son tour, il présenta ses condoléances aux deux pauvres gens, sobrement, d’un hochement de tête et de quelques mots de soutien, avant de suivre ses employeurs.
Ces derniers s’installèrent sur les bancs réservés à la noblesse, et lui-même rejoignit ceux qui étaient réservés à son rang, le temps de la cérémonie. En cas de problème, il demeurait de toute manière parfaitement accessible et relativement proche.
Victor Millard- Multi-comptes ? : Sylvère d'Aiguemorte / Alduis de Fromart
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Après être venu de la caserne avec ses hommes, Joseph a pris sa place dans le cortège des officiers. Il en profite pour observer un peu et salue la comtesse Marie avec son époux. Dans la foule, il reconnait également Éléonore pour avoir connu son frère.
Comme beaucoup de Braktennois, Joseph ne savait pas vraiment ce qu’il fichait là. Malgré tout, c’était un ordre et tant qu’il ne s’agissait pas d’aller piller ou brûler, il faisait son devoir. Il s’était levé relativement tôt pour se rendre à la place qu’on lui avait indiqué, dans le cortège d’honneur pour le mort. En laissant traîner ses oreilles et en interrogeant sur le chemin ses gars avec qui il s’était déplacé, il avait vaguement compris qu’il s’agissait d’un petit héros Héros pour quoi d’ailleurs ? Aucun ne savait bien. Comme d’habitude un cousin à eux avait entendu d’un copain qui lui-même l’avait appris d’un compagnon d’armes que puis il fallait insérer telle ou telle affirmation pour le gus qu’ils étaient en train de trimballer dans toutes les rues de la ville.
Joseph demeurait un peu sceptique même s’il se disait que, si on lui rendait hommage, c’est qu’il devait y avoir une raison. Et, pour sa part, il trouvait que rendre hommage à un soldat inconnu, ce n’était pas une mauvaise idée. Combien ne revenait pas mais n’avait ni famille ni amis pour leur rendre hommage ? Pour eux tous, il fallait au moins une cérémonie aussi grandiose pour réparer l’injustice de les avoir oubliés alors que c’était eux qui permettaient à l’Empire de grossir toujours plus. Joseph repensa à sa conversation de l’autre jour avec le ministre. Il leva les yeux au ciel. Ceux d’en haut devaient s’en foutre… Il se demandait bien d’ailleurs pourquoi ils avaient autorisé un truc du genre, ce n’était pas vraiment l’habitude de la maison…
Dès qu’il était arrivés, il avait laissé ses gars partir dans la foule pendant qu’il s’était rangé avec ses collègues. Pour ceux qu’il connaissait, il les avait salués et pour les autres il inclinait poliment la tête pour les saluer. Bon sang, par contre tant qu’à faire, la lance n’était pas légère ! Enfin, il avait vu pire… En observant un peu, il avait pu aussi voir une cage où de drôles de bonhommes se morfondaient. Il avait entendu qu’ils s’étaient rendus coupable de meurtre sur la personne qu’ils accompagnaient. Joseph ne souhaitait pas y réfléchir plus que ça mais ça avait l’air d’être une sombre affaire…
Enfin, pour le moment, il était censé rester là lui. Il observait donc aussi discrètement que possible en ne déviant pas trop du chemin. Il était surtout compatissant pour les parents qui n’avaient pas l’air de savoir ce qu’il faisait ça les pauvres… Il soupira en secouant la tête. Il irait sans doute les saluer une fois ses obligations finies.
D’ailleurs, en observant les personnes qui défilaient, il reconnut Marie et Hector à qui il fit un sourire. Il savait par Irène qu’ils étaient revenus dans le coin et cela lui faisait bien plaisir : Finalement, ils allaient pouvoir former un petit club de chez eux, surtout si Marc posait ses bagages prochainement. Alors qu’il laissait son regard se promener, il lui sembla également voir une petite ombre se balader. Il plissa les yeux. Tiens, ça lui disait quelque chose… Ces cheveux noirs… Et sa figure quand elle se retourna... Eh mais c’est qu’on aurait dit Ariste ! Ils se ressemblaient même pas mal. Mais comment c’était possible ça ? Ah, mais il avait pas une sœur à qui il écrivait tout le temps ? Mais si, même que tout le camp le charriait en plaisantant sur le fait qu’il avait une dame ! Et il arrivait pas beaucoup à se défendre le pauvre, il devenait systématiquement tout rouge… Heureusement que Joseph l’avait parfois défendu d’ailleurs. Ah bah il serait curieux de la voir la demoiselle ! Il faudrait qu’il aille lui dire bonjour s’il y arrivait après tout le pataquès.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- William, intendant à Frenn, se rend aux funérailles avec Dyonis et sa troupe. Il analyse l'événement et présente ses condoléances aux parents avanr s'aller s'asseoir dans les tribunes.
William, l'air grave, avait accompagné avec sa suite le seigneur de Frenn pour cette cérémonie qui promettait d'être fort éprouvante. Par respect des convenances, il s'éloigna de la tête du défilé et avança dans le cortège au milieu des anonymes. Ses pensées vagabondaient ici et là et allaient autant aux pauvres parents endeuillés qu'aux bourreaux de leur fils. Il observa à quelques reprises reprises ces monstres dans leur cage. Son esprit cherchait encore à comprendre la logique d'une pareille agression. Pourquoi avaient-ils pensé normal de tuer le malheureux soldat ? La boisson suffisait-elle à expliquer cette défaillance ? Il lui semblait que non. Ils se croyaient intouchables. Ils supposaient que personne ne pleurerait ce qui resterait pour eux un misérable infirme. Comment pouvait-on avoir en tête de pareilles horreurs ? Non, cela lui échappait totalement.
Le cortège s'arrêta et les individus commencèrent à présenter leurs condoléances aux parents. D'abord, les officiels. William suivit la silhouette du Premier Conseiller, comme toujours si digne. Au moins avait-il pu récupérer des excès de la veille. Comment le Roi et son ministre avaient-ils imaginer organiser une soirée la veille de funérailles ? Cela était ignoble et un manque de respect au défunt. Il ne croyait ainsi pas en les paroles que prononcèrent le souverain et le ministre. Pour eux, Edouard n'était rien, sauf un pion sur leur échiquier politique. L'intendant éprouvait un fort malaise pour Dyonis, coincé entre ces deux animaux. Comment son intégrité si admirable pourrait-elle perdurer avec eux ? Il resterait lui à ses cotés et le soutiendrait face aux tentatives de déstabilisation qu'il pourrait subir.
Le jeune homme qui s'avança derrière le ministre, après un père et sa fille, lui parut plus digne. Il ne se contentait que d'une brève paroles mais efficace. Les individus qui suivirent ne lui inspirèrent pas le même effet. Quelque choses sonnait différemment dans leurs attitude que le langage voulait dire. Des noblesse mêlèrent ensuite aux échanges de condoléances. William se décida finalement à rejoindre le mouvement et s'inclina le plus respectueusement devant les parents.
"Je n'ai pas eu le plaisir et l'honneur de connaître votre fils, mais le portrait que le Premier Conseiller m'en fait me permet d'affirmer que j'aurais eu grande fierté à le compter parmi mes amis. Je vous salue pour avoir su donner une éducation aussi admirable à Edouard qui lui a permis de rester brave et intègre, même au milieu des pires horreurs."
Sur cette intervention, il posa la main sur l'épaule du père pour le soutenir, puis fit une révérence à la mère avant de se retirer pour s'en aller prendre place dans les tribunes.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Le couple Torienel se rend à la cérémonie accompagné de Nehalan en vue du rendez-vous organisé avec le seigneur de Frenn juste après. Obnubilé par cet évènement, Doran souhaite aller le saluer immédiatement mais son fils le retient, alors que Madame de Torienel est allée présenter ses condoléances aux parents d'Edouard. Nehalan reste silencieux, ne sachant pas quoi dire.
Nehalan n’avait rien contre se rendre à une entrevue… professionnelle ? importante ? le même jour qu’une cérémonie aussi grave. En revanche, assister à la cérémonie en question uniquement pour cette raison et la bonne image que cela donnait de la famille le répugnait. Cette famille avait perdu un fils, on rendait hommage à un soldat, ce n’était pas une invitation pour le thé. Pourtant, Monsieur votre Père avait insisté auprès de Madame votre Mère pour qu’elle les accompagne, alors même qu’il l’autorisait de manière générale à rester au château avec ses livres et ses broderies. Tout cela dans l’unique but de donner une bonne image et non par respect pour le défunt.
Le trio arrivait à présent sur le lieu de la cérémonie en compagnie du cortège. Alban se tenait sans doute parmi tous ses soldats, la tête haute, mais Nehalan n’avait pas le cœur de chercher son visage. Il n’écrivait qu’à leur mère, et ce très rarement. Lorsque cela arrivait, on le devinait au sourire fier qui éclairait son visage le reste de sa journée.
Ils se dirigeaient vers les sièges attribués à la noblesse quand Monsieur votre Père changea brusquement de direction.
- Je vais aller saluer le baron de Frenn, suivez-moi Nehalan.
Le jeune homme n’en fit rien et le retint par le bras, la gorge serrée. Ce n’était guère le moment. Aller présenter ses condoléances au couple endeuillé lui passait-il donc à ce point au-dessus de la tête ? Cela ne lui ressemblait pas… A moins que ce ne soit ce rendez-vous qui le préoccupe trop pour qu’il y songe. Oui, ce devait être ça.
- Père, vous n’avez pas le temps, ils sont sur le point de débuter.
Doran jeta un regard alentours. Ce n’était pas tout à fait le cas mais son fils lui avait au moins permis de se rappeler que ce n’était ni l’heure ni le lieu pour ce qu’ils avaient à discuter. Il entraîna donc Nehalan vers leurs places où devait les attendre son épouse, laquelle avait disparu. Ce fut le jeune homme qui la retrouva, alors qu’il regardait le couple endeuillé sans savoir quoi leur dire qui ne lui semble pas profondément hypocrite. En quoi un « mes condoléances » les consolerait-il de la perte de leur fils ?
Madame votre mère se tenait en face d’eux, la mine grave. Elle leur glissa quelques mots qu’il ne pouvait percevoir à cette distance, puis s’en retourna vers sa famille en se tapotant le coin des yeux avec son mouchoir. Nehalan scruta son visage lorsqu’elle vint s’assoir aux côtés de son époux. Ses yeux étaient secs. Alors elle aussi, elle jouait la comédie ? Son air affligé avait l’air si vrai pourtant… Ce qui l’étonna encore plus fut de voir son père se saisir discrètement de sa main. Son cœur se serra. Il ne les pensait pas si doués dans le mensonge. Car cela ne pouvait être que cela, des mensonges.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Le roi ouvre la cérémonie par un rapide hommage à Édouard, mais surtout par l'annonce solennelle qu'il est désormais déclaré Saint-Martyr. Après un bref discours, il cède la place et la parole à Dyonis puis Coldris, qui, eux, ont été les premiers témoins - et acteurs - des événements. Il leur revient donc d'en dire davantage.
Le souverain repensait de temps à autres à la folle soirée de la veille, pour se désennuyer au milieu de cet événement qui relevait de la pure obligation de stratégie. Ce rabat-joie de seigneur de Frenn demeura de marbre à son coup d'œil : comme si une petite seconde joueuse allait briser un peu plus le défunt là où il était désormais. Mais soit : le monarque se détourna et aligna les mondanités qu'il devait ici et là, à commencer par les parents du soldat.
En rejoignant sa place d'honneur, ses yeux parcoururent le parterre, comme toujours soucieux d'avoir en tête le dessin précis des forces en présence. Voyons. Lesquels de ses courtisans étaient là ? Bien évidemment le Ministre qui allait sous peu discourir, une fois que lui-même et le Premier Conseiller auraient fait leur part. Coldris qui, lui, s'était permis un regard pétillant en croisant celui de Der Ragascorn. Ils se comprenaient. Son jeune secrétaire apparut - c'était donc lui, l'invalide de compagnie qu'il avait sauvé de la potence en septembre. Quelques autres visages plus ou moins connus suivirent : les Beaumont, les Torienel et d'autres membres plus influents de la Cour. Le roi pouvait se vanter d'avoir bonne mémoire pour remettre rapidement les membres de l'aristocratie braktennoise, ainsi que le rang et les influences plus ou moins fortes de chacun. Observation de partie d'échecs permanente.
Tout le monde prit place. Sur un bref roulement de tambours, la cérémonie débuta. Au bout de l'allée centrale, le cercueil couvert de fleurs et orné de la médaille des héros semblait attendre - au pied de l'estrade - de recevoir la parole des uns et des autres autant que l'ensemble de l'assistance. Pour Gérald cependant, il n'était que comme une marche égale aux autres menant à la scène - marche pour installer des stratégies politiques. Celles qu'exposeraient tour à tour le Premier Conseiller et le Ministre des Affaires étrangères. Mais pas avant que le roi n'ait ouvert la cérémonie. Il se leva avec sa lente et grave prestance. Sa canne d'apparat ponctuait sa marche. Les épais plis de sa longue cape d'une pourpre sombre rapprochaient sa silhouette d'une statue de circonstances. Passant devant le cercueil, le monarque inclina la tête et prit un temps d'arrêt. Il grimpa les marches. Sa voix forte s'éleva tandis que ses yeux tout à la fois embrassaient l'ensemble du parterre et venaient en chercher chacun des membres :
-- Très chers sujets. Il se produit parfois dans l'Histoire d'un peuple de ces événements qui, à première vue, ne sont rien en comparaison du grand cours des choses. A première vue seulement. Il serait en effet indigne de ne pas considérer, avec toute l'importance qu'ils revêtent, les terribles actes et le décès tragique qui nous réunissent en ce jour. Des faits comme ceux-ci viennent nous rappeler à ce que nous devons être en tant que membres d'un empire prestigieux. Une mort comme celle-là est le visage du sacrifice, l'empreinte de la grandeur des âmes qui se dévouent à un Idéal quoi qu'il en coûte, mais aussi l'image du châtiment qui attend quiconque ose bafouer cette grandeur. (Son timbre aiguisé comme la baguette d'un chef d'orchestre alterne habilement la fermeté, la sévérité, l'entrain de la confiance à imprimer à l'assistance. Autant d'instruments de sa partition. Un temps. Il poursuit, plus neutre) Messieurs le Premier Conseiller de l'Empire et le Ministre des Affaires étrangères et de la guerre, ici présents, ont été les témoins directs du drame ayant coûté la vie à ce héros. Ainsi que de ces derniers instants. Ils sauront mieux que quiconque faire part de leurs réflexions, dont chacun d'entre nous se doit de s'imprégner. Aussi la parole va-t-elle leur être laissée.
Il marqua un temps solennel. Ses yeux s'abaissèrent afin de désigner le cercueil avant de revenir envelopper l'assemblée. Sa voix reprit, forte, comme ancrée dans les nervures des colonnes abritant le décorum funèbre :
-- Mais avant que de les écouter, Nous, Souverain du Saint Empire Monbrinien, déclarons avec le concours et soutien des hauts membres de notre Clergé, qu'à compter de ce jour le vétéran Édouard Josse est élevé au rang de Saint et Martyr de l'Empire. Qu'il reçoive hic et nunc, et avec la grâce de Dieu, les traitements qui lui sont dus. Ordonnons qu'en cette qualité, il puisse être prié et honoré semblablement à ses pairs. (Avec une courte génuflexion et un ton de piété parfaitement simulée) Et moi le premier, votre roi par la volonté du Très-Haut et Son plus humble serviteur, remets à la bonne intercession de notre Saint-Martyr les grands changements à venir pour le rayonnement d'un Empire qu'il fut de son vivant parmi les premiers à faire croître. Ainsi soit-il.
Silence. Une dernière fois, debout, droit, noir de lumière dans un contre-jour calculé, Gérald Der Ragascorn s'imposa à tous les regards. Enfin, il se déplaça sur le côté de l'estrade où l'attendait un siège d'apparat, laissant la place et la parole au Premier Conseiller puis au Ministre.
Ils reçurent donc les condoléances des plus grandes têtes de l'Empire. Combien parmi elles étaient vraiment affectées et sincères ? Le couple ne voulut pas y penser. Ni se demander si ça n'avait pas été plus cruel qu'autre chose, de les faire venir... Sûrement que politiquement, ça avait une justification. Les époux Josse préférèrent s'accrocher à quelques regards, quelques paroles qui leur semblèrent véritablement humbles et compatissantes au milieu de toute cette représentation : cette Mademoiselle Florange, le serviteur du Premier Conseiller, ce jeune homme aux béquilles - contrairement aux deux Monsieur qui suivirent et leur laissèrent une drôle d'impression... Le couple se trouva saisi par le silence total de cette jeune noble venue elle aussi à eux. Ils comprirent ce silence. Ils savaient que parfois, rien ne pouvait sortir - et que ça valait sûrement mieux que des banalités. Alors le père hocha simplement la tête et la mère esquissa un bref sourire fragile.
La cérémonie commença. M. et Mme. Josse écoutèrent Sa Majesté. La mort de leur fils, un symbole et une leçon à méditer pour tout l'Empire ? Leçon sur la barbarie humaine, ça oui. Sur ces faux-dévots qui se mêlaient de charité, aussi. D'accord mais qu'est-ce qui allait en sortir, maintenant, concrètement ? Qu'allaient-ils faire encore avec leur Édouard ? Une première réponse tomba : un Saint Martyr. Ils ne surent pas le moins du monde se dire terrifiés ou honorés par cette nouvelle : tout le monde pourrait s'adresser à leur fils ? Là, comme ça, par une prière ?
Caroline se surprit à se demander qu'est-ce que ça pouvait faire, d'être en permanence sollicité par des confidences et des implorations là-haut... Est-ce que c'était ça, le repos éternel ? Est-ce qu'ils ne pouvaient pas juste le laisser s'envoler léger, leur papillon ? Non, il fallait qu'ils le clouent de lumière : celle des feux de la rampe. Michel, lui, ne parvenait pas à détacher ses yeux effarés et rougis de ce... portrait... Heureusement qu'il y avait ses yeux, oh... ses yeux... Alors donc, son petit Édouard devenait une des icônes de l'Empire. Lui, son père, échangerait tout ce qu'il avait et tous ces honneurs aussi, pour remonter vingt ans en arrière et récupérer en vie "juste" Édouard. Il ne voulait pas d'une icône pour tout le monde, il aurait voulu uniquement son fils. Lui qui aimait prier parfois Saint-Joseph, il se demanda alors si le bon charpentier ne s'était pas senti lui aussi dépossédé de son gamin, quand il a apparemment fallu qu'il soit livré "pour tous" ?
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Dyonis repère Nehalan et ses parents et se souvient du rendez-vous qu'ils auront après la cérémonie. Puis il vient discourir à son tour. En tant que représentant de la loi, il tire les leçons financières et juridiques de la mort d'Édouard et annonce quelques grandes lignes de la politique à venir en matière de finance, de travail, d'église et de question sociale.
Dyonis reste concentré. Aller présenter ses condoléances aux perents d'Édouard lui serre le cœur, au point de douter un instant d'avoir pris la bonne décition les concernant. Il ne montre rien cependant de ce doute qui le tiraille, comme toujours. Inflexible. Cette cérémonie doit leur être une épreuve terrible. Mais il a pensé en termes de stratégie et d'image du gouvernement : l'Empire aurait fait bien piètre figure – et donné l'impression de ne pas assumer – si M. et Mme. Josse ainsi que leur entourage avaient appris, d'une façon ou d'une autre, la sanctification de leur fils sans que nul dignitaite n'ait pris la peine de les informer et inviter. Il le fallait. Le doute quitte alors le baron.
Après un bref regard vers Eldred, William et Lucinde dont il repère les têtes parmi les si nombreuses du cortège, il va prendre sa place. Au passage, le Premier Conseiller repère la famille de Torienel. Bien. Comme convenu, le jeune Nehalan et son père honorent leur rendez-vous : ils auront, comme promis, à discuter de l'avenir du garçon une fois terminée la cérémonie. Mais cette obligation quitte bien vite l'esprit du seigneur de Frenn : roulement de tambour.
Le roi gravit les marches et prend la parole. Gérald Der Ragascorn est majuestueux, l'on ne croirait pas qu'il s'est dissolu en beuveries jusque très tardivement le matin même... Grave, la mine fermée, Dyonis écoute son discours. Comme toujours, il est incapable de jauger la part de sincérité et la part de pure représentation stratégique dans ses propos. Il n'en demeure pas moins qu'il est convaincant. Cachant son émotion, Dyonis se lève en même temps que tout le monde au moment où le roi pose le genou à terre pour prier leur désormais Saint-Martyr Édouard. Sa respiration se bloque. Pauvre Édouard : il n'a sans doute rien demandé, et voilà soudain un bien grand poids sur ses épaules. Des prières pour l'Empire... Sans doute que le vétéran n'y mettrait pas la même chose que ce que sous-entend le souverain. Dyonis, à cet instant, trouve pour la première fois très émouvante la figure d'un Saint. Par deux-mille ans d'icônes souvent trop sages, trop distantes, trop parfaites, l'Eglise parfois atténue l'humanité de ces figures. Elle contribue bien malgré elle à créer des êtres inaccessibles. Mais aujourd'hui, face au cercueil du vétéran, Dyonis se souvient que ces saints ont été des êtres terrestres, avec leurs failles, leurs imperfections. Des êtres de chair, qui ont ri, mangé, se sont fâché peut-être, mais à un moment donné ont été héroïques dans leur ordinaire. Avoir côtoyé même brièvement ce défunt remarie l'homme avec la figure honorifique. Plus jamais le baron ne considérera ni ne priera les Saints avec son habituelle distance protocolaire. Même si la démarche concernant Édouard est aussi purement politique, il en a parfaitement conscience.
Vient son tour. Il se lève. Passant près du cercueil, il s'incline avec un sincère et sobre respect. Se redressant, il gravit les marches. Le Premier Conseiller prend place devant l'assistance silencieuse. Bras le long du corps, regard fixé à un point imaginaire pour sembler regarder tout le monde et personne à la fois. Dyonis avale un maigre filer de salive. Il a répété. Longuement. Cela va aller.
''Sire, Mesdames Messieurs, peuple de Monbrina. À l'Hôpital Général de Brektenn s'est déployée, dans le secret, une ignoble violence. Une violence bestiale déchargée, par peur vengeresse, contre un interné qui avait agi pour révéler l'horreur à notre Justice. Mais aussi une autre violence, celle-ci, calculée. Et à l'œuvre depuis trop longtemps : l'égoïsme vénal, l'exploitation des plus vulnérables de notre peuple, le détournement à des fins personnelles d'un argent qui aurait dû revenir à l'Empire, pour le bien de tous ses sujets. Deux violences qui, chacune à sa façon, abolirent la dignité humaine. Bafouèrent le sens du bien commun.''
Temps de silence. Concentration. Cette maudite fatigue est encore bien là. Puisant dans les regards de l'assistance l'énergie de poursuivre sans ciller, sa voix grave reprend :
''Alors que le pire était en place, à l'insu de tous, entre les murs de ces institutions abusant chaque jour de l'Empire et de certains de ses sujets... c'est jusqu'au Christ qui était offensé. Souvenons-nous de ses paroles, qu'un Empire juste doit faire siennes :
« Ce que vous faites au plus humble d'entre les miens, c'est à moi que vous le faites. »
S'élevant contre cette horreur, Édouard Josse a inversé le rapport de force : car oui, c'est bien de lui – Édouard Josse, d'abord apprenti potier, puis humble soldat, et enfin interné qu'ils avaient réduit à un numéro – dont l'Histoire se souviendra à compter de ce jour. Lui que l'Empire honorera. Contre ses bourreaux et tous ceux de leur acabit. Eux dont, en tant que Premier Conseiller et représentant de la loi, je promets solennellement la traque impitoyable. Trop longtemps des êtres de cette nature ont abusé de Monbrina et détourné son argent. Votre argent. Celui qui doit continuer à rendre votre vie meilleure et notre territoire chaque jour plus prestigieux. Mais surtout, le vétéran Édouard Josse a remis les valeurs humaines en ordre.''
L'émotion lui traverse un instant le regard et la gorge – heureusement imperceptible par nul autre que lui-même. Bref regard déférent vers le cercueil.
''Il a réaffirmé la primauté du service à son pays et à ses pairs. Il a assumé le courage d'un altruisme sans concession, tant par sa démarche de révélation en présence de Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et de moi-même – qu'au cours de dix-sept années dans un lieu ayant tout de l'Enfer que des monstres ont fait déborder sur Terre. Dans sa vie et dans sa mort, Édouard a illustré les valeurs d'honneur et d'unité chères à l'Empire. Et incarné la chrétienté.
Pour toutes ces raisons, que le martyr Édouard Josse soit célébré comme un héros de la dignité humaine. Oh certes, cela n'efface ni le sang, ni la mort, ni la douleur. Aussi l'Empire se joint-il, avec la plus grande humilité, à votre peine, Monsieur et Madame Josse.'' (Regard déférent aux parents d'Édouard, avant d'embrasser de nouveau l'assistance des yeux) ''Mais un tel sacrifice nous impose le devoir de refuser, nous aussi, quelque victoire que ce soit à des êtres barbares. Unissons-nous, à présent, autour de la mémoire d'Édouard Josse, autour de l'exemple qu'il nous laisse, autour des missions auxquelles il nous appelle – nous, chrétiens et membres d'un puissant Empire.
Monbrina se souviendra de ce qu'il nous a révélé. D'abord en châtiant, avec une extrême sévérité, quiconque abusera des biens de l'Empire et détournera ses pécunes. Ensuite, en rappelant l'Eglise à ses devoirs : sobriété, service d'autrui, mission de charité. Des lois viendront s'en assurer. Enfin : en remettant d'urgence les choses à leur place, par la transformation des Hôpitaux Généraux en lieu de véritable soutien aux plus vulnérables de nos sujets. En oeuvrant, par ailleurs, à ce que le monde professionnel ne se ferme pas aveuglément – au nom d'infâmes superstitions – aux infirmes pourtant capables d'insersion et ne demandant que cela. Telle est la ligne que nous nous engageons à suivre. Pour que les siècles à venir se souviennent du Saint Empire aussi pour sa grandeur humaine.
Avec la grâce de Dieu, longue vie au Roi, longue vie à l'Empire monbrinien.''
La gorge sèche, la tête lourde, il prend une lente mais silencieuse inspiration. À son tour, il se décale sur le côté pour aller s'asseoir auprès du souverain. Analysant avec une froideur méthodique sa prestation, Dyonis pesa ses points forts et ceux sur lesquels il devrait se montrer meilleur lors d'un prochain discours. Toujours avoir à cœur de s'améliorer. Le Premier Conseiller espère avoir fait passer les grandes lignes de ce qu'il prépare pour le versant législatif, social et financier de l'avenir de l'Empire. Son collègue allait arriver. Il attend avec intérêt de l'écouter : lui, ministre des Affaires étrangères et de la guerre, aborderait sans doute le volet militaire tant dans les combats que dans les suites de blessures. Croisant main métallique et crochet à ses genoux, il se prépare.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
Monbrina, pour tes vieux blessés?
Pour ce flot de sang déversé,
Et tes enfants sacrifiés?
Pour ces familles déchirées,
Et ces nombreuses vies volées ?
Pour cette jeunesse fauchée,
Et ces vains espoirs dérobés?
Pour ces doux rêves piétinés,
Qui t'ont fait naître et exister?
Et toi, qu'as-tu donc vraiment fait,
Du fond de ton palais doré ?
Tes héros sont-ils honorés,
Et tes vaillants soldats loués ?
Ou ne sont-ils que noms abstraits
Sur ces papiers ratifiés ?
A Monbrina et son Ministre, Coldris
- Résumé:
- Coldris aperçoit Eléonore en compagnie de celui qu’il identifie comme son fiancé. Enfin futur fiancé. Néanmoins, il fait rapidement abstraction pour se concentrer sur le nobles présents (ou non) puis les discours de Sa Majesté et de ce cher Dyonis.
Il prend ensuite la parole non sans voir son esprit pollué par quelques interventions d’Edouard et Virgil.
Les points abordés sont les suivants :
- Stigmatisation des infirmes de guerre par la population rendant difficile l’accès à une nouvelle vie notamment via la possibilité de travailler)
- Manque de reconnaissance envers les vétérans
- Devoir de les honorer et de les protéger
- Création de l’institut des invalides pour leur offrir une place autre que l’hôpital général ou la voirie
- Institution d’un jour chômé en hommage aux héros de l’Empire le 19 mars
- Dénonciation des actes de barbarie commis à l’encontre d’Edouard
- Rappel du conflit prochain
Les condoléances se succédèrent – sincères ou non – devant les parents du défunt. C’était une procession orchestrée dans laquelle, de là où ils étaient, chacun d’entre eux relevait qui était présent ou non à l’évènement parmi les hautes têtes de leur société savamment organisée. Les Aussevielle étaient excusés d’office et l’on savait ici qu’il serait volontiers venu dans d’autres circonstances. À l’inverse, certains – ou plus exactement certaines – se trouvaient présents et auraient mieux fait de s’abstenir quand bien même ils venaient représenter le comté de Tianidre. Il croisa le regard de celle qui faisait battre son cœur. Partagé entre le plaisir de la voir et le déplaisir de l’apercevoir au bras de celui qui était certainement son fiancé. Il en était toujours à se demander comment cela pouvait bien le déranger autant lorsqu’il choisit de rompre le contact visuel et de la faire disparaitre de son champ de vision. L’heure n’était pas à ce genre de considérations et elles furent balayées sans le moindre ménagement de son esprit afin de focaliser son attention sur le discours à venir.
Sa Majesté prit la parole dans une habile introduction, jouant en acteur parfait son rôle avec une aisance naturelle. Il aurait pu jouer dans l’une de ses pièces avec un tel talent, dommage qu’aucune ne soit suffisamment décente pour lui être présentée y compris au cours d’une soirée arrosée comme la veille. Ce fut ensuite au tour du Premier Conseiller de discourir avec sa charité et son efficacité habituelle. Parfait. Ils se complèteraient à merveilles et lui laissait volontiers le bon rôle de cette histoire pour s’y abriter. Tiens, il semblait quelque peu fatigué suite à sa prestation, nota-t-il intérieurement non sans amuement. A son tour, le baron se déplaça sur le côté pour laisser la place à Coldris. La nervosité le gagna l’espace d’une seconde. Il aurait voulu faire mieux que cela. Persistait également la crainte de décevoir son roi – présent qui plus est, pour écouter son discours –. Et ce n’était pas leurs longues années de coopération et de proximité qui aurait pu enterrer ce sentiment.
Il embrassa la foule du regard dans de longues secondes avant d’entamer d’une voix forte, ce texte travaillé et retravaillé qu’il connaissait par cœur et dans lequel rien n’était laissé au hasard.
— Édouard Josse aura donné par deux fois sa vie à l’empire. La première à Hô-Yo où son sang fut versé suite à une charge dans les rangs ennemis. Revenu blessé et marqué à jamais de son affrontement comme bon nombre de nos vaillants soldats, il fut soigné et invité à reprendre le cours de sa vie. (il pose un regard sévère sur l’assistance, puis s’interrompt à chaque interrogation afin de laisser le temps à sa phrase de se frayer un chemin dans chaque esprit) Mais toi peuple de Monbrina, que voyais-tu en cet homme à qui tu fermais ta porte d’effroi ?
MONBRINA, CRÉEZ-VOUS LES
CONDITIONS POUR QU’ON LE
REPRENNE, CE COURS DE VIE ?
Coldris serra les mâchoires, que croyait-il donc qu’il était en train de faire ? Le pouvoir ne pouvait pas être tenu responsable de tous les malheurs du monde, et certainement pas lorsque l’Église se vautrait dans le luxe en invoquant la charité à tout bout de champ.
— As-tu seulement osé croiser son regard et voir au-delà de cette différence qui t’effrayais ? T’es-tu seulement dit que cet homme était l’un des héros de notre nation ? Qu’il avait porté fièrement nos couleurs par-delà les frontières, versant offrant sa vie pour la gloire de l’Empire ? Que tu aurais dû le louer plutôt que de le mépriser ? Trouves-tu normal, que ces hommes errent dans nos cités, accusés de les parasiter quand leur famille ne peut les garder auprès d’eux ? (un nouveau silence ponctue son discours avant qu’il ne tire les ficelles de la foi pour ficeler ses propos) Notre Seigneur nous enseigne à prendre soin des autres. Si quelqu’un possède les biens du monde, et que, voyant son frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ?
ÊTES BONS. POUR LE RESTE… VOS DISCOURS ONT DIT
POURTANT QUE L’EMPIRE PROFITERAIT À TOUS VOISINS
COMPRIS. JE SAIS TU VAS ME DIRE J’AI ÉTÉ NAÏF. OUI?
Je te dirais surtout que tu étais moins bavard
quand tout devait tenir sur une ardoise.
Tu t’en souviens vraiment quand ça t’arrange, Coldris.
— Ce n’est pas en offrant l’aumône d’un regard fuyant que tu t’acquittes de ton devoir de chrétien ni que tu honores tes soldats. Ose plonger tes yeux dans les leurs ! (il se tourna vers le portrait réalisé par Alexandre avant de se reconcentrer sur l’assemblée écoutant religieusement) Ose leur tendre la main et leur offrir un travail si tu le peux ou simplement ton respect et ta gratitude.
L’IMAGE DES INFIRMES (TOUS)
DANS LES ESPRITS POUR ÇA
Coldris soupira intérieurement au cours de cette nouvelle intervention qui venait polluer son esprit.
J’ai suffisamment à faire avec mes infirmes personnels.
Et il pensait bien évidemment à l’un d’entre eux tout particulièrement, espérant pouvoir l’aider à réparer sa propre image brisée. Les autres, il les laissait bien volontiers aux bons soins du seigneur de Frenn.
— Il n’est plus tolérable que nos héros croupissent dans les caniveaux de nos cités sous tes huées et tes regards pleins de mépris. Là n’est pas leur place, au milieu de tes déchets et de tes rebuts, qu’ils soient entiers ou brisés.
SONT, EUX, DÉCHETS ET REBUTS ?! MERCI
POUR LES SOLDATS. MAIS QU’ON SOIT PAS
VOTRE ARBRE BON À CACHER LA FORÊT
Coldris se contenta de sourire dans son esprit. Il se fichait pas mal des mendiants qui n’avaient qu’à se sortir les doigts du cul pour trouver un travail. C’était facile de se plaindre quand on ne faisait rien d’autre de ses journées que d’attendre que la nuit vienne, un bol à la main.
— Là n’est pas non plus leur place, au sein de l’hôpital général, au milieu des fous et des aliénés. (nouveau temps après cette déclaration qui tomba comme un couperet glacial. Il reprit avec un peu plus de souplesse mêlée d’une profonde assurance) C’est pourquoi l’Empire a ordonné la fondation de l’Institut des Invalides qui accueillera tous les soldats qui le souhaiteront pour un jour, un mois, un an ou toute une vie. Quelle que soit leur infirmité, ils y trouveront ici, respect et bienveillance. Il n’est plus question que l’Empire ferme les yeux et oublie ces hommes qui ont offert leur vie pour qu’il s’épanouisse. L’Empire n’abandonne pas ses soldats.
Je t’en prie.
Il reprit sa respiration avant de poursuivre plus solennel cette fois-ci :
— Il les honore et les protège. Il leur rend grâce aussi, le dix-neuvième jour de mars, fête de nos vaillants et de nos héros, jour qui sera désormais chômé dans tous l’empire afin que chacun puisse célébrer le courage des vivants et la mémoire des disparus.
Il reconnaissait là, la malice de son souverain à choisir un tel jour pour fêter ses soldats. Une date telle qu’il était difficile de trancher entre l’hommage, la pointe de moquerie et le soupçon de menace.
— La seconde et ultime fois qu’Édouard Josse donna sa vie pour son pays, fut en sa qualité de guide et interné de longue date à l’Hôpital Général, lors de notre inspection à Son Excellence le Premier Conseiller et moi-même. Et ce ne furent pas ses dix-sept années de réclusion qui entachèrent son dévouement envers son pays et ses camarades.
ENVERS MON PAYS, S’IL ÉTAIT, LUI,
DÉVOUÉ À SON PEUPLE. RIEN N’EST – SÛR
Haussement mental d’épaule
Qu’importe au fond?
Tu l’as fait.
Qu’est-ce que la dévotion à son peuple ?
Il est naïf de vouloir satisfaire l’ensemble.
— Quand bon nombre auraient préféré s’éclipser sous les menaces étouffées d’un directeur improbe et véreux, Édouard a choisi de servir l’Empire avec zèle...
Ce n’est que la vérité, Édouard.
Rien ne t’obligeait à nous montrer ce que Berlingtham tentait de dissimuler.
Là encore tu l’as fait malgré tout.
C’était ton choix et c’est tout à ton honneur.
…n’hésitant pas à révéler au plein jour les détails les plus sordides de l’établissement. Et pour cela nous l’en remercions.
LES OUBLIÉS DE CET EMPIRE.
À VOTRE TOUR OUBLIEZ PAS.
Je ne pourrais pas oublier ce que j’ai vu.
Mais le baron s’occupera mieux de ce genre de considérations.
Lui était plus porté sur l’art de la destruction que de la reconstruction. Quant à ses principes moraux, ils étaient bien trop limités pour qu’il ne puisse s’embarrasser de telles ambitions. La morale n’était qu’un boulet que l’on trainait dans ses projets et une oriflamme que l’on agitait pour guider le troupeau là où on le souhaitait.
— Tel le Christ montant vers sa croix...
Avec Plaisir.
C’est pour l’image.
C’est important, tu comprends?
Je pense que l’on pouvait s’en passer.
C’était un dissident avant tout, ne l’oublie pas.
Ah? Vraiment? Je l’ignorais vois-tu.
… Édouard savait ce qu’il en couterait de montrer aux visiteurs le véritable visage de l'institut.
RESTE A SAVOIR QUI EN SONT
LES MAUVAIS POTIERS.
Je prends note d’éviter toute commande de céramique chez lui.
— Mais il le fit. De tout son courage. Sans éprouver de peur à l’idée d’une fin prochaine et douloureuse. Et à l'instar de ce même Christ, il endura une agonie effroyable, expiant dans sa douleur les péchés de ses tourmenteurs.
Cet homme… (il désigne sans vergogne cette charogne de Berlinghtam d’un ton accusateur) Egoïste créature, bouffie d’orgueil et de vices aura dans la nuit même laissé libre-court à sa barbarie animalière. Lui, et trois de ses chiens enragés auront violenté et torturé ce vétéran. (regard au portrait puis au cercueil couvert d’hommages avant de reprendre d’une voix puissante et claquante comme un fouet) Sans la moindre honte, ni le moindre remords, ils auront battu cet homme qui a offert sa vie à notre Empire.
Détrompe-toi.
Il est important de graver le message dans leur cervelle.
— Cet homme qui a versé son sang sur nos champs d’honneur. Cet homme courageux et intègre. S’il est abject de constater qu’un tel crime ait pu être commis dans l’une de nos institutions, il n’en est que plus révoltant de constater que l’on piétine allègrement le respect dû à nos héros. N’était-il donc pas assez mutilé pour qu’on ne lacère son torse d’infâmes mots ? Ou bien y a-t-on vu là d’indignes circonstances atténuantes ? (après un temps, sa voix tonna, glaciale dans le jour déclinant) Il est inconcevable qu’une telle ignominie demeure dans le silence d’un palais de justice, ignorée de tous. C’est pour cette raison qu’un châtiment exemplaire a été requis à l’encontre des coupables. Afin que nul ne puisse ignorer leurs crimes, ces hommes seront suspendus au mur des condamnés. Peuple de Monbrina, souviens-toi de ce qu’il en coûte si par malheur l’idée de piétiner nos hommes s’invitait dans ton esprit !
TOUT ÇA…
Les deux brûlent fort bien...
— Crime d’autant plus inadmissible, que c’est à la veille de la marche de nos armées qu’il a eu lieu.
DONC POUR ÇA ?!
VIEUX SALAUD
Et que t’imaginais-tu venant de ma part ?
Il faut bien achever ce qui a débuté.
Les plus grands projets nécessitent les plus grands sacrifices moraux.
Tu seras leur héros à tous.
— Ces hommes, (de nouveau, il les désigne, laissant les sifflements s’exprimer durant quelques secondes avant de les couvrir de sa voix) … ont insulté l’Empire. Ils ont insulté ces soldats, ces hommes que chacun d’entre vous connaisse et côtoie au quotidien. Ils ont insulté ces hommes qui versent leur sang et offrent leur vie pour que vive l’Empire qui vous protège.
DES ENDROITS COMME L’HÔPITAL
GÉNÉRAL EXISTENT ET QUE LES
RUES GROUILLENT DE PAUVRES
Et alors! Cela leur évite au moins de crever de froid ou de s’entasser dans les geôles de la prévôté pour un bol de bouillie insipide !
— Ils ont insulté ces héros qui ont forgé l’histoire de notre Empire et contribué à sa gloire par delà les mers et les siècles. Hier encore, notre voisin osait rompre le pacte de paix gracieusement établi et offert par le Saint-Empire, scellé par un mariage dont il avait lui-même fourni l’épouse. Cette insulte non plus ne demeurera pas impunie.
PIONS CONTRE DJERDAN. J’AURAI
ÉTÉ TOUT AUSSI BIEN DANS LA VERTE
TERRE DE MON PETIT PAYS NATAL
La terre, c’est de la terre.
Et puisqu’il n’était pas possible de te sauver — crois-moi j’aurais autant aimé cela — il ne me restait plus qu’à faire en sorte que ta mort ne soit pas vaine.
Avec ou sans toi, cette guerre aura lieu.
Il se tut, marquant la fin de son discours avant de scander d’une voix puissante les dernières phrases.
— Qui s’oppose à l’empire, craint son courroux !
Gloire au Roi ! Gloire à l’Empire !
C’est de bonne guerre.
Il s'inclina solennellement face au cercueil et se retira sur le dernier fauteuil libre, situé aux côtés de Gérald der Ragascorn.
Coldris de Fromart- Ministre des Affaires étrangères - Ami du grand prêtre du Lupanar
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Césarine observe de manière neutre et compatissant le défilé des condoléances pour les parents d'Edouard. Elle écoute le roi avec un petit goût amer quand elle entend que celui-ci parle plus du défunt comme un serveur de l'empire que comme un être humain, et également quand il se désigne comme le messager du seigneur. Elle ne l'écoute plus au moment de la prière, en faisant une personnelle et intime pour Edouard.
Quand Dyonis parle, elle trouve son discours touchant et espère que ce sont pas que des mots.
Quant à Coldris, son discours la surprend mais elle le trouve très juste. Coldris lui attire un peu de sympathie.
Après nous, un défilé de personnes présenta ses condoléances aux pauvres parents. De certains émanaient une réelle sincérité, là où d'autres ne le faisaient que machinalement. Mais je ne les jugeai point. Ce n'était pas le moment, et qui étais-tu pour savoir quelle était la bonne attitude. J'observai simplement d'un oeil compatissant et neutre ce petit événement, pour maintenir sans trop d'effort ma tête relevée, comme le souhaitait mon père. Autrement, celle-ci serait depuis bien longtemps retombée.
Mais bien vite mon attention fut reprise par le maître suprême des lieux. Le roi s'adressait à la foule. Posant mes yeux sur lui, je l'écoutai poliment, mais son discours me laissa un petit goût amère. Intérieurement, je trouvai dommage que le roi mette l'accent sur la grandeur de l'empire et le soi disant sacrifice du défunt. Aucune once de compassion pour l'homme. Juste un respect pour le sujet de sa majesté. La suite du discours n'était pas vraiment mieux. Se prétendre messager du tout puissant me paraissait tellement extrapolé... mais je n'en montrai rien. Cet empire est ainsi fait, et je devais m'y conformer. Simplement...
Je suivis le mouvement pour la prière au défunt, mais je me fermai un instant les yeux pour m'isoler de l'élocution du roi et faire une prière personnelle et en songe.
Seigneur notre dieu, prends soin de ce malheureux. Accueille-le auprès de toi, et donne-lui le repos qu'il mérite sans oublier de veiller sur sa famille. Amen.
Quand je rouvris les yeux, un autre homme s'exprimait. Le conseiller. Même si son discours était bordés des mêmes attraits que son souverain, à savoir la grandeur de l'empire, celui-ci réussit à te toucher. Il était plus humain, vantant les qualités de quelqu'un qui se battait pour le bien commun, quitte à souffrir pour les autres. Quelques larmes te coulèrent à nouveau sur les joues. Ton père entendit ton petit reniflement et t'entoura les épaules pour t'attirer tendrement vers lui. Doucement, tu posa la tête sur la sienne. Sans rien dire, il te réconfortait, tu te sentais bien contre lui. Un petit soulagement qui te permit de respirer un peu et de souhaiter de tout coeur que les paroles du conseiller n'était pas que un son volatile et sans avenir.
Enfin, un dernier discours retentit. Son ton me surprit, à telle point que par réflexe je redressai la tête. Toujours cette teinte de grandeur empirique, mais au lieu d'un discours compatissant et relatant la vie de ce malheureux, il déborda de reproches pour le commun des mortels qui se trouvait parmi la foule et dont je faisais partie. Il claquait métaphoriquement et intensément le caractère de tout à chacun qui se répugne quand il voit quelque chose de différent. Cette engueulade trouva un bon écho en moi. Je me retrouvais dans cette volonté d'aider mon prochain, d'être à son écoute, de lui redonner foi en l'existence. Bien sûr qu'il était difficile de regarder en face quelqu'un défiguré, mais au fond, on se sentait tellement fier et heureux une fois qu'on la quittait, convaincue de lui avoir témoigné le respect qu'elle méritait...
Cet homme invectivant ce public parfois étonné, m'attira une légère sympathie.
Césarine Florange- Multi-comptes ? : Katarina Sin Miedo
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Pendant que Romain Bellanger, le père adoptif d'andre, et Henri Agaësse, l'oncle d4alexandre, bavardent dans les gradins et n'ont aucune considération pour l'événement, ils ont un choc, en particulier pour papa Bellanger, de découvrir le jeune esclave sur l'estrade aux côtés de Coldris. Henri réalise cependant que ce serait bon pour ses affaires et réfléchit déjà à un plan.
Parallèlement, Alexandre écoute les discours du Roi, de Dyonis et de Coldris. Il est impassible et ne trahit aucune émotion. Il a toutefois un très succinct regard vers Dyonis au moment de la comparaison du Christ. Vers la fin, quand Coldris va s'asseoir, il lui adresse un discret regard de soutien.
Cette cérémonie entière n'était qu'un long ennui durant lequel la majorité des personnes vivants à Braktenn se permettaient d'apporter des condoléances aux parents du défunt sans l'avoir connu. Il ne s'agissait que de la pure comédie, comme eux-mêmes avaient pu en présentant leurs propres hommages. Depuis leur place, les deux beaux-frères conversaient discrètement et évoquaient leurs affaires respectives. La belle affaire que ce mort ! De toute manière, un misérable infirme n'aurait jamais dû mériter de pareilles funérailles. Il existait une hiérarchie sociale et les vers de terre gisaient au plus bas. Quitte à honorer un militaire, ils auraient pu choisir un gradé avec bien plus d'importance.
Lorsque le Souverain rejoignit l'estrade et débuta, son allocution, les deux hommes relevèrent la tête et le libraire faillit avoir un arrêt cardiaque. Son regard fixait une frêle silhouette qui se tenait à proximité de celle respectable du ministre des affaires étrangères.
"L'avorton.. il.. Il fait quoi..."
Henri ne perdit pas le contrôle de ses nerfs. Au contraire, son cerveau fonctionnait à plein régime. Ainsi le jeune Alexandre, fils unique de sa sœur Rosina, se trouvait aussi proche du puissant ministre ? Quelle formidable nouvelle ! Il imaginait déjà de riches possibilités pour exploiter cette information.
"Ton fils semble plus doué que toi pour parler aux puissants."
"Ce n'est qu'un esclave."
L'armateur ne répondit pas. Il 'avait rien contre la pratique de l'esclavage, c'était effectivement rentable, mais rien de pour non plus. Canaliser certaines de ces personnes réduites à rien, surtout celles importées de l'étranger posaient souvent des problèmes. Il préférait de loin de payer des hommes libres, qui se montreraient bien plus volontaires et énergiques, que des esclaves qui rechignaient bien souvent à la tâche. Ce souci semblait être la seule chose qui le rattachait un tant soit peu à sa famille. Depuis sa petite enfance, il avait si souvent entendu ses parents commenter avec négativité les textes qui évoquaient ce sujet, notamment ceux des anciens, bien que quand leur souverain avait adopté cette réforme, Henri n'en avait éprouvé aucune satisfaction. Et de l'inquiétude. Cette main d'œuvre ne lui disait rien qui vaille et l'armateur pressentait que l'empire regretterait à long terme cette décision.
"Tout esclave qu'il soit, lui semble reconnu par le grand Coldris de Fromart. Depuis combien de temps prétends-tu être son ami ?"
"Je ne mens pas ! C'st un ami proche ! Il vient régulièrement me voir !"
"Il vient acheter des livres. Comme on va se faire un costume ou discuter d'un contrat chez un notaire. C'est ton client. Pas ton ami."
"Je suis la première personne qu'il a connu. J'ai lancé sa carrière. Il me doit tout !"
Henri préféra ne pas insister. Son beau-frère aimait trop faire sentir son importance, qui n'en était absolument pas, pour être raisonner. Quand se rendrait-il compte être parfaitement ridicule ? Probablement jamais. il comprenait au fond pourquoi Rosina l'avait un temps quitté. Supporter un tel homme au quotidien n'avait pas dû être facile. Malheureusement, c'étaient les lois des alliances. Son regard se tourna à nouveau vers son neveu.
"Grâce à toi, ce garçon a vu sa mère partir loin. Il est seul. Sans famille. Ce sera facile de le récupérer et de lui proposer de m'introduire dans l'entourage du vicomte. Les affaires pour cette année nouvelles fleurent bons."
Un sourire illuminait son visage austère. Comment soupçonnerait-il qu'il n'en soit autrement ? Par quel miracle ce jeune homme ne plierait pas face à son pouvoir ? S'il était le fils de sa mère, il serait aisément manipulable.
De nombreuses personnes avaient respectueusement défilé devant les parents du malheureux Edouard pour présenter leurs condoléances. Certains sincères, d'autres beaucoup moins. Alexandre contempla de temps en temps le couple avec un pincement au coeur. Il percevait leur malaise et priait pour veux. pour les soutenir dans l'épreuve. En promenant son regard dans la foule, le jeune homme distingua la silhouette des on amant, si beau dans son uniforme, et hocha très succinctement la tête pour marquer son accord de ne pas venir saluer les parents du soldat honoré. Mieux valait ne pas les embarrasser avec l'attitude d'Alduis qui aurait fort gêné de chercher quelques mots à leur dire.
En montant sur l'estrade, tout en maudissant une énième fois les satanées marches qui retardaient sa progression, Alexandre vint se placer près de son maitre. La proximité avec le souverain, qui entamait son discours, le fit un instant frissonner. C'était comme approcher du soleil rayonnant. Or, le mythe d'Icare rappelait ce qui arrivait aux fous imprudents qui osaient défier trop sa chaleur. Son regard se détourna vers la foule surprit dans les gradins son père adoptif et son oncle. Ces imbéciles préféraient parler entre eux plutôt que de se recueillir devant l'âme de l'infortuné Edouard et de paraître un minimum concernés. Il reporta ailleurs son attention. Les étrons flottant dans un caniveau n'apporteraient aucun intérêt à sa contemplation.
Il écoutait parallèlement le discours de sa majesté et songeait que celui-ci ne servait que d'introduction pour les interventions du Premier Conseiller et du ministre. Les phrases étaient cependant belles mais tournées de sorte à de ne pas faire ressentir que le Roi connaissait bien peu la victime de cette tragédie. Même pas du tout. Néanmoins, aux yeux de la foule, ce serait sûrement suffisant. Alexandre éprouva un malaise en entendant que Edouard devenait officiellement un martyr et un Saint. C'était ainsi que les Saints étaient nommés. Après le coup d'une opération qui pourrait être bénéfique pour l'image de la chrétienté ou d'un royaume. Depuis le Ciel, qu'en pensaient-ils ces nobles personnages ? Toute une vie entière passée dans l'anonymat, puis après une mort atroce leur nom passé à la postérité. Cela lui rappelait ses lectures sur les doctrines nouvelles de la chrétienté. De ces visions luthériennes ou calvinistes qui considéraient néfastes que l'on prie les Saints. En son for intérieur, Alexandre se remémorait les avoir bien peu prié, préférant de loin s'adresser au Christ.
Au Roi se succéda le Premier Conseiller. En dépit de sa raideur habituelle, Alexandre percevait l'émotion contenue dans chacun des mots de son discours et des horreurs qu'il s'efforçait de remettre en mémoire. Son regard se dirigea vers la cage où vénéraient les sinistres oiseaux de ces crimes. Il accueillit vers la fin avec satisfaction, tout en demeurant parfaitement impassables, ces réformes sur l'avenir de la prise en charge des infirmes. Bientôt, leur emploi e serait plus aussi difficile. Le seigneur de Frenn veillerait mieux réguler cela et encouragerait les patrons à recruter des personnes dites infâmes. Il ne se souvenait que trop de sa maigre expérience à parcourir la ville, cherchant à démontrer toute sa bonne volonté et ses compétences, et des nombreuses portes qu'on lui avait refermé pour la simple vision de ses béquilles. Sa présence sur cette estrade aiderait-elle à persuader la foule du bien fondé de ces déclarations ? Il l'espérait de tout coeur. S'il pouvait faire quelque chose, même minimum, pour apporter enfin un changement favorable dans le sort de tant d'infirmes méprisés au nom de superstitions absurdes. L'image de son malheureux petit frère, opprimé, reclus par une famille maltraitante, s'imposa dans son esprit et lui serra la gorge. Pour Sébastien, ils devaient construire une meilleure société, où il pourrait s'épanouir dans quelques années, quand il serait en âge d'y chercher sa place.
Ce fut ensuite le tour de son maître de prendre la parole. Alexandre se se tendit dès les premiers mots. Les phrases coulaient bien mais il sentait que la seconde aurait dû être modifié. Pourtant, ce n'était pas faute de l'avoir retravaillé une centaine de foi. Par bonheur, le ministre savait comment la formuler et ne pas la laisser tomber à plat. Son esprit songea pour la prochaine fois à ne pas laisser autant de phrases courtes. Non, c'était une erreur. Il le sentait bien sur cette estrade à l'entendre enfin prononcé. En revanche, les apostrophes sous forme d'interrogation fonctionnaient très bien. Cette partie était la mieux rôdée. Ils auraient réellement dû retravailler encore cette maudite introduction. Plus Alexandre y pensait, plus elle le gênait. Elle n'avait rien de convenable. elle était trop lisse. Trop impersonnelle. Il continua à écouter la suite, plus satisfait, e notant les réactions que cela soulevait dans la foule, puis s'agaça intérieurement de la comparaison du Christ avec Edouard. Sur ce point, il n'avait pas eu à discuter. Son maitre s'était accroché à cette idée, comme toujours amusé à l'idée de jouer avec la religion. Alexandre tourna un très bref instant la tête vers le seigneur de Frenn et le devina aussi gêné que lui-même l'était par cette image. Néanmoins, pour le peuple, elle serait sûrement évocatrice. Il se détendit légèrement quand la suite se tourna enfin vers le sombre directeur reclus dans sa cage. Ils avaient rédigé un laïus accusateur puissant pour bien mettre dans la mémoire collective toute l'horreur de cet individu.
Cela dura encore un petit temps puis le ministre conclut de as voix puissante pour saluer la grandeur de l'empire avant de se retirer vers son siège. Alexandre tourna légèrement la tête dans sa direction et lui adressa un discret signe de soutien.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Eléonore porte son attention sur les discours successifs pour ne pas penser à ses difficultés. Elle regrette un peu de voir Coldris sous ce jour avec tout ce que cela implique. Ses angoisses la rattrapent et elle se fait violence pour ne pas trop les laisser transparaitre. Elle ne peut néanmoins contenir quelques larmes... Elle résiste courageusement à la perspective de se barrer en courant.
Tout allait bien. Si Eléonore ne le sentait toujours pas, c’était du moins tout ce qu’il fallait laisser transparaître. Dans un instant de relâchement, elle eut la maladresse de laisser tourner son regard vers le ministre, et le hasard voulut qu’elle croise le sien. Elle s’en détourna aussitôt : le moment était bien mal choisi.
Trois pression à la base de son auriculaire. Un problème ? Deux dans la paume de Gabriel : non. Ou du moins, pas plus que le situation elle-même. Il pinça légèrement sa paume. Tout allait bien, alors. Une pression dans la sienne : oui, on allait dire que tout allait bien.
Durant cet échange silencieux, le roi avait entamé son discours. Eléonore hésita à s’attarder sur l’analyse, ce qui aurait pu la distraire. Elle y renonça : elle savait déjà fort bien qu’en penser. Elle s’y raccrocha quand même, pour tenter de se défaire de son trouble. Bon, pour l’humilité, on repasserait, mais on ne pouvait nier à leur souverain un certain talent - mais sans doute pas assez pour pervertir son jugement.
Le Premier conseiller lui succéda. Tous corrompus jusqu’à moelle, la jeune femme ne l’avait que trop entendu, mais tout de même, elle se surprit à noter dans son discours quelque chose d’humain, sans savoir s’il s’agissait d’une défaillance de sa raison ou d’une réalité.
Cela n’avait pas tant d’importance, elle le sut d’autant mieux lorsque le troisième discours fut amorcé. Le troisième, prononcé par un homme qu’elle avait connu plus sincère et vulnérable que les autres, et dans les mots duquel elle ne pouvait que repérer cette distance froide qui l’éloignait des horreurs qu’il racontait. Une semaine plus tôt, il lui avait raconté les mêmes évenements avec une émotion réelle, palpable. Elle ne doutait pas un instant qu’il eut été sincèrement touché par les évènements, elle ne le pouvait après l’avoir entendu raconter, de ses phrases si morcelées, si incertaines. Le reste, toute la duplicité qu’amenait inévitablement ses fonctions, elle refusait d’y songer. Pas maintenant, pas maintenant, sinon tout cela allait mal finir. Elle aurait tout le temps de le détester ce soir.
Tout allait bien, lui rappelait Gabriel. Une pression, confirmait-elle alors qu’elle en était presque à lui broyer le bras de l’autre.
C’était étrange de retrouver l’homme qu’elle avait la première fois, dans ce salon. Implacable, imperturbable, invulnérable. D’une présence écrasante, captivante, envoûtante. Dont on ne savait se détourner quand bien même - et plus que jamais - on n’avait qu’une envie et c’était de s’y soustraire. Il était tellement différent de l’homme qui l’avait serrée dans ses bras dans un récit si touchant une semaine plus tôt, ou de celui qui l’avait suppliée de ne pas le laisser, celui qui lui avait écrit un si joli poème. Ou même du fou avec lequel elle ne faisait que rire. C’eut été tellement plus facile qu’il ne soit que le premier, juste pour s’amuser et prendre des risques inconsidérés. Ou que le second dont elle était éperdument amoureuse.
Tout allait bien ? Vraiment, le faisait-il exprès ?! Entre ça et le monde qu’il y avait, comment voulait-il que ça aille. Eléonore ne savait même plus sur quoi il était le plus désagréable de se concentrer : être là, ou bien ce qu’il se passait ? Tout ce monde était oppressant. L’idée d’avoir peut-être par malheur besoin de parler : absolument terrifiante. C’était bête : il n’y avait aucun mur assez proche pour se taper la tête contre. Une larme passa la lisière de ses paupières. Voilà ! Voilà ! Elle avait bien dit qu’elle n’était pas prête ! Elle l’avait dit, répété encore et encore. Elle voulait rentrer. Tout de suite.
Elle se fit violence pour caler sa jambe avant qu’elle ne se mette à trembler. Elle avait mal au coeur. Sa joue était en sang. Gabriel la pinça en sentant sa poigne se resserrer sur son bras. Elle se centra là dessus, ce serait bientôt terminé. Là-dessus, et non sur les souvenirs que cela lui rappelait. Elle détestait les funérailles, et davantage encore quand il s’agissait de militaire. Elle se souvenait de cela, la dernière fois qu’elle était venue à Braktenn. Elle balaya la foule du regard, se demandant si quiconque ici avait été présent cette fois-là. Non, non, cette fois elle ne ferait rien de travers, elle n’avait dit aucune bêtise. Et de toute façon, si cette fois, il n’y avait même rien d’étonnant à ce qu’elle n’ait jamais vu celui à qui ils rendaient hommage.
Nausée. Elle déglutit en un léger bruit. Quelqu’un avait entendu ? Et si quelqu’un avait entendu. Elle prit une profonde inspiration. Ne pas se retourner pour vérifier, surtout. Elle sortit son mouchoir pour essuyer ses yeux. Ce n’était pas grave, ce n’était pas grave, tout allait bien : après tout, il y avait quelque chose d’émouvant à ce genre de cérémonie, elle ne devait pas être la seule à sentir monter les larmes, si ? Si ? Si ?!!
— Tu veux rentrer ? souffla Gabriel à son oreille.
Deux pressions. Surtout pas. Surtout ne pas se précipiter pour fuir, il le disait lui-même. Elle lui pinça la paume. Tout allait bien. S’ils partaient ainsi, en plein milieu de la cérémonie, c’eut eu l’air horriblement suspect et c’eut été pire. Impassible. Il fallait qu’elle soit impassible.
— Tu sais le faire, la rassura-t-il Anne ou Charles aujourd’hui ?
C’eut été trop facile d’être déguisée. Eléonore soupira. Non, c’était elle, c’était bien ça le problème. Se rendait-il compte de l’endroit où ils étaient ? Non, c’était fichu pour les fiançailles, cela semblait clair : elle ne tiendrait jamais dans ces circonstances. Ne pas toucher à ses cheveux ni arracher son manteau. Ne pas remuer bêtement son pied. Elle releva les yeux quand le ministre acheva son discours. Elle serait bientôt rentrée. De plus en plus bientôt rentrée. Il n’y avait eu aucune catastrophe. Pas de problème. Mais plus jamais. Plus jamais. Elle ne voulait plus jamais.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé :
- Hector et Marie rendent son sourire à Joseph avant que la cérémonie ne commence. Ils écoutent le roi avec solennité, tout en songeant à ses paroles et à ce que doivent penser les parents du défunt. Ils écoutent ensuite les deux discours et voient bien les manipulations rhétoriques de Coldris mais saluent tout de même les mesures.
Hector, comte de Beaumont, 27 ans
Dans le cortège des généraux, Hector reconnut Joseph, à qui ils rendit un sourire sincère. Du coin de l’œil, il vit qu’il en allait de même pour son épouse et s’en rassura : si elle souriait encore, c’était bon signe. Et si jamais elle n’arrivait vraiment plus, il ferait appel à Victor.
En attendant, les arrivées s’enchaînent, la foule encadre le cortège, les nobles se saluent et saluent les parents. Le couple observe tout ce manège d’un œil absent pour Marie, concentrée à repousser la tristesse, et attentif pour Hector, prenant garde comme à son habitude à ce qui pourrait déraper ou à voir s’il était une connaissance qu’ils devraient saluer.
La cérémonie commença en tambour. Le roi se leva. Le couple se redressa instinctivement, plus grave encore qu’auparavant, et leurs regards convergèrent vers la silhouette royale. Marie frissonna en entendant la voix puissante et grave du souverain, comme si celle-ci les traversait et les pénétrait. À la mention du Premier Conseiller et du ministre des Affaires étrangères, leurs regards quittèrent un instant le roi pour eux avant de revenir au souverain. Ils ne manquèrent pas d’écarquiller les yeux à la suite. Saint et Martyr… Mais qu’avait donc fait cet homme pour mériter ce traitement ? Voir le Roi s’incliner devant lui, même brièvement, alors que toute la foule se levait, n’était pas non plus anodin. Un inconnu devenait ainsi connu de tous. En formulant cette pensée, Marie tourna la tête vers les parents du défunt, une expression désolée sur le visage. Qu’est-ce que ça faisait, de voir son fils ainsi honoré ? Ils n’en semblaient pas heureux, en tout cas, mais pouvait-on en même temps se réjouir pour un événement nécessitant la mort d’un fils ? Hector, de son côté, en venait à se demander ce qu’avait réellement fait cet Édouard pour mériter ces honneurs.
Le Premier Conseiller arriva sur l’estrade et raconta enfin ce qu’il s’était passé. Marie porta une main à sa bouche, effarée, à ce récit de l’horreur humaine. Hector, lui, resserra son bras autour du sien pour la rassurer tout en se tendant à l’écoute de ces révélations. La voix du Premier Conseiller les traversait tous les deux, les portait dans ses mots et dans son ton. À la fois beau et horrible.
Il en fut de même pour le discours du Ministre, même si Hector doutait qu’il fut totalement sincère. Le comte fut touché par la mesure de fondation de l’Institut des Invalides. En tant que gradé dans l’armée, il était reconnaissant à l’Empire d’enfin se soucier de ceux qui se battaient pour lui sans être nobles. Le reste de son discours ne laissa pas dupe le couple qui, formés l’un et l’autres aux Lettres, voyaient les ficelles derrière les mots. Ils n’en admiraient pas moins la virtuosité de leur marionnettiste.
À la mention du mur des condamnés, Marie resserra sa main autour du bras de son époux et se signa de l’autre. Elle en avait entendu parler mais avait toujours refusé de s’y rendre, tant l’idée de voir des cadavres punis lui était affreuse. Elle se concentra donc sur le reste du discours pour en oublier la vision.
Les discours s’achevèrent et Marie déglutit. Elle demeura droite toutefois, sans rien laisser transparaître qu’un visage grave. L’histoire de ce pauvre homme la touchait. Les traitements qu’il avait subis et que d’autres subissaient encore la révoltaient. La politique la dégoûtait.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
Le couple de Coutrenielle, informé d’une certaine cérémonie à son arrivée deux jours plus tôt, n’avait pas manqué de s’y rendre, tous deux d’accord pour dire qu’il ne serait pas bon d’en être absent puisqu’ils étaient en ville. Sans doute n’était-ce pas le motif le plus noble du monde, mais qui venait réellement par bonté d’âme ?
Marie-Laurence se demandait déjà combien d’indélicatesses elle allait devoir compenser. Euphémien, pour sa part, était absolument en confiance : tout cela, c’était bien son domaine, n’était-il pas ? Un vétéran n’avait-il pas toute sa place dans ce genre d’évènements ?
En allant s’installer, ils avaient salué les parents du défunt, mi par convenance, mi par respect. Monsieur avait trop parlé, comme toujours. A quel moment affirmait-on à des parents endeuillés qu’ils pouvaient se réjouir ? Marie-Laurence, dépitée, avait tenté d’atténuer cette bêtise alors même que son époux filait déjà saluer telle ou telle connaissance plus importance. Le rejoignant, elle avait remarqué Lucinde, et cette apparition l’avait bientôt clouée sur place. Le portrait craché d’Hortense, mais qui ressemblait bien davantage à la baronne par son attitude.
Désormais installé, les Coutrenielle attendaient le début des discours. Marie-Laurence ouvrit la bouche pour lui rappeler quelques informations, aussitôt interrompue par un chuchotement sévère son mari.
— Allons, Madame ! Silence, voulez-vous, le roi va parler !
En effet, il se trouvait que Sa Majesté se levait juste à cet instant. Plus par décence que par obéissance, Marie-Laurence n’insista pas. Elle lui lui rafraichirait la mémoire plus tard. Le baron de Coutrenielle mettait un tel zèle dans son écoute que cela en devenait presque risible, mais la femme ne le commenta point, attentive, et aussi habituée à côtoyer cette énergumène. Elle sentit la main d’Euphémien se refermer sur la sienne, comme pour lui faire partager l’intensité avec il vivait ce moment et tous ceux qui lui ressemblaient. A se demander comment il survivait lorsqu’il s’éloignait de la cour. Enfin, enfin, ils n’était absent que depuis octobre, ce n’était pas si insurmontable.
Elle ne manqua pas d’entendre la prière qu’il formulait à mi-voix pour l’Empire et dans laquelle il mit toute sa foi. Marie-Laurence joua le jeu par convenance : l’amassage de territoire était une histoire d’hommes. C’étaient la stratégie, la puissance - et la subversions - qui faisaient les grands conquérants, pas le recours au Très-Haut. Quoi que l’on veuille accomplir, c’était d’abord sur soi-même qu’il fallait compter, le ciel suivrait peut-être. Voilà bien un commentaire qu’elle garda pour elle-seule, se demandant toutefois si la fille qu’elle avait - littéralement - perdu de vue en était toujours consciente.
Le roi se retirant, ce fut au nouvel employeur de celle-ci que revint la parole. Celui-là qui avait, espérait-elle, reçu sa réponse au sujet de Lucinde. Celui-là que son mari ne devait pas croiser : soit il se ridiculiserait en montrant combien il était ignorant de ses serviteurs, soit il remettrait en doute sa parole quant à sa protégée, ce qu’il était inenvisageable de lui laisser faire.
Euphémien à ses côtés méditait le discours, reconnaissant les intérêts que la haute société de Monbrina - ce qu’il y avait de plus important, évidemment, dans l’Empire - avait dans la charité. Finalement, puisqu’on les lui prêchait, il se laissa bien convaincre. Oui, après tout, si tout le monde était content, chacun à son niveau, ce ne pouvait qu’être bon d’agiter ces drapeaux-là. Et si en maltraitant, ces ingrats flouaient leur pays, bien évidemment ils méritaient leur sort, songea-t-il avec un regard lourd de reproche vers la cage. Ah, cela il irait les voir pourrir.
Un chemin similaire se fit pour les propos du Ministre de la guerre, créant de nouvelles certitudes, comme des évidences que son Excellence faisait émerger. Oui, qui contribuait à la grandeur monbrinienne méritait le respect. Oh, bon, ils devraient aussi féliciter encore davantage leurs gradés, mais après tout, leurs braves soldats méritaient bien leur part. Ah, les champs de bataille lui manquaient, mais soit, il avait passé l’âge des campagnes. Entre la fatigue, l’embonpoint qui l’avait gagné, et son épaule qui ne retrouverait manifestement jamais sa force, il devait bien se résoudre à l’accepter. Enfin, que personne n’en doute, il aurait pu donner sa vie s’il l’avait fallu !
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Alduis assiste aux discours, toujours en se tenant éloigné du reste de la foule. Finalement pas très à l’aise à cette cérémonie, il présente ses hommages - en silence et de très loin - aux parents d’Édouard. Il décide de ne pas s’attarder plus que nécessaire aux funérailles.
Une à une, les places se comblèrent. Alduis resta à l’écart, comme il l’avait prévu, et se contenta de regarder la foule qui se pressait là, en attente des différents discours de la cour. Il repéra le jeune Torienel, repensa à cette chute absurde en cheval…
… quand il remarqua, là-bas, Alexandre. De loin, leurs regards se croisèrent et le jeune homme sembla approuver son choix de rester solitaire. Alduis ne sut dire si cela le rassurait de savoir que son amant approuvait la manœuvre - et remarquait ses efforts pour tenir sa promesse - ou si cela le blessait, pour le fait qu’il ne le pense pas capable de présenter des hommages sans faire de catastrophe diplomatique. Sûrement un peu des deux.
La cérémonie débuta définitivement au son des tambours. Le roi débuta le premier, dans l’ordre des choses, pour faire d’Édouard Josse un Saint-Martyr. Mais au fond, à quoi cela servait-il d’honorer un mort, puisqu’il n’était plus là pour le voir ? Devenir un saint ne changerait rien à son triste sort, sinon à le faire entrer dans les mémoires. Encore que… Même ainsi, on finirait par l’oublier.
Vint alors le Premier Conseiller, toujours honorable. Toujours sobre. Il y avait véritablement quelque chose qu’Alduis admirait chez cet homme. Peut-être - certainement - cette droiture qu’il ne quittait jamais. À n’en pas douter, son discours était empreint de sincérité.
Mais pourquoi fallait-il toujours que tout soit ramené à la religion ? au Christ ? aux saints ? Et comment tout le monde pouvait y croire alors qu’un homme était mort dans des circonstances pareilles ?
Alduis ne savait pas quoi penser de tout cela. Quelque chose, au fond de lui, se sentait terriblement mal à l’aise. Et cette chose-là ne fit que croître quand le visage de son père apparut. Parce que cela lui rappelait qu’il était le fils du troisième homme le plus important de l’empire. Il se serait contenté de moins. De beaucoup moins. Était-ce une forme de faiblesse que de ne pas viser le plus haut possible ? Tout son entourage, Coldris, Alexandre, et même Bérénice dans un sens… Tout le monde avait tant d’ambition.
C’était dans ces moments qu’Alduis prenait conscience de la pleine différence entre eux. Son père était un homme politique, qui maniait les mots avec autant de précision qu’Alduis pouvait se servir d’une lame. Manipuler les foules juste avec sa langue, cela, il ne savait pas faire.
Alduis jeta un regard autour de lui, en se détournant de son père qui continuait de parler. Il observa les parents du défunt. Leur douleur était perceptible jusque-là, même s’il se trouvait loin. Et quand bien même ils ne pouvaient pas le voir, quand bien même ils ne pouvaient pas l’entendre, il inclina la tête dans leur direction.
Puis, il regarda son père de nouveau. Dès qu’il cesserait de parler, Alduis tournerait les talons. Il ne s’attarderait pas plus que nécessaire.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Victor écoute les différents discours et se souvient alors du jeune Pitor, qu’il avait aidé dans une ruelle et qui - selon lui - aurait bien mérité autant de respect. Il vérifie également qu’Hector et Marie n’aient pas besoin de lui.
Des sons de tambours s’élevèrent dans l’air. Depuis sa place, Victor voyait aussi bien l’endroit où allaient être déclamés les discours que ses employeurs, le couple Beaumont, un peu plus en avant, à la place que la noblesse leur réservait.
Avant le début de la cérémonie, l’air était déjà lourd. Désormais, l’atmosphère semblait encore s’être tassée sur elle-même, comme si même le ciel percevait la gravité de la situation. Flottait tout autour un mélange de tristesse, d’indignation pour de tels traitements infligés et de respect pour la mémoire du défunt. Un défunt, pourtant, que si peu ici connaissait... Qui célébrait-on exactement ? Édouard Josse, un inconnu.
Sincérité ? Intérêt politique ? Un peu des deux ? Il était compliqué de démêler le vrai du faux dans les mots que tissaient le Roi, ainsi que le Premier Conseiller et le Ministre des Affaires étrangères. Au fond, peut-être que ce pauvre Édouard Josse - puisque tel était son nom - n’était qu’une pièce de plus sur un énorme échiquier.
Pourquoi cet homme ? Pourquoi cette mort ? Pourquoi cette cérémonie ? Dieu seul le savait. Lui seul pouvait également savoir quels projets envisageait ce gouvernement. Victor avait bien de la compassion pour cet Édouard, mort deux fois pour la patrie, comme le signifiait les discours. Mais ce n’était pas le premier à souffrir. Et malgré ces paroles qui semblaient - et il disait bien sembler - en quête de rédemption, promettre changement, Victor doutait bien que ce soit le dernier.
Il se rappelait ce jeune esclave, ce jeune Pitor, battu dans une ruelle… Ah ! Il souffrait aussi, assurément. Pour autant, il n’était pas prêt de se faire nommer à titre posthume Saint-Martyr. Peut-être l’aurait-il tout autant mérité, néanmoins, pour avoir été séparé de sa famille, pour avoir été vendu et pour devoir travailler et battu à guise. Beaucoup de monde aurait mérité cet honneur, tous de braves gens. Mais beaucoup resteraient ignorés. Ainsi allaient les injustices de la vie.
Par mesure de précaution, il se tourna brièvement vers ses employeurs, pour s’assurer que tout allait bien, et qu’ils n’avaient pas besoin de ses services, pour une chose ou une autre.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Spoiler:
- Joseph cherche du regard Éléonore mais la perd rapidement. Il salue Marie et Hector et remarque Alduis. Pendant le discours, il commence à douter un peu de son engagement, suite à la discussion houleuse avec Coldris. Cependant, les mesures prises successivement lui plaisent bien, notamment celles qui reconnaissent les soldats. Il se met également à compatir avec Édouard, même s'il ne l'a pas connu. Un peu secoué par l'annonce de la guerre qui reprend, surtout par empathie avec ses gars, il reste finalement sur ses positions, à servir l'Empire pour un monde meilleur.
Un temps, Joseph suivit du regard la petite dans la foule. Il songea à la douleur qu’elle avait dû éprouver à la mort de son frère. S’ils se ressemblaient autant qu’ils s’aimaient, cela avait dû être d’autant plus difficile. Cependant, il la perdit assez rapidement et comme il faisait le pied de grue, il ne put rien faire d’autre que grommeler. Dommage, mais il n’avait pas dit son dernier mot. Il pourrait peut-être la retrouver à la fin ou après.
Il vit alors passer le couple Beaumont. Surpris, mais agréablement, il leva discrètement une main en souriant. Ils étaient bien gentils eux deux et Irène serait sûrement ravie de revoir Marie.
Tiens, voilà une tignasse blanche qu’il connaissait bien aussi ! Il était à l’écart, toujours tout seul, comme d’habitude, contrairement aux autres gars. Il soupira. Le pauvre, il allait mal finir en restant toujours à l’écart. Enfin bon, ce n’était pas ses affaires et il avait déjà tenté plusieurs fois de l’inclure, il n’allait pas continuer à l’y forcer si ce n’était pas son souhait.
Il n’eut pas plus le temps de se tourner dans tous les sens pour voir du monde. Le roi entra en scène pour son habituel spectacle. Joseph se redressa, soucieux d’être respectueux. Il n’appréciait pas toujours ses ordres mais c’était leur supérieur à tous, à qui ils devaient obéissance et fidélité. Lui n’était qu’un vague petit général issu des rangs de la bourgeoisie. Même s’il se permettait de lui adresser la parole en de rares occasions, il restait un être à part.
Joseph tendit l’oreille pour mieux comprendre toute l’agitation autour de ce malheureux petit gars. Les métaphores grandiloquentes étaient surtout de mise. Il n’y comprenait pas grand-chose et vu la tête de certains, ce n’était pas mieux. Était-ce parce que c’était véritablement trop compliqué ou pour mieux les perdre ? Il doutait un peu maintenant qu’il s’était frotté à l’oursin des Affaires Etrangères.
Donc en tous les cas, c’est un héros. Bien, ça c’est fait et ils finiront bien par le savoir ! On aurait pas fait tout ce tintouin pour un pauvre paumé égaré hors de son hôpital… Cependant, avant que les deux autres ne prennent la parole pour enfin avoir une explication, voilà que celui qui se trouvait entre quatre planchez à quelques mètres venaient d’être promu Saint ! Et Martyr de surcroît. Joseph se gratta un peu la moustache, se demandant si on avait sollicité Matthieu. Lui qui avait justement rapporté des paroles étranges après son pèlerinage à propos d’infirmes. Il n’avait pas tout compris mais en tous cas, son frère paraissait remonté à bloc et surtout bel et bien redevenu lui-même. Quelque part, cela lui faisait bizarre de retrouver l’âme de l’enfant qu’il avait connu dans un corps d’adulte à qui il associait une toute autre personnalité. Il lui faudrait sûrement un temps d’adaptation mais cela viendrait peut-être après son retour de Rome avec sa petite Jeanne. Il se prit à se demander si le type dans la boite n’y était pas pour quelque chose, tiens… Ce serait une drôle de coïncidence mais ce serait drôle…
Donc voilà, Saint patron de l’Empire et de sa sainte expansion. Joseph serre les dents en espérant que si jamais on lui fait des prières, il leur permettra d’éviter de massacrer des vies innocentes ou d’en réduire d’autres en esclavages. C’est que ça en résoudrait, des problèmes…
Vint alors le Premier Conseiller, bien policé mais qui semble aussi un peu nerveux. Joseph penche la tête alors qu’on aborde enfin le pourquoi du comment. Il serre les dents en entendant parler de ce matérialisme qui prend de plus en plus de place dans leur société. Oh oui, sans ça, ils auraient sans doute moins d’embêtements. Il soupira en songeant que Matthieu avait toujours été révolté contre l’argent gras qui venait corrompre l’Eglise. Oh non, leur seigneur n’aurait pas été content… Il ne l’était sans doute pas du tout d’ailleurs, raison pour laquelle il avait envoyé ce coup de pied dans la fourmilière en la personne de ce soldat maintenant Saint.
Joseph se mordit la lèvre. Pauvre petit… Au final, il avait juste voulu changer les choses et il avait fini broyé pour s’être frotté à plus fort que lui. Joseph ne pouvait que saluer son courage. Il regarda avec un œil différent le cercueil. Ça aurait pu être un des siens… Oh, il en avait enterré des braves garçons et il en avait essuyé des larmes. Lui, il était l’épaule pour pleurer quand ça n’allait pas et le compagnon de beuverie quand il fallait noyer le chagrin. Il ne s’arrêtais pas vraiment pour s’apitoyer, lui. De toute façon, les larmes ne venaient pas. Son père lui avait bien assez répété qu’il fallait être un homme et se retenir. Cela ne lui venait même plus à l’idée maintenant et c’était bien pratique pour rester le roc dans la tempête.
Il écouta la suite et observa d’un œil mauvais la cage des tortionnaires. Il ne pouvait qu’approuver le Premier Conseiller qui semblait investi d’un feu sacré pour parler avec un air aussi enflammé. Si jamais ils parvenaient à appliquer tout ce qu’il énonçait, ce serait déjà un bon coup de balais devant la grande porte de l’Empire ! Il ne doutait d’ailleurs pas de l’intégrité de bonhomme s’il se fiait à ce qu’avait réussi à aligner son frère hier en rentrant avant de s’écrouler sur son lit. Il avait déjà entendu qu’on pouvoir le considérer comme un homme de confiance alors il voulait y croire même s’il craignait que cela risque d’être encore un beau mensonge.
Des hôpitaux généraux qui portaient bien leur nom, en voilà une idée qu’elle était bonne. Comme certains de ses gars atterrissaient là-bas, il serait bien aise que ça change un peu… Il regarda de nouveau le cercueil, l’air un peu vague.
Vint ensuite le fameux ministre. Joseph s’arrangea pour esquiver son regard en tâchant de remplir son rôle de haie d’honneur avec le plus grand sérieux. Après le dernier coup, il tenait à ne pas faire de vague, il avait une épouse, des filles et un fils à retrouver. Il écouta de nouveau, dessinant un peu plus dans son esprit le tableau du garçon. Il frissonna un peu à son injection. Ça, c’était sûr que bien des « bons chrétiens » le devenaient un peu moins dès qu’il avait la frousse. Chienne de vie pour ceux qui en faisaient les frais…
La reconnaissance des héros fit se redresser ses lèvres. Bien. Ça au moins, c’était acquis. Lui n’en demandait pas plus. Il dressa l’oreille à la suite. Ah oui, un hôtel des Invalides, carrément ! Voilà qui allait plaire aux siens. Il osa un regard en arrière et en vit certains soupirer de soulagement. Ah, ils avaient bien raison ! Plus de promesse en l’air, on dirait… Il hocha la tête de même pour le jour des héros. Dis donc, à avoir autant de bonnes idées en début d’année, il n’allait plus beaucoup en rester pour la fin !
Alors qu’il expliquait tout ce que le petit gars avait fait, Joseph laissa l’admiration le gagner. En voilà un Saint soldat qu’il pourrait peut-être prier, moins lointain que Saint-Martin et tout aussi courageux. Bon, la comparaison avec le Christ était peut-être un peu poussée mais bon, le spectacle… Il savait ce que c’était depuis le triomphe. Et il insiste mais là encore, il faut. Au moins, il s’en souviendra.
Il se redressa quand on aborda le vif du sujet. Encore une fois, un regard en arrière. Cette fois, alors que ses gars avaient été réjouis tout le long, ils affichaient maintenant l’image parfaite de l’angoisse sur leur visage. Il allait falloir retourner au front, arracher des terres bout à bout, se demander tous les soirs si on allait revenir… La routine. Lui, ça ne le gênait plus, même si cela lui pèserait peut-être plus cette fois, à cause de Maxime. Il aurait aimé être là les premières fois, avec lui.
Il aborda le vif du vif et Joseph osa lui jeter un regard. Ah oui donc direct, comme ça… De toute façon, il n’en restait qu’un sur ce gros caillou, il allait bien falloir qu’il se fasse avoir comme les autres. Joseph voulait croire qu’ils allaient une fois de plus éliminer des menaces et pacifier le continent, sous la bannière de Leur Seigneur. Cependant, pas sûr qu’elle soit encore très blanche…
Puis enfin, il achève.
Gloire à l’Empire.
Joseph se force à le répéter tout bas. Il doit bien rester quelque chose à sauver. Si jamais ça change comme ils le disent alors ça vaut qu’on se batte. Ça vaut qu’on envoie des gars comme lui prendre une terre. Ça vaut qu’on défende un idéal.
Peu importe si ceux là-haut n’y croient pas vraiment, eux le feront pour eux. Peut-être que ça suffira.
Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- William se perd dans ses souvenirs en songeant à ses propres fantômes puis revient entendant Dyonis et l'encourage d'un regard amical en se rappelant de l'état dans lequel celui-ci est rentré. Puis, il entend le discours de Coldris et n'apprécie pas le ministre, jugeant que celui-ci instrumentalise la mort d'Edouard à ses fins qu'il n'approuve pas.
William se tenait respectueusement les gradins, avec les nombreux badauds rassemblés pour accompagner le soldat jusqu'à sa dernière demeure, avec Lucinde qui était assise près de lui. Il ne prêtait cependant que peu attention à la comptable, l'esprit happé par les fantômes qui revenaient éternellement le hanter. Rien de plus normal en un jour pareil. Son regard se tournait vers le cercueil où reposait le défunt honoré en grandes pompes et son coeur se serrait en remémorant que dix ans plus tôt il n'avait pas existé de belle cérémonie pour commémorer le souvenir de feu le duc de Rottenberg et les siens avalés par les flammes. Le vicaire de l'hôtel particulier avait donné une oraison pour leurs âmes, principalement pour le personnel endeuillé, ravagé par la tristesse, mais sans corps, cela avait si peu de sens. Il n'y avait ainsi pas eu de mise en terre. Rien de concret, ni de symbolique. Cela avait été si difficile pour tous de tourner la page. Si seulement ils l'avaient réellement tourné. William savait n'avoir pas pu réussi. Il ne savait pas laisser partir ses disparus et les souvenirs rattachaient à eux.
Soudain, la voix du Premier Conseiller le sortit de ses sombres pensées et il se fit un devoir de l'écouter bien plus attentivement. Il tenta également de croiser son regard et de lui apporter son soutien pour affronter cette difficile épreuve. Pourquoi avait-il participé à cette maudite soirée ? Pourtant, hier soir, en quittant Frenn, ce dernier avait rapporté assisté à un conseil des ministre. Comment ma politique pourrait-elle dégénérer à un tel point ? Cela restait incompréhensible. L'image de ce matin marquait toujours l'intendant qui avait pâli en le voyant rentrer dans un état pour le moins improbable et même Eldred s'était trouvé sceptique. Ils avaient heureusement travaillé de concert pour l'aider à reprendre des forces et se présenter à la cérémonie dans un meilleur état. Cela semblait avoir porté ses fruits. Le baron s'exprimait sobrement, comme à son habitude, mais évoquait avec émotion le souvenir du soldat et sa bravoure. C'était un excellent discours, porteur d'espoir, qui indiquait les bases sur lequel l'empire serait enfin remanié. Leur souverain avait un sens étrange pour l'organisation des soirées, mais il savait au moins s'entourer des meilleures personnes pour le bien de son pays.
Finalement, le Premier Conseiller céda la place au ministre. Sa voix se voulait puissant et il s'insurgeait contre le peuple. Ses apostrophes lui faisaient penser à un prêcheur du hait de sa chaire d'église. Dans ce discours aux airs de Cicéron moderne, il cherchait avant tout chose à retenir à l'attention en utilisant à ce point l'emphase. Le malheureux Edouard ne comptait à ses yeux. Cela se sentait. Il l'instrumentalisait pour ses seuls fins politiques et prévoyait sans nul doute une nouvelle guerre. Cette résolution de créer un hôpital pour les anciens soldats étaient certes une excellente idée mais l'intendant percevait là la manœuvre pour inciter les hommes du peuple à s'engager et à sacrifier leur vie sur les futurs fronts que l'empire ouvriraient prochainement. Quel malheur ! William s'attrista en songeant aux malheureux dans le futur pays envahi qui verraient leur quotidien paisible se briser. Quelle désolation ! Il avait beau avoir étudié l'histoire et constaté l'évidence que les empires multipliaient sans vergogne les conquêtes, lui ne comprendrait jamais pourquoi ils agissaient ainsi au lieu de cultiver le bonheur de leur peuple.
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Re: Event 10 ¤ Au soldat sans-visage (20 janvier 1598)
- Résumé:
- Nehalan décide de s’essayer à l’analyse sur les discours du roi, de Dyonis et Coldris. Il parvient à saisir quelques notions intéressantes mais il lui reste encore du travail. La cérémonie terminée, il profite d’un court moment de recueillement pour adresser une prière à Edouard avant d’être entraîné par son père en direction du seigneur de Frenn.
En dépit de l’atmosphère grave qui pesait sur la place, des paroles murmurantes s’échangeaient de part en part. Tout le monde voulait comprendre un peu mieux ce qu’il se passait. Aussi, lorsque sa majesté se leva pour ouvrir la cérémonie, les bourdonnements s’atténuèrent jusqu’à se taire complètement. Pour sa part, Nehalan n’avait pas ouvert la bouche. En revanche, il était fermement décidé à ouvrir son esprit pour tenter de décortiquer les paroles qui seraient prononcées par le Roi et ses deux ministres. Il espérait simplement qu’ils ne parleraient pas trop vite, auquel cas il doutait de sa capacité à produire un semblant d’analyse.
Le discours du Roi ne lui parut pas très compliqué. Dès le début, il perçu son désir d’humilité vis-à-vis de son peuple. Cette qualité lui permettait également de donner plus de portée à ses paroles, qui seraient sans doute comprises par tous, y compris les classes les moins instruites. Le retour constant à la grandeur de l’Empire lui posa plus de soucis. A quoi voulait-il faire allusion, exactement ? Monbrina était née d'exploits guerriers auxquels avait participé cet Edouard Josse mais il était mort à présent, et la paix régnait sur le continent. Pourquoi y faire autant référence ? Après tout, de nombreuses personnes mourraient en guerre, et toutes n’avaient pas droit au statut de martyr. Et ce monsieur Josse ne pouvait être décédé pendant la guerre, puisqu’elle était terminée depuis le mois de septembre. Personne n’irait conserver un cadavre pendant aussi longtemps. Si c’étaient ses exploits guerriers qui lui avaient valu ce statut, la cérémonie aurait eu lieu quelques mois plus tôt. Il s’était passé autre chose, mais sa majesté ne comptait pas s’étendre sur le sujet, lui préférant une prière au tout nouveau saint et une nouvelle référence obscure à l’avenir. Quelque chose se préparait. Le tout était de saisir quoi. Pourquoi réaffirmer son autorité en long en large et en travers par tous les moyens possibles ? Pourquoi achever son discours non par un véritable hommage mais par une allusion à la croissance de l’empire ? N’était-il pas déjà assez grand comme cela ? De toute manière, on ne pouvait agrandir indéfiniment un empire… l’océan viendrait apposer ses limites. Et le reste du continent lui était déjà acquis.
Les mots du Premier Conseiller se rapprochaient déjà plus de l’idée qu’il se faisait d’une oraison funèbre. Enfin comprenait-il un peu mieux les raisons de cette cérémonie en grandes pompes. Il ouvrit de grands yeux horrifiés lorsqu’enfin, après avoir utilisé le Christ pour insister sur la gravité des faits, le seigneur de Frenn dévoila ce qui avait été infligé à cet homme et sans doute à tous ceux qui l’avaient précédé dans ces établissements. L’Empire voulait réparer ses erreurs, en cela il l’admirait, mais le jeune homme ne pouvait s’empêcher de se demander comment ils avaient pu laisser une telle chose se dérouler sur le territoire monbrinien, sans même en avoir conscience. La mention d’argent peignit un air interloqué sur son visage. Pourquoi le Premier Conseiller avait-il besoin d’utiliser une valeur aussi primaire pour éveiller les moins sensibles, alors même qu’il lui semblait impossible de rester de marbre face à une telle tragédie ?
Le discours pesant du seigneur de Frenn touchait déjà à sa fin et là encore, Nehalan fut étonné de voir que la péroraison ne s’achève pas sur un hommage au défunt mais une glorification du Saint Empire Monbrinien. Il fronça les sourcils. La part d’ombre cachée par la lumière. Cette dernière phrase tombait comme un couperet. Rendait-on hommage à un héros ou bien plaçait-on le Roi et ses conquêtes sur un piédestal inatteignable ? Et… et si c’était un des objectifs de cette cérémonie ? Renouveler l’adoration que la population avait pour son roi et s’assurer de son obéissance ? Cette hypothèse venait renforcer celle selon laquelle quelque chose se préparait. Mais quoi ?
L’entrée en scène de Coldris de Fromart lui fit redoubler de vigilance. Avec lui il y aurait sans doute des choses cachées et des sous-entendus véreux un peu partout. Il commença par parler de guerre, en écho au discours du Roi. Les choses à ce propos devenaient de plus en plus évidentes. Restait à déterminer l’adversaire. Nehalan frissonna de se faire ainsi accuser de la mort de cet homme qu’il n’avait jamais vu. Pourtant, quelque part, il comprenait en quoi il était coupable. Ce qu’il comprennait également, c’était qu’en rejetant toute la faute sur le peuple monbrinien, le gouvernement de Gérald Der Ragascon devenait intouchable. Et le florilège de questions rhétoriques qui s’en suivit vint consolider cette impression, tout comme le sentiment de culpabilité qui grandissait dans son cœur. Et s’il s’était comporté comme le ministre le décrivait, sans même s’en rendre compte ? L’image pieuse qu’il transmettait par la suite lui fit marquer un temps d’arrêt. Il lui semblait pourtant que le ministre était tout sauf pieux. Souffrait-il d’un problème mental ? Et s’il y avait deux personnes dans la tête de Coldris de Fromart ? Nehalan rejeta vite l’hypothèse. Cet homme lui avait surtout montré qu’il savait très bien faire semblant et qu’il en jouait, aussi se concentra-t-il sur le reste de son propos. La création de cet Institut des Invalides lui semblait une très bonne chose. L’empire était vraiment plein de bonté.
Le Ministre des Affaires Étrangères compléta ensuite le récit de son collègue. Chaque mot rendait la situation de ce pauvre homme plus horrible qu’elle ne l’était déjà. Il jeta un regard à ces hommes terrifiés dans leur cage. Jusqu’où allait la monstruosité humaine ? N’était-ce pas monstrueux aussi de les exposer ainsi, puis de les laisser mourir lentement sur un mur, et ce même s’ils s’étaient comportés en affreuses créatures ? Nehalan préféra revenir à son analyse. A quoi cela lui servait-il d’exposer les choses aussi crûment, sinon à marquer les gens ? Et si cela marquait les gens, cela ne faisait-il pas de cette histoire un exemple de justice, d’autorité pour tous les autres à venir ? Si c’était sans doute quelque chose de cet ordre. D'ailleurs il commençait à trouver cela étrange qu'aucune allusion d'une autre nature ne lui soit encore parvenue. Les avait-il manquées, ou bien le ministre était-il capable de saisir le sérieux de la situation et de ne rien glisser de cette sorte ? Peu importait au final, et il n'avait même pas besoin de s'embêter à les chercher. Il y avait plus important.
La fin du discours du vicomte rendit tout plus clair. Cet homme avait-il une part d’humanité et de sensibilité cachée tout au fond de lui ? Il en doutait sincèrement. Quelqu’un doté d’un semblant d’humanité n’utiliserait pas un martyr pour déclarer une guerre sans que la population ne proteste. Un être humain n’aurait jamais accepté qu’une pauvre jeune femme innocente soit ainsi arrachée à son pays et instrumentalisée de la sorte. Un être humain ne serait pas aussi terrifiant, même s’il devait concéder à cette fin qu’elle transmettait une image de dynamisme et force tout à son honneur. Nehalan dégluti. Qui étaient donc ces hommes au-dessus de leurs têtes qui détenaient le pouvoir de décider qui vivrait et qui mourrait ?
Nehalan resta sonné quelques temps après que la cérémonie ne soit achevée, choqué parce qu’il croyait avoir compris. Qu’allait-il advenir de lui, d’eux, peuple monbrinien, si les hommes qui décidaient de leur destin n’étaient pas humains ? Il préféra chasser ces mauvaises pensées pour se tourner vers le défunt.
Cher monsieur Josse… ou Saint Edouard, que préférez-vous ? C’est étrange de parler à un mort dans ma tête mais si votre âme n’est pas morte et qu’elle entend ce que disent ma tête et mon coeur de là où elle est, je suis désolé de la déranger. Tout le monde doit faire comme moi en ce moment, vous devez être déjà très occupé. Comment fait-on pour réaliser des prières quand on est un saint ? Enfin pardonnez-moi je ne voulais pas vous importuner… Je voulais simplement vous adresser mes excuses les plus sincères. Je ne sais guère si je suis coupable de quelque chose… j’en ai l’impression. Si tel était le cas, pourriez-vous me pardonner ? Mais non en soit cela ne sert à rien de demander une telle chose. Un “te absolvo” n’efface pas les actes, si ? Ils restent gravés dans notre mémoire quoi qu’il arrive. Et… même si votre visage est un peu laid, vous avez de très beaux yeux monsieur Edouard.
Nehalan secoua la tête. Tout cela était bien brouillon. Est-ce que l’âme d’Edouard Josse était bien quelque part ? Est-ce qu’elle avait pu lire dans sa tête ? On ne pouvait pas lire dans les pensées des gens en théorie. Était-ce la mort qui donnait ce pouvoir-là ? Ou bien peut-être ses paroles avaient juste résonné contre les parois de son crâne, sans jamais atteindre qui que ce soit puisqu’on ne pouvait pas lire dans les pensées quand on était un cadavre, comme le père Thierry le lui avait expliqué… Et s’il avait raison ? Nehalan se sentait bien ridicule de parler tout seul dans sa tête… cela ne pouvait pas vouloir dire que le prêtre avait raison et que lorsqu’on mourait on retournait au néant. Cet homme-là ne pouvait pas avoir raison. La thèse qu’il exposait était bien trop affreuse pour être vraie.
J’espère que personne ne ressentira le besoin de venir troubler votre repos avant un moment. Dormez bien.
Leur propre période de recueillement autour de la mémoire d’Edouard Josse achevée, le couple de Torienel se leva, invitant leur fils à faire de même, non sans s’être assurés qu’il était prêt à le faire. Ni l’un ni l’autre ne souhaitaient interrompre prématurément le silence de Nehalan. Chacun avait besoin de temps, il fallait respecter cela.
Quand il eut ouvert les yeux, une main vint se poser sur son épaule pour l’inviter à se lever et à les suivre. Le trio se dirigea vers le seigneur de Frenn en même temps que la foule se mélangeait et que les discussions reprenaient.
Nehalan De Torienel- Aristocratie
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